CAMPINGS SUR LE LITTORAL : QUEL AVENIR? Les campings : un

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CAMPINGS SUR LE LITTORAL : QUEL AVENIR? Les campings : un
n°35
mars 2007
CAMPINGS SUR LE LITTORAL :
QUEL AVENIR?
L’hôtellerie de plein air joue un rôle important dans l’économie régionale. Or les tendances
observées récemment - augmentation du nombre de mobil-homes et de constructions
en dur - et la localisation d’une partie du parc sur le littoral où, entre zones à protéger et
pression foncière, la concurrence est vive, pose des problèmes quant à l’avenir de ce
secteur. La Mission Interministérielle d’Aménagement du Littoral a étudié ces questions.
Quelques conclusions du rapport effectué sont présentées dans ce document.
Eva Bourdat (1)
Les campings : un apport économique important pour la région
L’hôtellerie de plein air représente actuellement le premier
mode d’hébergement touristique marchand au niveau
national avec plus de 8 000 établissements, 3 millions de
lits et près de 100 millions de nuitées par an.
Avec 15,8 millions de nuitées, le Languedoc Roussillon
est en tête des régions françaises pour l’hôtellerie de
plein air. Ses 809 établissements de camping (dont 345
sur le littoral) concentrent 73% de la fréquentation et plus
de 2/3 de la capacité d’accueil régionale en hébergement
marchand.
Les 345 campings littoraux occupent 1 600 ha, soit 17,5%
des zones artificialisées. Ils représentent 12% de la
capacité d’accueil touristique de la région, et surtout 51%
de sa capacité marchande... soit 1,4 million de touristes
en 2004 qui ont dépensé environ 540 millions d’euros sur
le territoire.
La clientèle reste jeune et familiale, mais le secteur a
évolué, notamment en attirant de nouvelles clientèles
à pouvoir d’achat plus élevé. La clientèle étrangère
plébiscite largement ce type d’hébergement touristique,
en particulier les campings haut de gamme (3 et 4 étoiles)
et les campings traditionnels en front de mer.
L’offre a fortement évolué, passant de l’emplacement sec
au mobil-home. Le parc locatif représente aujourd’hui
28,5% du nombre total d’emplacements (soit au niveau
régional 26 700 mobil-homes et 6400 habitations légères
de loisir), avec une très forte progression depuis 2000,
combinée à une augmentation des équipements (piscines
par exemple).
Ce dynamisme génère des retombées importantes : taxe
de séjour (8 millions d’euros), taxe professionnelle, liée
aux investissements pour l’acquisition notamment des
mobil-homes (20,5 millions d’euros).
(1) Eva Bourdat a été chargée de mission à la Mission Interministérielle d’Aménagement du Littoral LR.
Nous la remercions pour sa contribution à la rédaction des « Cahiers »
campings-clubs, parcs résidentiels et campings artificialisés sont majoritaires sur le littoral
Répartition des campings du littoral languedocien et roussillonnais
Taux d'équipements de loisirs
Important
Faible
Taux de
mobil-home
et de HLL
>50%
<50%
>50%
<50%
Type de camping
Camping-club
Camping-club
Camping artificialisé
Camping traditionnel
Parcs résidentiels de loisir
Ensemble *
Situation
En front de Dans le tissu
mer
urbain
10
12
Autre
situation
Ensemble
23
0
33
12
18
31
40
52
66
81
124
164
71
92
170
12
345
Source : recensement MIAL
* Les Parcs résidentiels de loisir ne sont pas compris dans les sous totaux
Si les campings traditionnels restent les plus nombreux,
leur effectif diminue de plus en plus au profit des campings
artificialisés. Les campings-clubs ne sont qu’une
cinquantaine mais ils ont un poids économique important.
Deux types coexistent selon que les emplacements secs
ou les mobil-homes et habitations légères prédominent.
Ils répondent à une forte de demande en particulier des
étrangers. Au total, campings-clubs, campings artificialisés
et parcs résidentiels sont devenus majoritaires.
Les campings sont le plus souvent situés en retrait du
littoral et en zone non urbanisée. Les campings en front
de mer sont minoritaires (20% des établissements).
Mais ils représentent 40% du nombre total de nuitées
et même 50% pour les étrangers. Les campings sous
pression urbaine sont les moins attractifs avec 27% des
établissements et seulement 16% des nuitées.
Dans le Gard, l’offre est limitée mais de qualité et
très artificialisée. Dans l’Aude, à l’opposé, elle reste
traditionnelle. Elle a peu évolué jusqu’à présent mais
présente des prémices d’artificialisation. L’Hérault se
caractérise par une offre polarisée pour les trois quarts à
l’ouest du département et en pleine mutation. Dans les
Pyrénées-Orientales, les emplacements proposés sont
concentrés et très artificialisés, et cela le plus souvent
en dehors du tissu urbain. De manière globale, l’offre
régionale est structurée autour de trois grands secteurs :
Argelès, le littoral perpignanais et l’ouest héraultais.
Une qualité paysagère qui varie selon les types de camping
L’analyse de la qualité paysagère a permis de mettre
l’accent sur des situations très variables selon le type de
camping. Les campings traditionnels en retrait du littoral
sont généralement très verts, au contraire des campings
artificialisés, particulièrement ceux en front de mer.
Alors que les paysages sont reconstitués dans les
campings-clubs, ils sont le plus souvent hérités dans les
campings traditionnels, et en très forte régression dans
les campings artificialisés.
Les éléments proposés dans la Charte paysagère
de la Fédération de l’Hôtellerie de Plein Air peuvent
utilement être appliqués pour les entrées de campings,
l’aménagement des emplacements ou les limites
extérieures qui sont parfois négligées.
La mutation des campings, avec leur densification et
leur artificialisation (mobil-homes, réseaux…) pose
particulièrement problème pour les campings situés dans
les espaces remarquables, les coupures d’urbanisation,
ou la bande des 100m définis par la « loi littoral ». Ces
changements physiques peuvent entraîner des impacts
non négligeables sur les espaces considérés.
58 campings (Aude non compris) sont situés dans des
espaces ainsi définis. La quasi-totalité (51 sur 58) sont
des campings situés en discontinuité urbaine. Une part
importante est localisée dans l’Hérault où 25% des établissements sont positionnés dans des espaces retenus
par la « loi littoral ». Par exemple, alors que l’article L.1464 du code de l’urbanisme stipule l’interdiction des campings dans la bande des 100m, la région compte pourtant
29 campings dans cette bande sur sa partie héraultaise
(communes de Vias et de Sérignan) et les établissements
concernés sont pour la plupart artificialisés.
Les secteurs qui concentrent les plus grandes capacités
d’accueil sont aussi ceux qui sont le plus exposés au
risque d’inondation. 60 campings (Aude non compris)
sont exposés à un risque fort d’inondation.
Les communes littorales sont souvent fortement
concernées par des protections réglementaires et des
inventaires naturalistes (zones naturelles sensibles) :
ainsi en Petite Camargue, dans les basses plaines de
l’Aude ou à proximité des étangs du cordon littoral. Il faut
également ajouter les campings situés sur les massifs
rocheux comme ceux de la Clape ou des Albères. De
fait, les campings situés dans des milieux écologiques
sensibles se concentrent sur les seules communes
d’Aigues-Mortes, Vendres, Fleury, Barcarès et Argelès.
A peine une trentaine de campings sont concernés
et, de ce fait, ils ne mettent pas en cause l’intégrité
des espaces protégés. En revanche, des impacts non
négligeables sur des milieux fragiles, la flore et la faune
peuvent être générés localement par une fréquentation
élevée des lieux proches des campings (piétinement,
stationnement …).
Une nouvelle forme d’urbanisation ?
Mis à part les campings-clubs qui semblent être
durablement inscrits dans une logique touristique
marchande très professionnelle, de nombreux campings
sont susceptibles de basculer vers d’autres logiques
notamment résidentielles. Ceci se matérialise de plusieurs
façons.
► Par l’apparition de « quartiers » de campings
artificialisés isolés du tissu urbain
Ces espaces posent le problème d’un « semblant »
d’urbanisation de zones classées agricoles ou naturelles
dans les PLU. La seule limite à une urbanisation de fait de
ces espaces est l’obligation de conservation de la mobilité,
mais dans les cas où les propriétaires de mobil-homes
deviennent majoritaires les gérants apparaissent de plus
en plus impuissants à faire respecter ces conditions.
Ce phénomène est d’autant plus problématique que
ces terrains deviennent des ensembles sans aucune
cohérence avec le reste du tissu urbain.
► Par le développement de réserves foncières
Parmi les 345 campings du littoral (dont 92 sous pression
urbaine), 45 sont en situation de fragilité foncière. Ils
représentent une surface de 147 hectares. Or la rareté du
foncier dans certaines communes du littoral fait exploser
les prix de vente de ces terrains classés en zones
constructibles et incite leur conversion en terrains à bâtir.
► Par l’apparition de campings « parcs de résidences
secondaires »
Avec la flambée de l’immobilier touchant le marché des
résidences secondaires, le mobil-home devient une alternative compétitive sur ce créneau. Certains gestionnaires se sont spécialisés dans la commercialisation de
mobil-homes sur des terrains de campings qu’ils équipent
en conséquence. On voit également apparaître dans de
nombreux campings artificialisés le développement de
secteurs de mobil-homes dont le propriétaire n’est plus
le gérant. Aménager un secteur « résidentiel » au sein
de son établissement procure en effet une garantie de
revenu importante. Parfois, on observe une tendance à
l’autonomie de certains de ces quartiers.
► Par le développement de l’habitat permanent
L’habitat permanent est strictement interdit dans les campings, mais du fait de l’augmentation des prix du logement, très forte sur le littoral proche des agglomérations,
ce phénomène a tendance à se développer. Toutefois, si
l’on s’en tient à ce qui est mesurable, seules quelques
300 familles étaient concernées lorsque l’étude a été
conduite.
Des questions pour l’avenir ?
►Maintenir des capacités d’hébergement touristique
de qualité dans l’hôtellerie de plein air.
Le camping est un élément fondamental du tourisme régional. Sans prise en compte des aspects qualitatifs, il
risque de se reproduire le même phénomène que pour
certaines résidences secondaires des stations du littoral
qui, construites en masse dans les années 70-80, posent
aujourd’hui des questions très complexes de réhabilitation par rapport aux attentes des clients actuels.
► Des gestionnaires plus professionnels.
Les campings-clubs se distinguent par la qualité de leur
gestion touristique (fonctionnement en réseau, innovation
permanente, écoute fine des évolutions des attentes de
la clientèle), et leur souhait de conserver une majorité de
séjours touristiques marchands. Mais ils demeurent l’exception.
Les gestionnaires de campings traditionnels sont
confrontés à des difficultés économiques et techniques
Méthodologie
Cette étude a été menée par la Mission Littoral entre
décembre 2005 et juillet 2006, dans le cadre d’une
prestation des Cabinets de conseil CREATER et
ECOSYS.
Les objectifs de l’étude étaient les suivants :
■ construire une typologie des campings du littoral
régional.
■ quantifier les différents types de campings.
■mieux caractériser les dynamiques économiques
et leurs stratégies d’évolution.
croissantes et peuvent être tentés d’oublier leur vocation
première.
Faut-il envisager des formes de partenariat permettant
d’accompagner, de soutenir et de former les gestionnaires
de campings traditionnels afin que leurs établissements
ne basculent pas vers des formes de résidentialisation ?
► Des collectivités territoriales plus impliquées.
Les collectivités territoriales prennent progressivement
conscience de la nécessité d’offrir un paysage soigné
pour préserver l’activité touristique. Pour cela, Départements et Communes disposent de plusieurs domaines
d’intervention :
●La desserte des campings : voies d’accès, transports en commun, développement de modes alternatifs, sécurité routière.
●La qualité des plages et des eaux de baignade : problèmes d’assainissement et de propreté résultant de
la présence de campings en bord de mer.
●La collecte et gestion des déchets.
► La prise en compte des campings dans les documents de planification.
L’élaboration du document d’urbanisme à l’échelle communale ou intercommunale constitue une opportunité à
saisir pour redéfinir les règles à prescrire en matière de
gestion de l’hôtellerie de plein air et pour les inclure dans
la politique conduite par les collectivités.
Leur prise en compte dans la réflexion stratégique des
territoires permettrait de faciliter certains arbitrages, de
gérer l’évolution des campings et de clarifier une situation
réglementaire au regard des problématiques du littoral
(fonction touristique ou résidentielle, sensibilité écologique et paysagère, exposition aux risques…).
Plusieurs outils ont été utilisés :
■ entretiens directs auprès de 60 gestionnaires de
campings
■ envoi de questionnaires directifs aux campings
non interviewés
■ photo-interprétation des photos aériennes.
Avertissement : certaines données statistiques
proviennent de la Fédération Régionale de
l’Hôtellerie de Plein Air. Elles ne portent que sur
les adhérants à cette association. Ceci explique
en particulier l’exclusion ponctuelle de l’Aude.