Commission sur l`égalité des chances pour les femmes et les
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Commission sur l`égalité des chances pour les femmes et les
Déclassifié (*) AS/Ega (2009) PV 2 add 7 juillet 2009 fegapv02add_2009 Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes Projet de procès-verbal sur l’audition «Combattre les stéréotypes sexistes dans les médias» qui a eu lieu à Paris le mardi 24 mars 2009 Rapporteuse : Mme Doris Stump, Suisse, Groupe socialiste OUVERTURE PAR M. JOSE MENDES BOTA, VICE-PRESIDENT DE LA COMMISSION SUR L’EGALITE DES CHANCES POUR LES FEMMES ET LES HOMMES Le Président souhaite la bienvenue aux participants. Soulignant que la représentation des femmes dans les médias a un impact sur le rôle de la femme dans la société, M. Mendes Bota rappelle que l'APCE a adopté récemment une recommandation et résolution sur l'image des femmes dans la publicité, à l'initiative de la commission. Celle-ci souhaite à présent s'attacher à un problème plus large - et à se pencher sur la responsabilité des parlementaires pour s'assurer que les femmes soient présentes dans les médias d'une manière juste, et sans stéréotypes. Cette audition devrait permettre de recueillir des chiffres et des données, et d'assister la Rapporteuse à proposer des projets de résolution et de recommandation sur les moyens de lutter contre les stéréotypes sexistes dans les médias. Le Président introduit les membres du panel, et les remercier du travail réalisé pour participer à cette audition. INTRODUCTION PAR MME DORIS STUMP, RAPPORTEUSE La rapporteuse, qui travaille sur cette question depuis plusieurs années, s'interroge sur le lien entre la représentation des femmes dans les médias et la société sexiste. Lorsqu'ils présentent une femme, les médias tantôt s'insurgent, tantôt se moquent d'elles. Dans le cadre de ses fonctions professionnelles, Mme Stump a pu mettre en exergue les représentations sexistes dans les médias. Elle reconnaît que la publicité est autorégulée et qu'il existe des possibilités d'intervenir lorsque les femmes sont réduites à des objets (la ville de Zürich a ainsi récemment interdit une publicité sexiste). Cette audition devrait permettre d'analyser les moyens d'intervention possibles pour la représentation des femmes dans les médias en général. ________________________________ * Déclassifié par la Commission le 8 septembre 2009 F – 67075 Strasbourg Cedex | [email protected] | Tel: + 33 3 88 41 2000 | Fax: +33 3 88 41 2733 AS/Ega (2009) PV 2 add LA REPRESENTATION DES FEMMES DANS LES MEDIAS: ENJEUX ET PERSPECTIVES "Qui figure dans les nouvelles ?" : le Projet mondial de monitorage des medias (Global Media Monitoring Project) • Mme Lavinia Mohr, Secrétaire générale adjointe et directrices des programmes, Association 1 mondiale pour la communication chrétienne (WACC) (Canada) Genre et langage : représentations sexistes dans les médias • Allocution du Professeur Dr Luise F. Pusch, linguiste et écrivain (Allemagne) 2 Le Président remercie les deux intervenantes pour leurs contributions et les chiffres avancés. Il reconnait que l'invisibilité des femmes dans les médias est une réalité dans le monde. M. Oaten souhaiterait savoir si la présence de femmes dans les rédactions améliore la visibilité des femmes dans les médias, et s'il existe des données sur la "culture des héros" relatives aux premières années d'existence de la télévision. Mme Wurm s'interroge sur les moyens de modifier cette situation. En Autriche, à l'heure où l'on travaille sur la réforme de la télévision nationale (ORF), on réfléchit à l'introduction de quotas. Les médias écrits cependant perçoivent moins de subventions. Mme Stump se demande ce qu'il y a lieu de faire lorsque les journalistes ne sont pas conscients du fait que les femmes sont sous-représentées ou invisibles. Mme Mohr indique qu'il existe certaines études indiquant que les femmes journalistes tendent à proposer davantage de sujets portant sur l'inégalité entre les femmes et les hommes. Les journalistes pensent-ils qu'ils pratiquent un journalisme avec des standards élevés ? Il faut espérer que les journalistes ne vont pas nier les faits, qu'ils vont débattre de cette question et se défaire d'habitudes routinières qu'ils suivent de manière inconsciente. Elle estime que les journalistes ne sont pas diaboliques, mais peut-être seulement pas conscients de la dimension du genre dans leur travail. Mme Pusch rappelle que l'arrivée de Rita Süssmuth à un ministère dans les années 1980 avait suscité beaucoup d'attentes et d'intérêt dans les médias. La sous-représentation des femmes au parlement n'incitait pas les médias à parlers d'elles. Trois journaux importants ont fait des efforts, alors que le Spiegel a continué de présenter les femmes de manière inappropriée et de calomnier le concept de féminisme. Mme Pusch note avec intérêt l'idée d'un "réservoir d'idée" (think tank), en rappelant que ce sont les actions menées par un think tank républicain qui ont contribué à l'élection du Président Bush. Après 30 années de recherches, Mme Pusch est persuadée que la solution réside dans les quotas, à l'instar des quotas institués en Norvège dans les conseils d’administration. IMPACT DES REPRESENTATIONS SEXISTES DANS LA SOCIETE La (non) représentation des femmes dans les médias : une approche sociologique • Dr Angelika Paseka, collège universitaire des sciences de l'enseignement de Vienne (Autriche) Comment les journalistes et les photographes utilisent-ils les images pour construire une réalité ? S'appuyant sur les théories de E. Giggens, Mme Paseka note que les journalistes ont parfois recours à des modèles de manière subtile - une pratique qui existe également dans la publicité, où l'on cherche à détourner le consommateur de l'objet que l'on veut vendre. Mme Paseka a réalisé une étude et confronté textes et photos. Dans un reportage consacré aux changements intervenus dans la vie de personnes célèbres (Visa Magasine, 1/2001), les informations portant sur les 3 femmes analysées portent sur leur changement corporel, leur situation de famille - et la raison des changements intervenus proviennent de leur relation à l'homme. Le monde de la femme est caractérisé par la famille, le couple, les enfants. Dans le cas des 14 hommes mis en avant, l'accent est mis sur la carrière, l'engagement politique, la religion, la situation économique - et l'on explique que ces changements sont dus à leur propre succès professionnel et économique, aux décisions qu'ils ont prises. Le monde des hommes est caractérisé par le monde, l'économie, la politique, le métier. 1 Voir discours en annexe Voir Document AS/EGA/Inf (2009) 9 disponible auprès du Secrétariat : « Genre et langage : représentations sexistes dans les médias » 2 2 AS/Ega (2009) PV 2 add Rappelant les théories de la polarisation des sexes développées par Simone de Beauvoir et Marlene Steeruwtiz, Mme Paseka souligne que la représentation des femmes dans les médias s'appuie sur et reproduit ainsi - les stéréotypes traditionnels liés au genre et produit une réalité "médiatique" du monde. Plusieurs exemples montrent que l'utilisation d'une photo et l'évocation qu'elle suscite contrastent le contenu et le fond de l'article. Ce sont ainsi des messages contradictoires qui sont produits: Ce qu'évoque la photo Ce qu'évoque le texte • • • • Visage naturel, pas maquillé Posture penchée Doit se tenir à un mur Eglise dans le coin de la photo • Femme diplômée d'université (études d'économie) • Mère et épouse • A assisté son mari au bureau • Maire • Depuis peu elle s'offre les services d'une personne à domicile - "les chemises de son mari, c'est toutefois elle qui les repasse". • • • • • Le visage n'apparaît pas. Talons aiguilles Bas résille Courte robe Association : sexy, coquette • Le texte relate l'arrivée à la présidence du parlement serbe de Mme Mičic. • La légende de la photo est ambiguë : Nataša Mičic, nouvelle Présidente de la Serbie, en route vers de hautes fonctions. • • • Chevelure au vent Tête penchée vers l'arrière Bouche ouverte Le texte évoque • les qualificatifs qui énervent Mme Mičic (femme attractive, femme rousse, belles jambes, "Nicole Kidman serbe") • l'histoire de sa vie (juriste, organisatrice de manifestations de masse, une femme avec un profil et des moyens de s'imposer). Barbara Schwarz, Maire de Krems (Autrich) Nataša Mičic, alors Présidente du parlement de la Serbie (2001) Nataša Mičic, alors Présidente du parlement de la Serbie (2001) L’intégration par les jeunes des stéréotypes sexistes véhiculés par les médias • Marie-Thérèse Casman, maître de conférence, Université de Liège (Belgique) Mme Casman présente l'étude réalisée à la demande de la direction de l'égalité des chances de la communauté francophone, et réalisée auprès de 1500 écoliers. Sur la base des résultats, la communauté francophone a proposé un programme de sensibilisation des jeunes. Dans un premier temps, un constat a été réalisé sur les stéréotypes sexistes dans les médias, la consommation télévisuelle des jeunes et les représentations sexistes. 35 programmes de télévision ont été analysés. Il ressort de cette étude que : 3 AS/Ega (2009) PV 2 add • • Les hommes sont présentés comme compétiteurs ou idiots, rationnels, doté du sens de l'humour, musclé, leur corps est mis en valeur - ils sont souvent placé spatialement au-dessus de la femme; Les femmes axent leur discours sur l'apparence ou l'état physique, elles sont présentées comme émotives, centrées sur la famille, représentés avec les mains sur les hanches, ou dans des positions couchées, des postures passives, lascives, et un corps morcelé (qui renvoie à une image fétichisée de la femme) ou un corps mis en valeur de façon à évoquer la sexualité. Les jeunes consomment beaucoup de publicité, mais cette consommation varie selon le diplôme de la mère. Les programmes préférés des filles sont les séries, les films, les clips alors que les garçons aiment les films et le sport. 80% des jeunes décident seuls de ce qu'ils vont regarder à la télévision. Un ménage sur deux possède un deuxième poste de télévision, et 30% des jeunes regardent la télévision seuls dans leur chambre. La consommation de télévision reste donc importante et varie selon le sexe, les milieux socio-économiques et leur capital culturel, les goûts sont fortement sexués et le rapport aux stars restent ambivalents. Ces représentations sexistes sont relayées par les groupes de pairs, et entretenues par le rôle de chacun dans la famille. Les garçons sont ainsi plus facilement rémunérés pour l'exécution de taches domestiques que les filles. Les représentations sexuées fortement stéréotypées sont valorisées à l'école par les pairs - et trouvent un écho dans l'organisation familiale - et qui amène le plus grand groupe des jeunes (42%) à penser que "c'est plus facile d'être un garçon dans la vie". La méthodologie retenue pour cette enquête ne permet pas d'établir un lien de causalité entre les stéréotypes sexistes véhiculés par les médias et leur intégration par les jeunes, mais des indices existent. Ainsi, on a pu déterminer un groupe de jeunes "sensibles": la consommation des jeunes (volume, conditions et contenu) peut être mise en relation avec leur conscience des différences entre les programmes de télévision et la réalité, leur estime de soi, ce qu'ils valorisent chez les autres, ou ce qu'ils considèrent d'être plus facile dans la vie (fille ou garçon). Trois éléments sont donc étroitement liés : le type de consommation, le capital culturel des parents, les représentations sexuées. Il convient de développer des outils pédagogiques pour décrypter les messages médiatiques (et mettre ainsi les stéréotypes sexistes à distance et placer le jeune dans une situation de responsabilité). Il faut également instaurer une réflexion globale sur les images véhiculées par les médias et ailleurs. COMBATTRE LES REPRESENTATIONS SEXISTES : QUE FAIRE ? Les recommandations de la Commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias (France) • Brigitte Grésy, Rapporteuse, Inspectrice générale de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS, France) et membre du conseil d'administration de l'Institut européen de l'égalité entre les femmes et les hommes de l'Union européenne Mme Grésy présente l'objectif du rapport de la Commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias, commissionné par Valérie Létard, Secrétaire d'Etat en charge des Solidarités, qui visait à cerner l'intentionnalité des médias. Trois certitudes ont été établies : la responsabilité des médias qui créent un système de valeurs, une opportunité économique avec la révolution numérique et l'apparition de nouveaux acteurs, et enfin une légitimité à agir, au nom d'une certaine idée du féminisme, de la liberté, de l'autonomie et de l'indépendance des femmes. La radio, la télévision et la presse ont été analysés. Quatre indicateurs ont été choisis : • le taux de présence : les femmes apparaissent dans 37% des sujets traités à la télévision, contre 63% pour les hommes; 17% des photos dans la presse hebdomadaire mixte représentent des femmes, alors que 53 % des photos montrent des hommes; • le taux d'expression. Dans les principales radios en France, le temps de parole se répartit comme suit RTL Temps de Femmes 41 % parole France Inter 27 % 73 % Fun Radio 27 %- 73 % 4 Temps de parole Hommes 59 % AS/Ega (2009) PV 2 add NRJ 7 %- 93 % Skyrock 7% 93 % Dans la presse, 11% des sujets des articles dans la presse hebdomadaire mixte portent sur des femmes, contre 36% sur des hommes. A la télévision, les femmes représentent 32% de la durée totale des prises de parole (contre 68% pour les hommes), le temps moyen de parole par intervenant est de 9,1 secondes pour les femmes, contre 12% pour les hommes; • le taux d'identification (comment les femmes sont-elles présentées : par leur nom, leur statut, leur fonction ?). Dans 26% des cas, les femmes interviennent dans l'exercice de leurs fonctions (contre 67% pour les hommes). Les hommes sont présentés comme acteurs du monde, dans l'action et la décision, dotés d'humour, dans une position surplombante alors que les femmes sont présentées dans des positions d'émotion, de victime, de témoin, dans le registre de l'intérieur et de la sensibilité ; • les critères de présentation physique : ainsi, alors que la taille moyenne des Françaises est de 1,63 mètres pour 63 kilogrammes, dans la presse féminine, 85,75% des femmes sont jeunes, 92,75% sont minces et 92,65% sont blanches. Dans cette thématique, les acteurs sont : • les pouvoirs publics : en l'absence de jurisprudence intéressante, les lois ne sont toutefois pas très utiles; • Les instances de contrôles, comme le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA), le Bureau de la Vérification de la Publicité, les instances de contrôle interne sur les médias, mais il existe peu de données sur les femmes (sauf dans le domaine de la publicité), alors qu'il existe une grande discussion sur la représentation des minorités visibles; • Le pouvoir économique (toutes les entreprises ont des chartes internes, des mécanismes d'autorégulation pour porter plainte) mais qui ont finalement eu peu d'impact; • Les associations et les ONG, comme La Meute, les Chiennes de garde, la Barbe, qui Mme décernent des prix mais peu de procès ont été intentés. Le "jeu des acteurs" ne fonctionne pas bien. La Commission a proposé de travailler autour de trois axes : • • • La création d'une mission de régulation de la place de la femme dans l'image. Le Premier Ministre va donner une lettre de mission à Mme Reiser et Mme Grésy pour assurer le suivi annuel des médias, avec une audition annuelle des patrons des médias, l'établissement d'un bilan annuel sur la base des indicateurs utilisés en s'appuyant sur la base de données du CSA dont la mission est la régulation des médias. Ainsi durant trois ans, les médias seront placés sous surveillance ; Une surveillance à l'échelle européenne. La France a proposé à l'Union européenne de préparer des indicateurs de suivi (en l'absence d'indicateurs de suivi de la Plateforme de Beijing) ; Une coopération avec le Ministère de l'Education pour travailler dans les écoles sur l'apprentissage de la lecture des médias. Il s'agit d'un enjeu central, essentiel de la représentation des femmes. La responsabilité des médias : bonnes pratiques • Pamela Morinière, responsable des programmes sur l’égalité des genres, Fédération internationale /européenne des Journalistes Mme Morinière présente le travail de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), qui défend la liberté de la presse, les missions de service public et le journalisme éthique. Un code de bonne conduite a été élaboré en 1954, qui protège les sources, mais fait obligation de ne pas diffamer ou discriminer selon le sexe. L'utilisation de stéréotypes entache la véracité de l'information et la crédibilité des journalistes. La FIJ a développé quatre axes de travail : • L'initiative pour un journalisme éthique vise à promouvoir le journalisme de qualité et a fait l'objet d'une publication en 2008. Les données du Global Media Monitoring Project constituent des données de référence. Un site web a été créé. La FIJ a adopté une résolution sur l'égalité des genres et la non utilisation des stéréotypes ; 5 AS/Ega (2009) PV 2 add • Le projet "portraying politics" permet de mettre en avant les bonnes pratiques. L'initiative d'une télévision régionale suédoise permet d'assurer une revue régulière du nombre de femmes et d'hommes qui apparaissent à la télévision. Grâce à ce monitoring, cette télévision régionale est moins discriminatoire envers les femmes. Les femmes représentent ainsi 52% des sujets d'actualité. Dans le cadre du projet "portraying politics", la FIJ a travaillé avec plusieurs télévisions publiques en Europe et des organismes de formation de journalistes. Un kit inclut des questions et des thèmes pour susciter le débat sur la place de la femme en politique. Cinq thématiques sont abordées : Les femmes sont invisibles dans l'information; Elles s'expriment sur des sujets dits "soft"; Elles sont interrogées sur la conciliation de leur vie privée et professionnelle; La gestion des émotions en politique; Le rôle du journaliste et les choix qu'il opère pour retenir des images, des lieux, des musiques. Mme Morinière présente plusieurs extraits inclus dans le DVD préparé par la FIJ : • Le séminaire "Stop au sexisme dans les médias" organisé à Moscou en 2008 s'est penché sur l'utilisation des stéréotypes en Russie. Le syndicat des journalistes russes a présenté une exposition mettant en avant les magazines les plus sexistes. Alors que 80% des journalistes sont des femmes, la plupart des patrons de presse sont des hommes. Les femmes continuent à être représentées comme des femmes au foyer. Les sujets sur l'égalité des femmes et des hommes sont censurés ; • Enfin, en novembre 2008, la FIJ a adopté une résolution sur la violence à l'égard des femmes, qui est un sujet peu couvert, ou mal couvert par les médias. L'accent a été mis sur la manière adéquat d'utiliser des termes appropriés et précis (ne pas confondre traite et prostitution par exemple), de donner des informations sur le contexte, de parler des agresseurs, d'interviewer les femmes agressées (et de préserver leur anonymat), d'utiliser des sources fiables et de donner des numéros d'appels d'urgence. En conclusion, Mme Morinière préconise de diffuser les données recueillies par le GMMP et de les faire connaître, de contribuer à la formation du débat (aujourd'hui, on parle beaucoup de diversité et pas d'égalité). Peu de femmes sont propriétaires de médias, mêmes si la profession se féminise lentement. L'Association des femmes journalistes a ainsi recensé 17% de femmes journalistes en 1995, et 18% en 2007. Au cours de la discussion, Mme Keleş note que la représentation des femmes dépend du parti politique auquel elle appartient. Les femmes des partis d'opposition ont un accès réduit aux médias. Elle s'interroge également sur l'évaluation des politiques de médias visant l'égalité des sexes. Mme Williams se demande si les stéréotypes sexistes aident à faire vendre et constitue un argument de marketing. Se référant à l'un des talk show animé par Sabine Christiansen dans lequel n'étaient invités que des hommes, Mme John-Calame note que le contenu journalistique des émissions gérées par les femmes n'est pas fondamentalement différent que ceux des hommes. Mme Wurm déplore l'absence de femmes sur les plateaux de télévision lors des débats et constate que le capital et le pouvoir reste dans les mains des hommes. Comment est-il possible de changer la situation ? Elle souhaiterait connaître le fonctionnement des think tanks américains. Mme Pusch rappelle que Mme Christianssen s'est rendue célèbre pour avoir voulu être une femme "parmi les hommes". Pour favoriser l'élection de Georges Bush, les conservateurs américains ont investi de l'argent dans les think tanks pour préparer le terrain de l'élection présidentielle. Mme Grésy souligne le jeu des nouveaux acteurs dans le paysage des médias : les femmes qui accèdent aux postes de décision doivent se mobiliser. De nombreuses femmes journalistes sont des grands reporters : elles sont bien payées, loin de la capitale, mais pratiquent un journalisme d'hommes. Les scénaristes femmes ont pour leur part indiqué être prises par la "pyramide de la peur", au nom "des recettes du succès" : seules les héroïnes secondaires peuvent tromper leur mari. Il faut travailler sur le jeu des quatre acteurs, notamment l'autorégulation des médias et la société civile qui bouge. Pour expliquer l'absence de femmes dans les colloques, Mme Grésy indique que l'on se sent bien dans des réunions où se trouvent 30% de personnes de l'autre sexe. Ainsi certaines femmes refusent d'être "confrontées" à 8 hommes, rompus aux débats. Mme Morinière ajoute que les femmes ne souhaitent pas toujours s'exprimer. Une liste d'expertes et de consultants a été créée en Belgique pour y remédier. Mme Mohr estime qu'il faut travailler avec les principaux éditeurs pour élaborer de nouveaux standards. En matière de diversité, certaines pratiques sont devenues inacceptables, et 6 AS/Ega (2009) PV 2 add cette tendance a été développée à l'intérieur de la profession. La même chose devrait se réaliser en matière d'égalité entre les sexes. Son organisation souhaite davantage de codes de conduites et de pratiques qui doivent être adoptés, mis en œuvre et monitorés. CONCLUSIONS DE LA RAPPORTEUSE Mme Stump remercie les intervenantes, dont les contributions, assorties de suggestions et d'actions concrètes, seront utiles pour tracer les lignes directrices du rapport. La rapporteuse signale les travaux récents menés par le Comité directeur sur l'égalité entre les femmes et les hommes (CDEG) qui seront pris en compte dans la préparation du rapport. Mme Stump rappelle qu'elle a enseigné les représentations des femmes et a été confrontées aux préjugés qui étaient perceptibles dans les questions posées par les étudiants. Elle souhaitera mettre en avant la question des responsabilités, des bonnes et mauvaises pratiques pour réaliser un travail de synthèse qui constituera une contribution au travail du Conseil de l'Europe dans ce domaine. La réunion est close à 13 heures. 7 AS/Ega (2009) PV 2 add Liste des participants Experts Doz. Dr. Angelika Paseka Pädagogische Hochschule Wien (University College of Teacher Education, Vienna) Grenzackerstraße 18 1100 Wien Telefon: +43-1-60118/3917 E-Mail: [email protected] ; [email protected] Mme Marie-Thérèse Casmans rue des Fraisiers, 73 B- 4041 Vottem Belgique E-mail: [email protected] Prof. Dr. Luise F. Pusch Institut für Frauen-Biographieforschung Jakobistrasse 9 D-30163 Hannover Germany E-mail: [email protected] Telefon: +49 0511-664057 Telefax: +49 0511-392433 Ms Pamela Morinière Responsable des programmes sur l’égalité des genres International/European Federation of Journalists Résidence Palace Rue de la loi 155 1040 Brussels Belgique E-mail : [email protected] Ms Brigitte Gresy Inspectrice générale de l'IGAS 39-43 quai André Citroen 75739 Paris cedex 15 Tel : 06 13 73 08 83 Ms Lavinia Mohr Deputy General Secretary and Director of Programmes, WACC World Association for Christian Communication (WACC) 308 Main Street, Toronto, M4C 4X7 Canada Email: [email protected] Telephone: +1 416-691-1999 ext. 223 8 AS/Ega (2009) PV 2 add Parliamentary Assembly of the Council of Europe Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe Committee on Equal Opportunities for Women and Men Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes Parliamentarians / Parlementaires st er Mr José MENDES BOTA (Portugal), 1 Vice-Chairperson / 1 Vice-Président Mr Ms Ms Ms Ms Ms Mr Ms Ms Ms Ms Mr Ms Ms Ms Ms Ms Mr Ms Ms Ms John AUSTIN (United Kingdom / Royaume-Uni) Oksana BILOZIR (Ukraine) Olena BONDARENKO (Ukraine) Anna ČURDOVÁ (Czech Republic / République Tchèque) Sónia FERTUZINHOS (Portugal) Alena GAJDŮŠKOVÁ (Czech Republic / République Tchèque) Attila GRUBER (Hungary / Hongrie) Francine JOHN-CALAME (Switzerland / Suisse) Birgen KELEŞ (Turkey / Turquie) Christine McCAFFERTY (United Kingdom / Royaume-Uni) Nursuna MEMECAN (Turkey / Turquie) Mark OATEN (United Kingdom / Royaume-Uni) Klara SANDOR (Hungary / Hongrie) Miet SMET (Belgium / Belgique) Darinka STANTCHEVA (Bulgaria / Bulgarie) Doris STUMP (Switzerland / Suisse) Tatiana VOLOZHINSKAYA (Russia / Russie) Marek WIKIŃSKI (Poland / Pologne) Betty WILLIAMS (United Kingdom / Royaume-Uni) Karin S. WOLDSETH (Norway / Norvège) Gisela WURM (Austria / Autriche) Secretaries of delegations / Secrétaires de délégations Mr Mr Viacheslav LOKSHYN (Ukraine) Pavlo MATYUSHA (Ukraine) Committee on Equal Opportunities for Women and Men / Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes Ms Ms Ms Ms KLEINSORGE, Head of the Secretariat / Chef du Secrétariat AFFHOLDER, Co-Secretary to the Committee / Co-Secrétaire de la Commission DEVAUX, Deputy Secretary to the Committee / Secrétaire adjointe de la Commission BUTLER, Assistant / Assistante 9 AS/Ega (2009) PV 2 add ANNEXE Le Projet mondial de monitorage des médias : vers une représentation paritaire des femmes et des hommes dans les médias d’information, par Lavina Mohr Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Mesdames et Messieurs, Je vous remercie de m’avoir invitée à l’occasion de cette audition publique sur la lutte contre les stéréotypes sexistes dans les médias. J’espère que ma contribution vous aidera pour la préparation, le moment venu, de recommandations à l’Assemblée parlementaire. A quoi ressemblerait le monde de l’information s’il était sensible au genre ? A quoi ressemblerait-il s’il contribuait à l’égalité entre les femmes et les hommes ? Les médias peuvent être de formidables moteurs de changement dans le sens d’une plus grande égalité entre les sexes et d’une prise de responsabilité des femmes. Ils sont en effet une source centrale et omniprésente de modèles culturels et de valeurs sociales. Or dans de trop nombreux pays, ils accroissent l’injustice faite aux femmes. Que ce soit ouvertement ou de façon plus subtile, ils perpétuent trop souvent une vision stéréotypée négative des jeunes filles et des femmes qui, à son tour, engendre et renforce une discrimination fondée sur le sexe. Cela est vrai pour les médias de divertissement comme pour les médias d’information. Imaginez à quel point le paysage médiatique serait différent si les médias pratiquaient l’égalité entre les femmes et les hommes. Non seulement nous assisterions à la disparition des stéréotypes sexistes flagrants, mais aussi – et c’est peut-être encore plus important –, nous verrions augmenter massivement la place consacrée à la vie et aux préoccupations des femmes, à leurs actions, à leurs connaissances et à leurs compétences, à leurs centres d’intérêt, à leurs opinions et à leurs points de vue. Les jeunes filles et les femmes verraient ainsi s’ouvrir de nouveaux espaces pour réaliser leur potentiel. Le Global Media Monitoring Project ou GMPP – en français Projet mondial de monitorage des médias – est le plus vaste projet de surveillance des médias et de recherche longitudinale qui ait jamais été entrepris, au niveau du terrain et dans la durée, sur la représentation des hommes et des femmes dans les médias d’information du monde entier. Il est aussi la plus importante initiative au monde en faveur d’un changement de la représentation des femmes dans les médias. En 1994, la WACC (l’Association mondiale pour la communication chrétienne), en collaboration avec deux autres partenaires, a organisé à Bangkok une conférence sur la communication au service de la prise de responsabilité des femmes. Cette conférence a largement contribué à mobiliser les soutiens en vue d’une reconnaissance officielle des questions relatives aux femmes et aux médias lors de la quatrième Conférence des Nations Unies sur les femmes, tenue à Beijing en 1995. Le Programme d’action de Beijing, adopté à cette occasion, définit deux objectifs stratégiques à sa section J : J.1 Permettre aux femmes de mieux s’exprimer et de mieux participer à la prise des décisions dans le cadre et par l’intermédiaire des médias et des nouvelles techniques de communication ; J.2 Promouvoir une image équilibrée et non stéréotypée des femmes dans les médias. C’est à la conférence de Bangkok qu’a pris forme l’idée d’étudier, sur une journée, la représentation et l’image des femmes dans les médias. Elle répondait au souci des militantes féministes de placer la question de la responsabilité des médias au cœur du débat sur les inégalités entre les sexes. Le rapport de la première journée mondiale de monitorage des médias a été présenté au forum des ONG de femmes à Beijing en septembre 1995. Cinq ans plus tard, en 2000, la WACC a coordonné le deuxième Projet mondial de monitorage des médias pour évaluer si et en quoi l’image des femmes et des hommes avait changé depuis la première étude. Le troisième GMPP s’est déroulé en 2005, là encore coordonné par la WACC. Le 16 février 2005, le personnel des salles de presse à travers le monde a vaqué à ses occupations comme à l’accoutumée. Mais pour les groupes qui, aux quatre coins de la planète, se sont réunis pour observer leurs médias d’information dans le cadre du projet de la WACC, ce n’était pas une journée ordinaire. Parmi les bénévoles, on comptait des organisations de défense des droits des femmes, des groupes de citoyens, des associations de professionnels des médias, des associations locales, des étudiants et des chercheurs. Cette photo montre par exemple un groupe d’observateurs en Roumanie. 10 AS/Ega (2009) PV 2 add Après des mois de préparation, des centaines de bénévoles dans 76 pays ont analysé près de 13 000 reportages diffusés à la télévision, à la radio et dans la presse écrite. Ces reportages portaient sur plus de 25 000 sujets – personnes interviewées ou dont il est question dans l’article ou le reportage. Ils émanaient de plus de 14 000 journalistes et présentateurs de radio et de télévision. Lors de l’analyse des données, un système de pondération a été appliqué pour obtenir des résultats globaux qui tiennent compte du nombre d’habitants de chaque pays ainsi que du nombre de médias dans le pays et de leur diffusion. 3 Des bénévoles de 23 pays membres du Conseil de l’Europe ont participé au projet en 2005. Pour les besoins du rapport, l’Ouzbékistan a été inclus dans l’Europe, d’où un léger biais sur les moyennes obtenues pour cette région. L’étendue de l’étude, et donc sa fiabilité, a été variable d’un pays à l’autre ; c’est en Italie que le nombre de nouvelles observées a été le plus élevé et en Géorgie qu’il a été le plus faible. Au total, le nombre de nouvelles observées dans l’ensemble des pays européens participants s’est élevé à 9 451. Il ressort des données recueillies que le monde que nous présentent les médias est un monde où les femmes sont pour ainsi dire invisibles. Les femmes sont très largement sous-représentées dans l’actualité. En 2005, au niveau mondial, seulement 21 % des sujets des nouvelles étaient des femmes. Sur l’ensemble des personnes figurant dans les reportages, on compte donc quatre hommes pour une femme. La situation n’a pratiquement pas évolué depuis 1995 – à l’époque, seulement 17 % des personnes vues et entendues dans les informations étaient des femmes. Malgré le léger progrès observé en dix ans, la situation demeure catastrophique. L’Europe se situe à cet égard dans la moyenne mondiale. Elle devance l’Afrique, l’Asie et le ProcheOrient mais se place derrière les Caraïbes, l’Amérique latine, l’Amérique du Nord et le Pacifique. Les voix des hommes dominent dans les nouvelles « sérieuses ». On entend rarement les points de vue de femmes sur les thèmes les plus présents dans l’actualité. Il n’y a pas un seul domaine important de l’information dans lequel les femmes figurent en plus grand nombre que les hommes. Dans les nouvelles relatives à la politique et au gouvernement, seulement 14 % des sujets sont des femmes. Dans les informations sur l’économie et les entreprises, elles ne sont que 20 %. Or ces thèmes sont ceux qui dominent l’actualité. Même dans les reportages qui touchent profondément les femmes, par exemple sur la violence fondée sur le genre, les voix masculines l’emportent. Sur ces thèmes, on entend deux hommes pour une femme. Lorsque les femmes figurent dans les nouvelles, c’est le plus souvent en tant que « vedettes » – célébrités ou altesses royales – ou que personnes « ordinaires ». On dit souvent que les médias influent sur le choix des priorités. Les femmes et leurs préoccupations, leurs opinions, leurs expériences, leurs actions, leurs connaissances et leurs compétences sont pratiquement absents du paysage médiatique. Leur invisibilité laisse entendre qu’elles ne sont pas importantes. C’est peut-être la forme la plus insidieuse et en même temps la plus grave de stéréotypes sexistes diffusés par les médias d’information. Elle légitime les attitudes à l’origine d’actes discriminatoires de toutes sortes, y compris la violence fondée sur le genre. Femmes politiques au parlement et dans les nouvelles Pays % parlementaires femmes % femmes politiques dans les nouvelles Suède 46 28 Pays-Bas 40 19 Portugal 25 2 Estonie 20 7 3 Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Estonie, Finlande, Géorgie, Allemagne, Hongrie, Irlande, Italie, Malte, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Roumanie, SerbieMonténégro, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni 11 AS/Ega (2009) PV 2 add Irlande 14 17 Italie 12 2 Moyenne 24 13 Passons maintenant à une question qui devrait intéresser tout particulièrement les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Depuis quelques années, les effectifs féminins se sont considérablement accrus dans les parlements européens. Toutefois, cette évolution ne s’est pas accompagnée d’une progression équivalente dans la couverture médiatique des personnalités politiques en Europe. La proportion de femmes parmi les responsables politiques apparaissant dans les nouvelles va de 31 % en Norvège à 2 % au Portugal et en Italie, avec une moyenne européenne de 13 %. Ces chiffres sont à comparer avec la proportion effective de députées femmes à la même date, comprise entre 46 % en Suède et 6 % en Grèce, avec une moyenne européenne de 24 %. Je n’ai pas le temps ici de citer les chiffres détaillés pour tous les pays d’Europe. Je n’en mentionnerai donc que quelques-uns : au Portugal, les femmes représentent 25 % des députés et 2 % des personnalités politiques apparaissant dans les informations ; en Italie, elles sont 12 % au parlement et 2 % dans les nouvelles. Pour des données détaillées sur 30 pays européens, je vous renvoie à la boîte à outils « Portraying Politics. A toolkit on gender and television », établie par un consortium de radiodiffuseurs publics européens et la Fédération européenne des journalistes. Les commentaires d’experts sont le fait des hommes ; les femmes sont préposées aux réactions personnelles. Dans la majorité écrasante des cas, les avis d’experts entendus dans les nouvelles sont émis par des hommes. Ces derniers, avec des proportions de 86 % et 83 % respectivement, dominent parmi les porte-parole et les experts. Même les témoins oculaires et les représentants de l’opinion publique sont aux deux tiers des hommes. Les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes d’apparaître en temps que « victimes ». Les femmes ont une place centrale dans une nouvelle sur dix. Afrique Asie 10 % 8% Caraïbes 15 % Europe 10 % Amérique latine 14 % Proche-Orient 6% Amérique du Nord 20 % Pacifique Toutes régions 9% 10 % Aux fins de notre étude, deux types de nouvelles sont définies comme des nouvelles où les femmes occupent une « place centrale » : d’une part, les reportages s’intéressant directement à une femme ou à un groupe de femmes ; d’autre part, les reportages consacrés à des questions touchant les femmes d’une manière spécifique – par exemple le chômage des femmes. En Europe, les femmes ont une place centrale dans seulement 10 % des nouvelles, ce qui correspond à la moyenne mondiale. L’Europe se place derrière les Caraïbes, l’Amérique latine et l’Amérique du Nord. Cette dernière se distingue des autres régions, avec un reportage sur cinq axé sur des femmes : les femmes occupent une place centrale dans 19 % des reportages aux Etats-Unis et jusqu’à 23 % au Canada. Les femmes occupent encore plus rarement une place centrale dans les nouvelles politiques et économiques, qui constituent l’essentiel de l’actualité. Elles ne figurent que dans 8 % des nouvelles politiques et – si incroyable que cela paraisse – dans à peine 3 % des nouvelles économiques. Même 12 AS/Ega (2009) PV 2 add dans les domaines où une proportion relativement élevée des sujets de nouvelles sont des femmes (éducation, garde des enfants, consommation, sida), elles sont rarement au centre de l’information. A part dans les reportages consacrés à la criminalité et à la violence, où elles occupent une place centrale dans 16 % des cas, les femmes ne figurent de façon centrale que dans des reportages sur des questions marginales par rapport aux grands thèmes d’information. L’égalité/l’inégalité entre les femmes et les hommes n’est pas considérée comme un sujet d’information intéressant : dans le monde, 96 % des reportages n’attirent pas l’attention sur les questions d’égalité ou d’inégalité qui pourraient avoir un lien avec le thème dont ils traitent. Les reportages saisissent rarement l’occasion d’analyser les enjeux d’une manière qui tienne compte des différences de perspective entre les femmes et les hommes. Un article traitant de la législation en matière de divorce qui ne s’appuie que sur des sources masculines ; un reportage sur le chômage national qui ne s’intéresse pas aux différences d’impact sur les femmes et sur les hommes – autant d’occasions manquées d’enrichir et d’élargir l’angle d’information en multipliant les sources et les points de vue. A tel point que l’on pourrait dire que l’ensemble de la production des médias d’information dans le monde est une gigantesque occasion perdue. Les nouvelles renforcent deux fois plus souvent les stéréotypes sexistes qu’elles ne les remettent en question. Partout dans le monde, les informations colportent des stéréotypes flagrants. Mais cela va bien au-delà de l’exposition gratuite du corps de la femme (bien que les photos présentent bien plus souvent des femmes que des hommes) : beaucoup de reportages utilisent un langage et des images qui font subtilement ressortir les stéréotypes sexistes. Ils perpétuent implicitement des idées préconçues sur les rôles des femmes et des hommes – ils le font insidieusement à travers le choix du langage et des images et par l’accent qu’ils placent sur certains aspects de l’expérience masculine ou féminine. Des stéréotypes insidieux : identification des sujets de nouvelles par leur situation familiale Femmes sujets de nouvelles Hommes sujets de nouvelles Afrique Asie 19 % 17 % 5% 6% Caraïbes 16 % 3% Europe 16 % 5% Amérique latine 22 % 5% Proche-Orient 12 % 3% Amérique du Nord 17 % 7% Pacifique 6% 3% Dans le monde, les femmes sujets de nouvelles sont deux à quatre fois plus susceptibles d’être identifiées par leur situation familiale que les hommes sujets de nouvelles. En moyenne, 17 % des femmes sujets de nouvelles sont identifiées de cette manière, contre 5 % des hommes. L’Europe se situe aux alentours de cette moyenne. Il s’agit là d’une disparité tout à fait notable entre les sexes. Même lorsqu’elles interviennent en qualité de personnes faisant autorité, par exemple porte-parole ou expertes, les femmes n’échappent pas à cette identification familiale. On voit le message sous-jacent : alors que les hommes sont valorisés en tant qu’individus autonomes, le statut des femmes est considéré comme découlant principalement de leur relation à d’autres personnes. C’est de ces relations, plus que de sa qualité d’individu autonome, qu’une femme tire son autorité. L’un des grands combats menés par les femmes depuis des années est la revendication de leur identité propre et de leur autonomie en tant que personnes. La tendance à les définir dans les nouvelles par leur situation familiale – alors que ce n’est pas le cas pour les hommes – compromet ce combat et renforce les stéréotypes sur les rôles des femmes dans la société. Cet état de choses semble toutefois évoluer dans le bon sens : au niveau mondial, la proportion de femmes sujets de nouvelles identifiées par leur situation familiale a baissé de 4 % entre 2000 et 2005. 13 AS/Ega (2009) PV 2 add Conclusions On dit que les médias sont un organe vital de la démocratie. Si c’est le cas, alors la société démocratique a du souci à se faire pour sa santé. En Europe, comme ailleurs, les femmes ne font toujours pas l’actualité. On note toutefois quelques progrès depuis dix ans. La représentation des femmes a en effet doublé dans les nouvelles « sérieuses », qui sont au centre de l’information, passant de 7 % à 14 % dans le domaine de la politique et du gouvernement et de 10 à 20 % dans le domaine économique. A ce rythme, il faudrait cependant 50 ans pour que les femmes occupent une place centrale dans les informations sur la politique et le gouvernement et 30 ans dans les nouvelles économiques. La comparaison entre les données sur la proportion de femmes politiques dans les parlements et celles sur leur présence dans les nouvelles montre que la représentation des femmes dans les informations ne répond pas aux critères d’équité et d’équilibre. Le rapport conclut qu’au niveau mondial la représentation des femmes dans l’actualité est loin d’être équitable et équilibrée. Le rapport de 140 pages intitulé « Qui figure dans les nouvelles ? » contient une mine d’informations et d’analyses complémentaires sur la représentation des femmes et des hommes dans les informations en Europe et dans le monde. Il est disponible en anglais, en français et en espagnol sur le site : www.whomakesthenews.org/reports/2005-global-report.html Je voudrais, pour terminer, signaler que les préparatifs du quatrième Projet mondial de monitorage des médias sont bien avancés. La journée d’observation aura lieu en novembre. Nous sommes très heureux que des groupes de nombreux pays y participent, et notamment de pays qui n’étaient pas représentés en 2005. Je vous invite à visiter le site web où vous pourrez trouver des informations sur les modalités de participation. Le prochain rapport sera publié en 2010. Je vous remercie de votre attention. 14