L`étude criminologique des Tueuses en série

Transcription

L`étude criminologique des Tueuses en série
Université Paris 8
Mémoire-Master 2 Droit comparé de la famille
L
’ETUDE CRIMINOLOGIQUE DES TUEUSES EN SERIE
Mémoire présenté et soutenu par Aurélie JOLY
sous la direction de Monsieur Franck ARPIN-GONNET
Membres du jury :
-Monsieur Franck ARPIN-GONNET
-Monsieur Benjamin PITCHO
Année universitaire : 2013/2014
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
PARTIE 1 : NAISSANCE D’UNE TUEUSE EN SERIE
CHAPITRE 1 : ETIOLOGIE DES COMPORTEMENTS AGRESSIFS
Section 1 : Des facteurs explicatifs à la psychopathologie des femmes criminelle
Section 2 : Des motivations des tueuses en série à l’iter criminis
CHAPITRE 2 : PSYCHO-CRIMINOLOGIE DES TUEUSES EN SERIE
Section 1 : Les scenarii criminels
Section 2 : Les classifications psycho-criminologiques des tueurs et tueuses en série
PARTIE 2 : HISTOIRES DES TUEUSES EN SERIE A TRAVERS LES TEMPS
CHAPITRE 1 : EN QUETE DE POUVOIR, DE PROFIT ET DE DESIR
Section 1 : Histoire des premières tueuses en série
Section 2 : Etude de cas de Tueuses en série et de leurs complices au 20ème siècle
CHAPITRE 2 : DE L’ANALYSE COMPORTEMENTALE, DE LA JUSTICE ET DES
MEDIAS
Section 1 : De l’analyse comportementale à la réponse pénale
Section 2 : La médiatisation des tueuses en série
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
1
REMERCIEMENTS
En préambule à ce mémoire, je souhaiterais adresser tous mes remerciements aux
personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire ainsi
qu’à la poursuite de cette année universitaire.
En tout premier lieu, je tiens à remercier Monsieur Franck ARPIN-GONNET, mon
directeur de mémoire pour avoir accepté de m’accompagner dans cette aventure intellectuelle
qu’est la rédaction d’un mémoire, pour ses précieux conseils durant ces derniers mois et sa
confiance qui m’ont permise de mener ce projet. Je le remercie également pour tout son
soutien, sa patience et pour l’aide qu’il m’a consacrée.
Je tiens également à remercier Monsieur Benjamin PITCHO, pour sa présence lors de
la soutenance de ce mémoire et pour m’avoir aidée tout le long de cette année universitaire.
En outre, je remercie toutes les personnes intéressées par ce sujet qui m’ont apporté
aide, recherches, idées, conseils et réponses aux nombreuses interrogations auxquelles ce sujet
prête et tout spécifiquement Monsieur Walter ALBARDIER, psychiatre.
Enfin, je remercie toutes les personnes, Mes Chers Parents et Cédric LADES sans qui
ce mémoire n’aurait pu voir le jour.
***
2
INTRODUCTION
Un célèbre avocat pénaliste toulousain a dit au cours d’un de ses procès que « La justice
pénale est faite pour les Hommes parfaits ».
Alors, qu’en est-il des Hommes imparfaits ?
En France, peu de place est laissée à la psycho-criminologie ou encore à l’analyse
comportementale. Les juges ont tendance à insérer le crime, qui est un accident de la raison et un défi
au rationnel, dans un schéma intellectuel cartésien. Les juges pratiquent ainsi la logique judiciaire et ne
peuvent s’empêcher, en reconstituant le déroulement de l’action criminelle, de remettre de l’ordre dans
ce qui fut seulement désordre et inconséquence.
Le pays des Droits de l’Homme ne connait pas au final ses Hommes et est parfois éloigné et
dépassé par la monstruosité, la cruauté, les actes sordides de ses hommes mais aussi de ses femmes.
S’agit-il de s’éloigner volontairement d’une réalité, celle de notre pays qui comme les autres,
comme les Etats-Unis comporte des hommes imparfaits, des femmes imparfaites avec une froideur,
une cruauté et une criminalité parfois sans fin ?
Est-ce que notre pays voulait garder les yeux fermés sur cette réalité désormais bien ancrée ?
Sur des hommes, des femmes qui tuent, recommencent inlassablement et qui touchent à l’indicible.
Ainsi va la criminalité conjuguée à la féminité et à la sérialité ; sujet de ce présent mémoire.
Avant toute chose, avant tout propos, que peut-on dire de ces femmes ? De ces êtres si doux, si
maternels, si dévoués tant aujourd’hui dans le domaine professionnel que personnel, celle qui aime,
qui berce, qui chante des chansons d’une voix douce, celle qui rassure au creux de son cœur, vers qui
l’enfant se tourne lorsqu’il est malade, vers qui la fille se tourne lorsque son cœur est touché pour la
première fois ?
Qui sont ces femmes qui tuent et qui recommencent inlassablement ? Qui sont ces femmes
qui regardent agoniser leurs victimes dans leurs derniers retranchements ?
On trouve seulement 15% de femmes tueuses en série dans le Monde. La cruauté conjuguée à
la sérialité est rare, la criminalité féminine tout court est rare et comme le dit à juste titre Madame
PERROT, Professeur des Universités, « Pour être rare, la criminalité féminine n’en nourrit pas moins
un imaginaire foisonnant avec le sous entendu d’une inquiétude (fascinée) pour la perversité
féminine ».1
Le crime retient l’attention, parce qu’on l’imagine comme une mise en scène brutale et
intrigante.
La population carcérale est majoritairement masculine. Le juridique, et subsidiairement le
policier, gère quasi essentiellement les variations de la violence masculine. Comme l’exprime Philippe
GENUIT, psychologue, dans sa thèse2, « De ce fait, construit plus que donné, l’illégalisme et son
expression, banalement et faussement dénommée Violence, est rattachée à la virilité. Comme dit
l’adage : « on ne prête qu’aux riches ».
Les femmes se situent plutôt du côté des plaignantes, des victimes.
1
2
PERROT (M.), « Les ombres de l’histoire. Crime et châtiment au XIXème siècle », Paris, Flammarion, 2001, 427p.
GENUIT (P.), « La criminalité féminine : une criminalité épicène et insolite. Réflexions d’épistémologie et d’anthropobiologie clinique », thèse soutenue le 10 novembre 2007
3
Dès les premières statistiques, la dissymétrie pénale (masculine-féminine) apparaît mais de
manière plus ténue qu’aujourd’hui. La criminalité féminine était moins exceptionnelle hier, que nous
font penser les actuelles données quantitatives, judiciairement dénombrées.
L’adultère, l’infanticide, l’avorteuse, la faiseuse d’ange, la voleuse de grands magasins, la
recluse, la bagnarde, la criminelle, la délinquante, l’hystérique, la soldate, la policière, la
révolutionnaire. Tant de figures sombres du féminin qui sortent désormais de l’ombre
historiographique dans laquelle les femmes étaient plongées. Par ailleurs, des amazones mythiques
aux viragos des romans, de Nikita à Lara CROFT, des héroïnes de mangas aux sorcières, nombreuses
sont pourtant les figures violentes qui peuplent l’imaginaire des productions culturelles et médiatiques.
Héroïques ou monstrueuses, désignées parfois comme les instigatrices de la violence des hommes,
elles suscitent à la fois l’engouement, la fascination et la répulsion 3
Les modes sociaux, les sociétés peuvent être différentes, il y aura toujours de la criminalité et
du délictueux.
La violence des femmes est longtemps restée ignorée mais elle constitue aujourd’hui un objet
de recherche en pleine expansion.
Il devient désormais très courant d’évoquer la violence féminine.
Même si à l’intérieur de ces travaux, la violence des femmes ne constitue pas toujours le cœur
du sujet, ils rendent compte de l’essor de ce champ de recherche qui, en trente ans, est passé d’objet
tabou à un objet de recherche légitime.
Ainsi, comment la femme que l'imaginaire collectif associe à la gardienne du foyer, à la mère
et à l'épouse, peut enfreindre l'interdit ? Comment celle qui est garante de la paix familiale peut-elle
causer un trouble à l'ordre social ?
À la réflexion, la perplexité se mue en interrogation : existe-t-il, en ce domaine, une spécificité
féminine ? Sans doute, sous l'interrogation, les représentations sociales agissent-elles encore, comme
si le phénomène criminel féminin, pour être admis, ne pouvait être saisi que dans sa dimension
singulière. Au-delà du droit positif, identifier les particularités éventuelles de la criminalité et du
traitement pénal des femmes impose donc le recours à l'histoire, à la criminologie et à la sociologie.
Tout d’abord, une question se pose. Qu'est-ce qu'une femme ? C'est la question que pose
ème
Ernest LEGOUVE en 1973, lorsqu'il publie La Femme en France au XIX
siècle4. Dans son
préambule, il ne cache pas qu'un tel sujet prête à sourire. Et de fait, avec cette question, l'académicien
ne se contente pas seulement de retracer quelle a été la place de la femme dans les sociétés, mais il
exhume aussi tous les lieux communs, tous les stéréotypes commodes et arrangeants sur le sexe
féminin, véhiculés depuis des siècles et solidement ancrés dans l'imaginaire collectif.
Tantôt ange, tantôt démon, les sociétés passées ont ainsi appréhendé la femme (fille, épouse
puis mère) comme un être inférieur, relatif, qu'il convenait de protéger et dont on devait se protéger.
En effet, la question principale que l'on se posait et que l'on se pose encore est de savoir s'il
existe une spécificité féminine de la criminalité.
Pour réfléchir au sens que peut avoir dans une société le fait de réfléchir à la spécificité d’une
criminalité féminine, il convient de faire le point historique sur le difficile cadastrage de cette
criminalité sexuée que se sont efforcés de construire les contemporains.
3
4
CARDI (C.) et PRUVOST (G.), « Le contrôle social des femmes violentes », Revue électronique Champ Pénal, Vol. VIII, 2011.
LEGOUVE (E.), « La femme en France au XIXème siècle », Paris, Librairie de la Bibliothèque démocratique, 1873
4
La société du XIX ème siècle est une société en quête de l’autre. Les classes sociales se scrutent,
se jugent et s’affrontent à partir de leurs apparences physiques. À partir d'un regard, on cherche à
deviner la trace de caractères moraux ou immoraux. Avec la diffusion dans la presse populaire
illustrée des analyses menées par les plus grands experts sociaux du siècle, chacun est ainsi en me sure
de savoir à qui il parle. A partir d'un regard, on cherche à deviner la trace de caractères moraux ou
immoraux.
C’est dans ce contexte et dans ce régime d’observation que la femme criminelle attire
l’attention. La femme est présentée comme l’âme de la famille, comme cet « élément moralisateur de
la dynamique sociale ». 5
Dès lors, lorsque la femme faute, elle provoque de graves perturbations. Sa criminalité est un
danger pour la société non seulement d’un point de vue moral, mais aussi d’un point de vue physique.
Effectivement, elle menace le corps social de tares héréditaires. Charles LUCAS, inspecteur général
des prisons, écrit en 1838 que « la criminalité de la femme est plus dangereuse que celle de l'homme
parce qu'elle est plus contagieuse ». 6
Ainsi, une nouvelle question se pose alors, largement reprise par la suite, et qui organise tous
les travaux menés : il s’agit de rechercher dans quel sens la femme se distingue de l’homme dans le
crime et si, par son tempérament de femme, elle est plus ou moins criminelle que l’homme.
Les chercheurs s’appuient sur la statistique criminelle qui livre chaque année et depuis 1826
de précieux renseignements sur la criminalité. C’est à partir de ces données chiffrées de
l’administration de la Justice que la criminalité féminine est appréhendée. Chacun y va de son
arithmétique : pour Monsieur QUETELET, la femme est deux fois moins criminelle que l’homme,
pour Messieurs LACASSAGNE et TARDE, tous deux criminologues, quatre fois moins, pour
Monsieur PROAL, criminologue également sept fois moins.
En 1910, dans son ouvrage sur la criminalité féminine, Henri LACAZE7, alors élève de
Lacassagne, résume ainsi les diverses opinions ayant tranché le problème de cette criminalité : pour
certains pénalistes, les femmes représentent un contingent beaucoup moins important que celui des
hommes ; pour d'autres, le contraire est beaucoup plus proche de la réalité ; enfin, d'autres encore
estiment que la criminalité féminine, celle du sexe faible, loin de présenter une différence quantitative
avec le sexe fort, n'offre qu'une différence qualitative.
Mais alors, quels sont les éléments qui expliquent cette sous-représentation ?
Les interprétations ont été nombreuses et variées, le plus souvent basées sur des considérations
de sexe et de morale. Les explications biologiques ont primé : si la femme est moitié moins criminelle
que l’homme, c’est parce qu’elle est plus faible physiquement et physiologiquement. Par ailleurs, sa
« timidité préservatrice » pour Monsieur QUETELET8, sa « modestie » pour Monsieur PROAL9 ou
encore sa « moralité naïve » pour Madame GRANIER,10 criminologue, ont été évoquées.
En outre, des arguments psychologiques sont venus compléter le tableau des explications.
C’est alors que la moindre criminalité féminine s’est expliquée au regard de sa personnalité : sa
soumission, sa passivité, son conservatisme, sa moindre créativité ou encore son manque
d’intelligence ont été avancés. Il en ressort que la criminalité féminine trouve à s’expliquer par la
nature même de la femme qui porterait en elle-même les causes de sa déviance.
A la fin du XIXème siècle, l’anthropologie criminelle investit les connaissances médicales et
sociales, et apporte ainsi de nombreuses réponses qui autorisent une meilleure appréhension et
5
ALBISTUR (M.) et ARMOGATHE (D.), « Histoire du féminisme français du Moyen Âge à nos jours », Paris, Editions des Femmes, 1977, p.291
LUCAS (C.), « De la réforme des prisons ou de la théorie de l’emprisonnement », Paris, 1838, t.3, p.397
LACAZE (H.), « De la criminalité féminine en France : étude statistique et médico-légale », sous la direction d’Alexandre LACASSAGNE, Lyon, 1
8
QUETELET (A.), « Sur l'homme et le développement de ses facultés : essai de physique sociale », Paris, Bachelier, 1835.
9
PROAL (L.), « La criminalité féminine », Paris, Impr. De Soye et fils, 1890, 27 p.
10
GRANIER (C.), « La Femme criminelle », Paris, Octave Doin, 1906.
6
7
5
compréhension de la criminalité. En effet, les criminologues ont pu attribuer à la criminalité féminine
un caractère spécial et ont surtout corroboré un certain nombre de lieux communs grâce à l’étude de
quelques facteurs anthropologiques et sociaux tels le milieu, la nature propre de l’individu ou encore
son rôle social.
Pour le XIXème siècle et pour une partie du XXème, la criminalité féminine se restreint à un petit
nombre de crimes. Ces derniers ont entre eux des similitudes frappantes dans la mesure où ce sont
surtout des crimes intrafamiliaux (infanticide, avortement, sévices à enfant, homicide conjugal,
empoisonnement). La femme criminelle agit dans la majorité des cas dans le cadre d’un univers
domestique où elle règne en maîtresse.
Socialement enfermée dans sa condition de mère, de compagne du mari et d'éducatrice de ses
enfants, « La femme est le personnage principal de la tragédie domestique », écrit-on à son propos11.
Par exemple, il est historiquement inscrit dans l'imaginaire social que la femme excelle dans le crime
de l'empoisonnement car c'est elle qui dispose du boire et du manger. Ces crimes sont ainsi définis au
féminin et, à partir de la division sexuelle qui caractérise la sphère privée, ils viennent caractériser la
criminalité féminine.
Si la maison est bien le domaine de prédilection de la femme, la rue l'est également dans la
mesure où elle doit sortir pour travailler si elle veut vivre et faire vivre ses enfants.
Dans ces circonstances, la femme n'est donc pas exclue des crimes contre la propriété. À ceci
près que la réalisation de ces crimes est déterminée par des causes féminines. Par exemple, le vol
s'explique, en partie, par l'environnement économique. En témoigne la retentissante affaire Ménard du
4 mars 1898 dans laquelle la jeune femme avait volé du pain pour nourrir son enfant. 12
Moins spectaculaire, mais tout aussi significatif, est le vol dans les grands magasins, apanage
des femmes et surtout des Parisiennes dont, à la suite des criminologues attachés à définir la
kleptomanie, ZOLA s'empare dans son roman Au bonheur des dames (1883)13.
En ce qui concerne les crimes politiques, largement estampillés crimes d'homme, la part des
femmes est de l'ordre de l'imaginaire, de « l'historique », estime-t-on14. Pour autant, c'est oublier
l'importance, désormais mieux connue par les historiens, des femmes dans l'organisation et la conduite
des foules en révolte, et notamment le cas des pétroleuses sous la Commune de Paris en 1871 15.
Malgré quelques exceptions, la criminalité féminine se dessine ainsi, distincte de celle de
l’homme, en raison même du rôle social incarné par la femme et du lieu dans lequel elle s’exécute. La
criminalité féminine est aussi qualifiée de criminalité occulte comparée à celle de l’homme qui se fait
au grand jour.
Contrairement à certaines analyses positivistes qui font de la femme un être faible en tout
point, d’autres révèlent que la femme supplée cette faiblesse par le choix de sa victime (enfant,
vieillard, malade, déficient) ou par l’emploi de stratagèmes, comme la ruse, dont témoigne l’attaque
par derrière, ou la séduction. Par exemple : exercer des caresses inhabituelles sur son mari à des fins
de castration.
Cette criminalité occulte a aussi conduit certains criminalistes à s’interroger plus sensiblement
sur cet autre aspect du crime au féminin : celui de la complicité. Des femmes criminelles ont cette
faculté de s’attacher les services d’un homme pour exécuter leur crime. La femme est alors décrite
comme calculatrice, instigatrice du crime.
11
LACAZE (H.), ibidem
SALAS (D.), « Le bon juge Magnaud in L. Cadiet (dir.), dictionnaire de la Justice », Paris, PUF, 2004, p.857-862
ZOLA (E.), « Au Bonheur des Dames », Paris, Le Livre de Poche, 1971, 544 pages
14
GRANIER (C.), ibidem
15
CHAUVAUD (F.) et MALANDAIN (G.), « Impossibles victimes, impossibles coupables. Les femmes devant la justice, XIXe et XXe siècles », Rennes, PUR, 2009
12
13
6
Henri JOLY, sociologue, dans son étude sur le crime, porte sur la femme un jugement sans
équivoque : « Ce qui apparaît surtout dans les causes criminelles c'est le raffinement de cruauté et de
perfidie avec lequel la femme savoure lentement sa vengeance, l'art qu'elle a de faire exécuter son
crime par autrui » 16.
ème
Ainsi donc, au XIX siècle, la criminalité se conjugue et se spécifie au féminin. Conscients
de la faiblesse des données statistiques à la base de nombreuses analyses, certains criminalistes, au
premier rang desquels Henri LACAZE, ont dégagé trois critères afin d'établir une spécificité de la
criminalité féminine : ils ont pris en considération la criminalité apparente (les infractions connues), la
criminalité judiciaire ou légale (les infractions jugées) et la criminalité réelle. À partir de là, ils
estiment que le sexe n'exerce pas d'influence sur la quantité mais bien plutôt sur la qualité des crimes.
Reste alors à évaluer le traitement que les magistrats, baignés par ces lectures enchevêtrées, ont
réservé à ces crimes de femme.
En France, seulement 3.34% des détenus sont des femmes et si leur part dans la délinquance
apparente est supérieure, elle demeure significativement inférieure à celle des hommes et d’une bien
moindre gravité. En effet, si l’on prend les chiffres au 1ert juillet 2014, 68295 personnes sont
écrouées en France dont 2282 femmes17.
Ces données sont, pour la France, d’une remarquable stabilité. Au contraire, dans les pays
anglo-saxons, l’on assiste à une explosion des incarcérations des femmes, plus rapide que celle des
hommes, depuis un certain nombre d’années, ce pour plusieurs raisons : il y a d’abord eu, notamment
aux Etats-Unis, où ce phénomène est plus ancien et plus grave, la « guerre à la drogue » puis le
développement des politiques pénales sécuritaires, dès la fin des années 1970, qui ont touché
spécifiquement les populations les plus vulnérables et les plus désocialisées, où les femmes sont
surreprésentées.
Il y a là aussi, dans une moindre mesure, un effet paradoxal d’un féminisme réellement
présent, réellement efficace et puissant, comme le sont d’ailleurs les recherches sur la diversité : l’effet
chevaleresque sur les femmes joue moins. Pour autant les faits sont têtus : les femmes ne sont pas plus
délinquantes qu’elles ne l’étaient quelques années auparavant. Il y a donc bien un changement
d’attitude envers elles.
Les femmes qui tuent sont un phénomène plutôt rare. Statistiquement, et tous pays et époques
confondus, elles représentent en moyenne 10 à 13% des assassins. La femme est le parent pauvre de la
criminologie moderne.
3.34 % de femmes françaises sont des criminelles.
Parmi ces criminelles, des tueuses en série. Des femmes qui tuent en série et qui commettent,
comme leurs homologues masculins, des actes d’une cruauté, d’une sordidité sans pareille.
Les tueuses en série sont rares mais pourtant bien présentes.
Les noms d’Elisabeth BATHORY, de Dorothea PUENTE, de Myra HINDLEY ou encore
d’Aileen WUORNOS ne sont pas inconnus mais on ne peut nier que le commun des mortels ignore
parfois jusqu’à l’existence des tueuses en série. En effet, dans le cadre des recherches pour
l’élaboration de ce mémoire, je me suis rendue au centre de détention de Muret à TOULOUSE afin
d’y rencontrer Walter ALBARDIER, psychiatre qui m’a très gentiment accueillie et a répondu à mes
nombreuses interrogations sur la violence et la criminalité féminine. J’ai ainsi pu questionner le
personnel de l’administration pénitentiaire en sus de ma rencontre avec ce psychiatre. J’ai pu en faire
le bilan que très peu d’entre eux, pourtant aguerris à la matière criminelle, ne pouvaient me citer le
nom d’une seule tueuse en série, d’ici ou d’ailleurs, à l’exception de Marie BESNARD qui toutefois,
de par son acquittement, ne peut être considérée comme une tueuse en série à proprement parler.
16
17
JOLY (H.), « Le Crime, étude sociale », Paris, Edition Le Cerf, 1888, p.265
Statistique Mensuelle de la population écrouée été détenue en France au 1 er juillet 2014
7
Qu’est-ce qui pousse alors une femme à commettre, non pas un acte isolé, mais des actes à
répétition ? Les femmes criminelles poussées à l’extrême sont le sujet de ce présent mémoire et plus
spécifiquement « L’étude criminologique des tueuses en série ».
Ainsi, la notion de femme étant définie, il convient dès à présent de prendre en considération
les différentes études publiées sur la définition de tueur ou tueuse en série. Ainsi, est un tueur en série
ou une tueuse en série :
-quelqu’un qui tue au moins trois personnes sur une période de plus de trente
jours. 18
-Au moins deux meurtres compulsifs mus par le fantasme et commis en des
temps et des lieux différents, où il n’y a ni lien entre l’auteur et les victimes des
crimes (lesquelles ont des caractéristiques communes), ni gain matériel. 19
-Lorsqu’un individu, agissant seul ou accompagné, commet plusieurs
homicides sur une période donnée, avec des pauses entre chaque épisode
meurtrier. 20
-Les meurtres prémédités de trois victimes ou plus, perpétrés sur une période
donnée, séparément, dans un contexte non militaire, l’acte meurtrier étant
choisi par l’auteur.21
-[Quelqu’un qui] commet sur un certain laps de temps au moins dix
homicides. Ces derniers sont violents, bestiaux, mais également ritualistes, et
ont leur propre signification pour l’assassin. 22
-Ceux qui tuent deux victimes ou plus, et connaissent une période de répit émotionnel
entre les meurtres. 23
Ainsi, la notion de tueurs et tueuses en série étant définie, il convient de relever qu’en fonction
des études menées sur ce sujet, des conceptions différentes ont pu naître.
L’image qui nous vient à l’esprit lorsque l’on aborde les tueurs en série, hommes et femmes
confondus, est celle qui nous ramène à l’homme qui tuait des femmes de joie à Londres à la fin du
XIXème siècle, à celui qui courait une tronçonneuse à la main, à cet homme qui conduisait son bus
amenant et ramenant ces jeunes femmes handicapées, à un certain Francis ou à un certain Patrice. En
revanche, aucun nom féminin ne vient à l’esprit dans les premières secondes de réflexion.
Moins nombreuses et plus mystérieuses, la société actuelle comme ancienne a du mal à
percevoir la femme, femme qui s’occupe de son mari, femme qui éduque les enfants, comme un
monstre et encore moins comme une tueuse en série.
Une question se pose alors en toute simplicité : qui sont ces femmes tueuses en série ?
L’étude criminologique de ces tueuses en série induit tant l’analyse psychologique de ces
femmes, que la réponse pénale apportée conformément au droit positif mais également la prise en
compte de la sociologie et de l’économie.
Ainsi afin de répondre à cette question et de prendre en compte toute la mesure comparative
qu’elle induit, il s’agira de structurer la réponse criminologique de la façon suivante : une première
partie qui s’articulera autour de généralités sur les tueuses en série, de leur enfance à leurs motivations,
18
HOLMES (R.M.) et HOLMES (S.M.), « Murder in America», Thousand Oaks (CA), Sage Publications, 1994
EGGER (S.A.), « A Working Definition of Serial Murder and The Reductions of Linkage Blindness, Journal of Police Science and Administration», 12, pp.348-357,1984
GERBETH (V.), «Practical Homicide Investigations», Boca Raton (FL), Press, 1996
21
KEENEY (B.T.) et HEIDE (K.), « Gender Differences in SerialMurderers », Journal of Interpersonal Violence, vol.9, n°3, septembre 1994
22
MORRISON (H.), psychiatre médico-légale au centre d’évaluation de Chicago, CD Mind of killer, Kozel Multimedia, 1995-1998
23
SCHURMAN-KAUFLIN (D.), «The New Predator : Women Who Kill : Profiles of Female Serial Killer», New York, Algora Publishing, 2000.
19
20
8
du passage à l’acte et des modes opératoires (Partie 1). Puis, dans une deuxième partie, il conviendra
de revenir sur ces tueuses en série spécifiquement au travers de leur histoire et de l’Histoire afin
d’analyser si les critères établis dans la première partie trouvent à s’appliquer chez chacune des
tueuses en série étudiées (Partie 2).
PARTIE 1 : NAISSANCE D’UNE
TUEUSE EN SERIE
La problématique des crimes féminins et plus spécifiquement de la sérialité est d’actualité. 24
Qu’il s’agisse par exemple des crimes en série d’infirmières en Angleterre ou en Arabie Saoudite, des
recherches, articles et colloques se multiplient sur ce champ de recherche jusque là encore peu exploré.
La réflexion appréhendera dans cette première partie tant l’étiologie des comportements
agressifs de ces tueuses en série que les aspects psycho-criminologiques et motivationnels des crimes
chez ces tueuses sérielles.
Toute la difficulté réside ainsi à étudier ces aspects au travers des minces données sur le sujet,
davantage analysés chez leurs homologues masculins.
En effet et comme le relève à juste titre Chrystèle BELLARD25 dans son ouvrage les crimes au
féminin, les femmes criminelles et encore plus spécifiquement les tueuses en série, occupent une place
très discrète dans les écrits criminologiques.
« On répugne à aborder le sujet, reproduisant au niveau de l’analyse (…) la réticence à
s’approcher du corps des femmes, autre que maternel ». 26
Ce désintérêt des chercheurs commence à s’étioler mais l’on pourrait croire que le faible
nombre de condamnées les rend invisibles, « too few to count ». 27
Comme le dit Robert CARIO, Professeur de sciences criminelles, « Les femmes résistent au
crime »28 et ainsi, leur déviance est considérée, à tort, de non-phénomène. »29
Ainsi, un premier chapitre abordera les causes et facteurs des comportements agressifs
(chapitre 1) puis dans un second chapitre, la psycho-criminologie des crimes féminins (chapitre 2).
CHAPITRE 1 : ETIOLOGIE DES COMPORTEMENTS
AGRESSIFS
L’étiologie désigne, dans le langage médical, à la fois l’étude des causes et facteurs d’une
maladie et l’ensemble de ces causes elles-mêmes.
Ce terme est également utilisé dans le domaine psychiatrique pour définir les facteurs
potentiels d’une maladie mentale.
Appliqué aux comportements agressifs des femmes, tueuses en série, ce terme va être ainsi
défini comme l’étude des causes et des facteurs des comportements agressifs de ces femmes.
24
CARDI & PRUVOST, op.cit.
BELLARD (C.), « Les crimes au féminin », L’Harmattan, 2010
PERROT (M.), Introduction, in Bard C., Chauvaud F., Perrot M., Petit J.-G., (dir.), « Femmes et justice pénale », Rennes, PUR, 2002, 125-128.
27
ADELBERF ( E.), CURRIE (C.), « Too few to count : Canadian Women in Conflict with the Law », Press Gang Publishers, Vancouver, 1987
28
CARIO (R.), « Les femmes résistent au crime », Ed. L’Harmattan, Coll. Transdisciplines, 1997
29
BERTRAND (M-A.), « La femme et le crime », Les éditions de l’Aurore, 1979
25
26
9
Il conviendra alors dans un premier temps de s’appuyer sur les facteurs explicatifs et d’étudier
la psychopathologie de ces femmes pour déterminer les causes et facteurs (section 1).
Puis, dans un second temps, il conviendra d’examiner les motivations féminines qui les
poussent à penser ces crimes, qui les poussent sur le chemin du crime et ainsi à commettre
l’irréparable (section 2).
Section 1 : Des facteurs explicatifs à la
psychopathologie des femmes criminelles
Des auteurs, récents ou anciens ont proposé différentes théories de la délinquance féminine
qu’il conviendra de prendre en considération outre le fait qu’elles ne s’appliquent pas exclusivement et
spécifiquement aux tueuses en série (I) avant de prendre en considération les traumatismes de
l’enfance propres aux tueuses en série qui peuvent conditionner leurs passages à l’acte sans toutefois
en être la seule raison (II).
I-Les facteurs explicatifs
Historiquement, les théories positivistes, cliniques et sociologiques (culturelles) pensèrent que
la criminalité féminine prenait ses sources dans la biologie et la physiologie.
Il s’agira dans un premier temps de s’intéresser aux différentes théories de la délinquance
féminine (A). Ces théories n’étant plus d’actualité, il s’agira d’entrer véritablement dans le vif du sujet
et d’étudier les traumatismes de l’enfance de ces femmes tueuses en série pour trouver un début de
facteur explicatif à leur passage à l’acte (B).
A-Les différentes théories de la délinquance
féminine
Bien que le nombre de femmes, tueuses en série, soit faible comparé à la criminalité en
général et plus spécifiquement masculine, de grandes théories concernant la criminalité des femmes
ont été avancées.
La première partie du XXème siècle, de Cesare LOMBROSO à Monsieur FERRERO, historien
(1896), du Professeur de sociologie POLLACK (1950) au criminologue SUTHERLAND (1947),
associait le crime féminin aux aspects physiques (menstruations, ménopause…), et stéréotypes
historico-sociaux (soumission, intelligence et force physiques moindres, sexualité…).
Comme le remarquent Monsieur HARRATIS et al.30 dans leur thèse, nombre de facteurs ne
sont pas pris en considération tels les facteurs environnementaux, psychologiques ou encore
biographiques.
Ainsi, trois approches de la délinquance féminine peuvent être abordées. 31
Tout d’abord, la première approche est celle élaborée par Cesare LOMBROSO. Ce dernier est
le fondateur de l’école italienne d’anthropologie criminelle et de la criminologie positiviste. Il est
l’auteur d’un ouvrage intitulé « La femme délinquante, la prostituée et la femme normale ».32Pour
reprendre les termes exacts de Madame GUILLAIS, Docteur en histoire de la criminologie, cette étude
est un « véritable monument de misogynie, relevant de l’épouvante mais qui reflète l’imaginaire social
à l’égard des femmes ». 33
30
HARRATIS (S.), VAVASSORI (D.), VILLERBU (L.), « Etude des caractéristiques psychopathologiques et psycho criminologiques d’un échantillon de 40 femmes criminelles »,
L’Information Psychiatrique, 83 : 485-93, 2007.
LUCCHINI (R.), « Femme et déviance ou le débat sur la spécificité de la délinquance féminine », in : Revue Européenne des sciences sociales, tome XXXIII, 1996 (b).
32
LOMBROSO (C.), « La donna delinquente, la prostitua e la donna normale», IV Ed., Bocca, Torrino, 1923.
33
GUILLAIS (J.), « Emergence du crime passionnel au XIXème siècle », Perspectives psy, volume 36, n°1, janvier-février 1997, p.48
31
10
Ainsi, les premières explications de la délinquance féminine par la criminologie naissante
étaient naturalistes. Elles reliaient le comportement criminel de la femme à des caractéristiques
biologiques ; l’influence des facteurs structurels, environnementaux et biographiques étant passée sous
silence ou presque.
Ainsi, la position de Cesare LOMBROSO, repose sur une étiologie biologique qui explique
les comportements criminels en partant de caractéristiques personnelles liées à la constitution
morphologique et physique des individus. Pour lui, le criminel est plus un malade qu’un coupable.
En collaboration avec son beau-fils, Monsieur FERRERO, Cesare LOMBROSO est l’un des
premiers à étudier la criminalité de la femme d’un point de vue scientifique. Ils qualifient d’ailleurs
leur étude comme étant un travail de « biologie criminelle ». Ils examinent les cadavres de femmes
criminelles et en particulier leurs mâchoires, le visage, le cerveau et le crâne.
Pour lui, il s’agit de prouver l’existence chez ces femmes d’un blocage de l’évolution propre à
l’espèce humaine. Le criminologue italien, comme d’ailleurs la criminologie et la sociologie
positiviste, ne remet pas en question la notion de crime et centre sa recherche sur la différence entre
criminel et non criminel.
Il explique notamment le taux très bas de la criminalité féminine par rapport à la criminalité
masculine par la prostitution. En effet, la prostitution serait l’équivalent féminin de la criminalité
masculine selon lui. Il décrit d’ailleurs la femme criminelle comme « étant masculine et inadaptée
psychiquement ». Il identifie alors la prostitution comme étant le crime féminin par excellence,
l’équivalent du crime crapuleux masculin. Etant donné qu’il considère la femme normale comme
frigide, a contrario la femme criminelle se caractérise par des pulsions sexuelles contre nature. Il
soutient alors que « la criminelle-née est pour ainsi dire une exception à double titre, comme
criminelle et comme femme […]. Elle doit donc, comme double exception, être plus monstrueuse ».
Il estime aussi que les différences de mensurations relevées chez les femmes criminelles la
rapprochent de son homologue masculin. Si elle passe à l’acte, c’est faute d’avoir une vie de famille,
synonyme de stabilité, puisqu’elle ne peut attirer suffisamment un homme pour se reproduire.
Enfin, Cesare LOMBROSO soutient que le faible taux de criminalité de la femme s’explique
aussi par le caractère avant tout familial de son existence quotidienne. Le caractère sédentaire de la vie
de la femme la protégerait contre la délinquance. Elle serait ainsi moins confrontée à des opportunités
d’infraction pénale. En ce sens, l’on peut citer Monsieur DURKHIEM, un des fondateurs de la
sociologie moderne, qui écrivit que la femme tue moins que l’homme parce qu’elle « ne participe pas
de la même manière à la vie collective (…) ce sont seulement les occasions qui lui manquent, parce
qu’elle est moins fortement (…) engagée dans la mêlée de la vie »34.
Le comportement criminel de la femme dépend des rôles qui lui sont dévolus ainsi que des
attentes auxquelles elle doit répondre. L’explication de la criminalité féminine en termes d’absence
d’opportunités et de convergence des rôles féminins et masculins se trouve alors déjà logiquement
impliquée dans la position de Monsieur DURKHEIM.
Ainsi, ce n’est pas la nature biologique de la femme qui explique sa déviance mais sa position
dans la structure sociale. Cesare LOMBROSO admet ainsi implicitement l’importance du statut social
de la femme pour l’étude de la criminalité féminine.
Monsieur NICEFORO, disciple de LOMBROSO, formule autrement sa pensée. Il considère
que la femme est différente, tant physiquement que psychologiquement de l’homme et qu’elle est une
force centripète. Il abandonne ainsi l’idée de différencier la criminalité des hommes et des femmes.
34
DURKHEIM (E.), « Le suicide, Etude de sociologie », Paris, Alcan, 1897
11
William Isaac THOMAS, sociologue américain et un des pères de l’interactionnisme
symbolique, publie en 1907 « Sex and Society »35. Etant influencé par les thèses de Cesare
LOMBROSO, il critique dans son livre les thèses du criminologue italien qui considère la femme
comme étant inférieure à l’homme.
Il aborde le fait que les différences intellectuelles entre hommes et femmes n’ont pas pour
cause les dimensions du cerveau ou d’autres facteurs de nature biologique. D’après lui, elles seraient
de nature sociale. Par ailleurs, il analyse que les performances intellectuelles ne dépendent pas
seulement du biologique mais sont influencées par l’environnement social. Ainsi, contrairement à ce
qu’affirment les deux criminologues italiens, Messieurs LOMBROSO et FERRERO, la différence de
poids entre les cerveaux de l’homme et de la femme n’est pas reliée à des performances supérieures de
la part du premier.
Dans son ouvrage « The unadjusted Girl »36, il analyse l’influence de l’environnement social
sur le comportement déviant ainsi que celui d’un certain nombre de besoins propres à l’humain. Il y a
une interaction constante entre ces besoins et l’environnement dans lequel l’individu évolue.
Pour cela, il postule également le fait qu’il y ait des différences biologiques entre les hommes
et les femmes. En conséquence, l’importance inégale de leurs besoins sociologiques primaires
explique, selon lui, que les deux sexes n’appréhendent pas les transgressions de la même manière.
Pour lui aussi, la déviance féminine s’exprime presque exclusivement par la prostitution.
Pour éviter les transgressions féminines, il est donc nécessaire et suffisant d’encadrer leur
comportement, quitte à retirer la jeune déviante de son milieu familial pour la réajuster.
A l’inverse, Gabriel TARDE a développé l’idée que la femme possède une vertu innée qui lui
empêcherait donc de commettre des actes répréhensibles. Selon lui, elle a plus de sens moral que
l’homme en ce qu’elle est conservatrice, tournée vers le foyer et la religion. Elle serait ainsi
hermétique au mal, aux crimes.
Cette dernière théorie est reprise par Louis PROAL37 qui considère que la femme est meilleure
moralement, puis par Eric WULFFEN38 qui donne l’idée de la naturelle passivité féminine et enfin
par Henri JOLY39 qui présente la femme comme naturellement faite pour la vie de famille.
Depuis plus de deux décennies, une double question se pose à propos de la délinquance
féminine. D’une part, pourquoi les femmes commettent moins d’infractions que les hommes, et ceci
dans toutes les catégories de délits, mais en particulier dans ceux qui impliquent des actes violents. Et
d’autre part, pourquoi la délinquance féminine augmente dans le temps.
Les explications médicales du passage à l’acte nourrissent toujours les débats. Ainsi, les
changements hormonaux des femmes pourraient les pousser au crime alors qu’elles n’y sont pas
disposées en temps normal.
Des explications neurologiques foisonnent et est analysé le mauvais fonctionnement de la
partie cérébrale permettant le contrôle des pulsions qui rendrait dès lors la femme totalement
vulnérable face aux signaux de désir, de peur et de colère. Ou encore, d’autres recherches ont été
menées sur les différences cérébrales entre les deux sexes.
A l’inverse de ces prédécesseurs, Otto POLLACK en 195040 propose une nouvelle théorie ;
celle de la criminalité cachée des femmes. Il les évoque comme étant en réalité plus criminelles que les
hommes mais bien moins souvent découvertes.
35
THOMAS (W.I.), «Sex and society : Studies in the Social Psychology of Sex», University of Chicago Press, 1907
THOMAS (W.I.), «The unadjusted girl : with cases and standpoint for behavior analysis», Boston : Little Brown and Company, 1923.
PROAL (L.), « Le crime et la peine », Paris, Alcan, 1892
38
WULFFEN (E.), « Women as a sexual criminal», 1923
39
JOLY (H.), « La France criminelle », Paris, Edition Le Cerf, 1889, p.399
36
37
40
POLLACK (O.), « The criminality of women», Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1950, p.155
12
Il soutient également que c’est parce qu’elles commettent ses infractions dans le cadre du
foyer, dans les rôles qui leurs sont dévolus, que les femmes sont à l’abri de toute détection. Ses
fonctions, tant ménagères que maternelles lui permettant d’empoisonner son mari, ses enfants ou tout
autre membre de la famille avec peu de risques d’être soupçonnée.
Comme nous le verrons par la suite, sa proposition selon laquelle la criminalité féminine se
concentre surtout dans le foyer est assez juste.
Alors que Monsieur POLLACK s’appuie sur les capacités de dissimulation féminines,
Monsieur DURKHEIM met en cause la société et l’extrême indulgence dont bénéficieraient les
femmes à chaque étape du système pénal. Il s’agit de l’attitude chevaleresque des hommes, laquelle
évite à la femme criminelle toute confrontation avec la justice pénale. Les actes délinquants n’arrivent
pas, hormis les cas les plus graves, devant la justice, ils sont sanctionnés dans le cadre plus restreint de
la famille.
Ce refus de mettre sur un même pied d’égalité les hommes et les femmes s’illustre par les
fortes différenciations des peines en nature.
Un grand tournant, en rupture avec les précédentes théories, s’opère dans les années 1960.
Mais des théories contradictoires se développent. Toutefois, il convient de préciser que cette pensée
matérialiste expliquant les différences hommes / femmes uniquement par la socialisation sous-entend
comme corollaire celui de faire augmenter le nombre de condamnées. Or, la finalité des études
criminologiques est de comprendre les transgressions pour mieux y faire face et non les encourager. Il
semblerait plus cohérent de vouloir faire diminuer la violence subie par les deux sexes.
Ces explications ne sont plus vraiment d’actualité. Une grande partie des recherches de terrain
préfèrent dorénavant la perspective comparative homme/femme 41 à l’aide d’axes multidimensionnels.
42
Ces recherches intégratives sont très en vogue pour leur efficacité scientifique. 43La psychologie
cognitive et neurophysiologique, alliée à la sociologie, permet de proposer des pistes d’explication
prometteuses (approche bio-psycho-sociale).
L’évolution des recherches concernant les femmes, en parallèle de la montée du féminisme, a
permis de décrypter la délinquance féminine dans sa combinaison d’actions personnelles, le passage à
l’acte44, selon les rôles sociaux et sociétaux particuliers des femmes. 45
Ainsi, souvent, la simple évocation des femmes criminelles est spontanément reliée à une
problématique de genres. Quelle que soit leur vision de la violence, pouvoir ou oppression, le modèle
est masculin. Que celui-ci soit valorisé, jalousé ou critiqué, il reste la référence autour de laquelle toute
la pensée se construit.
Ces différentes théories nous donnent une vision globale de l’image de la femme criminelle
toujours en comparaison avec les hommes. Ces criminelles n’étaient pas considérées comme un
phénomène particulier.
Toutefois, il convient dès à présent d’entrer dans le vif du sujet ; à savoir l’étude
criminologique des tueuses en série. Pour reprendre les propos de Chrystèle BELLARD, «il s’agit
d’étudier la notion de crime lorsqu’elle est conjuguée par les femmes et uniquement elles, au féminin,
en dehors de toute autre référence ; de donner une vision de la transgression à partir de la réalité
féminine »46.
Connaître et comprendre l’enfance de ces tueuses en série est un préalable indispensable. Il
s’agit dès à présent de remonter aux origines et donc à l’enfance de ces « Fleurs du mal »(B).
41
CARIO (R.), « Femmes et criminelles », Toulouse : Erès, 1992
CARDI & PRUVOST, op. cit.
LANCTÔT (N.), « Les perspectives théorique sur la marginalité des adolescentes : vers une intégration des connaissances », Revue internationale de Criminologie et de Police
Technique et Scientifique, 1999.
44
CARLEN (P.), «Women, crime and powerty», Philadelphie : Open University Press, 1988
45
ADLER (F.), «The interaction between women’s emancipation and female criminality: a cross-cultural perspective», Intern J Criminol Penol, 1977.
46
BELLARD (C.), « Les crimes au féminin », L’Harmattan, 2010
42
43
13
B-Les traumatismes de l’enfance
Souvent, c’est dans la famille d’origine que se trouvent plusieurs des facteurs d’explication de
la délinquance, et en sens inverse, la construction d’une famille constitue un élément fort d’intégration.
L’étude de Mesdames KEENEY et HEIDE permet de fournir et de compiler les données de
l’enfance de dix tueuses en série. Il en ressort alors que 40% d’entre elles avaient été adoptées par des
personnes en dehors du cercle familial, 40% avaient été élevées dans des foyers non traditionnels
composés de membres de la famille et de personnes extérieures à la famille, et seulement 20% avaient
été élevées dans des familles traditionnelles, par leurs deux parents biologiques, jusqu’à l’âge de dixhuit ans.
Le passé des parents joua également un grand rôle dans l’avenir de l’enfant. Une étude de la
faculté de médecine de Washington a rapporté que les enfants biologiques de parents ayant un casier
judiciaire ont quatre fois plus de chances de commettre des délits eux-mêmes une fois adultes, même
s’ils ont été adoptés par des parents respectueux de la loi.
L’étude de Madame SCHURMAN-KAUFLIN47, « profileuse », indiquait quant à elle que
71% des tueuses en série qu’elle avait analysées étaient nées dans des familles ayant des antécédents
d’alcoolisme et d’usage de stupéfiants.
Néanmoins, seules 14% d’entre elles avaient des parents ayant un casier judiciaire ou des
antécédents psychiatriques, mais cela ne représente qu’une femme sur sept dans cette étude, et il
s’avère donc impossible d’en tirer des conclusions fiables.
L’acte criminel est souvent la répétition d’un traumatisme ancien qui remonte à l’enfance ou à
l’adolescence, ou bien une réponse directe à la violence à l’âge adulte. 48
En principe, la socialisation différentielle des femmes les amène plutôt à retourner leurs
pulsions agressives contre elles-mêmes à travers l’automutilation, l’anorexie, le suicide. Les modes
d’action sont divers.
Alors, enfance, jeunesse et adolescence sont rythmées par une succession d’échecs sur le plan
scolaire, amical et surtout familial.
Les antécédents psychiatriques des parents sont généralement chargés : dépendance éthylique,
poly toxicomanie, paraphilie, trouble du contrôle des impulsions, psychoses prégnantes…
Dans son ouvrage « Serial Killers »49, Joel NORRIS décrit « le cycle générationnel de la
violence » : « Les parents qui abusent de leurs enfants, physiquement et/ou psychologiquement,
instillent en eux une véritable dépendance à la violence ».
La plupart des recherches démontrent que ces femmes avaient subi dans leur enfance des
traumatismes : souvent, elles sont frappées et verbalement démolies, agressées sexuellement au cours
de leur enfance, souvent par ceux-là même qui les avaient crées.
La plupart de ces tueuses en série n’avaient bénéficié de l’amour et de l’approbation qui aident
les enfants à devenir de jeunes adultes bienveillants et confiants. Au lieu de cela, elles ont été battues
au cours de la longue route et difficile qui transforme un bébé plein d’amour en un tortionnaire
potentiel et meurtrier. 50
47
48
49
50
SCHURMAN-KAUFLIN (D.), «The New Predator : Women Who Kill : Profiles of Female Serial Killer», New York, Algora Publishing, 2000
CARIO (R.) et VILLERBU (L.M.), « Figures de femmes criminelles. Les femmes et le crime aujourd’hui. Approche criminologique », Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2008
NORRIS (J.), « Serial Killers », Anchor, 1989
DAVIS (C.A.), « Women who kill, profiling of serial killers», Allison and Busby, 2008
14
Fréquemment, ce sont les parents qui sont les agresseurs, parfois le beau-père. Cela peut
toutefois être un autre membre de la famille voire un inconnu, et l’agression est parfois unique.
La découverte de l’infraction entraîne un placement de la femme (alors enfant) dans un foyer.
En plus de l’acte subi en lui-même, s’il a pu se produire, a fortiori reste impuni, cela révèle de sérieux
dysfonctionnements dans la famille d’origine, en particulier la passivité fréquente de la mère de la
future condamnée.
L’enfant grandit dans un contexte de violence et développe alors une addiction à cette
violence.
Pour terminer, il semble également essentiel d’insister sur le fait que tous les enfants issus de
familles où règnent la violence et la souffrance, morales ou physiques, ne deviennent pas
systématiquement des tueurs en série
Cette observation n’est pas faite dans le but de défendre les tueuses en série, bien des enfants
subissent des sévices sans pour autant devenir par la suite des tueuses en série. Mais il est vrai que les
enfants maltraités peuvent développer des états psychologiques facilitant l’émergence d’une tueuse en
série, la psychopathie en particulier.
D’autre part, une perturbation précoce de l’attachement physique et émotionnel d’un enfant à
sa mère, ou même à son père, peut occasionner des troubles du comportement à vie. Il existe des cas
d’enfants adoptés qui ont été élevés dans des familles apparemment stables et aimantes, et qui
deviennent quand même par la suite des tueuses en série.
Des dégâts irréparables avaient déjà été causés avant même l’adoption, alors que l’enfant
n’était encore qu’un nourrisson. Mais, de nouveau, aucun de ces facteurs pris seul ne suffit à expliquer
ce qui se trame dans la tête d’une tueuse en série, car parallèlement il y a des centaines de milliers
d’enfants adoptés qui ne deviennent jamais meurtriers.
L’enfance peut donc jouer un rôle dans le façonnement d’une tueuse en série mais les
« traumatismes » vécus ne peuvent pas, à chaque fois, être l’unique raison du passage à l’acte.
Bien des tueuses en série blâment leur famille pour leur comportement, afin certainement de
provoquer la sympathie. D’une manière tout à fait « psychopathique », elles accusent quelqu’un
d’autre d’être responsable de leurs actions.
Mais si leur affreuse enfance est la première cause de leurs tendances homicides, alors
pourquoi leurs frères et sœurs ne deviennent-ils pas, eux aussi, des tueurs ou tueuses en série ?
Il convient alors de rechercher d’autres éléments pour comprendre ce qui pousse une tueuse en
série à dépasser les limites.
Il est certain que tous ces éléments peuvent être à l’origine de profondes carences dans le
développement psychologique de ces femmes51 mais ils ne peuvent seuls expliquer le passage à l’acte
de ces tueuses en série.
Dès à présent, il s’agit d’étudier la psychopathologie des femmes criminelles (II).
II-Psychopathologie des femmes criminelles
La recherche d’une personnalité criminelle ne présente aucun sens, tant sont diverses les
formes et les types de criminalité : vol, fraude, meurtre ou corruption. Toutefois, pour des crimes
spécifiques, tels ceux des tueuses en série, la notion de profil psychologique semble prendre toute sa
pertinence.
51
BELLARD (C.), op. cit.
15
Ce constat mène ainsi la présente réflexion à étudier la triade Mac Donald (A) puis la nature
profonde de l’agression chez les jeunes filles (B).
A-La triade Mac Donald
La triade Macdonald, également connue sous le terme de triade de sociopathie est un ensemble
de trois caractéristiques comportementales habituellement associées, si elles sont présentes en même
temps, à des prémices de violence.
Elle a été pour la première fois intronisée par Monsieur Macdonald dans son extrait intitulé
« The threat to Kill, diffusé dans l’American Journal of Psychiatry en 196352.
La cruauté envers les animaux, la pyromanie et l’énurésie sont ainsi un ensemble de
comportements, dénommées la « triade Macdonald » d’après le psychiatre qui les a déterminées, que
l’on retrouve le plus souvent dans les antécédents des tueurs et tueuses en série.
La cruauté envers les animaux
En ce qui concerne la cruauté envers les animaux, ces compulsions secrètes sont considérées
comme les germes d’un plus grand tumulte.
« Les actes violents sont ou non renforcés si les meurtriers peuvent exprimer leur rage sans
conséquence négative pour eux-mêmes ; ou s’ils sont imperméables à une quelconque interdiction
contre ces actions. Ensuite, les comportements impulsifs et erratiques découragent l’amitié ;
augmentant l’isolation. De plus, rien ne nie la croyance du futur agresseur selon laquelle il a le droit
de faire ce qu’il fait »53.
La cruauté envers les animaux est un drapeau rouge. Tuer et / ou torturer des animaux est
souvent considéré comme un entraînement au meurtre d’êtres humains.
Selon Monsieur RESSLER, agent au FBI et « profiler », « tout apprentissage possède un
système de réponses et de réactions ».
Torturer des animaux et allumer des feux va conduire à des crimes contre des êtres humains, si
le schéma n’est pas brisé d’une manière ou d’une autre.
La pyromanie
En ce qui concerne la pyromanie, elle est souvent une activité sexuellement stimulante pour
les auteurs. La destruction dramatique de bâtiments nourrit le même besoin pervers de détruire un
autre être humain.
Parce que les tueurs et tueuses en série ne voient pas les êtres humains autrement que comme
des objets, le saut entre la pyromanie et le meurtre est relativement facile à dépasser.
C’est ainsi qu’à titre d’illustration, Aileen WUORNOS, une tueuse en série contemporaine
avait tenté de mettre le feu à sa grand-mère avec son frère mais également avait allumé un feu avec le
papier hygiénique de son lycée.
C’est un signe annonciateur tout comme le fait de torturer des animaux qu’il convient
d’encadrer au plus tôt pour éviter le pire.
52
53
MAC DONALD (J.M.), «The threat to kill», Journal Of Psychiatry, 1963
RESSLER (R.), BURGESS (A.), DOUGLAS (J.), «Sexual homicide», Patterns and Motives, Free Press, 1995
16
L’énurésie
Enfin, l’énurésie est le fait d’uriner au lit. Il est le plus intime de ces symptômes et il est bien
évidemment moins divulgué que les autres.
L’apparition de ces trois signaux pourrait suggérer une probabilité plus grande de se trouver
face à un futur adulte violent.
L’un des attributs les plus courants de l’enfance des tueuses en série est le fait de torturer et
de tuer des petits animaux.
Il semblerait que l’on n’ait pas encore d’éléments concernant les tueuses en série sur ces
comportements faute d’études à ce sujet.
Toutefois, Madame SCHURMAN-KAUFLIN dans son étude signale des actes de cruauté
envers les animaux chez ses sujets féminins. Deux femmes ont mentionné avoir pendu des chats, une
en avoir noyé, deux en avoir étranglé, et une en avoir éviscéré un avec un couteau. La dernière femme
de l’étude dit avoir lapidé le chien de sa mère.
Désormais, il convient d’analyser le comportement de la tueuse en série lors de son enfance et
de son adolescence, au rythme des traumatismes subis, à savoir l’obésité, la solitude et les fantasmes
dans lesquels elle se réfugiait (B).
B-Obésité, solitude et fantasmes chez la tueuse
en série
Une question subsiste : comment sont ces femmes qui tuent en série dans l’enfance et dans
l’adolescence en dehors des traumatismes qu’elles ont pu vivre et étudiés précédemment ?
Madame SCHURMAN-KAUFLIN indique également que 100% des criminelles interrogées
ont signalé une obésité dans l’enfance et 43% de l’acné à l’adolescence.
Aujourd’hui, l’obésité est un phénomène malheureusement bien trop répandu, mais à l’époque
où ces femmes grandissaient, cela a pu, avec l’acné, contribuer plus gravement encore à leur sentiment
d’isolement social.
Et ce sentiment, la solitude, est sans doute la caractéristique la plus courante lorsque l’on
observe l’enfance des tueurs en série, hommes ou femmes.
C’est lorsqu’ils sont isolés de leurs camarades de jeu et de leurs pairs que les futures tueuses
en série se mettent à ressasser des fantasmes violents de vengeance et de domination si intimement liés
à leur manque d’amour-propre. Et le fantasme semble être l’une des clés.
Les traits de caractère qu’ont le plus en commun les tueuses en série dans l’enfance, et qui se
prolongent également dans l’adolescence et l’âge adulte, sont une tendance à la rêverie et aux
fantasmes.
La rêverie est définie dans l’étude comme « toute activité cognitive représentant un
détournement de l’attention d’une tâche » ; le fantasme, quant à lui, est plus précisément une pensée
élaborée causant une grande préoccupation, parfois exprimée en images, ou en sentiments seulement,
et qui est ancrée dans le processus de rêverie.
Les fantasmes sont là pour soulager l’anxiété et la peur et quasiment tout le monde en a, à un
degré ou à un autre, sans toutefois mener systématiquement au passage à l’acte.
Il est compréhensible que les sévices subis par un enfant éveillent des fantasmes agressifs dans
lequel il va développer un certain pouvoir et trouver les moyens de détruire son bourreau.
17
Mais l’élément déclencheur de ces fantasmes n’a pas spécifiquement besoin d’être un
évènement particulièrement violent ou apparenté à la grave maltraitance : des incidents relativement
banals tels que le divorce des parents, une maladie survenue dans la famille, voire le rejet d’un ami
peuvent donner à l’enfant une sensation de perte de contrôle, d’anxiété et de peur, et par conséquent
provoquer des fantasmes agressifs qui servent à gérer le stress.
Ce n’est qu’à ce stade que les autres facteurs constatés dans l’enfance des tueuses en série
entrent en action.
L’enfant qui manque de liens ou de contacts avec les autres va intérioriser le fantasme et
brouiller la frontière séparant fantasme et réalité. Seul dans son monde intime, il se met à répéter et à
préciser le fantasme, ce qui le réconforte, tout en diminuant continuellement la distance séparant celuici de la réalité.
Une telle augmentation de l’isolement social ne peut qu’encourager une dépendance au
fantasme pour pallier les rencontres avec d’autres êtres humains.
Madame SCHURMAN-KAUFLIN nota que 100% de ses sujets féminins se souvenaient
d’avoir été isolées des autres durant l’enfance, l’adolescence puis à l’âge adulte, et que le temps
qu’elles avaient passé seules était employé à s’aventurer dans des fantasmes violents.
Le développement de la personnalité de l’individu devient dépendant des périodes de
fantasmes et de leurs thèmes, plutôt que des interactions avec la société. L’évasion et le contrôle
absolus que l’enfant ressent dans son monde imaginaire finissent par créer une dépendance, en
particulier s’il est en état de stress permanent.
Les données concernant les fantasmes des tueuses en série sont tout à fait insuffisantes, et très
rares sont les études sur le lien entre fantasmes et masturbation chez l’adolescente.
Néanmoins, les sept femmes de l’étude de Madame SCHURMAN-KAUFLIN ont admis avoir
eu des fantasmes de meurtres dans leur enfance. Le fantasme apparaît donc comme un composant
crucial de l’enfance de la tueuse en série ; ce qui laisse à penser que non seulement, il est le résultat de
l’isolement social, mais aussi qu’il y contribue.
Toujours dans cette étude, au moins un des sujets a expliqué avoir été consciente du caractère
inopportun de ses fantasmes de meurtre envers les autres, ce qui contribua à l’éloigner encore plus des
contacts sociaux. Manifestement, cela confirme le fait que les tueuses en série ne se bercent pas
d’illusions : elles sont pleinement conscientes de la nature de leurs fantasmes.
Madame SCHURMAN-KAUFLIN explique que plusieurs des femmes interrogées ont confié
avoir eu au départ des fantasmes simples et vagues comportant le meurtre d’un être humain, ainsi
qu’une méthode spécifique pour y parvenir.
Cinq d’entre elles déclarèrent avoir fantasmé d’étrangler ou d’asphyxier leur victime, une
autre de lui tirer dessus avec une arme à feu, et le dernier sujet refusa de donner les détails. Au début,
ces fantasmes ne reposaient pas sur un individu identifiable, mais sur des victimes génériques : des
enfants, des hommes, des personnes âgées, des femmes, etc. Mais après avoir fantasmé de façon
générique pendant des mois, ces femmes expliquèrent avoir commencé à faire une fixation sur un
individu spécifique, en général quelqu’un qu’elles connaissent.
Plus l’instant du meurtre se rapprochait pour ces femmes, plus les fantasmes devenaient
détaillés et élaborés. Ils finirent par intégrer concrètement le mode opératoire à utiliser pour s’assurer
que le meurtre ne serait pas soupçonné et que les preuves seraient détruites. Les fantasmes devinrent
de plus en plus violents, détaillés, répétitifs et envahissants, jusqu’à se transformer peu à peu en
véritable plan. Lorsqu’il n’y eut plus rien à élaborer, la criminelle passa à l’étape suivante : la
concrétisation de ses fantasmes de meurtre.
18
Plusieurs des femmes interrogées dans l’étude ont admis avoir fait des recherches
méticuleuses dans les domaines des pathologies médico-légales, des procédures d’enquête et de la
criminologie avant de commettre leurs actes. Elles ont déclaré avoir constaté une hausse de leur
amour-propre face au succès de leurs meurtres : elles faisaient quelque chose que personne d’autre
n’était capable de faire.
Puis un jour, dans un schéma typique de tous les tueurs en série, hommes ou femmes
confondus, les problèmes de la vie quotidienne finissaient par submerger l’euphorie qu’elles avaient
ressentie à la suite du succès de leur crime. Elles replongeaient dans la dépression et l’isolement et, en
quête de réconfort, se remettaient à fantasmer. C’est là que le cycle meurtrier recommençait.
L’étude de SCHURMAN-KAUFLIN pose problème en ce qu’elle n’avait à sa disposition que
sept sujets, ce qui donne des pourcentages quelque peu trompeurs. En outre, tous ses sujets n’étaient
pas des tueuses en série, au moins une était l’auteur d’un massacre, ce qui implique une dynamique
psychologique très différente, plus proche du suicide que du meurtre en série.
L’étude de KEENEY ET HEIDE pose également problème car elle repose sur des comptesrendus et des reportages comme base de données sur les criminelles. Ces études, cependant, sont les
meilleures que nous ayons à notre disposition, mais elles ne sont en rien comparables à celle menée
par des agents du FBI sur vingt-neuf tueurs en série.
Malgré ce défaut de parité entre études sur les hommes et sur les femmes, cet aspect ne devrait
pas totalement éclipser notre compréhension des tueuses en série. Bien qu’il existe des différences
notables, une bonne partie de la psychopathologie des femmes est similaire à celle des hommes, et ce
que nous savons des tueurs en série peut souvent être appliqué aux tueuses en série.
Les facteurs explicatifs et la personnalité des tueuses en série viennent d’être explicités mais il
convient de préciser que faute d’études et de statistiques précises et complètes pour les données
précédemment susvisées ; il s’agit de ne pas attribuer systématiquement ces données.
Une femme peut devenir une tueuse en série sans avoir une enfance emplie de traumatisme.
De la même façon, une femme qui n’a pas torturé ni tué d’animaux peut quand même passer à l’acte.
Ce sont des caractéristiques générales qui ne se voient pas toujours appliquées dans la réalité
criminelle de ces tueuses en série. Il y a toujours une exception qui déroge au principe.
Une autre question d’une importance capitale se pose : quelles sont les motivations des
tueuses en série qui les poussent sur le chemin du crime ?
Section 2 : Des motivations des tueuses en série à
l’iter criminis
Une question découlant de l’analyse précédente se pose : comment ces tueuses en série passent
à l’acte alors que la plupart du temps une inhibition retient fortement le commun des mortels de tuer
ses congénères ?
Cette inhibition est provoquée par des fonctions cognitives supérieures tels que la pensée,
l’éducation, ou encore l’enseignement. Il faut effectivement apprendre à un enfant qu’il y a des limites
à ne pas dépasser, à ne pas enfreindre. Or, si cette socialisation n’a pas été effectuée, la femme devient
alors capable de tuer d’autres hommes ou femmes. Ce n’est que le résultat d’un mauvais
conditionnement.
Alors, quelles sont les motivations qui poussent ces tueuses en série au crime ?
Il apparaît ainsi que les motivations qui poussent les tueuses en série au passage à l’acte sont
complexes (I). Il conviendra de les décrire dans un premier temps puis de relater dans un second temps
le passage à l’acte en lui-même (II).
19
I-Des motivations féminines complexes
Les tueuses en série ont des motivations complexes et variées ; il s’agira d’en faire l’exposé
(A). Mais outre ce qui pousse une tueuse en série à commettre tous ces actes, il conviendra de
s’intéresser aux perceptions et émotions durant le processus criminel (B) c’est-à-dire avant le passage
à l’acte lui-même.
A-De la vengeance au besoin d’argent
A la différence des hommes, les femmes agiraient en fonction d’un ensemble, d’une
accumulation de motivations complexes. Une fois arrêtées, elles justifient leurs actes par un mobile
rationnel.
« Il existe très peu de signaux d’alarme hors contexte […]. Le problème réside dans le fait
d’avoir assez d’informations pour façonner un contexte »54 . Que le mobile rationnel soit énoncé
consciemment ou non, son scénario se veut toujours pragmatique : argent, vengeance, amour. 55
Selon HARRATIS et al. (2007), ce mobile est émotionnellement relié à des affects négatifs
(haine, colère) ou à l’absence d’affect (absence réelle ou déni des affects). Le mobile rationnel factice
évoqué permet à l’auteur du crime de centraliser l’ensemble de ses motivations, nombreuses et
pathogènes.
Le « raffinement » des techniques opératoires, en plus de la complexité motivationnelle,
permet alors de comprendre la détection difficile et la longévité criminelle des femmes. 56
En comparaison avec les hommes, il convient d’insister sur l’apparente organisation des
crimes perpétrés par les tueuses en série, bien qu’il ne s’agisse pas d’un groupe homogène.
Mais si les crimes féminins comportent moins de rituels et d’expressions pathologiques, c’està-dire une « signature psychologique » moins marquée57, ces crimes peuvent être tout aussi violents
que ceux des hommes.
Durant l’analyse de l’écriture de Christine FALLING (tueuse en série américaine), Madame
IANNETA, graphologue travaillant pour la police, exprimait que « les tueuses ont cette capacité à se
fabriquer méthodiquement une image publique, ou un masque, de charme cultivé et de comportement
de séduction doucereuse. Les tueurs paraissent, quant à eux, bien moins intéressés par ce jeu de rôles,
ils sont plus attirés par le sexe ; dans le but de dominer, et souvent de venger leur honneur et leur
fierté » relate Peter VRONSKY58
Le portrait motivationnel des femmes criminelles se différencie clairement de celui des
hommes. Les agresseurs féminins sont motivés, dans l’ordre, par l’argent, le plaisir, le refus de la
maternité, la vengeance et autres (drogue, sexualité). Surtout, un tiers des femmes étudiées combinent
divers motifs59. « Malgré les tentatives de catégorisations des tueuses en série […] nous constatons
manifestement que dans bien des cas, il est impossible d’attribuer un mobile unique à une tueuse en
série » exprime Peter VRONSKY.
En ce qui concerne les motivations, les désirs profonds restent toutefois semblables d’un genre
à l’autre, bien que les classifications motivationnelles proposent toujours un éventail qui peut
sensiblement varier selon le genre : profit, jalousie, revanche, élimination, plaisir, accusation,
frisson60, pouvoir, toute-puissance, quête d’identité, cannibalisme, négation des lois sociales et
54
VRONSKY (P.), « Femmes Serial Killers. Pourquoi les femmes tuent ? », Balland, 2009
KELLEHER (M.) et KELLEHER (C.), « Murder Most Rare: The Female Serial Killer», Bantam Doubleday Dell Publishing Group, 2000.
POLLACK (O.), op. cit.
57
HICKEY (E.), «The female serial murderer», In Serial Murderers and Their Victims, Wadsworth Publishing Company, 2005.
58
VRONSKY (P.), op. cit.
59
MANNERS (T.), « Deadlier Than the Male: Stories of Female Serial Killers», Trafalgar Square Publishing, 1997.
60
LANE (B.), « Encyclopedia of Women Killers», Hooder Headline, 1994.
55
56
20
étatiques. 61 Cette variation est davantage due aux techniques opératoires du crime et de neutralisation
des conflits moraux qu’aux motivations véritables.
A l’image des hommes, les femmes n’ont pas un mode opératoire homogène et unique. La
compulsion motivationnelle serait plus présente chez les femmes, compulsion provoquée / accentuée
par des maladies mentales spécifiques et des dérèglements organiques. Par exemple, Messieurs
KELLEHER et KELLEHER évoquent la « question of sanity » prenant pour exemple les « female
spree killers » (les tueuses compulsives). Les motivations sont communes, bien que façonnées par les
rôles sociaux dans leurs expressions et leurs accomplissements. Cela peut être observé si, et seulement
si l’homme n’est plus étudié comme un prédateur, une bête à l’agir irréfléchi et la femme comme une
belle au mobile logique.
Monsieur Eric HICKEY, criminologue, en comparant un échantillon de soixante-deux tueuses
en série avec un échantillon de trois cents quatre vingt dix neuf tueurs en série a découvert les
statistiques suivantes concernant les motivations des femmes ; sachant qu’elles peuvent se combiner :
-L’argent pour 74% des tueuses en série ;
-La drogue, le fait de faire partie d’une secte, pour cacher un secret qui serait sinon révélé, ou
parce qu’elles se sentent rabaissées dans 24% des cas ;
-Le contrôle, le pouvoir (13%) ;
-L’amusement, l’excitation (11%) ;
-Le sexe (10%).
Alors que pour les hommes, ils sont le plus souvent motivés par :
-Le contrôle ;
-Le sexe ;
-L’amusement.
Contrairement aux femmes, l’argent et tout le reste viennent bien après pour les tueurs en
série. Ainsi, les femmes et comme nous l’évoquerons infra tuent dans la plupart des cas pour des
questions pécuniaires.
Les motivations qui servent de levier au passage à l’acte sont souvent superficielles,
illogiques, contradictoires, morbides, ou troublées par un orage affectif. On risque chaque fois de se
tromper, de confondre une motivation apparemment passionnelle avec une motivation utilitaire et,
inversement, de voir une préméditation là où elle n’a pas vraiment existé, ou au contraire de prendre
pour un acte impulsif un geste réfléchi et calculé.
Le mélange des sentiments et des humeurs, de la colère à l’irritation, de la provocation à
l’amour perdu constituent bien sûr des facteurs déclenchants ; mais ils cachent toujours des sentiments
plus profonds qui sont à la racine même du crime.
La motivation criminelle se dégage donc d’un tourbillon parfois en quelques instants, parfois,
il s’étire dans un processus complexe.
Mais avant d’étudier en détail ces tueuses en série au travers de leurs actes, il convient de
continuer à évoluer dans le cheminement de la tueuse en série et dès à présent d’évoquer les
perceptions et émotions durant le processus criminel (B).
B-Perceptions et émotions avant, durant et après
le processus criminel
Le passage à l’acte ne semble pas si sophistiqué et réfléchi. Seulement, un tiers des tueuses en
série imaginerait le crime, quand la quasi-moitié attaque impulsivement, sans réflexion préalable. La
dernière partie de ces femmes restant dans la négation ou le déni de l’acte.
61
HICKEY (E.), op.cit.
21
Les motivations sont-elles expliquées, au-delà de la justification, par les agresseurs de genre
féminin ? Comme pour les hommes, les éléments déclencheurs du crime chez les femmes se trouvent
dans une période de mal-être, de difficultés sociales et personnelles, comme le vécu d’un décès ou la
reviviscence de traumatismes. La combinaison porte essentiellement sur l’absorption de substances
psycho-actives avant le crime, l’alcool en tête.
Toutefois, à l’instar des hommes, l’ensemble du groupe féminin ne connaît pas spécialement
de stresseurs avant l’acte.
Monsieur PROULX et al62. en 2005 analysent les émotions ressenties par les agresseurs
masculins avant, pendant et après leurs actes. Ils constatent que la perception de la victime est biaisée
par les émotions et traumatismes de l’auteur. Il en est de même pour les femmes qui délinquent
violemment.
Avant l’acte, les victimes sont perçues comme menaçantes, symbolisant une personne ou un
évènement traumatique ancien. Envahies par des sentiments d’étrangeté et de colère, l’agresseur va
déshumaniser la victime afin de reprendre possession de lui-même.
Les mécanismes intrapsychiques semblent identiques d’un genre à l’autre. A une différence
près, les femmes agressent essentiellement des victimes proches, l’entourage familial, social ou
professionnel63. Après le crime, une grande partie des criminelles (incarcérées) disent subir des
conséquences des actes, tant morales, pénales que familiales, et une minorité reconnaissent des
conséquences pour la victime ; conséquences psychologiques, sociales et affectives.
La non-construction d’autrui en soi est ici flagrante, représentée par le manque d’empathie et
de rationalité communicative. 64 « La victime semble davantage déterminée par la
perception/interprétation de l’auteur et le contexte »65.
Pour celles qui expriment des sentiments de honte et de culpabilité, aucune distinction n’est
faite entre ces deux notions. Associés aux dommages physiques et au rapport à la Loi, les sentiments
de honte et de culpabilité sont vides de substance, moralement proches de l’absence de sentiment ou
du déni de l’acte. Il en est de même pour la responsabilité de l’acte, quand celles-ci le revendiquent.
Elles sont prêtes à reconnaître une responsabilité partielle, tout en justifiant leurs actions. Les
techniques de neutralisation de la culpabilité sont apparemment similaires chez les hommes et les
femmes criminels66« Ils possèdent un besoin de vengeance pour réparer un tort, une blessure par
n’importe quel moyen, […]. Le but des individus est d’infliger aux autres le genre de blessures
narcissiques qu’ils ont eu à subir »67
Les criminels sériels masculins et féminins recherchent la domination d’autrui, ils cherchent la
domination du dominé qu’ils furent autrefois, symbolisé dans le crime par la victime. Même si elles
sont plus discrètes dans l’expression de leurs motivations, les femmes peuvent aussi utiliser les
vecteurs du sadisme et du sexe dans leurs crimes tels Aileen WUORNOS par exemple.
Par contre, la satisfaction est ressentie à des périodes d’actes différentes suivant les hommes
ou les femmes. Les meurtriers masculins dégagent un sentiment d’euphorie avant le meurtre, pendant
la phase de traque.
Les femmes quant à elles, perçoivent cette euphorie dans l’acte de meurtre lui-même. Ce qui
conduit Peter VRONSKY à analyser le crime comme une signature psychologique intrinsèque chez les
femmes.
62
PROULX (J.), CUSSON (M.), BEAUREGARD (E.), et NICOLE (A.), « Les meurtriers sexuels : Analyse comparative et nouvelles perspectives », PUM, 2005
GARCIA (C.), SURREY (J.L.) et WEINGARTEN (K.), «Mothering against the odds: diverse voices of contemporary mothers», New York: Guilford Press, 1998.
CANTOSPERBER (M.), « Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale », tome 1. Paris : PUF, 4 e Edition, 2004
65
DIEU (E.), DUBOIS (M.) et SOREL (O.), « La place du profil victimologique dans l’équation criminogènétique », Communication orale, 6e Colloque
International
Psychocriminologie, UPMF Grenoble, mars 2011B.
66
MATZA (D.), « Delinquency and drift», Transaction Publishers, 1964.
63
64
de
67
SENNINGER (JL), HIEGEL (E.) et KAHN (J.P.), « Le tueur en série », Paris : Annales Médico-psychologiques, Vol. 162 : 634-644, 2004
22
Cette euphorie dans l’acte de meurtre lui-même implique alors l’étude indispensable du
processus de passage à l’acte(II).
II-Le passage à l’acte
S’il est vrai, comme l’assurait Monsieur De GREEFF68, criminologue, que nous sommes tous
des délinquants virtuels, seul le passage à l’acte permet de différencier le délinquant du nondélinquant. En effet, l’inhibition est levée et le processus de pensée dépassé.
Cette remarque est d’ailleurs valable dans toutes les perspectives criminologiques, car même
si seulement certains individus sont prédisposés à la criminalité, tous ne deviennent pas effectivement
criminels. Le délinquant est celui qui passe à l’acte.
Pourquoi et comment franchit-il ce seuil redoutable devant lequel les autres gardent leur sangfroid ou ne sont même pas tentés ? Nous sommes ici au cœur du problème de la criminogenèse, et son
importance est capitale. Car si l’on parvient à découvrir les conditions du passage à l’acte, il sera
possible de recenser les syndromes de l’état dangereux, ces faisceaux de symptômes qui alertent le
criminologue sur la probabilité d’un dénouement délictueux. Et si, allant plus loin, on réussit à
démonter le mécanisme qui transforme cet état dangereux en état criminel, on pourra intervenir plus
efficacement pour l’empêcher de fonctionner.
Après avoir étudié les représentations des tueuses en série, puis la réalité de leur profil, il reste
à présenter leur relation au crime.
Quels sont les éléments généraux de leur passage à l’acte, quel est son contexte et quelle
incidence a-t-il sur les femmes presque ordinaires qu’elles sont ?
Dans un premier temps, il s’agira d’étudier les conditions du passage à l’acte (A) puis les
mécanismes du passage à l’acte chez les tueuses en série (B).
A-Les conditions du passage à l’acte
Le crime frappe souvent par sa soudaineté et par la futilité des motifs qui l’ont immédiatement
déclenché comme il l’a été précédemment analysé.
Dans la tragédie classique, enfermée dans la convention des trois unités de temps, d’action et
de lieu, le crime se réduit à ce bref moment, à « ce jour détestable où s’est produit le carnage »
comme l’écrivait Racine69.
Selon la formule de Monsieur PINATEL, criminologue français, « Le crime est la réponse
d’une personnalité à une situation ». Le passage à l’acte exige donc en principe qu’une personnalité
criminelle soit placée dans une situation criminogène.
Cependant, il ne faut pas généraliser. La réunion de ces deux conditions n’est pas toujours
nécessaire. Inversement, il y a des cas où une personnalité structurée pour le crime recherche et
suscite l’occasion qui ne se présente pas.
Quoiqu’il en soit, prises ensemble ou séparément, la personnalité criminelle et les situations
criminogènes sont génératrices de ce que l’on appelle l’état dangereux.
Ce concept est inventé à la fin du siècle dernier par le positiviste italien Monsieur
GAROFALO, disciple de LOMBROSO étudié supra. Dans la stricte perspective de la criminogenèse,
l’état dangereux constitue en quelque sorte le signal d’alarme qui permet de déceler la plus ou moins
68
69
DE GREEFF (E.), « Introduction à la criminologie ». Bruxelles, VanderPlas, 1946
RACINE (J.) « La Thébaïde ou les frères ennemis », Barbin, 1664
23
grande probabilité du passage à l’acte. Il est alors le produit de l’équation : personnalité criminelle +
situation criminogène. Mais il peut toutefois être le résultat de l’un ou de l’autre de ces éléments.
Comment une envie de meurtre ou un fantasme se traduisent-ils en actes ? De la soudaineté au
plan mûri pendant des années, les processus sont divers.
Le passage à l’acte est la mise en action de la violence. Dans la plupart des cas, la violence des
émotions et des sentiments ne débouche pas sur des actes violents parce que, entre l’émotion ou le
sentiment et l’acte, il y a un espace pour la pensée : on cherche à comprendre, on relativise et par la
parole, on met en mots ce que l’on a ressenti, pour soi et pour les autres.
Mais parfois, cet espace n’existe pas : l’acte violent remplace la pensée et la parole. En
psychologie, on parle « d’échec de la mentalisation ». Il existe plusieurs types de passages à l’acte
qu’il s’agit dès à présent d’analyser (B).
B-Le mécanisme du passage à l’acte
Il y a deux types de passage à l’acte : le passage à l’acte impulsif et le passage à l’acte
prémédité ou mûri.
Le passage à l’acte impulsif. Pour reprendre le terme psychologique « d’échec de la
mentalisation », c’est dans ce cas de passage à l’acte qu’il se voit le mieux. Non seulement, les auteurs
ne pensent pas leur acte avant de le commettre, mais parfois, ils n’en prennent conscience qu’après
l’avoir commis : « Leur corps agit comme quelque chose qui ne leur appartient pas, ne leur ressemble
pas » 70.
Toutefois, si ces passages à l’acte sont impulsifs, ils ne jaillissent pas pour autant du néant : ils
interviennent dans le cadre d’une relation marquée par la souffrance, à la suite d’un incident qui peut
paraître mineur et sert de déclencheur.
Le passage à l’acte prémédité ou mûri. Le crime avec préméditation correspond à une
maturation, à une évolution vers le crime. Elle se ferait en trois étapes selon le psychologue Etienne de
GREEFF qui se base sur de nombreux entretiens avec des criminels71.
La première qu’il appelle « acquiescement mitigé » est marquée par l’apparition, qui peut être
inconsciente, de l’idée du crime.
La deuxième, dite « assentiment formulé » voit apparaître des ébauches de passage à l’acte :
menaces, tentatives qui tournent court.
La troisième est celle du passage à l’acte proprement dit, à la suite d’un incident déclencheur
qui peut paraître anodin à un observateur, mais qui achève de convaincre l’auteur de l’acte qu’il est
injustement traité par la personne qu’il a en ligne de mire et qu’il a raison de se venger.
Cette période de maturation existe, et elle est même souvent longue chez les auteurs de crimes
multiples, tueuses ou tueurs en série
Une question se pose : peut-on prévoir et prévenir le passage à l’acte ?
On distingue la prévention primaire, qui vise à prévenir le passage à l’acte de la part de gens
qui n’ont pas encore commis d’acte violent, de la prévention secondaire, qui vise à empêcher la
récidive après passage à l’acte.
La première hypothèse à savoir la prévention primaire soulève un grand scepticisme chez les
experts. En revanche, il est possible d’évaluer l’efficacité globale d’une politique de prévention de la
violence : il suffit de comparer les taux de délinquance avant et après l’application de telle ou telle
mesure, ou de les comparer à ceux d’une population semblable pour laquelle rien n’a été fait. On a
70
71
BERGERET (J.), « Actes de violence : réflexion générale », in F. MILLAUD, Le passage à l’acte, 2 ème édition, Masson, 2009
BLATIER (C.), « Introduction à la psychocriminologie », Dunod, 2010
24
ainsi établi l’efficacité, auprès d’enfants et d’adolescents, de mesures d’assistance scolaire et
postscolaire, de structures où ils peuvent parler de leurs conflits pour les régler sans violence ; auprès
d’adultes, de l’aménagement de l’espace (création d’espaces verts, de lieux de rencontre…), de
l’institution de médiateurs.
La prévision et la prévention secondaire sont plus faciles à réaliser que la prévention primaire,
dans la mesure où les auteurs d’un premier acte de violence sont emprisonnés ou envoyés dans un
hôpital psychiatrique. On peut aussi recourir à des traitements. Des chercheurs rapportent un
programme de thérapie comportementale et cognitive visant à réduire « les erreurs de pensée
criminogènes » chez cinquante-cinq prisonniers. Leur taux de récidive après leur sortie de prison a été
de 50 %, contre 70,8 % dans le groupe de contrôle72.
Le processus du passage à l’acte. Les criminologues ont formulé des hypothèses sur le
mécanisme du passage à l’acte. Certains ont une conception dite atomistique ; ils réduisent ainsi le
travail psychique du délinquant à un seul phénomène localisé dans le temps au jour de l’infraction et
les mobiles de l’acte ont d’après eux, une importance excessive alors que le mobile n’est que
l’apparence logique d’un geste irrationnel.
Une conception est considérée comme étant plus sérieuse ; il s’agit de la conception globale
qui procède d’une recherche de toute la vie psychique et sociale du sujet avant le crime telle que l’ont
évoqué Messieurs SUTHERLAND, DI TULLION, et surtout DE GREEFF.
C’est Etienne DE GREEFF qui a été incontestablement le plus loin dans ce domaine. Selon
lui, le processus qui conduit à l’accomplissement de l’acte grave comporte quatre phases principales :
la phase de l’assentiment inefficace, la phase de l’assentiment formulé, la phase de la crise, et le
dénouement. L’élément essentiel de ce processus est le « devenir du sujet » : ce que le criminel est
devenu psychologiquement, généralement sans le savoir, devenir qui n’est perceptible que dans une
étude portant sur une longue durée, car seule la durée permet de saisir l’évolution ou la stagnation.
Après le dénouement, on constate généralement un changement d’attitude. Le délinquant, qui
se trouvait auparavant dans un état d’émotivité anormale, va manifester, selon les cas, un soulagement,
des regrets, de la joie ou de l’indifférence. « Toute la personnalité du criminel se trouve condensée à
ce moment-là ».
Monsieur DE GREEFF écrit que « plus un criminel se comporte après les faits comme
l’auteur d’un acte raté, qui demande pardon à sa victime et voudrait la sauver, plus il se rapproche du
normal. Au contraire, plus longtemps persiste l’attitude et le plaisir homicide après les faits, et plus la
situation est grave ».
La gamme des réactions des criminels dans le moment qui suit le crime est, en effet, variée
comme on a pu le constater précédemment : regrets ou remord, indifférence, soulagement, persistance
d’une sorte de rage dévastatrice, expression de la volonté de recommencer à la prochaine occasion…
Ainsi, l’appréciation du degré d’état dangereux d’un criminel est donc commandée en partie
par le type de réaction qu’a manifesté le sujet immédiatement après le passage à l’acte.
Afin d’illustrer le propos, il convient de citer Aileen WUORNOS, précédemment étudié dans
la partie sur les traumatismes de l’enfance.
Etant donné de ses différents meurtres, la Cour de Suprême de Floride l’avait condamné à six
condamnations à mort. Rappelons qu’aux Etats-Unis les chefs d’inculpations sont tous pris en
considération pour le prononcé de la peine ; contrairement à la France. Aileen WUORNOS acceptait
son sort et écrivait ainsi une lettre à la Cour Suprême de Floride dans laquelle elle acceptait de
licencier ses avocats et de ne plus faire aucun appel. Elle écrivit alors : « Je suis une personne qui hait
72
BOURGEOIS (M.L.), BENEZECH (M.) et LE BIHAN (P.), « La haine psychotique et le passage à l’acte destructeur », Annales médico-psychologiques, vol. CLXIII, n° 8,
octobre 2005
25
réellement la vie humaine et qui tuerait de nouveau » après avoir clamé son innocence en disant « Je
suis innocente ! J’ai été violée ! J’espère que vous serez violés ! Sacs à merde de l’Amérique ».
Le degré de dangerosité d’Aileen WUORNOS est clairement établi par ces propos. Elle est
consciente de l’atrocité de ses meurtres, mais a conscience également qu’elle recommencera, qu’elle
accable la société entière de l’avoir délaissé, qu’elle ne ressent aucune culpabilité vis-à-vis de ses
victimes.
Il vient d’être analysé spécifiquement tant les traumatismes liés à l’enfance de ces tueuses en
série, mais également les motivations qui les poussent au pire. Il convient désormais de s’appuyer sur
la psycho-criminologie de ces tueuses en série à travers les scenarii criminels et le mode opératoire
qu’elles utilisent pour mener à bien leur quête (chapitre 2).
CHAPITRE 2 : PSYCHO-CRIMINOLOGIE
DES TUEUSES EN SERIE
La délinquance et la criminalité prolifèrent à vive allure un peu partout dans le monde. Face à
l’habileté de certains criminels, les Américains ont développé la psycho-criminologie.
La psycho-criminologie constitue une branche de la psychologie légale. Elle englobe toutes les
théories, mais également toutes les démarches stratégiques visant à faire avancer une enquête
criminelle délicate. Le psycho-criminologue entre en jeu dans le cas des meurtres en série, viols ou
encore violences physiques entraînant involontairement la mort d’une personne. Dans ce genre
d’enquêtes, le psychologue peut effectuer une expertise judicIaire ou encore une analyse criminelle.
Dans ce dernier cas, le psycho-criminologue revêt le titre de « profiler ».
La psycho-criminologie est une discipline qui s’est développée aux Etats-Unis au XIXème
siècle. Elle ne désignait alors que le profilage psychologique dans les années 1950. Avec l’avènement
de la criminologie, les contours de la psycho-criminologie ont pu être définis avec précision. Cette
technique psychologique se rapportant à la criminologie a été importée en France au milieu des années
1980. Les tueurs et tueuses en série étant a priori plus rares dans notre pays, la discipline n’a pas
encore connu un développement aussi important qu’aux Etats-Unis où la psycho-criminologie
représente une discipline en développement perpétuel en raison de l’augmentation du nombre de cas
de tueurs en série, hommes et femmes confondus, sur le continent américain.
Toutefois, de par cette difficulté à dépasser le processus social, il a été difficile d’établir le
mode opératoire des femmes à travers la psycho-criminologie.
Dans les deux sections qui suivent, il conviendra d’une part, de prendre en considération les
scenarii criminels (section 1) puis les classifications psycho-criminologiques (section 2).
Section 1 : Les scenarii criminels
Les scenarii criminels amènent à prendre en considération dans un premier temps les
caractéristiques générales des tueuses en série (I) puis le mode opératoire selon lequel elles agissent
(II).
I-Caractéristiques générales des tueuses en série
Plusieurs questions se posent : quels sont les profils des victimes, quel est l’âge des tueuses en
série lorsqu’elles passent à l’acte ou encore où et avec quelles armes opèrent-elles ?
Afin de présenter les caractéristiques générales des tueuses en série et de répondre à ces
diverses questions, il s’agit dans un premier temps d’analyser tant le profil de la victime (A) que l’âge
moyen de la tueuse en série (B).
26
A-Profil de la victime
Une constante du passage à l’acte féminin et plus spécifiquement des tueuses en série, serait la
proximité affective entretenue entre elle et les autres acteurs.
Les tueuses en série ont traditionnellement tendance à choisir leurs victimes parmi les êtres
chers, ou au moins, parmi les relations contrairement aux tueurs en série qui eux, privilégient plutôt les
inconnus.
Les chiffres sont très contrastés. Concrètement, ils confirment le fait que les tueuses en série
ont traditionnellement tendance à choisir leurs victimes parmi les êtres chers, ou tout au moins, parmi
leurs relations, à l’inverse des tueurs qui privilégient, eux, les inconnus. Les victimes des tueuses en
série peuvent être le plus fréquemment un ou plusieurs enfants, un mari encombrant ou encore des
parents gênants pour la tueuse.
Néanmoins, depuis 1975, le pourcentage de victimes inconnues de la tueuse en série
augmente, et comme ces dernières devancent aujourd’hui légèrement les autres, elles sont classées
dans la catégorie préférée pour les tueuses en série :
-24 à 30 % des victimes sont des inconnus ;
-22 à 25% des victimes dans le cercle familial ;
-11 à 15 % dans le cercle des relations.
En termes de types de victimes, lorsqu’elles ne tuent pas des inconnus, les femmes choisissent
en premier lieu de tuer époux et enfants, suivis des amis, des prétendants, de la belle-famille, des
mères, des patients à l’hôpital et des locataires.
Mais étant donné que les femmes tuent tant des inconnus que des victimes dans le cercle
familial, comment et où passent-elles à l’acte ?
B-Profil du bourreau
Mesdames KEENEY et HEIDE73 découvrirent, au cours de leur étude sur les tueuses en série,
que l’âge moyen des femmes lorsqu’elles commencent à tuer est de trente-deux ans et neuf mois.
Il est à noter que la plus jeune tueuse en série a onze ans et la plus âgée cinquante-trois ans.
Ainsi, les femmes sont susceptibles de commencer leur carrière d’assassins plus tard et de la
faire durer jusqu’après la cinquantaine, certaines pouvant alors tuer jusqu’à soixante ou soixante dixans.
Cependant, alors que l’on pensait pouvoir catégoriser la tueuse en série en matière d’âge
moyen lors du passage à l’acte, survenait une jeune enfant de onze ans dénommée Mary BELL, en
Angleterre.
En mai 1968, la petite Mary étrangla un garçon de quatre ans après l’avoir attiré dans un
immeuble abandonné. Le corps de l’enfant fut découvert le même jour, mais la police conclut à une
mort accidentelle. Le jour suivant, Mary tenta d’étrangler une fillette de onze ans, mais elle fut
interrompue par le père de cette fille qui la chassa hors de sa maison. Il ne lui vint jamais à l’esprit que
Mary avait vraiment tenté d’assassiner sa petite fille.
Suite à cet épisode, Mary se rendit dans la maison où le petit garçon qu’elle avait tué, avait
vécu et demanda à le voir. Lorsque les parents lui dirent que l’enfant était mort, elle répondit : « Oh, je
sais qu’il est mort, je voulais dire : le voir dans son cercueil ».
73
KENNEY (B.T.) et HEIDE (K.), op. cit.
27
Neuf semaines plus tard, accompagnée d’une autre petite fille, Mary étrangla un petit garçon
de trois ans, le frappa à l’estomac avec une paire de ciseaux cassés, et après avoir tenté sans succès de
la castrer, grava la première lettre de son prénom « M » dans son abdomen. Son corps fut découvert
entre des blocs de béton dans un terrain vague.
Lorsque Mary se mit à accuser d’autres enfants d’avoir commis le meurtre, elle éveilla les
soupçons. Après avoir été emmenée de nuit pour être interrogée par la police, la fillette refusa
effrontément de répondre aux questions et exigea des enquêteurs stupéfaits qu’ils appellent un avocat
avant qu’elle n’en dise davantage.
Elle fut reconnue coupable mais irresponsable par un jury anglais, et condamnée en 1969 à
être enfermée pour une période indéterminée dans un établissement psychiatrique.
Sa mère, prostituée, avait des antécédents psychiatriques, et seulement dix-sept ans lorsqu’elle
mit au monde Mary. Elle avait à plusieurs reprises abandonné sa fille à d’autres parents et avait même
tenté une fois de la faire adopter. En 1998, dans un entretien avec l’auteur Gitta SERENY, Mary
BELL expliqua que sa mère l’avait forcée à faire des fellations à ses clients lorsqu’elle était enfant.
A l’époque, on la décrivait comme une petite fille hautement intelligente et manipulatrice. Elle
disait à la policière qui la surveillait qu’elle voulait devenir infirmière pour pouvoir planter des
aiguilles dans les gens. « J’aime faire mal aux gens ».
Lors de son procès, elle déclara : « Si j’étais juge et que je devais régler le cas d’une fille de
onze ans qui a fait ça, je lui donnerais dix-huit mois. Le meurtre, ce n’est pas aussi horrible que ça.
On meurt tous un jour, de toute façon ».
Mary BELL fut relâchée à l’âge de vingt-trois ans, en 1980, et eut une fille en 1984, pour la
garde de laquelle elle se battit, et qu’elle élève apparemment de façon aimante. Elle vit aujourd’hui
dans l’anonymat, un anonymat renforcé par un recours en justice gagné en 2003, interdisant à la
presse de révéler le lieu de résidence et son identité ainsi que celle de sa fille.
Elle reste la plus jeune tueuse en série de toute l’Histoire.
Outre les données susvisées, quelle est la méthode employée par la tueuse en série lors de son
passage à l’acte ? Comment s’organise-t-elle ? La réponse à ces questions nécessite l’étude du mode
opératoire féminin (II).
II-Un mode opératoire typiquement féminin
Le mode opératoire de ces tueuses en série implique de prendre en considération tant la
différenciation avec la signature de ces femmes s’il en existe une véritablement (A) puis l’arme et le
lieu de crime (B).
A-Différence entre signature et mode
opératoire
« Pour les actions, le mode opératoire sert à la réalisation de l’acte criminel » 74, alors que la
signature relève d’actes non nécessaires pour donner la mort »75.
Cela doit permettre d’évaluer le niveau général d’organisation du crime féminin, afin de savoir
« comment reconnaître une femme prédatrice ? »76
RESSLER (R.), BURGESS (A.), DOUGLAS (J.), HARTMAN (C.), D’AGOSTINO (R.), «Sexual killers and theirs victims: Identifying patterns through crime scene analysis»,
Journal of Interpersonal Violence, 1: 288-308, 1986 a Et RESSLER (R.), BURGESS (A.), HARTMAN (C.), DOUGLAS (J.) et MCCORMACK (A.), «Murderers who Rape and
Mutilate”, Journal of Interpersonal Violence, 1: 273-287, 1986b.
75
GIROD (R.), «Profiling the Criminal Mind», Iuniverse, Inc, 2004
76
VRONSKY (P.), op. cit.
74
28
Il ressort de ces études que la signature est donc l’opposé du mode opératoire, c’est-à-dire la
méthode employée pour commettre le meurtre.
Le mode opératoire représente ce que la tueuse en série doit faire pour accomplir le meurtre.
Ce mode opératoire change à mesure que la tueuse en série élimine ses victimes. Elle doit en
conséquence améliorer sa stratégie, car plus elles tuent et plus elles augmentent forcément leur chance
d’être appréhendées.
Toutefois, ce n’est pas toujours le cas. Toujours en illustrant le propos concernant Aileen
WUORNOS qui jetait tous les cadavres sur le bord de la route après les avoir tués froidement.
Monsieur MANNERS 77 a étudié le mode opératoire des femmes tueuses en série à travers
l’analyse de soixante-deux sujets. Il en déduit plusieurs techniques opératoires spécifiques aux
femmes.
Les femmes criminelles associeraient la prostitution, le vol et l’escroquerie à leurs crimes.
Organisées dans leurs actions, elles cherchent la discrétion, maquillant par exemple leurs crimes pour
protéger leur identité 78.
Pour tuer, elles utiliseraient, dans l’ordre d’occurrence, le poison, l’arme à feu, la suffocation,
le matraquage, l’arme blanche et la noyade. Le mode opératoire a permis en conséquence de
catégoriser les tueuses en série en fonction des moyens qu’elles utilisaient pour commettre leurs actes.
Evidemment, ce n’est pas pour cela que tous les crimes organisés, utilisant le poison comme
arme, sont réalisés par des femmes.
Et encore moins que les actions violentes sont le domaine réservé des hommes, comme en
témoignent les crimes d’Aileen WUORNOS aux Etats-Unis.
En ce qui concerne la signature, la tueuse en série en revanche laisse toujours la même : le
meurtre lui-même.
B-Lieu et arme du crime
Peter VRONSKY, dans son ouvrage « Pourquoi les femmes tuent » rapporte les chiffres
suivants en ce qui concerne le lieu du crime79.
Alors que seuls 10 % des tueurs en série tuent dans des lieux spécifiques (entre 16 et 19 % des
victimes sont tuées en un certain lieu où elles ont été amenées ou trouvées), ce chiffre grimpe à 32%
pour les tueuses : elles tuent exclusivement dans leur maison ou dans des centres de soins médicaux,
par exemple, et ces victimes (qui représentent 42 % de toutes les victimes de tueuses en série) ont été
soit attirées là, soit prises au hasard. Le nombre moyen de victimes par tueuse en série agissant en un
lieu spécifique est le plus élevé ; entre 9 et 13.
Les tueuses en série locales, c’est-à-dire celles qui tuent en différents endroits de la même ville
ou du même Etat, représentent une plus grande proportion des criminelles en série, 45 % mais ont un
nombre moyen de victimes moins élevé : entre 6 et 8 victimes par personne. A noter qu’en ce qui
concerne les tueurs en série locaux, ces chiffres montent à 55% et leurs crimes concernant 45 à 48%
des victimes.
Quant à l’arme utilisée par la tueuse en série, à nouveau Peter VRONSKY rapporte que la
majorité écrasante de ces femmes donne la mort grâce à du poison en ce que c’est elle qui prépare le
plus fréquemment les repas et les boissons.
77
78
79
MANNERS et al., op.cit.
KELLEHER et KELLEHER, op. cit.
VRONSKY (P.), op. cit.
29
Ensuite, il apporte la précision selon laquelle 45% des femmes s’en sont parfois servi, et 35%
n’ont utilisé que cela. Dans 20 % des cas, c’est une arme à feu qui a été utilisée ; dans 16 % des cas, un
objet contondant ; dans 16 % des cas également, la mort a été donnée par asphyxie ; dans 11 % des
cas, à coups de couteau ; et dans 5 % des cas, par noyade. La mort par asphyxie seulement a été
donnée dans 11 % des cas ; par arme à feu seulement dans 8 % des cas ; et à coups de couteau
seulement dans 2 % des cas.
Une combinaison des différentes méthodes décrites ci-dessus a été utilisée par 33 % des
tueuses en série.
Un contraste entre les hommes et les femmes est à relever de par ces données. En effet,
l’homme est plus enclin à utiliser la force, des armes, de la corde, des chaînes, du ruban adhésif ou
encore d’autres dispositifs afin de handicaper et de rendre les victimes totalement impuissantes.
En revanche, la femme va tout d’abord vers des victimes le plus souvent déjà sans défense
comme un enfant, une personne âgée ou une personne malade. Ou si ce n’est pas le cas, elle utilise des
moyens comme le poison, les drogues ou l’asphyxie. La femme voit l’agonie lente et douloureuse des
substances qu’elle a fait ingérer à la victime, souvent pendant des jours et des jours.
Les scenarii criminels et les modes opératoires étudiés, il en découle dorénavant la possibilité
de recourir à la classification psycho-criminologique des tueuses en série.
La façon dont ces tueuses en série s’organisent permet de les classer en différentes catégories
(Section 2).
Section 2 : Les classifications psycho-criminologiques
des tueurs et tueuses en série
Afin de mettre en lumière les spécificités des tueuses en série, l’analyse s’effectuera en
comparaison avec les tueurs en séries. Il conviendra en ce sens et dans un tout premier temps de
prendre en considération les classifications pyscho-criminologiques féminines (I) puis dans un second
temps l’inapplicabilité de ces classifications aux tueurs en série (II).
I-Les classifications psycho-criminologiques
féminines
Une question se pose désormais : est-il possible de regrouper les tueuses en série dans des
catégories bien particulières en fonction des actes qu’elles ont commis ?
Afin de répondre à cette question, il s’agira d’étudier les femmes solitaires (A) puis les
femmes complices (B) ; deux catégories qui ressortent de l’étude des crimes de ces femmes.
A-Les femmes solitaires
Les tueuses solitaires peuvent être des « veuves noires », des « anges de la mort », des
« vengeresses » ou encore des « psychotiques ».
Les veuves noires
La veuve noire est très certainement la tueuse en série que l’on connaît le mieux. L’image que
l’on a d’elle est celle de la femme qui charme et séduit des hommes, les prend ensuite comme amants,
les épouse puis les tue pour le profit.
Mais ces veuves noires ne tuent pas que des hommes ; elles tuent aussi des connaissances, des
parents proches, des frères ou des sœurs, des jeunes adolescents comme des personnes âgées, des
patients et des clients, et elles commettent parfois ces crimes pour une seule et unique raison : le gain.
30
Les « veuves noires » tuent par empoisonnement des proches, membres de la famille, pour un
mobile financier80 . Elles agissent pendant une très grande période temporelle.
A titre d’illustration, l’on peut citer également Belle GUNNESS, soupçonnée d’avoir tué plus
de quarante personnes entre 1900 et 1906 ou bien encore à Nancy HAZEL DOSS qui fut jugée pour
l’empoisonnement à l’arsenic de quatre de ses cinq maris et reste soupçonnée d’avoir tué ses deux
sœurs, sa mère, deux de ses enfants, un neveu et un petit fils soit un total connu de onze victimes sur
une période de trente-trois ans (de 1921 à 1954).
Le mobile peut être la vengeance, ou bien le contrôle, et parfois même le meurtre est une
manifestation du syndrome de Münchhausen par procuration étudié infra avec la catégorie des femmes
psychotiques.
De la même manière, toutes les tueuses en série motivées par le gain ne sont pas des Veuves
Noires.
Certaines prennent l’apparence d’Anges de la Mort, qui tuent leurs patients pour s’emparer de
leurs biens. D’autres encore échappent à toute tentative de définition, en tuant des intimes, des
connaissances et des inconnus, pour diverses raisons.
Les anges de la mort
Les « anges de la mort » cherchent le contrôle, et retirent une satisfaction dans le crime à
travers la maîtrise de la vie et de la mort d’une victime extrêmement vulnérable.
Elles exercent une profession type infirmière ou aide-soignante qui leur procure, à la fois les
victimes inconnues et faibles, et le sentiment de domination associé au crime. Leurs séries criminelles
s’étendent aussi sur une longue période masquant le décès de leurs victimes en « mort pour cause
naturelle ».
Ces femmes, qu’elles soient infirmières, médecins, soignantes, tuent les personnes dont elles
doivent s’occuper, dans un hôpital, une clinique ou une maison de retraite. Leurs meurtres peuvent
facilement être considérés comme des morts naturelles ou des suites d’une maladie.
Elles aiment avoir le contrôle sur leurs victimes et détenir ainsi ce pouvoir de vie ou de mort
sur ses victimes.
Elles tuent rarement pendant plus de un an ou deux ans, car elles ont tendance à se vanter de
leurs crimes.
A titre d’illustration, l’on peut citer Genene JONES qui a tué entre 11 et 46 enfants entre 1978
et 1982. Infirmière, elle a travaillé dans différents établissements de soins du Texas. Elle injectait de la
dioxine (un médicament pour le cœur) dans les intraveineuses d’enfants malades, pour pouvoir ensuite
être considérée comme une héroïne lorsqu’elle parvenait à les réanimer ou, en tout cas, prenait toutes
les mesures possibles pour y parvenir.
Les vengeresses
Les « vengeresses » agressent, lors d’un crime peu sophistiqué, un amour ou un rival sous
l’effet de la rage. Motivées par la haine ou la jalousie, elles sont impulsives et proches de la rupture
psychique.
Elles peuvent tuer par exemple un mari infidèle ou encore un père incestueux par exemple.
Mais il est bien plus rare qu’elles tuent plusieurs fois pour cette même raison.
80
KELLEHER et KELLEHER, op. cit.
31
Elles sont menées par une rage obsessive, presque pathologique. Elles tuent généralement des
membres de leur famille ou des personnes qui symbolisent quelque chose qu’elles ne peuvent
supporter.
Elles parviennent souvent à cacher leur rage durant un bon moment, mais elles sont
négligentes et ne planifient pas leurs crimes.
En général, lorsqu’elles sont arrêtées, elles expriment des remords réels.
Ellen ETHERIDGE a épousé un millionnaire texan et a adopté ses huit enfants. Mais, en 1912,
elle est devenue pathologiquement jalouse de l’amour que son mari portait à ses enfants. Il était en
adoration devant eux et s’occupait beaucoup moins de sa femme. Elle a alors empoisonné quatre de
ses beaux-enfants (avec de l’arsenic) en six mois. Son mari, finalement suspicieux, a demandé à ce que
des autopsies soient faites. Ellen ETHERIDGE a été condamnée à la prison à perpétuité.
Les tueuses psychotiques
Les « tueuses psychotiques » commettent des crimes sur leur environnement proche
(infanticides) et agissent sans mobile apparent.
Souvent, on pense que ce sont des « anges de la mort » ou des « veuves noires » mais on
réalise qu’elles souffrent par exemple du « Syndrome de Münchhausen par procuration » qui les
pousse à rendre malade ou tuer, parfois même leurs propres enfants, pour qu’on les plaigne et les
soutienne. C’est à Roy MEADOW, un néphrologue pédiatrique anglais que l’on attribue la paternité
de ce syndrome pour décrire la situation de parents qui racontent des faussetés et/ ou fabriquent des
signes pour faire croire que leurs enfants sont malades81. Ce syndrome réfère alors à une forme rare et
bizarre de maltraitance et parfois mortelle, caractérisée par la falsification ou la production d’une
maladie par un parent, ce qui entraîne des investigations et des traitements médicaux inutiles et
potentiellement dommageables chez l’enfant qui en est victime. La particularité est que les abus sont
effectués par des médecins, trompés par l’abuseur 82.
Bobbie Sue TERRELL était une jeune schizophrène. Elle a travaillé comme infirmière dans
des maisons de retraite de l’Illinois et de Floride. Elle souffrait également du "syndrome de
Münchhausen par procuration". En 1984 et 1985, elle a tué douze personnes âgées dans une clinique
de Floride à l’aide d’overdose d’insuline. Elle appelait ensuite la police elle-même, se mutilait et
affirmait qu’il y avait un tueur rôdant dans la pension. La police l’a finalement arrêté lorsque les
enquêteurs ont découvert son dossier psychiatrique. Elle a été jugée "aliénée" mais a tout de même été
condamnée à 65 ans de prison.
Outre les tueuses en série qui agissent seules dans le passage à l’acte, il y a des femmes qui
agissent de concert avec une autre personne, souvent dans le cadre d’une relation de couple.
B-Les femmes complices
Selon Monsieur KELLEHER83, les tueuses peuvent aussi agir en « couple, groupe ou
bandes ». Elles pratiquent alors l’agression indirecte ou masquée en manipulant d’autres personnes
pour qu’elles attaquent ou en se servant d’une quelconque manière de la structure sociale afin de faire
du mal à la victime choisi soit elles mêmes se font manipules par l’autre partenaire afin d’agir de
concert.
81
MEADOW (R.), «Munchausen syndrome by proxy-the hinterland of child abuse”, Lancet 1977
82
83
LABBE (J.), « Quand la réalité dépasse la fiction : le syndrome de Munchaussen par procuration », notes de cours, 2009
KELLEHER et KELLEHER, op. cit.
32
Le profit
Les tueuses par « profit » attaquent des victimes inconnues de manière discrète et
sophistiquée, avec une violence instrumentale. A la différence des « veuves noires », elles agissent en
couple ; parfois seules.
Cette catégorie de tueuses en série est intermédiaire.
Elles tuent comme leur dénomination l’indique uniquement pour l’argent ou alors qu’elles
sont en train de commettre un autre crime. Elles sont assez rares en ce qu’elles constituent une
catégorie de tueuses professionnelles, des spécialistes de l’escroquerie qui volent mais aussi qui tuent
pour ne pas laisser derrière elles de traces.
Ces tueuses sont souvent matures, discrètes, réfléchies, intégrées dans la société, et
extrêmement organisées. Généralement, elles s’en prennent à leur victime dans la maison de celle-ci
ou sur leur lieu de travail. Elles ont tendance à préférer une arme spécifique : le poison ou la
suffocation.
Les tueuses par frisson
Les tueuses « par frisson », hétérosexuelles ou homosexuelles, agissent avec un partenaire
dominant comme ce fut le cas pour le couple GALLEGO, qui agit comme un trépied psychologique.
Ces tueuses tuent ou participent aux meurtres avec (au moins) une autre personne. Elles
représentent un tiers des femmes tueuses en série.
Généralement, le couple est formé d’un homme et d’une femme ; les crimes étant souvent de
nature sexuelle et la femme plus jeune que l’homme. Plus rarement, le couple est composé de deux
femmes ; elles ont généralement le même âge et tuent plus longtemps.
Il existe parfois des équipes de membres d’une même famille qui tuent pendant un ou deux ans
tout au plus comme le cas de la famille BENDER ; étudiée dans la deuxième partie.
Enfin, Messieurs KELLEHER et KELLEHER insèrent dans leur classification les cas de
crime « irrésolu » et de crime « inexpliqué ».
Il pourrait s’agir de femmes plus violentes que la moyenne, au mobile non-apparent.
L’absence de connaissances concernant la dernière catégorie entretien les stéréotypes de la femme peu
agressive et motivée par des intentions cohérentes.
Cette classification des tueuses en série n’est de fait pas si éloignée de la typologie du crime
organisée et du crime désorganisé du FBI.
Qu’il s’agisse des hypothèses de Messieurs KELLEHER ou de LANE, les différents groupes
relevés peuvent être rangés selon leur degré d’organisation. Par exemple, les « anges de la mort » et
les tueuses par « profit » commettent des crimes hautement organisés, tandis que les « vengeresses » et
les prédatrices sexuelles ne contrôlent que peu leurs actions.
La typologie de ces tueuses en série étant établies, force est de constater qu’elles ne peuvent
être transposées et inversement lorsque la sérialité s’applique au masculin (II).
II-L’inapplicabilité des classifications psychocriminologiques masculines
La sérialité au masculin supporte d’autres classifications (A) dont la confrontation hommes /
femmes est corrélativement relativement difficile à réaliser (B).
33
A-Les différentes catégories de tueurs en série
Dans son livre, « Serial Murder », Ronald Holmes84 développe une typologie des tueurs en
série : celui qui a des visions, celui qui pense avoir une mission, celui qui tue pour le plaisir, et celui
qui tue pour le pouvoir / contrôle. L’accent est alors mis sur le comportement des tueurs. C’est une
typologie quelque peu différente.
Voici un bref aperçu des quatre « types » de tueurs en série définis par HOLMES :
-Le tueur en série qui a des visions/ le visionnaire est le tueur qui agit sous
l’emprise d’une voix qui lui demande de tuer. Il agit donc sur une impulsion et ne
prémédite pas ses meurtres. Il choisit ses victimes et reste sur un territoire restreint.
Psychotique, souffrant d’une rupture totale avec la réalité, ce type de tueur en série
reçoit des ordres provenant de voix ou de visions, qui lui demandent de tuer ;
- Le tueur en série qui pense avoir une mission/ le missionnaire : ce tueur a des
victimes spécifiques. Il les choisit et décide de les éliminer parce qu’elles constituent
une menace, un risque ou une honte pour la société. Ils sont très organisés et planifient
leurs attaques. Ce tueur souhaite alors débarrasser la communauté d’un élément
indésirable. Ils/elles peuvent être des prostitué(e)s, des drogués, des homosexuels, ou
qui que ce soit ayant une race, un sexe, une profession ou une caractéristique (réelle
ou imaginaire) que le tueur estime "indignes". Ce tueur n’est pas psychotique.
Simplement, il décide de "rendre personnellement un service" au monde, à la
communauté ou à son voisinage : l’éradication d’un groupe de personnes spécifiques
qui sont les "éléments indésirables" de SON monde.
Il appert que pour ces deux types de tueurs, le sexe n’est pas un facteur de motivation.
-Le tueur en série qui tue pour le plaisir/ l’hédoniste : il prend du plaisir à tuer.
Que ce soit dans le meurtre lui-même, dans sa violence, son viol ou ses suites, il aime
toutes les sensations de traque, de meurtre qu’elles lui procurent. Il y a trois "soustypes" dans cette catégorie :
-celui qui tue par avidité sexuelle
-celui qui tue "pour le frisson"
-celui qui tue pour son confort ;
Les deux premiers, alimentés par leurs fantasmes, tuent pour ressentir un plaisir de
nature sexuelle.
-Le tueur en série qui tue pour le pouvoir, le contrôle / le dominateur : il a besoin
de contrôler et dominer sa victime. C’est lui qui décide quand et comment la victime
va mourir. Il est organisé et ses meurtres ont une constante sexuelle. Toutefois, le vrai
plaisir est d’être maître du destin de la victime, entièrement entre ses mains. Ces
tueurs sont plus excités par la vue de leur victime terrorisée et par ses cris, que par le
meurtre
lui-même.
Un tueur en série peu rarement être « classé » uniquement dans une seule et même catégorie.
Le Docteur PETIOT, qui tuait principalement pour récupérer l’argent et les possessions de ses
victimes, prenait également un grand plaisir à les observer mourir dans d’atroces souffrances.
Les Américains ont établi une classification psychiatrique pour cataloguer les tueurs en
série avec d’un côté les sociopathes et de l’autre les psychotiques.
84
HOLMES (R.M.) et HOLMES (S.M.), « Serial Murder », Sage Publications, 3e Ed., 2009
34
Ainsi, le sociopathe n’est pas adapté au monde. Il a ses propres règles, ses propres lois. Il est
en général intelligent et pervers dans sa façon d’opérer. C’est une personne organisée qu’il est difficile
d’appréhender. Et lorsqu’il est arrêté, il n’éprouve que très rarement des remords quant à ses actes.
Quant au psychotique, il est beaucoup plus désorganisé. Il est marginal et ne ressent aucune
empathie pour ses victimes. On associe régulièrement sa personnalité asociale avec de mauvais
traitements connus dans l’enfance. Il manipule facilement les gens autour de lui et connaît une réussite
sociale bien qu’il soit considéré comme marginal. Il lui est donc aisé de mentir aux autres, voire même
aux enquêteurs. C’est une personne difficile à arrêter. En prison, il devient un véritable détenu modèle
alors qu’en réalité, il est une des personnes les plus dangereuses pour la société.
Enfin, Monsieur LEYTON, un anthropologue canadien a fait des recherches sur les tueurs en
série. Il a remarqué qu’il était possible de créer une typologie criminelle selon les sciences sociales.
Pour lui, deux catégories existent : la vengeance et la recherche de célébrité. Il a constaté que la grande
majorité des tueurs appartenait à une classe sociale non favorisée ; ils voudraient dès lors se venger de
la société. Cette typologie a cependant ses faiblesses puisque tous les tueurs en série n’ont pas
assassiné pour la gloire, la reconnaissance ou la vengeance sociale.
Toutes ces classifications ne s’adaptent en aucun cas aux tueuses en série d’où la difficile
confrontation hommes / femmes sur ce point-là qui peut ainsi paraître dénuée de pertinence pour
certains mais qui fait ressortir toutefois les spécificités propres à chaque sexe (B).
B-La difficile confrontation hommes /
femmes
Le FBI à travers sa théorie a établi une typologie selon trois catégories : les tueurs organisés,
les tueurs désorganisés et les tueurs mixtes :
-le tueur en série organisé : a une vie sociale tout à fait normale. Il peut être marié, et a
le plus souvent un emploi stable. Son enfance est rigoureuse et sa mère très présente
même si les relations se dégradent à l’âge adulte. Il ne tue pas par hasard. Il fait le
choix de ses victimes, les assassine avec le plus grand soin au moment opportun puis
dissimule les corps et ne laisse pas d’indices avant de reprendre une activité
absolument normale.
-le tueur en série désorganisé : il est au contraire une personne isolée socialement et
présente un quotient intellectuel très moyen. Il présente de gros problèmes au niveau
sexuel puisqu’il n’en a jamais connu ou très peu. Il est par ailleurs instable
socialement et professionnellement. Il a eu une enfance chaotique et souffre
d’addictions. Il choisit ses victimes au hasard en les assassinant sur le coup. L’attaque
est alors violente, rapide et le tueur désorganisé laisse souvent beaucoup d’indices voir
même l‘arme du crime.
-le tueur mixte : parfois, certains tueurs ont des traits de caractère appartenant aux
deux catégories précédemment citées. Ils sont alors classés dans la catégorie des
tueurs mixtes.
Le FBI avait proposé l’hypothèse que les scènes de crime représentent leurs agresseurs, selon
que le crime soit organisé ou désorganisé85. Un crime organisé est prémédité, si possible maquillé, et
résulte d’un processus cognitif sophistiqué 86 issu d’une personnalité plutôt psychopathe, quand le
crime désorganisé est impulsif, désordonné, produit d’une personnalité plutôt psychotique.
Enfin, le crime mixte est constitué par un croisement des deux ensembles de critères. Cette
typologie du FBI ne serait pas applicable aux femmes selon l’étude de Messieurs KELLEHER et
85
86
RESSLER, op. cit.
DAVIS, op.cit.
35
KELLEHER qui proposent une classification criminologique propre aux femmes criminelles en série.
Ils analysent les actes, via la scène de crime, et la personnalité de l’auteur, en distinguant les
criminelles solitaires des criminelles en groupe.
La classification des tueuses en série n’est de fait pas si éloignée de la typologie du crime
organisé et du crime désorganisé du FBI. En effet, selon Messieurs KELLEHER et KELLEHER et
Monsieur LANE, les différentes typologies précédemment susvisées peuvent être regroupées selon
leur degré d’organisation. Par exemple, les « anges de la mort » et les tueuses « par profit »
commettent des crimes hautement organisés tandis que les vengeresses ne contrôlent que peu leurs
actions par exemple.
Ainsi, la confrontation tueurs / tueuses en série marque de nombreuses différences et la
question de la pertinence de cette distinction peut se poser. En effet, l’on est tenté de comparer les
agissements des tueuses en série par rapport aux tueurs en série, car de par leurs nombres, il semble
logique de procéder à cette comparaison. Toutefois, elle n’apporte rien de plus dans l’analyse
spécifique des tueuses en série.
Le meurtre en série remonte aux débuts de l’histoire écrite, à la fois dans les cités et dans les
campagnes, et donc bien avant l’ère industrielle. Toutefois, le nombre de ses adeptes a varié à
différentes époques et dans différentes catégories de la société.
Pour résumer cette première analyse des tueuses en série, il convient de souligner que nombre
d’entre elles ont vécu des traumatismes dans l’enfance et ont présenté au moins des troubles de la
triade de sociopathie à savoir torturer ou tuer des animaux, une s’étant adonnée à la pyromanie et
quant à l’énurésie, aucun cas n’a été détecté faute d’études sur ce sujet. Le manque d’encadrement, de
conditionnement de ces tueuses ne les ont pas arrêtées avant même leur quête du crime. Ces tueuses,
avec des mobiles, des motivations différentes sont passées à l’acte et ont recommencé inlassablement
leur dessein. Toutefois, il convient de souligner que par manque d’études précises sur ces dernières, il
n’est pas possible de généraliser les caractéristiques précédemment étudiées et d’en dresser un profiltype qui se verrait appliquer à chaque tueuse en série. Il s’agit de les étudier au cas par cas afin de
pouvoir un dresser de ces femmes au travers des siècles.
Une question se pose alors : est-ce que ces femmes ordinaires commettaient des meurtres en
série autrefois ou s’agit-il d’un phénomène moderne ?
Il conviendra alors afin de répondre à cette interrogation de narrer l’histoire et le récit de ses
tueuses en série à travers les temps, les époques, les générations (partie 2).
PARTIE 2 : HISTOIRES DES TUEUSES EN SERIE A
TRAVERS LES TEMPS
En 1983, le magazine américain, le « Time » décrivait les tueurs en série comme « un nouveau
genre de tueurs ». Mais cette affirmation était erronée. Quelques auteurs qui avaient une
compréhension légèrement meilleure de l’Histoire affirmaient alors que le premier tueur en série était
Jack l’Eventreur au XIXème siècle. Mais eux aussi se sont trompés de quelques millénaires.
En fait, ce n’est pas un homme mais bien une femme qui fut la première tueuse en série de
l’Histoire. Effectivement, le premier cas de meurtre en série consigné concernait une femme,
LOCUSTA, une empoisonneuse professionnelle qui tuait pour le plaisir. Elle fut exécutée sur ordre de
l’empereur romain Galba en 69 après J.C. pour les meurtres de l’Empereur Claudius et de son fils
Britannicus.
En Europe, les premiers tueurs en série et tueuses en série sont apparus aussi bien dans les
rangs de la noblesse que parmi les paysans. C’est ainsi que Margaret DAVEY, une cuisinière anglaise,
fut ébouillantée vivante en 1542 pour avoir empoisonné plusieurs de ces employeurs. En 1661, ce fut
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la Comtesse Hongroise Elisabeth BATHORY qui fut condamnée à être emmurée vivante parce qu’elle
avait torturé des centaines de jeunes femmes pour s’amuser. Puis Marie de BRINVILLIERS, la
TOFANIA, Gessina GOTTFRIED ou encore la cuisinière Hélène JEGADO et plus récemment Aileen
WUORNOS.
Au travers de leurs crimes, ces tueuses en série ont marqué l’Histoire et ont permis ainsi de
pouvoir étudier tant leur enfance que leur personnalité, leurs modes opératoires ainsi que leurs
motivations.
Dans ce deuxième titre, il conviendra alors de démontrer si les critères précédemment cités
trouvent à s’appliquer au travers des tueuses en série de l’Histoire étant entendu que l’Histoire est
chronologiquement celle de la France par souci de clarté et de compréhension. J’ai pris le parti de
sélectionner tout type de tueuses en série, mais malheureusement je n’ai pu les citer dans leur
intégralité, car un mémoire ne pourrait les contenir toutes. Egalement, de par le manque de données
concernant leur enfance, j’ai sélectionné ces tueuses en série dont le début de vie est connu et a été
relaté aux travers des récits afin de pouvoir comparer et vérifier si les critères précédemment établis
s’avéraient applicables.
Ainsi, dans un premier chapitre, il s’agira de rendre compte de l’Histoire de ces tueuses en
série à travers leur quête de pouvoir, de profit et de désir (chapitre 1) puis dans une deuxième chapitre
l’appréhension de ces tueuses en série et ainsi l’étude de l’analyse comportementale, de la justice et
des médias (chapitre 2).
CHAPITRE 1 : EN QUETE DE POUVOIR,
DE PROFIT ET DE DESIR
Malgré ce que l’on pourrait croire, les tueuses en série ont sévi tout au long de l’Histoire. Elles
sont moins connues que les hommes, et les études trop peu nombreuses n’en relatent que certaines
comme Aileen WUORNOS ou encore Elisabeth BATHORY.
Toutefois, malgré leur rareté ; elles ont bien existé.
Dans ce chapitre, il conviendra de rendre compte à travers l’Histoire, des crimes commis par
ces tueuses en série étudiées précédemment dans une généralité.
Est-ce que les critères précédemment étudiés s’appliquent véritablement sachant que chaque
cas fait preuve de singularité ?
Quelle est l’histoire de ces femmes, si peu connues pour la plupart d’entre elles, mais faisant
preuve, parfois, d’autant de cruauté que les tueurs en série eux-mêmes voire pire ?
Tout d’abord, il s’agira d’étudier les toutes premières tueuses en série de notre Histoire
(Section 1) puis dans un second temps les cas de tueuses en série et de leurs complices au XXème siècle
(Section 2).
Section 1 : Histoire des premières tueuses en série
D’AGRIPPINE à Elisabeth BATHORY, de Marie de BRINVILLIERS à Catherine
DESHAYES en passant par la TOFANIA ou encore par Kate BENDER et sa famille, il convient de
rendre compte chronologiquement des tueuses en série du passé (I) puis des tueuses en série qui ont
marqué l’aube et l’époque contemporaine aux tueuses en série dans l’Amérique du XIXème siècle (II).
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I-Les tueuses en série du passé
Les noms de certains tyrans assassins nous sont infiniment familiers. Mais il n’en va pas de
mêmes pour leurs équivalents féminins, qui sont parfois même inexistants. Les femmes assassines ne
pouvaient exister, car elles n’étaient, a priori, capables que de violence expressive mue par les
émotions.
Il en est autrement que ce soit dans les Temps Anciens (A) ou encore au cours de la
Renaissance française (B).
A-Les tueuses en série des Temps Anciens
La Bible est le plus fidèle reflet des chemins secrets dans lesquels s’est aventuré la psyché
occidentale, et c’est là qu’on trouve SALOME, la meurtrière qui obtint la tête de Jean-Baptiste propre
parce qu’il avait osé condamner le mariage adultère de la mère de celle-ci au roi Hérode.
Le personnage de SALOME est l’exemple typique de cette notion de violence féminine
expressive. Jean-Baptiste perdit sa tête, car Salomé se laissa trop guider par ses sentiments. Toutefois,
SALOME ne peut être considérée comme une tueuse en série. Mais si l’on examine de plus près les
récits historiques, on découvre toute une variété de meurtres commis par des femmes ainsi qu’un
nombre conséquent d’exemples d’actes de violence « constructive » soigneusement planifiés. Les
femmes y sont révélées comme cherchant froidement à atteindre les mêmes objectifs que leurs
homologues masculins, à savoir la domination, le pouvoir et la richesse.
Mais comme le demande à juste titre Monsieur Peter VRONSKY dans son ouvrage les
« femmes serial killers », jusqu’à quel point reines et impératrices étaient-elles atteintes de
psychopathologies ? Ou sont-elles plus simplement le fruit de leurs époques ?
Si la psyché de la civilisation occidentale se dessine dans la Bible, alors son épine dorsale est à
chercher du côté de l’Empire romain. Nul endroit n’est plus approprié pour aller à la rencontre des
premières tueuses en série que Rome comme l’exprimer Monsieur Peter VRONSKY.
Il y a environ deux millénaires, deux empereurs romains, CALIGULA et NERON régnèrent
dans les années suivant immédiatement la mort du Christ (vers l’an 33). Ces deux hommes incarnent
la profonde folie qui s’était emparée de la Rome impériale, et qui précipita sa chute.
Une chute causée par la soif de sang de dirigeants psychopathes qui épousèrent, violèrent et
assassinèrent des membres de leur famille aussi aisément que des inconnus, pour servir leurs
ambitions de pouvoir et par pur amusement. Ainsi, s’il était besoin d’un lieu propice au
développement des tueurs et tueuses en série, la Cour de Rome impériale serait l’endroit idéal.
En effet, la Cour de Rome était marquée par ses traditions de tyrannie et de cruauté destinées
au maintien du pouvoir personnel et politique mises à part, la culture romaine se complaisait
également dans les actes meurtriers en série en tant que loisir populaire, actes accomplis pour des
spectateurs payants ou invités gracieusement dans près de deux cents arènes disséminées à travers
l’immense empire, qui s’étendait de la Grande-Bretagne à l’Afrique du Nord.
A Rome, le Colisée, ancêtre du stade où 70 000 spectateurs extasiés assis sur des sièges
numérotés venaient voir une sorte de championnat perpétuel de massacre, n’était que la plus grande de
ces installations, en concurrence avec les autres pour proposer aux foules enthousiastes les spectacles
de mort les plus impressionnants et les plus sanglants.
Les chrétiens étaient les victimes de ces cruautés à l’heure du déjeuner, lors desquelles des
animaux exotiques étaient utilisés pour déchiqueter les êtres humains, avant d’être eux-mêmes mis à
mort pour divertir le public.
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La présence de femmes, autres que victimes, dans ces jeux, resta limitée aux rares références
de gladiatrices qui apparaissent occasionnellement et aux descriptions des prostituées qui exerçaient
leur métier sous les arches du Colisée auprès de clients excités par le bain de sang.
Quant aux spectatrices des jeux, l’on ne sait que très peu de chose à leur propos, si ce n’est
qu’elles étaient nombreuses.
L’Ere des Césars fourmille d’intrigues meurtrières fomentées par la seule ambition de parvenir
au pouvoir. Outre les exécutions clandestines ou publiques, trois méthodes infaillibles sont appliquées
par les tyrans fous et sanguinaires : la plus utilisée est l’empoisonnement, l’exil ou le cachot avec
privation de nourriture et enfin la contrainte au suicide.
Dans les couloirs du pouvoir à la cour impériale des Césars, les récits historiques ont accordé
une plus grande place aux femmes.
Les empoisonnements d’Agrippine
L’on connaît leurs noms et leurs histoires, et certains de leurs visages peuvent encore être
admirés sur les pièces de monnaie et les sculptures romaines qui sont parvenues jusqu’à nous.
Ainsi, Agrippine la Jeune faisait partie de ces femmes de l’Antiquité. Elle est ainsi considérée
comme la toute première tueuse en série.
Aucune pièce de monnaie romaine n’est vraisemblablement frappée d’un portrait présentant
une plus cruelle détermination ou une plus grande soif de pouvoir que celui de la sombre et belle
Agrippine la Jeune, sœur de Caligula, épouse de Claude et mère de Néron trois empereurs romains
d’un coup.
« L Impératrice du poison », surnommée parfois également la « louve », est née en l’an 15 ou
16 après Jésus-Christ dans l’actuelle Allemagne, où son père, un général romain, avait été envoyé pour
réprimer brutalement la révolte de tribus barbares germaniques. Le film "Gladiator" s’en est d’ailleurs
largement inspiré.
Elle est née au sein d’une petite élite puissante et incestueuse qui dirigeait l’Empire romain et
dont les membres, chacun étant obsédé par son ascension, jusqu’au sommet, se retrouvaient
inlassablement pris dans un cercle sans fin de corruption, de complots et de trahisons. Le père
d’Agrippine fut assassiné par Tibère par peur de le voir devenir trop populaire auprès du Sénat et des
citoyens. Pendant les années suivantes, AGRIPPINE et ses frères et sœurs vécurent dans différentes
maisons impériales et furent témoins des divers complots fomentés par leur mère afin de venger le
meurtre de son époux. C’est ainsi que le temps qu’Agrippine atteigne ses dix-sept ans, sa mère et ses
deux frères aînés avaient été exécutés pour avoir conspiré contre Tibère. Après avoir tué quasiment
toute sa famille, l’Empereur adopta le plus jeune frère d’Agrippine encore en vie, un jeune homme très
perturbé surnommé Caligula, et finit par l’introniser comme son fils et successeur. Ce joueur dégénéré
et bisexuel aux sautes d’humeur brutales finit par diriger son agression sexuelle vers ses trois sœurs
dont Agrippine.
On ne sait pas bien s’il eut des relations sexuelles avec elle de force ou si, ayant sa propre idée
en tête, elle débuta volontairement une relation incestueuse avec un frère déséquilibré, mais plein
d’avenir. Cependant, lorsque ces actes incestueux furent signalés à l’Empereur, les sœurs furent
immédiatement mariées afin d’étouffer le scandale. L’inceste était une pratique qui offensait même les
sensibilités romaines, pourtant si dépravées.
AGRIPPINE fut mariée à un aristocrate de vingt-cinq ans son aîné, Domitius
AHENOBARBUS et eut un fils, qu’elle nomma aussitôt Néron, comme l’un de ses frères qui fut
assassiné. AGRIPPINE n'eut qu'une seule ambition, voir son fils Néron monter sur le trône impérial.
Aussi, la vie publique et privée d'AGRIPPINE fut-elle guidée par l'ambition exclusive de rapprocher,
étape par étape, Néron des marches du trône. Première étape : elle divorce de Domitius
AHENOBARBUS, fait assassiner son second époux afin de se rendre libre pour épouser, après
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l'assassinat de l'impératrice Messaline, l'empereur Claude, dont elle est la nièce. Deuxième étape : avec
l'appui de quelques affranchis impériaux, dont le redoutable Pallas, son amant, elle réussit, à force de
patience, de ruse et de traîtrise, à faire adopter Néron par l'empereur Claude qui, pourtant, avait un fils,
Britannicus. Troisième étape : elle fait empoisonner Claude, dernier obstacle à la réalisation de ses
desseins.
Celle que NERON avait surnommé la « meilleure des mères » avait réussi alors que lui-même
n’aspirait pas au trône. Il fut intronisé empereur en 54. Toutefois, las de l’autorité abusive de sa mère,
il la fit assassiner en 59. Au centurion qui s'approchait d'elle, le poignard à la main, Agrippine cria :
« Frappe au ventre », ce ventre qui avait conçu un fils dénaturé, le dernier empereur de la dynastie
Julio-claudienne.
Il est certain que l’environnement et les circonstances de l’éducation d’Agrippine ont façonné
sa carrière meurtrière. Elle a tué parce qu’elle le pouvait et qu’elle avait appris comment faire en
suivant l’exemple de sa propre famille. Le meurtre a assouvi non seulement son désir de pouvoir, mais
également ses besoins affectifs et matériels. Elle a commis des actes violents constructifs et expressifs,
de façon interchangeable, et si elle en a ressenti quelques remords, il n’y en a pas trace dans les récits
historiques.
Il est possible de considérer qu’Agrippine a servi de modèle à des dirigeantes ultérieures dans
l’Histoire. Ainsi, La Grande Catherine de Russie et Elisabeth Ier d’Angleterre réprimèrent toutes deux
l’opposition en se servant sans pitié de la torture et des assassinats. A titre d’illustration, Mary Tudor,
surnommée « Marie Sanglante » (Bloody Mary), fit mourir des centaines de protestants sur le bûcher
lorsqu’elle voulut réintroduire le catholicisme en Angleterre.
Puis, une tueuse en série totalement atypique fit son apparition à l’époque de la Renaissance
française, une « Dracula au féminin » nommée Elisabeth BATHORY (B).
B-Une tueuse en série à l’époque de la
Renaissance française
Elisabeth BATHORY fut véritablement la première tueuse en série, car elle tuait pour le
plaisir, hédoniste, sexuel, sadique, non pour le pouvoir politique ou personnel. Elle est une tueuse en
série à part à qui il convient de consacrer une partie de par la cruauté de ses actes et de par la recherche
du plaisir à travers les souffrances qu’elle infligeait à ses victimes.
Elle est un cas à part en ce qu’elle est la seule tueuse en série aux penchants sadiques et
sexuels connue à ne pas avoir de partenaire masculin, jusqu’à ce jour, en tout cas, soit quatre cents ans
plus tard. Elle est vraiment unique en son genre. Elle est connue pour avoir torturé à mort six cent
cinquante jeunes femmes ; les chiffres variant selon les sources.
Jusqu’à six cent cinquante jeunes filles et jeunes femmes ont en effet peut-être été assassinées
sur une période de trente-cinq ans et au moins entre trente-sept et cinquante et une dans la décennie
précédant l’arrestation d’Elisabeth en 1610, à l’âge de cinquante ans, alors qu’elle s’était mise à tuer
non plus seulement des paysannes, mais aussi des filles de noble naissance : c’est ce qui entraîna alors
sa chute.
Elisabeth BATHORY est née en 1560 d’une famille de sang royal comptant dans ses proches
parents un cousin-germain prince de Transylvanie, Sigismond BATHORY, un oncle qui devint roi de
Pologne, des gouverneurs de province, de hauts magistrats, des évêques et un cardinal.
Cette famille remontait très loin dans le temps et comptait un certain nombre d’aventuriers
hongrois descendant probablement des Huns et qui s’étaient imposés par le sang et la violence, comme
il était de règle à ces époques troublées. C’est dans cette atmosphère très particulière, encombrée de
sortilèges et de traditions ancestrales venues d’ailleurs, que se déroula l’enfance d’Elisabeth
BATHORY et cela explique très certainement beaucoup de choses concernant le comportement et le
mode de pensée de cette comtesse sanglante. Il n’est, en effet, pas possible de faire abstraction de la
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lourde hérédité d’Elisabeth. Ainsi, une de ses tantes, grande dame de la Cour de Hongrie, défrayait la
chronique scandaleuse puisqu’elle était tenue pour responsable d’avoir déshonoré des douzaines de
petites filles. Et enfin, la propre nourrice d’Elisabeth, Ilona, qui deviendra son âme damnée,
personnage trouble et inquiétant, pratiquant la magie noire et les sortilèges les plus pervers, eut une
influence déterminante sur l’évolution de son esprit.
Les descriptions que l’on possède d’elle ainsi qu’un portrait montrent qu’elle est d’une grande
beauté. Sur les portraits de la comtesse, l’on peut ainsi apercevoir une belle jeune femme, les cheveux
d’un noir de jais tirés en arrière, un haut front, les yeux en forme d’amande fardés et intelligents et les
lèvres sensuelles faisant la moue. Mais un soupçon de cruauté se dessinait de ce portrait.
Sur la jeunesse d’Elisabeth, on ne sait pas grand-chose sinon qu’elle se réfugiait souvent dans
une solitude farouche. Dès son jeune âge, elle fut confiée à sa future belle-mère qui devait en faire une
châtelaine soumise et pieuse selon la plus pure tradition hongroise. Celle-ci l’assénait de prières et de
saintes lectures.
Par ailleurs, depuis son plus jeune âge, elle souffrait de maux de têtes parfois intolérables qui
la faisaient se rouler par terre. Il semble qu’Elisabeth était en proie à des crises d’hystérie qu’il était
tentant à l’époque d’assimiler à des crises de possession démoniaque.
A quatorze ans, elle se fiançait avec Férencz NADASKY, un comte appartenant à la meilleure
noblesse hongroise. Ses devoirs de combattant l’appelaient à la guerre à travers toute la Hongrie et les
pays avoisinants. Il laissa donc Elisabeth régner sur le château de Csejthe et sur les vastes domaines
qui l’entouraient.
Le seul tort du mari était d’être trop souvent absent. Un jour de 1586 ou 1587, arriva au
château de Csejthe, un grand jeune homme au teint cadavérique, nommé Cadevrius LECORPUS. Cet
homme avait sûrement été une sorte de sorcier, ou de prêtre plein, qui initia Elisabeth à certaines
pratiques magiques. Le plus étrange fut que, depuis cette fameuse visite, la comtesse changea de
comportement. En effet, durant plusieurs semaines Elisabeth ne sortit pas de chez elle et semblait
s’être retirée du monde.
A son procès, des paysans témoignèrent que pourtant, durant cette période, ils la virent avec
une autre femme (une noble travestie) torturer à mort une malheureuse jeune fille. D’après leurs dires,
la façon dont elles la battaient était d’une violence inouïe. Un premier changement était alors constaté :
la comtesse était devenue très violente.
Férencz NADASDY mourut en 1604. Devenue veuve, Elisabeth semble n’avoir rien changé à
son mode de vie. Les tortures qu’elle infligeait à ses servantes, elle les pratiquait depuis longtemps et
son mari le savait parfaitement, considérant celles-ci comme de simples amusements de la part de sa
femme. L’un des témoignages du procès est catégorique : à la question de savoir depuis combien de
temps la comtesse maltraitait les jeunes filles, un témoin répond : « elle commença quand son mari
était encore en vie, mais alors ne les tuait pas. Le comte le savait et ne s’en souciait guère ».
Elle utilisa alors son pouvoir pour torturer à mort ses domestiques, des paysannes pour la
plupart, de la façon la plus atroce et la plus sadique qui soit : en brûlant leurs organes génitaux avec la
flamme d’une bougie ; en les mordants jusqu’à ce que mort s’ensuive ; en leur arrachant la bouche de
ses propres mains ; en les brûlants avec des baguettes et des rivets de métal chauffés ; en les battants à
l’aide d’un fouet, d’un gourdin, d’une barre de fer ; en les tailladant et en les poignardant ; en les
jetant toutes nues dans la neige avant de leur verser sur le corps un seau d’une eau glacée ; en leur
versant au contraire de l’eau bouillante dessus et en leur déchirant la peau pour l’enlever ; en les
plongeant dans un tonneau garni de clous à l’intérieur et de divers trous, avant de les balancer audessus d’elle pour pouvoir prendre une douche de leur sang ; en encore en les enfermant dans une
vierge de fer, un instrument de torture qui fait subir à sa victime un traitement analogue à celui de l’ail
dans un presse-ail. Une curieuse anecdote avait été révélée sur la naissance de la fascination
d’Elisabeth pour le sang : un jour qu’elle avait frappé une servante assez violemment pour la faire
saigner du nez, parce qu’elle lui avait tiré les cheveux en la peignant, un peu du sang de la jeune fille
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tomba sur le poignet d’Elisabeth, un peu plus tard, la comtesse crut remarquer que la peau de l’endroit
où était tombé le sang était devenue plus blanche et plus douce que la peau environnante. Intriguée,
elle se baigna le visage avec le sang d’une des victimes de ses orgies : son visage lui sembla rajeuni et
revivifié par le traitement.
Le souci primordial d’Elisabeth, depuis son plus jeune âge, avait été sa beauté : elle avait une
peur atroce de vieillir et de s’enlaidir. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle imagine pouvoir
indéfiniment préserver sa beauté grâce à du sang frais de jeunes filles, de préférence vierges donc
revêtues de cette aura magique que confère la virginité. Pour Elisabeth, le sang représentait la beauté
et la jeunesse.
C’est dans ces conditions que les plus belles filles de Transylvanie et de Hongrie, lorsqu’elles
étaient repérées par les émissaires de la comtesse, prenaient le chemin du château de Csejthe. Tous les
moyens étaient bons : menaces, intimidation, promesse d’argent, achat pur et simple dans certaines
familles pauvres. Mais la plupart d’entre elles ne ressortaient jamais plus de la sinistre forteresse.
Les récits concernant les supplices infligés ont été probablement fort exagérés. Mais il en est
de suffisamment établis pour se faire une idée de l’atmosphère malsaine et macabre qui régnait dans
les souterrains du château de Csejthe. On prétend même qu’on remplissait parfois des baignoires de
sang et qu’Elisabeth s’y baignait avec ravissement, mais sa peau délicate ne supportait pas d’être
essuyée avec des serviettes, ce sont d’autres filles qui devaient la débarrasser du sang en lui léchant
tout le corps avec leurs langues. Celles qui, ne supportant pas une telle horreur, s’évanouissaient,
étaient ensuite sévèrement châtiées avant de servir de victime à leur tour mais cette version ne fut pas
soutenue par les actes contemporains de son procès en 1611.
Toutefois, il n’y eut nulle trace dans les actes du procès de tels bains : ce n’était que des
rumeurs et des légendes populaires reprises par des écrivains au XVIII ème siècle. Mais il reste que
l’explication probable de la naissance de ce mythe ne présageait rien de bon quant aux véritables
activités d’Elisabeth : on crut qu’elle prenait des bains de sang car elle en était recouverte après avoir
torturé ses victimes qu’elle semblait s’être baignée avec.
Le 29 décembre 1610, le comte THURZO, le cousin d’Elisabeth pénétra dans le grand château
au moment même où se déroulait l’une de ces orgies sanglantes. Ils découvrirent plusieurs douzaines
de jeunes filles, d’adolescentes et de jeunes femmes. Certaines étaient affaiblies, presque
complètement vidées de leur sang ; d’autre dans un état d’hébétude totale, étaient encore intactes :
c’était le seul bétail réservé aux prochaines orgies. Par la suite, on exhuma une cinquantaine de
cadavres de jeunes filles dans les cours, les dépendances du château et les sous-sols. Lorsque le comte
THURZO se présenta devant elle, elle ne songea pas un seul instant à nier l’évidence. La comtesse
s’enferma toutefois dans un mutisme hautain.
Son procès eut lieu en secret, en 1611, dans une lointaine ville slovaque et sa puissante famille
fit immédiatement sceller les actes du procès. Il devait y avoir procès, mais on prendrait soin de n’y
point faire comparaître la principale inculpée. On se rabattit alors sur son entourage. Matthias était
résolu à condamner la comtesse à mort, quels que fussent ses liens avec l’illustre famille des Báthory.
Gyorgy THURZO s’y opposa, il estima qu’en dépit des crimes que la comtesse avait commis, il fallait
songer à sa descendance, et il affirma : « Ce n’est pas parce qu’une branche est pourrie qu’il faut
abattre tout l’arbre ».
Voici la retranscription d’une partie d’un témoignage de l’un des domestiques :
« La comtesse enfonçait des aiguilles dans la chair des filles choisies ; elle les pinçait, au
visage et à d’autres endroits, et enfonçait une pointe sous leurs ongles. Ensuite, elle
les
traînait nues dans la neige et ordonnait aux vieilles de leur verser de l’eau froide dessus. Elle
les aidait à cette tâche, jusqu’à ce que l’eau gèle sur la victime, qui mourait ainsi…Madame
battait les filles, et les tuait d’une telle façon que ses vêtements étaient trempés de sang. Elle
devait souvent se changer…Elle faisait également nettoyer le sol tâché de sang… Elle
exigeait des filles qu’elles se mettent toutes nues, les jetait à terre et se mettait à les frapper si
fort qu’on pouvait ramasser le sang à la louche… Il lui arrivait aussi d’arracher avec ses
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dents des petits morceaux de chair. Elle les attaquait aussi avec des couteaux, et elle les
frappait et les torturait de bien des manières, en général… Madame brûlait les parties intimes
des filles avec une bougie allumée. Une fois, Madame était malade, et ne pouvait donc
frapper quiconque elle-même, alors une des domestiques avait été contrainte d’amener les
victimes près du lit de la comtesse, d’où elle se soulevait pour mordre le cou, les épaules, la
poitrine des filles, et arracher des morceaux de chair.
Les filles étaient battues si longtemps qu’elles avaient la plante des pieds et la surface des
mains qui éclataient. Elles étaient battues si longtemps que chacune d’entre elles, sans
interruption, recevait plus de cinq cents coups de la part des femmes complices. Si les plis des
vêtements de la comtesse n’étaient pas enlevés, ou si le feu n’avait pas été allumé, ou si les
vêtements d’extérieur de la comtesse n’étaient pas repassés, les responsables
étaient
immédiatement torturés à mort.
Il arriva que les nez et les lèvres des filles soient brûlés avec un fer à repasser par la
comtesse elle-même ou par les vieilles. La comtesse enfonçait aussi ses doigts dans la
bouche des filles pour l’arracher, elle les torturait comme ça. Si les filles n’avaient pas fini
leurs travaux de couture obligatoires à dix heures le soir, elles étaient immédiatement
torturées… Madame, de ses propres mains, faisait chauffer des clés au rouge, puis brûlait les
mains des filles avec ».
Les principaux complices, Jo ILONA, ficzko DORKO et Katalin BENIEZKY furent
condamnés à la décapitation et exécutés. Quant à Élisabeth, elle fut condamnéE à être murée vive dans
ses appartements privés du petit château sous la surveillance des juges et du comte THURZO. Elle se
laissa enfermer sans prononcer une parole. Elle mourut le 21 août 1614. Aux dires de ceux qui la
virent dans son dernier sommeil, en dépit de son âge, très avancé pour l’époque, cinquante-quatre ans,
sa beauté était inaltérée.
Elisabeth BATHORY est née dans un contexte de vie à nouveau sans le moindre encadrement
puisque même son mari la laissait s’adonner à des actes de torture pensant qu’ils ne représentaient
qu’un loisir pour elle. Une fois de plus, l’enfance et le contexte permettent de conclure à la stricte
nécessité d’encadrer les actes et d’avoir cette conscience du bien et du mal. Puisque personne ne l’en
empêchait, Elisabeth BATHORY s’adonnait aux pires actes juste par la jouissance de la souffrance
infligée à ses victimes.
Dès à présent, il s’agit d’évoquer les tueuses en série à l’aube de l’époque contemporaine et à
l’époque contemporaine ainsi que les tueuses dans l’Amérique du XIXème siècle à travers notamment
les empoisonneuses qui sévissaient à cette époque (II).
II-Les tueuses en série à l’aube de l’époque
contemporaine et à l’époque contemporaine aux
tueuses dans l’Amérique du XIXème siècle
Des empoisonneuses (A) aux tueuses dans l’Amérique du XIXème siècle (B), il convient d’en
relater le récit.
A-Les tueuses en série à l’aube de l’époque
contemporaine et à l’époque contemporaine
A l’aube de l’époque contemporaine et à l’époque contemporaine elle-même, ce sont les
empoisonneuses qui ont marqué cette période. Pour ne citer que les plus connues, l’on peut évoquer
Marie de BRINVILLIERS, Catherine DESHAYES ou encore celle qui était surnommée la TOFANIA.
En Italie, et plus précisément à Naples, entre 1670 et 1719, une femme connue sous le nom de
la TOFANIA est soupçonnée d’avoir participé aux meurtres de jusqu’à six cents hommes en vendant
un poison connu sous le nom d’aqua Tofania.
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Elle distribuait ce produit gratuitement aux épouses qui souhaitaient assassiner leur mari en
secret. Les fioles de poison étaient étiquetées « Manne de Saint- Nicolas de Baro », du nom d’une
huile légendaire qui aurait suinté de la tombe de Saint Nicolas et aurait eu le pouvoir de guérir bien des
maladies.
La haine des hommes fut la raison imputée à TOFANIA pour ces crimes, et on dit qu’elle
encourageait ses clientes à n’utiliser sa potion que par petites doses, afin de prolonger la souffrance
des victimes.
Elle avait soixante-dix ans lorsque les autorités napolitaines, submergées de décès d’hommes
mariés, finirent par faire le lien entre les fioles et elle. Prévenue de son arrestation imminente,
TOFANIA tenta de se réfugier dans un couvent, mais on l’en tira de force, à la grande consternation
des religieuses. On lui fit subir des tortures, lui arrachant la confession de centaines de meurtres, et elle
fut étranglée en 1723. Son corps fut ensuite jeté par-dessus le mur du couvent où elle avait cherché
secours.
L’empoisonneuse française Marie de BRINVILLIERS, quant à elle, pratiqua son "art" sur des
invalides, puis s’en prit à son propre père, ses amis et ses voisins. Elle fut exécutée pour ses crimes en
1676.
Charmante, gracieuse, jolie et avec de grands yeux bleus, telle fut la jeune Marquise de
Brinvilliers. Derrière ce portrait idyllique se cacha l’une des plus terribles et mystérieuses femmes de
notre histoire.
Née le 2 juillet 1630, Marie Madeleine d’AUBRAY, marquise de Brinvilliers, fille d’Antonin
Dreux d’AUBRAY, conseiller d’état reçut si l’on peut dire une bonne éducation. Toutefois, selon ses
propres déclarations, dès l’âge de cinq ans, le vice l’habitait. Elle perdit sa virginité à l’âge de sept ans
et par la suite se livra à ses jeunes frères. A l'âge de vingt-et-un an, elle épousa un jeune maître de
camp du régiment de Normandie, Antoine Gobelin, honnête homme issu d'une riche famille. Très vite,
la Marquise s'attacha à Gaudin de Sainte-Croix, un officier de cavalerie que lui avait présenté son
mari, un couple à trois naquit. Le père de la Marquise au courant de cette affaire obtint grâce à ses
relations, une lettre de cachet permettant de jeter à la Bastille, l'amant de sa fille. Il fut emprisonné six
semaines, un court séjour peut être, mais ce fut l'un des facteurs déclenchant de l'un plus formidable
procès du siècle des lumières. Sainte-Croix fit la connaissance en ces cachots humides, d'un certain
Exili, détenteur du terrible secret de l'art de l'empoisonnement.
C'est ainsi que la jeune marquise fut initiée aux poisons par son étrange amant. Blessée dans
son orgueil, la vengeance naquit en son cœur, l'objet de cette haine fut son père, responsable de son
malheur. Un plan diabolique germa, elle utilisa dans un premier temps son art du poison à la faveur de
la nuit dans les hôpitaux ; les malades dont elle s'approchait ne tardaient pas à succomber en
d'horribles souffrances. Puis son père devint son prochain objectif. Le 13 juin 1666, retiré en ses terres
d'Offemont, le père de la jeune Marquise souffrait déjà depuis plusieurs mois de maux étranges. Priant
sa fille de venir le rejoindre, le malheureux fut pris d'affreux vomissements qui continuèrent jusqu'à sa
mort, laquelle eut lieu à Paris où il s'était fait transporter pour recevoir les soins des meilleurs
médecins. Il mourut le 10 septembre à 66 ans.
Au cours de son procès, la Marquise avoua qu'elle avait empoisonné son père 28 fois ou trente
fois.
Cet obstacle franchi, la marquise eut plusieurs amants à la fois, la débauche et le vice
grouillaient en elle. L'héritage de feu son père ne tarda pas à fondre comme neige au soleil, Marie de
BRINVILLIERS s'en prit à ses deux frères qui furent empoisonnés par son laquais du nom de La
Chaussée en 1670. La cadence infernale redoubla, elle tenta d'empoisonner sa propre fille qu'elle
trouvait idiote et son mari qui faillit subir la morsure du terrible breuvage. Tour à tour empoisonné par
l'épouse, désempoisonné par l'amant, son mari parvint par survivre. Marie de BRINVILLIERS dit son
confesseur, donna à son mari de l'arsenic en quantité si infime que l'on crut qu'il souffrait d'une fluxion
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dans les jambes ; et elle ajouta qu'il ne fallait pas donner trop à la fois, afin que l'on ne s'aperçut pas
que cela fit de l'effet et que cela soit trop précipité.
Dans son laboratoire de l'impasse rue Maubert, Sainte croix fut victime d'une mystérieuse
expérience alchimique. Des scellés furent aussitôt apposés chez lui, la police découvrit un coffret et
une étrange lettre accusatrice et plusieurs fioles de poison. Les 8 et 11 août 1672, la marquise de
BRINVILLIERS usa de tous les moyens pour étouffer l'affaire, essayant même de corrompre le
commissaire, mais le destin en décida autrement. Les fioles furent testées sur des animaux qui
moururent aussitôt.
Se voyant soupçonnée, elle s'isola en sa maison de campagne mais ce ne fut pas le cas de son
valet, la Chaussée qui fut arrêté et reconnu coupable d'empoisonnement et soumis à la torture, il fut
condamné à mort le 24 mars 1673.
La marquise réfugiée à Londres fut condamnée par contumace. Sous l'impulsion du Roi Louis
XIV, un mandat d'arrêt fut lancé contre elle. Elle trouva refuge dans un couvent. Le 16 mars, on la fit
enlever pour la traduire en justice. Malgré plusieurs tentatives de suicide, elle fut écrouée à la
conciergerie, le procès se déroula du 29 avril au 16 juillet 1676 occupant vingt-deux audiences
présidées par Lamoignon. Son silence fut sa seule défense, elle nia tout en bloc, une action qui ne
cessa pas d'être un sujet d'étonnement pour ses juges.
Maître Nivelle, chargé de sa défense, plaida la calomnie et le manque de preuves.
Enfin cela est fait écrivit Madame de SEVIGNE87, Marie de BRINVILLIERS fut exécutée :
« son pauvre petit corps a été jeté, après l'exécution, dans un fort grand feu, et ses cendres au vent ;
de sorte que nous la respirons ».
Malgré une bonne éducation, Marie DE BRINVILLIERS ne cessa de tuer motivée par la
vengeance et au moyen de l’empoisonnement.
A l’origine de l’ « Affaire des Poisons », il y a ainsi le 17 juillet 1676 l’exécution de Madame
de BRINVILLIERS. Une véritable hantise gagna la population parisienne qui voit les crimes
d’empoisonneuses dans le moindre décès prématuré. Or, rien n’effraie ces tueuses en série qui se
trouvent au cœur des pratiques les plus sordides de l’époque. C’est alors que Catherine DESHAYES,
veuve MONTVOISIN, dite « la Voisin » s’est rendue coupable de pas moins de deux-mille cinq cents
meurtres. Elle se livrait à la pratique des messes noires.
Il y a bien d’autres tueuses en série à cette époque telle Jane SCOTT ; l’une des premières
tueuses en série connues du XIXème siècle pour avoir empoisonné sa mère, son père mais également
son fils illégitime de quatre ans ainsi qu’une nièce âgée de dix-huit mois pour se venger de sa sœur
avec laquelle elle s’était disputée. Le motif invoqué pour le meurtre de ses parents se résumait au fait
qu’elle devait se marier et voulait récupérer leurs meubles. Les actes meurtriers de Jane SCOTT
illustrent parfaitement la situation au XIXème siècle, car elle tua pour obtenir un gain matériel modeste
et se débarrasser du fardeau financier que représentait un enfant. Toutefois, c’est le meurtre de sa nièce
par vengeance qui apparaît du coup comme plus inhabituel car la cupidité et le désespoir furent les
mobiles les plus souvent cités par les meurtrières de cette époque.
Ce fut le cas de bien d’autres tueuses en série de cette époque comme par exemple, Elizabeth
ECCLES qui avait tué son beau-fils pour qu’il taise à son père le fait qu’elle avait bu et sa propre fille
pour l’amour de l’argent.
Aussi, Sarah FREEMAN avait également tué pour l’argent son fils illégitime, son mari, sa
mère ainsi que son frère afin de récupérer l’argent du club obsèques dans lequel elle les avait inscrits
87
ROUSSEL (P.J.A.), «Annales du crime et de l’innocence, ou Choix de causes célèbres anciennes et modernes », Lerouge, 1813
45
de la même façon que Sarah CHESHAM, Mary Ann COTTON qui avait tué certes sa famille, mais
également des patients lorsqu’elle était infirmière ou encore Mary MAY ou Eliza JOYCE.
Toutefois, Sarah FREEMAN à la différence de ces autres tueuses en série avait fait sept ans
d’école et était relativement bien éduquées pour l’époque. Mais elle souffrait de troubles de la
personnalité en ce qu’elle était très colérique. Elle s’emportait si violemment et si facilement que ses
parents l’avaient chassé de chez eux.
Pour ces femmes, la motivation était toujours la même ; celle de l’argent.
Une femme, tueuse en série, se différenciait du mode opératoire de ces empoisonneuses et
révéla une tueuse en série d’un genre totalement nouveau. Au contraire de ces femmes opprimées et
sans instruction qui avaient tué des membres de leur famille pauvre pour récupérer l’argent des
obsèques, Catherine WILSON à l’instar de Sarah FREEMAN évoluait sans effort aucun dans le milieu
de la haute bourgeoisie, se faisant ainsi passer pour une domestique ou une infirmière. Elle était
intelligente et rusée. Elle assassina certains membres de sa famille, des relations et des patients pour
l’héritage ou simplement pour voler leurs biens. En tant qu’infirmière, elle entretenait des relations de
confiance avec ses patients, qu’elle parvenait souvent à convaincre de l’inclure dans leur testament.
Elle ne se servait pas d’arsenic pour tuer, lui préférant une overdose de médicaments ou une ingestion
d’acide sulfurique.
Ainsi, à la différence des tueuses précédemment étudiées, elle se servait de son faux métier
pour tuer. Elle se rapproche de la classification des anges de la mort avec la motivation de l’argent.
A cette époque toutefois, il y a une autre exception : Sarah DAZELY qui avait été mariée pas
moins de sept fois, et ses trois derniers époux étaient morts dans des circonstances inexpliquées. Elle
était sur le point de se marier une huitième fois lorsque son futur époux décida d’annuler le mariage,
car il avait entendu les voisins la décrire comme la « Femme de Barbe-Bleue » .Le futur mari alla faire
part de ses soupçons à la police qui déterra les trois époux décédés en même temps qu’un nourrisson
mort en 1840. Les analyses chimiques révélèrent alors la présence de doses mortelles d’arsenic dans
les corps de deux maris et les autres cadavres étaient si dégradés qu’ils rendaient toute analyse
impossible.
L’exception pour cette tueuse en série, à la différence de celles précédemment citées est que le
gain ne fut jamais retenu comme mobile. Elle semblait presque tuer par absence, simplement pour
remédier à l’obstacle que représentait son mari du moment et satisfaire ainsi son désir d’épouser
quelqu’un d’autre.
Malheureusement, l’enfance de ces tueuses en série n’est que très peu connue et étudiée.
Ainsi, il n’est pas possible d’analyser véritablement les origines de ces tueuses. Toutefois, on peut les
classer parmi les veuves noires qui tuent pour un seul objectif : l’argent à l’exception toutefois de
Sarah DAZELY qui se distingue en ce qui concerne les motivations. Il semble cependant que les
enfances tout comme les vies de ces femmes étaient miséreuses et sans éducation sauf en ce qui
concerne Sarah FREEMAN et Catherine WILSON. Elles tuaient par appât du gain dans l’espoir
toujours véhément de pouvoir subvenir à leurs propres besoins et à celles des membres de leur famille
qu’elles n’avaient pas encore tués.
Toutefois, après l’affaire Mary Ann COTTON, la mise en place d’une réglementation
concernant les assurances obsèques, les progrès faits dans les analyses chimiques et le contrôle des
ventes d’arsenic chez les détaillants contribuèrent tous trois au déclin perpétré par des amateurs. En
revanche, ils ne dissuadèrent pas les femmes froidement déterminées à tuer.
La génération suivante d’empoisonneuses était différente. Les années 1850 virent progresser la
condition féminine, notamment grâce à la carrière d’infirmière de Florence NIGHTINGALE, qui
devint la femme la plus célèbre de Grande-Bretagne après la reine Victoria. Elle transforma le métier
d’infirmière, jusque-là mal défini, en une nouvelle profession, très respectable et organisée, en
particulier après sa mission héroïque pendant la guerre de Crimée, entre 1854 et 1857, lorsqu’avec son
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équipe de trente-huit infirmières volontaires, elle réduisit considérablement le chiffre de pertes
britanniques. Les infirmières devinrent synonymes de femmes indépendantes dans la société
victorienne, malgré les règles strictes établies dans la profession. Cette auréole de respectabilité et
d’admiration durement gagnée fut également adoptée par les tueuses en série de la fin du XIXe siècle,
dont beaucoup furent formées en tant qu’infirmières ou firent semblant d’en être une. Cette nouvelle
génération de meurtrières modernes, avec un statut professionnel, ne ressemblait en rien à la classe de
femmes non instruites, paysannes, quasi-moyenâgeuses et opprimées, qui avaient été des victimes
collatérales de l’industrialisation. Au moment de l’arrestation de Catherine WILSON, le journal
médical The Lancet s’inquiéta du fait qu’elle se faisait passer pour une infirmière afin de commettre
ses meurtres, ce qui était une perversion choquante des principes éthiques du soin médical.
L’ « Ange de la Mort » est une catégorie de meurtrières qui commença à s’épanouir dans le
sillage de Florence NIGHTINGALE et existe encore à notre époque.
La France, elle, fut marquée également par des empoisonneuses à l’instar de Marie de
BRINVILLIERS. En effet, au début du XIXème siècle, Hélène JEGADO empoisonna des dizaines de
personnes en Bretagne. Son parcours criminel a duré dix-huit ans. Elle est née en 1803 à Plouhinec
dans le Morbihan dans une famille plutôt bourgeoise mais déchue. Toute son enfance, elle baigne dans
les légendes bretonnes et les histoires d’Ankou qui auraient eu un impact très important sur elle. C’et
ainsi qu’à huit ans, elle empoisonna sa mère avec de la belladone. Puis elle quitta sa famille pour être
placée dans un presbytère comme bonne et cuisinière. Elle poursuivit sa série de crimes avec de la
mort-aux-rats qu’elle ajoute dans des soupes aux herbes ou encore des gâteaux. Elle tua sœurs, tantes,
son père mais aussi des prêtres, des bonnes de curés ou des membres de leur entourage et des enfants.
Elle ne fut pas démasquée, car c’est l’époque où le choléra sévissait et faisait ainsi des ravages en
France.
Jean TEULE88, auteur du livre « Fleur de Tonnerre » dans lequel Hélène JEGADO est
l’héroïne de ce roman, explique qu’elle aurait eu tellement peur de la mort petite qu’elle aurait choisi
de devenir elle-même la mort car elle tua sans raisons, sans mobiles et sans remords apparemment.
Elle sillonna la France en semant la mort derrière elle. Elle arriva à Rennes en 1848 ou en 1850 et se
plaça comme servante à l’Hôtel du bout du monde où elle empoisonna une servante et deux vagabonds
puis se plaça ensuite comme cuisinière chez Théophile BIDART DE LA NOE, avocat et spécialiste en
criminologie. Dans sa maison, elle tua deux servantes, mais l’avocat fit analyser le vomi d’une de ces
victimes, puis les corps furent exhumés. L’autopsie confirma l’empoisonnement. Une enquête est
ouverte, Hélène JEGADO aurait tué près de soixante personnes. Elle fut jugée du 6 au 13 décembre
1851 et condamnée à mort. Elle fut guillotinée sur la place du Champ-de-Mars à Rennes le 26 février
1852.
L’Angleterre allait sous peu devenir complètement obsédée par Jack l’Eventreur. Mais aux
Etats-Unis, l’attention allait rester centrée sur les tueuses en série qui, malgré un contexte très
américain, donnèrent à leurs crimes une signature tout à fait unique (B).
B-Les tueuses en série dans l’Amérique du
XIXème siècle
Un sociologue a révélé que la période de la conquête du Far West était un modèle du genre,
pour le meurtre en série. En effet, quelques-unes des premières tueuses en série américaines sont à
chercher dans la société rurale vivant à la frontière. Kate BENDER et sa famille de meurtriers, au
Kansas, sont probablement les plus célèbres.
88
J. TEULE, Fleur du Tonnerre,
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Kate BENDER et sa famille de meurtriers
La famille BENDER est une famille de tueurs en série qui possédait une auberge dans la
commune d’OSAGE de 1872 à 1873. Cette auberge était un endroit miteux appelé Wayside Inn. La
famille était constituée de John BENDER, sa femme, leur fils John Jr. et leur fille Kate. Alors que la
plupart des gens penseNT que John et Kate sont frère et sœur, ces derniers étaient connus pour avoir
une relation plus intime.
Kate BENDER était cultivée et séduisante. Elle s’était autoproclamée guérisseuse et médium,
elle distribuait des dépliants publicitaires sur ses pouvoirs surnaturels et sur sa capacité à guérir les
maladies. Elle organisait également des séances de spiritisme et donnait des conférences sur la
spiritualité, par lesquelles elle acquit une certaine notoriété pour avoir prôné l’amour libre ce qui fit
que l’auberge ne désemplit pas.
Entre 1871 et 1873, cette famille assassina plusieurs voyageurs qui s’étaient arrêtés chez eux
pour manger ou dormir.
Certains pensent que si un client semblait être riche, les Bender lui donnaient une place
d'honneur à la table, qui était placée au-dessus d'une trappe qui menait à la cave, dos au rideau de la
chambre. Kate détournait l'attention de l'invité grâce à son charme, tandis que John Bender ou son fils
arrivait de derrière le rideau et frappait l'invité sur le côté droit du crâne avec un marteau. Les victimes
étaient ensuite égorgées par l'une des femmes pour s'assurer de sa mort. Puis le corps était balancé
dans la cave par la trappe. Une fois dans la cave, la victime était dépouillée et plus tard enterrée
quelque part dans la propriété, souvent dans le verger. Plus d'une dizaine d'impacts de balle furent
retrouvés dans le toit et les murs de la cabane, indiquant peut-être que certaines des victimes avaient
tenté de se défendre après avoir été frappées à coups de marteau.
La famille s’enfuit, mais personne d’autre ne soupçonna et personne ne remarqua leur fuite.
Mais un jour où Billy TOLE conduisait du bétail en passant par-derrière la propriété des Bender, il
remarqua que l'auberge était abandonnée et que les animaux de la ferme étaient affamés. Tole rapporta
le fait au maire qui recruta des bénévoles et une centaine de personnes, dont le colonel York, partirent
à la recherche des Bender. Les hommes commencèrent à sonder le sol autour de la cabane avec une
tige en métal, en particulier dans les terres meubles du potager et du verger, dix-huit corps furent
retrouvés. Tous sauf un avaient le crâne enfoncé à coup de marteau et la gorge tranchée. Il a été
rapporté dans les journaux que tous avaient été "horriblement mutilés". Le corps d'une jeune fille fut
retrouvé sans blessures suffisantes pour expliquer la mort et il a été affirmé qu'elle avait été étranglée
ou enterrée vivante. L'histoire des meurtriers et de leur fuite se propagèrent rapidement, la traque
continua sur près de cinquante ans. Il arriva souvent que des femmes voyageant par deux furent
accusées d'être Kate Bender et sa mère.
Le 31 octobre 1889, il a été signalé qu'une Madame Almira MONROE et une Madame Eliza
DAVIS, nom et prénom de Kate BENDER à la suite de son mariage, avaient été arrêtées
à Niles, Michigan quelques semaines plus tôt et leurs identités furent confirmées par deux témoins du
canton d'Osage grâce à une photographie ferrotype. Une autre source affirme le mandataire du canton
d'Osage qui avait dirigé les recherches sur la propriété Bender, partit pour le Michigan et identifia
personnellement le couple. Madame DAVIS signa une attestation en admettant que Madame
MONROE était Ma BENDER et elles furent toutes deux extradées dans le Kansas où sept personnes
sur treize confirmèrent leur identité. Initialement prévu pour février 1890, le procès eut lieu en mai,
mais le comté dut abandonner les charges et libéra les deux femmes après que leur avocat eut produit
un certificat de mariage indiquant que Madame DAVIS avait été mariée dans le Michigan en 1872, au
moment où plusieurs de ces meurtres avaient été commis. Un certain nombre de personnes remirent en
question l'authenticité de ces certificats.
Le mobile de ces meurtres est sans conteste l’argent. Les victimes étaient tuées de sang-froid
et c’est Kate BENDER ou sa mère qui s’occupaient de trancher la gorge des victimes pour s’assurer
que les premiers coups étaient fatals.
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Malgré une bonne éducation de Kate BENDER qui était considérée comme cultivée, elle
nourrissait une relation incestueuse avec son frère à l’identique d’Aileen WUORNOS. Il est tout à fait
possible de rapprocher ces deux tueuses en série de par leur mode opératoire en ce que les deux
usaient de leur charme, à des fins différentes puisque l’une se prostituait et l’autre se ventait de guérir
des maladies, pour attirer des clients et ensuite passer à l’acte. Kate BENDER se servait de sa beauté
pour distraire les clients et leur tranchait la gorge pour ensuite récupérer l’argent.
Lydia SHERMAN, Sarah Jane ROBINSON, Jane TOPPAN ou les empoisonneuses
Alors que le nombre de tueuses en série s’essoufflait en Grande-Bretagne après l’entrée en
vigueur de la loi sur la vente d’arsenic, aux Etats-Unis, où il n’existait pas d’équivalent, le même
phénomène se propagea.
L’une des premières affaires à atteindre une grande notoriété fut celle de Lydia SHERMAN,
dans les années 1860 puis celle de Sarah Jane ROBINSON et de Jane TOPPAN. Ces trois tueuses en
série avaient un mode opératoire identique : celui de l’empoisonnement, mais des motivations
totalement différentes. Tandis que la première s’était débarrassée de sa famille pour une question
financière et avait pris un goût certain du pouvoir sur ses victimes, la deuxième tuait pour le plaisir et
le profit et enfin la dernière, et c’est relativement rare pour une tueuse en série, ressentait un plaisir
sexuel lorsqu’elle voyait agoniser ses victimes.
Pour reprendre toujours le même processus d’étude de ces tueuses en série, il convient de voir
d’abord quelles enfances ont vécu ces trois tueuses en série puis les crimes dont elles se sont rendues
coupables et enfin leur découverte.
Lydia naquit à Burlington dans le Vermont en 1824, et se retrouva orpheline à l’âge de neuf
ans. Son frère et elle reçurent d’un oncle une éducation méthodiste pieuse. Lorsqu’elle eut seize ans, sa
famille déménagea à New Brunswick, dans le New Jersey, où elle trouva un emploi comme couturière
et compta parmi les fidèles de l’Eglise méthodiste locale. C’est dans cette Eglise qu’elle rencontra
Edward STRUCK, un veuf de trente-huit ans père de six enfants, qui travaillait comme maréchalferrant. Lydia était âgée de dix-neuf ans lorsqu’elle l’épousa en 1843. Malgré la différence d’âge, le
mariage semblait fonctionner. Dans les années qui suivirent, elle mit au monde sept enfants, qui
s’ajoutèrent aux six qu’Edward avait de son premier mariage. Il fallait donc subvenir aux besoins d’un
nombre considérable de personnes dans la famille, et c’est ainsi que, comme tant d’autres, ils allèrent
chercher fortune à New York et s’installèrent dans la 125 e Rue à Harlem, qui était à l’époque un
quartier de la classe moyenne blanche. En 1857, Edward, alors âgé de cinquante-trois ans, parvint à se
faire recruter dans la police de New York.
Edward et Lydia étaient mariés depuis vingt paisibles années. Les six enfants d’Edward, ainsi
que leur aîné, étaient des adultes qui s’assumaient, mais le couple devait encore s’occuper de six fils et
filles dont le plus jeune, un bébé nommé William avait quelques mois à peine. A la suite de son
licenciement pour lâcheté, Edward sombra dans une profonde dépression, se sentant incapable de
chercher un autre travail et même de quitter l’appartement familial. Pour aider son mari, Lydia fit de
son mieux. Elle entreprit des travaux de couture à la maison pour joindre les deux bouts, s’occupa de
lui et des enfants et finit par se rendre au commissariat où travaillait son mari afin qu’il puisse être
réintégré. Mais le commissaire qu’elle rencontrait ne pouvait pas faire grand-chose et lui suggéra
même, de le faire hospitaliser. A la suite de cette rencontre, elle alla à la pharmacie acheter dix cents
d’arsenic blanc et l’ingéra dans un bol de porridge à l’attention d’Edward. Il mourut le lendemain
matin et le médecin présent opta pour un décès de cause naturelle, de consomption, nom donné à la
tuberculose à l’époque.
Quelques semaines après le décès de son mari, elle se sentit à nouveau découragée et
empoisonna alors ses trois plus jeunes enfants, les uns après les autres dans d’atroces souffrances. Puis
un de ses fils contracta la « la colique du peintre » et se souvint avoir été de nouveau découragée :
« J’ai pensé qu’il deviendrait un fardeau pour moi, alors j’ai mélangé un peu d’arsenic à son thé. Je
crois qu’il est mort le lendemain matin », raconta-t-elle plus tard. Puis elle tua une de ses deux
dernières filles. Il ne restait plus que les deux Lydia, mère et fille. Elles déménagèrent dans un petit
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appartement en haut de Broadway mais la jeune Lydia contracta tout à coup une fièvre. Malgré les
efforts de sa mère pour lui faire recouvrer la santé, la jeune fille décéda.
Toutefois, l’un des beaux-fils de Lydia, devenu adulte, était devenu soupçonneux quant aux
décès à intervalles rapprochés de son père et de ses demi-frères et sœurs. Il insista auprès du bureau du
Procureur de la ville de New York pour qu’on déterre les sept cadavres et que l’on conduise des
analyses pour rechercher de l’arsenic. Mais il était trop tard. Lydia, totalement libérée de toute
obligation familiale pour la première fois en vingt-trois ans, avait disparu.
Elle s’était remariée à un vieux fermier fortuné dans le Connecticut à Stratford. Il lui avait
promis que « tout ce qu’il possédait serait à moi ». Le vieil homme rédigea un testament qui laissait à
Lydia tout son domaine. Puis un dimanche matin de 1868, alors qu’il se préparait pour aller à l’église,
il fut pris tout à coup de vertiges et tomba malade. Remarquant son absence, ses voisins lui rendirent
visite le jour suivant, apportant en cadeau des palourdes fraîchement ramassées, avec lesquelles Lydia
s’empressa de préparer une bisque additionnée d’arsenic. Le médecin fut touché de voir comment son
épouse se démenait pour prodiguer tous les soins possibles au vieil homme, lui essuyant le front et
tentant de lui redonner des forces grâce aux médicaments et aux bouillons qu’elle préparait elle-même.
Lorsqu’il mourut dans d’atroces souffrances, le jour suivant, le médecin attesta qu’il s‘agissait d’un
cas de «choléra-morbus».
La veuve de quarante-six ans hérita d’un domaine de 20 000 dollars et de 10 000 dollars en
liquidités, ce qui était une somme considérable en ces temps-là. En moins d’un an, Lydia se lia avec
un autre veuf, un mécanicien d’usine très ouvert et buvant beaucoup ; sa femme était récemment
décédée, le laissant seul avec quatre enfants dont un bébé malade, ainsi qu’une belle-mère vivant chez
lui. Il est difficile ici d’expliquer la motivation de Lydia, dans ce cas particulier. Il était en fait endetté,
et Lydia finit par payer les trois cent dollars qu’il devait. Mais peut-être qu’à ce stade Lydia avait
développé une addiction à la sensation de pouvoir qui montait en elle chaque fois qu’elle faisait mourir
quelqu’un. A mesure que ses enfants décédaient, il sombrait un peu plus dans l’alcool et la dépression.
Quelques mois après leur mariage, le couple faisait déjà chambre à part. Un jour, à son retour, Lydia
l’attendait avec une onctueuse tasse de chocolat chaud. Il mit quatre jours à s’éteindre après avoir
souffert le martyre et malgré les efforts du Docteur BEARDSLEY. Ce dernier était cependant un
médecin expérimenté qui avait déjà eu à faire à plusieurs cas d’empoisonnement accidentel à l’arsenic.
Tout en examinant son patient, le docteur lui avait demandé s’il avait pris d’autres médicaments que
ceux prescrits par lui. Il répondit et ce furent ses derniers mots : « Seulement ce que ma femme m’a
donné ». Le docteur BEARDSLEY obtint la permission de pratiquer une autopsie sur le corps
d’Horatio et envoya des échantillons à un expert en toxicologie de Yale qui trouva assez d’arsenic
dans son foie pour tuer plusieurs hommes.
Un mandat d’arrêt fut immédiatement délivré contre Lydia SHERMAN mais elle avait déjà
quitté la ville et était retournée à New Brunswick. Pendant ce temps-là, les corps des deux enfants
d’Horatio et du deuxième mati de Lydia furent exhumés et on y trouva également des traces d’Arsenic.
Puis la police apprit rapidement que sept autres décès étaient liés à Lydia à New York. Quelques jours
plus tard, elle fut arrêtée. Elle fut jugée à New Haven, dans le Connecticut, en avril 1872, lors d’un
procès de huit jours surmédiatisé. Elle vit son histoire transposée dans de nombreux livres, chansons et
poèmes. Le public américain était fasciné par cette meurtrière en série.
Ses crimes étaient si inexplicables et déments que les autorités ne parvinrent pas à trouver de
consensus pour l’inculper de crime capital, et elle fut jugée à la place pour le meurtre sans
préméditation de son deuxième mari. Les meurtres commis pour se soulager du fardeau que
représentaient ses enfants et ses époux rappellent ceux de Susan SMITH, une jeune femme de vingttrois ans qui, en 1994, en Caroline du Sud, laissa sa voiture s’enfoncer dans un lac avec ses deux
enfants attachés fermement à l’arrière.
Lydia confessa tous les meurtres, mais elle soutint cependant jusqu’au bout qu’elle n’était en
rien responsable de la mort de sa fille aînée. Elle fut condamnée à la prison à perpétuité et mourut en
prison cinq ans après son incarcération des suites d’une maladie en mai 1878 à l’âge de 54 ans.
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Alors que Lydia SHERMAN venait à peine de décéder¸ Sarah Jane ROBINSON fit son
apparition. Alors que SHERMAN avait commis des crimes sans mobile à proprement parler, Sarah
ROBINSON, de son côté, entreprit une croisade meurtrière à la recherche du plaisir et du profit ce qui
est plutôt rare pour une tueuse en série comme on vient de le voir. Elle pourrait se rapprocher d’une
Elisabeth BATHORY.
Elle avait plus de quarante ans quand elle débuta sa carrière homicide, enchaînant les meurtres
de son logeur pour une histoire de loyers impayés ; de son mari, assuré sur la vie, de sa sœur, dans
l’optique de récupérer un nouveau mari, de sa nièce, âgée tout juste d’un an, de son beau-frère et mari
remplaçant, qu’elle avait entretemps convaincu de faire d’elle la bénéficiaire de son assurance-vie, si
jamais « il devait lui arriver malheur » ; de sa fille, qu’elle avait gentiment assurée sur la vie à la suite
de tous ces décès ; de son jeune neveu, qui l’encombrait quelque peu ; et de son fils assuré lui aussi sur
la vie, mais qui eut le temps de souffler avant de mourir : « C’est ma vieille mère qui m’a soigné ».
Elle fut arrêtée pour le meurtre de son fils, grâce à ses indications, et lorsque les autorités exhumèrent
les corps de six de ses proches récemment décédés, les analyses révélèrent des doses massives
d’arsenic dans chacun des cadavres. Elle fut inculpée de meurtre avec préméditation à cause du mobile
manifeste du gain, mais son avocat soutint que ce ne pouvait être le seul mobile de tant de meurtres.
Elle souffrait assurément de « perversion incontrôlée ».
C’était un monstre.
Elle fut reconnue coupable de meurtre et condamnée à mort ; la sentence fut plus tard
commuée en prison à perpétuité. C’est là qu’elle mourut en 1906, à l’âge de soixante-dix ans, clamant
jusqu’au bout son innocence.
En ce qui concerne Jane TOPPAN née en 1854, elle était une tueuse en série américaine. Elle
a avoué 31 meurtres en 1901. Elle a dit que son ambition était de tuer plus de gens qu’aucun autre
homme ou femme.
Elle a été élevée dans le Massachusetts dans une famille pauvre avec un passé de maladie
mentale. En1863, son père la mit, elle et sa sœur dans un orphelinat de Boston où elles étaient
destinées à être données à d’autres familles comme servantes (avec contrat bilatéral). Elle fut vite prise
par Ann TOPPAN qui, bien qu’elle ne l’adoptât jamais de façon officielle, lui donna son nom de
famille. Elle grandit avec un sentiment amer envers sa mère adoptive, qui abusait des enfants, et sa
sœur adoptive, Elizabeth, qui était chérie de la famille. Elle continua néanmoins de vivre avec elles
bien après qu’elle soit officiellement libérée de ses services en 1874.
En 1885, elle débuta sa formation pour devenir une infirmière à l’hôpital de Cambridge dans
le Massachusetts. Durant ses années de résidence, elle utilisa ses patients comme cobayes dans des
expérimentations avec de la morphine et de l’atropine ; elle changeait leurs dosages prescrits pour voir
ce que cela ferait sur leur système nerveux. On ne sait pas si des activités sexuelles ont eu lieu lorsque
ses victimes étaient dans cette phase d’inconscience, mais lorsqu’on lui demanda après son
arrestation, Jane TOPPAN répondit qu’elle obtenait un tressaillement sexuel des patients près de la
mort, revenant à la vie puis mourant à nouveau. Elle administrait un mélange de drogues aux patients
qu’elle avait choisis comme victimes, se couchait avec eux dans le lit et les tenait près de son corps
alors qu’ils mouraient.
Cela est très rare pour des tueuses en série, qui tuent généralement pour le gain financier et
non pour des tressaillements sexuels. Elle fut néanmoins recommandée pour le prestigieux Hôpital
Général du Massachusetts en 1889 ; là, elle fit d’autres victimes, mais fut vite congédiée pour avoir
prescrit des opiacés avec insouciance. Elle commença alors une carrière en tant qu’infirmière privée,
laquelle fleurit malgré des plaintes de vols. Elle commença sa suite d’empoisonnements en 1895 en
tuant ses propriétaires. En 1899, elle tua sa sœur adoptive Elizabeth avec une dose de strychnine.
En 1901, elle emménagea avec le vieillard Alden DAVIS et sa famille au Cataumet pour
prendre soin de lui après la mort de sa femme (que Jane TOPPAN avait elle-même assassinée). En
quelques semaines, elle tua son mari et deux de ses filles. Elle emménagea alors dans sa ville natale et
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commença à poursuivre le mari d'Elizabeth sa sœur adoptive, l’empoisonnant lui aussi. Elle
s’empoisonna même elle-même pour susciter sa sympathie. La ruse ne fonctionna pas, cependant, et la
jeta en dehors de sa maison.
Les membres survivants de la famille DAVIS ordonnèrent un examen toxicologique sur la
fille cadette d’Alden DAVIS. Le rapport mit en évidence qu’elle avait été empoisonnée, ainsi les
autorités locales saisirent la police en vue de faire interpeler Jane TOPPAN. Le 26 octobre 1901, elle
fut arrêtée pour meurtre.
En 1902, elle avait avoué onze meurtres. Le 23 juin, au tribunal du comté de Barnstable, elle
fut jugée non-coupable pour cause de folie et fut internée à vie à l’hôpital psychiatrique de Taunton.
Peu après le procès, le « New York Journal », publia ce qui était censé être la confession de TOPPAN
à ses avocats où elle disait avoir tué plus de trente et une personnes, et qu’elle voulait que le jury la
juge comme folle pour qu’elle puisse éventuellement avoir la chance d’être libérée. Que cela ait été la
vraie intention de TOPPAN ou non n’est pas connue, mais elle resta néanmoins à Taunton pour le
restant de sa vie.
Au travers de cette étude des premières tueuses en série, une tueuse en série se démarque :
Elisabeth BATHORY qui de par la violence et la cruauté de ses actes est une tueuse en série à part
notamment en ce qui concerne les motivations qui étaient le pur plaisir et le profit. Pour les autres
tueuses en série, elles sont pour la plupart des empoisonneuses avec des motivations centrées
relativement souvent autour de l’argent à quelques exceptions près où le tressaillement sexuel ou la
perversion même étaient le moteur. Il en ressort également que toutes les tueuses en série observées
n’ont pas vécu d’enfances traumatisantes, mais que justement très jeunes un vice ou une solitude les
animaient déjà et n’auguraient rien de bon pour l’avenir de par le manque certain d’encadrement de
ces femmes.
Une question se pose désormais : au XXème siècle, les tueuses en série opéraient-elles comme
dans le passé ou innovaient-elles au rythme de l’Histoire et de l’évolution de la science et des
techniques ? C’est ainsi que commence l’étude de cas de tueuses en série et de leurs complices au
XXème siècle (Section 2).
Section 2 : Etude de cas de Tueuses en série et de leurs
complices au XXème siècle
Dorénavant, il s’agit d’étudier les tueuses en série du XXème siècle, celles qui se rapprochent le
plus de nous. Pour cela, il conviendra d’une part de prendre en considération les tueuses en série
modernes solitaires pour reprendre la classification précédemment susvisée (I) puis les tueuses en
série qui agissent de concert avec un complice (II).
I-Les tueuses en série modernes solitaires
Une figure criminelle qui a marqué les esprits notamment par sa présence dans les médias et
au cinéma est le cas d’Aileen WUORNOS autour de laquelle s’est forme un culte absolu (A) puis
horreur de notre histoire, la période de la Seconde Guerre Mondiale et de l’Holocauste avec ses
meurtrières d’Etat (B).
A-Le culte absolu autour d’Aileen
WUORNOS
Il convient de consacrer une partie entière au cas d’Aileen WUORNOS car étant une des
exceptions parmi les tueuses en série dans sa façon de procéder mais aussi un des exemples d’enfance
terrible et de l’inaction des institutions pour sauver une âme en détresse comme elle le laisse percevoir
au travers de sa vie et de ses tentatives de suicide.
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Les meurtrières en série étaient perçues comme des « dames fatales ». Elles étaient envisagées
comme des femmes respectables, parfois séduisantes, dont les intentions criminelles se cachaient
derrière une façade de mystique féminine : arsenic, vieilles dentelles et dangereuses demoiselles.
Certaines se servaient de leur beauté, de leur charme et de leurs manières distinguées pour attirer leurs
victimes dans un piège meurtrier, tout en parvenant à maintenir une façade d’épouse, de mère,
d’infirmière, de baby-sitter ou de veuve.
Aileen WUORNOS réduit ce stéréotype à néant. Cette tueuse en série ne ressemble à aucune
autre tueuse avant elle.
En s’attaquant avec une arme à feu à des inconnus, au hasard et de nuit, elle coupa court au
culte de la meurtrière au foyer.
Aileen WUORNOS s’épanouit là ou d’autres femmes auraient eu peur de se rendre et où bon
nombre d’entre elles furent elles-mêmes tuées, tant en faisant de l’auto-stop sur les routes sombres en
faisant des passes sur le bas-côté de la nationale.
Considérée à tort comme la première tueuse en série des Etats-Unis, Aileen WUORNOS est
née le 29 février 1956 dans le Michigan. Prostituée depuis son plus jeune âge, elle est condamnée pour
les meurtres de sept hommes, commis entre 1989 et 1991.
Bien que montrée du doigt et méprisée par tous, elle n’a pas été épargnée par la vie. Elle est
jugée, malgré une démence certaine, et condamnée à la peine capitale en 2002.
Peu de criminels condamnés à mort ont eu une enfance stable et heureuse. Mais celle d’Aileen
WUORNOS sort vraiment du plus horrible des cauchemars.
Lorsqu’elle vient au monde, ses parents ne sont pas encore des adultes. Sa mère a 15 ans et
son père, encore très jeune, est déjà considéré comme un "sociopathe", auteur de plusieurs agressions
sexuelles et viols sur des mineurs. Le couple a déjà divorcé à la naissance d'Aileen, et son père ne
jouera pas un grand rôle dans sa vie, errant entre la prison et l'hôpital psychiatrique, avant de finir
pendu dans sa cellule en 1969.
Sa mère a abandonné sa fille deux fois avant que celle-ci n’ait atteint ses deux ans, ce que les
spécialistes considèrent comme la période cruciale de construction émotionnelle. Elle abandonna
également son fils, Keith, le frère d’Aileen. Ils furent alors adoptés par leurs grands-parents maternels.
Violent, son grand-père, porté sur l'alcool, ne fut pas un meilleur modèle. Très tôt, le frère et la sœur
basculent dans la délinquance et se rebellent contre ceux qui n’étaient pas leurs parents véritables. . Ils
essayent de mettre le feu à leur grand-mère. La jeune femme sera défigurée. Plus tard, elle et Keith
mirent le feu à plusieurs champs, et Aileen, seule, au papier hygiénique des toilettes de son école,
provoquant la panique. Cette pyromanie, comme il l’a été précédemment étudié fait partie de la triade
Mac Donald et des évènements qui peuvent être annonciateurs d’un tueur ou d’une tueuse en série.
Elle n’était pas une bonne élève et avait un problème d’audition, mais ses "parents"
considéraient qu’elle refusait seulement de les écouter.
Affirmant avoir été violée plusieurs fois depuis son plus jeune âge et notamment par son
grand-père, elle tombe finalement enceinte à 14 ans, donnant naissance à un fils. Elle l'abandonne
immédiatement. Cette épreuve, Aileen la traverse seule. Un médecin avise pourtant son entourage de
la nécessité de faire suivre la jeune fille, personne n'entend cet avertissement complètement ignoré :
« Il est vital pour le bien-être de cette jeune fille qu’elle reçoive de l’aide immédiatement ». Ses
grands-parents sont furieux et ne croient pas à la thèse du viol.
En grandissant, Aileen commence déjà à changer de caractère, devenant colérique et faisant
fuir ses éventuels amis. Elle commet plusieurs délits et fait de nombreuses fugues, seule ou avec son
frère. Après la mort de sa femme, le grand-père d'Aileen les chasse, elle et son frère. Ils se retrouvent
définitivement seuls. C'est le début de la chute pour Aileen. Elle n'a que 15 ans, elle est seule, sans
argent, sans éducation, sans rien connaître au monde du travail. Keith est son seul lien avec la réalité.
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En outre, elle a des relations sexuelles relativement jeunes. D’abord, avec son frère Keith puis
elle affirme avoir commencé à se prostituer à l’âge de 16 ans, mais plusieurs hommes qu’elle a connus
adolescents affirment qu’elle n’avait que 11 ou 12 ans lorsqu’elle commença à vendre son corps contre
des cigarettes, de la petite monnaie ou de la bière. Elle crut pouvoir trouver un petit ami parmi eux,
mais, évidemment, tous les garçons la rejetèrent.
Elle fut également abusée sexuellement par des hommes plus âgés. Et par la suite, bien qu’elle
ait été la victime, elle trouva bien plus honteux d’admettre les abus sexuels qu’elle avait subis, plutôt
que les meurtres qu’elle avait commis.
Elle abandonne très vite l’école et dort dans les bois ou dans des voitures. Elle erre de ville en
ville grâce à l’auto-stop et devient "prostituée à temps plein". Elle mènera cette existence jusqu'à l'âge
20 ans.
En dérive totale, Aileen essaie de se suicider en 1978, en se tirant une balle dans
l'estomac...Son mal-être est réel, le pire est à prévoir. Pourtant, une nouvelle fois, rien n’est fait,
malgré cet ultime appel au secours.
De 1981 à 1986, elle multiplie les problèmes avec la justice, sous son nom ou sous des
pseudonymes. Elle fait 13 mois de prison ferme en Floride. Sa vie prend un autre tournant lorsqu'elle
rencontre Tyria MOORE en juin 1986. Cette jeune femme de 24 ans lui apporte l'affection dont elle a
tant manqué et part avec elle sur les trottoirs de la prostitution.
Si Aileen a été heureuse à un moment de sa vie, c'est à cette période. C'est dans les bras de
cette femme qu'elle va recevoir pour la première fois un semblant d'amour. Cependant, leur existence
n'est pas agréable pour autant. Les deux jeunes femmes vivent de la prostitution, de vols et de
braquages de petite envergure, jusqu'au jour fatal de 1989 où Aileen abat Richard MALLORY, un de
ses clients qui aurait tenté de la violer.
La machine est en marche, Aileen ne s'arrêtera pas. Elle assassine six autres de ses clients. Son
mode opératoire ne varie jamais. Elle aborde ses futures victimes lorsqu'elle fait de l'auto-stop et leur
propose des relations sexuelles. Une fois dans leur voiture, elle menace le conducteur avec un calibre
22, lui ordonne de s'arrêter au bord de l'autoroute et l'abat, le plus souvent d'une balle dans le dos,
lorsqu'il est hors du véhicule.
Elle le détrousse puis fait disparaître les indices qui permettraient de la confondre. Bien qu'elle
n'ait jamais changé sa version des faits en accusant chacune de ses victimes de l'avoir violée,
l'organisation dont elle fait preuve laisse supposer la préméditation, ce qui exclut la thèse de la
légitime défense... En effet, la jeune femme prend le temps de dépouiller ses victimes et le soin
d'effacer ses empreintes sur les lieux du crime, grâce à un produit nettoyant quelle transporte dans son
sac.
A la dérive, Aileen WUORNOS est incontrôlable. Il suffira pourtant d'une erreur...Elle
survient le 4 Juillet 1991 en Floride lorsque les 2 jeunes femmes ont un accident avec la voiture d'une
de leurs victimes, Peter SIEMS. Malgré leur fuite précipitée, il est trop tard. Les deux jeunes femmes
ont été aperçues par des témoins qui peuvent désormais établir un portrait-robot des fugitives.
Le 30 novembre 1990, la police les diffuse. En quelques mois, les enquêteurs reçoivent une
multitude d'informations. Le 9 janvier 1991, Aileen WUORNOS est interpellée par la police qui
prétexte une affaire de port d'arme illégal et de faux papiers d'identité. Pas question de parler de
meurtres : la police n'a pas encore l'arme du crime et ne sait où se trouve Tyria MOORE. Le
lendemain, celle-ci est localisée en Pennsylvanie, chez sa sœur, où 2 officiers de police viennent
l'entendre. Ils lui lisent ses droits, mais ne l’inculpent pas. Tyria n'a jamais participé à aucun meurtre.
Désirant se disculper, elle avoue volontiers tout ce qu'elle sait sur sa compagne.
Les policiers veulent faire avouer Aileen par tous les moyens. Ils ont besoin de Tyria. Ils lui
expliquent comment ils comptent s'y prendre. Ils l’installent dans un motel et lui demandent de
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contacter WUORNOS qui est en préventive. La conversation est évidemment enregistrée. C'est là que
le plan se met en marche: Tyria devait dire à Aileen que les policiers avaient interrogé sa famille et
qu’elle craignait qu’on l’accuse à tort, des meurtres. Les enquêteurs espéraient que, par attachement
envers Tyria, Aileen admettrait les meurtres.
Et c’est exactement ce qui arrive...
Aileen craque trois jours après le coup de téléphone de Tyria, le 16 janvier 1991. Ce jour-là,
elle tient à la disculper totalement. Elle est très solennelle dans son affirmation du fait que rien n’était
de sa faute, ni les meurtres ni aucune circonstance qui l’aurait conduite à tuer. Elle se rend donc
responsable, elle et elle seule lorsqu'elle avoue six meurtres, tous commis, selon ses dires, par légitime
défense. En revanche, elle nie sa culpabilité pour l'assassinat de Peter SIEMS, dont le corps ne sera
jamais retrouvé. Cela suffit aux policiers, l'enquête est terminée.
Le procès d'Aileen WUORNOS pour le meurtre de Richard MALLORY s'ouvre le 13 janvier
1992. Elle ne change pas sa ligne de défense : si elle a tué, c'est pour se protéger. Mais le témoignage
de Tyria va l'accabler, affirmant qu’elle n'a pas agi par légitime défense. Pire, elle ne lui jette pas un
seul regard durant toute l'instruction. Accablée, Aileen ne semble pas éprouver de rancœur contre cette
femme qu'elle a aimée et qui l'a trahie. La fêlure de cette vie trop dure, jamais soudée, a eu raison
d'elle. Sombrant dans la folie la plus totale, elle ne parle que pour injurier la Cour et les hommes.
Le 27 janvier 1992, les jurés ne mirent que 2 heures pour déclarer Aileen WUORNOS coupable de
meurtre au premier degré. Lorsqu’ils quittent le tribunal, elle explose de rage, hurlant "Je suis
innocente ! J’ai été violée ! J’espère que vous serez violés ! Sacs à merde de l’Amérique !".
Son accès de colère est encore frais dans l’esprit des jurés lorsque la "phase de
condamnation", période durant laquelle la peine est estimée, commence le lendemain. Malgré
des circonstances atténuantes indéniables et une irresponsabilité probable (du fait d'une démence
certaine), les jurés la condamnent à la peine maximale, la mort par injection létale. Lors de son procès,
elle craque et dit : « Si on me garde en vie, je vais tuer à nouveau. Je suis dévorée par la haine ».
Aileen WUORNOS ne sera jamais jugée dans aucun autre procès. Elle est exécutée le 9
octobre 2002 à la prison d’état de Starke, en Floride, plus de 10 ans après avoir commis ses meurtres.
Elle devint célèbre après son arrestation grâce à la télévision. En effet, depuis sont arrestation,
plusieurs ouvrages ont été publiés, des documentaires, des films dont Munster avec Charlize Theron et
notamment de nombreux sites.
Désormais, et la question ne se pose plus, les tueurs en série au sens large, ne sont ni
exclusivement des hommes, ni exclusivement mus par des pulsions sexuelles. Parmi eux, l’on trouve
les tueurs qui agissent pour le pouvoir ou pour le gain, et même si on avait pu soutenir il y a dix ans
encore que les génocidaires et autres auteurs de crimes dans le cadre militaire ne faisaient pas partie de
la définition du tueur en série, ce n’est plus le cas aujourd’hui (B).
B-Des meurtrières en série d’Etat
Parmi les tueuses en série donc, on trouve spécialement ce genre de criminelles et plus
spécifiquement encore, celles du Troisième REICH. En fait, et pour reprendre l’expression de Peter
VRONSKY, on peut même parler « d’une ère de massacres d’Etat à propose de cette époque trouble
de l’histoire allemande ; c’était probablement la première fois qu’on les instituait de cette manière ».
Durant ses douze années d’existence, l’Allemagne nazie assassina approximativement douze
millions de personnes, dont les Juifs, qui représentent près de la moitié du total des victimes. Il s’agit
ici, précisément, d’aborder les actes meurtriers visant des individus et perpétrés collectivement, des
bandes d’assassins armés de petites armes tirant d’un seul coup dans la nuque de leurs victimes ; des
pendaisons, des passages à tabac, des injections de phénol directement dans le cœur, des êtres humains
brûlés vivants, des hommes et des femmes tués à la suite d’expériences médicales menées sur eux
pour le divertissement et encore bien d’autres actes individuels de violence.
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Pendant très longtemps, on crut à ce que disaient les nazis pour leur défense, à savoir qu’ils
« ne faisaient qu’obéir aux ordres ». Il n’était pas question de pardonner, mais d’accepter cette
réponse comme une explication de leurs actes, et c’est l’une des raisons pour lesquelles jusqu’à très
récemment les criminels de guerre nazis étaient exclus de la catégorie des tueurs en série. On supposait
qu’ils n’avaient pas accompli leurs actes par choix, qu’on choisissait leurs victimes pour eux, et qu’on
leur ordonnait de tuer, sous peine d’être sévèrement punis en cas de refus. Des recherches récentes ont
complètement écarté cette version des faits.
L’on sait aujourd’hui que la participation directe aux meurtres était dans la plupart des cas un
choix optionnel et surtout volontaire, et qu’aucun soldat allemand n’était puni pour avoir refusé de
tirer sur des hommes, des femmes ou encore des enfants.
La question se pose et la réticence de classer les auteurs de crimes nazis dans la catégorie des
tueurs en série avec pour mission : la politique, la morale, la religion ou encore l’idéologie est certaine.
Mais il convient de relever que dans bien des cas, ils ne commirent pas ces crimes par idéologie parce
qu’ils étaient des nazis fanatiques.
Dans l’émission passée très récemment sur la Chaîne Arte sur « Le Mal », était relaté un fait
très peu connu sur les actions d’une unité mobile allemande qui traqua et tua des milliers d’hommes,
de femmes et d’enfants dans les petits villages de l’Est de la Pologne. Les assassins en question étaient
la plupart des officiers de réserve de la police d’âge moyen et 25 % d’entre eux uniquement avaient la
carte du parti nazi. Seuls quelques policiers avaient refusé de participer aux exactions mais, ils étaient
peu nombreux.
Bien qu’aujourd’hui, l’on soit à même de comprendre comment le Troisième REICH parvint à
transformer des hommes ordinaires en tueurs en série, de les faire passer de gens ordinaires, sains
d’esprit, normaux qui se rendirent capables et coupables sur de brèves périodes, de commettre les pires
atrocités, une fois de plus, très peu d’informations concernent les femmes « ordinaires impliquées
dans ces exactions ».
Pourtant, elles existaient bien dans l’Allemagne nazie. C’est ainsi que les femmes, à l’égal des
hommes, se rendirent coupables des pires atrocités telle Ilse KOCH et Irma GRESE.
Ilse KOCH est née le 22 septembre 1906 dans une petite ferme saxonne près de DRESDE.
Son diplôme d’études secondaires en poches, elle devint bibliothécaire au début des années 1920. Puis
en 1932, elle rejoignit le parti nazi dans lequel elle trouva un travail de secrétaire. Elle devint
gardienne au camp SACHANHAUSEN près de Berlin dirigé par le lieutenant Karl Otto Koch. En
1937, les deux se marièrent et eurent deux enfants. Quelques mois plus tard Karl est nommé
commandant du camp de Buchenwald. Ils s’installèrent alors dans une nouvelle maison à l’intérieur
même du camp.
Ilse KOCH ne fut jamais officiellement employée par le camp, mais le fait qu’elle soit la
femme du commandant lui conférait une autorité considérable officieuse.
Elle avait pour habitude de rassembler les détenus lorsqu’ils arrivaient au camp, de leur faire
enlever leur chemise. Elle passait alors entre les rangs de prisonniers et sélectionnait ceux qui avaient
des tatouages qui lui plaisaient. Elle les faisait ensuite tuer, puis dépouiller et se fabriquait par la suite
des objets à partir des peaux tatouées pour son intérieur comme des abat-jour, des couvertures
d’album-photo, ou encore des sacs à main et des gants.
Ces faits faisaient d’elle une tueuse en série unique en son genre. Elle appartenait ainsi à la
catégorie des femmes tueuses en série à la recherche du plaisir ; une femme qui tuait pour
collectionner des parties de corps tatouées à travers comme l’explique à juste titre Peter VRONSKY
une déviance sexuelle compulsive.
Toutefois, en 1947, lors de son procès, elle ne fut pas accusée de ces faits devant le tribunal
militaire américain. Elle fut mise en examen pour avoir participé à un « objectif commun » celui de
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soumettre les prisonniers de BUCHENWALD à des « exécutions, des tortures, des passages à tabac,
la famine et autres outrages ».
En effet, de la même manière que les bains de sang d’Elisabeth BATHORY ne furent jamais
prouvés, les imputations concernant les peaux tatouées d’Ilse KOCH ne furent jamais véritablement
établies. Cependant, il est indéniable qu’elle ait participé aux exactions nazies ce pourquoi elle fut
condamnée à la prison à perpétuité en 1952 après que soit prouvée sa « contribution » à la mort d’un
prisonnier en particulier.
En outre, Irma GRESE est l’une des criminelles nazies les plus connues. Elle vit le jour dans
une famille de quatre enfants le 27 octobre 1923.
En 1923, un couple d'agriculteurs allemands donne naissance à Irma dans la commune de
Wrechen. En 1936, sa mère se suicida. En 1938, Irma, qui a alors quinze ans, quitte l'école où elle
semble avoir un comportement étrange : elle communique très peu et semble être envoûtée par la
Ligue des Jeunes Filles allemandes, apparentée aux Jeunesses hitlériennes. Irma n’était pas populaire à
l’école et fut apparemment une enfant brimée. Elle mena l’existence solitaire typique des tueuses en
série. Sa sœur déclara qu’elle était une petite fille peureuse qui prenait la fuite dès qu’on la menaçait.
Entre 1938 et 1942, elle a plusieurs emplois pour finalement devenir aide-soignante dans un
hôpital de la Schutzstaffel (SS). Ne parvenant pas à devenir infirmière, elle s'engage et pratique ses
classes dans l'école des gardiennes auxiliaires SS à Ravensbrück. À ce moment, son père la renie.
Elle correspondait aux critères raciaux des Nazis : grande, blonde, forte.
Le divertissement d’Irma consistait à ordonner à des femmes d’aller récupérer quelque chose
qu’on avait jeté derrière la ligne de sécurité délimitant, à la périphérie du camp, une zone au-delà de
laquelle les prisonniers n’avaient pas le droit de s’aventurer. Les gardiens avaient l’ordre strict de tirer
sans sommation sur quiconque osait poser le pied derrière cette ligne. En moyenne et d’après les
témoignages, elle envoya ainsi à la mort une trentaine de femmes par jour.
Irma GRESE fait partie des quarante-quatre personnes accusées de crimes de guerre au procès
de Belsen. Elle est jugée entre le 17 septembre et le 17 novembre 1945 sans reconnaître ce qui lui est
reproché. Les témoins l'accusent de mauvais traitements et d'assassinats de détenus, ce qui est
contraire à la Convention de Genève de 1929. Elle aurait pratiqué des fusillades massives, des
exécutions individuelles au pistolet, donné des coups de fouet, sélectionné des prisonniers pour les
chambres à gaz, fait subir des humiliations sexuelles et enfin lâché des chiens affamés sur les détenus.
Elle reconnaît cependant avoir porté un fouet tressé dans ses bottes ainsi qu'un pistolet. Elle avoue par
ailleurs avoir pris du plaisir à tuer des prisonniers gratuitement et à les voir hurler de souffrance. Elle
ne se dira jamais coupable : « C'était notre devoir d'exterminer les éléments antisociaux afin d'assurer
l'avenir de l'Allemagne ».
En ce qui concerne les témoignages qui relatent qu’elles lâchaient des chiens sur les
prisonnières, cette théorie est peu probable puisqu’il y avait des maîtres-chiens spécialement entraînés
et responsables d’un animal qu’on leur attribuait spécifiquement.
Par ailleurs, elle aurait eu des relations homosexuelles avec des prisonnières, ce qui était
formellement interdit tant par le règlement du camp que par les lois allemandes. Ainsi, les accusations
d’un être perverti sur le plan sexuel se rapprochent de celles proférées à l’encontre d’Ilse KOCH.
Ainsi, ce qu’il convient de relever dans l’analyse de ces deux femmes, c’est qu’elles ont agi
principalement de leur propre initiative. Rien au départ ne prédestinait Isle KOCH à devenir une
tueuse en série. Elle était éduquée, elle avait fait des études, mais profitait alors toutefois du pouvoir
de par son statut pour commettre de telles monstruosités à la différence d’Irma GRESE qui avait perdu
très tôt l’image maternelle et qui révélait un comportement typique des tueuses en série dès son plus
jeune âge en ce qu’elle était plongée dans la solitude. Elle profita du poste qu’elle occupait pour
outrepasser ses fonctions et commettre de nombreuses exactions. Ces deux femmes ressentaient du
plaisir pervers à observer leurs victimes souffrir.
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Outre Aileen WUORNOS aux Etats-Unis et les meurtrières en série d’Etat, il y eut bien
d’autres tueuses en série au XXème siècle. Tel est le cas par exemple de Jeanne WEBER en France
qui tuait de jeunes enfants en les étranglant ou encore Marie BESNARD qui est une célèbre affaire qui
a marqué le vingtième siècle en ce qu’elle modifiera les données de la toxicologie et entraîné des
réformes importantes de la procédure pénale. Elle fut accusée d’avoir empoisonné onze personnes
dont son mari mais, après trois procès qui durèrent plus de dix ans, Marie BESNARD, accusée et
menacée de la peine capitale fut libérée en 1954 puis acquitté par la Cour d’Assises de Gironde le 12
décembre 1961. Elle ne trouve donc pas sa place parmi les tueuses en série ; objet du présent mémoire,
mais restera toutefois l’une des plus étonnantes énigmes judiciaires d’empoisonnement.
Par ailleurs, au Mexique une tueuse en série a notamment marque le XX ème siècle : il s’agit de
Magdalena SOLIS dont l’histoire pourrait se rapprocher de celle d’Elisabeth BATHORY sauf que les
motivations de cette tueuse en série étaient clairement sexuelles. Elle est une Mexicaine qui se
prostitue très jeune, son mac n’étant autre que son frère. Les frères HERNANDEZ avaient crée un
faux culte inca et forçaient tout un village de pauvres mexicains à se plier à leurs moindres désirs. Ils
firent alors venir Magdalena qu’ils présentèrent comme la réincarnation d’une déesse pour les
convaincre. Sauf que la jeune femme crédule commence à y croire un peu trop ; elle commet alors des
meurtres, du vampirisme, de l’inceste, et même de la pédophilie. Elle est arrêtée en 1963 et purge
actuellement une peine de 50 ans de prison. Jugée pour le meurtre de 8 personnes, les estimations la
tiennent responsable du double. C’est ainsi l’une des tueuses en série dont les motivations ont été
purement sexuelles. Elle est toutefois une tueuse en série qui a agi de concert avec les frères
HERNANDEZ, de véritables criminels.
Il conviendra dès lors d’étudier les femmes complices qui font parfois acte de plus de cruauté
que lorsqu’elles agissent seules (II).
II-Les femmes complices
Dans l’histoire, comme le dit Peter VRONSKY, il n’existe pas de tueuses en série ayant
commis des actes aussi brutaux et dépravés que lorsqu’elles sont complices de tueurs en série.
Il conviendra ainsi d’analyser dans un premier temps les femmes complices de tueurs en série
et de meurtriers sexuels sadiques (A) puis le cas des épouses et petites amies de sadiques sexuels (B).
A-Les femmes complices de tueurs en série
et de meurtriers sexuels sadiques
C’est la relation sentimentale qui apparaît ici comme le moteur d’un grand nombre d’actes89.
La coaction de la femme révèle alors souvent un besoin de se montrer à la hauteur de son
compagnon et elle est prête à le faire passer avant tout le reste et tous les autres. Cela répond à de
profondes failles narcissiques et à une grande dépendance affective. Ses motivations ne remettent pas
en cause sa participation à l’infraction, la femme est généralement active, et même parfois instigatrice.
En fait, il ressort de ces femmes complices un réel besoin d’exister. Ignorées ou maltraitées dans
l’enfance et dans le passé, elles peuvent alors enfin exercer un pouvoir sur autre chose, ou sur autrui et
ainsi, ne plus se sentir comme la victime qu’elle fut auparavant. Le fait d’être en couple lui donne
alors le courage de renverser l’image qu’elle a d’elle-même. Elle se sent plus forte et c’est cette
relation qui tient le rôle d’élément déclencheur des actes.
Monsieur Daniel ZAGURY, expert-psychiatre, au sujet de l’un de ses couples disait : « C’est
une vraie logique de couple, vous avez raison, c’est un vrai couple. Ils n’ont pas partagé la passion de
Mozart ou la passion du voyage ou la passion du tennis ou la passion des arts ou la passion
89
BELLARD (C.), op.cit.
58
amoureuse. Ils n’ont pas partagé ça, ils en ont partagé une autre. Un vrai couple, à ce ci près que le
fantasme qui les unit ce n’est pas ce qu’on voit habituellement ». En effet, certains couples ont un
fonctionnement spécifique en ce qu’ils ne représentent plus qu’un, le couple. L’homme et la femme
n’existent plus par leur singularité ; il s’agit d’un couple. C’est le modèle du « couple diabolique ».
C’est cette association, cette relation qui va amener le couple au crime alors qu’il est possible
de penser que ni l’un ni l’autre n’aurait franchi le pas seul. Souvent, l’homme a été déjà condamné,
simplement en matière correctionnelle, pour des vols ou des violences. Ainsi, c’est la relation de
couple qui joue un rôle potentialisateur de la dangerosité de chacun, l’association des deux individus
permet le passage à l’acte, un acte de gravité bien plus élevé que celui que chacun aurait pu commettre
seul comme le relève à juste titre Chrystèle BELLARD.
Sur soixante-deux tueuses en série connues aux Etats-Unis ayant vécu entre 1800 et 1995, un
tiers ont agi en tandem ou en couple. Dans la plupart des cas, les femmes participaient à l’homicide en
attirant les victimes ou en aidant à les garder en captivité, à les torturer, à les agresser sexuellement, à
se débarrasser de leurs corps, ou encore à détruire les preuves du méfait.
Viennent enfin les cas des meurtrières travaillant en équipes exclusivement féminines, des
homosexuelles œuvrant en couple, et enfin de celles qui agissent en famille ou en tant que membres
d’un groupe de fanatiques, en résumé, trois tueuses ou plus qui opèrent ensemble, et qui sont
dominées, de nouveau, par une figure masculine.
La « Famille » de Charles MANSON reste probablement le groupe de fanatiques meurtriers
(auquel appartenaient des jeunes femmes) le plus connu de l’histoire récente. Charles MANSON, était
un criminel récidiviste. Il fonda un groupe sectaire à la fin des années 1960, surnommé « La Famille »
en pleine période hippie. A l’aide de son charisme et de drogues hallucinogènes, il parvint à
convaincre ses jeunes adeptes ; en majorité des jeunes femmes paumées, que la fin du monde était
proche et que ce seraient les personnes de couleur noire qui allaient la provoquer. Il leur affirma qu’ils
devaient alors assassiner certaines personnes pour choquer le monde entier et faire croire que ces
crimes étaient commis par des personnes de couleurs. C’est alors qu’une série de crimes s’enchaînent
dont Sharon TATE, enceinte de 8 mois et femme de réalisateur Roman POLANSKI. Quelques mois
plus tard, les enquêteurs du bureau du shérif obtinrent assez de preuves pour relier tous les meurtres et
accuser un seul suspect : Charles MANSON.
Mais dans l’ensemble, ce sont les couples de tueurs en série hommes-femmes qui sont le
phénomène le plus courant aux Etats-Unis.
Ainsi, lorsqu’elles font partie d’un tel duo, les femmes s’approchent le plus du stéréotype du
tueur en série sexuel, prédateur et sadique. Jusqu’à très récemment, les femmes complices étaient
jugées quasiment tout le temps en tant que victimes maltraitées par leur partenaire masculin, et leur
condamnation reflétait ce sentiment.
Alors que les tueurs en série étaient condamnés à mort ou à la prison à perpétuité, leurs
complices féminines étaient libérées après avoir purgé des peines de prison bien moins importantes.
A titre d’exemple, l’on peut citer l’affaire Charlène GALLEGO qui était parvenues à se
défendre en se faisant passer pour des victimes soumises et battues, forcées par leur mari à participer à
ces crimes atroces. Pourtant, Charlène GALLEGO avait pris par aux agressions et aux meurtres ; son
mari insistait sur cet état de fait. En effet, ce couple avait enlevé et assassiné dix personnes. La plupart
de leurs victimes étaient des adolescentes, enlevées grâce à des stratagèmes planifiés, dans le but de
fournir à Gerald GALLEGO des esclaves sexuelles. Pour sa part, Charlène GALLEGO était soit une
assistance dégoûtée mais contrainte soit une participante volontaire aux orgies tragiques de son mari.
L’enfance de Charlène GALLEGO était considérée comme un conte de fées contrairement à celle de
son mari. Elle grandit en effet dans une banlieue chic de Sacramento. Tout ce qu’elle entreprenait
n’était que réussite, son quotient intellectuel était élevé et elle détenait un prodigieux talent pour le
violon. Dans la grande tradition de la rébellion adolescente, elle commença à boire, à se droguer et à
59
s’adonner à une grande liberté sexuelle. Puis, elle échoua à l’université et rata deux cours mariages.
Puis elle rencontra Gérald et ce fut pour elle le déclencheur.
Dans ce genre de couple meurtrier, il apparaît que l’homme est quasiment toujours plus âgé
que sa partenaire et a déjà un passé pénal. En revanche, la femme est, en moyenne, plus jeune, environ
vingt ans lors du premier meurtre que les tueuses en série typiques qui agissent en solitaire à l’âge de
trente ans lors du premier meurtre. Ainsi, il y a une rupture avec les données précédemment analysées
lorsque la femme agit de concert avec l’homme.
Il apparaît dans le cas de Charlène GALLEGO qu’elle est en effet en rupture avec les
précédents éléments susvisés quant aux traumatismes de l’enfance, car elle avait ce que l’on pourrait
appeler une enfance normale dans une bonne famille et rien n’indique qu’elle ait subi des
maltraitances, commis des actes de délinquance ou eu des troubles mentaux durant leur jeune âge.
Notamment, il est intéressant de souligner que leur carrière d’assassins conjointe est souvent
bien plus courte que celles des meurtrières solitaires : une année pour les couples.
Enfin, il est fréquent de constater que l’arrestation du couple est souvent due au partenaire
masculin en raison du fait qu’il est désorganisé ou qu’il perd le contrôle. Il laisse souvent une
empreinte typique de tueur au profil sexuel prédateur : des victimes très visibles, des corps dont il se
débarrasse dans des lieux publics et l’utilisation d’armes, de la torture et de la mutilation.
Cela contraste en tout point avec les tueuses en série solitaires qui ont tendance à tuer
discrètement, grâce au poison ou par asphyxie.
Il est saisissant de voir à quel point la complice est capable de s’aventurer dans le schéma
meurtrier de son partenaire masculin, mais qu’en est-il des épouses et petites amies de sadiques
sexuels ? (B)
B-E pouses et petites amies de sadiques
sexuels
L’imaginaire collectif a tendance à penser que les tueurs en série sont tous des solitaires. Mais
la réalité est toute autre. Bon nombre d’entre eux sont mariés et ont même des enfants. Ils cachent
leurs fantasmes morbides et leurs meurtres brutaux sous la façade de l’époux aimant ou du père de
famille attentionné.
Une question se pose alors : qu’en est-il de leur femme ? Sont- elles complices ou victimes ?
C’est ainsi que Linda YATES avait dormi pendant deux ans dans une chambre à coucher alors
qu’un cadavre était enterré sous la fenêtre, que l’époux de Ralphene BRUDOS lui interdisait de
descendre au garage. Elle devait alors l’appeler lorsqu’elle souhaitait prendre quelque chose dans le
réfrigérateur ou encore Alice CARIGAN qui avait trouvé un bouton de la robe d’une femme dans la
voiture de son mari et avait commencé à se poser des questions sur ses fréquents séjours au Canada.
C’est alors que leurs époux allaient faire les gros titres des journaux parce qu’ils étaient des
tueurs en série : Robert YATES, Jerome BRUDOS et Harvey CARIGAN.
Leurs épouses sont devenues entre-temps le point de mire de cette terrible question : comment
ont-elles pu ne pas savoir ?
Judith RIDGWAY n’a pas voulu répondre aux nombreuses questions des policiers qui
s’étonnaient alors de son aveuglement et de sa dévotion envers son mari, qu’elle qualifiait de doux et
gentil. Elle était sa troisième épouse. Lui fut reconnu coupable de quarante-huit des meurtres attribués
au « Green River Killer ». Il a fallu qu’il plaide coupable pour qu’elle ouvre enfin les yeux et demande
le divorce qu’elle obtint.
60
Les experts affirment que les tueurs en série portent un « un masque de normalité ». Les
épouses ne posent pas de questions. Le mariage est une chose complexe pour beaucoup de couples.
Par exemple, l’union de Linda YATES avec son mari a duré vingt-six ans. Elle soupçonnait
son mari d’infidélité et dans une interview qu’elle avait donnée à la « Spokesman Review », elle disait
que le couple se disputait régulièrement pour des questions d’argent, qu’il ne s’aimait plus mais
qu’elle était restée pour les enfants. Avec du recul, Linda YATES avait dit au reporter de DATELINE
(NBC) en 2001 qu’il y avait effectivement des indices, des évènements troublants : par exemple,
lorsque son mari aller « chasser » dans la forêt, mais qu’il mettait de l’eau de Cologne. Mais dit-elle,
« il avait toujours réponse à tout. Des réponses déjà préparées dans sa tête, je crois ».
Beaucoup de mariages ressemblent à celui de Linda YATES. Toutefois, ce genre de résultat
final est rare. Les tueurs en série sont rarement mariés pendant qu’ils tuent bien que certains se
marient, même à plusieurs reprises parfois, à un certain moment de leur vie. Comme l’affirme Michael
NEWTON90, auteur de « L’Encyclopédie des Tueurs en série », « ils suivent le mouvement comme
n’importe quelle personne normale ».
A nouveau sur cette question, peu de recherches ont été menées sur ces femmes qui épousent
des tueurs en série ou encore sur la nature de leur relation. Peut-être qu’à l’identique des femmes de
dictateurs, ces femmes mariées à des tueurs en série ont tendance à être soumises, à ne pas s’affirmer
et ne posent pas spécifiquement de questions très certainement par peur de perdre l’homme qu’elles
aiment.
Ann RULE, écrivain spécialisée dans les livres de « true-crime » et ancienne policière à
Seattle exprime à propos de ces femmes : « Je ne pense pas que l’épouse savait. Il y a beaucoup de
femmes qui ne savent pas vraiment ce que fait leur mari ». « Une femme va tout s’imaginer, même que
son époux est homosexuel ou qu’il la trompe, et seulement après qu’il est un tueur en série ».
Toutefois, certaines épouses savent pertinemment ce que font et préparent leur mari. Parfois,
elles les aident dans leurs actes. Elles sont ainsi qualifiées de complice et donc il conviendrait de les
catégoriser dans l’étude ci-dessus.
Pour illustration en France, à son épouse Monique OLIVIER, Michel FOURNIRET disait
qu’il partait à la chasse. Ainsi, son épouse savait lorsque son mari s’en allait rechercher sa future
victime. Elle l’aidait même dans sa chasse, appâtant les jeunes filles, jouant le rôle d’alibi ou de
véritable complice.
Un premier constat a été effectué par le Docteur JAFFE, s’appuyant sur les travaux de Roy
HAZELWOOD, cofondateur de la célèbre unité de sciences comportementales au FBI. Il relate que
« ces femmes sont d’une assez grande banalité. Issues de la classe moyenne, elles ne souffrent d’aucun
trouble mental avéré, n’ont pas eu d’histoire criminelle. Au premier abord, il s’agit de Madame Toutle-monde ».
A une différence près cependant : elles ont souvent été maltraitées, physiquement ou
sexuellement durant leur enfance par des partenaires préalables. Elles sont par conséquence beaucoup
plus vulnérables. Et le Docteur JAFFRE ajoute que « moins de 50 % deviennent des complices
actives ».
Ces femmes de tueurs en série sont dans un rapport de soumission dans lequel elles trouvent
un équilibre très précaire, pathologique confirme Michèle AGRAPART-DELMAS, psychocriminologue, experte judiciaire auprès de la Cour d’Appel de Paris.
Au fil des ans, qu’il s’agisse de Michel FOURNIRET ou de Marc DUTROUX pour ne citer
qu’eux, ils ont réussi à refaçonner les normes sociales de leurs épouses et « sur le plan sexuel
90
NEWTON (M.), « Encyclopédie des tueurs en série », Checkmarl Books, 2006
61
notamment, par exemple en les encourageant à de nouvelles pratiques de plus en plus déviantes »
constate le Docteur Phillip JAFFE. « Parallèlement, elles sont soumises à un isolement de plus en plus
grand, sont petit à petit retirées de leur vie sociale. Leurs partenaires leur font comprendre que les
autres ne comprendraient pas. Ces femmes sont des victimes mais des victimes partiellement
consentantes ». En outre, il ajoute : « Il ne faut pas oublier qu’elles sont l’objet de menaces, de
punitions. Il s’agit en quelque sorte d’un dressage. Elles deviennent captives de cette relation
malsaine. Perverse. Roy HAZELWOOD a relevé que beaucoup de sadiques sexuels expérimentent sur
les épouses certains comportements qu’ils accomplissent par la suite sur leurs victimes ».
Tant en ce qui concerne Michel FOURNIRET que Marc DUTROUX, leurs épouses étaient
toutes deux aimantes, des mères de famille et pourtant complices des pires atrocités. Séduites,
fascinées, vampirisées par la personnalité de leurs maris, elles en ont oublié toute conscience et ont
perdu toute humanité à leurs côtés. L’une et l’autre ont scellé leur union en devenant les complices de
rites barbares. Une forme de perversion qui suscite autant d’indignation que de curiosité.
A l’inverse, LANDRU lorsqu’il n’était pas affairé à découper ses victimes en morceaux, il
coulait des jours paisibles auprès de son épouse qui ignorait absolument tout de ses actes. De la même
façon, les multiples conquêtes du Docteur PETIOT ne savaient en rien non plus de ses activités
sordides.
En revanche, Michelle MARTIN ; la femme de Marc DUTROUX et Monique OLIVIER
étaient au courant de toutes les monstruosités de leurs maris.
Les polices européennes ne disposent d’aucune étude sur les épouses et compagnes de tueurs
en série. Les « profilers » n’excluent pas une forme de fascination perverse. En effet, avant de se
marier avec Michel FOURNIRET, Monique OLIVIER n’ignorait rien des déviances de son mari.
C’est d’ailleurs en prison, où elle officiait comme visiteur qu’elle l’a connu.
Aux Etats-Unis, une cellule spéciale du FBI tente de percer la psychologie de ces femmes,
fascinées par les tueurs en série. L’un des plus célèbres, Ted BUNDY qui a inspiré le film « Le silence
des agneaux » a été inondé de demandes en mariage avant son exécution en Floride, le 24 janvier
1989.
Michelle MARTIN, la femme de Marc DUTROUX, âgée alors de 44 ans fut reconnue
coupable par la Cour d’Assises d’Arlon (Belgique) d’être coauteur de six séquestrations
accompagnées de tortures ainsi que du viol d’une jeune Slovaque, droguée à la demande de son mari.
Soumise à une expertise psychiatrique lors de sa première arrestation, elle est alors déclarée
sous la dépendance psychologique de son mari, qu’elle assimile à son Dieu. Elle laissera agoniser
deux victimes au fond d’une cave après leur enlèvement.
Monique OLIVIER, fut inculpée, quant à elle, d’enlèvement et de séquestration à l’âge de 55
ans. Le 28 juin 2004, elle fait de terribles confidences aux policiers. Lorsqu’elle n’était pas complice
des crimes, elle était spectatrice.
Elle avait épousé le tueur en série à sa sortie de prison et avaient eu un enfant ensemble. Les
pulsions criminelles de son mari décrit comme « un maniaque, prédateur à tendance pédophile »
gouvernent très vite leur relation. Quelques mois après leur mariage, le couple chasse ses premières
victimes. Le 11 décembre 1987, sur une route de l’Yonne, Monique OLIVIER prend en charge une
jeune auto-stoppeuse de 17 ans pour assouvir les fantasmes de son mari.
Au travers de l’Histoire, ces tueuses en série ont marqué une période, une époque à leur
manière, aux travers de leurs crimes et de leur façon de procéder. Certaines tuaient pour leur propre
plaisir, d’autres pour se séparer d’un mari ou d’un enfant dans le but de récupérer une assurance-vie ou
encore par vengeance. D’autres ont croisé la route d’un homme qui les a façonnées et les a poussées au
pire.
62
Les généralités concernant ces tueuses en série étudiées dans la première partie ne se sont pas
toujours vérifiées dans la seconde aux travers des récits de ces différentes femmes. Toutefois, un
élément essentiel ressort ; celui du manque d’amour ou d’un amour trop puissant au point d’en
aveugler les épouses et petites amies de sadiques sexuels. En effet, les enfances de ces tueurs en série
sont pour la plupart difficiles et traumatisantes entre mauvais traitements, abandons, viols, suicide
d’un des parents, manque d’argent. L’amour dans lequel l’enfant devait évoluer se transforme en
violence et de par un manque certain d’encadrement, de limites, ces femmes passent à l’acte
continuellement et n’hésitent pas à faire souffrir leurs victimes, les violentant, les faisant agoniser, les
brutalisant par pure vengeance de ce que représentaient ces tueuses en série dès leur enfance ou leur
adolescence. Ces victimes deviennent alors victimes de victimes ? Au contraire, les complices et
femmes de tueurs en série n’ont pas cette enfance difficile caractéristique de celle des tueuses en série
mais un amour fort, intense, qui dépasse toute conscience pour ce tueur en série les conduits au pire
par peur de perdre l’être aimé. La femme se transforme en monstre à l’égal de son mari peut être pour
se sentir à la hauteur de cet être tant aimé.
Toutefois, au-delà des crimes de ces tueuses en série, il me semble qu’il convient d’aborder le
moment où le corps est découvert et les aides désormais apportées aux enquêteurs avec l’analyse
comportementale mais aussi du traitement par la justice de ces femmes et de la réponse pénale
corrélativement apportée ainsi que le poids des médias (chapitre 2).
CHAPITRE 2 : DE L’ANALYSE COMPORTEMENTALE,
DE LA JUSTICE ET DES MEDIAS
Dans ce deuxième et dernier chapitre, il convient de rendre compte dans une première section
de l’analyse comportementale à la réponse pénale apportée à ces femmes (section 1) puis du poids qui
tend à devenir de plus en plus important des médias (section 2).
Section 1 : De l’analyse comportementale à la réponse
pénale
Tout d’abord, il s’agira de prendre en considération l’analyse comportementale plus connue
sous le terme anglo-américain « profiler » ainsi que ses méthodes (I) puis le jugement de ses femmes
considérées responsables du point de vue pénal et la réponse pénale prononcée à leur encontre (II).
I-L’analyse comportementale et ses méthodes des
tueuses en série
Le « profilage psychologique » ou analyse comportementale en France est en matière
criminelle l’étude des traits du fonctionnement et du comportement des criminels. Cette étude permet
de caractériser ce qui les différencie de la population générale ainsi que l’étude des preuves. L’analyse
permet de déduire les suspects possibles d’un crime.
L’analyse comportementale française repose sur un certain nombre de principes qui sont
propres à notre pays, malgré l’origine américaine de cette technique. Il conviendra en ce cas d’évoquer
la naissance de l’analyse comportementale des tueuses en série (A) puis les méthodes utilisées (B).
A-Naissance de l’analyse comportementale
des tueuses en série
L’analyse comportementale peut être utilisée tant en ce qui concerne des faits de violence
physiques dont des homicides, des tentatives d’homicide, des violences volontaires les plus graves
63
(comme des homicides en série, un parricide, un infanticide…), pour des faits de violence sexuelle, de
destruction volontaire de biens ou encore de violence morale.
Il conviendra en l’espèce d’étudier l’analyse comportementale en ce qu’elle s’applique aux
tueurs et tueuses en série dont elles sont l’objet du présent mémoire.
Dès 1886, Monsieur KRAFFT-EBING91, psychiatre, est le premier à souligner le rapport
entre les comportements sexuels et les crimes et délits. Son objectif est alors de rechercher en quoi
certains troubles psychologiques peuvent amener à commettre un crime
C’est dans les années 1950 qu’est systématisé « le profilage » aux Etats-Unis par James
BRUSSEL, psychiatre américain. Depuis, ses services d’enquête ont pleinement intégré l’étude des
profils psychologiques et la sociologie des criminels à leurs investigations, en complément des
techniques dites plus scientifiques.
En 1979, un policier américain, l’agent spécial RESSLER arrive à convaincre le FBI
d’analyser les travaux de James BRUSSEL. Ils décident alors d’appliquer les théories de KRAFFTEBING dans un dossier qui n’avance pas. Grâce à l’analyse psychologique, le fameux CALABRO qui
signe sur ses victimes « You can’t stop me » (« Vous ne pouvez pas m’arrêter) est interpellé.
Ainsi, débute véritablement le « profiling ».
Parallèlement, des recherches minutieuses dans les fichiers du FBI sont menées afin de
regrouper des similitudes constatées dans certains meurtres. Ce travail est manuel, mais devient très
vite informatisé. Une unité spécialisée « Behaviorial Science Unit » est instituée afin de lister des
informations recueillies sur les scènes de meurtre pour tenter de dresser des profils psychologiques de
tueurs et de rapprocher des affaires présentant des caractéristiques communes.
Le but est de permettre d’identifier des caractéristiques comportementales particulières à
certains types de meurtriers. L’analyse comportementale a ainsi permis la résolution de nombreux
crimes en série auxquels sont confrontés les Etats-Unis.
Mais force est de constater que plus de soixante ans après ses débuts, le « profilage « n’a pas
encore convaincu l’Europe. L’Angleterre, la Belgique et la Suisse font ponctuellement appel à ces
spécialistes, la France reste encore frileuse envers cette technique, mais elle progresse lentement dans
les techniques policières françaises.
C’est ainsi qu’en France, les sciences du comportement ont fait leur apparition dans la police
judiciaire en 2002. Le phénomène criminel est une constante sociale universelle dans le temps et dans
l’espace. Corrélativement, les méthodes de lutte contre le crime ont évolué avec la science.
En France, les techniques d’investigation se sont progressivement enrichies des apports de
nouvelles sciences objectives développées dès la fin du XIXème siècle à savoir la médecine légale et la
police scientifique. Toutefois, la France a occulté, pour des raisons philosophiques, l’ensemble des
sciences plus subjectives telles la sociologie ou la psychologie criminelle pourtant largement utilisées
dans les pays de culture anglo-américaine.
Force est de constater que si la criminologie est enseignée dans les facultés de droit depuis de
très nombreuses années, l’analyse comportementale en tant que composante de l’enquête judiciaire
n’émerge véritablement que depuis une dizaine d’années.
La réflexion engagée par le Bureau police judiciaire (BPJ) de la direction générale de la
gendarmerie nationale et les travaux conduits par le Professeur Michel BENEZECH, psychiatre et
91
KRAFFT-EBING (R.), «Psychopathia sexualis» (1886), trad. 8 e édition allemande (1893), LAURENT, CSAPO, CARRE, Paris, 1895
64
professeur de médecine légale, ont permis à la gendarmerie nationale d’être un précurseur en la
matière.
Crée en 2001, et opérationnel depuis 2002, le Département des sciences du comportement,
intégré au Service technique de recherches judiciaires et de documentation de la gendarmerie nationale
a pour mission d’apporter une dimension psychologique à l’enquête pénale. Constitué de quatre
analystes et de trois référents police judiciaire, il intervient en matière de crimes en série mais aussi
pour tout fait criminel présentant des caractéristiques particulières comme l’absence de mobile
apparent.
Compétent sur l’ensemble du territoire, le DSC assure une permanence opérationnelle et peut
intervenir à tout moment de l’enquête, y compris sous le signe de l’urgence dans le cadre du plan
alerte enlèvement ou quand au moins un des éléments d’alerte de comportement criminel particulier
est détecté.
Bousculant ainsi les techniques d’enquête habituelles, l’analyse comportementale s’installe
progressivement dans le paysage judiciaire français92. Magistrats et enquêteurs sont désormais
sensibilisés sur la complémentarité des procédés mis à leur disposition afin de rechercher plus
efficacement puis de confondre l’auteur présumé d’un ou plusieurs crimes.
Toutefois, il est clair que dans tous les cas, le psycho-criminologue ne devra jamais se
substituer à l’enquêteur, mais simplement orienter ses recherches au regard de nouvelles méthodes de
travail. Alors seulement, la criminologie pourra prétendre intégrer pleinement l’enquête de police
judiciaire.
Il convient de préciser que la seule forme d’analyse comportementale reconnue aujourd’hui
en France est l’expertise criminelle. Les personnes habilitées sont des psychologues, psychiatres et
criminologues. La demande est transmise par un juge d’instruction qui est le seul à pouvoir ordonner
une analyse psycho-criminologique. L’expert désigné par le magistrat est chargé d’analyser le profil
psychologique pour pouvoir éclairer la Cour sur la personnalité de ce dernier.
Conditions et limites
Basé sur la logique, l’expérience et le savoir, le profilage criminel n’est pas une science
exacte. Il ne peut permettre d’offrir que des hypothèses. Il ne propose que des perspectives sur le
fonctionnement psychique plausible de l’auteur, son âge, sa situation sociale, familiale ou son niveau
intellectuel. Il est ainsi nécessaire d’indiquer que l’analyse comportementale n’identifie pas les auteurs
de crimes.
Notamment une autre limite est à évoquer en ce que l’analyse comportementale s’applique
principalement aux crimes violents, multiples ou non, commis par des acteurs qui présentent des
troubles de la personnalité ou une maladie mentale comme c’est le cas de certaines des tueuses en série
étudiées dans le présent mémoire.
D’autres limites peuvent être citées telles celle de la modification involontaire des lieux par les
services intervenants pour des impératifs de secours ou encore le fait que le « profiler » travaille seul
et qu’une collégialité d’experts serait préconisée d’un point de vue efficacité.
Ainsi, quelle est la méthode de l’analyse comportementale et sur quels critères de la dimension
psychologique vont s’appuyer les enquêteurs ?
92
TRIOLLET (C.), « La criminologie au service de l’enquête de police judiciaire », Revue de la Gendarmerie Nationale, 3 e Trimestre, 2010, p.89-97
65
B-Les méthodes
En France, l’analyse comportementale peut donc être définie comme un outil complémentaire
d’investigation criminelle. Sa méthode repose sur l’étude du dossier d’enquête, l’analyse du passage à
l’acte, l’examen de la scène de crime, l’évaluation du mobile réel ou des motivations profondes de
l’auteur, l’étude victimologique.
Toutefois, les différentes méthodes de l’analyse comportementale ont donné lieu à des
courants totalement différents. En effet, deux courants s’opposent entre méthode inductive et méthode
déductive.
La première, la méthode inductive est l’application à un individu criminel des caractéristiques
comportementales partagées par d’autres criminels qui ont été étudiés dans le passé. C’est la méthode
utilisée par les « profilers » formés par les techniques employées par le FBI depuis 1984 et par les
criminologues.
Quant à la méthode déductive, elle s’applique à partir de l’analyse des preuves légales, y
compris les photographies de la scène du crime, les rapports d’autopsie, les photographies d’autopsie
et une étude approfondie des interactions agresseur / victime afin de reconstruire le plus exactement
possible les spécificités de la scène du crime.
A partir de cette étude, sont déterminées les caractéristiques comportementales, émotionnelles
et les motivations du meurtrier et des meurtrières.
L’analyse comportementale n’a pas le dessein de désigner un individu, mais de permettre de
resserrer l’étau autour d’une certaine catégorie de suspects afin de mieux orienter l’enquête comme
l’affirme Elodie BOURNOVILLE93 dans son mémoire sur les Tueurs en série français. Effectivement,
grâce au décryptage des informations recueillies, les spécialistes vont tenter de cerner au mieux la
personnalité de l’auteur, dresser son profil et proposer des recommandations dans la conduite de
l’enquête.
Ainsi, l’objectif du profilage réside donc dans l’orientation des recherches, restées sans
résultat, à l’aide des sciences humaines, mais aussi des sciences criminelles. Cette technique se
décompose en trois temps à savoir, l’étude du dossier, l’examen victimologique, le mode opératoire
ainsi que l’évaluation du mobile ou des motivations probables de l’auteur.
L’étude du dossier
Tout d’abord, en ce qui concerne le dossier et son étude, il s’agit dans un premier temps de
procéder à l’examen détaillé des faits à partir du dossier qui doit contenir les photos des lieux du
crime, celles des lieux de la découverte des cadavres pour les homicides, les photos de la victime, un
reportage vidéo des lieux lorsque cela est possible, els clichés des pièces à conviction, un plan des
lieux, des photographies aériennes.
Il s’agit alors d’avoir tous les éléments visuellement et de reconstituer la scène du crime.
L’examen victimologique
Puis, il s’agit de tenir compte de la victime et de la replacer dans son contexte familial, social,
professionnel. On aborde l’analyse victimologique lorsque la victime est survivante et d’autopsie
psychologique lorsque la victime est décédée. Uniquement l’autopsie psychologique nous intéresse
étant donné de la mort de ces victimes.
93
BOURNOVILLE (E.), « Les tueurs en série français, nouveau genre de criminels
2, 2002-2003.
face à une police d’un genre nouveau », mémoire sous la direction de Monsieur LORGNIER, Lille
66
Cet examen concerne tant les éléments extérieurs se rapportant à l’existence de la victime que
les éléments internes et personnels de son mode de vie. Ainsi, une victime qui est plutôt marginale,
solitaire, sans famille et dont on ne s’aperçoit de sa disparition que tardivement est du point de vue
l’agresseur une victime « à bas risque » comme des prostituées, des Sans Domiciles Fixes, des
marginaux en rupture totale. A l’inverse, il y a les victimes à haut risque qui contrairement aux
victimes susvisées sont socialement intégrée, ont une vie de famille, possèdent des collègues de travail
et donc, la disparition ne passe pas inaperçue.
Ainsi, l’étude approfondie de la victime et de sa biographie permettent relativement souvent
de refléter l’état psychosocial de l’agresseur.
Pour les victimes de tueurs ou tueuses en série, les découvertes de cadavres dont la mort est
alors d’origine criminelle, donnent lieu à autopsies dont le rapport est joint à la demande de profil. Il
est alors accompagne des photographies de l’autopsie. Chaque blessure doit permettre de déterminer
l’arme utilisée, si les coups ont été portés post-mortem ou ante-mortem, leur localisation, leur forme et
l’ordre dans lequel ils ont été portés.
De même, il convient également de se demander quel besoin l’agresseur satisfait en
sélectionnant cette victime. Il ou elles ont leurs propres raisons comme on l’a étudié précédemment
d’interagir avec cette victime. Dès lors, il serait possible d’établir des liens qui peuvent être spatiaux,
temporels, géographiques, relatifs au travail, à l’école, aux loisirs. Les possibilités et les combinaisons
sont illimitées.
Mais si on parvient à comprendre comment et pourquoi le tueur ou la tueuse en série a
sélectionné sa victime, alors on a une meilleure chance d’une part préventive en ce qu’il est désormais
possible de prévoir le type de victime choisie dans le futur et donc cela permet de donner une
orientation certaine à l’enquête.
Ensuite, il faut établir le mode opératoire du tueur ou de la tueuse en série. Plusieurs questions
se posent alors. S’agit-il du premier fait ou bien le degré d’organisation indique-t-il l’existence de
plusieurs autres non encore découverts ? S’agit-il d’un tueur ou d’une tueuse solitaire ?
L’évaluation des risques encourus par le criminel au niveau du temps et de l’espace tels
l’heure de commission et le lieu des faits apportent de précieux renseignements aux analystes. Il est
certain que les déductions ne seront pas les mêmes si le crime est commis de jour ou de nuit, en fin de
semaine ou au début de la semaine. De même, au niveau de l’espace, l’endroit où les faits se sont
déroulés est très révélateur.
On distingue ainsi les modes opératoires à bas risque et à haut risque. L’expression de mode
opératoire se réfère aux agressions avec planification et mise en place d’actes de précaution avant,
pendant, et après le crime. A l’inverse, dans le concept de mode opératoire à haut risque, les risques se
réfèrent à l’agresseur qui fait preuve de peu d’habilité, de peu ou pas de planification et de peu d’actes
de précaution avant, pendant, et après le crime. Ces agresseurs agissent donc dans des lieux dans
lesquels ils ont de hauts risques d’être vus ou reconnus et donc identifiés rapidement.
Ainsi, ces éléments permettent d’élaborer un profil psychologique et permettent d’avoir une
bonne synthèse de la logique du criminel. A ce stade, les analystes perçoivent un aperçu du type de
personne à rechercher.
Enfin, vient l’évaluation du mobile et des motivations probables de l’auteur. En identifiant les
motivations de la tueuse à partir des éléments et indices découverts sur la scène du crime, le
« profiler » tente alors d’établir les fantasmes de l’agresseur.
Ensuite, certains évènements permettent de distinguer les individus. Comme il l’a été dit
précédemment, les tueuses en série subissent des traumatismes durant l’enfance ou lors de
l’adolescence, la consommation d’alcool et de drogue, les mauvais traitements à caractère
psychologique, les agressions physiques et sexuelles, l’éclatement de la cellule familiale, les
antécédents judiciaires.
67
Comme nous l’avons vu tout au cours de cette étude, le profil établi peut répondre souvent à
un ou plusieurs suspects. Il n’existe pas de procédure fixe, standardisée, car chaque personnalité est
différente. Par exemple, le cas d’Elisabeth BATHORY peut être cité. Ses actes criminels et la cruauté
dont elle a fait preuve auraient pu être assimilés à un tueur en série, agissant pour son propre plaisir ou
son profit. D’autant plus qu’il s’agissait de jeunes filles.
Chaque tueuse en série présente une spécificité, comme chaque tueur en série d’ailleurs.
En réponse aux questions que pose la scène de crime, le choix de la victime, le mobile
correspondent des tendances criminologiques. Mais il convient de préciser que ces typologies ne
peuvent constituer que des orientations tant il est difficile de catégoriser les tueuses en série.
Les comportements violents ne sont pas l’apanage d’une espèce particulière d’individus.
Comme le souligne à juste titre Charles DIAZ, commissaire divisionnaire à propos des auteurs de faits
violents « On y trouve aussi bien des psychopathes confirmés que des hommes et des femmes
normalement équilibrées en apparence. On y croise de modestes pères de famille sans histoire tout
comme des marginaux au parcours social sinueux ».
Enfin, une fois établi, le profil est communiqué au service chargé de l’enquête avec diverses
annotations permettant dès lors d’orienter efficacement le travail de recherche. Si de nouveaux
éléments sont établis, l’analyse est alors réétudiée en fonction des éléments de l’enquête et de son
évolution.
Comme nous l’avons étudié tout au long de cette étude,
comportement sont communs aux femmes étudiées précédemment :






des traits de caractère et de
sautes d’humeur soudaines ou modification permanente du comportement,
passant d’une attitude respectueuse et bienveillante à une attitude hostile et
humiliante
mœurs sexuelles légères
alcoolisme ou abus de stupéfiants
troubles alimentaires ou obésité
antécédents de maltraitance dans l’enfance
antécédents de mariages brisés.
Mais il est certain que ces caractères peuvent notamment se manifester chez des hommes et
des femmes moyens.
Le problème réside alors dans le fait d’avoir assez d’informations pour façonner un contexte
comme le relève à juste titre Peter VRONSKY94.
Certains indicateurs sont caractéristiques d’un (e) psychopathe :
 charme superficiel
 égocentrisme et suffisance
 besoin de stimulation, sujet à l’ennui
 comportement trompeur et mensonges
 manipulateur et intrigant
 peu de remords ou de culpabilité
 faible réponse émotionnelle
 insensible, manque d’empathie
 vie aux crochets des autres, attitude prédatrice
94
VRONSKY (P.), op. cit.
68




manque de sang-froid
style de vie impulsif
manque d’objectifs réalistes à long terme
mœurs sexuelles légères.
Mais à nouveau, précisons que tous les psychopathes ne sont pas des tueurs. Ils sont nombreux
et peuvent toutefois agir en toute légalité.
Peter VRONSKY, dans son ouvrage précédemment cité en référence évoque Madame Kim
IANNETTA, en tant que graphologue exerçant pour la police, qui recherche des indicateurs de
caractéristiques prédatrices dans la façon d’écrire et a déjà eu l’occasion d’étudier l’écriture de
nombreuses tueuses, en série ou pas. Il relate dans son livre un échange de mail qu’il a eu avec elle.
Lorsqu’on lui demande de citer les différences qu’elle trouve entre les écritures masculines et
féminines, elle explique :
« La différence la plus importante entre les tueurs et les tueuses se situe dans le fait
que ces dernières sont passées expertes dans l’art d’agir de façon passive-agressive, et
construisent soigneusement leur image. En étant à l’aise pour jouer le rôle conventionnel que
la société leur a attribué, elles sont acceptées comme étant « normales » et « se fondent » dans
la société. Leur objectif devient alors plus facile à atteindre. Ce comportement insidieux les
rend particulièrement dangereuses.
Ainsi Madame IANETTA indique que ces femmes sont en effet, « passées expertes dans l’art
d’agir de façon passive-agressive ». Dans ce cas, il se pourrait fort bien que leur agression de type
prédateur reste invisible jusqu’à ce qu’il soit trop tard. En effet, il devient plus difficile de comprendre
dans ce cas ce qui est en train de naître chez ces femmes. Il n’y a pas d’agression visible qui peut être
jugée comme appropriée ou inappropriée au contraire des hommes. A leur différence, les femmes
apparaissent dans le sillage lorsque qu’il est déjà trop tard, lorsqu’elles commettent l’irréparable.
La violence prédatrice est préméditée et intentionnelle et en conséquence, rares sont les
femmes désorganisées. La plupart ont un plan qui implique une sorte de tromperie ou de séduction de
la victime visée à l’instar d’Aileen WUORNOS, de Jane TOPPAN ou encore de Kate BENDER. Les
femmes placent alors leur euphorie dans le meurtre lui-même et non dans ce qui le précédait. C’est la
raison pour laquelle il était dit précédemment que les femmes n’ont pas de signature dans la
commission de l’acte, c’est le crime commis qui pourrait en fait être la première des signatures de la
tueuse en série.
Ces meurtrières considérées comme meurtriers prédateurs ont une perception totalement
diminuée de la valeur de leurs victimes. Ce constat se manifeste dans le cas d’Aileen WUORNOS qui
dénigrait ainsi ses victimes et les traitaient de simples violeurs ou encore de Jane TOPPAN qui voyait
des victimes trop vieilles pour continuer à vivre.
Malgré les tentatives de catégorisations des tueuses en série en Veuves Noires, Anges de la
Mort, fanatiques, complices, meurtrières en mission, par vengeance ou atteintes du syndrome de
Münchhausen par procuration, l’on constate manifestement que dans bien des cas, il est impossible
d’attribuer un mobile unique à une tueuse en série.
Aileen WUORNOS était-elle mue par le gain ou bien par la rage et l’envie de se venger des
sévices subis dans son passé ? Jane TOPPAN était-elle meurtrière en mission, qui tuait des personnes
trop vieilles pour vivre, selon elle, ou bien une femme avide de vengeance, ou encore une sadique
sexuelle qui prenait plaisir à observer ses victimes succomber ?
On se retrouve rarement face à autant d’ambiguïtés lorsqu’il s’agit d’analyser le comportement
des tueurs en série.
La seule certitude que l’on ait repose sur le fait que quasiment tous les tueurs en série,
hommes comme femmes sont engendrés par une enfance cruelle, et qu’ils commencent leur vie en tant
69
que victimes. Chaque tueuse en série et chaque tueur en série est la première victime de sa propre
histoire, des petites filles et des petits garçons qui auraient dû être aimés, choyés et élevés mais qui ne
le furent pas. Il ne s’agit pas ici d’excuser leurs actes atroces, mais de songer à l’endroit où nous
pourrions endiguer le phénomène avant même son apparition-dans le cœur de l’enfant.
Malgré un passé cauchemardesque de ces tueuses en série, elles sont tout de même jugées
responsables de leurs actes et doivent ainsi répondre de leurs actes devant la société (II).
II-R esponsabilité et réponse pénale
La responsabilité pénale et politique des tueuses en série
Les affaires de tueurs et tueuses en série ébranlent le pouvoir judiciaire et le pouvoir
politique : les familles des victimes demandent des comptes, largement relayés dans cette démarche
par les médias.
Statistiquement peu nombreux, ce type particulier de criminels suscitent toujours colère et
effroi. Les services de police sont montrés du doigt lorsqu’ils n’arrivent pas à les arrêter, tandis que les
organes judiciaires sont l’objet de vives critiques lorsqu’un individu récidive dès sa sortie de prison.
Du XIXème siècle à nos jours, la question de savoir ce que la justice et l’Etat peuvent faire de
ces individus reste entière. Car si la peine de mort a été remplacée par la réclusion criminelle à
perpétuité en France, celle-ci satisfait rarement les failles de victimes pour lesquelles elle ne représente
aucune garantie de la fin de la récidive.
Si la question de la responsabilité des tueuses en série, lourde de conséquence sur le mode
d’inculpation est souvent au cœur des débats, celle de la responsabilité politique ne l’est pas moins.
L’histoire de la criminalité nous ramène invariablement au rapport de confiance mutuelle qui
fonde la théorie du contrat social. Garant de l’ordre, l’Etat est responsable de la sécurité des citoyens,
voire du sentiment de sécurité. Ces derniers renonçant à leurs droits naturels, s’attendent à bénéficier
d’un espace de liberté et d’égalité sous l’égide protectrice du souverain, de la loi et de la justice
rendue. La viabilité du rapport contractuel est mise en péril dès lors que le citoyen ne tire plus parti de
la coopération sociale. La question est d’autant plus d’actualité que de nouveaux paramètres sont à
prendre en compte depuis une dizaine d’années. La France s’est longtemps considérée à l’abri des
tueurs et tueuses en série. Depuis les années 1990, trois importantes affaires criminelles ont ébranlé
cette certitude : en 1992, Francis Heaulme est arrêté, puis en 2001, Guy GEORGES et enfin Patrice
ALLEGRE en 2002.
Les instances de l’Etat ont subi, au fil de ces affaires, une double pression les ayant contraintes
à accélérer la prise de décision relative au problème de la criminalité : d’une part, celle de l’opinion
publique, frappée par la vaste médiatisation dont le déroulement des enquêtes a été l’objet, et d’autre
part, celle des associations de familles de victimes, interlocuteurs à part entière capables de mobiliser
les médias et les pouvoirs publics. Le véritable enjeu est celui de la défense de la société. Il correspond
également à une logique politique des gouvernements successifs qui font de l’insécurité une des
questions principales des campagnes présidentielles95.
D’importants moyens humains et financiers ont été accordés aux forces de l‘ordre, ainsi que
pour la mise en place de nouvelles techniques d’enquête comme par exemple le plaider-coupable ou
encore la rémunération des indics.
La lutte contre la criminalité implique désormais un recours systématique à l’analyse médicopsychologique des coupables. Tenter de dénouer la complexité du phénomène criminel, de
95
LLORCA (A.), «La criminologie, héritière paradoxale de l’école d’anthropologie criminelle », Presses de Sciences Po-Raisons Politiques, 2005/1 n°17
70
comprendre les comportements grâce à l’intervention d’une série de spécialistes peut permettre non
seulement d’améliorer les politiques anti-criminelles, mais également d’en développer de nouvelles.
Quand on parle de responsabilité pénale en expertise psychiatrique, on se base sur deux
textes. Il n’y en a eu que deux depuis le Code Pénal de 1810 : l’article 64 de l’ancien Code Pénal et
l’article 122-1 du Code pénal actuel.
Ainsi, en deux siècles, il n’y a eu que deux formulations. L’article 122-1 du Code Pénal
dispose : « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un
trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant
altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la
juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime ».
L’article 122-1 du nouveau Code Pénal. Ainsi, « n’est pas pénalement responsable », la
personne qui était atteinte au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli
son discernement, ou le contrôle de ses actes. Le terme « abolir » est fort, il signifie qu’il n’y a plus de
discernement.
Par cette formulation dans le nouveau Code Pénal le législateur laisse les experts libres
d’apprécier l’état mental du sujet. C’est le diagnostic qui doit être rétrospectif et il faut qu’il y ait un
lien entre l’infraction commise et l’état mental du sujet au moment des faits.
Par ailleurs, l’alinéa 2 de cet article 122-1 du Code Pénal prend notamment en considération
les situations intermédiaires en ce qu’il dispose : « La personne qui était atteinte au moment des faits
d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses
actes ». Ainsi, la personne demeure punissable si son discernement a été altéré mais la juridiction en
tiendra compte pour déterminer la peine et en fixer le régime.
C’est ainsi l’expertise psychiatrique qui doit déterminer si cette clause est applicable. La tâche
n’est pas aisée en ce que l’expert doit se prononcer sur ce qu’était l’état mental de l’accusé au moment
de l’acte, alors que lui le voit parfois des mois, voire plus d’un an après. L’accusé peut avoir agi sous
l’emprise de la drogue, et se présenter à l’expert sous un tout autre aspect une fois sevré ; ou avoir agi
sous l’empire d’hallucinations qui ont disparu grâce à des médicaments.
La tendance actuelle en France est une application très restreinte de l’excuse
d’irresponsabilité. En effet, d’après le rapport de la commission Violence et santé, en 2005, seules 0,4
% des personnes mises en accusation pour un crime ou un délit ont bénéficié d’un non-lieu en raison
de leur irresponsabilité pénale.
La réponse pénale
En France, si une tueuse en série était reconnue coupable aujourd’hui, la réponse judiciaire
résiderait dans la stricte rigueur du Code Pénal et des textes prévus pour les criminels ordinaires.
Aucune sanction ne s’applique en effet à la spécificité des criminelles en série. Ainsi, la réclusion
criminelle forme le socle de la peine encourue mais, ce sont surtout les mesures de sûreté qui vont
accompagner la peine qui seront plus ou moins lourdes.
A la lecture du Code pénal français, l’on remarque que le terme de « tueur en série » n’existe
pas. En France, chaque crime est traité comme un évènement unique.
A ce titre, le Procureur Général de la Cour d’Appel de TOULOUSE Marc GAUBERT s’était
ému, lors du procès du tueur en série Patrice ALEGRE, que le droit français ne prévoit pas de peines
plus fortes pour les criminels en série. Il exprimait ainsi « Qu’ont ait commis un seul assassinat ou dix
assassinats, la peine encourue est la même, c’est-à-dire la réclusion criminelle à perpétuité assortie
au maximum de trente ans ». Il souligne le fait que « Dans les affaires qui présentent un danger social
épouvantable, le débat mérite d’être posé ».
71
Ainsi, la situation pénale de la France peut sembler paradoxale en ce que les crimes commis
peuvent donner lieu à une peine qui sera similaire qu’il y ait un fait constaté ou plusieurs alors que
pour de simples contraventions bien moins graves, mais qui conservent cependant toute son
importance, et notamment pour les infractions au Code de la Route, la loi prévoit le cumul des peines.
A l’inverse, la législation américaine prévoit le cumul des peines ; elles se cumulent ainsi pour
chaque chef d’inculpation. C’est ainsi qu’Aileen WUORNOS avait été condamnée six fois à la peine
capitale. Dans le même sens, Genene JONES avait été condamnée à 99 années de prison en 1984 pour
le meurtre d’une petite fille de 15 mois et à 60 années pour la tentative de meurtre d’un autre bébé.
Toutefois, en vertu des lois de libération obligatoires visant à réduire la surpopulation carcérale dans
les années 1980, mêmes les criminels les plus violents et dangereux ont vu leur peine diminuer de trois
jours de prison pour chaque jour de bonne conduite. La loi a été modifiée depuis mais, elle s’applique
toujours aux criminels condamnés à cette époque. Dès lors, Genene JONE suspectée des meurtres
d’une cinquantaine de jeunes enfants pourrait être libérée en 2017 à moins que les procureurs de l’Etat
du Texas ne parviennent à ce qu’elle soit reconnue coupable d’autres crimes afin que sa libération soit
annulée.
La loi sur la rétention de sûreté se veut une réponse pénale en France à ces cas particuliers.
Mais il semblerait toutefois nécessaire de mener une réflexion et un juste équilibre entre les
peines américaines françaises à titre d’exemple.
Pour revenir sur le terme de « tueur en série », il est cependant reconnu dans deux Etats
américains dont le Texas et en Afrique du Sud. Etre un tueur en série constitue alors une circonstance
aggravante.
Ainsi, la réponse pénale apportée à ces tueuses en série est très différente que l’on soit jugé par
exemple en France ou aux Etats-Unis. Il est indéniable que la France devrait se prévaloir de règles plus
fortes, plus dissuasives en matière de réponse pénale. D’autant plus qu’aujourd’hui, les médias jouent
un rôle très important dans les décisions des magistrats en ce qu’ils alertent considérablement les
citoyens (Section 2).
Section 2 : La médiatisation des tueuses en série
Les faits divers sont omniprésents dans les médias. Depuis le XVIème siècle, les citoyens sont
informés des évènements hors-normes qui ponctuent et rompent le quotidien. Heureux, tragiques,
insolites ou encore inquiétants, le lecteur ou l’auditeur est happé et se retrouve confronté à ressentir
différentes émotions. En effet, en allumant sa télévision, en écoutant sa radio ou encore en lisant son
journal, toute personne s’est déjà sentie concernée ou du moins choquée par l’actualité de son Monde
et parfois même par les exactions d’un tueur ou d’une tueuse en série.
Et si finalement, c’était nous ? Notre famille, notre enfant ?
Des noms et des surnoms qui symbolisent le summum de l’horreur, de la cruauté et de nos
angoisses les plus profondes.
En quelques années, ce sont des séries policières qui se font de plus en plus nombreuses, des ouvrages,
des émissions, des interviews qui ne cessent d’accroître au point de faire de ces tueurs et de ces
tueuses de véritables vedettes médiatiques. Sans compter le suivi pointu des enquêtes que nous livrent
parfois les actualités, où chaque fait et geste est scruté pour aviser le spectateur derrière son écran
télévisé. La moindre information est captée. Le journaliste se rend sur les lieux du crime, s’entretient
avec les témoins et assistent au procès.
72
Mais devant la multiplication de ce genre de productions, l’on est en droit de se demander
jusqu’où les journalistes et les producteurs seront prêts à repousser les frontières de la moralité, et à
piétiner le respect dû aux victimes et à leur famille pour satisfaire la fascination ambigüe du public 96.
Cette analyse touchant tant les tueurs que les tueuses en série, j’aborderai les deux sexes pour
expliquer la médiatisation de ces criminel(le)s.
De nos jours, la télévision remplit parfois une nouvelle mission et s’empare de l’histoire de ces
criminels qui hantent nos rues sombres. Le journal d’investigations prend alors le relais pour servir de
contrepouvoir au système policier et judiciaire. On peut donner l’exemple de l’émission « Témoin
numéro un » diffusée à partir de 1993 en France dont la vocation première était de faire progresser les
enquêtes par des appels à témoins, approuvés par les juges concernés. Par ailleurs, en quelques années,
l’émission « Faites entrer l’accusé » créée en 2000 s’est imposée comme une référence
incontournable en France traitant des faits divers ayant marqué l’histoire. Toutefois, et au-delà des
nécessités journalistiques, les rôles des témoignages visent directement les affects du téléspectateur et
le renvoie ainsi à ses peurs les plus profondes. Au final, le rôle même du témoignage est dépassé au
profit de l’émotion, de la catharsis. Toute neutralité est ainsi effacée dans un objectif journalistique qui
n’est plus que d’informer avec toute la neutralité qui en découle mais, d’émouvoir également.
Ainsi, cette façon de procéder donne la possibilité au public de se forger sa propre opinion et
de s’ériger alors en juge et rendre alors son verdict en lieu et place de la justice.
Dès lors, cette médiatisation de la criminalité (I) impacte forcément la société et les pouvoirs
publics (II).
I-La médiatisation de la criminalité
De nos jours, le tueur ou la tueuse en série va de pair avec le concept de médiatisation. Les
journalistes demeurent en permanence à l’affût de la moindre information. Ils se déplacent sur les
lieux du crime, interviewent les témoins et assistent aux procès érigeant ainsi les tueuses en série en de
nouvelles vedettes médiatiques (A) qui constituent un véritable phénomène de société (B).
A-Les tueuses en série ou de nouvelles vedettes
médiatiques
Les affaires criminelles occupent une place privilégiée et singulière sur la scène médiatique.
Le succès qu’emporte la variété des reportages sur les faits divers tend à souligner l’attrait, voire la
fascination, qu’exercent le crime et les criminels sur l’opinion publique.
La médiatisation du crime et de la criminalité prend véritablement son essor au cours du
XXème siècle mais elle n’est pas propre à cette période. Elle apparaît comme un outil performant de
fabrique de « figures criminelles » et participe à sculpter les représentations collectives. Dès l’époque
carolingienne, les autorités judiciaires, dans le souci de faire respecter l’ordre, s’appliquent à diffuser
les récits de « crimes horribles commis par des larrons ». Les discours bruissent à propos d’hommes
impurs, violents et sanguinaires, capables du pire pour la communauté.
Or, la réalité criminelle est toute autre. Elle a peu de chose à voir avec les récits anxiogènes
diffusés massivement à cette époque. Très prégnants dès le Moyen-Age et nourris par la rumeur
entretenue par les pouvoirs, la peur de l’autre et l’imaginaire de l’insécurité sont, comme l’a souligné
l’historienne Claude GAUVARD, l’un des outils de construction de l’Etat. Ce premier point tend à
montrer que quelles que soient ses formes, la médiatisation des crimes est non seulement étroitement
HOLUIGUE (B.), « Médiatisation et sur-médiatisation du phénomène des tueurs en série en France : un âge d’or du fait divers, 1980-2005 », mémoire sous la direction de Marie
Joseph BERTINI, Nice, 2005.
96
73
liée à la société qui l’a construit et l’a façonne mais constitue également un moyen pour elle de servir
ses fins.
La naissance d’une véritable presse périodique, au début du XVIIème siècle, donne lieu à une
abondante littérature autour de tous les évènements susceptibles de frapper la sensibilité populaire.
Crimes horribles, histoires tragiques, barbaries cohabitent et sont relatés sans distinction dans une
littérature qui dresse un tableau de tous les malheurs et tente d’alarmer l’opinion publique.
Les descriptions abondantes et crues convient chacun à participer au spectacle d’horreur et
d’indignation. L’actualité criminelle est donnée à voir selon un rituel qui varie peu : détails abondants
du crime, éloquence des descriptions qui tentent d’exacerber le caractère odieux et épouvantable des
criminels. Il s’agit d’amplifier l’angoisse et de susciter l’indignation.
Au XIXème siècle et tout au long du XXème siècle, l’encre et le sang répondent à ce besoin
toujours plus prégnant de distinguer, d’identifier, d’écarter les dangereux criminels. D’exceptionnel et
singulier, le crime est désormais envisagé comme susceptible de prendre racine dans l’homme
ordinaire. Puisque tout homme est un criminel en puissance, il s’agit dès lors de décrypter le mal
criminel et d’énumérer, pour les reconnaître, les signes de son irréductible différence.
Les lecteurs sont conviés à découvrir ce qui se cache derrière chaque criminel et à dévisager le
mal. Soutenus par la photographie, les portraits étayés et détaillés des criminels sont déclinés dans la
presse : visages grossiers, teint pâle, regards fourbes, front bas… Le soupçon d’une monstruosité
morale dissimulée dans le corps criminel s’affirme dans les descriptions journalistiques. L’écriture
s’acharne à déchiffrer chaque attitude, chaque geste susceptible de trahir d’obscures intentions ou de
révéler la véritable nature de l’accusé.
Les traitements médiatiques de certaines affaires criminelles exceptionnelles mènent à la
sidération, à l’indignation voire la peur collective que génèrent massivement l’assassinat ou le viol
d’un enfant, entretenues et fabriquées par les médias. Ils tendent ainsi à ôter aux citoyens la distance
utile à l’analyse de ces faits dramatiques. En effet, en se focalisant sur certaines affaires criminelles, en
surexposant certaines catégories de criminels tels que les récidivistes, les médias ne livrent qu’une
lecture partielle sinon erronée de la réalité criminelle.
Ainsi, il est utile de rappeler que toute médiatisation est le résultat d’un tri, d’un choix, une
construction du réel au service de stratégies qui ne peuvent être réduites au seul désir d’informer. En
jouant du sensationnel et en s’adressant aux émotions, les médias tendent à évacuer la complexité des
problèmes que pose la criminalité et proposent très souvent une vision manichéenne et partielle de
celle-ci.
A l’inverse, selon Daniel ZAGURY, psychiatre et expert au procès de Patrice ALLEGRE, ces
formes de crimes s’articulent sur des mythes qui existent dans la culture américaine mais pas en
France.
En effet, l’habitude française est de considérer les tueurs et tueuses en série comme des
assassins, mais aussi et surtout comme des ratés qui ont cumulé toute leur vie des masses de
souffrance et d’échecs. Ils ne sont très certainement pas considérés comme des héros.
Toutefois, une fascination est en train d’arriver en France. Que ce soit au travers de
l’évènement sur la route du crime à Paris ou des « profilers » ; ce personnage qui conjugue le Bien
tout en ayant une connivence avec le Mal.
Cet évènement à Paris s’organisait dans un lieu insolite constitué de caves voûtées. Il
proposait en avril 2013 une série de projections regroupant un grand nombre de documentaires,
entretiens et films autour de la criminologie et des tueurs et tueuses en série.
Des débats d’experts avaient lieu avec des thématiques telles que les « tueurs en série et le
système judiciaire » ou encore « Serial killers, de la réalité à la fiction ». Un grand nombre de
74
personnes s’était déplacé pour l’évènement et tenter de percer le mystère autour de ces tueurs et
tueuses en série.
Ainsi, cette curiosité malsaine existe aussi en France et ce n’est pas un phénomène nouveau
(B).
B-Phénomène de société ou recherche du
sensationnalisme ?
Les médias usent de la monstruosité et de la souffrance pour en faire leur « gagne-pain ».
En procurant de véritables sensations au public et en le faisant frissonner, le crime de sang
donne naissance, dans un premier temps, à la presse à sensation.
Suite au succès des canards dans toutes les strates de la population, ce type de publications
s’industrialise et ce marché journalistique s’épanouit. Pourtant, la part de tueur et encore moins de
tueuses en série dans la criminalité française demeure infime même si une multitude de reportages
abordent ce thème et laissent supposer le contraire97.
D’un côté, il y a la personnalité du tueur avec tout le mystère environnant et son univers
macabre et de l’autre, la mise en scène du fait divers et l’aspect spectaculaire de l’information.
Comme les journalistes articulent leurs récits autour de la cruauté et de la violence, il devient
légitime de se demander si les actes de ces criminels constituent un réel phénomène de société ou si
cette mise en page journalistique cherche à dramatiser un type de criminels peu répandu.
L’augmentation de ce type de criminels (tueurs ou tueuses en série) et l’intensification du
sentiment d’insécurité procurent à ces informations un pouvoir spécifique sur les individus : elles
interpellent, intriguent et inquiètent.
Par conséquent, il semblerait que la personnalité du tueur justifie un tel développement
médiatique ; ce sensationnalisme cachant alors un réel problème de société.
Toutefois, il convient de relever que l’accentuation du sensationnalisme par les journalistes
dans le traitement de toutes les informations engendre sans doute et sur le long terme une banalisation
et une homogénéité dans la perception. Si les médias en abusent, cela risque de conduire à une
dévalorisation de l’information brute au profit des artifices journalistiques. En effet, cette volonté de
proposer des articles plus spectaculaires les uns que les autres souligne la logique commerciale prônée
par le journal et peut nuire parfois et même souvent à la qualité de l’information. Notre œil est aguerri
à la violence tant des mots que physiques. A force d’information sur cette criminalité, le public
pourrait agir à l’inverse de l’effet attendu en se disant : « Encore un fou de plus », « Encore un
monstre de plus ».
Indépendamment de l’évolution des médias et de la presse écrite, l’engouement pour les
crimes en série a toujours existé. Cependant, il est dès lors possible d’affirmer que ces faits relatifs au
parcours criminel sont passés du statut d’évènements du jour à faits de société accentuant de cette
manière leurs effets symptomatiques et inquiétants.
De la même façon, à l’heure actuelle, les spectateurs et auditeurs ont besoin d’informations et
parfois dans les détails afin de pouvoir prendre certaine précaution et éventuellement, tout type de
risque et dans un but de se rassurer en regardant le profil des victimes.
Le petit écran s’empare du tueur ou de la tueuse en série. Les chaînes de télévision désirent
sensibiliser le grand public en décortiquant le parcours de ces criminels. Mais, l’objectif principal de
ces producteurs demeure la création d’émissions rassemblant le plus grand nombre de téléspectateurs
97
HOLUIGUE (B.), op.cit.
75
en essayant de répondre à cette question qui hante tous les esprits : comment et pourquoi ces individus
sont devenus des tueurs ou tueuses en série ?
Ainsi, entre objectifs idéologiques et réalités commerciales, les médias se situent au cœur de la
polémique en ce qui concerne l’intrusion de ces journalistes dans l’instruction des affaires criminelles
et leur médiatisation excessive.
Le secret de l’instruction est très souvent bafoué ; les journalistes publiant ce qui s’est passé la
veille dans le cabinet du juge. De plus, n’étant pas chargés d’instruire à charge et à décharge, les
médias bénéficient d’une large liberté, mais par forcément d’une réelle objectivité pour traiter des
affaires criminelles.
Ainsi, l’ensemble de ces articles diffusés ne risque-t-il pas d’influencer le public et, par la
même occasion, la Cour pour déterminer la culpabilité d’un criminel ?
Le journaliste peut-il et doit-il tout dire et tout montrer ? Les personnes privées peuvent-elles
protéger la sûreté de leur intimité et l’espace de leurs droits propres sans restreindre le besoin légitime
d’information de la société et surtout sans porter atteinte à la liberté d’expression qui constitue l’un des
droits les plus précieux comme l’énonce la Déclaration des Droits de l’Homme ?
Les médias doivent informer les citoyens avec précision de la réalité des faits, mais en veillant
à ne pas ajouter un désarroi du public et à ne pas aggraver la souffrance des victimes ou la peine de
leurs proches.
Ainsi, entre soifs de sang et de nos fantasmes les plus lointains, il est difficile de faire la part
des choses entre neutralité et retour sur des faits et sensationnalisme.
Ces effets journalistiques ont de véritables impacts sur notre société qu’il convient dès à
présent d’évoquer (II).
II- Les impacts sociétaux
Les impacts sociétaux en raison des effets journalistiques recherchés mènent à considérer le
tueur ou la tueuse en série comme un véritable mythe (A) qui a une place toute nouvelle depuis
quelques années tant sur nos écrans de télévision qu’au cinéma (B).
A-La création d’un nouveau mythe
La presse écrite française, générale ou spécialisée, traite de tous les tueurs en série français
sans différenciation, qu’ils sévissent à Paris, lieu de toutes les légendes urbaines, ou en province.
Par conséquent, l’information répercutée sur l’ensemble des médias au niveau national martèle
les esprits et s’inscrit violemment dans la mémoire collective.
Finalement, devant l’accumulation d’articles, de reportages et d’émissions, on peut
légitimement s’interroger sur le regard et la place accordés aux tueurs en série dans notre société. La
sur-médiatisation atteindra son paroxysme lorsqu’elle provoquera la mythification du tueur en série.
Ainsi, la question du mythe permet de comprendre les effets d’une médiatisation à outrance. Il reste à
déterminer le degré de participation des médias à la construction du mythe des tueurs et tueuses en
série comme l’exprime Madame Blandine HOLUIGUE dans son mémoire sur la médiatisation et surmédiatisation du phénomène des tueurs en série en France.
Avant toute analyse, il semble incontournable de rappeler ce qu’est un mythe. Dans ce
contexte, il convient de prendre la définition suivante du mythe selon laquelle le mythe est un
ensemble de croyances, de représentations idéalisées autour d’un personnage, d’un phénomène, d’un
évènement historique, d’une technique et qui leur donnent une force, une importance particulière.
Ainsi, un tueur en série ou une tueuse en série seraient considérés comme des individus à part qui
parviennent à se distinguer de la masse en faisant preuve d’une intelligence supérieure leur permettant
76
de déjouer les structures mises en place par les autorités pour organiser sa capture. Au fil des siècles,
le mythe acquiert de l’ampleur et surtout, s’ancre en profondeur dans l’esprit collectif.
C’est Jack l’Eventreur qui symbolisa le mythe du « Serial Killer » dans toute sa splendeur. Il
était considéré comme étant le premier tueur en série de l’ère moderne même s’il ne fut jamais arrêté.
Son parcours criminel fut relaté dans un ensemble de médias, mais notamment dans un film sorti en
2001 « From Hell » dans lequel Johnny DEEP joue le rôle d’un inspecteur qui dresse tout au long du
film le profil de ce meurtrier. Un parti des choses est pris : un chirurgien est accusé de ces meurtres de
par le doigté d’artiste dont ils font preuve sur ces victimes.
Toutefois, c’est « Le silence des Agneaux » qui restera gravé dans la mémoire
cinématographique comme le film le plus célèbre sur les tueurs en série.
Puis du côté des tueuses en série, les interviews, les reportages pour élucider cette part de
mystère, mais aussi des films nourrissent l’esprit des spectateurs.
Une avalanche d’offres d’écriture de livres et de scenarii de films se déversa sur les policiers,
les familles des victimes, Tyra MOORE, et évidemment sur Aileen WUORNOS.
Moins de deux semaines après son arrestation, elle vendit les droits d’adaptation de son
histoire au cinéma. Elle sembla penser qu’elle allait pouvoir obtenir des millions de dollars grâce à son
histoire : elle ne savait pas que la Floride possède une loi empêchant les criminels de profiter ainsi de
leurs crimes.
Son visage apparaissait partout, dans tous les médias tant locaux que nationaux. Elle avait
l’impression d’être une vedette et continua de parler de ses crimes à quiconque l’écoutait, et
notamment les employés de la prison du comté de Volusia. A chaque fois qu’elle re-racontait son
histoire, elle la raffinait se présentant à chaque fois sous un meilleur jour.
En outre, le film « Monster » sorti en 2004 dans lequel joue Charlize THERON retrace la vie
de la tueuse en série.
En 2009, sort le film « COMTESSE » sur les meurtres sordides d’Elisabeth BATHORY avec
Julie DELPY dans le rôle de la Comtesse sanglante.
Le développement et le succès rencontrés par la commercialisation de ces produits constituent
l’expression la plus moderne de cette notion de mythe relatif aux tueurs et tueuses en série.
Ainsi, la société américaine parle plus du tueur en série ou de la tueuse en série vu comme un
héros criminel et les victimes de crimes perçues comme des perdants98 .
Cependant, du point de vue français, cette question du mythe n’existe pas à l’instar de la
conception américaine basée sur le marketing et le merchandising, où tout s’achète et se vend. Dans
notre pays, l’absence de considération et de compassion pour les victimes choquerait, il nous est
culturellement difficile de faire abstraction de toutes les souffrances que ces victimes ont endurées
avant de mourir.
De plus, notre pays comme il l’a été dit précédemment, considère les tueurs en série comme
des monstres et des erreurs du système judiciaire que comme des mythes.
La récente sur-médiatisation accordée aux dernières affaires de tueurs en série marque
l’amorce d’un changement dans les mentalités. Avec l’accroissement de la demande du public, cette
surexposition du criminel arrive en France. L’on cherche à cerner la personnalité de cet individu
ambigu symbolisant un équilibre fragile entre le Bien et le Mal. Même si le tueur en série fascine ou
98
MONTET (L.), Les tueurs en série., Paris, Presses Universitaires de France, 2002.
77
intrigue, lors du déroulement du procès et de l’annonce de la condamnation, il redevient ce meurtrier
des temps modernes.
Passif et impuissant devant le matraquage médiatique de ces enquêtes, le public retient
toujours l’identité des criminels et la violence de leurs actes.
Paradoxalement, les noms et les visages des victimes sombrent rapidement dans l’oubli. Cette
réalité, pour le moins inquiétante, reflète un des aspects de cette culture élaborée autour du tueur ou de
la tueuse en série.
Ce qui intéresse, ce sont les faits, aussi sordides soient-ils, qui choquent, qui hantent nos
esprits et un nom associé à ces monstruosités.
Cette admiration quelque peu malsaine peut cependant s’avérer dangereuse pour le
développement de ce phénomène. En effet, si la société est fascinée par le tueur en série, qu’elle le
glorifie, alors ces meurtriers se sentiront d’un certain côté confortés dans leur dérive criminelle. Ainsi,
s’identifiant à ces mythes, ils passeraient plus facilement à l’acte transformant leurs crimes en œuvre
et pourraient alors en quelque sorte influencer des futurs criminels, s’inspirant des faits et les
reproduisant à l’identique.
Par ailleurs, ces différentes formes de la médiatisation incitent les criminels à rechercher la
célébrité dans l’objectif de marquer l’histoire. A l’heure où les suicides deviennent médiatiques, les
tueurs en série voudraient également bénéficier de cette reconnaissance suprême qui pourrait devenir
un véritable moteur dans le passage à l’acte du crime.
Comme se le demande à juste titre Madame Blandine HOLUIGUE, « cette conception du
tueur en série médiatisé est-elle vouée à s’amplifier puis à perdurer ou, au contraire, sera-t-elle sans
effet sur le point de vue du citoyen français ? »
Selon moi, ayant grandi auprès des chefs d’œuvre de Walt Disney et ayant le choix entre
Buffy contre les Vampires et la série Dawson, je remarque une certaine évolution sociétale tant au
niveau des séries télévisées qu’au niveau du goût et des choix de lectures, de films.
La violence est parmi nous, tout autour de nous. Nos actualités, chaque matin ou chaque soir,
sont synonymes de la pire violence partout dans le monde pour des raisons de religion parfois prises
en leur extrême, pour des raisons de pouvoir ou encore d’argent.
Malgré nous, nos yeux, notre esprit sont confrontés quotidiennement à la violence. Sommesnous dorénavant habitués ? Dans quelques années, les crimes sordides des tueurs et des tueuses en
série passeront-ils inaperçus au point de devenir des vedettes du petit écran ? (B).
B-Une nouvelle vedette du petit écran : le
phénomène des séries télévisées
Le temps des séries télévisées où l’amour régnait, où des femmes avocates et écrivains
arpentaient les rues de New York avec des chaussures Christian LOUBOUTIN et revendiquant leur
liberté, de la jeunesse américaine New Yorkaise fréquentant les plus grandes écoles avec des
problèmes de tenues vestimentaires essentialistes et de cœurs brisés inondaient nos télévisions est bien
terminé.
Aujourd’hui, le sang, les orgies à travers la série « Spartacus » mêlant à l’identique de la vie
romaine tant la violence que le sexe, ainsi que toutes ces séries qui enquêtent sur un tueur ou une
tueuse en série ont remplacé nos séries télévisées empreintes de rêve pour prononcer le début d’un
nouveau genre. « Des experts » à « Engrenages », il n’y a plus beaucoup de places pour des histoires
d’amour débordant de romantisme.
78
Malgré la multiplication des tueurs en série en France et l’augmentation du nombre de séries
importées des Etats-Unis engendrent également la vulgarisation de la criminologie et du profilage.
D’ailleurs, de nombreux feuilletons français ou américains font intervenir le personnage du
tueur en série ou des équipes de profiler qui ont pour mission de résoudre des affaires criminelles, plus
vraies que nature. Mais plus encore que le tueur en série, c’est le personnage du « profiler » qui
émerge en dressant un portrait-robot psychologique du criminel à partir des indices recueillis sur les
scènes de crime. La plupart du temps, ce « profiler » de fiction est doté de pouvoirs quasi surnaturels
et de vision qui lui permettent en cinquante minutes de faire arrêter le tueur, un personnage sombre, un
homme les sourcils froncés, une femme le visage marqué.
Plus qu’un phénomène de société, le tueur et la tueuse en série se sont imposés sur nos écrans
télévisés, mais plus encore au cinéma. La multiplication des tueurs et tueuses en série dans le monde et
l’augmentation des séries télévisées importées des Etats-Unis entraînent également la vulgarisation de
la criminologie et du profilage.
Stéphane BOURGOIN, dans son ouvrage paru en 200199 témoigne de cet engouement
télévisuel et cinématographique pour ce genre : « Le personnage du Serial Killer a été mis en lumière
par d’innombrables avatars cinématographiques qu’il s’agisse de Hannibal, The Cell, Les rivières
pourpres, Scènes de crime, Six Pack, Le Pacte des loups… ». Les fictions télévisuelles n’ont pas été en
reste avec quelques épisodes de X-Files, Profiler, Millenium, Cracker, sans oublier nos séries
françaises telles que Crimes en série ou Brigade Spéciale. Mais, plus encore que le tueur en série,
c’est le personnage du « profiler » qui émerge, ce « nouveau » flic mâtiné de psychologue…La
profiler s’invite aussi en guest-star à la table de nos Julie Lescaut, Navarro, Commissaire Moulin ou
Quai n°1 ».
Les journaux cherchaient à l’époque à stimuler l’imaginaire mais aujourd’hui avec, comme
l’évoque Blandine HOLUIGUE, « La force des images et du son, le but n’est plus de forcer
l’imagination mais de graver les mémoires. La typologie des lieux, l’émotion dans la voix des familles,
les détails morphologiques des protagonistes », tout nous fait revivre par procuration les
circonstances des crimes » que les réalisateurs de séries télévisées ont su s’emparer pour attirer un
public d’un tout nouveau genre.
Et si le spectateur devenait finalement malgré lui et à des degrés différents la victime d’une
victime ?
99
BOURGOIN (S.), «13 nouveaux Serial Killers », Editions Les Belles Lettres, 2001, pp.7-8
79
Annexes
Annexe 1 : Répartition de la population écrouée détenue selon la catégorie pénale en
Métropole et Outre-Mer au 1er juillet 2014
Métropole
Catégorie
Pénale
actuelle
Outre-Mer
Ensemble de la population
écrouée détenue
Hommes
Femmes
Ensemble
Hommes
Femmes
Ensemble
Hommes
Femmes
Ensemble
Prévenus
15 866
771
16 637
1 100
36
1 136
16 966
807
17 773
Condamnés
45 670
1377
47 047
3 377
98
3 475
49 047
1 475
50 522
Ensemble
61 536
2 148
63 684
4 477
134
4 611
66 013
2 282
68 295
80
Annexe 2 : Tueuses en série étudiées et nombre de victimes
Noms
Victimes confirmées
Agrippine la Jeune
100 >
Elisabeth BATHORY
Kate BENDER
Marie BESNARD
Marie de BRINVILLIERS
Sarah CHESHAM
Mary Ann COTTON
Sarah DAZELY
300 (<650)
10 (12)
13
50 >
1 (10 >)
15-22 (+)
2 (4)
Elisabeth ECCLES
3
Sarah FREEMAN
4
Hélène JEGADO
27
Eliza JOYCE
3
Mary MAY
Sarah Jane ROBINSON
Jane SCOTT
Lydia SHERMAN
2 (14)
8
1 (3)
10 (11>)
La TOFANIA
<600
Jane TOPPAN
31 (<100)
Catherine WILSON
5 (7)
Aileen Carol WUORNOS
7 (>)
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-http://www.tueursenserie.org
87
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE ................................................................................................................................. 1
REMERCIEMENTS...................................................................................................................... 2
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 3
P ARTIE 1 : NAISSANCE D’UNE TUEUSE EN SERIE .............................................. 9
C HAPITRE 1 : ETIOLOGIE DES COMPORTEMENTS AGRESSIFS ................ 9
Section 1 : Des facteurs explicatifs à la psychopathologie des femmes criminelles . 10
I-Les facteurs explicatifs ............................................................................................... 10
A-Les différentes théories de la délinquance féminine .......................................... 10
B-Les traumatismes de l’enfance .............................................................................. 14
II-Psychopathologie des femmes criminelles............................................................... 15
A-La triade Mac Donald ............................................................................................ 16
B-Obésité, solitude et fantasmes chez la tueuse en série......................................... 17
Section 2 : Des motivations des tueuses en série à l’iter criminis .............................. 19
I-Des motivations féminines complexes ...................................................................... 20
A-De la vengeance au besoin d’argent ..................................................................... 20
B-Perceptions et émotions avant, durant et après le processus criminel ................ 21
II-Le passage à l’acte ..................................................................................................... 23
A-Les conditions du passage à l’acte........................................................................ 23
B-Le mécanisme du passage à l’acte ........................................................................ 24
C HAPITRE 2 : P SYCHO-CRIMINOLOGIE DES TUEUSES EN SERIE ............ 26
Section 1 : Les scenarii criminels ................................................................................. 26
I-Caractéristiques générales des tueuses en série......................................................... 26
A-Profil de la victime ................................................................................................ 27
B-Profil du bourreau .................................................................................................. 27
II-Un mode opératoire typiquement féminin ............................................................... 28
A-Différence entre signature et mode opératoire ..................................................... 28
B-Lieu et arme du crime ............................................................................................ 29
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Section 2 : Les classifications psycho-criminologiques des tueurs et tueuses en
série……………………………………………………… ............................................. 30
I-Les classifications psycho-criminologiques féminines……………………..……..30
A-Les femmes solitaires ............................................................................................ 30
B-Les femmes complices .......................................................................................... 32
II-L’inapplicabilité des classifications psycho- criminologiques masculines .......... 33
A-Les différentes catégories de tueurs en série........................................................ 34
B-La difficile confrontation hommes / femmes ................................................... 35
P ARTIE 2 : HISTOIRES DES TUEUSES EN SERIE A TRAVERS LES TEMPS 36
C HAPITRE 1 : EN QUETE DE POUVOIR, DE PROFIT ET DE DESIR ........... 37
Section 1 : Histoire des premières tueuses en série ................................................. 37
I-Les tueuses en série du passé ..................................................................................... 38
A-Les tueuses en série des Temps Anciens.............................................................. 38
B-Une tueuse en série à l’époque de la Renaissance française ............................... 40
II-Les tueuses en série à l’aube de l’époque contemporaine et à l’époque
contemporaine aux tueuses dans l’Amérique du XIXème siècle ................................ 43
A-Les tueuses en série à l’aube de l’époque contemporaine et à l’époque
contemporaine ……………………………............. ................................................ 43
B-Les tueuses en série dans l’Amérique du XIXème siècle ..................................... 47
Section 2 : Etude de cas de Tueuses en série et de leurs complices au XXème
siècle.................................................................................. ............................................. 52
I-Les tueuses en série modernes solitaires ................................................................... 52
A-Le culte absolu autour d’Aileen WUORNOS ................................................
52
B-Des meurtrières en série d’Etat ............................................................................. 55
II-Les femmes complices .............................................................................................. 58
A-Les femmes complices de tueurs en série et de meurtriers sexuels sadiques.....58
B-Epouses et petites amies de sadiques sexuels ...................................................... 60
C HAPITRE 2 : DE L’ANALYSE COMPORTEMENTALE, DE LA JUSTICE ET
DES MEDIAS....................................................................................................................... 63
Section 1 : De l’analyse comportementale à la réponse pénale ............................... 63
I-L’analyse comportementale et ses méthodes des tueuses en série........................... 63
A-Naissance de l’analyse comportementale............................................................. 63
des tueuses en série .................................................................................................... 63
B-Les méthodes.......................................................................................................... 66
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II-Responsabilité et réponse pénale .............................................................................. 70
Section 2 : La médiatisation des tueuses en série....................................................... 72
I-La médiatisation de la criminalité .............................................................................. 73
A-Les tueuses en série ou de nouvelles vedettes médiatiques ................................ 73
B-Phénomène de société ou recherche du sensationnalisme ?................................ 75
II- Les impacts sociétaux ............................................................................................... 76
A-La création d’un nouveau mythe .......................................................................... 76
B-Une nouvelle vedette du petit écran : le phénomène des séries télévisées ......... 78
ANNEXES ..................................................................................................................................... 80
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................... 82
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91