Du rififi dans l`Espace : Star Wars épisode 2007

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Du rififi dans l`Espace : Star Wars épisode 2007
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Du rififi dans l’Espace :
Star Wars épisode 2007 ?
Le rôle des satellites dans les conflits modernes va continuer de croître. Le 11 janvier dernier, comme un coup de semonce, les
Chinois ont détruit un de leurs satellites météo avec un missile balistique. L'explosion a généré un essaim de débris et une pluie
de réactions internationales. Les Etats-Unis condamnent l'essai et annoncent la mise en place d'un bouclier antimissile,
provoquant au passage la méfiance et la colère des Russes. Les Indiens quant à eux proclament qu'ils vont se doter d'un centre
de commandement de défense spatiale pour se protéger d'éventuelles attaques orbitales. Et tandis que l'Iran est soupçonnée de
mettre au point des missiles nucléaires, Israël déclare qu'il doit se préparer à une potentielle guerre dans l'Espace. Quid de
l'Europe dans ce bouillonnant tumulte ?
C
e sont les Etats-Unis, via l'hebdomadaire Aviation Week
et la Maison-Blanche, qui ont annoncé l'évènement le
17 janvier. La Chine s'est contentée de confirmer le test
d'un missile "expérimental". Un article du quotidien "Le Monde"
du 07 février rappelle que depuis des années, Pékin se drape de
toutes les vertus pour réclamer un traité universel interdisant
l'"arsenalisation de l'espace" et met en accusation les Etats-Unis, qui
n'en veulent pas. La destruction du satellite météo a pourtant
provoqué la dissémination de milliers de débris, autant de
projectiles mortels pour d'autres engins spatiaux. Pékin est donc
accusé de double langage, voire de duplicité. Les experts
américains connaissaient les 30 "recommandations" faites il y a
plusieurs années par des responsables militaires chinois en faveur
de la poursuite d'un programme secret d'armes anti-satellites
(ASAT), mais toute ambiguïté est désormais levée. L'un deux, le
colonel Yuan Zelu, suggérait de constituer "un réseau en orbite
d'armes de l'espace qui serait dissimulé et activé seulement en cas de
crise, dans le but de contrer les Etats-Unis avec des attaques limitées
contre les moyens dont ils disposent dans l'espace". Cette littérature
chinoise est si abondante et précise que l'on comprend mal la
réaction finalement tardive et l'apparente surprise des Etats-Unis.
Il a d'ailleurs été confirmé qu'un satellite militaire américain avait
déjà été ébloui en septembre dernier par un laser chinois et que
plusieurs essais non convaincants de tirs de missiles ont précédé
le test réussi du 11 janvier. Toujours est-il que Pékin vient de
démontrer sa capacité à détruire une cible filant dans le ciel à plus
de 7 km/seconde grâce à un missile tiré du sol. Il s'agit là d'un défi
technologique bien plus difficile à relever qu'une destruction
résultant d'un rendez-vous orbital du satellite-tueur et du
satellite-cible, nous renseigne encore "Le Monde".
La Chine inquiète, les réactions s'enchaînent
Le 28 janvier, l'Inde via l'agence Press Trust of India annonce que
les forces indiennes ont lancé le processus de création d'un centre
de commandement de défense spatiale, sans préciser de délai pour
sa réalisation.
Le 31 janvier, le chef des forces aériennes de Tsahal a déclaré
qu'"Israël devra faire face à une possible menace contre ses intérêts
dans l'espace d'ici une dizaine d'années, et l'Etat doit s'y préparer
immédiatement". Dans la foulée, le 07 février, le Site Officiel de la
Chambre de Commerce France-Israël annonce qu'Israël serait sur
le point de lancer un satellite espion, capable notamment de
prendre des photos aussi bien de jour que de nuit, malgré une
mauvaise visibilité et des conditions météorologiques
défavorables. Le Commandant de l'Israël Air Force a par ailleurs
affirmé qu'"Israël a besoin d'être sûr qu'il sait à la fois comment créer
infrastructures spatiales et comment les protéger".
De leur côté, les Etats-Unis annoncent la mise en place de leur
bouclier anti-missile tandis que les services secrets américains
affirment fin janvier que l'Iran a modifié un de ses missiles balistiques
pour en faire un lanceur de satellites. Or l'Iran a affirmé avoir envoyé
avec succès une fusée dans l'espace dimanche 25 février. Une
dépêche du Monde du même jour indique qu'il semble que cette
fusée fasse partie du programme iranien destiné à placer des
satellites sur orbite. De 300 kilos. Cela signifierait qu'ils seraient aussi
capables de fabriquer des missiles balistiques intercontinentaux à
même de laisser tomber une charge explosive de la même masse sur
n'importe quel point du globe. Les experts pensent que le missile
iranien serait une copie d'un missile balistique nord-coréen, ce qui
serait un signe de la coopération technologique entre l'Iran et la
Corée du Nord, qui pourrait même s'étendre au nucléaire.
Pour parer à d'éventuelles attaques de ces deux pays, les Etats-Unis
invitent officiellement la République Tchèque et la Pologne à
accueillir respectivement une station radar et dix intercepteurs de
missiles pour compléter leur bouclier antimissile, ce qui suscite une
hostilité croissante à Moscou. Même si le directeur de l'Agence de
défense anti-missile américaine assure que ce programme est
uniquement destiné à contrer des "Etats voyous", tels la Corée du
Nord et l'Iran, et "ne vise pas la Russie", Moscou et Pékin dénoncent
une volonté américaine de domination et de relance de la course
aux armements.
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Concurrence
Si les Russes n'envisagent pas de se relancer dans une telle course,
les menaces de frappe sont réelles. Un article du Monde du
21 février confirme qu'Américains et Polonais ont beau s'efforcer
de convaincre les Russes que ces missiles ne sont pas dirigés contre
eux, la tâche promet d'être difficile. Le commandant en chef des
forces stratégiques russes a d'ailleurs prévenu que "si les
gouvernements polonais et tchèque prennent une telle décision, nos
forces stratégiques seront en mesure de pointer (des missiles) sur ces
installations". Comme en écho, Anton Orekh, chroniqueur de la
radio Echo de Moscou expliquait mardi 20 février
que "dans la conscience du Russe ordinaire, le
mot OTAN sonne presque comme une
injure tandis que l'Amérique reste
perçue comme l'ennemi ".
L'OTAN, justement. Dans
une dépêche de l'AFP du
16 mars, on peut lire que
le projet des Etats-Unis
d'étendre en Europe
centrale leur bouclier
antimissile national,
salué par l'hostilité
bruyante de la
Russie, a amené les
pays de l'Otan à
donner un coup
d'accélérateur à leur
réflexion sur un
système qui leur soit
propre. Alors que l'Otan
doit faire face à des
questions fondamentales
risquant d'altérer le climat
politique sur des airs de Guerre
Froide, faut-il faire valoir le
principe d'"indivisibilité" de la sécurité
de tous les Alliés ? Tous reconnaissent que
les négociations bilatérales en cours entre les
Etats-Unis d'une part, la Pologne et la République
Tchèque d'autre part, relèvent de la souveraineté des pays
concernés et non de l'Alliance atlantique.
La France et l'Europe : fonds manquants pour stratégie commune
Alors que les membres de l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques (Opecst) de l'Assemblée
Nationale estiment que l'Europe devrait adhérer à la seconde
course à l'espace qui serait en train de se lancer, ils émettent dans
un rapport le 7 février une série de cinquante recommandations
visant à revigorer la politique civile et militaire de l'Europe spatiale.
Le groupe parlementaire pointe du doigt les budgets croissants du
domaine spatial aux Etats-Unis, en Chine, en Inde et en Russie en
particulier. Ils y voient un indice de réutilisation des compétences
acquises dans le cadre de la guerre froide ou de concurrences
stratégiques sous forme d'applications commerciales ou militaires
multiples. Ils estiment aussi que les membres européens de l'OTAN
devraient se fixer pour objectif de rendre tous leurs systèmes
satellitaires de télécommunications inter-opérants
dans un délai de deux ans.
Au même moment, Michèle AlliotMarie, ministre de la Défense de la
France, explique lors de son
audition au Sénat que "le
niveau du budget militaire
spatial français de l'ordre de
450 millions d'euros par
an mériterait d'être
progressivement porté à
650 millions d'euros
par an, ce qui
permettrait, si d'autres
pays
européens
amplifient leur effort
dans ce domaine, de
doter l'Europe de
capacités
spatiales
militaires réellement
adaptées aux enjeux
actuels". Ce qu'elle
résume par "donnons plus
d'Espace à la Défense".
Une situation qui devrait
appuyer les discours de nos
parlementaires européens qui
s'étaient réunis au colloque de
l'Union
Européenne
Occidentale
organisé à Kourou en novembre 2006 sur le
thème "Espace, Sécurité et Défense". Ils avaient en
effet assuré qu'ils useraient de tous leurs pouvoirs pour sensibiliser
leurs gouvernements respectifs à l'importance d'une Europe unie
dans l'Espace, avec une stratégie commune impliquant une
nécessaire augmentation des budgets. (voir Latitude 5 n°74
d'octobre 2006, page 9) 4
Par Karol Barthelemy
Les Etats-Unis ont discrètement développé un éventail de moyens de défense
Les Etats-Unis, tout comme la Chine, ont travaillé à des lasers terrestres. Des documents budgétaires mis au jour par Theresa Hitchens,
directrice du centre pour l'information sur la défense, ont montré l'existence de recherche par l'armée sur des mini-satellites pesant
moins de 10 kg. Ces micro-satellites, souples à manœuvrer, seraient dotés "de technologies robotiques avancées qui pourraient
reconfigurer les fonctions du satellite à la demande ". "C'est comme si ces machines pouvaient être programmées pour prendre des
photos puis plus tard seraient capables de frapper ", note Mme Hitchens.
[L'Orient Le Jour - 12/03/2007].
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