CULTURE IN VITRO DES BOURGEONS AXILLAIRES DE CHÊNE
Transcription
CULTURE IN VITRO DES BOURGEONS AXILLAIRES DE CHÊNE
73 Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 2002, 141, 73-88 CULTURE IN VITRO DES BOURGEONS AXILLAIRES DE CHÊNE-LIÈGE (QUERCUS SUBER L.) I - Influence des cytokinines sur l’organogenèse et la callogenèse de nœuds de plantules (*) M. L. EL KBIACH (1) , A. LAMARTI A. BADOC ( 2 ) (1) , A. ABDALI (1) , Le débourrement in vitro des bourgeons axillaires de plantules de Chêne-liège a été abordé. L’influence de cytokinines ou de composés à activité cytokinine, seuls ou combinés aux auxines ou à l’AG3, sur l’induction des bourgeons, l’élongation des pousses feuillées et la formation des cals a été étudiée. Dans le milieu de culture WPM, additionné des microéléments et du mélange vitaminique MS, la BA à 4,5 µM favorise la caulogenèse. Son association à d’autres régulateurs de croissance ne permet pas une amélioration du taux de débourrement. En revanche, à 4,5 µM et combinée à 7 µM d’ANA, la callogenèse est importante. (*) (1) (2) Manuscrit reçu le 20 septembre 2001. Laboratoire de Biotechnologie et d'Amélioration des plantes, Département de Biologie, Faculté des Sciences M’hannech II, BP 2121, 93002 Tétouan, Maroc. [email protected] Laboratoire de Mycologie et Biotechnologie végétale, Faculté des Sciences Pharmaceutiques, Université Victor Segalen Bordeaux 2, 146, rue Léo Saignat, 33076 Bordeaux Cedex. [email protected] 74 INTRODUCTION Le Chêne-liège (Quercus suber L., Fagaceae) est une espèce endémique du bassin méditerranéen occidental présentant une plasticité écologique quant à la température et la pluviométrie. Il s’étale à cheval sur les bioclimats subhumide et semi-aride. Il occupe une place importante dans le patrimoine forestier marocain. La subéraie marocaine représente 20 % de la subéraie mondiale et 7 % de la forêt marocaine [23]. Au Maroc, le Chêne-liège est considéré comme essence noble par son écorce, matière première pour les agglomérés de liège et la bouchonnerie, son bois de bonne capacité calorifique et ses glands doux, comestibles et appréciés par le bétail [7]. De plus, l’arbre joue un rôle économique, social, écologique et récréatif de premier ordre, de sorte que les subéraies, au même titre que les cédraies, sont les premières forêts aménagées [4-5]. Comparé aux autres essences forestières, le Chêne-liège connaît ces dernières années un dépérissement prenant des proportions inquiétantes en Méditerranée Occidentale. La majorité des peuplements subéricoles sont âgés et le déliègeage répété accélère la mortalité des arbres [1]. Par ailleurs, si les travaux d’éclaircies et de subériculture se font sans gros problèmes, la régénération des peuplements est difficile, voire quasiment absente, en raison de facteurs anthropozoogènes [3]. Pour remédier à cette situation, des actions de reboisement à base de plants de qualité doivent être entreprises. La multiplication in vitro peut être d’un grand secours [8]. Dans ce travail, la régénération de plantes entières à partir de la micropropagation de bourgeons axillaires issus de plantules de Chêne-liège a été obtenue. L’influence des cytokinines seules ou associées à d’autres régulateurs de croissance sur la reprise et le développement des bourgeons en pousses feuillées a été étudiée. Des substances à propriétés cytokinine dérivées de l’urée, la diphénylurée et le thidiazuron, ont aussi été testées. 75 MATÉRIEL ET MÉTHODES Les glands proviennent d’un pied de Chêne-liège élite de plus de 50 ans et ont été fournis par le Centre de Conservation des Semences d’Ain Rami (Chefchaouen, Rif occidental, 560 m, 35°08’09’’N, 05°16’39’’W, pluviométrie moyenne de 1400 mm, bioclimat subhumide à hiver frais). Ils ont été récoltés en octobre 1999 et stockés dans des sachets de toile noire à l’obscurité et à 4 °C. Avant la mise en germination, les glands sont imbibés 48 heures à l’obscurité puis placés dans des sachets de toile ouverts renfermant de la tourbe, préalablement stérilisée à l’autoclave à 135 °C pendant une heure. Les sachets sont placés dans une salle climatisée à 26 °C et 75 % d’humidité relative. L’éclairement d’une intensité de 800 lux, est fourni 16 heures par jour par des tubes fluorescents de type blanc de luxe (Phillips - 40 W). Les cultures sont arrosées une fois par semaine par la solution minérale de Gautheret [15 ] additionnée du Fe-EDTA du milieu MS de Murashige et Skoog [27]. Pour prévenir les infections fongiques, on pulvérise en même temps une solution de Benlate à 2 %. Après trois mois, les plantules mesurent en moyenne une quarantaine de centimètres. Seuls les nœuds de la partie médiane des plantules à 10 cm de l’apex et 10 cm de la base ont été prélevés. Les pétioles des nœuds de 1 cm sont sectionnés à quelques millimètres de la tige afin de ne pas abîmer les bourgeons axillaires au cours de la désinfection. Les nœuds sont lavés à l’eau courante afin d’éliminer toute trace de produits phytosanitaires. Les explants sont stérilisés 20 minutes dans une solution aqueuse d’hypochlorite de calcium (120°) à 7 % contenant quelques gouttes de Tween 80, puis deux minutes par une solution aqueuse de chlorure mercurique à 0,1 %. HgCl2 est ensuite éliminé par trois rinçages successifs de cinq minutes à l’eau distillée stérile. Les macroéléments WPM de McCown et Lloyd [2 1 ] et les microéléments et vitamines MS ont été additionnés de 0,7 % d’agar, 3 % de saccharose et 100 mg/l de méso-inositol. L’adénine, la BA (6-benzyladénine), la kinétine, la zéatine, la DPU (diphénylurée) et le TDZ (thidiazuron, Dropp®) ont été testés. La BA a été testée seule ou combinée à l’ANA (acide 2-naphthalène acétique), l’AIB (acide indole 3-butyrique), l’AIA (acide indole 3-acétique) ou l’AG3 (acide gibbérellique 3). Le pH des milieux est ajusté à 5,5-5,8 avant stérilisation 20 minutes à 120 °C. 76 Les explants sont disposés verticalement à la surface des milieux nutritifs dans des tubes à essais (18 x 180 mm) à raison d’un bourgeon par tube. Ces derniers, contenant 15 ml de milieu, sont bouchés par du coton hydrophile, puis recouverts d’une feuille d'aluminium. Les cultures sont placées dans une chambre climatisée à 26 °C pourvue de tubes "Phillips-40W" assurant un éclairement de 2000-2500 lux. La photopériode est de 16 heures de lumière par jour. Trente explants ont été utilisés pour chaque expérience et les résultats sont la moyenne de trois répétitions. Pour évaluer le développement des explants, les critères suivants ont été retenus : - Pourcentage d’explants caulogènes : nombre d’explants formant des pousses feuillées relativement au nombre total d’explants - Pourcentage d’explants callogènes : nombre d’explants formant des cals entourant le bourgeon relativement au nombre total d’explants - Longueur moyenne des bourgeons (cm) - Nombre moyen de bourgeons par explant - Morphologie des cals : taille, friabilité et couleur. RÉSULTATS L'effet de différentes concentrations (2 ; 4 ; 4,5 et 7 µM) d’adénine, de trois cytokinines (BA, kinétine et zéatine) et de deux composés à activité cytokinine (diphénylurée et TDZ) sur l'induction et le développement des bourgeons axillaires de Chêne-liège après 4 semaines de culture est résumé dans le Tableau I. La BA est favorable à l'induction des bourgeons axillaires (Photos 1 et 2). Un maximum de 86 % de caulogenèse a été enregistré à 4,5 µM. La longueur moyenne des bourgeons est alors maximale (0,44 cm). Les bourgeons sont généralement vert foncé et ne s’accompagnent pas de cal. La kinétine donne des taux de bourgeonnement relativement faibles. Un maximum de débourrement est observé à 4 et 4,5 µM (36 %). La longueur moyenne des bourgeons reste faible et pratiquement inchangée. Les bourgeons développent des feuilles étroites chlorophylliennes et la callogenèse est absente. 77 Tableau I : Influence de 3 cytokinines, de l'adénine et de 2 composés dérivés de la phénylurée (DPU et TDZ) sur le développement des bourgeons axillaires des nœuds de plantules de Chêne-liège après 4 semaines de culture (n = 30, 3 répétitions) Phytohormone (µM) BA Kinétine Zéatine Adénine DPU TDZ Pourcentage de nœuds Nombre moyen de bourgeons par nœud Longueur moyenne des bourgeons (mm) Caulogènes Callogènes 2 45,5 0 1,41 ± 0,13 1,5 ± 0,3 4 61,8 0 1,44 ± 0,16 1,5 ± 0,8 4,5 86,1 0 1,52 ± 0,21 4,4 ± 0,3 7 57,1 0 1,32 ± 0,17 2,5 ± 0,3 2 27,3 0 1,14 ± 0,10 1,2 ± 0,2 4 35,3 0 1,15 ± 0,14 1,0 ± 0,1 4,5 36,4 0 1,13 ± 0,11 1,0 ± 0,2 7 23,5 0 1,13 ± 0,09 1,0 ± 0,1 2 25,8 74,2 1,12 ± 0,11 1,6 ± 0,5 4 32,3 67,7 1,18 ± 0,12 1,6 ± 0,5 4,5 58,8 41,2 1,13 ± 0,10 2,0 ± 0,2 7 37,5 54,2 1,15 ± 0,10 4,1 ± 0,6 2 20,0 80,0 1,10 ± 0,12 1,6 ± 0,8 4 16,7 78,9 1,10 ± 0,09 1,6 ± 0,1 4,5 15,6 71,6 1,12 ± 0,10 2,5 ± 0,1 7 14,5 65,7 1,13 ± 0,08 1,4 ± 0,1 2 10,0 0 1,10 ± 0,08 1,0 ± 0,2 4 6,7 0 1,10 ± 0,05 1,0 ± 0,1 4,5 6,7 0 1,10 ± 0,04 1,0 ± 0,1 7 3,4 0 1,10 ± 0,03 1,0 ± 0,1 2 26,7 63,3 1,18 ± 0,11 1,7 ± 0,5 4 16,7 66,0 1,11 ± 0,08 1,7 ± 0,1 4,5 10,0 73,1 1,10 ± 0,06 1,7 ± 0,2 7 7,7 91,4 1,12 ± 0,05 1,6 ± 0,1 BA : Benzyladénine DPU : Diphénylurée TDZ : Thidiazuron 78 La zéatine donne un meilleur pourcentage de caulogenèse à 4,5 µM (59 %). La longueur moyenne des bourgeons augmente avec la concentration jusqu'à atteindre 0,4 cm à 7 µM. La chlorose apparaît sur tous les bourgeons et s'accentue après la deuxième semaine de culture. Le maximum de callogenèse est observé à 2 µM (74 %) et le minimum à 4,5 (41 %). Le cal est généralement blanc, compact, dur et peu développé. En présence d'adénine, le débourrement des bourgeons axillaires est très faible (maximum de 20 % à 2 µM) et au fur et à mesure que la concentration augmente, le pourcentage de caulogenèse diminue. De même, la longueur moyenne des bourgeons ne dépasse pas 0,25 cm à 4,5 µM. Les bourgeons ont, en général, un aspect vert clair et jaunissent après 3 semaines de culture. Après une semaine de culture, des boursouflures tassées les unes contre les autres apparaissent autour du pétiole entourant ainsi le bourgeon axillaire. Elles évoluent ensuite pour produire un cal chlorophyllien. La callogenèse est importante à 2 µM (80 %) et tend à diminuer avec la concentration. Les cals sont peu développés et d’aspect vert, compact et dur. La diphénylurée donne un pourcentage négligeable de caulogenèse. La longueur moyenne des bourgeons reste faible et inchangée. Les bourgeons jaunissent et se nécrosent après deux semaines. On n’a pas de callogenèse. Avec le thidiazuron (TDZ), le taux de caulogenèse est faible et passe de 27 % à 2 µM à 7 % à 7 µM. Les bourgeons sont jaunes et courts. Le pourcentage de callogenèse est important et augmente avec la concentration (maximum de 91 % à 7 µM). Le cal est vert, compact et peu développé. La BA apparaît la mieux adaptée au débourrement des bourgeons axillaires du Chêne-liège. Cette cytokinine a donc été retenue pour les essais ultérieurs. L'effet de la BA (4,5 µM) associée à une auxine (ANA, AIB ou AIA) à différentes concentrations (0 ; 0,5 ; 2,5 ; 5 et 7 µM) ou à l'AG3 (0 ; 0,29 ; 1,44 et 2,89 µM) a été testé sur l'induction et le développement des bourgeons axillaires de Chêne-liège. Les résultats après 4 semaines de culture sont consignés dans le Tableau II. L'ANA a un effet d’autant plus inhibiteur sur la caulogenèse que sa concentration est élevée (Photo 3). Les bourgeons sont généralement vert foncé et leur longueur moyenne diminue aux fortes doses. L’ANA favorise manifestement la callogenèse, maximale à 7 µM (93 %). Les cals à la base de l’explant sont vigoureux, blancs, compacts, friables et peuvent atteindre un diamètre d’1,1 cm (Photos 3 et 4). 79 Tableau II : Influence de la BA (4,5 µM) associée à une auxine (ANA, AIB et AIA) ou à l'AG3 à différentes concentrations sur le développement des bourgeons axillaires des nœuds de plantules de Chêne-liège après 4 semaines de culture (n = 30, 3 répétitions) Auxine (µM) Pourcentage de nœuds Caulogènes Nombre moyen de bourgeons par nœud Longueur moyenne des bourgeons (mm) Callogènes Témoin 0 86,1 0 1,52 ± 0,21 4,4 ± 0,3 ANA 0,5 2,5 5 7 60,0 36,7 13,3 6,7 40,0 60,0 86,7 93,3 1,43 ± 0,18 1,40 ± 0,16 1,34 ± 0,15 1,10 ± 0,06 3,2 ± 0,1 2,5 ± 0,8 2,7 ± 0,5 2,1 ± 0,1 AIB 0,5 2,5 5 7 53,3 30,0 11,1 11,1 46,7 46,7 77,9 69,4 1,35 ± 0,16 1,21 ± 0,13 1,12 ± 0,09 1,10 ± 0,08 3,5 ± 0,8 3,2 ± 0,8 2,5 ± 0,1 2,5 ± 0,1 AIA 0,5 2,5 5 7 33,3 23,3 23,3 10,3 65,5 66,7 65,0 61,7 1,14 ± 0,11 1,12 ± 0,10 1,11 ± 0,10 1,10 ± 0,07 2,3 ± 0,3 2,3 ± 0,6 2,2 ± 0,1 2,1 ± 0,7 AG3 0,29 1,44 2,89 61,3 53,3 46,7 0 0 0 1,42 ± 0,18 1,31 ± 0,14 1,18 ± 0,12 3,7 ± 0,2 2,7 ± 0,5 2,4 ± 0,9 AIA : Acide indolacétique AIB : Acide indolbutyrique AG3 : Acide gibbérellique BA : Benzyladénine ANA : Acide naphtalène acétique Les fortes doses d'AIB inhibent aussi la caulogenèse : le taux et la longueur moyenne des bourgeons débourrés diminuent de 0,5 à 7 µM d’AIB. Ces bourgeons sont d’abord vert clair puis deviennent jaunes après la troisième semaine de culture. 80 1 2 3 4 Planche 1 : Influence des régulateurs de croissance sur le développement des bourgeons axillaires du Chêne-liège. 1 : Bourgeon axillaire après 30 jours de culture sur le milieu WPM additionné de 2 µM de BA. 2 : Bourgeon axillaire bien développé après 30 jours de culture sur le milieu WPM additionné de 4,5 µM de BA. 3 : Cal après 30 jours de culture sur le milieu WPM additionné de 4,5 µM de BA et 7 µM d’ANA. 4 : Bourgeon axillaire après 30 jours de culture sur le milieu WPM additionné de 4,5 µM de BA et de 7 µM d’ANA. Un cal friable est ici formé à la base de l’explant, mais non du bourgeon. 81 L'AIB induit la callogenèse, maximale (78 %) à 5 µM. Les cals sont blancs, compacts et friables. Les diamètres des cals restent faibles comparés à ceux obtenus en présence d'ANA. L’AIA a aussi un effet inhibiteur marqué sur la caulogenèse aux fortes doses. Le maximum de débourrement (33 %) est obtenu à 0,5 µM. Les bourgeons jaunissent et se nécrosent après la troisième semaine de culture. Leur longueur moyenne est relativement insensible à la variation de concentration. Des pourcentages importants de callogenèse ont été enregistrés pour toutes les concentrations d’AIA. Les cals néoformés sont de taille moyenne (diamètre de 0,4 à 0,7 cm), blancs, compacts et friables. Le pourcentage de bourgeonnement diminue avec la concentration en AG3. À 0,29 µM, le pourcentage reste appréciable (61 %). Les bourgeons sont légèrement hyperhydriques et leur longueur moyenne tend à diminuer aux fortes concentrations. On n’a pas de callogenèse. DISCUSSION ET CONCLUSION Dans ce travail, différentes cytokinines ont été comparées pour leur effet sur le débourrement des bourgeons axillaires de Chêne-liège. Un pourcentage élevé d’explants caulogènes a été obtenu en présence de BA. Les autres cytokinines (kinétine ou zéatine) réduisent le développement des bourgeons, ce qui est en accord avec d’autres auteurs pour divers Chênes [6,9,18,33,43]. L’addition de BA au milieu de culture stimule la formation de bourgeons à 4,5 µM. Le taux de bourgeonnement atteint 86 %, alors que les faibles et les fortes doses diminuent le nombre de bourgeons débourrés et agissent négativement sur leur développement ultérieur. Nos résultats sont concordants avec d’autres travaux sur le Chêne-liège [2,29,33 ]. Divers auteurs [14,28,35-37,44-45] ont aussi utilisé pour d’autres Chênes la BA à 4,5 µM. Cependant, Schwarz [38 ] considère que les cytokinines ont peu d’influence sur les explants de Quercus rubra. Récemment, Puddephat et al. [3 2 ] ont testé sur le milieu GD [1 7 ] l’effet de la BA à plusieurs concentrations (0 ; 0,44 ; 0,88 ; 1,76 ; 2,64 ; 3,52 et 4,4 µM) sur le débourrement des bourgeons axillaires de Quercus robur et n’ont pas observé de différence significative. 82 Les concentrations de BA permettant un débourrement de bourgeons chez les Chênes peuvent être nulles, faibles ou élevées. Pour Manzanera et Pardos [19], la présence de BA dans le milieu est indispensable pour l’initiation et le développement des bourgeons de Quercus suber. Cependant, Volkaert et al. [46 ] ont pu propager Quercus petraea sur le milieu WPM dépourvu de régulateur de croissance, mais contenant du charbon actif. À 0,2 µM de BA, Gebhardt et al. [16] ont obtenu un pourcentage élevé de caulogenèse chez Quercus petraea sur le milieu GD additionné de 20 g/l de saccharose. Toujours sur le milieu GD et en présence de 0,44 µM de BA, San-José [ 34 ] et Marks [20 ] ont obtenu le débourrement des bourgeons axillaires de Quercus robur. Juncker et Favre [18] ont obtenu un meilleur débourrement des bourgeons de Quercus robur sur MS dilué de moitié additionné de 0,44 µM de BA. Pevalek-Kozlina et Jelaska [31] ont obtenu un débourrement des bourgeons apicaux et axillaires de Quercus robur sur le milieu GD additionné de 0,9 µM de BA. Ces mêmes auteurs [30 ] ont obtenu 100 % de caulogenèse chez Quercus robur et Q. petraea cultivés sur le milieu ACM (Aspen Culture Medium) en présence de 2,2 µM de BA. Cette concentration permet le débourrement des bourgeons apicaux et axillaires de Quercus robur cultivés sur GD et WPM [22]. Deidda et al. [12] ont observé un débourrement des bourgeons de Chêne-liège sur le milieu Durzan [13 ] additionné de 10 µM de BA. Néanmoins, Favre et Juncker [14 ] ont obtenu chez Quercus robur une croissance anormale des bourgeons et une callogenèse sur MS dilué de moitié et additionné de concentrations de BA supérieures à 4,4 µM. De même, Ostrolucka et Bezo [28 ] ont montré chez plusieurs Chênes que l’augmentation de la concentration en BA (8,8 µM) aboutit à des bourgeons anormaux ou au développement de cals qui couvrent l’explant, empêchant le bourgeon de se développer. La BA seule aux concentrations utilisées (Tableau I) ne donne pas de cals autour des bourgeons. Elle a cependant permis des taux importants de callogenèse à partir des nœuds de Quercus robur cultivés sur le milieu GD surtout à 1 µM (91,6 %), avec des cals compacts et nodulaires [31]. Chez le Chêne-liège, l’effet de l’adénine et de la diphénylurée est étudié pour la première fois, mais la caulogenèse n’est pas améliorée. Cependant, Chalupa [10] a montré qu’en présence d’adénine les bourgeons de Quercus robur sont bien développés. 83 De même, c’est la première fois qu’on obtient chez Quercus suber des cals à partir de nœuds en présence du thidiazuron, mais le pourcentage de débourrement diminue, en concordance avec les résultats de Chalupa [10] chez Quercus robur. Des résultats similaires ont été observés chez Phaseolus lunatus [25,26]. Une faible caulogenèse a été obtenue alors que chez Quercus muehlenbergii, Vyapari et Khatamian [47] n’ont pas observé sur le milieu WPM de production de bourgeons axillaires. Les travaux de Skoog [42 ] et Miller et Skoog [24 ] ont mis en évidence un effet inhibiteur des auxines sur le développement des bourgeons. Cependant, Chalupa [9] a montré que l’addition de faibles concentrations d’auxines (AIB ou ANA à 0,25-0,5 µM) n’affecte pas significativement le débourrement des bourgeons de Quercus robur. En combinant la BA avec l’ANA, l’AIB ou l’AIA, on observe une diminution du pourcentage de caulogenèse avec l’augmentation de la concentration en auxine. Nos résultats ne contredisent pas ceux de Schwarz et Schlarbaum [39] qui ont cultivé des bourgeons axillaires de Quercus alba, excisés de plantules de 3 mois, en présence de BA (0,044 ; 0,44 ; 4,44 et 44,4 µM) combinée à l’ANA (0 ; 0,001 et 10 µM) et ont observé un maximum de débourrement avec 4,44 µM de BA additionnée ou non de 0,001 µM d’ANA (100 % et 72 % respectivement). Parmi les auxines testées en combinaison avec la BA, l’ANA donne les meilleurs pourcentages de callogenèse (87 et 93 % à 5 et 7 µM). La combinaison ANA/BA est employée couramment pour l’induction de cals. Ainsi, chez Quercus rubra, Seckinger et al. [40,41] ont obtenu un cal dense jaune-blanc et nodulaire se développant à la périphérie des segments de tige cultivés pendant un mois sur un milieu MS modifié contenant ces deux phytohormones. Récemment [11], des entre-nœuds de Quercus robur ont été cultivés à l’obscurité sur le milieu MS additionné d’hydrolysat de caséine (0,5 g/l), de saccharose (30 g/l), de BA (2,2 ; 4,5 et 8,9 µM) et d’ANA (5,37 ; 10,74 et 21,48 µM) ou d’AIB (4,92 ; 9,84 et 19,68 µM). Après deux semaines de culture, 90 à 100 % des explants sont devenus callogènes, surtout en présence d’ANA. Les cals blancs deviennent chlorophylliens après transfert à la lumière. L’addition, pour la première fois chez le Chêne-liège, d’AG3 au milieu de culture, a un effet inhibiteur sur la caulogenèse des nœuds. De plus, elle n’a pas permis une élongation des bourgeons, ce qui est en accord avec les résultats obtenus chez Quercus robur par San-José et al. [35]. 84 RÉFÉRENCES 1- Bakry (M.), Abourouh (M.) - Nouvelles données sur le dépérissement du Chêne-liège (Quercus suber L.) au Maroc. - Ann. Rech. For. Maroc, 1996, 29, 24-39. 2- Belaizi (M.), Boxus (P.) - In vitro shoot multiplication of cork oak (Quercus suber L.). Influence of different carbohydrates. - Bull. Rech. Agron. Gembloux, 1995, 30(1-2), 39-46. 3- Belghazi (B.), Ezzahiri (M.), Qarro (M.), Sabir (M.) - Bilan de sept années de culture sur la régénération naturelle du Chêne-liège au Moyen Atlas oriental (Bab Azhar). - Ann. Rech. For. Maroc, 1995. Actes de l’atelier sur le sylvo-pastoralisme, E.N.F.I., Salé (Maroc), 25-28 octobre. 4- Benabid (A.) - Les écosystèmes forestiers, préforestiers et steppiques du Maroc : diversité, répartitions géographiques et problématiques posées par leur aménagement. - For. Medit., 1985, 7(1), 53-64. 5- Benabid (A.) - Écologie, conservation et restauration des subéraies. Session de formation continue sur le liège. E.N.F.I., Salé (Maroc), 1989, p 1-16. 6- Bennett (L.K.), Davies (F.T.Jr.) - In vitro propagation of Quercus shumardii seedlings. - HortScience, 1986, 21(4), 1045-1047. 7- Boudy (P.) - Économie forestière Nord Africaine. Tome 2, Fascicules I et II. Paris : Édition Larose, 1950, 878 p. 8- Bougacha (A.) - Initiation aux nouvelles biotechnologies et en particulier la culture in vitro. Application au Chêne-liège (Quercus suber L.) et au Pin d’Alep (Pinus halepensis Mill.). - Mémoire 3e cycle Eaux et forêts, 1992, E.N.F.I., Salé (Maroc), 95 p. 9- Chalupa (V.) - In vitro propagation of oak (Quercus robur L.) and Linden (Tilia cordata Mill.). - Biol. Plant., 1984, 26(5), 374-377. 10 - Chalupa (V.) - Large scale micropropagation of Quercus robur L. using adenine-type cytokinins and thidiazuron to stimulate shoot proliferation. - Biol. Plant., 1988, 30(6), 414-421. 11 - Cuenca (B.), San-José (M.C.), Martinez (M.T.), Ballester (A.), Vieitez (A.M.) - Somatic embryogenesis from stem and leaf explants of Quercus robur L. - Plant Cell Rep., 1999, 18(7-8), 538-543. 85 12 - Deidda (P.), Azzena (M.), Coinu (G.) - In vitro plantlet regeneration from Quercus suber L. seedlings. - Acta Hortic., 1988, (227), 393-395. 13 - Durzan (D.J.), Chafe (S.C.), Lopushanski (S.M.) - Effects of environmental changes on sugar, tannins and organized growth in cell suspension cultures of white spruce. - Planta, 1973, 113(3), 241-249. 14 - Favre (J.M.), Juncker (B.) - In vitro growth of buds taken from seedlings and adult plant material in Quercus robur L. - Plant Cell, Tissue Organ Cult., 1987, 8(1), 49-60. 15 - Gautheret (R.J.) - La culture des tissus végétaux. Techniques et réalisations. Paris : Masson et Cie, 1959, 863 p. 16 - Gebhardt (K.), Heineker (B.), Weisgerber (H.) - Stump sprouts: A valuable source for clonal propagation and germplasm preservation of adult sessile oak. - In Ahuja (M.R.) Woody Plant Biotechnology. New York : Plenum Press, 1991, p 341-343. 17 - Gresshoff (P.M.), Doy (C.H.) - Development and differentiation of haploid Lycopersicon esculentum (Tomato). - Planta, 1972, 107(2), 161-170. 18 - Juncker (B.), Favre (J.M.) - Long-term effects of culture establishment from shoot-tip explants in micropropagating oak (Quercus robur L.). Ann. Sci. For., 1994, 51(6), 581-588. 19 - Manzanera (J.A.), Pardos (J.A.) - Micropropagation of juvenile and adult Quercus suber L. - Plant Cell, Tissue Organ Cult., 1990, 21(1), 1-8. 20 - Marks (T.R.) - The role of the shoot apex in controlling rhizogenesis in vitro. - Plant Growth Regul., 1996, 20(1), 57-60. 21 - McCown (B.H.), Lloyd (G.) - Woody plant medium (WPM) - A mineral nutrient formulation for microculture of woody plant species. - HortScience, 1981, 16(3), 453 (Abstr. 394). 22 - Meier-Dinkel (A.), Becker (B.), Duckstein (D.) - Micropropagation and ex vitro rooting of several clones of late-flushing Quercus robur L. - Ann. Sci. For., 1993, 50(suppl 1), 319-322. 23 - M’Hirit (O.) - Le Chêne-liège au Maroc : Inventaire, caractérisation et conservation des ressources génétiques. - Rabat : A.E.F.C.S., 1995, 36 p. 86 24 - Miller (C.O.), Skoog (F.) - Chemical regulation of growth and organ formation in plant tissues cultured in vitro. - Symp. Soc. Exp. Biol., 1957, 11, 118-130. 25 - Mok (M.C.), Mok (D.W.S.), Armstrong (D.J.), Shudo (K.), Isogai (Y.), Okamoto (T.) - Cytokinin activity of N-phenyl-N’-1,2,3thiadiazol-5-ylurea (Thidiazuron). - Phytochemistry, 1982, 21(7), 1509-1511. 26 - Mok (M.C.), Mok (D.W.S.) - The metabolism of [14C]-thidiazuron in callus tissues of Phaseolus lunatus. - Physiol. Plant., 1985, 65(4), 427-432. 27 - Murashige (T.), Skoog (F.) - A revised medium for rapid growth and bio assays with tobacco tissue culture. - Physiol. Plant., 1962, 15(3), 473-497. 28 - Ostrolucka (M.G.), Bezo (M.) - Utilization of meristem cultures in propagation of oak (Quercus sp.). - Genet. Pol., 1994, 35(3), 161-169. 29 - Pardos (J.A.) - In vitro plants formation from stem pieces of Quercus suber L. - Colloq. Int. Cult. in Vitro Essences For., Fontainebleau 31 août - 4 septembre 1981, AFOCEL, 1981, p 186-190. 30 - Pevalek-Kozlina (B.), Jelaska (S.) - In vitro growth and development of oaks (Quercus robur and Q. petraea). - Acta Bot. Croat., 1986, 45, 55-61. 31 - Pevalek-Kozlina (B.), Jelaska (S.) - The regeneration ability in common oak (Quercus robur L.) callus cultures. - Acta Pharm. (Zagreb), 1995, 45(2, suppl. I), 165-398. 32 - Puddephat (I.J.), Alderson (P.G.), Wright (N.A.) - Influence of explant source, plant growth regulators and culture environment on culture initiation and establishment of Quercus robur L. in vitro. - J. Exp. Bot., 1997, 48(309), 951-962. 33 - Romano (A.), Noronha (C.), Martins-Loução (M.A.) - Influence of growth regulators on shoot proliferation in Quercus suber L. - Ann. Bot. (London), 1992, 70(6), 531-536. 34 - San-José (M.C.) - Influencia de la situación del explanto en la planta y del tamaño del tubo de cultivo en la multiplicación in vitro de Quercus robur L. - Phyton (Buenos Aires), 1986, 46(1), 33-38. 35 - San-José (M.C.), Vieitez (A.M.), Vieitez (E.) - Establecimiento y multiplicación in vitro de brotes del género Quercus. - Phyton (Buenos Aires), 1985, 45(1), 31-40. 87 36 - San-José (M.C.), Ballester (A.), Vieitez (A.M.) - Factors affecting in vitro propagation of Quercus robur L. - Tree Physiol., 1988, 4(3), 281-290. 37 - San-José (M.C.), Vieitez (A.M.), Ballester (A.) - Clonal propagation of juvenile and adult trees of sessile oak by tissue culture techniques. Silvae Genet., 1990, 39(2), 50-55. 38 - Schwarz (O.J.) - Plant growth regulator effects in the in vitro propagation of three hardwood tree genera. - Plant Growth Regul., 1987, 6, 113-135. 39 - Schwarz (O.J.), Schlarbaum (S.E.) - Axillary bud proliferation of 2 North American oak species: Quercus alba and Quercus rubra. - Ann. Sci. For., 1993, 50(suppl 1), 340-343. 40 - Seckinger (G.R.), McCown (B.H.), Struckmeyer (B.E.), Durbin (R.D.) - Production and rapid multiplication of organoids from callus cultures of Quercus rubra L. (red oak). - HortScience, 1978, 13(3), 355. 41 - Seckinger (G.R.), McCown (B.H.), Struckmeyer (B.E.) - Production of anomalous structures in Quercus rubra L. callus cultures. - Am. J. Bot., 1979, 66(8), 993-996. 42 - Skoog (F.) - Growth and organ formation in Tobacco tissue culture. Am. J. Bot., 1944, 31, 19-24. 43 - Vieitez (A.M.), San-José (M.C.), Vieitez (E.) - In vitro plantlet regeneration from juvenile and mature Quercus robur L. - J. Hortic. Sci., 1985, 60(1), 99-106. 44 - Vieitez (A.M.), Pintos (F.), San-José (M.C.), Ballester (A.) - In vitro shoot proliferation determined by explant orientation of juvenile and mature Quercus rubra L. - Tree Physiol., 1993, 12(2), 107-117. 45 - Vieitez (A.M.), Sanchez (C.M.), Juan (A.M.B.), Ballester (A.) Forced flushing of branch segments as a method for obtaining reactive explants of mature Quercus robur trees for micropropagation. - Plant Cell, Tissue Organ Cult., 1994, 37(3), 287-295. 46 - Volkaert (H.), Schoofs (J.), Pieters (A.), De Langhe (E.) - Influence of explant source on in vitro axillary shoot formation in oak seedlings. Tree Physiol., 1990, 6(1), 87-93. 47 - Vyapari (S.), Khatamian (H.) - Axillary shoot regeneration in chinkapin oak. - HortScience, 1994, 29(5), 515 (Abstr. 586). 88 ABSTRACT In vitro culture of axillary buds of cork oak (Quercus suber L.) I - Influence of cytokinins on the organogenesis and callogenesis of nodal segments of seedlings The in vitro induction and development of axillary buds excised from cork oak seedlings were tackled. The influence of cytokinins or cytokinin-like substances, alone or combined with auxins or GA3, was studied on induction, bud elongation, and callus formation. In WPM culture medium supplemented with MS micronutrients and vitamins, 4.5 µM BA improved caulogenesis. Its association to other growth regulators did not allow an improvement of the rate of axillary bud induction. On the other hand, the callogenesis was significant in presence of 4.5 µM BA combined to 7 µM NAA. Key-words: adenine, axillary bud, callogenesis, cork oak, diphenylurea, in vitro culture, thidiazuron. __________