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Les élections de novembre 2013
à New York City, dans le New
Jersey et en Virginie
CHRONIQUES
Américaines
N° 5
Novembre 2013
La
structuration
d’un
monde
multipolaire ne gomme pas la
prééminence des Etats-Unis sur la
scène internationale. Politiquement,
économiquement,
culturellement,
technologiquement,
militairement,
démographiquement : à maints
égards, l’hyperpuissance américaine
continue d’imprimer durablement sa
marque sur le cours du monde.
Cependant, depuis le début du siècle,
le pays est en proie au doute et fait
face à de multiples interrogations sur
la nature même de son modèle : ses
certitudes identitaires sont ébranlées
et des divisions profondes se sont
creusées au sein de la population.
Dans ce contexte de transformation
sociétale, l’Ifop a décidé de publier
régulièrement des notes d’analyse sur
la situation politique, économique et
sociale aux Etats-Unis, en exploitant
les données d’opinion disponibles :
sondages, intentions de vote, exit
polls…
Intitulées « Chroniques américaines »,
ces notes ont vocation à éclairer le
public français sur l’état du débat
outre-atlantique, tant reste valide la
vieille idée tocquevillienne, selon
laquelle le présent de l’Amérique
constitue un miroir de l’évolution à
venir de la société française.
Le 5 novembre 2013, trois scrutins ont eu lieu sur la côte
est des Etats-Unis : l’élection municipale à New York City et
les élections pour le poste de Gouverneur dans le New
Jersey et en Virginie.
Les cas de New York et du New Jersey ont polarisé
l'attention des observateurs politiques. Dans les deux cas,
les candidats élus ont emporté la victoire avec des marges
d’avance colossales rarement observées dans l’hexagone.
Le démocrate Bill de Blasio a conquis la mairie de NYC avec
un score de 73%, soit 49 points de plus que son adversaire
Joe Lhota (24%). Dans le Garden State, le républicain Chris
Christie a conservé le poste de Gouverneur qu'il occupe
depuis 2009 en étant plébiscité par 60% des électeurs, soit
un écart de 22 points avec son opposante, la démocrate
Barbara Buono.
A ces deux plébiscites, qui se sont réalisés chacun au profit
d’un camp politique différent, s’ajoute la victoire du
démocrate Terry McAuliffe en Virginie, Etat du sud dont la
longue tradition républicaine est remise en cause depuis
quelques années.
Bien que renvoyant à des configurations locales
spécifiques, ces trois scrutins apportent des éléments
d'information sur l’état de l’électorat américain et sur la
situation politique actuelle aux Etats-Unis, à mi-chemin
entre deux échéances majeures : un an après la réélection
de Barack Obama et douze mois avant les midterm
elections.
Déjà publiées
N°1 - Septembre 2008 : L’état de l’opinion américaine à un mois du scrutin présidentiel.
N°2 - Septembre 2010 : Les « midterm elections » 2010 aux Etats-Unis.
N°3 - Mai 2011 : Radiographie du Tea Party.
N°4 - Octobre 2012 : L’opinion publique américaine et l’élection présidentielle de 2012.
Connection creates value
1
I. L’élection municipale de New York City
A New York City, l’élection triomphale de Bill de Blasio vient clore deux décennies de gestion
républicaine.
Face au maire sortant David Dinkins, qui l’avait
battu de moins de 50 000 voix en 1989, Rudy
Giuliani développe en 1993 une campagne
électorale centrée sur l’aspect sécuritaire, en
promettant la « tolérance zéro » dès le premier
carreau brisé et le renforcement des moyens de
la police municipale, NYPD. Il devient le premier
maire républicain élu depuis John Lindsay en
1965. L’application de son programme est
plébiscité par les New Yorkais, qui constatent et
approuvent ses conséquences positives sur leur
qualité de vie. Times Square devient l’emblème
de cette transformation urbaine : sécurisé et rénové, l’ancien quartier des sex shops, peuplé de
prostituées et de toxicomanes, accueille l’implantation d’une boutique Disney et s’affirme comme le
cœur de l’attraction touristique.
New York City
Capitalisant sur ce bilan très concret, Rudy Giuliani est largement réélu (59%) en 1997 et devient le
premier républicain à entamer un second mandat de maire de New York depuis Fiorello LaGuardia en
1941. Au climax de sa popularité pour sa gestion des attentats du 11 septembre 2001, Rudy Giuliani,
surnommé « le Maire des Etats-Unis » par Oprah Winfrey et désigné « Person of the Year » par Time
en 2001, ne peut briguer un troisième mandat, en raison de la loi électorale.
Son successeur, l’homme d’affaires milliardaire Michaël Bloomberg est un ancien démocrate, qui
choisit l’étiquette du parti républicain pour éviter le processus des primaires. Elu en 2001 et 2005, il
supervise la reconstruction du World Trade Center et applique une politique conservatrice en
matière fiscale et économique, tout en donnant des gages à son électorat libéral : pro-choice,
favorable au mariage homosexuel, opposé aux armes à feu, il met en œuvre une politique
respectueuse de l’environnement et d’amélioration de la qualité de vie (interdiction du tabagisme
dans les lieux publics, mise en place d’un système calqué sur Velib…). Il impose une modification de
la loi sur le nombre de mandats consécutifs, afin de pouvoir se présenter une troisième fois devant
les électeurs... qui le réélisent en 2009.
Alors même qu’il avait accueilli la Convention républicaine de 2004 qui avait accordé l’investiture à
George W. Bush, Michaël Bloomberg se déporte sensiblement vers la gauche, quitte le parti
républicain en 2007 et soutient finalement la candidature de Barack Obama en 2012. Cette
trajectoire personnelle est emblématique de l'incapacité des Républicains à capitaliser durablement
sur les succès de Rudy Giuliani, pour acclimater la première ville du pays à un républicanisme bien
tempéré. Avec l’élection de Bill de Blasio, la ville revient dans le giron du parti démocrate, ce qui
signe la fin d’un cycle politique.
Dans ce cadre, le choix de Joe Lhota, ancien maire adjoint de Giuliani et président de la Metropolitan
Transportation Authority (MTA), pour porter les couleurs du parti républicain lors de l’élection
municipale de 2013 n’était sans doute pas le plus judicieux, tant le différentiel d’image entre les deux
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2
opposants est patent1 : 65% des personnes inscrites sur les listes électorales déclarent avoir une
bonne opinion de Bill de Blasio, contre seulement 29% pour Joe Lhota. Le démocrate surpasse
systématiquement son adversaire dans tous les indicateurs d’opinion. Il est perçu comme le meilleur
candidat pour « améliorer les écoles publiques » (65% contre 18%), « s’occuper des finances de la
ville » (45% contre 35%), « lutter contre la délinquance » (44% contre 35%) et « diriger la ville en cas
de crise » (56% contre 30% »). Ce décalage est extrêmement stable tout au long de la campagne
électorale : l’évolution des intentions de vote fait apparaître un écart entre les deux candidats
toujours supérieur à plus de 35 points.
L’évolution des intentions pour l’élection municipale de New York City 2013
100%
90%
80%
70%
60%
57%
60%
17%
18%
58%
55%
18%
18%
59%
65%
66%
22%
25%
71%
68%
67%
64%
23%
23%
68%
68%
24%
23%
52%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
19%
15%
Bill de Blasio (D)
21%
19%
Joe Lhota (R)
Lors du scrutin, Bill De Blasio obtient un score majoritaire dans toutes les catégories de la population
new-yorkaise, quels que soient le sexe, l’âge, l’ethnie, le niveau de diplôme, le niveau de revenus ou
la religion de l’électeur. Joe Lotha est majoritaire auprès d’une seule catégorie : les électeurs
républicains.
L’analyse cartographique du vote fait ressortir les lignes de force traditionnelle de la géographie
électorale new-yorkaise :

L’île de Staten Island, qui abrite 470 000 habitants, demeure le plus républicain des cinq
boroughs qui composent New York City et le seul dans lequel Joe Lotha réussit à devancer son
adversaire (53% contre 44%).

Le borough le plus peuplé, Brooklyn, semble partagé en deux. Une large bande nord-sud, qui
s’étend de Flatbush à Brighton Beach, est acquise aux républicains. Mais au global, sur
l’ensemble du territoire, 77% des habitants ont apporté leurs suffrages à Bill de Blasio.

La situation est identique dans le Queens, où le démocrate obtient un score de 70%. Les 4000
habitants de Breezy Point sur la péninsule sud ne compensent pas les gros bataillons d’électeurs
noirs qui résident à Jamaïca, où le vote en faveur du candidat démocrate dépasse les 90%.
1
Sondage Wall Street Journal - NBC 4 - Marist Poll réalisé par téléphone auprès d’un échantillon de 1216
personnes représentatif de la population new-yorkaise âgée de 18 ans et plus, les 15 et 16 septembre 2013.
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3

Le résultat de Bill de Blasio s’établit à 72% à Manhattan. Le sud de l’île, de Chinatown à Chelsea,
lui apporte son soutien. Mais les scores les plus importants et les plus homogènes sont à relever
au nord, à Harlem et Washington Height. Le vote républicain se concentre dans les quartiers
résidentiels des catégories les plus fortunées : l’upper east side, entre Murray Hill au sud et
Carnegie Hill au nord, et sur le pourtour sud de Central Park (approximativement du Plaza Hotel
à Columbus Circle).

Enfin, dans le Bronx, le score de Bill de Blasio s’élève à 88% : il réalise sa meilleure performance
sur cette terre historique des démocrates.
La répartition géographique du vote lors l’élection municipale de New York City 20132
2
Données issues du sondage sorties des urnes « The Election Day poll ». Les interviews ont été réalisées par
Edison Research auprès de 2122 électeurs à la sortie de 40 bureaux de vote choisis au hasard sur l’ensemble
du territoire municipal le 5 novembre 2013. Carte : New York Times.
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4
II. L’élection au poste de gouverneur du New Jersey
New Jersey
Dans le New Jersey, en obtenant une large
réélection, le gouverneur républicain sortant
Chris Christie accroît son implantation. En 2009,
il s’était imposé face au sortant Jon Corzine avec
une courte avance (48% contre 45%). En 2013, il
distance de 22 points son opposante,
améliorant ainsi son score de 12 points. Il
obtient la majorité absolue des suffrages dans la
plupart des territoires de l’Etat : seuls deux
comtés (counties) lui échappent (ceux d’Essex et
d’Hudson), contre 8 en 2009.
Cette performance est d’autant plus notable qu’elle intervient dans un Etat à forte tradition
démocrate. Le dernier candidat républicain à avoir emporté les Grands Electeurs du New Jersey est
George H. Bush lors de l’élection présidentielle de 1988. Bill Clinton, Al Gore et John Kerry ont tous
trois obtenu la majorité des suffrages dans le Garden State. Barack Obama y a recueilli 58% des voix
en 2012 et 57% en 2008. Les deux Sénateurs représentant l’Etat à Washington DC sont issus des
rangs du parti démocrate depuis 1982 et tous les candidats démocrates au Sénat depuis 2006 ont été
élus avec une avance de 10 points sur leurs adversaires. Depuis 1997, Chris Christie fait ainsi figure
d’exception en étant le seul candidat républicain à parvenir à se faire élire, comme le montre le
tableau suivant3.
Année
Election
Score du candidat Démocrate
Score du candidat Républicain
2013
Gouverneur
Buono
38%
60%
Christie
2013
Sénat
Booker
55%
44%
Lonegan
2012
Présidentielle
Obama
58%
41%
Romney
2013
Sénat
Menendez
58%
39%
Kyrillos
2009
Gouverneur
Corzine
45%
48%
Christie
2008
Présidentielle
Obama
57%
42%
McCain
2013
Sénat
Lautenberg
56%
43%
Zimmer
2006
Sénat
Menendez
53%
44%
Kean Jr.
2005
Gouverneur
Corzine
54%
43%
Forrester
Comment expliquer cette prouesse électorale ? Essentiellement par le bilan très positif qu’a su
construire Chris Christie. En janvier 2013, 73% des électeurs du New Jersey approuvent son action à
la tête de l’Etat4, notamment sa gestion de l’ouragan Sandy qui a dévasté New York et le New Jersey
le 29 octobre 2012. Véritable marqueur du premier mandat, le leadership de Chris Christie tout au
long de la crise liée à la tempête, depuis la préparation et la supervision des secours jusqu’à la
conduite des opérations de reconstruction, impressionne l’opinion publique locale et nationale. Le
« master of disaster » obtient la Une de Time le 9 janvier 2013 avec le titre « The Boss ». Il en tire une
3
4
Auparavant, la républicaine Christine Todd Whitman avait connu une situation identique. Première femme
élue gouverneur de l’Etat de 1993, elle a été réélue en 1997, avant de prendre la tête de l’Agence de
Protection Environnementale au niveau national en 2001.
Sondage The Fairleigh Dickinson University réalisé par téléphone auprès d’un échantillon de 700 électeurs
inscrits sur les listes électorales du 2 au 6 janvier 2013.
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5
popularité massive en forme d’avantage compétitif : au terme de sa campagne de réélection, il est
crédité de 59% d’opinions favorables contre seulement 31% pour son adversaire Barbara Buono,
encore mal identifiée par les électeurs (40% n’ont pas d’opinion d’elle). 58% des habitants accordent
leur confiance au sortant pour régler les principaux problèmes du New Jersey dans son second
mandat5.
A cette gestion technique maîtrisée s’ajoute une forte indépendance politique, incarnée par deux
gestes de communication forts effectués eux aussi durant l’épisode de la catastrophe climatique.
D’une part, Chris Christie s’oppose à son propre parti au niveau national, dont il dénonce l’attitude
qui consiste à freiner au Congrès le déblocage de crédits d’urgence pour le New Jersey. D’autre part,
il n’hésite pas à reconnaître publiquement le rôle du Président dans l’aide logistique et financière
apportée par l’Etat fédéral au New Jersey. Alors même que Barack Obama est à la toute fin de sa
campagne électorale de réélection, ce signe aurait pu être perçu comme une trahison vis-à-vis du
parti républicain et de son candidat, Mitt Romney.
Mais, loin de le desservir, ces deux actes lourds confortent le positionnement pragmatique de Chris
Christie et lui permettent d’élargir sa base électorale. Lors du scrutin6, il obtient un tiers des votes
des démocrates (soit une progression de 25 points depuis 2009) et deux-tiers des suffrages des
indépendants, tout en recueillant 93% des voix des électeurs républicains. Il devance la candidate
démocrate parmi les électeurs blancs (70%) et hispaniques (51%), même si l’électorat noir lui résiste
et demeure fidèle au parti démocrate (21% contre 78%). En termes générationnels, plus l’électeur
est âgé, plus il apporte son soutien à Chris Christie, qui fait quasiment jeu égal avec son opposante
parmi la tranche d’âge des moins de 30 ans (49% contre 51%), traditionnellement démocrate.
Avec cette réélection aisée, le gouverneur du New Jersey se positionne encore plus nettement dans
la course à la Maison Blanche et prend date pour 2016. A l'instar de François Hollande en 2011, il
s'est d’ailleurs engagé depuis un an dans un régime alimentaire drastique, mais prévient qu’il n’est
qu’à la moitié de son objectif…
III. L’élection au poste de gouverneur de Virginie
Virginie
5
6
Dans l’Etat de la Virginie, le Gouverneur sortant,
le républicain Bob McDonnell élu en 2010, était
dans l’impossibilité de se représenter : la loi
électorale de cet Etat interdit la réalisation de
deux mandats consécutifs, ce qui constitue une
exception dans l’Union. Une configuration
électorale assez atypique dans un pays marqué
par le bipartisme opposait les trois candidats
suivants : le républicain Ken Cuccinelli, Attorney
General de l’Etat, le démocrate Terry McAuliffe,
ancien directeur de campagne d'Hillary Clinton
en 2008 et le libertarien Robert Sarvis.
Sondage The Monmouth University Poll réalisé par téléphone auprès d’un échantillon de 1436 électeurs
potentiels (likely voters).
Données issues du sondage sorties des urnes « The Election Day poll ». Les interviews ont été réalisées par
Edison Research auprès de 2468 électeurs à la sortie de 40 bureaux de vote choisis au hasard sur l’ensemble
du territoire du New Jersey le 5 novembre 2013.
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6
Au final, le démocrate (48%) emporte l’Etat avec une courte avance sur le républicain (45%), tandis
que le troisième candidat obtient 6% des suffrages. Pour la première fois depuis 36 ans, le
gouverneur élu l’année après l’élection présidentielle est du même parti que le locataire de la
Maison Blanche.
Le nouveau gouverneur McAuliffe a bénéficié d’une évolution démographique favorable aux
démocrates déjà observée : en 2008, l’Etat avait voté pour Barack Obama, alors qu’il avait soutenu le
candidat républicain lors des dix précédentes élections présidentielles. Autrefois acquis au GOP,
notamment en raison d’une forte présence de l’industrie militaire, le Old Dominion State est
désormais considéré comme un swing state, un Etat bascule.
Au-delà des raisons sociologiques, le principal facteur de la défaite républicaine se situe dans les
fractures idéologiques du parti. L’exemple le plus frappant de ces divisions réside sans doute dans le
soutien apporté au candidat démocrate par Bill Bolling, le Lieutenant Gouverneur républicain, c’està-dire le numéro deux de l’Etat. En Virginie comme au niveau national, les modérés s’opposent aux
tenants d’un conservatisme radical. Ken Cuccinelli a ainsi perdu les suffrages de nombreux électeurs
républicains modérés en raison de sorties jugées trop sectaires. Par exemple, ses prises de position
appuyées contre le droit à l’avortement lui ont aliéné le soutien de l’électorat féminin : seules 42%
des femmes ont voté pour lui, soit 12 points de moins que pour le précédent candidat républicain en
2009. Plus généralement, son score7 auprès de la base républicaine reste très large (92%), mais en
retrait de 4 points par rapport à celui de son prédécesseur en 2009. Il accuse surtout un recul de 19
points parmi les indépendants (47%).
*
*
*
Quels enseignements tirer de ces trois élections ?
L’extrapolation au niveau national des conclusions issues de configurations électorales locales, dans
lesquelles l’équation personnelle des candidats pèse d’un poids déterminant, est un exercice
analytique qui atteint rapidement ses limites.
Toutefois, une leçon majeure traverse ces trois scrutins : l’intransigeance du parti républicain est
sévèrement sanctionnée électoralement. Au niveau national et local, le GOP s'est laissé entraîner
par sa fraction la plus droitière dans une surenchère avec le Tea Party pour incarner l’idéologie
conservatrice. Cette rivalité l'a conduit à se raidir sur une lecture à courte vue du reaganisme, réduit
à la défense des valeurs traditionnelles, tout en abandonnant l'objectif pratique de l'action politique.
Cela s’est traduit concrètement par le refus de tout compromis avec l'administration Obama, honnie
notamment pour sa réforme de l'assurance maladie vue comme anti-américaine.
Le récent shutdown, c’est-à-dire la fermeture de plusieurs services publics et administrations
fédérales consécutive au désaccord sur le budget 2014 entre le président et le Congrès, constitue le
point culminant de la radicalité de l’opposition républicaine. Dans ce face-à-face entre l’exécutif
démocrate et le législatif républicain, les Américains désignent clairement les Républicains comme
responsables du blocage (à hauteur de 53% contre 29% pour Barack Obama)8. Par un effet de
7
Données issues du sondage sorties des urnes « The Election Day poll ». Les interviews ont été réalisées par
Edison Research auprès de 2376 électeurs à la sortie de 40 bureaux de vote choisis au hasard sur l’ensemble
du territoire de Virginie le 5 novembre 2013.
8
Sondage ABC News/Washington Post réalisé par téléphone auprès d’un échantillon national représentatif de
1002 personnes, du 17 au 20 octobre 2013.
Connection creates value
7
bégaiement historique, l’opinion publique américaine porte un jugement identique à celui qu’elle
formulait il y a près de 20 ans lors du précédent shutdown9, comme le montre le graphique suivant.
La responsabilité du shutdown en 1995-1996 et 2013
60%
50%
53%
50%
40%
30%
27%
29%
20%
20%
15%
10%
0%
Le Président
Les républicains
Janvier 1996
Les deux
Octobre 2013
Dès lors, les perspectives pour les élections de midterm s’assombrissent pour le parti républicain, qui
détient la majorité à la Chambre des représentants. Dans un an, sa position de sortant l’empêchera
de profiter d’un effet de balancier comme en 2010. Toutefois, le succès de Chris Christie dans le New
Jersey offre au GOP une lueur d’espoir, en démontrant que sa base électorale est en mesure de
s'élargir, dès lors que la volonté de compromis et le pragmatisme politique l'emportent sur
l'intransigeance idéologique.
Frédéric Micheau
Directeur Adjoint
Département Opinion et Stratégies d’Entreprise
Ifop
20 novembre 2013
9
En octobre puis décembre 1995, un bras de fer de 27 jours avait opposé les Républicains emmenés par Newt
Gingrich à Bill Clinton, également à propos d’une réforme de santé, celle de Médicare c’est-à-dire l’assurance
santé des séniors. Bill Clinton avait su utiliser cet épisode pour restaurer sa popularité et se placer en position
favorable pour lancer la campagne qui a abouti à sa réélection en 1996.
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