David Pujadas, en direct
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David Pujadas, en direct
David Pujadas, en direct Bonjour hebdo a rencontré le présentateur vedette du journal télévisé de France 2, lors de son passage à Athènes au lendemain des élections législatives, le 26 janvier 2015. Grâce à la retransmission quotidienne par TV5 du journal télévisé de France 2, vous êtes le visage de la télévision française pour une grande partie du monde. Le vivez-vous comme une lourde responsabilité ? Non, ce n’est pas un poids, c’est un plaisir. C’est même un honneur parce que d’une certaine manière, j’ai l’impression de faire partie des meubles, du « salon France ». Où que je sois à l’étranger, en particulier dans les pays qui ont un lien avec la francophonie comme la Grèce, en Afrique ou en Asie, régulièrement des gens s’adressent à moi et c’est assez agréable. Ce n’est pas évident quand on est en France, mais quand on est à l’étranger on le ressent. L’ambassadeur de France à Athènes est passé nous voir pendant notre émission, très simplement, très gentiment, et c’était sympa de le voir. On se sent membre d’une communauté, c’est là qu’on réalise que la France et la francophonie, c’est une communauté. La francophonie, c’est un concept vraiment étrange pour les Français en France, mais les Français de l’étranger et les francophiles y sont très attachés. Quelle est votre sentiment ? On s’aperçoit que la francophonie et l’attachement à la langue française sont très importants. Vous avez l’impression d’être un lien un peu privilégié entre ceux qui vivent à l’étranger et la France, puisque c’est vous qui donnez les informations du pays. D’une certaine manière, il y a une confusion entre le messager et le message, entre le messager et le pays, j’ai l’impression presque d’être un ministre ou un académicien, c’est assez marrant. Au long de votre carrière, quelle est l’expérience qui vous a le plus marqué ? J’ai commencé à travailler il y a 27 ans. Le personnage qui m’a marqué, je l’ai réalisé des années après, c’est Roger Gicquel ! Il a été le premier, en 1975, à présenter le journal télévisé de 20h du lundi au jeudi, chaque semaine. Avant cette date, les présentateurs changeaient sans arrêt. Roger Gicquel, il avait toujours l’air de porter la misère du monde sur ses épaules. Quelqu’un a dit un jour « Quand un avion s’écrase quelque part, on a l’impression que c’est sur les « pompes » de Roger Gicquel ! » Il avait un côté très empathique et ma mère, qui regardait les informations à la télé à 8h pile, nous disait toujours « Taisez-vous, je veux entendre les gros titres avec Roger Gicquel ». Moi, j’ai entendu ça toute mon enfance et après j’ai compris, je me suis dit « qui est ce personnage si important qui passionne ma mère et que nous devons écouter en nous taisant ? Et si je faisais la même chose que lui ? » C’est peut-être pour ça que j’ai voulu faire ce métier. Est-ce que votre mère suit toujours avec passion les informations, maintenant que vous les présentez ? Oh oui, ma mère, si vous voulez lui parler, il ne faut jamais téléphoner entre 20h et 20h30, jamais ! Elle ne répond pas au téléphone, elle veut regarder son fils, toujours… Avez-vous l’impression que les gens ne perçoivent plus l’information de la même façon, comme à l’époque de Roger Gicquel ? Oui, ça a changé énormément. La télévision à l’époque, elle avait un côté magique. Je me souviens bien, en 1979, du premier direct avec la Chine, par exemple. Les présentateurs étaient là-bas pour faire un journal en direct et on s’émerveillait en France de voir ça. Aujourd’hui, l’information est complètement banalisée, le journal de 20h aussi. Il fait partie d’un univers de l’information qui est très diversifié avec une offre très concurrentielle. Il n’y a plus du tout la même magie qu’à l’époque et tant mieux. Le journal de 20h est disséqué, critiqué, analysé, mais c’est normal et le public ne le regarde plus avec les mêmes yeux amourachés qu’avant. Si vous regardez les journaux de l’époque, on a l’impression que c’était l’âge d’or de l’information. En fait, l’information est beaucoup plus rigoureuse aujourd’hui, beaucoup plus exigeante qu’à l’époque où finalement ils étaient les pionniers et pouvaient se permettre d’être un peu relâchés. Cela avait son charme aussi, mais je pense que l’info a gagné en qualité. Souvent on ne me croit pas quand je dis ça. Vous pensez que les sujets sont traités plus en profondeur, mieux analysés ? En réalité, l’information audiovisuelle est bien meilleure en qualité, en sobriété et en rigueur qu’elle ne l’était il y a quarante ans. Il faut revoir certains extraits de magazines mythiques comme « 5 Colonnes à la Une » : quand on regarde par exemple le premier numéro de l’émission sur le Djebel algérien, on se rend compte que tout avait été arrangé, recréé, mis en scène, a posteriori, une fois l’armée partie et les opérations militaires terminées. Cela ne choquait personne à l’époque et beaucoup de choses étaient comme ça. Dans des sujets sur des attentats, il y avait des ralentis, de la musique sur des victimes, des choses que l’on ne pourrait plus faire aujourd’hui. C’est encore un peu le cas à la télévision grecque. Est-ce que vous avez jeté un coup d’œil aux émissions grecques ? J’ai regardé un peu les soirées électorales, mais je n’ai pas tout compris. Je regardais surtout le niveau sonore des engueulades, mais en France aussi c’est un peu comme ça. Il ne faut pas avoir de complexes vis-à-vis du passé, en tout cas pour les télévisions. Quelles ont été les expériences qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ? Ce sont toujours les expériences de reportages qui sont les plus marquantes. J’ai été reporter pendant 6 ans, avant de commencer la présentation. J’ai fait la première guerre du Golfe côté Kurde, j’ai fait Sarajevo, j’ai fait la révolution roumaine, ce sont des expériences très fortes à vivre. Un pays en train de basculer comme la Roumanie ou ces Kurdes qui ont cru qu’ils allaient aller jusqu’à Bagdad et puis qui se sont fait balayer et qui sont remontés sur les montagnes, rien n’est plus fort que ces expériences-là. Evidemment comme présentateur, le 11 septembre c’est un événement très très fort, très impliquant. Ce qui s’est passé en France ces derniers jours aussi, on peut pleurer comme un enfant à l’antenne tellement on est bouleversé… ce sont des expériences fortes bien sûr mais rien ne vaut les expériences de reporter. Vous êtes à Athènes pour faire un direct sur les élections législatives. C’est une première pour vous ? Oui, et c’est même mon premier séjour ici. Auparavant, j’étais passé par Athènes pour aller dans les îles, mais fouler le sol d’Athènes c’est la première fois. Comment analysez-vous les résultats de ces élections ? Quelles sont les réactions en France sur cette vague rouge, ce printemps rouge ? D’un point de vue démocratique et politique, il se passe quelque chose de très important, parce que c’est la première fois que la colère contre l’austérité passe la barre du pouvoir et gagne une élection. C’est un signal très important pour toute l’Europe. Les répercussions, personne ne peut les prévoir, je ne suis pas Madame Soleil ! Je ne sais pas si Tsipras restera intransigeant, s’il sera fidèle à son programme… Je ne sais pas comment réagiront l’Euro groupe, les capitales européennes et le FMI. On ne sait pas si tous ceux qui ont voté pour Tsipras sont authentiquement Syriza ou si c’est un vote de protestation ou de ras-le-bol, mais quand les peuples expriment quelque chose, cela a toujours une répercussion sur les mentalités, ailleurs en Europe. Forcément, cela produira quelque chose en Allemagne, peut-être un divorce, mais peut-être aussi une inflexion. Après que vat-il se passer ? Une confrontation entre Berlin et Athènes, entre Bruxelles et Athènes, ou au contraire, comme toujours, va-t-on s’arranger, trouver la voie de la négociation ? Franchement, je ne sais pas, même si je penche plus pour la dernière solution. Il y a une formule que les journalistes emploient à tort et à travers « Rien ne sera plus comme avant », mais je pense que dans la définition des politiques d’austérité, d’une certaine manière, rien ne sera plus comme avant, il y aura davantage un retour d’expérience. Est-ce que vous avez ressenti cela depuis hier ? Ce que j’ai dit au cours du journal télévisé [le lundi 26 janvier, NDLR], c’est qu’il n’y a pas eu d’euphorie, il n’y a pas eu de raz-de-marée dans la rue, il n’y a pas eu d’explosion populaire, ni de joie, ni d’inquiétude. On a l’impression que les Grecs sont fatalistes et donc très prudents sur les lendemains de ce vote. Hier, il y avait 3 000 ou 4 000 personnes dans les rues, certains m’ont dit qu’il y avait moins de monde qu’à la manifestation de solidarité avec Paris pour Charlie Hebdo. Il n’y a pas eu d’engouement populaire à l’annonce des résultats, aujourd’hui tout était calme, personne ne dit « c’est le grand jour, c’est le grand soir, c’est la révolution, c’est le changement tant attendu ». Je pense que les Grecs sont un peu affaiblis et qu’ils attendent de voir pour le croire. Ils ont eu l’impression d’être face à un mur, que la solution était inéluctable mais qu’elle est très incertaine. Les médias français ont parlé de liesse populaire à Athènes, mais ce ne sont que des clichés. Est-ce que l’accueil des Grecs vous donne envie de revenir ? Oui bien sûr, ici à Athènes on sent une familiarité, un cousinage avec la France. Ce sont deux peuples qui ont des référents culturels un peu voisins, notamment la passion du débat. Les Grecs comme les Français sont des peuples intellectuels : la lecture de la presse, la discussion politique où on s’engueule facilement, où on aime bien mettre tout sur la table et parler de tout, voilà un grand cousinage avec la France.