analyse des anges musiciens sur le tableau Madone avec l

Transcription

analyse des anges musiciens sur le tableau Madone avec l
L’instrument dans l’iconographie musicale
Organologie médiévale, Licence 2
étudiant : LAVOINE Maxime
image : N°1 Madone avec l’Enfant entre Saint Nicolas et Sainte Catherine, 1395-1400 c.
peint par Gentile da Fabriano (vers 1370 – 1427)
huile sur toile ; 131 x 113
Berlin, Gemäldegalerie
partie gauche de l’image
Sommaire
SOMMAIRE ............................................................................................................................. 1
I] DOCUMENTATION GENERALE RELATIVE AU SUPPORT ................................... 2
II] PREMIER NIVEAU DE DESCRIPTION ....................................................................... 3
III] DEUXIEME NIVEAU DE DESCRIPTION : ................................................................ 4
A] IDENTIFICATION DE L’INSTRUMENT .................................................................................... 4
1) Classification ................................................................................................................. 4
2) Dates .............................................................................................................................. 4
3) Forme de l’instrument .................................................................................................... 4
4)Mécanique et Touches ..................................................................................................... 5
5) Le nom ............................................................................................................................ 6
6) Autres représentations ................................................................................................... 6
B] DESCRIPTION ICONOGRAPHIQUE DE LA SCENE .................................................................... 7
1) Rôle de l’orgue ............................................................................................................... 7
2) Amour et bonheur .......................................................................................................... 8
3) Un message populaire.................................................................................................... 8
4) Une période charnière ................................................................................................... 9
5) Un jeu de regards ........................................................................................................... 9
III] TROISIEME NIVEAU DE DESCRIPTION : ICONOLOGIE .................................. 10
1) Style général ................................................................................................................. 10
2) L’axe des regards entre la mère et son enfant ............................................................. 10
3) Les signes de doigts de l’Enfant................................................................................... 11
4) Conclusion ................................................................................................................... 12
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 13
SOURCES INTERNET ......................................................................................................... 13
TABLE DES ILLUSTRATIONS .......................................................................................... 14
I] Documentation générale relative au support
L
’œuvre analysée est une peinture de Gentile da Fabriano (Florence, v. 1370 –
Rome, 1427)
Représentant incontestable de l'art gothique tardif, Gentile da Fabriano
originaire des Marches (côte Est italienne) est le peintre le plus célèbre et le plus sollicité en
Italie pendant le premier quart du XVe siècle.
Cela est confirmé par ses voyages dans plusieurs villes d'Italie (Venise, Florence, Rome) où le
gothique cède peu à peu le pas aux premières expériences humanistes.
Ses élèves Pisanello ou Jacopo Bellini et Veneziano témoigneront aussi de sa célébrité.
En 1408 il s'installe à Venise et y réalise les fresques de la salle du Palais des Doges. A Rome
il réalise les fresques de Saint Jean de Latran (détruites).
En 1419, le peintre s’établit à Florence où commence à s’affirmer la génération de Donatello,
Ghiberti et Brunelleschi. Il propose alors une étonnante solution stylistique avec :
- utilisation du fond d’or ;
- multiplication des détails précieux ;
- technique d’exécution raffinée1.
Son oeuvre majeure est son Adoration des Mages (1423) qui avait été commandée par Palla
Strozzi – à l'époque l'homme le plus riche de Florence – pour l'église Santa Trinita.
Il est d'abord influencé par l'art des enlumineurs lombards et franco-flamands, mais ses
séjours à Venise, à Sienne, à Florence modifient profondément son style, faisant de lui un
précurseur de la Renaissance2.
Gentile se rend à Rome en 1427 pour peindre des fresques qu’il n’aura pas le temps de
terminer : il meurt au mois d’août de la même année.
La plus grande partie de son oeuvre a disparu.
Le titre du tableau Madonna con il Bambino i Santi Niccolo e Caterina, et un
Donatore pourrait se traduire par La Madone avec l’Enfant et Saint-Nicolas, Sainte-Catherine
et un Donateur. Pour information, la Madone est le mot qui désigne la Sainte Vierge en Italie.
Le culte de la Vierge Marie est essentiel dans la religion et le quotidien de l’homme médiéval
(le XIVe siècle est encore le Moyen-Age), et ce depuis au moins le XIIe siècle3. Il est
représenté ici par Fabiano, la Vierge Marie portant l’Enfant Jésus. C’est un hommage à
l’époque de peindre de tels tableaux sur le thème de la Vierge à l’Enfant.
Stefano Zuffi date plutôt cette œuvre de 1405, mais le musée, source plus fiable car
actualisée, la date d’entre 1395 et 1400.
« La peinture italienne du Quattrocento (XVe siècle) se caractérise avant tout par des
proportions savamment calculées : aucun aspect de la peinture ne prévaut nettement sur les
autres, chaque élément est en rapport avec le tout, et mêmes les expressions et les sentiments
semblent empreints d’une grandeur contrôlée. […] Les œuvres du XVe siècle sont encore
nimbées d’or, semées de gemmes et de fleurs, cela dans le droit fil du gothique tardif dont
Gentile da Fabriano est l’interprète le plus raffiné.4 »
1
Stefano Zuffi, La peinture italienne, traduit de l’italien par Silvia Bonucci et Claude Sophie Mazéas (Paris :
Gallimard, 1997).
2
Kersu, Gentile da Fabriano [en ligne], http://vidal-p.club.fr/gothique/international/fabriano/fabriano.htm
(consulté le 20 mai 2006).
3
Christian Brassy, Anges Musiciens du Moyen Age http://www.instrumentsmedievaux.org/articles/anges.pdf
(consulté le 1er juin 2006).
4
Stefano Zuffi, La peinture italienne, traduit de l’italien par Silvia Bonucci et Claude Sophie Mazéas (Paris :
Gallimard, 1997).
II] Premier niveau de description
Derrière les cinq personnages se dressent deux arbres aux fleurs d’or, dans lesquels
surgissent des anges, « tels des oiseaux »5. Ces anges tiennent et jouent des instruments :
- globalement à cordes à gauche, au-dessus de Saint Nicolas ;
- globalement à vent à droite, au-dessus de Sainte Catherine.
Dans chaque arbre, les anges musiciens se répartissent de la manière suivante :
- un ange musicien au centre ;
- deux anges musiciens en bas ;
- deux anges musiciens en haut ;
- un ange musicien à droite ;
- un ange musicien à gauche.
Nous nous concentrerons pour la présente étude sur l’ange du centre du feuillage de
l’arbre gauche.
Seul son buste est visible : haut du ventre, bras, ailes et tête surmontée d’une couronne.
Il s’agit de l’exception du groupement, car il tient un instrument qui ne possède pas de cordes.
On voit l’ange appuyer un doigt de sa main droite (son pouce ou son auriculaire) sur un
clavier. Au-dessus de ce clavier se dressent plusieurs tuyaux, longs à gauche et plus courts à
droite, lesquels tuyaux sont soutenus grâce à deux « planches » de chaque côté et une barre
oblique longeant l’ensemble des tuyaux.
Fabriano a voulu accroître la dimension spirituelle et riche en dorant l’instrument, devenant
alors en or.
Ange sélectionné dans Madone avec l’Enfant entre Saint Nicolas et Sainte Catherine.
On retrouve le même instrument au centre de l’ensemble musical spirituel de son
tableau Polittico di Valle Romita. L’instrument est aussi doré, possède la même forme, et est
tenu exactement de la même manière.
Extrait de Polittico di Valle Romita de Gentile da Fabriano (entre 1400 et 1410).
5
Stefano Zuffi, La peinture italienne, traduit de l’italien par Silvia Bonucci et Claude Sophie Mazéas (Paris :
Gallimard, 1997).
III] Deuxième niveau de description :
A] Identification de l’instrument
1) Classification
L’instrument est une exception de l’ensemble de la partie gauche du tableau : ce n’est
pas un instrument à cordes, mais un instrument à vent.
Il s’agit d’un orgue : il fait partie du groupe des aérophones (première catégorie de la
classification Hornbostel – Sachs).
Dans cette même classification, l’orgue se répertorie dans la catégorie 412.16 :
- 4. aérophone ;
o 1. libre (l’air vibrant n’est pas enfermé dans l’instrument) ;
2. à interruption (un jet d’air est périodiquement interrompu) ;
• 1. idiophones ou à anche (le jet d’air est dirigé vers une
lamelle qu’il met en vibration).
Plusieurs sortes d’orgues existent :
- s’il est porté, l’orgue est dit « portatif » ;
- s’il est posé, l’orgue est dit « positif » ;
- installé dans une tribune, l’orgue de grande taille est dit « d’église » ou « de
tribune »
Ici, l’orgue est tenu avec la main gauche (qui active par ailleurs la réserve d’air) tandis que la
main droite joue sur le petit clavier. C’est la technique de jeu caractéristique d’un orgue
portatif.
Les définitions du New Grove Dictionary of Musical Instruments7 et du Guide de la
Musique du Moyen-Age8 semblent judicieuses pour expliquer les différentes caractéristiques
de l’instrument.
Catherine Homo-Lechner indique qu’il s’agit d’un « instrument bas » (sa sonorité est adaptée
à la musique d’intérieur).
2) Dates
Peter Williams explique que l’orgue portatif est « aux XIVe et XVe siècles le nom donné à un
petit orgue […]. »
Catherine Homo-Lechner donne comme siècle d’apparition de cet instrument le XIIe siècle.
3) Forme de l’instrument
« Portative [...] the name given to the little organ of treble flue pipes carried (Lat.
portare) by a strap over the player’s shoulder, played by the right hand (fingering 26
Nicolas Meeùs, Classification Hornbostel – Sachs des instruments de musique [en ligne],
http://www.crlm.paris4.sorbonne.fr/Classification.pdf (consulté le 14 mai 2006).
7
Peter Williams, “Portative”, dans The New Grove Dictionary of Musical Instruments, vol. 3, sous la direction
de Stanley Sadie (Londres : Stanley Sadie, 1984).
8
Catherine Homo-Lechner, « Les Instruments de musique », dans Guide de la Musique du Moyen-Age, sous la
direction de Françoise Ferrand (Poitiers : Fayard, 1999).
3-2-3 is implied in many paintings), its bellows blown by the left hand. It contained
one, two or more octaves of pipes in single or multiple ranks, sometimes with one or
two larger pipes like the Bourdons of larger POSITIVE organs. The sound no doubt
was like a set of flutes played by a keyboard.”
« Orgue portatif. […] nom donné au petit orgue avec des tuyaux aux sons aigus (portare en
latin) et transportable par une sangle à l’épaule de l’instrumentiste, joué avec la main droite
(le doigté 2-3-2-3 est implicite dans de nombreux tableaux), sa soufflerie fonctionnant avec la
main gauche. Il contenait une, deux ou plusieurs octaves en tuyaux d’une ou plusieurs
rangées, avec parfois un ou deux tuyaux plus longs comme les bourdons de l’orgue
« positif », plus grand. […] Le son ressemblait sans aucun doute à celui d’un ensemble de
flûtes joué par un clavier. »
On ne peut pas confirmer la présence d’un bourdon sur l’orgue portatif de Fabriano.
Un orgue portatif tel qu'on les fabrique de nos jours.9
4)Mécanique et Touches
La mécanique de l’orgue est très complexe :
L’orgue est en fait pourvu d’ « une mécanique reliée en amont à un soufflet et en
aval à un clavier et à des tuyaux faisant « parler » l’instrument. »
“The keys are earlier shaped like buttons or typewriter keys”.
« Les touches sont à l’ancienne, comme des boutons ou des touches de machine à
écrire ».
Tout d’abord, l’image nous permet d’affirmer que l’organiste joue une seule ligne mélodique
(une seule main touche le clavier). Les touches apparaissent vers 1200. Pour chaque note un
doigt actionne une touche.
« Ce faisant, elle libère la base d’un tuyau (ou des tuyaux de même hauteurs s’il y
en avait plusieurs rangs) par l’intermédiaire de gravures placées dans l’axe des
touches. Les tuyaux fixés sur le sommier reçoivent le vent envoyé par les soufflets
et emmagasiné dans la laye. »
On distingue sept ou huit rangées de tuyaux sur l’image : les sons possibles doivent
donc être ceux d’une gamme « diatonique » telle qu’on l’utilisait à la fin du XIVe siècle : doré-mi-fa-sol-la-si (bémol)-do10.
9
Portative organ by Noel Mander [en ligne],
http://www.harpsichord.com/All%20Instrument%20Images/2206org_a.jpg (consulté le 29 mai 2006).
5) Le nom
“Portative. Strictly the same as organetto, organini”.
Peter Williams indique que l’orgue portatif peut aussi se nommer « organetto » ou
« organini ».
“French sources give the impression of not knowing the term (a bill from St-Maclou,
Rouen, in 1519, refers to “portaige d’une petites orgues”), while portiff was used in
Germany (Frankfurt, 1434) and also organi portatili in Italy (Barcotto, Regola . . .
ogni sorte d’istromenti, MS I-Bc, c1650) and England (Roger North, MS GB-Lbm
Add. 32506 and 32531-7, c1715). Since in England “positive organe” is a term very
rarely used, such references as “portatives” (poem of Gawin Douglas), “payre of
portatives” (1522 will), “portatyffes” (St Andrew, Canterburry, c1520) are as likely
to mean a small, movable organ as a portative proper, especially since some such
organs evidently contained a regal stop (1536 contract). Often, as in Henry VIII’s
inventory of 1546, such a “payre of portatives” in a privy chamber is contrasted
with the larger “organs” in the chapel.”
« Les sources françaises donnent l’impression de ne pas connaître le terme (une note de SaintMaclou, à Rouen en 1519, fait référence à un « portaige d’une petites orgues »), pendant que
le portiff était utilisé en Allemagne (Francfort, 1434) et aussi l’organi portatili en Italie
(Barcotto, Regola … . ogni sorte d’istromenti, MS I-Bc, c1650) et en Angleterre (Roger
North, MS GB-Lbm Add. 32506 and 32531-7, c1715). Depuis, en Angleterre, le terme
d’ « orgue positif » est employé très rarement ; des références comme « portatifs » (testament
de 1522), « portatyffes » (Saint-Andrew, Canterburry, vers 1520) désignent probablement un
petit orgue transportable comme un vrai orgue portatif, notamment depuis que quelques telles
orgues contiennent apparemment un jeu de régale (contrat de 1536). Souvent, comme dans
l’inventaire d’Henri VIII de 1546, une telle « paire de portatifs » dans une chambre privée
contraste avec les orgues plus grands de la chapelle. »
6) Autres représentations
“Some composers, such as Landini and Dufay, are represented playing small
organs, and the instrument was useful in the many 15th-century Italian paintings
(especially Venetian ones) of angel choirs at the Virgin’s Coronation, etc.”
« Quelques compositeurs, comme Landini ou Dufay, sont représentés
jouant des petites orgues, et l’instrument était utile dans les nombreuses
peintures italiennes du XVe siècle (surtout vénitiennes) de chœurs d’anges
au Couronnement de la Vierge, etc. »
Pierre tombale de Francesco Landini (vers 1325 – 1397)11, exactement
contemporaine au tableau ici analysé de Fabriano.
10
The Organ in the Middle Age [en ligne], http://www.concertartist.info/organhistory/history/hist002.htm et
Christian Brassy, Orgue [en ligne], http://www.instrumentsmedievaux.org/pages/ORGUE.html (consultés le 25
mai 2006).
11
Mùsica Vocal na Idade Media, Audi Coelum [en ligne], http://www.audicoelum.mus.br/idmedia.htm (consulté
le 31 mai 2006).
« L’orgue portatif a quasiment disparu à l’aube du XVIe siècle, remplacé par le
positif plus encombrant mais toujours déplaçable ».
L’orgue portatif peint au pied de Saint Cécile de Raphaël (1515) « apparaît déjà
comme un archaïsme ; de surcroît, l’ordre des tuyaux y est inversé ».
Fabriano, lui, a dessiné l’orgue portatif dans le bon sens.
Sainte Cécile de Raphaël (1515).12
B] Description iconographique de la scène
1) Rôle de l’orgue
Catherine Homo-Lechner nous apporte aussi quelques éléments pour comprendre la
présence d’un tel instrument sur la Madone avec l’Enfant entre Saint Nicolas et Sainte
Catherine :
L’orgue portatif « servit sans doute de guide-chant dans les monastères ».
L’ange organiste permet en fin de compte de donner l’accord, le ton à tous ses acolytes qui
forment le petit orchestre qui l’entoure dans l’arbre : c’est pourquoi il est représenté au centre
de l’arbre, comme un chef, le chef des bas instruments. En effet, dans le feuillage de gauche
ne se trouve que des bas instruments : autour de l’orgue portatif central, une vièle, un
tambourin, un rebec, un luth, une harpe et une cithare.
L’orgue portatif en serait donc le chef, car tous les autres instruments, contrairement à
l’orgue, peuvent s’accorder.
L’ensemble des instruments de la partie gauche du tableau.
« Il pouvait servir lors des processions et accompagner les concerts ».
On ne peut pas affirmer que l’orgue portatif serait un quelconque symbole religieux : il était
aussi destiné à la musique de rue (certaines enluminures montrent des troubadours jouant de
l’orgue portatif) et à la musique de procession (qui profitait alors du caractère portable de
l’instrument).
12
Sainte Cécile de Raphaël [en ligne], http://www.nickinitalia.com/raphael1.jpg (consulté le 31 mai 2006).
2) Amour et bonheur
Il devient fréquent que les louanges à la « Mère de Dieux » soient proclamées par des
anges munis d’instruments de musique.
« Le Paradis est chant et musique, car les anges ne cessent de louer le Dieu qu’ils
contemplent. Or louanges et musique sont synonymes.13 »
Le Concert angélique synonyme de Paradis (1350 – 1550) prend alors toute son
ampleur.
Hors cadre marial, les anges musiciens deviennent symboliques du Bonheur réservé aux élus.
« La musique est devenue synonyme de bonheur – au ciel et sur terre – et l’indispensable
compagne de l’amour. Or, au ciel, il n’y aura qu’amour.14 »
3) Un message populaire
Les anges de l’arbre jouent un concert céleste, une musique divine, jouée sur
instruments. A cette époque (fin du XVe siècle), les instruments étaient tout de même
considérés comme témoignages de la musique profane (ils étaient déconseillés à l’Eglise, où
la musique était assurée par les chœurs). Fabriano nous montre ainsi son désir profond
d’associer Jésus au peuple.
C’est souvent qu’un orgue portatif accompagne la Vierge à l’Enfant : on en retrouve
un par exemple dans La Madone de l’humilité de Domenico di Bartolo (1433). Dans ce
dernier tableau, l’ange organiste se trouve cependant de l’autre côté, à droite du tableau.
Extrait de La Madone de l’humilité de Domenico di Bartolo (1433).15
13
Delumeau, Jean. Une histoire du Paradis, volume 3 consacré à la musique et aux anges musiciens. Pluriel –
Histoire Hachette.
14
Delumeau, Jean. Une histoire du Paradis, volume 3 consacré à la musique et aux anges musiciens. Pluriel –
Histoire Hachette.
15
Pipe Organ [en ligne], http://en.wikipedia.org/wiki/Pipe_organ (consulté le 20 mai 2006).
4) Une période charnière
James Cook16 distingue deux périodes de représentation de l’orgue portatif :
- au premier Moyen-Age, il était associé à la musique profane :
o il était utilisé pour accompagner un chant, en jouant sûrement une version
ornée de la ligne vocale ;
o il était utilisé dans des ensembles, où :
soit il jouait une partie indépendante dans la texture polyphonique ;
soit il doublait d’autres instruments.
- au Moyen-Age tardif et au début de la Renaissance, il était associé aux chœurs
d’anges et aux personnages courtois.
Finalement, les années 1390-1400 correspondent à une période charnière. C’est la fin
du Moyen-Age, pas encore le début de la Renaissance. Tout l’intérêt de ce tableau réside dans
cette ambiguïté : l’orgue portatif est utilisé :
- comme au Moyen-Age, avec un ensemble instrumental ;
- comme à la Renaissance, associé à des anges.
5) Un jeu de regards
Presque tous les anges sont tournés vers le centre de la scène. C’est pour associer la
musique, non pas aux Saints, mais au Christ et à sa Sainte Mère. Seuls trois instruments de
l’arbre de droite sont tournés vers Sainte Catherine, comme pour la soutenir dans sa solitude.
On pourrait même avoir l’impression qu’ils veulent la « réveiller » avec leur haut instrument
(buisine et peut-être chalumeau et cymbales ?) !
L’ensemble des instruments de la partie droite du tableau.
16
The Organ in the Middle Ages [en ligne], http://www.concertartist.info/organhistory/history/hist002.htm
(consulté le 20 mai 2006).
III] Troisième niveau de description : iconologie
1) Style général
Cinq personnages illustrent le tableau Madone avec l’Enfant entre Saint Nicolas et
Sainte Catherine de Gentile da Fabriano. Comme nous le suggère le titre, au centre est assise
sur un trône Madone, de noir vêtue et tenant l’Enfant Jésus, nu, dans ses bras. Autour d’elle se
tiennent, debout, Sainte Catherine (à droite), tenant une plume, et Saint Nicolas (à gauche),
avec sa mitre et sa crosse épiscopale caractéristiques de la tenue d’un évêque.
Un donateur – ou commanditaire – est à genoux devant Saint Nicolas.
Le trône de Madone est placé au milieu d’un jardin, dans lequel se trouvent directement
Sainte Catherine, Saint Nicolas et le Donateur.
« Cette importante œuvre de jeunesse témoigne des influences lombardes et siennoises
assimilées par le maître durant sa formation. Ce tableau présente toutes les exquises
caractéristiques du gothique tardif international :
- emploi de matériaux précieux sur un fond d’or ;
- attention aux détails de la nature (le pré fleuri) ;
- lignes sinueuses ;
- expressions et mouvements pleins de grâce. »17
La Vierge à l’Enfant est un thème récurrent en peinture, renvoyant à la Nativité du
Christ et la maternité de la Vierge. Deux éléments sont des passages obligés de ces peintures.
2) L’axe des regards entre la mère et son enfant
La Madone Conestabile de Raphaël.18
Chez Raphaël, les regards de l’Enfant et de la Vierge sont tournés distinctement vers la
Bible.
Chez Fabriano, la mère et le fils regardent tous deux le donateur, laissant Sainte
Catherine quelque peu isolée. La concentration scénique sur Saint Nicolas de Myre sert peutêtre à insister sur le sexe masculin de l’Enfant.
17
Stefano Zuffi, La peinture italienne, traduit de l’italien par Silvia Bonucci et Claude Sophie Mazéas (Paris :
Gallimard, 1997).
18
Thierry Deschamps, Grossesse [en ligne],
http://perso.wanadoo.fr/thdnice.pourquoi.poemes/e1080grossesse.htm (consulté le 31 mai 2006)
Sur la plan principal, les anges jouent en regardant l’Enfant qui remercie le donateur
en le regardant à son tour.
Sur le second plan, Saint-Nicolas, patron des Enfants, regarde justement le jeune Christ,
tandis que Sainte Catherine, patronne des filles, regarde la Sainte Vierge…
Sur le troisième et dernier plan, la Madone regarde son observateur en créant un jeu de
complicité avec lui et en lui faisant rentrer dans le vif de l’action.
Jeu de regards sur Madone avec l’Enfant entre Saint Nicolas et Sainte Catherine.
3) Les signes de doigts de l’Enfant
extrait de La Vierge aux rochers de Léonard de Vinci.19
19
La Vierge aux rochers [en ligne], http://www.juraspeleo.com/divers/peintres/vinci/vierge.jpg (consulté le 31
mai 2006).
Comme l’enfant peint par Léonard de Vinci, celui de Fabriano lève les deux doigts au
Ciel, en signe de bénédiction pour le commanditaire (Saint Nicolas en est le patron, de par la
main qui le protège)20.
4) Conclusion
L’ image de la Vierge porte plusieurs significations21 :
- elle est la mère de Jésus-Christ ;
- elle est la représentation symbolique de l’Eglise ;
- elle est la Reine des Cieux, comme le souligne sa couronne, invisible ici.
Le caractère populaire de ce tableau est très fort :
- mise en scène dans un jardin ;
- prise à partie du spectateur ;
- présence des Saints Patrons ;
- absence d’auréole sur la Sainte Vierge ;
- présence d’instruments de musique.
Fabriano voit donc Marie plus comme femme que comme Sainte, plus comme populaire que
comme divine.
Et il faudra encore attendre pour que la Musique est un rôle suffisant à elle-même, et non plus
confirmant des aspects iconographiques.
20
La Vierge aux rochers [en ligne], http://www.historia.presse.fr/data/mag/699/69905801.html (consulté le 20
mai 2006).
21
Renaissance [en ligne],
http://perso.wanadoo.fr/fatthalin/louvre/histoire_art/renaissance/renaissance4.html
2006).
(consulté le 20 mai
Bibliographie
Bowles, Edmund A. Bowles. La Pratique musicale au Moyen-Age. Malesherbes : Minkoff &
Lattès, 1983.
Delumeau, Jean. Une histoire du Paradis, volume 3 consacré à la musique et aux anges
musiciens. Pluriel – Histoire Hachette.
Homo-Lechner, Catherine. « Les Instruments de musique ». Dans Guide de la Musique du
Moyen-Age, sous la direction de Françoise Ferrand. Poitiers : Fayard, 1999.
Williams, Peter, “Portative”. Dans The New Grove Dictionary of Musical Instruments, vol. 3,
sous la direction de Stanley Sadie. Londres : Stanley Sadie, 1984.
Zampetti, Pietro et Donnini, Giampiero. Gentile e i pittori di Fabriano.
Zuffi, Stefano. La peinture italienne. Traduit de l’italien par Silvia Bonucci et Claude Sophie
Mazéas. Paris : Gallimard, 1997.
Sources Internet
Brassy Christian, Anges Musiciens du Moyen Age
http://www.instrumentsmedievaux.org/articles/anges.pdf (consulté le 1er juin 2006).
Brassy, Christian, Orgue [en ligne],
http://www.instrumentsmedievaux.org/pages/ORGUE.html (consulté le 25 mai 2006).
Kersu, Gentile da Fabriano [en ligne], http://vidalp.club.fr/gothique/international/fabriano/fabriano.htm (consulté le 20 mai 2006).
Meeùs Nicolas, Classification Hornbostel – Sachs des instruments de musique [en ligne],
http://www.crlm.paris4.sorbonne.fr/Classification.pdf (consulté le 14 mai 2006).
The Organ in the Middle Age [en ligne],
http://www.concertartist.info/organhistory/history/hist002.htm (consulté le 25 mai 2006).
Pipe Organ [en ligne], http://en.wikipedia.org/wiki/Pipe_organ (consulté le 20 mai 2006).
Portative organ by Noel Mander [en ligne],
http://www.harpsichord.com/All%20Instrument%20Images/2206org_a.jpg (consulté le 29
mai 2006).
Renaissance [en ligne],
http://perso.wanadoo.fr/fatthalin/louvre/histoire_art/renaissance/renaissance4.html
(consulté le 20 mai 2006).
La Vierge aux rochers [en ligne], http://www.historia.presse.fr/data/mag/699/69905801.html
(consulté le 20 mai 2006).
La Vierge aux rochers [en ligne], http://www.juraspeleo.com/divers/peintres/vinci/vierge.jpg
(consulté le 31 mai 2006).
Table des illustrations
ANGE SELECTIONNE DANS MADONE AVEC L’ENFANT ENTRE SAINT NICOLAS ET SAINTE
CATHERINE. ........................................................................................................................ 3
EXTRAIT DE POLITTICO DI VALLE ROMITA DE GENTILE DA FABRIANO (ENTRE 1400 ET 1410). .. 3
UN ORGUE PORTATIF TEL QU'ON LES FABRIQUE DE NOS JOURS. ................................................... 5
PIERRE TOMBALE DE FRANCESCO LANDINI (VERS 1325 – 1397), EXACTEMENT CONTEMPORAINE
AU TABLEAU ICI ANALYSE DE FABRIANO. ............................................................................ 6
SAINTE CECILE DE RAPHAËL (1515). .......................................................................................... 7
EXTRAIT DE LA MADONE DE L’HUMILITE DE DOMENICO DI BARTOLO (1433). ........................... 8
LA MADONE CONESTABILE DE RAPHAËL. ................................................................................. 10
JEU DE REGARDS SUR MADONE AVEC L’ENFANT ENTRE SAINT NICOLAS ET SAINTE CATHERINE.
.......................................................................................................................................... 11
EXTRAIT DE LA VIERGE AUX ROCHERS DE LEONARD DE VINCI. ................................................ 11
Pour les images extraits des tableaux de Fabriano, la référence est :
Micheletti, Emma. L’opera completa da Fabriano. Milano, Rizzoli : 1976.

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