Orelsan : provocation ou symptôme d`une banalisation de

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Orelsan : provocation ou symptôme d`une banalisation de
Orelsan : provocation ou symptôme d’une banalisation de la violence?
Paris, le 31 mars 2009
Au-delà de l’indignation justifiée et provoquée par la chanson d’Orelsan, dont les
paroles banalisent la violence voire y incitent, une constatation s’impose : la dégradation
de l’image des femmes véhiculée à travers certaines chansons, médias ou publicités à
destination non seulement du public jeune mais aussi de toutes les tranches d’âge.
Triste constat : il est reconnu que les inégalités hommes/femmes, les
représentations figées et négatives des rôles sexués, et le refus d’accorder aux femmes
la liberté et le droit à disposer de leur corps, favorisent les actes de violences de tout
type à l’égard des femmes. Pourtant de nombreux textes comportant des insultes à
caractère sexuel et toujours accordées au féminin circulent en toute impunité et sont
véhiculés dans la plus grande indifférence.
D’un côté, des constatations indignées sur l’ampleur du phénomène des violences
conjugales – phénomène qui émerge avec l’amélioration du recueil de données
concernant les homicides au sein du couple : une femme meurt tous les 2 jours et demi
en France -, de l’autre une vision dégradante et inégalitaire visant à « rabaisser les
filles » et des incitations à la haine et la violence sexiste. En France, le système patriarcal
encore ancré dans les mentalités résiste bien aux demandes d’évolution et de
changement et pas seulement chez les jeunes.
A titre d’exemple, une enquête sur les comportements sexistes et les violences
envers les filles, réalisée en Seine-Saint-Denis 1 , montre que les jeunes femmes de 19 à
24 ans ont vécu de nombreuses violences en particulier au cours de l’enfance et de
l’adolescence. 14% des enquêtées ont subi des agressions sexuelles au cours de leur vie.
La grande majorité des viols ont été commis par un membre de la famille, un proche ou
leur petit ami.
Leur liberté de circuler dans les lieux publics reste entravée : durant l’année
précédent l’enquête, 60% des jeunes filles interrogées déclarent y avoir subi un
harcèlement sexuel du fait d’hommes adultes.
La socialisation des jeunes dans leur rapport à l’autre sexe passe aussi par les
revues « féminines » destinées aux filles, les médias, les chansons, voire les films
pornographiques du côté des garçons. A l’inverse, les programmes d’information sur
l’égalité filles-garçons ou contre la violence dans les établissements scolaires restent peu
nombreux et les rôles sexués très marqués entre les 2 sexes perdurent.
L’apologie de la violence, telle que la pratique Orelsan « tu vas te faire
marietrintigner ». « "Sale Pute" "On verra comment tu fais la belle avec une jambe
cassée. On verra comment tu suces quand j'te déboiterais la mâchoire" … "Si j'te casse
un bras considère qu'on s'est quittés en bons termes… J'vais te mettre en cloque (sale
pute) Et t'avorter à l'opinel », fait froid dans le dos lorsque l’on connaît la triste réalité de
certains homicides qui s’apparentent parfois à des actes de torture et de barbarie.
Les campagnes de sensibilisation contre les violences faites aux femmes auront un
moindre impact, si ce type de texte continue à être diffusé sans limite auprès des jeunes,
1
Observatoire des violences envers les femmes. Enquête sur les comportements sexistes et les violences envers les filles.
www.seine-saint-denis.fr/Enquete-sur-les-comportements.html
et si les artistes ne s’engagent pas contre les violences. Certains l’ont compris, d’autres
agitent un dangereux chiffon de provocation.
Orelsan invoque le « contexte » de ses textes. Le seul contexte qui puisse être
avancé est celui de la violence qui s’exerce contre les femmes. Les actions de prévention
auprès des enfants et adolescents pour lutter en amont contre les violences faites aux
femmes méritent d’être développées.
Enfin, la loi devrait interdire la publication de tels appels à la haine, à la mutilation
et au meurtre contre les femmes. Il en est ainsi des lois contre le racisme et
l’antisémitisme, les femmes ne peuvent en être exclues. Or, la notion de « sexisme »
n'apparaît pas dans la législation française comme dans la loi le racisme a pu l’être, et il
reste un tabou. Il est nécessaire d’y remédier.
Françoise Brié
Vice-présidente de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF)
La FNSF est constitué d’un réseau de plus de 60 associations spécialisées dans
l’accompagnement et l’hébergement de femmes victimes de violences conjugales. Elle
gère également le numéro national 3919, Violence Conjugale Info.
www.solidaritefemmes.asso.fr

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