fp mamma roma - La maison de l`image

Transcription

fp mamma roma - La maison de l`image
Mamma roma
Mamma Roma
Anna Magnani.
Dire que la Nanarella (diminutif affectueux donné à la Magnani par le public) représente la ville
de Rome relève presque du pléonasme. Elle est Rome. Et Pasolini ne s’y trompe pas. Cette
identification remonte entre autre au célèbre Rome ville ouverte de Roberto Rossellini (1945)
qui en quelque sorte marque la seconde naissance de Rome après le désastre du fascisme. Dans
ce film qui inaugure le Néo-Réalisme, Magnani incarne Pina, la mère du petit Marcello et la
fiancée du résistant Francesco. Dans les tout derniers plans, Pina court derrière le camion de la
Gestapo emportant les prisonniers pour les fusiller, hurle sa douleur et se fait mitrailler par les
nazis. Plans que chantera le poète Pasolini en 1956 :
« Presque un emblème, désormais, le cri de Magnani,
sous les mèches en désordre absolu,
résonne dans les panoramiques désespérés,
et dans ses coups d’œil vifs et muets
se concentre le sens de la tragédie »
Il faut entendre à travers le cri de Mamma Roma comprenant la mort de son fils tout le désespoir de Pina, et à travers lui, celui de tout un pan de cinéma italien qui redonna à la nation sa
dignité perdue.
Fellini reviendra sur ce symbole dans son Roma (1972). Vers la fin du film, il fait nuit, les rues
de Rome sont désertes, une caméra subjective suit une femme qui rentre chez elle ; la voix off
de Fellini explique qu’il s’agit d’une actrice célèbre, Anna Magnani, qui pourrait être le symbole de la ville éternelle. Cette dernière se retourne : « Je suis quoi ? » Fellini : « Rome, louve et
vestale, aristocrate et gueuse, sombre, bouffonne, je pourrais continuer jusqu’à demain. »
Quelques thèmes à étudier avec les élèves :
-le phénomène de la banlieue. A comparer avec les cités de nos jours.
Réalisateur: voir fiche : Pier Paolo Pasolini
Pier Paolo Pasolini
Italie – 1962- 105mn- noir et blanc- VOST
Synopsis :
Niveau
à partir de la 2nd.
Disciplines :
Français,
italien,
philosophie,
arts plastiques.
Rome. Le jour du mariage de Carmine, son exsouteneur, Mamma Roma fête la fin de sa vie de prostituée. Elle récupère son fils, Ettore, qu’elle avait laissé
en pension à la campagne pendant seize ans et aspire à
la respectabilité en changeant de vie (une installation
en HLM, un éventaire de primeurs, de bonnes fréquentations et la messe du dimanche matin). Elle veut faire
de son fils « un homme qui réussit » (« un aigle » selon
son expression). Grâce à son amie Biancafiore, elle
monte un chantage afin d’obtenir une place de serveur
à Ettore. Mais Carmine réapparaît et Mamma Roma
doit arpenter de nouveau le trottoir. Ettore, de son côté,
tombe amoureux de Bruna qui ne tardera pas à lui révéler les activités nocturnes de sa mère. Traumatisé, il
sombre dans la délinquance. A la suite d’un vol minable dans un hôpital, il est arrêté. Malade, il est isolé à
l’infirmerie psychiatrique, attaché sur un lit. De froid,
d’isolement, de désespoir, il finit par mourir en appelant sa mère. Comme par télépathie, Mamma Roma
comprend la mort d’Ettore et tente de se jeter par la
fenêtre, mais elle est retenue de justesse par des voisins. Horrifiée, hébétée, elle regarde le morne paysage
d’une banlieue qu’elle semble voir pour la première
fois.
Réalisation : Pier Paolo Pasolini. Scénario : Pier Paolo Pasolini. Image : Tonino Delli Colli
(Technicolor). Cadreur : Giovanni Carlo. Décor : Flavio Mogherini. Ensemblier : Massimo Tavazzi.
Son : Leopoldo Rosi. Musique : Vivaldi, Cherubini et Bixio chanté par Josélito. Montage : Nino Baragli.
Production : Alfredo Bini. Interprètes : Anna Magnani (Mamma Roma), Ettore Garofolo (Ettore), Franco Citti (Carmine), Silvana Corsini (Bruna), Luisa Orioli (Biancafiore), Paolo Volponi (le prêtre), Luciano Gonini (Zaccaria), Vittorio La Paglia (M. Pellisier).
Fiche pédagogique éditée par la maison de l’image
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Fiche pédagogique éditée par la maison de l’image
Mamma roma
ANALYSE
Le style
Même s’il ne reniait pas Mamma Roma, Pasolini n’était pas très attaché à son deuxième film
qu’il considérait comme un remake d’Accatone ; « c’est une faute grave, pour un artiste, disait-il, que de refaire ce qu’il sait déjà faire ». Cependant, Pasolini approfondit avec cette œuvre sa condamnation de la société de consommation, lorsque le peuple aspire à devenir de
petits bourgeois. Ce qui sauve et libère Accattone au moment de rendre son dernier souffle (il
murmure : « Je me sens bien ») se trouve inversé cette fois-ci : Mamma Roma est condamnée
à une éternelle vie de souffrance puisque son seul espoir, son fils, cesse de vivre. A travers ce
film, Pasolini désigne nettement où se trouve pour lui le péché : il n’est pas dans le passé de
Mamma Roma comme prostituée mais bien dans la volonté qu’a cette femme de trahir sa
classe. Elle en est d’ailleurs consciente. Au cours d’un de ses monologues nocturnes, alors
qu’elle remonte à contre cœur sur le trottoir, elle inventorie pour qui veut l’entendre la généalogie de son fils. C’est-à-dire la sienne et celle de Carmine : fils et fille voleurs, souteneurs,
escrocs, truands… L’acharnement de la putain repentie à vouloir avoir l’air de quelqu’un dans
un milieu qui n’est pas le sien est admirablement rendu par la composition d’Anna Magnani.
Avoir de beaux habits et offrir une moto flambant neuve à Ettore. Aux yeux de PPP, Mamma
Roma est coupable et Ettore qui meurt seul, en prison, les bras en croix, est bien le fils offert
au sacrifice sur le bûcher des vanités.
Est-il nécessaire de rappeler que l’apparition d’Accattone en 1961, bientôt suivi de Mamma Roma l’année suivante, fut accueillie comme un retour aux sources néo-réalistes par une grande
partie de la critique? Par le choix des sujets et surtout le milieu social, les personnages, les décors : terrains vagues, bistrots minables, prostituées et macs, voyous déambulant dans les rues de
banlieue ou sur les routes, jusqu’à l’intrigue, ces deux films auraient pu être signés par Rossellini, De Sica ou le Fellini de La Strada. Cependant, si le lien avec ses maîtres est affiché, Pasolini
va opérer par son style un dépassement. Car, dit-il : « L’Italie, comme le reste de l’Europe, plus
vite que le reste de l’Europe, a quitté les temps de disette et de misère d’après-guerre. La dénonciation de la vie quotidienne n’a plus cours, du moins sous la forme que l’on trouve dans Païsa
ou La Strada. » Mamma Roma et son fils souffrent de cette insatisfaction, de cette incapacité à
être en harmonie avec le monde (harmonie placée au cœur, d’ailleurs, des films de Rossellini,
qui en décrivent la quête et en affirment la possibilité). Pour montrer cet univers aliéné
(physiquement, socialement, mentalement), où chacun est en proie à un déchirement, la description réaliste ne suffit plus pour Pasolini. Le simple acte de filmer ne révèle pas le réel. Il s’agit
d’exprimer le sens des choses par le concret. Sa pratique de la poésie va nourrir son écriture cinématographique : ce sera la parabole ou le mythe.
Pour comprendre le monde, Pasolini va faire appel à l’interprétation mythique, en déplaçant la
révélation naturelle vers un monde de signes culturels. La douleur de Mamma Roma fait penser
à la pièta. D’où ce cadrage du cadavre d’Ettore qui reproduit le célèbre Christ mort de Mantegna
Ainsi en est-il de la photographie, volontiers plate (comme si on voulait ramener l’univers à
deux dimensions) et trop contrastée (comme si on voulait réduire les êtres et les objets à des taches plus ou moins sombres). L’image tend vers l’épure, voire l’abstraction, surtout quand elle
atteint son maximum d’intensité dramatique et, par conséquent, de signification (c’est d’ailleurs
alors que s’y greffent le plus volontiers les références culturelles). Pasolini recourt aussi volontiers à des effets de contre-jour qui accentuent le détourage des personnages et du décor, les entourant d’une aura qui, par référence ou code pictural, leur donne une dimension sacrée. Ainsi,
des personnages et des actes d’une certaine banalité, à la limite du sordide, sont « sacralisés »
par des effets de style qui leur sont totalement extérieurs.
Pourtant, selon Joël Magny (dans son bel article dans les Etudes cinématographiques), il est une
figure à laquelle Pasolini recourt aussi volontiers que Rossellini, c’est le plan-séquence. Mais
pour un usage totalement différent. Pour Rossellini, il s’agit de capter le réel dans sa continuité
et son surgissement, en évitant toute manipulation. Chez Pasolini, il s’agit plus souvent d’un
travelling arrière frontal et lent, accompagnant la marche d’un ou plusieurs personnages. C’est le
cas de la marche de Mamma Roma la nuit, où différents clients l’abordent, l’accompagnent un
bout puis la quittent, tandis qu’elle raconte sa vie. Loin de donner une impression de continuité,
ce mouvement est en fait rompu par des silhouettes qui apparaissent dans le champ pour disparaître dans la nuit, tandis qu’Anna Magnani se découpe sur un fond noir, presque sans décor. Les
figures les plus classiques voient ainsi s’inverser leurs significations et leurs fonctions, donnant
naissance à une esthétique du dépassement, que Pasolini désigne par la méthode de «sacralité
technique».
Les Ragazzi
L’univers de Mamma Roma reprend trait pour trait celui d’Accattone (le premier long métrage de Pasolini réalisé un an plus tôt) et on pourrait, scène par scène, relever toutes les similitudes tant au niveau des personnages que des situations dramatiques. Comprenons simplement que Mamma Roma, même s’il n’est pas la suite d’Accattone, semble commencer là où
finit ce dernier. Franco Citti, avec la moustache en plus, est toujours proxénète et les faubourgs qu’il fréquente sont déjà minutieusement décrits dans le roman de Pasolini Le Ragazzi
di Vita (1955). Rappelons que les borgate ont été construits à la périphérie de Rome dès 1924
par le régime fasciste qui avait trouvé ainsi le moyen de «déplacer» une population risquant
de ternir l’image prestigieuse de la capitale; dans les années 60, cette banlieue fut la cible des
spéculateurs immobiliers qui faisaient miroiter aux futurs habitants « tout le confort moderne».
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