Copie de notice nordman - Musée d`art contemporain de Lyon

Transcription

Copie de notice nordman - Musée d`art contemporain de Lyon
Maria NORDMAN
Œuvre acquise en 1990 à l’issue de
l’exposition Maria Nordman (1987) :
Lyon, 1987
Dimensions variables
Œuvre produite à l’occasion
l’exposition, n° d’inventaire : 990.7.1
de
Maria Nordman, Lyon, 1987. ©Blaise Adilon
« L’œuvre est possible dès qu’il y a au moins deux personnes pour la mettre en action. C’est
une forme de continuité […]. Une autre forme de continuité serait celle-ci : combien de temps
dure une présence ? » (Maria Nordman).
Les dessins et projets de Maria Nordman sont continuellement ouverts à un possible devenir et
à l’attente d’un public. L’œuvre est comme vacante, librement laissée à quiconque choisit de la
considérer et par là même de rendre possible son existence. Il est évident que cette œuvre
« n’est pas un objet en lui-même, mais un travail relationnel » (Bruno Cora, 1987).
Maria Nordman travaille pour des villes. En 1974, son œuvre rencontre pour la première fois
une ville européenne : Milan. Nous rencontrons Maria en 1986, visitons la cathédrale de
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Chartres ensemble, et l’invitons à réaliser un projet spécifique à Lyon.
Les notes que Maria Nordman rédige à l’époque, à propos de ses travaux en cours,
commencent par exemple ainsi :
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Münster, 1987, Cheir (Skulptur in der Stadt) : « Deux personnes peuvent faire une œuvre , en
choisissant un temps et une distance, en relation avec la position des autres personnes qui
sont dans le même parc… »
Anvers, 1987, Scheldet in : « À qui pourrait atteindre l’Escaut… »
Turin, 1987, Augusta Taurinorum : « Une œuvre commence sur le trottoir d’une rue, près d’une
des nombreuses fontaines aux taureaux de fonte de Turin… »
Kassel, 1977-1987 (Documenta 8) : « Le projet du Frankfurter/Heckerstrasse de Kassel (1977)
se prolonge en 1987 […] sur la façade du Fridericianum. Il est nécessaire que l’espace devant
le Fridericianum soit ouvert au passage du public et à la lumière du soleil. Sur la pelouse, un
octogone de pierres blanches reçoit dans la journée l’impact lumineux de deux miroirs. L’œuvre
existe quelles que soient les conditions atmosphériques, lorsque les passants traversent la
place en parlant. »
L’œuvre de Maria Nordman est ainsi ouverte au potentiel, à la durée, à toutes les dimensions
de la relation, au lieu (« le lieu est déjà dans le discours », dit-elle). C’est une formidable leçon
de muséographie. Ainsi, ses idées sur la musique du lieu, sur la contingence (voir notice Irwin),
ou sur l’attente se conjuguent-elles à l’époque avec la Création permanente de Filliou, l’Event
de Brecht ou encore l’ambiance spatiale (voir notice Fontana) pour influer fortement sur notre
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Projet scientifique et culturel en cours d’élaboration . Et c’est le dialogue avec les artistes tout
comme la nature de leurs œuvres qui contribuent à l’invention des notions muséographiques
qui nous sont propres telles que celles de collection de moments (voir notice Abramović/Ulay),
d’œuvre générique (voir notices Kosuth, Sol LeWitt/Merz), de site spécifique (voir notice Irwin),
de temporalité réflexive (ou « rétrovision », voir notice Morris), d’installation totale (voir notice
Kabakov)… De là sont nés des partis pris précis : l’adaptation du lieu à l’œuvre (et non
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Le projet s’intitule Lyon, 1987 et l’exposition qui l’accompagne est une rétrospective des constructions
et projets conçus pour les villes européennes. De Civitate, Octobre des Arts 1987, 7 octobre23 novembre.
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Maria Nordman traduit généralement « work » par « travail », nous préférons le terme « œuvre ».
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La création de tout musée est soutenue, portée et conditionnée par un Projet scientifique et culturel,
agréé par les tutelles et les financeurs.
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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l’inverse), la priorité donnée à la production, le principe de non-reconstitution (de biographie,
d’époque ou de géographie) ou le choix du fragment unique (l’œuvre générique se substituant
à la collection générique)…
Notes préparatoires de Maria Nordman sur Lyon, 1987 :
« En marchant dans la ville, on peut rencontrer l’une des fontaines de Lyon encadrée de deux
chaises. L’une est en inox poli, l’autre est en bois peint, noir mat. La première chaise est
exposée à la lumière du soleil de midi tandis que la seconde est dans l’ombre. De temps à
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autre, ces chaises se trouvent dans l’entrée du musée Saint-Pierre . À 12 h 15, les miroirs
extérieurs renvoient la lumière sur les quatre niveaux des escaliers et sur la chaise miroir de
l’entrée. L’œuvre existe quand on parcourt la rue, le bâtiment, dans la proximité des chaises. »
En effet, à l’instant où l’une des chaises réfléchit un rayon solaire dans le hall d’entrée, une
trace fugitive de lumière marque simultanément chacun des étages de la montée d’escalier qui
conduit aux salles d’exposition. À partir de 12 h 15 en octobre et pendant quelques minutes,
c’est l’heure où l’œuvre est visible, à moins qu’il ne fasse sombre ou qu’il pleuve. Chaque jour,
la courbe du soleil est captée par des miroirs très précisément disposés à l’extérieur, de part et
d’autre des façades (dont plusieurs sont installés à grande hauteur sur une cheminée) qui
conduisent la lumière solaire vers la chaise miroir et les étages, tandis que la chaise noire reste
dans l’ombre. Chaque jour, ces traces lumineuses se décalent légèrement. L’angle d’incidence
des miroirs est calculé pour que les reflets soient visibles au cours des dixième et onzième
mois de l’année. Quand la courbe du soleil dépasse l’angle de saisie, l’œuvre, c’est-à-dire le
rayon simultanément diffracté sur tous les niveaux,
devient invisible. Le « visible » est désormais quelque
part dans l’univers à l’extérieur de l’édifice. Lyon, 1987,
est acquise en 1988. La fiche technique est ainsi
rédigée : « reflet solaire sur pierre et inox ».
En revanche, le projet conçu par l’artiste la même
année pour le parc de la Tête d’Or n’aboutira jamais. Il
consistait à entrecroiser le cycle végétal des saisons, la
croissance virtuelle du ginkgo biloba et les diverses
intempéries (pluie et orage), pour que l’ombre sur les
marches d’une cavité disparaisse le 21 juin au solstice.
En 1993, pour la deuxième Biennale de Lyon, Maria
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Nordman crée Les Bâtisseurs.
En 1995, Saint-Pierre Art Contemporain est abandonné
pour rejoindre l’édifice actuel, conçu par Renzo Piano.
Mais les configurations intérieures et l’orientation du
bâtiment sont incompatibles avec les exigences
spatiales et lumineuses de Lyon, 1987. Par conséquent,
l’œuvre n’est pas réinstallée.
Comme pour Lawrence Weiner et à la manière de
Kirkeby, nous travaillons avec Maria Nordman à un
projet qui réconcilie l’histoire de l’œuvre (telle qu’elle fut
à sa création), l’espace actuel et son existence future. A
Maria Nordman, Lyon, 1987. ©Blaise
work in progress !
Adilon
Maria Nordman
Née en 1943 à Görlitz (Allemagne), vit et travaille à Santa Monica (États-Unis)
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En 1987, le futur Musée d’art contemporain est installé dans une aile du musée des Beaux-Arts, palais
Saint-Pierre. Encore en gestation, le Musée s’intitule alors : « Saint-Pierre Art Contemporain » avant de
rejoindre l’édifice actuel, conçu par Renzo Piano et ouvert en décembre 1995.
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Catalogue Biennale 1993, Et tous ils changent le monde, p. 212-219.
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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