De Rwakagara à Paul Kagame : l`histoire d`une famille très puissante

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De Rwakagara à Paul Kagame : l`histoire d`une famille très puissante
De Rwakagara à Paul Kagame : l’histoire d’une famille très puissante
(JB Nkuriyingoma)
L’actuel chef d’Etat rwandais, le général major Paul Kagame, tient (en partie) sa légitimité de
ses origines familiales. Il ne lui suffit pas d’être un ancien commandant de la rébellion qui a
pris Kigali le 4 juillet 1994, il fallait aussi qu’il soit un leader naturel pour les rebelles du FPR
qui sont les descendants des nobles tutsi évincés du pouvoir par la révolution de 1959. C’est
en lisant les ouvrages récents de Bonaventure Mureme Kubwimana sur l’histoire du Rwanda
que j’ai compris que Paul Kagame est de la famille des personnalités politiques qui ont
beaucoup marqué l’histoire du Rwanda depuis 150 ans. Peut-être la famille la plus puissante
de l’histoire rwandaise depuis la seconde moitié du 19ème siècle. Bien plus que la famille
royale des Bahindiro qui a perdu toute sa force dans le coup d’état de Rucunshu. Dans les
lignes qui suivent je vais raconter brièvement comment cette puissance est née.
Kagame
L’affaire Murorunkwere et le conseil de Rwakagara
Au début c’est une intrigue comme il en a existé d’autres. Une intrigue savamment
orchestrée par la cour royale sous le règne d’un certain Kigeri IV Rwabugiri. L’intrigue
concerne la première dame du royaume qui était à cette époque la reine-mère, càd la mère
du roi (pour la plupart du temps). Cette dame s’appelait Murorunkwere et venait du clan des
Bakono. A l’intronisation de son fils elle devait avoir à peu près 28 ans car Rwabugiri est
devenu roi très jeune (entre 10 et 12 ans). La tradition voulait qu’en étant reine-mère elle ne
pouvait plus coucher avec un homme puisqu’on supposait qu’elle devait être veuve du
dernier roi défunt. Pourtant Murorunkwere était une des épouses du prince Nkoronko, le père
de Rwabugiri (on raconte que ce n’était pas tout-à-fait son père mais c’est une autre
histoire). Donc en devenant reine-mère Murorunkwere n’était plus l’épouse de Nkoronko car
elle ne pouvait plus coucher avec lui.
Le vrai problème commence après quelques années de règne et quelques victoires militaires
du jeune monarque lorsque Murorunkwere reçoit un cadeau de 30 vaches de même couleur
(inka z’urwirungu) et qu’elle refuse de les donner à Nkoronko qui les désirait. La noble dame
préfère donner ces vaches à un autre homme, un certain Seruteganya, hutu mais anobli
étant donné qu’il exerçait des fonctions importantes à la cour royale. C’était un tanneur
(comprenez un grand couturier d’aujourd’hui). La décision de Murorunkwere provoque chez
Nkoronko une grande colère qui déclenche un désir de vengeance à la fois contre
Seruteganya et contre Murorunkwere. On invente une histoire de sexe entre les deux
personnes qui va faire trembler tout le pays et pendant plusieurs années. Le jeune roi Kigeri
IV Rwabugiri apprend donc un jour que sa mère avait commis l’irréparable puisqu’elle était
enceinte et que son amant était le hutu Seruteganya.
Pour faire bref, Rwabugiri consulte les abiru et tous ses autres conseillers pour savoir ce qu’il
devait faire. La plupart des gens que le roi consultait avaient été préalablement préparés par
Nkoronko et ses complices et tous donnaient pratiquement le même conseil au roi, à savoir
qu’il fallait tuer Seruteganya et éventuellement Murorunkwere au cas où elle faisait
obstruction à ce projet. Il fut un homme, un seul, qui voulut sauver la reine-mère. Ce fut
Rwakagara. Il donna ce conseil : « Lorsqu’un serpent s’est entrelacé au col d’une baratte, on
doit, par tous les moyens éloigner le serpent pour le tuer à l’écart, sans porter préjudice à la
baratte ».
La fin de cette histoire fut tragique puisqu’une attaque fut organisée pour tuer Seruteganya et
que les fils de ce dernier tuèrent Murorunkwere avant d’être tués à leur tour ainsi que leur
père et d’autres combattants qui leur avaient porté secours. Le roi Rwabugiri finira par
connaître toute la vérité et décidera de venger sa mère Murorunkwere qu’on surnommait
Inyamibwa (la superbe). Ces vengeances ont largement contribué à faire de son règne un
des plus cruels de la monarchie nyiginya. C’est dans ce contexte là qu’il voua une très
grande reconnaissance à celui qui avait tenté de sauver sa mère, à savoir Rwakagara. Ce
dernier lui donna la main de sa fille, Kanjogera, qui fut la femme la plus aimée du roi. Pus
tard son frère Kabare obtint de ce même roi Kiger IV Rwabugiri une faveur qui était interdite
pour les familles matri-dynastiques (familles qui donnaient des reines-mères) : il fut nommé
membre du collège des abiru. Cette grosse erreur allait coûter très au pays parce qu’elle
permettra le fameux coup d’état de Rucunshu. Parmi les autres enfants de Rwakagara se
trouvait un certain Ruhinankiko qui fut, avec Kabare et Kanjogera, l’un des artisans de ce
coup d’état qui a fait monter au trône Musinga à l’âge de 14 ans. Un autre fils de Rwakagara
qui s’appelait Cyigenza est l’ aïeul de l’actuel président Paul Kagame en passant par
d’autres noms , notamment Kampayana, le père de Rutagambwa (le père de notre Afandi).
Les descendants de Rwakagara sous l’administration coloniale
Kanjogera
Si Kanjogera et ses frères étaient très puissants sous le règne qu’ils ont mis en place, il faut
savoir aussi que les descendants de Rwakagara furent très influents durant toute la période
coloniale puisqu’ils occupaient les principaux postes de responsabilité réservés aux
nationaux qu’on appelait indigènes à cette époque. Les grands noms comme Kayondo,
Rwubusisi, Rwabutogo, Rutaremara, pour ne citer que les plus connus, sont des
descendants de Rwakagara. On peut facilement déduire de cette information que l’ancienne
aristocratie qui était au pouvoir avant 1959 était véritablement dominée par une poignée de
gens appartement à quelques familles nobles. C’était donc une erreur de dire que les tutsi
avaient tous les privilèges. Seuls quelques tutsi avaient des privilèges. La même réflexion
vaut pour les cas plus récents concernant d’autres groupes qui ont été au pouvoir et qui sont
globalement identifiés par ethnie ou par région.
Les ouvrages de Bonaventure Mureme Kubwimana où j’ai tiré ces informations sont : Manuel
d’histoire du Rwanda ancien suivant le modèle de Mgr Alexis Kagame et Manuel d’histoire
du Rwanda à l’époque coloniale suivant le modèle d’Alexis Kagame. L’auteur déclare vouloir
poursuivre le modèle de Mgr Alexis Kagame qu’il estime le plus adéquat pour rédiger une
histoire non partisane du Rwanda.

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