"Secret de l`instruction : le bal des faux

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"Secret de l`instruction : le bal des faux
Publié le 26 septembre 2011
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Eric Morain
Secret de l’instruction : le bal des faux-culs
Magistrats, avocats, ministère de la Justice, journalistes... tout le monde viole allègrement le secret de
l’instruction quand il y trouve son intérêt. Pourquoi
en irait-il autrement pour l’affaire Karachi ?
Ca balance au Palais. Crédit Nitot
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O
ui j’avoue, j’ai déjà violé le secret de l’instruction. Plusieurs fois même. Mon Bâtonnier comprendra j’espère. Je l’ai violé
au mépris de la loi sans nul doute, dans l’intérêt
de mes clients toujours. Et je peux même affirmer
que je connais des juges qui l’ont aussi violé ; des
policiers qui l’ont fait ; des procureurs aussi. Et ces
secrets ont été souvent publiés par des journalistes passibles de poursuites pour recel.
Est-on en train de découvrir l’eau tiède dans l’affaire
Karachi en hurlant comme des loups ignorant une
situation de fait aussi vieille que la justice ? A-t-on
oublié que lorsque l’on ouvre un journal, un magazine ou que l’on se rend sur un site d’actualités
quel qu’il soit, une part non négligeable, pour ne
pas dire parfois majoritaire, nous informe des affaires judiciaires en cours ? Nous sommes alors,
nous aussi lecteurs, en quelque sorte des receleurs
complaisant de viol de ces secrets.
L’époque aime savoir, la transparence est un veau
d’or. Aussi absurde qu’une lionne qui impose-
rait à ses petits d’être végétariens, la loi impose
encore le secret de l’instruction. Et la nature humaine s’en affranchit naturellement. Et cela durera
aussi longtemps que la justice restera humaine et
que ce ne seront pas des machines qui nous jugeront
de manière automatique ,ce qu’à Dieu ne plaise.
Et le pire c’est que, oui, chacun aura toujours ses
bonnes raisons : l’intérêt du client pour l’avocat ; la
sortie d’une paralysie dans un dossier pour un juge ;
le poids de la hiérarchie pour un procureur. Et plein
d’autres encore qui vont du renvoi d’ascenseur à
la médisance, du combat politique ou idéologique
à la soif médiatique ou à l’importance qu’on veut
se donner.
Et quand le secret de l’instruction - ou de l’enquête
- n’est pas violé il n’y a qu’une seule alternative :
soit il n’y a rien d’intéressant à révéler - parce que
n’oublions pas que la presse, pour publier, veut
du scoop , du nouveau, du croustillant, pas du réchauffé ou du déjà vu -, soit personne dans la longue chaîne judicaire n’a d’intérêt direct à faire de
telles révélations. Et c’est sur ce second point que le
bât blesse et que tout devient illusoire. Comment
concevoir dans un processus judiciaire, qui est
une catharsis et le lieu de purgation des passions
humaines parfois les plus viles, que personne
n’ait d’intérêt à « faire passer une info » dès lors
que vous êtes en présence justement d’intérêts si
diamétralement opposés : entre une victime ou un
collectif de victimes qui se plaint - à tort ou à raison
-, un procureur qui poursuit - ou pas - , des policiers
qui enquêtent - sous l’autorité du précédent… -, un
juge qui instruit - quand on veut bien l’y autoriser
-, un mis en cause qui se défend - toujours - et des
témoins qui se souviennent - plus ou moins bien...
http://www.atlantico.fr/decryptage/secret-instruction-hypocrisie-karachi-189087.html
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Publié le 26 septembre 2011
Secret de l’instruction : le bal des faux-culs
Les affaires dites politiques n’échappent pas à la
règle bien évidemment, elles sont même le révélateur de ces luttes contradictoires mais elles font
courir en plus, par leur nature même, le risque
évident de l’emballement, de l’amalgame et de la
vindicte.
Et s’en indigner est d’une rare hypocrisie dès
lors que la loi crée, elle-même, les conditions de
sa propre violation en prévoyant que la partie
civile n’est pas soumise au secret de l’instruction
et que les Parquets sont placés sous l’autorité du
Ministre de la justice. Ajoutez à ce déséquilibre le
secret salutaire des sources des journalistes permettant à tous de se croire à l’abri et vous aurez la
recette parfaite de révélations parfois justes, parfois
anarchiques, contradictoires et souvent instrumentalisées. C’est à qui aura la source « la plus proche
de l’enquête » comme on dit. Et parfois cette information n’est pas immédiatement publiée mais
circule complaisamment entre personnes dites « intéressées » ; et cela s’appelle plus que de la rumeur.
Et cette proximité des différentes sources - plus ou
moins fiables - est un fait. Incontournable. Je ne sais
s’il faut le déplorer mais ce qui est certain c’est que
ça ne changera pas de sitôt et que les récents cris
d’orfraies ont les accents du discours partisan, naïf
et peut-être malhonnête.
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Alors oui, dans ces affaires là, on viole aussi le secret de l’instruction à tous les niveaux : dans les
rédactions, dans les dîners en ville, en aparté d’une
audience, dans les couloirs des palais, des commissariats ou des entreprises du CAC 40, dans les antichambres des ministères et même sur les oreillers. http://www.atlantico.fr/decryptage/secret-instruction-hypocrisie-karachi-189087.html
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