Ma belle-fille est étrangère
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Ma belle-fille est étrangère
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Dossier coordonné par Yvelise Richard @ RÉAGISSEZ sur acines.fr www.magazine-r Ma belle-fille est étrangère “Mon fils a épousé une grecque…” “Ma fille vit au Sénégal avec son mari et ses enfants...” Une fois posé le problème de la langue, qui peut apparaître comme un obstacle à la relation, comment se comporter face à un couple mixte ? Des parents témoignent. TÉMOIGNAGES “Mon fils traduisait, nous faisions des gestes…” n été, notre dernier fils, Antoine, est parti en Suède avec un groupe de copains. Là-bas il y a rencontré une jeune Anglaise, Sally. Peu de temps après, ils nous a dit qu'il voulait partir en Angleterre. On a bien compris pourquoi… C'était le premier de nos enfants qui partait ainsi “U vivre à l'étranger. On se demandait comment il allait pouvoir poursuivre ses études par correspondance… Mais on ne s'est pas opposés à son choix. Quand Sally et Antoine revenaient en Vendée, la principale difficulté était de pouvoir apprendre à se connaître en dépassant la barrière RACINES 18 juillet 2009 de la langue. Mon mari et moi n'avions aucune notion d'anglais. Notre fils s'efforçait de traduire les conversations. Nous faisions des gestes… Mais ce n'était vraiment pas l'idéal, ce n'était intéressant ni pour elle, ni pour nous. Quand ils se sont mariés, nous avons rencontré la belle-famille. Là aussi, problème La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous pour se comprendre ! Ça bloque tout. Antoine et Sally ont vécu environ dix ans en Angleterre. Depuis deux ans, ils sont installés en France, à une poignée de kilomètres de chez nous. Progressivement Sally a beau- coup perfectionné son français. Elle est très douée ! Aujourd'hui on peut discuter. Et le fait qu'elle soit Anglaise n'a finalement plus d'incidence sur notre relation. Même si, encore parfois, mon fils est sa femme échangent en anglais quand ils ne veulent pas qu'on les comprenne ! Mais ça arrive de moins en moins souvent… Et puis ils ont eu une petite fille, née en France. Je peux en profiter ! Ce qui n'est pas le cas de la mamie maternelle qui vit en Angleterre.” Charlotte, 65 ans, Vendée On s’intéresse à un autre pays a macédoine, c’est un plat composé de différents morceaux de légumes. Mais connaissez-vous la Macédoine, ce petit pays aujourd’hui indépendant, qui faisait partie autrefois de la Yougoslavie ? C’est là qu’habitent mon fils et ma belle-fille macédonienne. Olivier est parti voilà six ans travailler à Skopje pour le compte d’une entreprise nantaise. Il a ren- “L contré Rahilka, devenue depuis ma belle-fille. Le fait qu’elle soit d’un autre pays ne pose absolument aucun problème. Elle parle français parfaitement et sa gentillesse fait que je me sens très proche d’elle. Cette situation nous a permis de nous intéresser à un autre pays, à son histoire, à ses coutumes. Nous avons sympathisé avec sa famille aussi, mais le plus difficile, ce sont les conversations avec Kiril, son père, car lui, contrairement à son épouse Maria, ne parle pas français. Alors là, les enfants doivent traduire. Et nous, nous allons essayer de développer notre vocabulaire macédonien.” Serge et Sylvie (Chantonnay) Trois enfants mariés avec trois Suisses ! rois de mes quatre enfants vivent en Suisse où ils ont épousé des Suisses francophones : mes deux filles, Brigitte et Anita, sont installées dans le Valais, à quelques kilomètres l'une de l'autre, et mon fils Didier est cuisinier dans une maison de retraite, en Gruyère. Quand notre fils nous (mon mari et moi) a annoncé son mariage, ça s'est bien passé : il n'y a guère de différence entre nos deux cultures. Excepté qu’ils sont peut-être plus ordonnés que nous. Et Didier a pris cette habitude. Maintenant, il est même plus maniaque que MarieClaude, sa femme ! Ils ont eu deux garçons, de 19 et 17 ans. Ce sont les plus grands de mes petits-enfants. Ma fille aînée Brigitte a deux garçons “T aussi. Ma dernière, Anita, a deux garçons et une fille. J'ai toujours eu de bonnes relations avec ma belle-fille et avec mes gendres, même si le plus jeune des deux me fait souvent marcher et me taquine. Anita a fait son mariage civil en Suisse. Puis, avec son mari et sa famille, ils sont venus faire la fête en Vendée. Je me rappelle que les Suisses étaient surpris de voir comment on s'amusait chez nous pour la noce : il y avait des cousins, des oncles (on est une grande famille). Les Suisses, eux, étaient bien moins démonstratifs ! Ce que je regrette un peu aujourd'hui, c'est de ne pas voir grandir mes petits-enfants même s'ils viennent régulièrement en Vendée : une à deux fois par an selon leurs possi- RACINES 19 juillet 2009 bilités. L'été, ils restent entre quinze jours et trois semaines à la maison. Tant que mon mari était vivant, on allait les voir en train mais c'était long et fatiguant (il y avait un changement à Paris). Maintenant, je m'y rends en voiture avec mon dernier fils, qui vit près de chez moi. Mais cela nécessite aussi une journée complète pour traverser la France. On y est allés l'an passé en août. Si c'était plus facile, j'irais bien les voir plus souvent ! Je n'ai pas internet et je ne peux pas les voir comme que je le voudrais. Cette année, fin juillet, on va fêter mes 70 ans. Les trois Suisses et tous leurs enfants vont venir pour cette occasion. Tous ensemble.” Marie-Alice (70 ans) La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous L’avis des experts Par Vincent Ritz, Responsable Formation au Centre interculturel de documentation de Nantes “Apprendre d'abord à dépasser ses préjugés” Quand son enfant épouse une personne de nationalité étrangère, comment réagir ? Le bon déroulement du vivre ensemble se fera par une volonté individuelle: c'est juste la question de savoir comment “moi, en tant que beau-père ou belle-mère, j'accepte mon gendre (ou ma belle-fille) avec ce qu'il est, avec ses différences culturelle, cultuelle, sociale ou linguistique…” Là, on touche le seuil de tolérance personnel. Comment se positionner par rapport à la “différence” ? Comment développer des aptitudes à accepter et à respecter l'autre avec ses “différences” ? Comment surmonter ses “a priori” ? Celuici est encore plus grand quand “l'étranger” prend une place dans la famille : ce n'est plus un étranger ! Cette personne a créé une relation avec votre enfant et il devient par là, un familier (un membre de la famille). Ce travail de prise de conscience de la différence (“on la voit et on la reconnaît”), de son acceptation puis de son dépassement est une responsabilité totalement individuelle. Personne ne peut faire cela à la place des beaux-parents. Sinon ils risquent de rester dans le reproche de l'autre et de sa différence plutôt que de leur propre remise en question. La relation s’établit, par exemple, par une accroche commune, un échange culturel, permettant à la bellemère ou au beau-père d'aller au-delà de leurs propres représentations de l'autre (le conjoint de son enfant). Ce terrain d'entente ou de partage peut être du loisir (sport, cuisine), des questions philosophiques, ou bien un intérêt commun. Cela permet enfin d'établir la relation ! Mais il faut aussi que le gendre ou la belle-fille accepte la différence. Lui, ou elle, aussi peut avoir des représentations de ses beaux-parents. On rentre dans une dynamique de ce que j'appelle “la coopération relationnelle”. Face à la formation d'un couple mixte, quelles peuvent être les appréhensions ou les raisons de se réjouir des parents ? Quand un enfant quitte la maison pour vivre sa vie en couple, c'est un peu comme un “enlèvement”, comme si on désappropriait les parents de leur responsabilité parentale. “Comment accorder sa confiance à la personne (belle-fille ou gendre) qui “m'enlève” mon enfant et accepter ce départ ? Concrètement cela signifie que mon enfant n'a plus besoin de moi, mais d'un autre. Et je n'ai pas le choix ! ou alors, si, mais cela veut dire que je risque de ne plus voir mon enfant.” Quand un enfant choisit un conjoint différent de sa propre culture, les parents peuvent s'interroger : “cela ne te plaît pas ce que nous sommes ?” Attention, relativisons : il n'y a pas un seul schéma de famille. Je ne dirais à personne : “c'est comme ça qu'il faut faire !” Pour la plupart des couples mixtes ou issus de mariages mixtes, il n'y a pas de souci avec leurs parents. Certains ne se sont jamais posé la question. Il n'y a pas de raison que cela ne se passe pas bien quand on est dans une dynamique d'ouverture et d'acceptation. Finalement, c'est peutêtre ça la clé. Comment entretenir le lien avec ses petits-enfants, nés et vivant à l'étranger ? La distance géographique est souvent une souffrance tant pour les grands-parents que pour les petitsenfants. Tous les grands-parents ne peuvent pas forcément voyager et se rendre chez leurs enfants installés à l'étranger. Les outils technologiques comme Internet ne remplacent pas la relation directe, certes, mais peuvent la favoriser. Depuis l'utilisation de ces outils, on s'aperçoit que les familles sont moins dans la souffrance. La webcam ajoute l'image au son (que donnait déjà le RACINES 20 juillet 2009 téléphone) et rapproche les gens. Après, il manque le tactile (on ne peut pas embrasser son petit-enfant !). C'est quand même mieux qu'avant ! Malheureusement tout le monde n'a pas accès à cette technologie. Autre point : quand il y a un excès de certains grands-parents qui vont faire une “surconsommation” de la relation ! Il est souhaitable d'être vigilant, les petits-enfants peuvent avoir la sensation “d'étouffement” et les parents de “dépossession” quand papi et mamie leur rendent visite. Ils peuvent leur faire plaisir de façon exagérée : “rentabiliser leur temps” de présence au maximum par de l'occupation permanente, beaucoup de cadeaux. Peutêtre pour tenter d'éloigner la crainte de ne pas être aimé en donnant beaucoup (trop !), voire au détriment de leur propre enfant. Cette problématique d'ailleurs se rencontre sans que la distance soit importante... Dernier aspect : le “bilinguisme” du petit-enfant. Celui-ci maîtrise les deux langues de ses parents, c'est une réelle compétence acquise par l'enfant. Certains grands-parents, peuvent mal le vivre : “on ne comprend pas ce qu'ils se disent avec le gendre”, “ils parlent peut-être de nous !” (sous-entendu, “nous sommes mis à l'écart”). L'enfant parle la langue qui peut le rassurer à un moment et ne sera pas la même à un autre. Pas de crainte, rien de grave et pas d'entourloupe dans cette stratégie. Il est possible d'être présent dans cette relation. Les enfants apprécient quand leur papi et mamie, les “sages de la famille” s'intéressent à cette langue qu'ils ne maîtrisent pas et les aident à comprendre. L'enfant devient alors l'éducateur des aînés et leur enseigne quelques mots de base. L'enfant est très touché de cela : il est en responsabilité et en position de savoir et de sagesse, avec une reconnaissance de ses grands-parents et bien évidement des parents. La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Par Jeanne Vrignaud conseillère familiale de l’association Couples et familles “Les grands-parents doivent faire le maximum pour que les liens persistent” Face à l'éclatement des familles avec les enfants partis travailler au loin et leurs parents restés au pays, quelles conséquences cela a-t-il sur la vie familiale ? Il est certain que la vie familiale est perturbée quand les enfants sont partis au loin, et qu'ils forment un couple avec un ou une autochtone. À plus forte raison quand ils ont des enfants. Cela me fait penser au témoignage de la mamie de 80 ans lors des dernières Rencontres Racines qui avait plusieurs de ses enfants installés à l’étranger. Elle s'est mise à l'Internet, la webcam, les voyages pour garder le contact. Je connais une autre mamie qui a des enfants partis à l'autre bout du monde, et qui invite ses frères et sœurs, ses neveux et nièces, bref la famille élargie, à venir voir et parler avec les “exilés”. Quand le gendre ou la bru sont étrangers, comment bien l'accueillir dans la famille ? Les relations sont difficiles à nouer quand on ne peut pas “voir” et “toucher” la personne ; à plus forte raison si elle est étrangère. Cela se limite souvent à une visite de quelques jours par an, au moment des vacances. Et quand il y a des enfants, on ne les voit pas grandir. Les grands-parents se sentent frustrés de ne pouvoir prendre dans leurs bras ces petits-enfants pour les choyer. Il me semble important pour bien accueillir “l'étranger (-ère)” avant de le rencontrer, de se documenter sur son pays, sa culture, ses habitudes, sa religion, pour éviter des impairs majeurs. Comment lier des relations avec son beau-fils ou sa bellefille, lorsqu'il existe des dif férences de langues ou de culture ? Nos enfants organisent leur propre vie, sans nous. Nous devons respecter leur choix de vie de couple, même si nous ne sommes pas d'accord. Il faut aussi, selon notre capacité et nos moyens, essayer de se mettre à la portée de l'autre. Par exemple : apprendre (ou réapprendre) sa langue, connaître les rites et les usages de sa culture, de sa religion, se familiariser avec sa couleur de peau… Souvent les enfants de ces couples sont bilingues, et servent “d'in terprètes” auprès du parent qui ne maîtrise pas forcément le français. Essayons un petit peu d'oublier nos réticences, et ouvrons-nous à d'autres horizons. RACINES 21 juillet 2009 Comment créer le lien et, plus tard, l'entretenir entre grands-parents et petitsenfants ? En tant que grands-parents, nous devons faire le maximum pour que les liens familiaux persistent. Nous avons, en principe, du temps libre. Pourquoi ne pas aller nous-même à l'étranger pour les rencontrer ? Voir vivre les gens dans leur milieu habituel nous aide à comprendre beaucoup de choses et peut guider notre attitude… Et au retour, partager avec la famille élargie. Les relations affectives, nouées sur place, contribuent à entretenir ce lien familial. Quand les relations deviennent difficiles, y a-t-il moyen d'aplanir et de dénouer les conflits ? Pour éviter le conflit, il est important d'agir dès le début, préventivement en quelque sorte. En cas de conflit, les deux personnes du couple ont des efforts à faire. Les pistes données précédemment sont à exploiter, par les deux, pour rétablir ou établir la communication. Le dialogue peut d’ailleurs se faire avec une tierce personne (étrangère à la famille). La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine