La construction reste belge mais les matériaux étrangers entrent par

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La construction reste belge mais les matériaux étrangers entrent par
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DOSSIER
SEMAINE DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2014 LIBRE IMMO
La construction reste belge mais
matériaux étrangers entrent par
Dossier Yvan de Smet
LA 11e ÉDITION DU SALON BATIRENO ouvre ses
portes ce samedi pour huit jours. Le rendez­vous
namurois des spécialistes de la construction, de la
rénovation et de l’aménagement fait la part belle
aux professionnels de la région. Une proximité qui
dépasse le seul cadre du salon. Car, si les produits
de consommation proviennent aujourd’hui du
monde entier, le “made in Belgium” est encore de
mise pour la construction de nos maisons. Ci­
ment, briques et pierres ne parcourent que quel­
ques kilomètres depuis leur lieu de production
jusqu’au chantier.
Le matériau belge garde la cote grâce à plusieurs
atouts. “Le rapport qualité­prix est excellent sur les
produits nationaux. Il n’y a aucune raison d’aller voir
ailleurs quand on peut favoriser la production locale
très qualitative”, précise Jean­Luc Monville, direc­
teur technique des Maisons Compère, entreprise
qui figure, entre autres, parmi les exposants du sa­
lon. Et d’ajouter que “les noms les plus connus en
Belgique nous confortent dans nos choix de maté­
riaux, même si les clients se soucient généralement
peu de l’origine des produits”. Nicolas Jennes, le di­
recteur­général de l’entreprise de construction
Etienne Piron, livre le même message. “Avec nos
matériaux, on sait ce qu’on a et on le maîtrise. Dans le
choix d’un nouveau fournisseur, la plus grande in­
connue est la durabilité. Comment va évoluer tel
composant après plusieurs années ? Le gel ou l’humi­
dité, parfois combinés à des pressions ou simplement
à du passage important, peuvent considérablement
endommager une simple pierre.”
La construction n’échappe toutefois pas à la
mondialisation. Les offres marketing viennent des
pays voisins bien sûr, mais aussi de l’Europe de
l’Est et de l’Asie. Les déboires de la pierre bleue
chinoise, pas assez résistante à la météo belge et
notamment au gel, n’ont pas découragé le géant
asiatique. “Des parquets chinois arrivent sur le mar­
ché mais il n’est pas question de les tester sur nos
clients. On ne veut pas de mauvaise surprise. Si on dé­
JEAN-LUC FLÉMAL
Les matériaux belges sont
privilégiés mais la mauvaise
situation d’autres pays pousse la
concurrence à attaquer la Belgique.
Si la brique est et reste un pur produit –
et un style – ‘made in Belgium’, d’autres
matériaux se font concurrencer par
l’étranger. A l’image de la main-d’œuvre…
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les
la fenêtre
BATIRENO EN PRATIQUE
- 150 professionnels de la construction, de la
rénovation et de l’aménagement réunis sur 12 000
m² du 20 au 28 septembre prochains sur le site de
Namur Expo (avenue Sergent Vrithoff 2, Namur).
- L’atelier “Home organising” : un concept
d’organisation et de rangement de l’habitat qui
arrive des Etats-Unis.
- Des conférences : les performances de l’argile
crue, les pièges à éviter lors d’un projet de
construction ou de rénovation, et le défi
énergétique.
cortique nos maisons, elles sont certainement belges à
plus de 90 %. Que ce soit des marques belges ou pro­
duites en Belgique”, précise encore Nicolas Jennes.
Le reste des matériaux est principalement cons­
titué de petites fournitures. L’origine des clous,
des vis ou des boulons est difficile à déterminer.
Quant à certains secteurs comme le carrelage, le
Belge n’y a jamais été présent.
DOSSIER
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La brique garde le haut du pavé
Les bâtisseurs la choisissent pour sa technique et son esthétique.
“Trois quarts des maisons sont toujours construites
en briques”, c’est le sentiment de Jo Van Den
Bossche, le directeur de la Fédération belge de la
Brique. Le matériau emblématique de la cons­
truction belge a toujours la cote grâce à un mar­
ché dynamique. “La brique est toujours demandée
par les architectes. Elle est plus mélangée qu’autre­
fois avec d’autres matériaux mais elle reste cen­
trale.” Pleine, perforée, étirée ou faite main, la
brique est multiple et innovante. Le produit se
veut technique, avec de grandes résistances au
gel ou au bruit. Des murs peuvent être prémon­
tés en atelier ou précollés avec un isolant, pour
une pose plus rapide. “Pour les maisons passives,
les performances de la brique sont supérieures à cel­
les du bois”, souligne Jo Van Den Bossche.
La brique recherche aussi l’esthétique dans sa
gamme dite “de parement”. Rouge, gris, blanc,
des dizaines de teintes, de mesures et de tailles
différentes sont disponibles “selon le choix du
maître d’ouvrage ou de… son épouse”.
Une brique belge sur deux est exportée
La concurrence est surtout nationale. L’inté­
rieur du mur – la partie portante – est constitué
de blocs lourds et volumineux. L’importation est
faible car les prix ne sont pas élevés. Pour le pare­
ment, 20 % des briques utilisées en Belgique pro­
viennent des Pays­Bas ou d’Allemagne. “En géné­
ral, pour des raisons de couleurs et malgré l’impor­
tant choix que nous avons déjà, analyse Jo Van Den
Bossche. Mais nous exportons bien davantage. Une
brique sur deux fabriquées chez nous part hors de
nos frontières. La plupart pour les pays voisins mais
aussi en Grande­Bretagne et jusqu’en Russie.”
YdS
25 % du ciment vient de l’étranger
La concurrence cherche de nouveaux débouchés aux marchés en panne.
Pas de bas de gamme
La qualité de construction serait une habitude
dans les maisons belges ? “Les marques belges four­
nissent ou achètent, quand le produit est retravaillé,
des matières premières de qualité”, explique Valery
Bougard, directeur commercial des Maisons Bai­
jot, qui tiendront, elles aussi, un stand à Batireno.
Pas de produits d’entrée de gamme. Les labels et
les certifications mis en place en Belgique garan­
tissent un bon niveau de qualité. Du côté des can­
didats­acquéreurs, la question est pourtant rare­
ment posée. “Les clients ne décortiquent pas la mai­
son mais on leur explique que les blocs viennent
d’Ardenne et les briques de Flandre. Le ‘made in Bel­
gium’ est un argument de vente, même avec une pe­
tite différence de prix.”
Si les clients se soucient peu de l’origine des pro­
duits, c’est pourtant l’intérêt du Belge pour la bri­
que qui permet que celle­ci soit encore noire­jau­
ne­rouge. Etant donné la demande importante, de
nombreuses entreprises sont actives sur le mar­
ché. La forte concurrence freine l’arrivée de nou­
veaux acteurs et induit une innovation lente mais
constante. Il n’y a pas de plus grande modernité
ailleurs. “Les produits d’Asie ne sont que des copies
des produits européens”, ajoute Valery Bougard.
Le marché belge des matériaux de construction
n’est pourtant pas isolé du reste du monde. La
qualité belge est connue et reconnue, mais certai­
nes productions étrangères conquièrent des parts
de marché en jouant sur des prix compétitifs, sans
que la différence ne soit trop importante en ter­
mes de qualité et de technique. Dans cette catégo­
rie : les châssis en provenance des pays de l’Est.
“Avant, c’était un argument pour ne pas les vendre.
Aujourd’hui, on serait trop cher si on n’utilisait pas
parfois ces produits”, révèle Jean­Luc Monville.
Le marché belge de la construction résiste tant
bien que mal au ralentissement que connaît le
secteur depuis 2008. Le véritable coup de frein
dans certains pays a toutefois conduit leurs pro­
ducteurs et les fournisseurs à s’intéresser à nos ré­
gions. La brique du ventre des Belges semble tou­
tefois encore loin d’avoir besoin d’un passeport
pour arriver jusqu’à eux.
“Le marquage CE1 + garantit un niveau élevé de
qualité au ciment belge.” André Jasienski, le direc­
teur de la Fédération de l’Industrie cimentière
belge (Febelcem), en est convaincu, le haut ni­
veau de performance du ciment belge est son
meilleur atout. En près de 15 ans, les importa­
tions de ciment en Belgique ont augmenté de
plus de 75 %. De 10 % en 2000, elles atteignent
aujourd’hui 25 %. En cause ? La relative bonne
santé de la construction belge par rapport à
d’autres pays d’Europe. En 7 ans, la consomma­
tion européenne de ciment a chuté de 40 %. Es­
pagne, Irlande et Grèce en tête. “Les producteurs
de ces marchés doivent en trouver d’autres. La Bel­
gique en fait partie”, précise André Jasienski.
Le marquage CE (Conforme aux Exigences)
créé pour harmoniser les techniques européen­
nes garantit des normes et permet une libre cir­
culation dans l’Union européenne. Parmi les dif­
férents niveaux, la spécification 1 +, très élevée,
garantit un contrôle extérieur de la qualité.
“C’est dommage que la subtilité 1, 2 ou 3 ne soit pas
précisée à côté du CE, relève André Jasienski. Les
acheteurs pourraient être mieux informés.” Encore
plus exigeant, le directeur de la Fédération pré­
conise de demander la certification “Benor”.
“C’est un label attribué par un organisme indépen­
dant. Le maître d’œuvre dispose alors d’une vérita­
ble garantie. Si l’entreprise qui a posé le matériau
disparaît, c’est le producteur de ciment qui inter­
vient, comme un service après­vente.”
YdS
Prix et qualité font osciller la tuile
Une nouvelle norme devrait rétablir l’équilibre concurrentiel.
“La crise a mis fin au milieu de gamme des tuiles
et des ardoises.” Le constat que dresse Karl Iser­
byt responsable de la division toiture chez
Eternit, se vérifie depuis plusieurs années. “De­
puis 2009, le marché s’est fracturé entre ceux qui
privilégient le prix et les défenseurs de la qualité.
Les concurrents des pays de l’Est se sont position­
nés sur le bon marché. Nous mettons en avant la
qualité et la durabilité de nos produits.” Le mar­
quage et les normes ne garantiraient pas un
bon niveau de qualité ? D’après Karl Iserbyt, la
norme minimale CE n’est pas suffisante dans
la durée. “Les produits chimiques utilisés dans
l’Est de l’Europe permettent de passer le contrôle
CE mais cela ne dure que quinze jours. Au­delà, la
norme n’est plus valide.” Pour plus de transpa­
rence sur les produits et mesurer l’impact en­
vironnemental des usines de production, des
Déclarations environnementales des Produits
(EDP) entrent en vigueur pour le secteur en
2017. Le coût du cycle de vie et l’efficacité
énergétique sont autant d’informations dont
disposeront alors les acheteurs. “Les EDP 2017
doivent rétablir l’équilibre de la concurrence, es­
père Karl Iserbyt, même si elles ne seront pas
obligatoires pour les producteurs.”
Les produits du sud font face à un autre mal,
le chômage économique. Les marchés de la
construction, presque au point mort, ont pro­
voqué l’arrêt des chaînes. “La qualité est plus
stable quand l’outil tourne toujours. Le début et la
fin d’un processus de fabrication sont moins qua­
litatifs et le consommateur ne le sait pas.”
YdS