Pourquoi et comment clarifier la place et le rôle du DGS

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Pourquoi et comment clarifier la place et le rôle du DGS
Pourquoi et comment clarifier la place et le rôle du DGS ?
Rencontre professionnelle organisée par le Syndicat national des directeurs
généraux des collectivités territoriales (SNDGCT)
- SYNTHESE Intervenants :
Stéphane PINTRE, président national du SNDGCT, DGS de la ville d’Antibes-Juan-les-Pins
Laurence CHENKIER, coordinatrice du réseau national statut-carrières du SNCGCT, DGS de la
ville de Saint-Didier-au-Mont-d’Or
La rencontre était animée par Michel NAMURA, vice-président national, président régional Ile-deFrance, DGS de la ville de Saint-Ouen
Un cycle de 10 ans s’achève qui a vu passer la fonction de DGS de la gestion au management,
après être passée, suite au cycle précédent, de l’administration à la gestion. Le changement de
l’appellation de « secrétaire général » en « directeur général des services » traduit cette prise en
compte récente de la dimension managériale.
Cette reconnaissance du rôle de manager s’articule autour de deux volets :
-
Le rapport au politique, avec un exécutif qui demeure toujours dans les textes le « chef de
l’administration ».
Les attributions du DGS pour jouer son rôle de manager des ressources humaines et des
politiques publiques.
Au travers de la fonction de DGS c’est l’évolution du style et du contenu du management des
collectivités territoriales qui est interrogée. La reconnaissance juridique du rôle du DGS semble
largement incomplète au vu des missions effectivement exercées et des responsabilités reconnues
par les juges pénal et administratif.
Il apparaît donc important de faire le point sur les sollicitations et les avancées du syndicat national
des directeurs généraux des collectivités territoriales dans un paysage administratif et politique
local aussi unifié juridiquement que divers dans sa composition.
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1. Le cadre juridique ne reflète pas la réalité des missions exercées par le DGS et
des responsabilités auxquelles il est exposé.
1.1 Bien que la loi de février 2007 étende le champ de l’emploi fonctionnel, elle ne lui a
toujours pas donné de véritable définition.
Si la loi du 19 février 2007 étend le champ de l’emploi fonctionnel, elle n’en donne toujours pas de
définition. Seuls la loi du 26 janvier 1984, qui dans son article 76 évoque le pouvoir de notation, et
le décret du 30 décembre 1987, dont l’article 2 mentionne le pouvoir de direction et de coordination
de l’ensemble des services, identifient à ce jour les fonctions du DGS. Auparavant, un texte de
1952 posait le principe selon lequel le secrétaire général exécute les décisions du maire.
Le Code général des collectivités territoriales confie la compétence de l’administration au maire et
ne permet que des délégations de signature au DGS et aux principaux directeurs et chefs de service.
Ainsi, le DGS n’a pas de compétence légalement reconnue pour préparer les actes de
l’administration ou pour assurer le secrétariat des séances de l’assemblée délibérante. Il ne siège
pas de droit à la commission administrative paritaire, ni au comité technique paritaire. Il ne peut pas
siéger ès qualité à la commission d’appel d’offres et à la commission de délégation de service
public, même si le code des marchés public (art 22.5) et le CGCT (art L 1411-5) permettent au
maire d’associer un « agent compétent ».
L’article 28 de la loi du 19 février 2007 vient toutefois confirmer une solution jurisprudentielle en
affirmant que le président de la commission administrative paritaire peut désigner le DGS pour
l’assister.
1.2 Cette situation est d’autant plus étrange que d’autres directions générales voient leur rôle
clairement reconnu par la loi.
Le directeur du centre communal d’action sociale peut, au regard de la loi du 6 mai 1995, recevoir
une délégation de pouvoir du président.
Le directeur du SDIS est reconnu dans ses attributions délibératives et opérationnelles. Il a
également un pouvoir de proposition légalement reconnu.
Enfin, le directeur d’hôpital fait l’objet d’une large reconnaissance de compétence par le code de la
santé publique, notamment celle de préparer les travaux du conseil d’administration.
Ainsi, les cadres dirigeants des établissements publics locaux disposent d’une meilleure
reconnaissance juridique de leurs attributions que les cadres dirigeants des collectivités territoriales.
Le cadre juridique de la fonction de DGS est donc lacunaire. Pour autant, sans texte, le juge
considère qu’il y a une réalité du pouvoir du DGS, lorsqu’il s’agit de mettre en cause sa
responsabilité.
1.3 L’absence de reconnaissance juridique des compétences du DGS est en décalage avec la
qualification par le juge pénal de sa responsabilité .
Le tribunal correctionnel de Strasbourg a, par un arrêt du 27 mars 2007, condamné la ville pour
dommages graves à la suite de la chute d’un platane dans le Parc de Pourtalès. L’arrêt met en
lumière le décalage entre l’absence de définition des missions du DG et la reconnaissance
expansive de la responsabilité induite par la délégation de signature, assimilée en l’espèce à une
délégation de pouvoir implicite. Ainsi, le juge pénal reconnaît une véritable délégation de pouvoir
du DGS en vertu de la délégation de signature. Or, il ne saurait y avoir de responsabilité sans
compétences clairement établies.
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Dans cette décision, le juge judiciaire a retenu une notion extensive de responsabilité déléguée, en
s’appuyant sur les compétences qu’il reconnaît par ailleurs aux chefs d’entreprise. Ce dernier peut
en effet se départir de sa responsabilité à partir du moment où il a délégué sa signature. De cette
posture, le juge judiciaire a déduit que le DGS détenait une délégation de signature, donc de
compétence, qui justifiait la mise en cause de sa responsabilité.
Or, cette position n’est pas strictement transposable en droit administratif, pour lequel la délégation
de signature n’est qu’un aménagement administratif qui n’emporte pas délégation de compétence,
ni de responsabilités. Au contraire, pour le juge pénal, la délégation de signature emporte transfert
de responsabilité.
1.4 Une jurisprudence récente fragilise le lien hiérarchique du DGS l’ensemble du personnel.
Le tribunal administratif de Nancy dans un arrêt du 12 juin 2007 a soustrait de la hiérarchie du
DGS les agents de la police municipale de la ville de Verdun, considérant que ces derniers devaient
être rattachés au chef de la police municipale, lequel relève directement du maire. Ce jugement
apparaît en contradiction avec la réalité des fonctions managériales du DGS.
En dépit d’une responsabilité juridique forte, la compétence du DGS n’est pas reconnue. Or, il ne
peut y avoir de responsabilité sans reconnaissance de compétences précises. Tels sont notamment
les éléments qui font de la reconnaissance de la fonction la priorité de la démarche du SNDGCT sur
ce sujet.
2 / La définition du SNDGCT s’appuie sur la réalité des fonctions exercées mais
demeure confrontée à une série de difficultés
2.1 Le DGS constitue dans les faits la clé de voûte de l’organisation des collectivités
territoriales
La reconnaissance progressive de ses compétences se confirme avec la décentralisation comme
avec le développement de l’intercommunalité. L’exercice d’un pouvoir politique solitaire, celui du
maire, qui pourrait se passer de la compétence managériale d’un DGS a vécu. La complexité des
enjeux, la gouvernance des territoires et la nécessité d’une forte dynamique de mobilisation des
services exigent aux côtés du maire, une direction générale administrative et technique stratégique.
Le développement de la démocratie de proximité renforce cette exigence encore.
En l’absence de définition des attributions du DGS, il y aura de moins en moins de cadres qui
voudront exercer cette fonction. Des problèmes de recrutement pourraient survenir sur l’ensemble
des emplois fonctionnels. S’y ajoute le souci de nombreux cadres de maintenir leur technicité
initiale alors que le passage aux fonctions de DGS exige de devenir des généralistes…ou des
spécialistes du management.
La place du DGS est interrogée, au même titre que l’ensemble de l’édifice statutaire, dans le
contexte d’une éventuelle unification de la fonction publique française. Au plan du droit
communautaire, le champ des prérogatives de puissance publique se restreint et ouvre de plus en
plus l’emploi aux ressortissants de l’Union Européenne.
Dans cette possible nouvelle organisation statutaire, les emplois fonctionnels doivent faire valoir
leurs spécificités, ce qui renforce la nécessité de mieux en définir les fonctions.
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2.2 La définition par la loi du rôle de DGS doit encore faire face à de nombreux obstacles
Le réseau national « statut-carrières » du SNDGCT s’est saisi de cette question, en s’interrogeant
d’abord sur la forme que peut revêtir une future définition : charte, contrat de mandature, ou
inscription dans la loi ?
Les participants au récent Congrès d’Orléans ont privilégié la proposition d’une modification de
l’article L 1111-1 à 1111-7 du CGCT, lequel pourrait être ainsi rédigé :
« Sous l’autorité et le contrôle de l’autorité territoriale, le DGS dirige et coordonne l’ensemble
des services. Il propose et exécute les délibérations, décisions et arrêtés. Il assure le secrétariat des
instances décisionnelles et consultatives ».
Cette proposition se heurte encore à une série d’obstacles.
Premier d’entre eux, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.
L’exécutif est ainsi le seul représentant de l’autorité locale. Il s’agit d’une transposition au plan
local de l’ancien modèle monarchique, qui trouve sa traduction dans l’article 72 de la Constitution :
les compétences ne sont reconnues qu’à des autorités qui procèdent des assemblées élues. Sous
forme active, cela revient à dire que « les élus administrent » et que l’autorité territoriale apparaît
comme la seule légitime pour incarner l’administration.
La diversité des collectivités constitue un deuxième obstacle. Ainsi, si l’on considère qu’il existe un
« contrat de confiance » entre le maire et le DG, le principe de la délégation paraît beaucoup plus
naturel dans les grandes villes, l’élu ne pouvant procéder autrement. La diversité des opinions
exprimées par les différentes associations d’élus sur la nécessité de définir le rôle du DGS souligne
l’hétérogénéité des communes.
Ainsi, l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) est globalement en accord
sur la formulation proposée par le SNDGCT. Cela correspond à la réalité quotidienne des maires de
ces grandes villes dans leurs relations avec les DGS.
La Fédération des maires des villes moyennes (FMVM) est en accord sur certains points de la
proposition du SNDGCT mais ne partage pas son point de vue sur les délégations de compétences
au DGS.
Enfin, l’Association des maires de France (AMF) est beaucoup plus réservée sur cette question. Le
poids des maires des communes de moins de 2000 habitants est plus important, alors qu’ils ne sont
pas concernés par la fonctionnalité et que les grands élus investissent moins cette arène. De plus, la
proposition de définition des fonctions correspond parfois moins à la réalité actuelle de
l’organisation des petites collectivités.
Il faut également souligner le poids des adjoints au maire. Leur rôle est complexe, en raison
notamment de la délégation de fonction. Cette délégation n’existe pas dans notre ordre juridique
qui ne reconnaît que la délégation de pouvoir (totale) et la délégation de signature (simple mesure
d’organisation). La délégation de fonction s’apparente à une délégation de signature à laquelle
s’ajouterait une délégation de confiance, fondée sur une réalité politique. Dès lors, toute définition
qui aurait pour effet de clarifier les délégations possibles du maire au DGS se heurterait à la
délégation que revendiquent les adjoints, notamment en matière de ressources humaines. Ne
conviendrait-il pas, dès lors, que le DGS reçoive délégation de compétences, et non plus seulement
de signatures, pour les actes de gestion des ressources humaines et que soit rendue impossible la
délégation de cette fonction à un adjoint ?
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Troisième série de difficultés, la question des seuils démographiques. L’abaissement du seuil de
création de l’emploi fonctionnel de DGS a renforcé l’hétérogénéité des communes. Toutefois, le
seuil de 2000 habitants n’est pas arbitraire, il tient compte de la réalité géographique. Une solution
« médiane » consisterait à proposer, à l’image du mode de scrutin, une définition des compétences
du DGS modulable selon les communes, sur la base d’un « noyau dur » constitué de la préparation
et de l’exécution des actes administratifs.
Une seconde piste de réflexion est fournie par l’observation de la situation dans le reste de
l’Europe, où il n’y pas, comme on pourrait le penser, une opposition Nord/Sud. Ainsi, la situation
en Italie se rapproche de celle des pays du Nord et repose sur l’existence d’un fort « contrat de
confiance » entre élus et directeur général. De même, dans certains pays, maire et directeur général
sont élus.
Pour mieux traiter cette question, une enquête a été menée dans les 50 Etats membres du Conseil de
l’Europe. Elle sera présentée lors de la prochaine Conférence internationale organisée par le
SNDGCT avec le Conseil de l’Europe et l’Union des dirigeants territoriaux européens, qui aura lieu
à Strasbourg les 17 et 18 janvier 2008 sur le thème « Les relations institutionnelles entre l’organe
exécutif et l’organe administratif local ».
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Synthèse rédigée par les élèves administrateurs territoriaux de la promotion Lucie AUBRAC
(2007-2008)
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