L`assemblée des retraités lorientais

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L`assemblée des retraités lorientais
L’assemblée des retraités lorientais
+
Sommaire
Mai 2016 PERSONNALITÉS_____________________ 4 I 9
> Quelques Lorientaises célèbres...
> Plaidoyer pour Jean-Louis Gérard
> Le professeur Mazé
> Hippolyte-Magloire Bisson
4
Quelques Lorientaises
célèbres, et d’autres moins
SPORTS________________________________________ 10
> FCL, un club qui a la pêche
TRANSPORTS_______________________________11
> Le bassin à flot déborde
> Arrivée du train : à toute vapeur !
10
FCL, un club
qui a la pêche
LOISIRS__________________________________12 I 13
> À la recherche des cinémas disparus…
BOTANIQUE_________________________ 14 I 15
> Le difficile voyage
des plantes exotiques
SANTÉ___________________________________ 16 I 17
> Microbes et virus dans l’histoire
> Les hôpitaux civils et militaires
12
À la recherche
des cinémas disparus…
LIEUX____________________________________ 18 I 22
> Le château de Tréfaven
> Histoire de l’île St-Michel
> La croix de la Perrière
> L’industrie du froid à Lorient
POINT DE VUE_____________________________23
2
Lorient + Mai 2016
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Histoire condensée de
l’île Saint-Michel
Photos d’archives © Collection archives municipales de Lorient
Edito
« Depuis 1666, la ville affirme
ses capacités de séduction, sa force
de caractère et une redoutable volonté.
À travers ses métamorphoses, elle se forge
une identité, singulière et sensible. »
«
U
ne ville finit par être
une personne » disait
Victor Hugo.
Du haut de ses trois
siècles et demi d’existence, Lorient affiche
toute sa jeunesse. Née d’un père ouvrier,
d’une mère océan, elle évolue en bonne
compagnie, grandit sans arrogance.
Clos à ses débuts, fortifié pendant la
Seconde Guerre mondiale, son territoire
est maintenant résolument ouvert aux
autres, de l’agglomération jusqu’à ses
jumelles internationales.
Jadis abîmée, aujourd’hui Lorient se
rebâtit, tellement urbaine et naturelle.
Désireuse de modernité, elle lie son
destin à l’architecture. Après Jacques V
Gabriel, Georges Tourry, Roland Castro,
Henri Gaudin, Jacques Ferrier, ou Jean
de Giacento, son écriture se poursuit, à
l’image des prochaines transformations
dans le quartier de la gare.
Plus que jamais agissante en ce XXIe
siècle, la voilà inscrite dans son temps,
donnant des signes d’avenir. Ils portent
les noms d’éducation, d’habitat abordable, de maîtrise de l’énergie…
Avec audace, elle invite à regarder devant
soi. Premier pôle de course au large, place
portuaire forte, la maritimité lui fournit
encore toute son énergie.
Fidèle à sa réputation solidaire, elle préserve sa fortune sociale, entretient son
capital collectif. Joyeuse et conviviale,
Lorient aime jouer de toutes ses passions, interceltiques, footballistiques,
nautiques…
Depuis 1666, la ville affirme ses capacités de séduction, sa force de caractère
et une redoutable volonté. À travers ses
métamorphoses, elle se forge une identité,
singulière et sensible.
C’est certain, Lorient a une âme, et
59 000 cœurs battants. Et elle a la chance
de pouvoir compter sur de nombreux talents pour l’animer, sur de nombreux acteurs désireux de travailler collectivement
à son destin. C’est précisément à cela que
s’emploie toute l’équipe du Lorient +.
Aussi, je les remercie publiquement pour
la constance de leur engagement et la passion avec laquelle chacun d’eux se mobilise en faveur de la Ville et des Lorientais.
Norbert Métairie
Maire de Lorient
Président de Lorient Agglomération
Lorient + Mai 2016
3
Personnalités
Quelques Lorientaises
célèbres, et d’autres moins
Le 350e anniversaire de Lorient nous donne l’occasion
de nous remémorer quelques-unes des femmes célèbres
natives de notre ville. Des rues parfois portent leurs
noms. D’autres femmes ont aussi fait l’histoire de notre
ville. C’est le moment de le rappeler.
Marie Dorval
Marie Dorval (Marie Amélie
Thomas Delaunay), née le 6 janvier 1798 à Lorient et morte le
20 mai 1849 à Paris, est l’une
des plus célèbres actrices françaises du XIXe siècle. Ses succès
au théâtre et sa vie sentimentale
bien remplie contribueront à en
faire un mythe.
Claire Droneau
Clin d’œil
Rappelons ici les trieuses
de poisson. Elles
traversaient la rade pour
venir travailler au port de
pêche. Leur lutte a permis
d’améliorer leur métier.
Et puis, sonne encore à
nos oreilles l’appel des
marchands ambulants de
sardines « Ah la belle, à la
fraîche ! ».
Les courageuses
lavandières qui, été comme
hiver, lavaient le linge dans
tous nos lavoirs méritent
aussi d’être citées dans ces
colonnes.
4
Lorient + Mai 2016
C’est elle qui, en 1740, a fait don
de son hôtel particulier pour qu’il
soit transformé en Hôtel-dieu,
converti en « maison de la miséricorde ». La maison de la miséricorde est donc le premier hôpital
de Lorient. Il n’en subsiste que
le grand portail à la cité Allende.
Rita Strohl
Née en 1865, elle n’a pas de rue
à son nom. Elle fut une pianiste
et compositrice très célèbre mais
il est curieux qu’aucune de ses
œuvres n’ait été éditée. Elle décède en 1941.
Sophie Hüe
Sophie Hüe (1893) est une poétesse française. Née Sachs, à
Lorient, elle passa toute sa vie
en Bretagne, écrivant des fables
et des poèmes. Elle collabora à
Personnalités
Curiosité
depuis l’origine...
la revue l’Hermine. Son recueil
« Les maternelles » a reçu un
prix de mille francs de l’Académie française. Charitable, elle a
fait don des bénéfices pour des
œuvres caritatives. Elle est décédée à Rennes en 1893 à l’âge de
28 ans. En 1895, le jardin public
à l’angle de la rue Beauvais et du
cours de Chazelles prend le nom
de Jardin Public Sophie Hüe.
Denise Court
Denise Court était la « dame de
cœur » de Lorient. Adjointe au
maire de 1959 à 1965, elle a été
conseillère générale de Lorient
Centre de 1957 à 1993. Amie
loyale de Raymond Marcellin,
elle a souvent été la seule à représenter la droite dans une ville
de gauche. Denise Court s’est
toujours battue pour sa ville et
l’action sociale. Elle s’est éteinte
à l’âge de 93 ans.
La chronique
d’E. Mancel intitulée
« origine de la ville de
Lorient » éditée en 1861 est
pleine d’enseignements.
L’établissement de l’Orient
relevait de la paroisse de
Plœmeur. On apprend
que le 18 mai 1671 fut
célébré dans l’oratoire
de L’Orient le premier
mariage, celui de Jan Le
Marquer matelot résidant
dans l’Orient ! Quant à
savoir qui fut la première
Lorientaise, difficile d’être
précis. La consultation des
registres départementaux
de la paroisse de Plœmeur
et la lecture de l’ouvrage
de F. Jégou » Histoire de la
fondation de Lorient « nous
indiquent qu’Yves Le
Pichon en serait l’heureux
papa. Il habitait sur la lande
du Faouëdic au pied de la
muraille de l’établissement
de la compagnie des Indes.
Il y avait là les quatre
premières maisons de notre
ville. La petite fille serait
née le 4 mars 1678, fille
légitime d’Yves Le Pichon
et de Françoise Le Thiec.
Elle s’appelait Louise. Les
historiens, les vrais, nous
corrigeront si nous n’avons
pas été rigoureux. C’est
aussi le but de ces réflexions
hésitantes.
Monique Autret
Marie-France Prado
Jean-Paul Rocher
Lorient + Mai 2016
5
Personnalités
Plaidoyer pour Jean-Louis Gérard*
Jean-Louis Gérard, riche négociant de Lorient, massacré le 15 septembre 1792. Il
fut sorti de prison par la foule qui le lyncha au cours d’une émeute populaire, étant
accusé de cacher des armes.
J
e ne vous ai jamais côtoyé,
question de siècles et de conditions sociales aussi. Vous étiez un
riche négociant, je ne suis qu’un
ouvrier, de ceux que l’on nomme
les prolétaires. Et pourtant, votre
ignominieuse mise à mort me
révolte.
Il y a quelque temps encore,
j’ignorais jusqu’à votre nom,
votre existence. Vous n’étiez pour
quelques érudits qu’un de ces
nombreux défunts de l’histoire
avec un petit h, dont la plupart
innocents tués pour des motifs
futiles.
Qui étiez-vous pour avoir perdu la
vie de cette manière ignoble qui
ne grandira pas vos meurtriers,
groupe aveuglé par une haine incontrôlable ? D’après les papiers
officiels, un homme riche, mais
pour le reste, honnête commerçant ou profiteur assoiffé d’argent
et de pouvoir ? Étiez-vous de
Lorient, ou Breton, ou rien de
tout cela ? Vous, le ci-devant
citoyen Jean-Louis Gérard vous
avez été, si j’ose dire, « embastillé », peut-être de manière légale.
Mais vous avez été étripé dans la
clandestinité, peut-être au petit
matin.
Que vous reprochaient-ils ? On
parle de cache d’armes. Était-il
nécessaire de vous sortir de prison
et de vous livrer au peuple ? Votre
mort arrangeait-elle l’un de vos
concurrents ? Vos geôliers vous
ont-ils défendu ? Ou alors vous
avaient-ils jugé coupable, sans
aucune forme de procès ? Vous
6
Lorient + Mai 2016
étiez semble-il un nanti dans
un monde de misère, sûrement
qu’un sentiment de jalousie
montait de cette foule en colère !
Étiez-vous un bon mari, un bon
père ?
Que je sache, personne, ni dans
la bourgeoisie ni chez les marchands, n’a tenté de réhabiliter
votre mémoire.
Est-ce l’ignominie de votre mise
à mort qui a justifié votre disparition, votre effacement des mémoires collectives ? Ou alors vous
n’avez été qu’un « dommage collatéral » d’une époque troublée,
sanguinaire et vengeresse ?
Un hommage
Les révolutions réclament leur
lot de morts et d’exécutions
d’innocents comme si cela était
la condition, l’exigence d’une
victoire, une nécessité absolue !
Pourquoi ?
Était-il également capital de guillotiner de nombreux prêtres,
dont certains étaient proches de
la masse des petits paysans que
vous étiez supposés émanciper ?
Fallait-il vraiment supplicier ces
hommes en place publique, dans
un décorum aussi somptueux
que macabre ? Eux ont eu droit
à des éloges posthumes, l’Église
s’en est chargée au nom de la
charité chrétienne ! Elle n’en a
pas fait des saints mais au moins
des martyrs, statut, à mon goût,
bien mérité.
Bourreaux anonymes, autour de
ce corps ensanglanté et encore
chaud, avez-vous fait ripaille ou
festoyé, chanté et dansé ? Le sang
versé vous a-t-il satisfait ?
En cette époque troublée, une
république débutante et aux
abois avait beaucoup d’ennemis,
de l’intérieur et de l’extérieur.
Le moindre prétexte mettait le
feu aux poudres, pour vous le
prétexte fut une possible cache
d’armes. La paranoïa régnait sur
la région, les autorités voyaient
des complots partout et en inventaient pour entretenir un climat
de terreur dans la population.
L’Anglais et ses espions motivaient cette crainte et la répression féroce.
La religion était l’ennemie de
l’intérieur, suppôt, non pas de
Satan mais du monde ancien.
Église, dernier refuge de la noblesse, et de ses serviteurs qu’il
fallait éliminer !
Chrétiens, mécréants ou révolutionnaires avez-vous par simple
charité une pensée pour ces
innocents assassinés ?
Aujourd’hui, en 2016, nous
fêtons les 350 ans de la ville de
Lorient. Je prends la plume pour
rendre hommage à des inconnus
dont les destins tragiques sont
hélas ignorés. Anonymes parmi
les anonymes, Jean-Louis Gérard
vous méritez que l’on s’attache à
votre sort, par respect pour toute
vie humaine.
Yvon Bouëtté
*et les autres victimes innocentes des
années de Terreur durant la Révolution
française.
Personnalités
Le professeur Mazé
Une des rues longeant l’actuel Lycée Dupuy de Lôme à
Lorient porte son nom : le professeur Mazé était professeur
de mathématiques du lycée. Résistant, il fut exécuté par les
troupes d’occupation en 1944 à Port-Louis.
Il était fort apprécié de ses élèves
qui l’avaient surnommé « Jésus »
en raison de sa longue chevelure
tout à fait inhabituelle pour un
homme à cette époque. Aimé de
ses élèves, de ses collègues et de
tout le monde, il fréquentait régulièrement le Café de Paris, place
Alsace-Lorraine à Lorient où il
venait se détendre en compagnie
d’autres « intellectuels » ou de
clients de la bonne société lorientaise de l’époque. Ma mère, Janine
Mahé, fille des propriétaires, alors
en classe de 6e, 5e puis 4e, faisait ses
devoirs dans un coin du Café mais
quand il s’agissait des exercices de
maths, Monsieur Mazé la voyant
en grande « difficulté » lui apportait son aide précieuse. Cela lui
permettait d’avoir de bons, même
très bons résultats bien supérieurs
à ceux obtenus lors des contrôles
en classe ! Cela faisait dire à son
Jeanine (à droite), «élève» du professeur, et
ses parents propriétaires du Café de Paris
professeur que « quelqu’un l’avait
aidée » ! Effectivement, c’était le
professeur Mazé, agrégé en mathématiques et enseignant aux élèves
préparant les grandes écoles qui lui
avait résolu ses problèmes et équations ! Cela n’a pas pour autant
permis à ma mère d’exceller dans
cette matière… il lui aurait fallu
probablement davantage de cours
particuliers !
Un sort tragique
Début 1943, le lycée est transféré
à Guémené-sur-Scorff à la Pomme
d’Or. En décembre de cette même
année, il écrit à mes grands-parents, Monsieur et Madame Mahé,
que « la vie à Guémené, quoique
chère, est agréable, la nourriture
ne manque pas, s’il y avait des
logements, ce serait l’endroit idéal
pour attendre la fin des hostilités »
et termine sa lettre « avec l’espoir de
vous retrouver un jour au nouveau
Café devant un demi bien tiré ».
En effet, c’était mon grand-père
qui tirait lui-même sa bière tous les
jours, contribuant ainsi à la qualité
et à la bonne réputation de son établissement tant pour cette boisson
que pour son café, son porto ou
son cognac. Hélas, on sait le sort
tragique qu’Émile Mazé connut en
mai 1944 en raison de son appartenance à la Résistance puisque son
corps fut retrouvé dans un charnier
à Port-Louis en 1945. Mes grandsparents avaient acheté le Café de
Paris en 1931 et l’exploitèrent à
cet emplacement jusqu’aux bombardements aériens du 26 janvier
1943 puisqu’il fut alors entièrement
détruit par des bombes explosives
et incendiaires. Ils se réfugièrent
alors à Érigné près d’Angers puis
rentrèrent enfin à Lorient après
plus de 3 ans d’exode, en avril
1946.
Après de nombreuses discussions et
échanges de courrier avec les autorités locales, ils se réinstalleront place
Clémenceau, pour faire brasserie,
café, PMU et bals avec orchestre
plusieurs fois par semaine, dont le
dimanche après-midi. Le succès est
énorme dans cette période d’aprèsguerre où la population cherche à
se distraire. C’est aussi la période
de la « Reconstruction » en attendant de pouvoir se réinstaller en
1953 à son emplacement d’origine place Alsace-Lorraine dans
l’immeuble doté de la « Première
pierre » de cette place, déposée le
23 avril 1950 par le président de la
République Vincent Auriol.
Béatrice Joly-Hacquard
Lorient + Mai 2016
7
Personnalités
Hippolyte-Magloire Bisson
Dans un petit jardin public de Lorient, on peut apercevoir une statue de bronze
perchée, très haute, sur une colonne. Ce petit jardin public est bordé par les rues
du Couëdic, du docteur Waquet et Joseph Rollo.
Hippolyte-Magloire Bisson (1796-1827) est honoré à cet endroit.
L
e 2 février 1796, une diligence roulait à vive allure
sur un chemin sinueux et cahoteux du centre Bretagne menant à Guémené-sur-Scorff.
Dans cette voiture, se trouvait
notamment une jeune femme,
enceinte, qui voulait accoucher
chez sa mère. Tout à coup, cette
diligence fut attaquée par des
chouans qui croyaient y trouver,
à l’intérieur, un révolutionnaire
(Français). Sans penser plus précisément, ces chouans tuèrent
le cocher et par le bruit qu’ils
firent, les chevaux de la voiture
s’emballèrent et se mirent à
courir n’importe comment avec
la jeune femme toujours dans
la diligence. Après les émotions
très fortes et les secousses importantes endurées par la jeune
femme, cette dernière donna
naissance, avant de mourir, à
un petit garçon qui fut appelé
Hippolyte-Magloire Bisson. Ce
petit bébé fut confié à sa grandmère, issue de la haute noblesse
bretonne, pour son éducation à
Guémené-sur-Scorff. Son père,
négociant à Lorient, ne pouvait
pas s’en occuper.
Des rêves de voyage
Hippolyte-Magloire vécut sa
tendre enfance à Guémené-surScorff et plus tard il suivit ses
études au collège d’Avranches et
à celui de Vendôme jusqu’à l’âge
de 13 ans. Pendant ces années
8
Lorient + Avril 2016
d’étude, Hippolyte-Magloire
rêva de voyages vers les régions
lointaines, de navigations sur les
bateaux à voiles, de connaître le
monde. Dès qu’il le put, il s’engagea, comme mousse, sur un navire
à voiles du port de Lorient, en
1809, pour apprendre le dur métier
de marin. Ensuite, il fut admis, en
1811, à suivre les cours de ‘’l’école
de la mer’’ qui se tenaient à Brest,
sur le navire Tourville, afin de se
préparer à une formation d’officier de navigation militaire. Après
avoir réussi ses études, HippolyteMagloire fut nommé aspirant de
première classe, en 1815. Bisson
explora le monde pendant 6 années, au cours de voyages qu’il
avait toujours espérés. En 1821,
il fut nommé enseigne de vaisseau
de la marine militaire.
En 1827, les gouvernements
français, anglais et russe décidèrent d’aider les dirigeants grecs
à libérer leur pays de l’occupation
turque. Dans les nombreuses
îles grecques se cachait un grand
nombre de bateaux pirates qui
semaient le malheur parmi les navires de commerce navigant dans
la mer méditerranée orientale. Il
était donc nécessaire de mettre
de l’ordre dans ces lieux en maîtrisant la flotte égypto-turque,
d’une part, et les entreprises nuisibles de ces pirates grecs, d’autre
part. À cette époque, Bisson se
trouvait sur un des bateaux français qui naviguaient en ces lieux.
Au cours d’une de leurs interceptions en mer, les marins français
arrêtèrent un bateau grec, douteux, qui s’appelait ‘’Panayoti’’.
Ce navire fut envoyé dans le
port le plus proche du lieu de
son arrestation, après avoir vérifié et s’être assuré des mauvaises
actions de son équipage. Ensuite
il fallut se rendre dans un autre
port pour juger ces criminels et
assurer l’avenir du ‘’Panayoti’’
selon les lois internationales.
Bisson commandant
Pour ce voyage, Bisson fut
choisi comme commandant
du Panayoti avec un équipage
réduit à 15 marins, un officier
pilote nommé Trémintin et six
prisonniers grecs attachés à fond
de cale. Pendant le voyage, le
Panayoti fut pris dans une tempête épouvantable qui le contraignit à aller se protéger dans une
anse de la petite île grecque
Stampalie. Au cours de cet arrêt,
Personnalités
L’histoire de la statue d’Hippolyte Bisson
Comme partout en France, la
Ville de Lorient est touchée par
la loi de réquisition des métaux
non ferreux du 11 octobre
1941, mise en place par le
gouvernement de Vichy, sous
l’autorité du commandement
militaire allemand. L’amiral
Darlan informe le préfet régional
de Rennes qu’il a décidé à titre
exceptionnel - à la demande
de la Ville de Lorient - que la
statue Bisson n’aille pas à la
fonte. Toutefois, le commissariat
à la mobilisation des métaux
non ferreux revient sur cette
décision, et informe le maire de
Lorient que la statue Bisson se
retrouve sur la liste d’enlèvement
définitive du Commissariat
national, à dater du 1er juin
1943. Le maire de Lorient
ne veut toutefois pas s’avouer
vaincu, et écrit le 27 juillet au
préfet délégué au ministère
de l’Intérieur pour défendre
le monument à la gloire de
« l’enseigne de vaisseau Bisson…
qui n’hésita pas à mettre le feu
deux prisonniers réussirent à
s’enfuir. Bisson prit conscience
du danger : ils avaient la possibilité de renseigner leurs amis et
avoir l’intention de reprendre le
bateau aux Français. Dans la soirée, deux bateaux pirates grecs,
à l’attitude menaçante, s’approchèrent. Un combat inégal s’engagea sur le Panayoti entre les
quelques marins français et les
nombreux pirates grecs. Quand
Bisson s’aperçut qu’il perdait
l’avantage de l’engagement, il
donna l’ordre à Trémintin de
plonger dans la mer et de se
aux barils de poudre plutôt
que de se rendre aux ennemis
d’alors… ».
S’ensuit alors une histoire
incroyable faite de lettres,
d’articles et parties de « cachecache » pour sauver la statue de
la fonte.
sauver. De son côté, quoique
blessé, le commandant du navire
français prît une torche éclairante, sauta dans la cale et mit le
feu dans la réserve de poudre à
canon. Une explosion épouvantable s’ensuivit, tuant HippolyteMagloire, et 80 pirates grecs. Le
Panayoti coula dans cet engagement C’était le 4 novembre
1827. En apprenant la mort
de Bisson, le monde entier fut
stupéfait de son geste pour
sauver son honneur de marin.
Le Panayoti n’ira pas avec les marins pirates grecs et Bisson sera très
« Bisson a été descendu de
son socle sans ménagement
le 13 août dernier » titre dans
son édition du 26 août, Le
Nouvelliste du Morbihan, alors
qu’un article du journal OuestÉclair du 4 septembre, indique
que la statue a été déboulonnée
de sa colonne « sur l’ordre d’un
comité de récupération », pour
être dirigée vers la fonte…
Il semblerait que la marine ait
participé à son sauvetage.
« Pendant l’Occupation, au
moment où les autorités
allemandes avaient pris des
dispositions pour enlever la
statue de notre compatriote
Bisson, la Marine a fait
disparaître cette statue. Ce
travail habile a été réalisé par la
compagnie des marins pompiers
de Lorient sous la direction de
Monsieur l’Officier principal
des Équipages Musseaux ».
Aujourd’hui, la statue est
toujours sur son socle …
connu et respecté par ses pairs.
Trémintin et quatre matelots
français survécurent. Ainsi ces
derniers purent raconter l’histoire
d’Hippolyte-Magloire Bisson et
son sacrifice sur le Panayoti.
René Jeannès
Membre du groupe ‘’Mémoire
vivante de la construction navale’’
Merci à Maryse Emery et à Gérard
Guégan pour leur livre très bien renseigné : « Hippolyte Bisson Capitaine du
Panayoti »
Lorient + Avril 2016
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Sports
FCL, un club qui a la pêche
C’était comment avant ? Quand le football était un jeu et non un combat, quand
les clubs se créaient autour de bénévoles et d’idées communes ! Pour le savoir, plongeons !
Comme les gardiens de but ou les oiseaux marins dans le port, revivons l’histoire
du FC Lorient qui vient de fêter cette année ses 90 ans ! Âge respectable s’il en est !
U
ne rencontre dans un bistrot, une idée en l’air, un
ballon (de rouge ?), un nom « La
Marée Sportive » car cette
équipe était corporatiste, une
famille, les Cuissard. Mme
Caroline Cuissard et son époux
Joseph décident de rejoindre
le championnat amateurs ; le
2 avril 1926, le football club de
Lorient est officiellement créé.
« Les merlus » au début étaient le
grondin, les couleurs « tango &
noir » viennent d’un pull tricoté
main et porté par Madame Jean
Nioche… comme quoi il ne faut
pas toujours chercher bien loin
ce que l’on a devant les yeux !
Antoine Cuissard, dit Tatane,
Yvon Goujon et Yannick
Stopyra ; ces noms qui ne disent
peut-être plus grand-chose
aujourd’hui sont pourtant ceux
d’une grande famille de footballeurs tous internationaux.
Les déplacements étaient
eux aussi d’époque :
SNCF en troisième
classe, banquettes en
bois… être footballeur
n’était pas toujours une
sinécure. Mais quand
les matchs étaient à
la maison alors là…
Gargantua, Pantagruel
et quelques spécialités locales terminaient le match
dans l’assiette de tout ce beau
monde... je vous laisse deviner.
Les conditions de jeu : Georges
Girot, un des entraîneurs de
l’époque, se souvient : on ne pouvait tacler que si le terrain était
gras. Un match amical « Lorient/
URSS 0-0 », les Soviétiques ont
vu rouge et, mauvais coucheurs,
ont accusé... la pluie ! Alors que
de mémoire bretonne, on pouvait
à la limite (du hors-jeu) parler
d’un léger crachin !
Yvon Bouëtté
5 août 2006,
premier match de Lorient en D1
Les stars de Paris croient faire les malins... mais Lorient va leur jouer
« Premier Tango à Paris ». Dans la défense parisienne, cela rentre comme
dans du beurre... et l’addition aurait pu être plus salée ! Et ce n’était pas
du cinéma ! Pour moi, un homme, plus que les présidents ou les joueurs,
symbolise le mieux le club et la ville, c’est Christian Gourcuff. Sorte
d’OVNI dans le football moderne, entraîneur de la vieille école (il était
prof de maths), il représente une fidélité et donne une caution morale
qu’a perdu par exemple le grand voisin nantais. Un mot aussi sur une
autre célébrité locale, Didier Le Botmel, élu deux fois meilleur speaker de
la Ligue 1... une distinction qui ne le laissa pas sans voix !
10
Lorient + Mai 2016
Quelques
commentaires
du temps jadis...
- Ah, ah, à l’époque, c’était pire
que la légion étrangère. C’est
pas comme maintenant…
- Au milieu des années 50, les
joueurs en avaient ras-le-bol
de perdre. Un jour, ils ont
décidé d’aller prendre l’apéro
avant de jouer contre Quimper.
Deux tournées d’une célèbre
marque d’alcool anisé ont été
commandées. Résultat : Lorient
met une raclée aux Quimpérois.
- Eh bien, 2 500 fr (salaire de
l’époque). On ne se plaignait
pas, c’était un bon revenu à
l’époque. J’étais électricien de
formation, électricien dans
le bâtiment ; je vivais mieux
en jouant au foot... Même si
on était parfois payé tous les
deux ou trois mois, car le club
connaissait d’importantes
difficultés financières...
Transports
Le bassin à flot déborde
Retour sur le mini raz-de-marée provoqué par
le pinardier « Mater Dei » lors de son entrée
dans le port de commerce.
L
e 2 décembre 1959 était un
jour de marée à fort coefficient :106. Les navires de gros
tonnage pouvaient entrer dans
le bassin à flot de Lorient car
c’était encore l’époque du « pont
tournant », pas celle du « pont
levant ». Ce dernier sera construit
en 1967 et prendra le nom de
celui qui plaida avec véhémence
pour le maintien de ce qui reste
du bassin, le pont François Le
Corre (alors avocat au barreau de
Lorient et conseiller municipal).
Ce jour-là, le pinardier Mater
Dei, construit à Hambourg pour
l’Armement Salahun - Hacquard
en 1957, et qui transportait du vin
en vrac entre l’Afrique du Nord
et les ports bretons de Lorient
et Quimper, entrait dans le port
de commerce de l’époque, pour
y subir quelques réparations.
Le déplacement du navire de
62 mètres et de 55 tonneaux jauge
brute, entrant à marée haute,
provoqua un mini raz-de-marée
sur la place Jules Ferry. L’eau se
propagea entre les baraques présentes sur le terre-plein. Après un
moment d’inquiétude, la mer se
retira sans faire de dégâts. C’était
en effet l’époque euphorique de
l’importation des vins d’ Algérie à
Lorient qui va s’étendre de 1952 à
1962 : de la Reconstruction à
l’Indépendance de l’Algérie. Ce
sont « Les Dix Glorieuses » pour
toute la filière des entreprises
de transit (CGAM, Bérard,
Silvestre), les pinardiers qui font
plusieurs rotations mensuelles et
les négociants (Margnat, Courset,
Le Bris...). Le vin de table de
cette provenance dénommé
« Gros Rouge » est fort apprécié
dans la région lorientaise. Mais,
l’évolution des goûts, et surtout
la guerre qui obligera l’Algérie à
trouver d’autres débouchés que la
France, mettra fin à cette période
prospère de Lorient, à cette saga.
Béatrice Joly-Hacquard
À toute vapeur
Le prolongement de la ligne de chemin de fer de Savenay
à Lorient permet dès le 21 septembre 1862, il y a donc
154 ans, de rallier Lorient à Paris en 21 heures 30.
Aujourd’hui en 2016, la durée du trajet est de 3 h 44. En
2017, le trajet se fera en 2 h 50.
L
’arrivée du train à Lorient
le 21 septembre 1862 et
l’inauguration de la gare de
Lorient font l’objet d’une grande
cérémonie, accompagnée de
réjouissances populaires. Une
foule de curieux venue de tous
les points du Morbihan s’installe cours de Chazelles et aux
abords du Scorff pour assister
au spectacle de la locomotive à
vapeur, pénétrant sous la verrière de la gare pendant que
les musiques de l’artillerie de
marine exécutent l’hymne
impérial. L’évêque de Vannes
procède à la bénédiction de la
locomotive, viennent ensuite les
discours des autorités civiles et
militaires. Plusieurs banquets
sont organisés dans toute la ville
de Lorient, suivis par une fête
populaire, et en fin de journée,
illuminations sur les monuments de la ville et feu d’artifice
sur la rive droite du bassin à
flots, clôturèrent cette journée
inaugurale de l’arrivée du train
à Lorient.
Lorient, enfin reliée à la capitale
et aux autres villes, a vu ainsi son
essor économique se développer.
Rolland Merrien
Lorient + Mai 2016
11
Loisirs
À la recherche des ciné
28 décembre 1895 : c’est la première représentation publique et payante du cinématographe
des frères Lumière à Paris. 1896, l’aventure du cinéma démarre à Lorient…
D
ès 1896, le cinéma fait ses
premiers pas à Lorient dans
les baraques foraines, lors des
foires annuelles de Pâques et de la
Victoire. Le public y apprécie surtout les scènes filmées à Lorient.
1er avril 1897 : le théâtre municipal, installé au bas du cours de la
Bôve, accueille une première projection publique de cinq minutes.
La société Omnia, filiale de Pathé,
y organise ses essais de séances
permanentes en 1908 : les films
se partagent alors la salle avec les
pièces de théâtre. Succès mitigé,
l’expérience cesse rapidement.
Pourtant le public est intéressé et
dès 1911, la première salle entièrement dédiée au cinéma voit le jour
cours de Chazelles (au coin de la
rue Jules Guesde) sous l’égide de
la SA Skating-Cinéma, car elle est
voisine d’un espace pour patin à
roulettes. L’Omnia-Pathé occupera ces locaux jusqu’en 1943.
Ceux-ci, entièrement en bois,
ne présentent pas toute la sécurité nécessaire, mais les spectateurs
n’en sont pas conscients et la fréquentation est bonne. Le premier
film diffusé est «Le Roi des resquilleurs» avec Maurice Chevalier. La
société Poulain, ayant racheté les
lieux dès 1912, propose des bons
de réduction aux enfants dans ses
tablettes de chocolat et les écoliers,
en grand nombre, créent souvent
dans la salle des chahuts indescriptibles ponctués de hurlements.
Ambiance qu’on ne tolérerait plus
guère de nos jours ! Transformé
en cantonnement pendant la
Première Guerre mondiale,
l’Omnia rouvrira fin 1918. La
12
Lorient + Mai 2016
Festival des dessins animés en 1958 à l’Armor Palace
société concurrente de Pathé,
Gaumont, ouvre aussi une salle en
1911, cours des Quais (quai des
Indes), mais l’expérience ne dure
qu’un peu plus d’un an.
De nouvelles salles
En 1915, des particuliers d’Évreux
reprennent les projections au
théâtre de films distribués par
Gaumont. Pendant la guerre,
théâtre et cinéma alternent donc
à nouveau, mais faute de publicité pour les films, dès 1919 les
séances de cinéma cessent au
théâtre. La municipalité autorise
la création d’une seconde salle à la
société Pathé : l’Electric-Cinéma,
4 rue Saint-Pierre. Il alterne projections et divertissements avec
des artistes ; la salle prospère
et devient le Royal-Cinéma en
1924 : c’est alors un bâtiment
avec une coupole, l’ambiance y
est intime et la lumière tamisée.
Agrandi en 1932, il dispose de
475 places avec deux balcons et
fonctionne sans arrêt jusqu’aux
bombardements de 1943.
En 1920, dans un des lieux les plus
animés de la ville, la place Bisson
(en haut du cours de la Bôve), une
nouvelle salle voit le jour. C’est
le Select-Palace, qualifié de plus
beau cinéma de Lorient et de plus
moderne de Bretagne. Les 1 000
ampoules du plafond donnent
une intense clarté et illuminent la
coupole, la sécurité y est optimale
et les conditions de visionnement
excellentes pour les 1 200 spectateurs. Le 17 décembre 1930,
c’est la première salle de Lorient
à programmer un film parlant «Le
Chemin du paradis». Elle reste
en tête du palmarès des cinémas
jusqu’en 1943.
Salles de loisirs
Le premier cinéma de quartier,
l’Armor-Palace , s’installe à
Merville en 1933 pour des
distractions de proximité.
Malheureusement, la coquette
salle de la rue de Larmor, est
détruite dix ans plus tard.
Le dernier cinéma aménagé
avant-guerre est le Rex : il date de
1937. C’est une construction en
longueur, enclavée entre deux
Loisirs
émas disparus…
habitations, située rue Française
(rue Xavier de Langlais aujourd’hui, tout près du quai des
Indes). La salle en gradins dispose
d’un balcon, de fauteuils spacieux, d’une visibilité et d’un son
parfaits.
Parallèlement à ces exploitations
commerciales, de nombreuses
projections ont également lieu
dans des salles de loisirs municipales ou paroissiales : la salle
Saint-Louis (place Anatole Le
Braz), avec ses 461 places, accueille dès 1921 des programmes
familiaux, choisis pour leur qualité
morale ou même moralisatrice.
le Familia-Ciné (rue Plonquet,
paroisse Saint-Christophe à partir
de 1933). On trouve aussi le CinéCabane dans une église en bois à
Keryado. Sans oublier le Cinémaéducateur qui, à partir de 1926,
met à la disposition des écoles du
matériel et des films pour compléter les leçons. De 1948 jusque dans
les années 80, le Patronage laïc de
Lorient en assure la gestion dans
une salle dédiée à la Cité Allende.
Avant-guerre, les Lorientais disposent donc de près de 4 000
places de cinéma ; les bombardements de 1943 vont stopper
cette activité. Après-guerre, la
Le Club retrouve sa couleur
reconstruction des salles se fait
attendre, la priorité étant de reloger les habitants. En attendant, la
municipalité accorde une concession d’exploitation dans la salle
des fêtes, rescapée des bombes
(angle quai des Indes et rue de la
Patrie).
Reconstructions
Le Royal est le premier cinéma à
être reconstruit à son nouvel emplacement, place Aristide Briand,
en 1951 ; il accueille aussi des ballets, pièces de théâtre et concerts
dans une salle de 1 300 personnes
avec deux balcons. Le jeune chef
d’orchestre Roberto Benzi s’y produit en 1964, Coluche en 1975. Il
s’agrandit ensuite, passant d’une
à trois, puis sept salles en 1984.
Malgré une programmation plus
exigeante et des films en VO pour
se démarquer, il perd peu à peu
son public, face aux complexes
récemment construits à Lanester
d’abord, puis Lorient (1999), et
doit fermer le 23 octobre 2001.
C’est la FNAC qui occupe maintenant le bâtiment. Les directeurs du Royal exploitent aussi
le Ciné-Paris, rue Paul Guieysse,
ensuite appelé le Zen , avant
d’être remplacé par l’Hôtel des
ventes. L’Armor-Palace est rebâti
à la même adresse avec 574 places
(orchestre et balcon) en 1952.
Devenu le Club-Armor, puis le
Club, il se spécialise dans les films
policiers et d’horreur, puis en films
classés X les deux dernières années
de son exploitation. Le public n’est
plus au rendez-vous et les portes
se ferment fin décembre 1985.
Les propriétaires des lieux depuis
1991, ont conservé la façade du
cinéma, facilement identifiable
avec sa pimpante peinture jaune.
Autre salle de quartier à Keryado,
le Family, inauguré en 1938 rue
Pierre Philippe, à la place d’un
ancien gymnase, subit un cyclone
en 1946 et un incendie en 1949.
Il reprend du service mais délaissé
lui aussi, il devient en 1982, le
City, salle municipale dédiée au
spectacle vivant. Ce n’est qu’en
1958 que le Rex rouvre ses portes à
sa nouvelle adresse, rue Paul Bert.
Fin 1981, il est restructuré et passe
d’une à cinq salles ; malgré tout,
son exploitation s’arrête à l’été
1999, au moment de l’ouverture
du Cinéville. Aujourd’hui, les lieux
sont encore inoccupés.
Art et essai
La dernière tentative d’implantation d’un cinéma, classé «Art et
essai», date de septembre 1971,
rue Claire Droneau. Jacques
Sinquin y fonde le Studio-Merville
disposant de 500 places. La programmation de qualité, souvent
en VO, ravit les spectateurs qui se
déplacent parfois de loin pour voir
des films rares. Face à la concurrence des multisalles, l’aventure se
termine en avril 1985. La municipalité achète alors le bâtiment
pour y installer le théâtre du Quai
Ouest qui deviendra le CDDB,
Centre dramatique de Bretagne.
Aujourd’hui, les places de cinéma
sont concentrées en un seul lieu
et leur nombre divisé par deux
depuis les années 30 : 2 100 places
dans les 11 salles du Cinéville,
300 000 spectateurs pour 400
films en 2015, une bonne fréquentation au vu de la population.
Françoise Defassiaux
Lorient + Mai 2016
13
Botanique
Le difficile voyage des plantes exotiques
La Compagnie française
pour le commerce des
Indes Orientales est une
entreprise française créée
par Colbert et signée par
Louis XIV, le 23 août 1664,
pour concurrencer sa
rivale anglaise mais aussi
la Compagnie hollandaise
des Indes orientales.
Son siège est à Lorient.
Cet outil commercial
important suscite
beaucoup de convoitise
chez certains, beaucoup de
rêves chez d’autres.
M
algré une flotte nombreuse
en bon état, les conditions
de navigation restent difficiles. Les
voyages sont très longs et la météo
de l’époque ne donne pas de bulletins quotidiens. Cependant, le
problème crucial de ces traversées
reste celui de l’eau à distribuer à
bord. Généralement, la ration quotidienne pose souci et l’on raconte
beaucoup l’anecdote du capitaine
d’infanterie Gabriel de Clieu, à qui
Antoine de Jussieu avait confié, en
1720, deux pieds vivants de « café
de Moka » pour son introduction
à la Martinique. « Pendant deux
semaines, le navire est encalminé
sous les tropiques... Les quantités
d’eau sont rationnées et afin de ne
pas perdre la plante encore vivante,
de Clieu partage sa faible ration
d’eau avec le plant de café. » (1)
14
Lorient + Mai 2016
Mais le navire, plus que tout autre
engin, reste, pour bien des hommes,
un moyen d’ouverture vers l’extérieur. C’est pourquoi notables et
simples matelots recommencent et
recommencent encore le voyage. La
« boîte », sommairement construite
pour abriter la plante rare, s’améliore et au fil du temps, on arrive à
la « caisse de Ward » où la plante est
très protégée, à l’abri des embruns
et des animaux... et puis « si l’eau
est rare dans le vaisseau, il faut
tâcher de se procurer de l’eau
de pluie ; elle est bonne pour les
plantes quoiqu’elle soit mêlée de
goudron, ce qui la rend aussi nuisible que désagréable aux hommes
et aux bêtes » (2)
Alors, les hommes vont engager
des recherches pour essayer de
transformer l’eau de mer en eau
douce. « Un médecin nantais, Jean
Gaultier (1673-1763), alors qu’il
est médecin-chef de la Compagnie
des Indes à Lorient, invente en
1717 un appareil à distiller l’eau
de mer. Il peut fournir 140 pintes
(130 litres environ) par 24 heures.
Les procès-verbaux d’essai, à terre
et en mer, attestent à la fois du bon
fonctionnement et de la bonne qualité de l’eau » (3)
Un autre problème se pose : si
la plante arrive en bon état en
France, comment l’adapter au climat français ? Les résultats venant
Botanique
du roi. Mais bientôt, ce service ne
tient plus dans un si petit espace.
Alors, enfin, en 1759, on crée près
de l’apothicairerie un vaste jardin botanique, confié au Docteur
Galloys, dont le frère, aumônier à
la Compagnie des Indes, se passionne pour la botanique. C’est le
premier « jardin-reposoir de port »,
dont la vocation est de « recueillir
les végétaux exotiques ramenés
par les bateaux des Compagnies,
les remettre en état et ensuite les
envoyer, par terre ou par mer, à leur
destination »
Pendant plusieurs années, le
Docteur Galloys consacre ses loisirs à ce jardin. À sa mort, en 1779,
la serre chaude contient des plantes
exotiques qui seront acheminées
vers les serres du Roi à Versailles.
Les autres végétaux ont sans doute
été vendus à de riches propriétaires
cédant à la mode de l’exotisme de la
fin du XVIIIe et du XIXe siècles. Le
docteur Galloys n’a pas de remplaçant, la serre n’est plus entretenue et
malheureusement l’endroit devient
rapidement un tas de décombres.
Raymonde Lancelot
et Georges Le Moil
(1) (2) (3) « Voyages et survie des plantes
au temps de la voile » de Yves-Marie Allain,
ancien chef des Espaces verts de la Ville de
Lorient. - Ed. Champflour, 2000.
© G. Broudic - Musée de la Compagnie des Indes - Ville de Lorient
de l’étranger sont rares. Pourtant,
Colbert, dès 1660, avait missionné
des capitaines de navires ; il faut
prendre exemple sur les jardins : les
plantes qui arrivent en France en
bon état doivent être « rafraîchies »
et « réconfortées ». Lorient, vouée
toute entière à la Compagnie des
Indes, ne possède pas de jardin.
Alors, en 1724, soixante ans après
sa création, la Compagnie organise
quelques cultures auprès de son petit hôpital en centre-ville ; en 1725,
une importante apothicairerie est
fondée dans l’Enclos du port, près
du nouvel hôpital de la Compagnie
des Indes. Le chef apothicaire dirige un service autonome, à Brest
ou à Rochefort, il est sous l’autorité
«Madame de Sévigné débarquant à Lorient» de Pierre Cadre. Un pastel sur toile réalisé vers 1933.
Lorient + Mai 2016
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Santé
Microbes et virus , quelle histoire !
Épidémies, maladies… la région n’a pas été épargnée
La peste
De 1968 à 1700, une épidémie de peste ravagea la région.
D’octobre à novembre 1699, on
dénombra 118 décès à Ploemeur,
493 à Hennebont en moins de
3 mois (1/3 de la population à
cette époque).
De cette période date le culte de
Notre-Dame-du-Vœu au mois de
septembre à Hennebont.
Le microbe transmis par les
puces et les rats ne fut identifié
qu’en 1894 par Yersin, d’où son
nom « bacille de Yersin ».
Le scorbut
En 1706, arrivée de 500 scorbutiques marins des mers du Sud.
L’hôpital-hospice de Port-Louis
étant saturé, on fit appel aux
autres hôpitaux de la région :
Quimperlé, Hennebont, Auray
et Vannes.
On découvrira vers 1930 que
la maladie n’est pas due à un
16
Lorient + Mai 2016
microbe, mais à un manque de
vitamine C dans l’alimentation.
Le typhus
En 1746, le typhus s’abattit sur
2 vaisseaux royaux, Le Tigre et
La Borée. On débarqua les malades à l’hôpital de Port-Louis et
on les enterra peu de temps après
dans le cimetière provisoire.
Le responsable de la maladie, le
bacille Rickettsia est transmis par
les poux.
La fièvre jaune
En 1848, un bateau « La
Bretonne » en provenance des
Antilles arrive à Lorient. Son
équipage est atteint de fièvre
jaune. Les malades furent mis en
quarantaine sur l’île St-Michel,
soignés par un officier de Santé
et l’île arbora le drapeau jaune.
Le virus Amaril découvert plus
tard est inoculé à l’homme par
le moustique zébré.
Le choléra
Lors de l’épidémie de 1832, le
Docteur Bodélio n’hésitait pas à
se coucher dans le même lit que
le malade. Il entend démontrer la
non-contagion. La découverte du
Vibrion cholérique (ou « bacille
virgule ») par Koch en 1883 lui
donnera tort ! Ce microbe est
transmis par l’eau et les aliments
souillés.
La rage
En 1901, 100 chiens furent pendus ! 2 fillettes et leur mère allèrent à Paris pour être traitées à
l’institut Pasteur.
En 1938, M. Le Gal garde-barrière mordu par un chien blessé
par une automobiliste alla se faire
soigner à Paris en emportant avec
lui la tête du chien !
La tuberculose et la grippe espagnole de 1918 n’épargnèrent
par les Lorientais.
Santé
Les Hôpitaux civils et militaires
Maison de la
Miséricorde –
1731, devenue
Hôtel Dieu
Hôpital dans le château féodal de Tréfaven – 1720
Hôtel-Dieu – rue
Jules Legrand –
1742 à 1906
Créé par Claire
Droneau, en
1938 sera
transformé en
« cité des œuvres
sociales » et
s’appellera « Cité
Allende » en 1973
Lazaret : île St Michel – 1824
Ambulance centrale maritime dans l’enclos
de la Marine – 1884
Hôpital
maritime
Calmette
1936 à 1999
Hôpital
Bodélio – 1906
Deviendra Centre
Hospitalier
Bodélio jusqu’à
sa fermeture
en 2013
Clinique mutualiste accréditée en 2001
Hôpital du Scorff à partir de 2012
Hélène Savina
Lorient + Mai 2016
17
Lieux
Le château de Tréfaven
Quand les Lorientais se promènent le long de la rivière du Scorff, en se dirigeant vers
Kerdual et Quéven, tout au bout de cette belle promenade dite « du Scorff », ils découvrent
un ensemble de bâtiments industriels à l’abandon : la pyrotechnie de Tréfaven.
S
i on regarde bien, on voit un
corps de bâtiment qui se
détache de l’ensemble par sa
hauteur. C’est le château
de Tréfaven, la plus vieille
construction de Lorient, et de la
région.
Ce château bâti au MoyenÂge dont le nom aurait comme
signification ; Tref : lieu fortifié et Aven : rivière, situé sur
la rive droite du Scorff, dans la
paroisse de Ploemeur, tout près
de Lorient qui n’existait pas
encore, de Kermenet-Eboe avec
St-Caradec à Hennebont. Vers
1216, il est la propriété d’Henri
II de Léon qui embarquait de
là vers les croisades en 1217.
Le château devient le bien de la
Maison des Rohan vers 1322.
Il était flanqué de deux grosses
tours qui surveillent l’entrée des
rivières. En 1474, le vicomte
de Rohan partage ses biens et
c’est ainsi par héritage que les
Rohan-Guémené deviennent les
nouveaux seigneurs de ce qui
s’appellera, plus tard, Lorient.
Le château va servir d’hôpital,
de prison et de poudrière avec
la Compagnie des Indes. On y
a hébergé des forçats, lors du
creusement du canal de Nantes
à Brest, on parle même d’une
révolte d’esclaves noirs vers
1720. En 1803, une tempête fait
s’écrouler une partie du Château,
l’aile en direction de Kerdual.
Sous la révolution de 1789, il est
déclaré bien national et vendu à
des particuliers. Le 6 mars 1805,
la Marine l’achète au dernier
propriétaire, la veuve Arnoux,
18
Lorient + Mai 2016
dont le mari était constructeur
de bateau.
Déménagement
des munitions
Pendant cent soixante-sept ans,
il va servir à la Marine Royale,
puis Nationale comme poudrière
et dépôt de munitions actives, en
supplément de la pyrotechnie de
l’île St-Michel (fermée après la
guerre 39/45). Avec la construction de la pénétrante Nationale
165 du pont sur le Scorff et de
l’urbanisation des années 1965,
la naissance du quartier du
Bois-du-Château va obliger la
Marine à déménager les munitions actives vers les centres du
ZAC Quéven et du Mentec.
Au début des années 2000, la
Marine Nationale quitte définitivement Tréfaven. Actuellement,
le site abandonné, le château
attend des jours meilleurs, avant
qu’il ne devienne une vraie ruine
par manque d’entretien.
Il pourrait être mis en valeur au
milieu d’un parc, et il serait la
touche finale de cette superbe
promenade dite du Scorff.
Les membres de Lorient Plus,
et anciens parmi eux de la pyrotechnie de Tréfaven se feront
un plaisir de fournir aux plus
curieux, les renseignements et
anecdotes qui sont en leur possession, sur l’histoire de cette
vénérable bâtisse.
Norbert Olivares
et Michel Jaffré
Lieux
Qui suis-je ?
Tout comme Lorient, je suis née de la volonté royale de Louis XIV. Je vais sur mes
305 ans cette année, et reste le plus petit des quatre monuments historiques de la ville.
C
omme vous pouvez le
constater mon compagnon, le « Chêne Vert » situé
avenue de la Perrière me
masque, et continue ses travaux
d’approche, il m’effleure gentiment actuellement … Finirat-il par m’engloutir ? Hum !
Affectueusement, je n’en doute
pas…
Vous qui passez sans me voir,
vous mes amis (et « parents »)
de l’école des Beaux-Arts qui dès
les premiers beaux jours, piqueniquez ou vous détendez à mes
pieds, savez-vous encore ce que
je représente ?
Quelques férus d’histoire locale
se rappellent à vous, de temps à
autre, par des articles et donnent
mes patronymes, à savoir : mon
nom de baptême « Croix de la
Vérité », mon usuel « Croix de
la Perrière », en 1830 « Vraie
Croix », ou parfois encore
« Croix Morin »… Pourquoi ces
différentes appellations ? Eh
bien, je vais vous conter ma vie
sur trois siècles ! Oh ! Rassurezvous, je vous en narrerai que les
« grandes lignes » !
Ma naissance est pour le moins
curieuse… Comme je vous
l’ai dit en titre, je suis née en
1711 de la volonté de Louis XIV,
et grâce à sa « cassette » personnelle. Pourquoi ?
dans la « première église » SaintLouis de Lorient afin d’augmenter son butin (4 chandeliers), par
un nouveau vol de 2 ciboires
d’argent, fracturé le tabernacle et... répandu les hosties »
Sacrilège abominable ! Arrêté
dès le 24 octobre 1710, il fut remis à la Sénéchaussée d’Hennebont, condamné le 5 décembre
d’avoir le poing coupé et à être
brûlé vif (on ne plaisantait pas à
cette époque !..) Puis après avoir
interjeté appel, notre voleur voit
sa sentence adoucie quelque
peu : sa pendaison eut lieu le
5 février 1711 !
Parallèlement, sur le lieu
(Perrière à Colin) où les deux
ciboires avaient été enfouis et
retrouvés, « Louis Le Grand »
a fait ériger de ses deniers
un monument expiatoire, donc
« moralisatrice ». L’ordre a
été donné à l’Académie des
Inscriptions de l’époque de réaliser le dessin préparatoire de la
pyramide et de libeller le modèle
des trois inscriptions (en latin,
français et breton) qui se devaient d’orner ledit monument
(ces documents sont toujours
conservés).
Ce terrain situé au village de
Kergroix en Plœmeur, appartenait aux Oratoriens de Nantes
(après cession par l’abbaye de
Ste Croix de Quimperlé), j’y
vivais paisiblement jusqu’à la
Révolution… (Suite en page 20)
Un monument expiatoire
Dans la nuit du 19 au 20 octobre
1710, un matelot génois du nom
de Giacomo Gropallo navigant
sur la frégate corsaire français
Galathée (ortographe de 1711)
s’est introduit une troisième fois
Lorient + Mai 2016
19
Lieux
Je ne me permettrais pas de vous
rappeler la mise en vente des
biens de l’église en 1789, mais je
l’ai subie ! Nous avons figuré sur
les listes de « Biens nationaux » :
la propriété et moi ! Je suis vendue le 6 ventôse an VI (24 février
1798), au dixième feu, au profit
de Joseph Morin, cultivateur de
cette tenue, pour un montant de
20 300 francs de l’époque.
Un bien ecclésiastique
En 1830, la famille Morin, en règlement de succession, décide de
partager le domaine en : « trois
lots de deux moulins à vent, l’un
à Kergroise (Lorient) – l’autre
à Kérantonel – (Ploemeur) et
leurs dépendances… « Dont :
moi ». Tirage au sort : je reste
sur l’une des parcelles de Joseph
Morin, maître meunier, patenté
à Kergroix. Quelle chance, car le
croirez-vous ? Je suis attaquée et
mutilée le 22 septembre 1906,
croix arrachée, pierres descellées ! Blessée par un nouveau
décret : séparation de l’église et
de l’État ! Il s’en suit : onze ans
de batailles juridiques, tribunaux
de Lorient, cours de Cassation,
tribunal de Vannes. La famille
Morin qui me protège et se bat
pour moi, obtient gain de cause
en… 1913 ! À l’époque j’ai fait
couler beaucoup d’encre tant par
la presse que par la justice.
En 1926, « ma » famille Morin
& Consorts me cède à l’évêché
de Vannes avec un terrain de
94 m2 environ. Avez-vous remarqué que l’Histoire se répète ? Je
reviens sur une terre ecclésiastique appartenant à l’Association
diocésaine de Vannes, et le suis
toujours !
Bien qu’ébranlée, pour ma
part, j’ai résisté aux bombardements de 1939-1945. Grâce à
M. René Guillaume qui m’avait
20
Lorient + Mai 2016
« croquée » en 1921, puis aux différents intervenants des BeauxArts (qui dépendaient alors du
ministère de l’Éducation nationale), j’ai été inscrite aux monuments historiques le 13 avril
1944 (pendant la « Poche de
Lorient »).
Pendant ces périodes : j’ai
voyagé ! Dans l’entre-deuxguerres pour l’installation de
l’usine St-Gobain (fabrique d’engrais et de superphosphates), je
suis « démontée et remontée »
sur une éminence au-dessus de
Kéroman et de Kergroise… Je
bénéficie d’un nouveau « look » :
sur un piédestal et avec un escalier à… double rampe !
En 1947, nouveau déménagement pour les travaux de terrassement et d’alignement de
l’avenue de la Perrière. Un
comble pour moi, mes plaques
explicatives se sont en...volées !
(Il est dit en 1947 qu’il en restait
deux). Et à ce jour, je reste totalement dénudée !
Un marqueur
Il me faut dire aussi que depuis
les années 60, je me trouve englobée dans le réseau de nouvelles circulations entre les
quartiers de Carnel et du port de
Pêche… Et, je deviens quelque
peu invisible…
En résumé, ne suis-je pas un
marqueur entre l’histoire ancienne, et l’histoire moderne de
la ville ? N’ai-je pas participé à
l’expansion de Lorient ?
Compte tenu des aléas de ma
longue vie, sans être un site
remarquable – ma modestie
en souffrirait – Messieurs mes
« Protecteurs » (Société diocésaine de Vannes, Service territorial de l’Architecture et du
Patrimoine de Vannes, voire les
services culturels de la Ville,)
– j’en appelle à vous. S’il est impossible de me réhabiliter, puisje au moins espérer que vous me
renommiez ?
Car sans aucun nom, pas d’histoire et, pas d’histoire…, plus de
mémoire !
Comme vous l’avez certainement
remarqué, quant à moi, je me
modernise et me suis « glissée »
sur Internet… D’éventuelles recherches avec une « base nominative » seraient plus aisées, sans
doute… Qu’en dites-vous ?
À tous, et profitant des 350 ans
de la ville, je vous remercie de
m’aider à reprendre… Vie !
Au plaisir de votre visite…
Pour la Croix de la Perrière,
Maryse Le Roux
Lieux
Histoire condensée de l’île Saint-Michel
Tanguethen : c’est-à-dire
en breton, celui qui porte
le feu, nom donné à l’île
St-Michel qui fait face au
port de pêche dans la rade
de Lorient. Il fut baptisé
plus tard du nom
de l’archange protecteur
Saint-Michel.
C
’est un îlot de 4,72 hectares. Au XIe siècle, l’implantation d’un prieuré dépendant de l’Oratoire de Nantes fera
connaître la prospérité pendant
six siècles aux moines de l’île :
en effet, chaque bâtiment empruntant la passe et transportant
des marchandises paie au prieur
des droits en nature : pots de
vin, minots de sel etc… Il a aussi
la garde de l’étalon de la mesure
de vin d’Hennebont. Il recueille
la dîme de l’île de Groix dont il
est le recteur. Deux chapelles
sont édifiées. L’édit du 17 juillet
1618 créant Port-Louis balaiera
les droits des moines sur la rade.
En 1746, un débarquement
avorté des Anglais qui tentent
de prendre la ville, incite la
Compagnie des Indes à acheter
l’île, et, à l’Armor, on y dresse
des fortifications : 29 canons,
3 mortiers, quelques magasins à
poudre et à boulets.
Stockage secondaire
En 1790, la Marine prend définitivement possession de l’îlot.
Au 19e siècle et pendant dix ans,
les grandes épidémies (choléra,
fièvre jaune) obligent les autorités à construire un lazaret pouvant accueillir 500 malades.
Les épidémies ayant cessé, les
bâtiments servent à nouveau de
poudrière et de stockage de munitions jusqu’en 1918.
Dans les années 1920, l’activité
est transférée à Tréfaven. Mais
l’île sert toujours de stockage secondaire avec un surveillant civil
et deux militaires.
L’invasion nazie permet aux
Allemands de construire des
bunkers armés, d’installer des
batteries d’artilleries et ce,
jusqu’en 1945.
À la Libération, l’île est abandonnée à son sort et en l’état, minée, munitions de tous calibres,
épars, non explosées, végétation
sauvage, interdite quand même
et défense d’y entrer. De 1969 à
1973, une grande opération de
déminage est effectuée : l’opération Dragon.
Depuis, l’île est toujours sous le
giron de la Marine, elle sert à l’entraînement de nos commandos,
fusiliers marins (Groufumaco)
de Lorient.
Norbert Olivares
et Michel Jaffré
Lorient + Mai 2016
21
Lieux
L’industrie du froid à Lorient : la glacière
L’homme des pays tempérés s’est rapidement rendu compte que les denrées
périssables pouvaient être conservées dans de bien meilleures conditions, hiver comme
été. Étant donné le caractère éminemment fragile du poisson, il n’est pas étonnant qu’il
se soit rendu compte, très tôt, qu’il pouvait se servir du froid pour le conserver.
L
es peuples nordiques enfouissaient dans la neige les
denrées à conserver. On transportait à Rome les poissons du
Rhin dans de la neige ou de la
glace naturelle pendant la période gallo-romaine.
Ce n’est qu’à partir des années
1850-1900 que l’on porte vraiment un intérêt au comportement des produits alimentaires,
au froid et aux conditions optimales à réaliser pour cette conservation. Le congrès scientifique
international à Paris en 1905
prend pleinement conscience de
cette demande de froid artificiel
qui s’accroît. Pour y faire face, la
construction du matériel frigorifique s’industrialise à un rythme
rapide, dans les années 1920. Le
cheptel ayant disparu pendant la
guerre de 1914-1918, le poisson
conservé au froid est une source
de protéine dont la population a
grand besoin.
Louis Nail, secrétaire de la
Marine depuis octobre 1915,
obtint à force d’insistance que ce
« frigo » voit le jour à Lorient.
La guerre prit fin sans qu’il soit
réalisé. Les travaux commencent
dès 1919. Nail devenu le « bras
droit de Clémenceau », eut l’idée,
avec l’ingénieur des Ponts et
Chaussées Henry Verrière, d’un
grand port de pêche pouvant utiliser cette imposante réalisation.
Cette réalisation se fera, sans
compter les discussions politiques avec les autres ports bretons,
22
Lorient + Mai 2016
surtout avec les Douarnenistes,
les Concarnois et les Rochelais.
Les décideurs lorientais ont
montré une sacrée volonté pour
sa construction car les journalistes de l’époque traitaient leur
projet de pharaonique, de deuXIème Versailles, et j’en passe.
Il est vrai que l’on sortait d’une
guerre dans laquelle la Bretagne
avait payé un lourd tribut et que
nous avions une dette envers
les veuves et les pupilles de la
Nation. Mais cette unité de froid
allait ô combien modifier l’économie lorientaise, ainsi que le
bien-être de tous les Français et
des Européens frontaliers.
M. Tayon, pour l’ensemble des
travaux du port, et M. Gaudibert,
pour la partie technique du frigo,
étaient les collaborateurs de
confiance d’Henry Verrière.
Le système Ottesen fut retenu
pour la conception de la glacière.
À l’origine, le frigorifique est une
construction monumentale
érigée sur des voûtes en pierre,
construite à même la plage,
entourée d’eau. Les quantités
de matériaux sont impressionnantes : 5 000 m3 de pierres du
pays et moellons bruts ; 9 000
m 3 de gravier ; 2 500 m 3 de
sable ; 2 000 tonnes de ciment
pour le béton armé ; 900 m 3
de liège granulé ; 30 000 m3 de
tuiles mécaniques ; 1 000 m3
de vitrerie. Et pour l’installation
du frigorifique : 236 tonnes de
fonte ; 223 tonnes d’acier doux,
120 tonnes de tubes en acier. Un
reportage photographique sur
l’évolution des travaux montre
un bâtiment élevé entièrement
en pierre pour les murs extérieurs. Les façades ont reçu un
enduit de finition mortier à la
chaux.
Le bâtiment est à peine achevé
lorsque les officiels en chapeau
melon l’inaugurent, dans le cadre
de la semaine du poisson, le
29 août 1920 avec moult drapeaux, banderoles tricolores,
un vrai lancement de vaisseau !
Mais son entrée en service
s’effectue en février 1922. Quels
que soient la distance, le lieu, le
jour, il y avait du poisson frais
(raisonnablement dirons-nous)
dans nos assiettes.
Pourquoi avoir choisi comme
sujet, l’histoire de ce frigorifique,
la glacière, bâtiment emblématique de la ville ? C’est sans
doute sa disparition prévue, car
devenu réellement inutilisable,
qui m’y conduit. Durant 80 ans,
cette glacière a joué un rôle
quant à la distribution du poisson en France et en Europe, sans
compter son importance pour
l’économie lorientaise.
Cette industrie du froid a toujours sa place à Lorient avec de
nouvelles conceptions tenant
compte des demandes des mareyeurs, des chalutiers, des artisans de pêche et des poissonniers.
Claude Chrestien
Point de vue
À propos de patrimoine
E
n 2006, lors de
l’obtention par
Lorient du label « Ville
d’art et d’histoire », des
esprits chagrins se sont
étonnés, constatant que
l’histoire de la ville se
résume à un peu plus
de 3 siècles et que le
patrimoine – témoignage de l’évolution
de la commune – ne
se confond pas nécessairement avec œuvres
d’art. Comme semble le
prouver le choix récent
de l’UNESCO préférant l’œuvre de Vauban
à celle du Corbusier
pour le classement au
patrimoine mondial,
beaucoup de gens sont
encore sensibles aux
vieilles pierres, aux
quartiers historiques.
À cet égard, Lorient
aurait un patrimoine plus
riche si…
Si la prospérité de la
Compagnie des Indes avait
été plus durable, peut-être aurait-on réalisé le projet primitif de
Gabriel qui, jugé trop coûteux,
obligea à renoncer au vaste Hôtel
des Ventes qu’auraient alors encadré les deux pavillons Louis
XV actuels. L’ensemble aurait
été digne de la place de l’Hôtel
de Ville de Rennes, reconstruite
par ce même architecte après
l’incendie de 1720.
Si le temps et la Révolution
n’étaient pas passés par là,
on pourrait découvrir au bord
du Scorff le Château médiéval
de Tréfaven (remanié en 1666)
avec son imposant corps de logis
et les étoffes », c’est
parce qu’elle est reçue
somptueusement par les
officiers dans l’Enclos
et que la ville est encore
presque inexistante (en
tout cas, elle apprécierait
les couleurs des pavillons 1930 de la rue qui
lui est dédiée). Stendhal,
y séjournant en 1837,
monte au sommet de
la « Tour Ronde » et
conclut « Comme toute
chose à Lorient, rien n’a
été donné au plaisir des
yeux et cette tour a la
forme atroce d’un pain
de sucre ». Flaubert,
de passage en 1847, a
cette formule définitive : « Lorient, nullité
complète, rues basses et
alignées ».
encadré par deux tours massives, au milieu d’un vaste bois
de hêtres (cet arbre, si abondant
en Bretagne, qui a donné son
nom au Faouedic, au Faouet, au
Faou).
S’il n’y avait pas eu la guerre,
on verrait encore l’église du 18e
que certains regrettent (et pourtant un voyageur, en 1839, la
considérait « comme une œuvre
incohérente et ridicule, qui a l’air
d’une bourse ou d’un marché,
avec une tour encore plus stupide
que le reste »).
En fait, Lorient a séduit peu de
voyageurs au cours des siècles. Si
Madame de Sévigné, y passant
en 1689, est charmée par les
« marchandises, les porcelaines
Alors, si le passé a laissé
peu de témoignages artistiques, si
la base de sous-marins est un patrimoine douloureux, si la reconstruction a été de qualité inégale
en raison de la participation de
très nombreux architectes, il faut
regarder le présent et se tourner
vers l’avenir. Avec Malraux qui,
un des premiers, a pris en compte
l’architecture moderne et considérait Le Corbusier et Niemeyer
comme des visionnaires, adhérons à notre patrimoine de demain : Grand Théâtre, Centre
Aquatique, Cité Tabarly, et applaudissons une architecture
parfois audacieuse et, en tout
cas, non conformiste.
Jean Rameau
Lorient + Mai 2016
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23 au 27 m
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Visites,
Visites gratuites
et sur réservation.
Inscriptions et renseignements
en mairie au 02 97 02 21 23.

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