Le Retable d`Orchaise, peinture vers 1495

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Le Retable d`Orchaise, peinture vers 1495
Le Retable d'Orchaise, peinture vers 1495-1500.
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Le Retable d'Orchaise, peinture vers
1495-1500.
- Orchaise Passions - Histoire et Histoires -
Thierry CHAMPION
Publication le samedi 31 janvier 2009
Fichier PDF créé le vendredi 10 février 2017
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Le Retable d'Orchaise, peinture vers 1495-1500.
Peinture sur les deux faces : Jugement dernier (face) et Calvaire avec donateurs (revers).
Dépôt de la commune d'Orchaise en 1975 au Musée de Blois.
Huile sur bois (trois planches de chêne) ; H. 0,90 ; L. 1,42
Historique : Origine inconnue. A l'église d'Orchaise lors de son classement Monument
historique le 2 avril 1943. Restauré en 1952 par J. Malesset (devis de 1951 et facture de 1953).
Dépôt au musée de Blois en 1975 (délibération en conseil municipal du 12 novembre 1977).
Bibliographie : Lesueur, 1969, p. 280, repr. pl. XX A-B.
L'intérêt du panneau provenant de l'église d'Orchaise et actuellement déposé dans les réserves du château de Blois est
multiple. C'est en effet un rare représentant de la peinture en Val de Loire à la fin du XVe siècle. Il témoigne de
l'influence flamande dans la culture des peintres français de cette époque mais aussi, on le verra, du rayonnement de
Jean Fouquet.
L'origine du tableau est inconnue. Il apparaît pour la première fois dans l'église d'Orchaise lors de son classement
Monument historique le 2 avril 1943. Une note dactylographiée du Dr Lesueur mentionne l'accrochage du panneau "sur
le mur sud de la nef, au-dessus du banc d'oeuvre", sans préciser la face visible. Il convient cependant de remarquer que
les tableaux médiévaux ont en général été peu déplacés. Il est donc probable que la provenance du tableau est locale,
et peut-être était-il même dès l'origine destiné à l'église d'Orchaise. L'église Saint-barthélemy d'Orchaise était un prieuré
de Marmutier, fondé au XIe siècle. l'édifice actuel a été presque entièrement reconstruit en 1898 par Beau, architecte à
Blois, qui, selon Lesueur, a remployé des éléments de l'église primitive. On ne peut non plus exclure que le retable ait
été donné à l'église au cous du XIXe siècle, voire après la reconstruction. prêté à l'exposition du millénaire du
Mont-Saint-Michel en 1966, le tableau a été déposé au musée de Blois en 1975 et y a été exposé jusqu'en 1992.
Le Dr Lesueur reconnaissait dans le panneau d'Orchaise un volet de retable. Cette hypothèse doit être écartée. le
format allongé de l'Suvre, les compositions centrées autour de la figure du Christ indiquent qu'il s'agit d'un retable visible
sur ces deux faces et dépourvu de volets. La vocation du panneau d'autel est confirmé par une trace probable de
brûlure de cierge visible au pied de la croix sur la face en grisaille. en outre, l'usure plus accentuée de ce côté laisse
supposer qu'il était plus fréquemment exposé que le Jugement dernier. De tels retables visibles sur les deux faces,
fréquents en Italie où ils sont cependant plus monumentaux, sont moins fréquents dans la culture picturale des pays du
nord.
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Jugement dernier Face du Retable d'Orchaise
le calvaire en grisaille manifeste une nette influence flamande, et plus précisément l'héritage de Roger van der Weyden.
Le perizonium croisé du Christ apparaît sur le retable des Sept Sacrements de Van der Weyden (anvers ou sur le
Calvaire avec saint Jérôme de Gérard David (New York). Le plus souvent deux pans flottent de part et d'autre ;
néanmoins, van der Weyden ne représente qu'un seul pan flottant au monumental Christ en croix de l'Escorial. Le geste
de saint Jean rappelle la pose traditionnelle du saint jean gothique, la main sous la joue en signe de douleur. Il est
représenté comme à Orchaise essuyant une larme par un suiveur de Van Eyck et par Van de Weyden dans deux
panneaux conservés à Berlin. Dans ce dernier cas cependant, saint jean est vu de dos. Le même peintre a encore prêté
un geste semblable au saint dans le triptyque de saint Eloi, perdu mais connu par un dessin au Louvre et une copie
attrribuée à Van der Stock. Ce modèle s'est diffusé et la pose caractéristique du saint Jean réapparaît sous le pinceau
d'un anonyme brugeois. Or, le Jugement dernier marque aussi une nette influence brugeoise. L'ensemble fait écho au
triptyque de Hans Memling, volé en 1473 lors de son transport en Italie et emporté à Gdansk où il se trouve toujours. On
peut rrelever que le plateau de la balance tenue pourr l'archange penche du coté des élus (et non du côté des damnés
comme chez Van der Weyden) tandis que plusieurs types physionomiques sont empruntés à Memling, comme le
personnage agenouillé au centre et certains élus. Le saint Michel en armure peut être rapproché de l'archange figuré
sous des traits poupins par le Maître de la légende de sainte Ursule.
Calvaire avec donateurs Revers du Retable d'Orchaise
Si les peintres brugeois adoucissent déjà la leçon de Van der Weyden, la facture du panneau d'Orchaise est plus ronde
encore et trahit clairement une main française, malgré l'attribution flamande prrposée parr le Dr Lesueur. Il en vade
même du dessin sous-jacent assez enlevé visible dans le corps des élus sous le glacis clair des chairs devenu
translucide. Il est possible en outre de préciser cette attribution. Dans le Jugement, les traits de la Vierge, aux yeux
gonflés et au nez pointu légérrement décentré, ainsi que les visages d'anges, peuvent en effet être rapprochés d'une
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Vierge à l'Enfant visible dans un livre d'heures à l'usage de Bourges exécuté vers 1490 et signé par l'enlumineur berruye
Jean de Montluçon. La main de ce collaborateur du prolifique atelier des Montluçon se retrouve, selon François Avrril,
dans au moins deux autres livres d'heures qui se rattachent à l'enluminure de Bourges ou de Lyon. Ce n'est d'ailleurs
pas le seul lien avec le milieu de Bourges. Les anges sonneurs de trrompe et le type de saint Michel rappellent en effet
la Résurrection des morts exécutée par Jean Colombe dans les célèbres Heures de Laval, dont les saint intercesseurrs
sont cependant absents.
C'est en effet que le modèle du groupe formé par le Christ, les intercesseurs et la cour angélique est à rechercher
ailleurs : l'image du Christ trônant entre Marie et Jean-Baptiste à genoux au milieu d'un cercle d'anges est un emprunt à
Fouquet. Le célèbre enlumineur tourangeau dispose ainsi la cour céleste sur un feuillet des heures d'Étienne Chevalier
illustrant l'office du Saint Esprit à l'heurre de complies (lucerna ejus) et montrant les croyants en prière.
De part et d'autre du calvaire, se voit une famille agenouillée peinte en grisaille dont seuls les visages sont rehaussés
de couleur chair. Il y a à gauche une homme et son fils ; à droite son épouse et ses deux filles, selon l'ordre de
préséance héraldique qui veut que les hommes soient placés à dextre de la figure divine et les femmes à sénestre. les
vêtements masculins sont ceux d'un homme de robe, dont le costume ne varie guère à la fin du XVe siècle ; ceux de la
femme et de ses filles, notamment les coiffes et les robes à larges manches et encolure carrée, indiquent l'extrême fin
du siècle voire les années 1500.
Ils sont accompagnés d'armoiries quit ont pour l'instant résisté à l'identification. L'écu de l'homme est de sable à la
bande d'argent accompagnée de trrois étoiles d'or en chef ; l'usure du tableau laisse deviner d'autres étoiles au flanc
dextre de l'écu, de sorte que l'on peut supposer qu'il y avait à l'origine six étoiles disposées en orle, tois en chef et trois
en pointe. l'écu de la femme est parti des armes de son mari : mi-parti, au 1 de sable à la bande d'argent accompagnée
de trois étoiles d'or ; au 2 d'or, au chef de gueules chargé d'une tête de poisson (bar ou brochet ?) d'argent. La condition
bourgeoise des donateurs indiquée par leur vêtement explique sans doute la difficulté à identifie ces armoiries. on peut
raisonnablement considérer comme acquise la datation du panneau après 1495 et plus probablement vers 1500, de
même que son attribution à un artiste du centre de la France Suvrant entre Tours, Bourges et Lyon. C'est donc un rare
témoin conservé de la peinture de panneau en Val de Loire à la fin du XVe siècle.
P. G. G.
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