24 Heures – 05.2015 L`EVIL en tournée à Tokyo
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24 Heures – 05.2015 L`EVIL en tournée à Tokyo
Lundi 4 mai 2015 | 24 heures Culture&Société Classique Les folles journées de l’Ensem Chanteurs et musiciens étaient invités dans un festival de la capitale nippone. Avec leurs deux chefs, pour une passation des pouvoirs en douceur Gilles Simond Textes et photos Tokyo L’Ensemble Vocal et Instrumental de Lausanne (EVIL) a tourné ce week-end une page importante de son histoire plus que cinquantenaire. A l’invitation du festival «La folle journée au Japon», 37 chanteurs – choristes et solistes – et 21 musiciens étaient en déplacement dans la capitale nippone, où ils ont donné quatre concerts. Avec, fait «historique», deux chefs, puisque outre le père fondateur Michel Corboz, c’était aussi l’occasion pour l’EVIL d’annoncer officiellement l’arrivée de Daniel Reuss à la direction artistique de l’ensemble. L’Allemand vivant en Hollande dirigeait un programme de motets de Bach (deux fois) ainsi qu’une Messe brève du même Jean-Sébastien et le Dixit Dominus de Haendel. Quant à Michel Corboz, il a régalé le très attentif public tokyoïte hier soir avec une Passion selon Saint Jean dont il a le secret – une pâte raffinée qu’il pétrit depuis les années 1970 et qu’il a enregistrée pour la première fois en 1978. «Et ce ne sera pas la dernière fois de ma vie que je la dirigeais, se réjouit le chef. Mais ce ne sera plus avec l’EVIL, puisque je la donnerai avec un petit chœur en juillet au Portugal, puis à Lisbonne pour Pâques 2016 avec le Chœur de la Fondation Gulbenkian.» Véritable star au Japon, le maestro de 81 ans se sent encore capable de transmettre sa passion de la musique: «Je suis peut-être plus concentré que par le passé.» Mais il éprouve quelque peine à se déplacer et à supporter le décalage horaire. «Les voyages en avion ne me manqueront pas.» Il manquera, lui, à ses incroyables fans japonais, qui lui ont réservé une ovation debout avant, pour certains, d’aller s’agenouiller devant le maître pour lui demander une dédicace sur leur partition. Folle journée de trois jours Grande fête de la musique classique conçue par le producteur français René Martin à Nantes en 1995, «La Folle journée» a lieu pour la onzième fois dans la capitale nippone (elle se termine ce soir), dans l’architecture spectaculaire toute de verre et d’acier du Tokyo International Forum (TIF). Dédiée cette année au thème «Passions», qui lui permet En dates 1961 Fondation du chœur par Michel Corboz. 2012 Soutenu par Corboz, qui souhaite un renouveau, Guillaume Tourniaire devient le directeur artistique de l’EVIL. 2013 Démission de Tournaire, Corboz reprend du service avec l’assistance de Nicolas Farine. 2015 Nomination de Daniel Reuss à la tête de l’EVIL. de traverser les genres et les époques, elle se déclinait entre les prières religieuses à la manière des Passions de Bach, les démonstrations de la passion amoureuse ou simplement la célébration de la vie. Le programme fait tourner la tête. Durant trois jours de la «golden week» japonaise (une rare semaine de vacances pour tous), de 9 h du matin à 23 h, plus de 2000 exécutants ont donné au total 300 concerts. Le tout à des prix abordables (dès 1500 yens pour les meilleurs concerts, soit une douzaine de francs), dans huit salles de concert du TIF, allant d’une centaine à 5000 places pour la plus vaste! C’est dans celles-ci que l’EVIL a donné sa Passion, grands écrans en prime. Musique, tourisme et shopping Avec répétition à midi et concert le soir – ou le contraire – les journées de l’EVIL dans la mégapole (37 millions d’habitants) ont été bien remplies. D’autant que chacun profite du voyage pour faire un peu de tourisme ou de shopping entre deux. Pour le baryton basse lausannois Valentin Monnier, «les concerts sont une fête. C’est là que la magie opère. Tout le monde se disperse dans Tokyo durant le temps libre, puis on se retrouve avec toutes ces impressions pour, dans la salle, servir la musique en étant heureux.» Encadrés par les administrateurs Emmanuel Dayer et Jeanne Perrin, aux petits soins pour eux, les chanteurs n’ont qu’un seul souci, mais de taille: protéger leur voix, mise à mal par le voyage, la climatisation et les troubles du sommeil dus au décalage horaire. Les sopranos sont particulièrement sensibles: «Durant le vol vers Tokyo, je mets un foulard autour du visage pour respirer un air plus humide, explique la L’héroïne de l’«Ave Maïa» de Béjart a quitté la scène pour toujours Danse La grande ballerine du Bolchoï Maïa Plissetskaïa s’est éteinte samedi à six mois de ses 90 ans Elle ne remettra pas à Gil Roman le Prix Maïa Plissetskaïa, comme prévu le 15 mai, à Lucerne. Elle n’assistera pas à l’hommage que le Festival de Verbier entendait lui rendre le 23 juillet en projetant son interprétation du Boléro de Béjart. La «prima ballerina assoluta» russe s’est éteinte samedi à Munich, où elle résidait avec son mari, le compositeur Rodion Shchedrin. A six mois d’un 90e anniversaire que le Bolchoï VC1 Contrôle qualité souhaitait célébrer fastueusement, «Maïa» – ainsi que l’appelait le monde de la danse — a quitté la scène pour toujours. Quelle carrière, mais aussi quelle vie! Maïa Plissetskaïa a été amenée à danser devant Staline, à qui son père doit d’avoir été fusillé comme «ennemi du peuple» et sa mère d’avoir été envoyée au goulag. Elle a interprété les grands rôles du répertoire devant Tito, Nehru, Indira Gandhi, le shah d’Iran, Nasser, Sihanouk et même Mao. Après avoir été espionnée par le KGB en raison de son caractère rebelle et empêchée de sortir d’URSS, elle a fait l’objet des plus hautes distinctions: Artiste du peuple, Prix Lé- La ballerine russe s’est envolée samedi. DR nine, Héros du travail socialiste… C’est que, loin de se conformer au modèle convenu qu’imposait la direction du Bolchoï dans les années 1960 et 1970, elle n’a eu de cesse d’ouvrir au grand air occidental cette grande maison empoussiérée. Ainsi a-t-elle obtenu de haute lutte de pouvoir travailler avec Roland Petit (La rose malade, d’après Maïakovski) et Béjart (Isadora, Léda…) Et, dans les années 1980, de diriger successivement le Ballet de Rome et le Ballet national d’Espagne. Sa personnalité radieuse, sa silhouette éclatante (que soulignaient à la ville les créations de son ami Pierre Cardin), sa longé- vité (à 70 ans passés, elle interprétait encore l’Ave Maïa que Béjart lui avait réglé sur mesure) l’ont fait entrer de son vivant dans la légende de la danse classique. On n’est pas près d’oublier ses interprétations magistrales du Lac des cygnes, de Raymonda ou de la Suite Carmen. On n’oubliera pas non plus ses propres chorégraphies: Anna Karenine, La mouette, La dame au petit chien, toutes enmusiquées par Shchedrin. Maïa Plissetskaïa connaissait bien la Suisse romande, où elle rendait fréquemment visite à son frère cadet, Azari, professeur au Béjart Ballet Lausanne. Jean-Pierre Pastori 24 heures | Lundi 4 mai 2015 Culture Société Gastro Ciné Conso Sortir Les gens emble Vocal Tournée Salle de 5000 places, écrans géants, ovation debout: l’EVIL a eu droit à un traitement de rock star à Tokyo. En coulisses, des répétitions intenses, des moments de tourisme ensoleillé (au milieu, Jeanne Perrin, administratrice assistante de l’EVIL, Liliane Galley, alto, et Valentin Monnier, baryton). Et un fan empressé pour le maestro Corboz lors de la séance de Bernoise Anne Montandon. Et puis il faut se préserver, beaucoup boire, essayer de bien dormir. Personnellement, en tant que soliste, je sors moins que lorsque j’étais uniquement choriste.» Sa collègue Marie Jaermann, de Goumoëns-le-Jux, actuellement en formation à Londres, confirme que les chanteurs ont plein de trucs pour humidifier l’air nocturne de leur chambre, comme «mettre des serviettes humides à côté de l’oreiller pour ne pas se réveiller le matin avec la voix rauque». Certains arroseraient même la moquette… Ellemême remplit d’eau sa baignoire avant d’aller se coucher, ce qui lui a valu d’être réveillée par un curieux clapotis l’an dernier, lors de l’un de ces tremblements de terre dont Tokyo est coutumière. Prochain concert de l’EVIL: Mézières, Théâtre du Jorat Dimanche 10 mai (17 h) Haendel, Dixit Dominus, et Bach, Messe en sol BWV 235, dir. Michel Corboz Rés.: 021 903 07 55. www.evl.ch Lire aussi en page 32 La mort va si bien à l’éternelle coquette qu’était l’écrivaine Ruth Rendell En dates Hommage Décédée samedi à Londres, l’Anglaise, 84 ans, a marqué le roman policier par sa personnalité. Une reine s’en est allée Si coquette qu’elle avait oublié de vieillir, Ruth Rendell camouflait son age avec une effronterie de collégienne. A 84 ans, la vénérable romancière semblait plutôt porter une soixantaine allègre. Dans le coma depuis quelques jours après une attaque cérébrale, elle est décédée samedi. Avec la régularité de la pendule Big Ben du Londres qu’elle n’avait jamais déserté, cette fille d’enseignant publiait depuis un demi-siècle un roman tous les dix-huit mois. La même discipline forgeait son quotidien: levée le matin à 6 heures, elle prenait un breakfast d’ascète, exécutait un vigoureux programme de gymnastique, puis s’enchaînait trois heures à sa machine à écrire. Ses semaines étaient encore rythmées par ses déplacements au parlement: quarante minutes de marche depuis sa maison bourgeoise de quatre étages en plein Regent Street, puis le métro, histoire d’observer ses contemporains. Les petites manies des gens, saisies au fil des révolutions technologiques, tissaient ensuite le décor d’intrigues psychologiques soignées. Face à ses pairs, et notamment sa vieille amie P. D. James, décédée en décembre dernier, la militante travailliste se disait alors prête à la bataille. Alliées, la baronne James de Holland Park et la baronne Rendell de Babergh ferraillaient dur pour les droits des femmes et des enfants. Au Guardian, Ruth Rendell, auteur de près de 80 best-sellers tirés à 20 millions d’exemplaires de par le monde, confia un jour: «Fière de quoi? Je ne donne pas dans l’orgueil, ce travers si déplaisant. Même si j’avoue apprécier d’être sélectionnée lors de prix littéraires, même si j’adore ce cirque de la notoriété. Je me moque de marquer la postérité. A moins d’être Shakespeare ou Milton, personne ne dure au-delà des siècles. En ce qui me concerne, cela me semble désespéré!» Au-delà de sa coquetterie légendaire, Ruth Rendell, brillante et intuitive sociologue de son époque, possédait une lucidité redoutable. C’est d’ailleurs cette froide sagacité qui donne à ses romans une ampleur particulière, soufflant le vent des révoltes contre l’injustice au quotidien. Violence domestique, pratiques sexistes ou homophobes balafraient des intrigues hyperdocumentées en laissant des cicatrices profondes. En 1964, Ruth Rendell, jeune maman trentenaire, ex-journaliste au foyer, s’ennuie. Elle se lance dans le polar, créant l’inspecteur en chef Wexford à l’image de son père pour le gabarit physique. Elle 1930 Naissance de Ruth Barbara Grasemann. 1964 Premier roman avec l’inspecteur Reginald Wexford, Un amour importun. 1965 La danse de Salomé, sans Wexford. 1975 Edgar de la meilleure nouvelle. 1976 Gold Dagger pour L’enveloppe mauve. 1986 Gold Dagger pour L’homme à la tortue. Usage du pseudo Barbara Vine avec Véra va mourir. 1996 Ordre de l’Empire britannique. 2000 Nomination au parlement à Westminster. lui colle néanmoins ses idées, plus libérales, tolérantes et audacieuses que celles de son paternel. Ce flic qu’elle ne pensait pas voir perdurer donnait encore de ses nouvelles il y a deux ans. Sous le héros calibré couvent de belles colères, une évolution sensible. Un peu à la manière de la vie privée de Ruth Rendell, si sage en apparence, mais assez tempétueuse pour que la demoiselle divorce de son époux dans les années 1970, puis se remarie avec lui, jusqu’à sa mort, en 1999. Ce tempérament excentrique qui bruisse sous la carapace distinguée trouve une parfaite adéquation sur grand écran: des cinéastes aussi différents que Claude Chabrol, Pedro Almodóvar ou Claude Miller trouvent dans son écriture matière à sublimer leur propre style. Hormis la forte dimension psychologique, rien, ou très peu, ne rapproche La cérémonie d’En chair et en os, ou de Betty Fischer et autres histoires, trois films au demeurant magnifiques. Il y a quelques mois, François Ozon s’emparait à son tour d’une de ses œuvres, Une nouvelle amie, et de son «twist» sexuel en pleine bourgeoisie de province, donnant un éclairage d’une inédite fraîcheur sur la largeur de vista de cette Anglaise hors norme. Autre originalité dans un corpus plutôt classique, l’usage d’un pseudonyme, Barbara Vine, que shocking!, ses éditeurs français n’hésitaient pas à transgresser. La millionnaire, sacrée de tous les honneurs inimaginables, du Edgar au Gold Dagger, ne s’en troublait guère: ses écrits, signés de l’un ou l’autre patronyme, restaient dans la même veine. De sa longue carrière, la marathonienne de la littérature policière avouait ne reteUne vie si convenable Ruth Rendell Ed. des deux Terres, 336 p. eclairage Elle laisse «Une vie si convenable» Dans l’au-delà, les vieilles connaissances, décédées à quelques semaines d’intervalle, se saluent, P. D. James rendant hommage à son amie en couverture de son dernier roman tout juste paru: «Par son imagination unique, Ruth Rendell éclaire la psyché humaine.» En matière de polar, les baronnes s’accordaient sur la stratégie: bosser sur les arcanes des sentiments doit primer sur le machiavélisme des intrigues. Une vie si convenable répond à ce schéma. Grace et Andrew, frère et sœur, héritent d’une maison. Ils y emménagent avec l’amant du garçon. Alors que l’atmosphère s’alourdit et vire au conflit, Grace découvre un manuscrit qui relate l’histoire d’une famille fort similaire à la leur. Les époques se télescopent, chacun se déleste de ses petits secrets honteux. Pas convenable du tout et passionnant. Philippe Jaroussky: «Je dois me battre avec ma voix» Concert Le prodigieux contre-ténor chante à l’abbaye de Bonmont dans un récital consacré à Verlaine Avec une poignée de chanteurs dont la voix semble venue de nulle part, Philippe Jaroussky a mis les tessitures haut perchées et masculines au centre du paysage lyrique. Ses incursions dans le répertoire pour castrats, notamment, ont marqué les esprits et fait sortir la figure du contre-ténor des cabinets de curiosités. Aujourd’hui, le Français ouvre une nouvelle page: après l’album Opium paru en 2009, il poursuit sa plongée dans VC1 Contrôle qualité la mélodie française avec un double CD, Green, qui fait la part belle à Verlaine. Son récital sur la scène austère et mystérieuse de l’abbaye cistercienne de Bonmont est une occasion rêvée pour savourer la richesse de cette musique. Votre récital, tout comme votre dernier album, est entièrement consacré à Verlaine. Vous vous affranchissez de ce domaine baroque qui a fait votre renommée. Où vous sentezvous le plus ZHANG YUWEI à l’aise aujourd’hui? Quand je chante le baroque je suis dans un terrain connu et conquis. Ce territoire musical a une tout autre immédiateté que les mélodies françaises. Mais au fond, c’est avec le répertoire français que je retrouve mon vrai jardin secret. C’est peut-être là que les personnes qui me suivent comprennent davantage qui je suis. Sans doute parce que je chante dans ma langue maternelle, et que je suis donc plus en accord avec moi- même en comparaison avec celui qui chante des airs virtuoses pour castrats. A 37 ans, votre voix est arrivée à maturité. Comment jugez-vous son évolution? Depuis toujours j’ai l’impression de me battre avec elle. Je me suis toujours considéré comme musicien plutôt que chanteur. Du coup, j’ai parfois négligé le travail sur mes cordes vocales au profit de l’interprétation. Il m’a fallu quelques années pour comprendre qu’il fallait faire un training physique, surtout quand on chante le répertoire des castrats. Aujourd’hui, je travaille ma voix de façon plus athlétique pour la En deux mots Comme en 2014 rendre plus solide, plus riche et profonde. Quand je pense aux débuts de ma carrière, je me dis que j’avais une voix plus petite au niveau de la projection, mais extrêmement souple. Aujourd’hui, elle s’est élargie, elle a gagné en expression et en puissance dans les graves, mais je suis moins facile dans la virtuosité. Rocco Zacheo Salon du livre Le 29e Salon du livre et de la presse a fermé ses portes hier; 95 000 visiteurs ont été comptés, soit le même nombre que l’année dernière. Avec 820 maisons d’édition présentes et 1050 intervenants, soit 200 de plus que l’an dernier, le Salon – qui fêtera l’an prochain son 30e anniversaire avec quelques changements – continue son expansion professionnelle. MAR.G. Abbaye de Bonmont, Crassier ma 5 mai à 19 h., www.bonmontconcerts.ch www.kulturticket.ch Les bons horaires Green Philippe Jaroussky Erato (2 CD) Exposition Contrairement à ce qui a été écrit dans notre édition de vendredi, la Fondation Pierre Arnaud à Lens n’ouvre pas jusqu’à 23 heures, mais le mardi de 10 h à 21 h, et du mercredi au dimanche de 10 h à 19 h. Avec nos excuses. F.M.H.