Discours Cartoon Forum Toulouse 20121

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Discours Cartoon Forum Toulouse 20121
Intervention d’Eric GARANDEAU, Président du CNC
Cartoon Forum 2012 à Toulouse
Cher Christian Davin, cher Marc Vandeweyer,
Mesdames et Messieurs, chers amis
Le film d’animation est le genre cinématographique à la fois le plus ancien et le
plus moderne, il fait appel aux techniques les plus manuelles et les plus
artisanales comme aux technologies digitales les plus avancées. Aujourd’hui le
film d’animation est plus adulte que jamais – y compris par rapport aux publics
auquel il s’adresse, traitant de sujets aussi complexes que le suicide, l’adoption, la
guerre… Dans le même temps les films en prise de vue réelle, les fictions mais
aussi les documentaires, incorporent de plus en plus d’animation et « d’effets
visuels », au point de créer des objets hybrides. Bref, la révolution numérique se
manifeste aussi par la fusion et le brassage des genres : le cinéma d’animation
devient pour ainsi dire une tautologie !
Le CARTOON FORUM est aussi à la fois un lieu ancien puisqu’il a déjà plus de 20
ans d’âge, et un événement d’une extrême modernité je ne vous apprends rien.
Organisé chaque année dans une ville différente d’Europe, c’est la quatrième fois
que nous l’accueillons en France, et cette fois pour trois années consécutives. Je
remercie à ce titre la Ville de Toulouse et toutes les collectivités territoriales qui se
sont engagées aux côtés du CNC et de la Commission européenne, pour que cet
événement se tienne en France et à Toulouse, haut lieu de culture
cinématographique grâce à sa magnifique cinémathèque, mais aussi audiovisuelle
par les entrepreneurs de grand talent qui y résident ou s’y installent, comme la
société « TAT » qui nous a présenté ce matin des « As de la Jungle » déjà vendus
dans un grand nombre de pays.
Le Cartoon Forum est devenu un lieu de rencontre essentiel pour les professionnels
de l’animation, votre présence importante et toujours croissante en atteste : plus de
800 professionnels de 33 pays différents, dont 250 acheteurs. La couverture
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médiatique est remarquable également puisque vous êtes plus de 50 journalistes
européens à y participer chaque année. Bon, ce n’est pas encore le festival de
Cannes, mais c’est déjà significatif.
Pendant trois jours, vous avez l’opportunité de présenter vos projets de séries
d’animation à travers les séances de «pitch» rassemblant tous les acteurs clés de
l’industrie de l’animation. C’est également l’occasion de nouer des coopérations
transfrontières et de travailler à des coproductions. Au fond, cette enceinte est à
l’image du formidable bond en avant de l’animation européenne que l’on observe
aujourd’hui : vous êtes une concrétisation forte de l’Europe de la culture, l’incarnation
vivante du Marché européen, un marché uni dans sa diversité et dans l’addition de
ses singularités.
C’est un point fondamental sur lequel nous aimons insister, en France. Nous croyons
au métissage des styles, des genres, des cultures, mais nous ne croyons pas à la
standardisation, au formatage, au gommage des aspérités, nous ne croyons pas à
l’esperanto. Aussi même si « L’Europe est un état composé de plusieurs provinces »
comme le disait Montesquieu, il est normal que les singularismes et les
particularismes de ces provinces se retrouvent dans la diversité de leurs productions
comme celle de leurs écosystèmes administratifs. Evoquer le « Cartoon Forum »
c’est d’ailleurs accoler deux langues, c’est faire une synthèse des univers latin et
anglo-saxon… et c’est plus glamour que de parler des « rendez-vous du carton » qui
en serait la traduction littérale – même si nous sommes très attachés à la langue
française !
Grâce au programme MEDIA de l’Union européenne, grâce au Cartoon Forum,
l’animation européenne occupe désormais une place incontestée sur le marché
mondial. D’une industrie artisanale est née une industrie culturelle, diversifiée, à la
pointe des technologies, une industrie leader sur son territoire et conquérante audelà de nos frontières.
Depuis la création du Cartoon Forum, plus de 500 séries d’animation ont vu le jour
(pour un budget total de production de plus d’1,7 milliard d’euros) et sont
actuellement en production ou en diffusion un peu partout dans le monde.
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Ces succès ont aussi été accomplis grâce aux politiques publiques conduites par
les CNC (EFAD) et les chaînes de télévision dans tous les Etats membres, et
grâce à des écoles particulièrement performantes – nous avons en France parmi
les meilleures écoles d’animation au monde.
Permettez-moi de donner quelques exemples des interventions de la France
dans ce champ de l’image animée. En 2011 nous avons produit 355 heures
d’animation, en hausse de +11%, avec des financements étrangers à hauteur de
61 M€ (+43,1 %), un apport des chaînes TV de 58 M€ (+14,1 %), et un apport du
CNC de 31 M€ (+4,2 %). Cet équilibre entre national et international est
intéressant, c’est ce qui contribue à la fois à façonner des œuvres « exportables »,
et à favoriser ensuite leur circulation internationale.
S’agissant du CNC, l'animation est avec le spectacle vivant le genre le plus aidé en
proportion des apports des diffuseurs. Outre les aides automatiques versées aux
producteurs, deux dispositifs méritent d’être soulignés.
1- le fonds innovation, tout d'abord. En cinq ans, le Fonds innovation a su
s’imposer comme un outil reconnu favorisant le renouvellement de la création
originale dans un marché dominé par l’adaptation de licences préexistantes. 65%
des auteurs littéraires et graphiques soutenus sont des « nouveaux entrants » issus
des écoles d'animation françaises, et les sociétés de production soutenues sont pour
2/3 d'entre elles des studios reconnus dans le secteur. Le Fonds innovation joue un
rôle dans la consolidation et le renouvellement d’une industrie nationale, intégrant les
contraintes d’un marché structurellement tourné vers l’international.
A ce titre, 69 projets sont présentés à Toulouse, dont 25 coproduits avec la France. 5
de ces projets ont été aidés par le fonds innovation, un fonds innovation présidé
depuis cette année par Christian Davin.
L’un des projets en sélection pour le Cartoon d'or, « Tram », projeté en juin dernier
au CNC, a été aidé au fonds innovation en écriture et développement. Nous
attendons la parution imminente du décret qui vient réformer et renforcer ces aides.
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2- l'aide aux pilotes doit aussi être mentionnée, elle est à l’origine de 6 projets
pilotes présentés lors des pitches du Forum 2012.
Le CNC peut donc se féliciter d’avoir soutenu au total quasiment la moitié des projets
français présentés au Forum (11 projets sur 25), au titre des aides sélectives.
Je voudrais aussi saluer et féliciter les producteurs et distributeurs français pour leur
performance à l’international. En 2011, les ventes de programmes français
d’animation à l’étranger ont augmenté pour la deuxième année consécutive pour
atteindre 35,3 M€. Cette évolution s’explique en grande partie par la forte croissance
du volume de la production, l’animation demeure ainsi le premier genre de
programmes à l’exportation. Cette performance se manifeste aussi au niveau du
cinéma d’animation en salle.
Nous pouvons donc être fiers des résultats positifs de notre secteur, qui résultent
d’investissements constants et de l’engagement persistant de tous les acteurs de cet
écosystème français et européen, depuis plusieurs décennies.
Pour autant, il nous faut maintenir ces équilibres au prix d’efforts constants dans un
contexte économique et financier qui se dégrade. Vous savez que le CNC est en très
bonne santé, financièrement, grâce à la réforme accomplie en 2007 pour étendre la
taxe sur les services audiovisuels à l’ensemble du champ audiovisuel – y compris
aux opérateurs de télécommunications puisqu’internet est devenu un média à part
entière et même le média dominant. Nous expliquons inlassablement à nos
partenaires, nos tutelles et nos autorités de contrôle, qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter
de cette bonne santé, même si en France il y a beaucoup de docteurs Knock qui
aimeraient rendre tout le monde malade. Car cette santé s’explique par la santé du
secteur audiovisuel, et par l’effet de levier positif que les investissements du CNC et
des chaînes télévisées exercent sur l’activité audiovisuelle, en créant des œuvres,
des entreprises, des emplois, ce qui suscite à son tour une croissance de nos
recettes. C’est un cercle vertueux à préserver absolument.
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Certes le CNC sera mis à contribution en 2013 pour contribuer au rétablissement des
finances de l’Etat, qui ne sont pas en aussi bon état, et il est d’une certaine façon
logique que tout le monde contribue au redressement national. Toutefois notre
contribution sera exceptionnelle - à tout point de vue d’ailleurs, c'est-à-dire qu’elle
sera ponctuelle, il n’y en aura plus les années suivantes, le Gouvernement s’y est
engagé. Par ailleurs la taxe sur les services de télévision ne sera plus plafonnée dès
le 1er janvier prochain, ce qui est fondamental pour restaurer l’étanchéité du compte
de soutien et pour que son évolution reste proportionnelle à l’évolution du secteur. Il
nous reste à obtenir le vote favorable du Parlement, ainsi que le feu vert de la
Commission européenne sur l’ajustement de notre taxe sur les services audiovisuels
destiné à récupérer un fournisseur d’accès qui s’est très largement exonéré de ses
obligations. Nous avons notifié cet ajustement en octobre 2011, il y a près d’un an, il
serait temps d’obtenir une réponse, et une réponse favorable bien sûr, nous ne
pouvons pas imaginer que la Commission européenne fragilise le principal financeur
du cinéma européen.
Nous sommes même persuadés que ce mécanisme français de financement de la
création cinématographique et audiovisuelle, fondée sur une véritable règle d’or –
tous ceux qui profitent de la création doivent contribuer à leur financement – c’est en
réalité un système qui pourrait être étendu à l’Europe ; c’est une solution européenne
au financement de la création européenne ; c’est la seule façon de rétablir un rapport
de force équilibré avec nos partenaires d’outre atlantique, à côté de qui nous
ressemblons un peu à la petite souris face au Gruffalo du dessin animé, ou bien au
petit Kirikou du conte de Michel Ocelot.
Voilà c’était le message que je voulais vous transmettre de la part de la Ministre de la
Culture et de la Communication Aurélie Filippetti, un message d’amour, un message
de fidélité, pour ce que vous faites, pour ce que vous êtes, car c’est vous qui animez
l’Europe !
Je vous remercie.
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