André Fillion Fortifie-toi ! Deuxième partie

Transcription

André Fillion Fortifie-toi ! Deuxième partie
André Fillion
Fortifie-toi !
Deuxième partie
Le temple de Bishofsheim , Bavière. Photographie de l’auteur.
ISBN 979-10-92175-07-3
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12. 153 gros poissons
Après cela, Jésus se montra encore aux disciples, sur les bords de la mer de Tibériade.
Et voici de quelle manière il se montra.
Simon Pierre, Thomas, appelé Didyme, Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de
Zébédée, et deux autres disciples de Jésus, étaient ensemble. Simon Pierre leur dit : je
vais pêcher. Ils lui dirent : nous allons aussi avec toi. Ils sortirent et montèrent dans
une barque, et cette nuit-là ils ne prirent rien. Le matin étant venu, Jésus se trouva sur
le rivage ; mais les disciples ne savaient pas que c’était Jésus. Jésus leur dit : Enfants,
n’avez-vous rien à manger ? Ils lui répondirent : non. Il leur dit : jetez le filet du côté
droit de la barque, et vous trouverez. Ils le jetèrent donc, et ils ne pouvaient plus le
retirer, à cause de la grande quantité de poissons. Alors le disciple que Jésus aimait dit
à Pierre : c’est le Seigneur ! Et Simon Pierre, dès qu’il eut entendu que c’était le
Seigneur, mit son vêtement et sa ceinture, car il était nu, et se jeta dans la mer. Les
autres disciples vinrent avec la barque, tirant le filet plein de poissons, car ils n’étaient
éloignés de terre que d’environ deux cents coudées.
Lorsqu’ils furent descendus à terre, ils virent là des charbons allumés, du poisson
dessus, et du pain. Jésus leur dit : apportez des poissons que vous venez de prendre.
Simon Pierre monta dans la barque, et tira à terre le filet plein de cent cinquante-trois
grands poissons ; et quoiqu’il y en eût tant, le filet ne se rompit point. Jésus leur dit :
venez, mangez. Et aucun des disciples n’osait lui demander : qui es-tu ? Sachant que
c’était le Seigneur. Jésus s’approcha, prit le pain, et leur en donna ; il fit de même du
poisson.
Jean 21.1/13
Les disciples apeurés et incrédules avaient reçu un grand réconfort
lorsque Jésus, sorti du tombeau, leur rendit visite dans leur maison dont
ils avaient pris la précaution de verrouiller la porte. Pierre et Jean,
d’ailleurs, furent les premiers à trouver le tombeau vide et à croire à la
réalité de sa résurrection.
Jésus leur avait montré ses mains percées et les avait salués d’un « Shalom
aléchem ! »
Il s’était enfin séparé d’eux avec ces directives :
Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils
et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici,
je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.
Matthieu 28.19/20
Quelques jours s’étaient écoulés. Forts de cette promesse de leur
Seigneur, Pierre, Jean – le disciple que Jésus aimait –, Thomas et d’autres
disciples, en l’attente d’un ordre de mission plus précis, pensent à
reprendre leur activité séculière. Pierre décide d’aller pêcher. André, son
frère et confrère faisait-il partie des deux disciples anonymes ?
Dans l’Évangile, la pêche n’est pas uniquement un gagne-pain.
Rappelons-nous leur fameuse rencontre, sur les rives de ce même lac de
Tibériade, ou encore de Génésareth :
Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé
Pierre, et André, son frère, qui jetaient un filet dans la mer ; car ils étaient pêcheurs. Il
leur dit : suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes.
Matthieu 4.18/19
Pêcheur d’hommes ! Jésus ne nous parle pas ici d’un moyen de
subsistance, mais d’une pêche aux pécheurs. Partant de leur métier, le
Seigneur les mobilise pour une œuvre d’évangélisation.
Or, les disciples ont travaillé toute la nuit et au petit matin, ils n’avaient
rien pris. Pas même un petit goujon. Rien !
Pêche infructueuse !
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Vous est-il arrivé de vivre une évangélisation infructueuse ?
Pierre, pourtant, était un professionnel qui avait fait ses preuves dans le
métier. Il n’avait pas lâché ses filets n’importe comment ni n’importe où.
Il avait su tenir compte de la profondeur de l’eau, de sa température, de la
clarté de la lune, de l’hygrométrie et de la distance par rapport au rivage.
Il connaissait au décamètre près l’endroit idéal pour jeter son filet.
Et pourtant, il n’a rien pris. C’est à n’y rien comprendre !
Et si la maîtrise de son métier, et surtout la confiance qu’il plaçait en elle
était la première cause de son échec ?
Dans notre travail d’évangélisation, il est bien utile d’avoir du savoir-faire.
Mais est-ce suffisant ? Sont-ce nos capacités qui vont sauver les âmes ?
Tous les chrétiens ont reçu de Dieu un savoir-faire, un don naturel, une
capacité. Tous ne sont pas orateurs, tous ne sont pas théologiens, tous ne
sont pas appelés à enseigner les jeunes ou les enfants, tous ne sont pas
non plus dirigeants de chorale ni chefs d’orchestre, mais nous sommes
tous qualifiés.
Les artistes ont-ils leur place dans le paysage évangélique ? Voilà un débat
à la mode. J’en suis pour ma part convaincu, et pas seulement les
chanteurs et les musiciens, mais aussi les peintres, les sculpteurs, les
poètes… mais personne à ma connaissance ne s’est converti en entendant
jouer Jéhudi Menuhin. Le talent ne suffit pas s’il n’y a pas l’Esprit de
Dieu. Combien, au contraire, ont été touchés par des artistes qui n’ont
pas cette renommée mondiale, mais qui ont mis à la disposition de Dieu
le peu qu’ils ont afin qu’il le multiplie !
Si notre confiance peut, comme nous venons de le voir, s’appuyer sur le
professionnalisme d’un homme, elle peut aussi se fonder sur sa notoriété.
Que sont devenus les fameux télé-évangélistes, Jimmy Swaggart qui se
serait converti à l’islam, Jim Bakker qui acheva son ministère en prison,
sans oublier l’incontournable Benny Hinn ?
Sans aller aussi loin, je me renvoie au souvenir du temps ou je fréquentais
un type d’église ou l’on insistait sur la guérison et, au terme de chaque
réunion, on demandait aux personnes malades de s’avancer afin que le
pasteur leur impose les mains. Sans porter de jugement sur cette pratique,
je me rappelle que lorsqu’un pasteur d’une autre église était invité à
prêcher, il se formait deux colonnes de malades, mais comme c’est
étrange ! La file du visiteur était toujours plus longue que celle du pasteur
titulaire : « On n’a pas l’habitude de le voir, celui-là, il a sûrement plus de
“puissance”. Le nôtre, depuis le temps qu’on y va et qu’il ne se passe
jamais rien ! »
Ne nous attardons pas sur la « magie charismatique » dans certains
milieux extrêmes : « Touchez les murs de la salle, touchez le bord de
l’estrade, et vous serez guéris. »
Nous avons évoqué deux raisons possibles d’échec, nous pourrions en
trouver d’autres, mais la raison principale nous paraît évidente :
Qui était dans la barque ? Pierre, Jean, Thomas, Nathanaël (aussi appelé
Barthélémy)… Mais où était Jésus ?
Jésus est-il dans la barque quand nous jetons les filets, ou pensons-nous
être capables de nous débrouiller sans lui ?
Les disciples, sans leur maître, ont travaillé toute la nuit, ils sont fatigués
au point du jour, certainement découragés.
C’est un jour à rester couché !
Nous arrive-t-il d’être découragés ?
C’était bien la peine de s’être donné tant de mal ! Et pourtant, nous avons
tout fait pour que ça marche, nous nous sommes investis en temps et en
argent…
Et pourtant, nos échecs ne sont-ils pas destinés à nous enseigner ?
Alors qu’ils commençaient à plier bagage, un individu, sur la rive, les
interpelle : c’est Jésus.
Peut-être trouvez-vous étonnant que Jésus puisse ainsi parler sans
microphone à des personnes éloignées d’une centaine de mètres. Ici, ses
auditeurs sont dans la barque et lui sur le rivage, en d’autres occurrences,
c’est lui qui est dans la barque et ses auditeurs sur la rive. Certains ont
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écrit que la nature l’avait doté d’une voix de stentor ; c’est peut-être vrai,
mais je pense avoir une autre explication : les reliefs qui entourent le lac
de Galilée comme les gradins d’un théâtre grec avaient probablement des
propriétés acoustiques remarquables.
« Enfants, n’avez-vous rien à manger ? »
Les disciples n’ont pas reconnu le voyageur qui les questionne ainsi.
Savons-nous reconnaître la voix du Seigneur ?
Savons-nous discerner sa pensée ?
Quelquefois, dans nos vies ou dans notre service, nous sommes
persuadés d’avoir pris les bonnes décisions, et pourtant les choses
démarrent mal.
« Nous nous sommes trompés, ce n’est pas dans le plan de Dieu, sinon
tout se déroulerait sans anicroche ».
Et si, justement, c’était le diable qui jetait des embûches pour nous
détourner du plan divin ? Et si c’était le Seigneur qui permettait les
difficultés pour éprouver notre foi ? Difficile à dire.
« Enfants, n’avez-vous rien à manger ? »
Décidément, cet inconnu semble prendre plaisir à tourner le couteau dans
la plaie des disciples. Ce n’est pourtant pas par cruauté que Jésus agit
ainsi, mais il nous place parfois devant nos échecs.
« Alors, ta mission d’évangélisation, ça s’est bien passé ?
– En fait, non, pas tant que ça.
– Tu as tout de même bien eu une décision ou deux !
– Non, même pas.
– Ah ? Effectivement… »
La honte !
« Et si vous jetiez vos filets du côté droit ? »
Pierre hausse les épaules :
« Je connais mon métier, tout de même ! Droite ou gauche, ça ne
changera rien du tout. Il n’y a pas de poisson, c’est tout. »
Pierre a fini par se laisser convaincre par l’un de ses camarades.
« Allons-y ! De toute façon, au point où nous en sommes ! »
Et voilà Pierre qui obéit, n’ayant toujours pas compris à qui il avait
affaire.
Quel changement quand nous le laissons intervenir dans notre travail, y
compris notre travail séculier !
Dans une petite église d’Allemagne, un organiste répétait laborieusement,
en vue du prochain mariage, la célèbre « Marche nuptiale » de Mendelssohn.
Il n’était pas tout seul dans cette église, quelques personnes brûlaient des
cierges, d’autres se recueillaient, d’autres étaient là simplement pour le
plaisir de l’écouter. Un homme s’approcha de l’organiste et lui adressa
ainsi la parole.
« Pardonnez-moi de vous importuner, cher Monsieur, mais il me semble
que le compositeur avait pensé ce morceau un peu différemment : un peu
moins ceci, un peu plus cela. Est-ce que vous m’autoriseriez à prendre le
clavier une minute ou deux, juste pour vous montrer ?
– Mais il n’en est pas question, Monsieur ! De quoi vous mêlez-vous ?
C’est moi qui suis le titulaire de cet orgue, et personne d’autre.
– Ah ! Excusez-moi ! »
Et l’inconnu s’en alla. Notre virtuose ne décolérait pas :
« Non mais vous rendez-vous compte ? Quel toupet ! Un rastaquouère
qui n’est même pas de la paroisse ! Qu’on ne connaît ni d’Ève ni
d’Adam ! C’est vrai à la fin ! Vous le connaissez, vous, ce gusse ?
– Oui, » dit timidement une dame. « Moi je le connais : c’est Felix
Mendelssohn. »
Sachons autoriser Jésus à diriger notre travail, mais aussi nous diriger vers
les âmes.
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Un jour, dans la ville de Vichy où je me suis marié, j’ai été fortuitement
amené à discuter avec un commerçant. Comme nous avions un intérêt
commun pour la bicyclette, nous avons parlé vélo. Et puis, je ne sais
comment, la conversation a dévié, et il en est venu à me parler de la Bible.
Et, bien entendu, j’ai profité de l’occasion.
« Cela tombe bien, justement, nous avons cette semaine quatre soirées
spéciales dans notre église. Vous y serez le bienvenu.
– Oui… mais non… Vous savez, j’ai mon commerce, et puis j’ai ma
religion.
– Dommage ! »
Chaque soir de la mission, j’ai espéré que mon commerçant ait changé
d’avis, mais il n’est pas venu. Le dimanche est passé sans que j’aie vu mon
invité.
Le lundi, la mercerie était fermée, ce qui n’avait rien d’étonnant. Le mardi
et le mercredi, sa boutique était toujours fermée. Le jeudi, j’ai appris que
le mercier était mort dans la nuit de dimanche à lundi.
Dieu savait que cet homme allait mourir et qu’il fallait impérativement
qu’on lui parle de Jésus. Mais il a décliné l’invitation.
Un autre jour, c’était à Châteaudun, et je placardais des affiches pour
notre programme de Noël. Un homme coiffé d’une casquette de marin
breton m’aborda.
« Ce n’est pas un machin pornographique, au moins ?
– Oh ! Non, rassurez-vous. »
Et je lui ai expliqué l’affaire. Nous avons un peu discuté. En plus, il avait
fait son service militaire dans la même unité que moi… Finalement je l’ai
invité. Il est venu. Chaque fois que notre église organisait un événement
particulier, je lui envoyais une invitation, et il venait avec sa casquette.
Jusqu’au jour où une de ces invitations m’est revenue avec la mention
« décédé ».
A-t-il pris sa décision pour Jésus avant de partir ? Je ne le sais, mais ce qui
est certain, c’est qu’il a entendu le message du salut.
Revenons à Pierre et à ses compagnons dans leur barque.
Ils ont jeté le filet du côté droit, et cette fois, ils ont quelque chose à
manger : un filet plein à craquer, et ce n’est pas une expression toute
faite !
Voilà une pêche qui se termine mieux qu’elle a commencé !
Mais nos pêcheurs ne sont pas encore tirés d’affaire. Cette fois, le filet est
si lourd que, même en s’y mettant tous, ils ne peuvent amener le poisson
à eux : soit le filet va se déchirer, soit la barque va chavirer.
Alors que faire ?
Ce serait bien malheureux de perdre le fruit d’une aussi belle pêche !
Remarquez bien que les disciples, et c’est logique, tirent le filet vers la
barque, c’est-à-dire vers eux-mêmes.
En situation d’échec, il peut nous arriver d’oublier le Seigneur, mais dans
le succès, il est tout aussi facile de le laisser de côté et croire que tout
vient de nous.
Encore une fois : notre savoir-faire, notre prestige.
Après une évangélisation fructueuse, saurons-nous garder les âmes
gagnées ?
Oui, si elles sont gagnées à Christ, non si elles sont gagnées à l’église,
encore moins si je prétends que c’est moi qui les ai gagnées au Sauveur.
Brusquement, Jean s’écrie :
« C’est le Seigneur ! »
Et voilà Pierre qui se ceint, se rhabille et se jette à l’eau.
La crainte.
Notre prédication est-elle empreinte de la crainte de Dieu ?
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Lorsque je suis allé pour la première fois dans une église évangélique, le
regretté frère Wicker nous a lu Jacques 3.1 :
Mes frères, qu’il n’y ait pas parmi vous un grand nombre de personnes qui se mettent à
enseigner, car vous savez que nous serons jugés plus sévèrement.
Et il a ajouté :
Quand je lis ce texte, je tremble.
Cette remarque n’a jamais quitté ma mémoire. Puissé-je m’en souvenir
chaque fois que je monte en chaire !
Maintenant, les disciples sont prêts à recueillir le fruit de leur pêche. Ils
amènent la barque au rivage, et là, ils tirent le filet. Ils le tirent vers la rive,
c’est-à-dire vers Jésus.
Voilà le secret de l’évangélisation fructueuse : Jésus en premier.
Un frère était un jour allé dans une église qu’il ne connaissait pas et, à
l’issue du culte, alla comme il se doit saluer le prédicateur.
« Votre sermon était très intéressant, Révérend, mais mon seul regret,
c’est que vous n’avez pas parlé une seule fois de Jésus.
– Vous avez certainement raison, mais en partant d’un passage du
Lévitique, c’est assez difficile.
– Voyez-vous, de n’importe quel village de France part un chemin vicinal
qui mène à une route départementale qui mène à une route nationale qui
mène à Paris. De même, dans la parole de Dieu ; il y a toujours une voie
qui conduit à Jésus. »
Cent cinquante-trois gros poissons. Les disciples peuvent se réjouir et
persévérer.
Dans la pêche à l’homme, Pierre aura plus de succès encore :
Après avoir entendu ce discours, ils eurent le cœur vivement touché, et ils dirent à Pierre
et aux autres apôtres : Hommes frères, que ferons-nous ?
Pierre leur dit : Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de JésusChrist, pour le pardon de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car la
promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi
grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera. Et, par plusieurs autres
paroles, il les conjurait et les exhortait, disant : sauvez-vous de cette génération
perverse.
Ceux qui acceptèrent sa parole furent baptisés ; et, en ce jour-là, le nombre des disciples
s’augmenta d’environ trois mille âmes.
Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans
la fraction du pain, et dans les prières. La crainte s’emparait de chacun, et il se faisait
beaucoup de prodiges et de miracles par les apôtres. Tous ceux qui croyaient étaient
dans le même lieu, et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs
biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun. Ils étaient
chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et
prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur, louant Dieu, et trouvant grâce
auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Église ceux qui étaient
sauvés.
Actes 2.37/41
Trois mille poissons, des petits et des gros !
Quel beau réveil me direz-vous ! Aussi vrai que tous les chrétiens
espèrent voir un réveil dans leur pays et dans leur église locale, ils ont
souvent une idée charnelle de ce réveil désiré :
Un réveil, ce n’est pas beaucoup de monde dans le parterre, beaucoup de
bruit, beaucoup d’agitation, ni des tas de nouveautés surprenantes.
Un réveil peut être confirmé par des miracles, mais pas forcément.
Un réveil, c’est beaucoup de conversions ; nous sommes, je pense,
d’accord sur ce point. Mais qu’est-ce que la conversion ?
Ce n’est pas une adhésion à une nouvelle religion.
Comme Pierre l’a si bien expliqué, la conversion commence par la
repentance, c’est-à-dire une décision de renoncer à son ancienne vie
éloignée de Dieu. Elle a pour conséquence immédiate le pardon des
péchés et le baptême du Saint-Esprit. Elle est confirmée par le baptême
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par immersion, qui est comme un contrat entre le pécheur repenti et son
Sauveur.
Et n’oublions pas l’essentiel : Jésus est le maître de toute chose et sans lui
toute entreprise est vaine.
Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même
porter du fruit, s’il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez non plus, si vous
ne demeurez en moi. Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et
en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire.
Jean 15.4/5
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13. On se barbe à l’église
Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain. Paul, qui
devait partir le lendemain, s’entretenait avec les disciples, et il prolongea son discours
jusqu’à minuit. Il y avait beaucoup de lampes dans la chambre haute où nous étions
assemblés. Or, un jeune homme nommé Eutychus, qui était assis sur la fenêtre,
s’endormit profondément pendant le long discours de Paul ; entraîné par le sommeil, il
tomba du troisième étage en bas, et il fut relevé mort. Mais Paul, étant descendu, se
pencha sur lui et le prit dans ses bras, en disant : Ne vous troublez pas, car son âme
est en lui. Quand il fut remonté, il rompit le pain et mangea, et il parla longtemps
encore jusqu’au jour. Après quoi il partit.
Actes 20.7/11
Paul et ses compagnons font route de ville en ville pour apporter le
message du salut. Ils font étape à Troas, ville d’Asie mineure dont il ne
reste que des ruines aujourd’hui, et dont l’emplacement avoisine l’antique
cité de Troie. Paul est donc invité, ce dimanche soir à prêcher dans une
église, ou plutôt dans une maison, car en ces temps-là, les églises
n’avaient pas de clocher. Les chrétiens se réunissaient tout simplement
chez l’un des leurs, dans la chambre haute, sorte de grenier spacieux
pouvant loger toute l’assemblée.
En ce temps-là, on ne s’encombrait pas de liturgies ni de convenances ;
on commençait le culte quand tous les participants étaient réunis et l’on
terminait quand on avait fini. Quant à son déroulement, il n’était guère
différent de nos célébrations évangéliques : on chantait des cantiques, un
moment était réservé à l’adoration, un autre à la prédication, un autre,
enfin à la « fraction du pain ». Il ne s’agit pas d’eucharistie, car ni les
apôtres ni les premiers chrétiens ne croyaient que le pain et le vin de la
Cène se transformaient miraculeusement en corps et en sang du Christ ;
ils se conformaient tout simplement à l’enseignement de Jésus.
Car j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné ; c’est que le Seigneur Jésus, dans
la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit : Ceci
est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. De même, après
avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ;
faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les fois que
vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur,
jusqu’à ce qu’il vienne. C’est pourquoi celui qui mangera le pain ou boira la coupe du
Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur.
1 Corinthiens 11.23/25
Les versets précédents me laissent supposer que les premiers chrétiens ne
se contentaient pas comme aujourd’hui de faire circuler une coupe dans
les rangs, et de partager quelques morceaux de pain azyme, mais qu’ils
prenaient ensemble un véritable repas. Les abus de certains « piqueassiettes » ont d’ailleurs valu aux chrétiens de Corinthe des réprimandes
de l’apôtre Paul.
Ces chrétiens n’avaient pas les mêmes impératifs et contraintes que nos
contemporains : ils prenaient leur temps pour chanter, pour louer le
Seigneur, pour prêcher, pour manger.
Je me souviens d’une réunion du soir qui touchait à sa fin. Le pasteur se
hasarda à proposer : « On a peut-être le temps de chanter un dernier
cantique ? »
L’un des assistants regarda sa montre et déclara : « Il est neuf heures
moins deux. »
Dans l’assistance se trouvaient des anciens, des ouvriers, des diacres, ou
tout simplement des chrétiens qui avaient reconnu Jésus comme leur
sauveur et désiraient lui rendre hommage. Parmi eux, un jeune homme
nommé Eutychus assistait aussi aux réunions, probablement en tant que
fils d’un chrétien ou d’une chrétienne engagée. Il suivait le mouvement.
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Être « né dans l’église », avoir eu des parents chrétiens qui nous ont
enseigné selon les valeurs de l’Évangile est un avantage, mais cela ne fait
pas de nous des chrétiens, tant que l’on n’est pas soi-même « né de
nouveau », selon l’expression du Seigneur (Jean 3.3). Tertullien disait : « On
ne naît pas chrétien, on le devient. » En d’autres termes, Dieu a des
enfants, pas de petits-enfants.
Certains parents ont – hélas – laissé à leurs enfants le souvenir de l’église
comme un lieu ennuyeux où il fallait rester assis et silencieux pendant une
heure et demie. Chaque enfant, chaque jeune homme ou jeune fille a
besoin pour lui ou elle-même besoin d’une expérience personnelle avec
Jésus.
Eutychus regardait ces rassemblements dominicaux avec une certaine
appréhension. On ne peut pas s’amuser dans ces réunions, il n’y a que des
prêcheurs à barbe blanche. Il aurait certainement préféré passer la soirée
avec des garçons et des filles de son âge, mais il ne voulait pas déplaire à
la famille.
Certains ont un remède classique aux sermons rasoirs : ils repèrent un tic
verbal de leur pasteur, des « n’est-ce pas ? » à répétition, par exemple, et
armés d’un Bic et d’un calepin, ils se livrent à un comptage minutieux.
Après la réunion, ils vont quelquefois même trouver le prédicateur et lui
dire : « Vous avez battu votre record, ce matin : cinquante-huit ! »
Eutychus n’en était plus à ces enfantillages, il avait adopté une méthode
plus attrayante : Au lieu de s’asseoir sur une chaise, comme tout le
monde, il avait pris l’habitude de s’installer à califourchon sur la fenêtre
ouverte, une jambe dedans, une jambe dehors.
D’une oreille, il écoutait les cantiques et les sermons, de l’autre il écoutait
les bruits de la rue. Il observait les gens qui allaient et venaient, il regardait
passer les filles. Pas besoin de jeux vidéo !
Beaucoup de gens qui fréquentent les lieux de culte, quel que soit leur
âge, lui ressemblent : une jambe dans l’église, une jambe dans le monde.
Simples assistants, quelquefois assistés, ils ne s’engagent pas.
Nous comprenons très vite le danger d’une telle position : équilibre
instable.
Qu’il s’agisse de notre équilibre physique ou spirituel, il est préférable de
veiller à maintenir le centre de gravité au-dessus de la moquette.
La réunion se prolonge, elle va durer jusqu’à minuit.
« Qu’il est long ce Paul ! Mais il ne va donc jamais s’arrêter ! »
Un pasteur avait invité, un dimanche matin, un de ses collègues qui avait
la réputation de prêcher longtemps. Il lui donna la parole en ces termes :
« Sens-toi libre au milieu de nous, mon frère, tu peux prêcher aussi
longtemps que tu veux, et le soir, quand tu auras fini de parler, n’oublie
pas d’éteindre les lumières. »
Les heures s’écoulaient, la parole de Dieu ne produisait aucun effet dans
le cœur du jeune garçon. L’indifférence finit par engendrer
l’assoupissement.
Si notre cœur est partagé entre l’amour de Dieu et celui du monde, si
nous ne prenons pas position pour ou contre lui, nous serons repris par
le monde, en dépit de nos apparences chrétiennes. Nous sommes
endormis par les séductions et les vanités de ce siècle et finalement, nous
sombrons, non pas dans les bras de Morphée, mais dans ceux du malin.
Tous ceux qui conduisent savent combien il peut être préjudiciable de
s’endormir ailleurs que dans son lit. Eutychus est endormi, et il tombe. Il
se serait fait moins mal en tombant du côté de la salle. Mais, hélas, il
tombe du troisième étage dans la rue, et il se tue.
Ce tragique accident est riche en enseignements spirituels. Si Dieu a aimé
le monde au point de lui offrir son fils unique, le diable hait l’humanité et
veut, par toutes sortes de séductions, le retenir sous sa domination et le
priver du salut offert gratuitement par Jésus-Christ. Il lui fait miroiter
toutes sortes de vanités : gloire, argent, plaisirs. Il les endort, et les attire
vers le bas. C’est la chute.
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C’est ainsi que nos premiers parents ont été séduits, anesthésiés et
entraînés vers la mort. Finalement, dans leur engour-dissement, ils ont
oublié l’accord qu’ils avaient conclu avec le Créateur :
Mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour
où tu en mangeras, tu mourras.
Genèse 2.17
Ils avaient aussi oublié l’avertissement de Dieu : « Le jour où tu en
mangeras, tu mourras. » Remarquons au passage qu’il n’a jamais été
question d’une « pomme ». En mangeant ce fruit, Ève et Adam avaient
simplement désobéi. Désobéir à Dieu s’appelle pécher :
Car le salaire du péché, c’est la mort.
Romains 6.23a
Sans doute êtes-vous indignés par de telles paroles. Eutychus n’a
certainement rien fait de bien méchant, il a bien le droit de s’amuser
comme tous les garçons de son âge. Et puis, il faut bien que jeunesse se
passe.
C’est vrai.
Mais la Bible déclare qu’être pécheur, ce n’est pas seulement avoir tué,
volé, être grand buveur ou grand fornicateur. Être pécheur, c’est vivre
sans Dieu, même avec de bons principes moraux. C’est pourquoi aucun
homme ne peut s’exclure de cette catégorie.
Je vous laisse imaginer l’émotion de l’assistance au bruit de la chute.
Même ceux qui dormaient profondément sur leur chaise pendant
l’interminable prédication de l’Apôtre Paul se sont réveillés en sursaut.
Tout le monde se précipite en bas, dans la rue, bien que la nuit soit
avancée, des passants s’attroupent auprès du corps du jeune homme.
« Plus rien à faire : il est mort. »
C’est alors que l’apôtre se montre tel qu’il est réellement : non pas
seulement un prêcheur de sermons, mais un serviteur de Dieu totalement
rempli de l’Esprit du Tout-Puissant.
Il écarte la rangée humaine, se penche vers le jeune homme, le saisit dans
ses bras au milieu des badauds émus, des chrétiens bouleversés et des
parents éplorés, Paul prononce ces paroles rassurantes :
Ne vous troublez pas, car son âme est en lui. (vs 10b)
Ces mots qui réchauffent et consolent nous rappellent ceux de Jésus, face
à Jaïrus dont la petite fille de douze ans était étendue sur le lit mortuaire
et dont les funérailles avaient déjà commencé :
Pourquoi faites-vous du bruit, et pourquoi pleurez-vous ? L’enfant n’est pas morte,
mais elle dort.
Marc 5.39
Cette étreinte de résurrection nous rappelle aussi l’attitude de deux
prophètes face aux mêmes circonstances, devant la mort d’un enfant ;
alors que les hommes disent : « Dieu est injuste ».
Voici ce que fit Élie, à Sarepta, quand le fils d’une femme qui l’avait
hébergé et nourri mourut :
Et il s’étendit trois fois sur l’enfant, invoqua l’Éternel, et dit : Éternel, mon Dieu, je
t’en prie, que l’âme de cet enfant revienne au-dedans de lui ! L’Éternel écouta la voix
d’Élie, et l’âme de l’enfant revint au-dedans de lui, et il fut rendu à la vie.
1 Rois 17.21/22
Voici ce que fit son disciple Élisée à l’enfant d’une femme Sunamite,
emporté par la maladie (probablement la méningite) :
Il monta, et se coucha sur l’enfant ; il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses
yeux, ses mains sur ses mains, et il s’étendit sur lui. Et la chair de l’enfant se
réchauffa. Élisée s’éloigna, alla çà et là par la maison, puis remonta et s’étendit sur
l’enfant. Et l’enfant éternua sept fois, et il ouvrit les yeux.
2 Rois 4.34/35
20
À peine Paul eut-il parlé que la vie reprit sa place dans le corps du jeune
Eutychus. Paul remonta avec Eutychus ressuscité, reprit sa place et
continua son discours :
« Nous disions, au verset 18, le prophète Jérémie… »
Ensuite, il partagea la Sainte-Cène avec ses frères et sœurs en Christ, puis
il reprêcha toute la nuit. Enfin, à l’aube, le culte se termina par un dernier
cantique et une action de grâces, et Paul prit congé, après avoir salué
toute l’assistance d’un « saint baiser ».
Cette tranquillité de Paul au milieu de la tourmente nous rappelle aussi
l’attitude de Jésus, dormant comme un bienheureux sur un frêle esquif
prêt à chavirer, alors que ses disciples étaient verts comme de petits
martiens ; lisons plutôt :
Ce même jour, sur le soir, Jésus leur dit : Passons à l’autre bord. Après avoir renvoyé
la foule, ils l’emmenèrent dans la barque où il se trouvait ; il y avait aussi d’autres
barques avec lui. Il s’éleva un grand tourbillon, et les flots se jetaient dans la barque,
au point qu’elle se remplissait déjà. Et lui, il dormait à la poupe sur le coussin. Ils le
réveillèrent, et lui dirent : Maître, ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous périssons ?
S’étant réveillé, il menaça le vent, et dit à la mer : Silence ! Tais-toi ! Et le vent cessa,
et il y eut un grand calme.
Marc 4.35/39
Jésus avait ce pouvoir sur les éléments déchaînés, sur les démons et sur la
mort. Aucun ne pouvait lui résister. Ce Jésus que Paul proclamait
insatiablement n’avait-il pas déclaré, face aux amies éplorées dont il allait
ressusciter le frère Lazare :
Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait
mort.
Jean 11.25
La résurrection d’Eutychus, comme celle de Lazare n’est-elle pas une
preuve de l’amour immense de Jésus pour l’homme qu’il veut sauver ?
Jésus a montré le chemin de la vie après être lui-même ressuscité. Quel
coup fatal il a porté à la mort qui se croyait invincible !
Car le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle
en Jésus-Christ notre Seigneur.
Romains 6.23
Ce Jésus qui pour Eutychus avait été le sujet des sempiternels sermons
qu’il subissait à longueur de dimanche était maintenant devenu son
sauveur, celui qui l’avait fait entrer dans la dimension de l’éternité, qui
avait fait de lui une nouvelle créature.
Vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés, dans lesquels vous marchiez
autrefois, selon le train de ce monde, selon le prince de la puissance de l’air, de l’esprit
qui agit maintenant dans les fils de la rébellion. Nous tous aussi, nous étions de leur
nombre, et nous vivions autrefois selon les convoitises de notre chair, accomplissant les
volontés de la chair et de nos pensées, et nous étions par nature des enfants de colère,
comme les autres... Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour
dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos offenses, nous a rendus à la vie
avec Christ (c’est par grâce que vous êtes sauvés) ; Il nous a ressuscités ensemble, et
nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus-Christ, afin de montrer
dans les siècles à venir l’infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers nous en JésusChrist.
Éphésiens 2.1/7
22
14. Daniel, un témoin intrépide
Lorsque Daniel sut que le décret était écrit, il se retira dans sa maison, où les fenêtres
de la chambre supérieure étaient ouvertes dans la direction de Jérusalem ; et trois fois
par jour, il se mettait à genoux, il priait, et il louait son Dieu, comme il le faisait
auparavant. Alors ces hommes entrèrent tumultueusement, et ils trouvèrent Daniel qui
priait et invoquait son Dieu. Puis ils se présentèrent devant le roi, et lui dirent au sujet
de la défense royale : N’as-tu pas écrit une défense portant que quiconque dans l’espace
de trente jours adresserait des prières à quelque dieu ou à quelque homme, excepté à
toi, ô roi, serait jeté dans la fosse aux lions ? Le roi répondit : la chose est certaine,
selon la loi des Mèdes et des Perses, qui est immuable. Ils prirent de nouveau la parole
et dirent au roi : Daniel, l’un des captifs de Juda, n’a tenu aucun compte de toi, ô roi,
ni de la défense que tu as écrite, et il fait sa prière trois fois par jour. Le roi fut très
affligé quand il entendit cela ; il prit à cœur de délivrer Daniel, et jusqu’au coucher du
soleil il s’efforça de le sauver. Mais ces hommes insistèrent auprès du roi, et lui dirent :
sache, ô roi, que la loi des Mèdes et des Perses exige que toute défense ou tout décret
confirmé par le roi soit irrévocable. Alors le roi donna l’ordre qu’on amène Daniel, et
qu’on le jette dans la fosse aux lions. Le roi prit la parole et dit à Daniel : Puisse ton
Dieu, que tu sers avec persévérance, te délivrer ! On apporta une pierre, et on la mit
sur l’ouverture de la fosse ; le roi la scella de son anneau et de l’anneau de ses grands,
afin que rien ne soit changé à l’égard de Daniel.
Le roi se rendit ensuite dans son palais ; il passa la nuit à jeun, il ne fit point venir de
concubine auprès de lui, et il ne put se livrer au sommeil. Le roi se leva au point du
jour, avec l’aurore, et il alla précipitamment à la fosse aux lions. En s’approchant de
la fosse, il appela Daniel d’une voix triste. Le roi prit la parole et dit à Daniel :
Daniel, serviteur du Dieu vivant, ton Dieu, que tu sers avec persévérance, a-t-il pu te
24
délivrer des lions ? Et Daniel dit au roi : Roi, vis éternellement ? Mon Dieu a envoyé
son ange et fermé la gueule des lions, qui ne m’ont fait aucun mal, parce que j’ai été
trouvé innocent devant lui ; et devant toi non plus, ô roi, je n’ai rien fait de mauvais.
Alors le roi fut très joyeux, et il ordonna qu’on fasse sortir Daniel de la fosse. Daniel
fut retiré de la fosse, et on ne trouva sur lui aucune blessure, parce qu’il avait eu
confiance en son Dieu. Le roi ordonna que ces hommes qui avaient accusé Daniel
soient amenés et jetés dans la fosse aux lions, eux, leurs enfants et leurs femmes ; et
avant qu’ils soient parvenus au fond de la fosse, les lions les saisirent et brisèrent tous
leur os.
Après cela, le roi Darius écrivit à tous les peuples, à toutes les nations, aux hommes de
toutes langues, qui habitaient sur toute la terre : que la paix vous soit donnée avec
abondance ! J’ordonne que, dans toute l’étendue de mon royaume, on ait de la crainte et
de la frayeur pour le Dieu de Daniel. Car il est le Dieu vivant, et il subsiste
éternellement ; son royaume ne sera jamais détruit, et sa domination durera jusqu’à la
fin. C’est lui qui délivre et qui sauve, qui opère des signes et des prodiges dans les cieux
et sur la terre. C’est lui qui a délivré Daniel de la puissance des lions.
Daniel prospéra sous le règne de Darius, et sous le règne de Cyrus, le Perse.
Daniel 6.10/28
S’il est un homme qui a parfaitement réussi son ascension sociale, c’est
bien Daniel.
Adolescent, prisonnier et déporté à Babylone, il semble destiné à vivre
toute son existence en esclavage. Pourtant, tout comme ses compagnons
Hanania, Mischaël et Azaria, il est rapidement remarqué pour la noblesse
de ses origines, ainsi que pour ses capacités physiques et intellectuelles. Le
voilà séparé du vulgaire pour entrer au service du Roi.
Daniel ne prend pas la grosse tête. Il n’a pas oublié qu’avant de servir
Nebukadnetsar, il est le serviteur de l’Éternel. Il ne lui sera pas facile de
mener de front ces deux fonctions sans compromis, refusant de manger
de la viande parce que les Babyloniens mangent du porc. Acceptant
d’étudier toutes les sciences du pays, mais pas l’astrologie, bien qu’il soit
assimilé malgré lui à un astrologue.
Après avoir manifesté à plusieurs reprises son don de prophétie et enlevé
du pied des devins du roi une épine grosse comme un mât de misaine, il
gagne en notoriété, jusqu’à la fin du règne lamentable de Beltschatsar, où
il gagne la troisième place du Royaume.
L’empire babylonien, finalement vaincu laisse la place à un autre empire,
plus puissant et plus étendu : celui des Mèdes et des Perses.
Le nouveau roi, Darius décide de diviser son territoire en cent vingt
provinces, chacune gouvernée par un satrape. Comme il n’a pas trop
confiance en eux, il nomme trois « super satrapes » pour les surveiller.
Daniel est du nombre.
Comme il est, de loin, le meilleur des trois, Darius envisage de créer,
spécialement pour lui, un poste « d’hyper satrape ». C’est ce que nous
lisons aux trois premiers versets de ce chapitre six.
Ah ! Non ! Trop c’est trop ! Il ne faut tout de même pas exagérer !
Ils en ont vraiment assez, les satrapes et les super satrapes. Il n’y en a que
pour cet étranger !
Il y a aux moins deux choses qui déplaisaient à ces satrapes et suscitaient
leur jalousie.
D’abord sa réussite, d’autant plus qu’elle était justifiée par ses mérites.
Ensuite, et surtout, sa marche avec un Dieu qui n’est pas le leur.
D’ailleurs, Daniel ne s’en cachait pas. Même pas devant le redoutable
despote Nebukadnetsar :
Le roi prit la parole et dit à Daniel, qu’on nommait Beltschatsar : es-tu capable de me
faire connaître le songe que j’ai eu et son explication ? Daniel répondit en présence du
roi et dit : ce que le roi demande est un secret que les sages, les astrologues, les magiciens
et les devins, ne sont pas capables de découvrir au roi. Mais il y a dans les cieux un
Dieu qui révèle les secrets, et qui a fait connaître au roi Nébukadnetsar ce qui arrivera
dans la suite des temps. Voici ton songe et les visions que tu as eues sur ta couche.
Daniel 2.26/28
Il peut nous arriver de bomber le torse et nous prendre pour Batman, et
de nous sentir pousser des ailes en lisant ce texte :
« Oh ! Eh bien moi, j’aurais fait pareil ! »
26
Oui, c’est sans doute ce que pensait Pierre en lisant ce fragment de
l’Écriture.
Il était le premier à bomber le torse en l’absence de danger immédiat :
Quand il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai pas. Et tous les disciples dirent
la même chose.
Matthieu 26.35
Et le voilà complètement dégonflé, non pas en face d’une cohorte en
arme, mais devant une humble servante :
Pendant que Pierre était en bas dans la cour, il vint une des servantes du souverain
sacrificateur. Voyant Pierre qui se chauffait, elle le regarda, et lui dit : toi aussi, tu
étais avec Jésus de Nazareth. Il le nia, disant : je ne sais pas, je ne comprends pas ce
que tu veux dire. Puis il sortit pour aller dans le vestibule. Et le coq chanta. La
servante, l’ayant vu, se mit de nouveau à dire à ceux qui étaient présents : celui-ci est
de ces gens-là. Et il le nia de nouveau. Peu après, ceux qui étaient présents dirent
encore à Pierre : certainement tu es de ces gens-là, car tu es Galiléen. Alors il
commença à faire des imprécations et à jurer : je ne connais pas cet homme dont vous
parlez.
Marc 14.66/71
Ce qui nous paraît le plus grave, dans cette affaire, c’est que Pierre a juré :
« Dieu m’est témoin que je ne connais pas cet homme. » Pire encore, il a
juré avec imprécations : « Que Dieu me pulvérise si je connais cet
homme ! » ou : « Je veux bien aller en enfer si je connais cet homme ! »
Pierre confesse ainsi publiquement qu’il craint l’humain plus que Dieu.
Les ennemis de Daniel, quant à eux, n’ont qu’une idée en tête : provoquer
sa chute.
Ils ont commencé par fouiller sa gestion : « Ce serait bien étonnant qu’il
n’ait pas détourné un million ou deux ; tout le monde le fait. »
Mais sa comptabilité est juste au centime près.
« Alors il faut trouver autre chose : voyons un peu sa vie privée. Ce serait
le premier qui n’aurait pas quelques histoires de femmes à son actif ! »
Ils engagent des détectives privés et paparazzi qui le suivent partout. En
pure perte ! Pas même un petit scandale dans un hôtel new-yorkais ! Voilà
nos satrapes bien attrapés !
Le monde, qui fonde sa vérité sur l’hypocrisie, cherchera toujours à
surprendre les enfants de Dieu. C’est pourquoi, dès mes premiers pas
dans le service, il m’a été vivement recommandé par les anciens de ne
jamais visiter une femme seule sans être moi-même accompagné, même si
elle est malade, même si elle a quatre-vingts ans.
Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les
serpents, et simples comme les colombes.
Matthieu 10.16
N’ayant pu le piéger ni dans sa gestion ni dans sa vie privée, les satrapes
ajustent leur dernière flèche :
« Nous ne trouverons aucune occasion contre ce Daniel, à moins que nous n’en
trouvions une dans la loi de son Dieu. » (Verset 5)
Ils n’avaient pas manqué de constater que la loi de Dieu interdisait le
culte d’une autre divinité que l’Éternel.
« Nous le tenons ! » se dirent-ils.
C’est dans notre foi que les ennemis essaieront de nous faire tomber. Du
fait que nous sommes chrétiens, nous ne pouvons adhérer à certaines
opinions normatives. Nous sommes des anticonformistes, donc
potentiellement nuisibles à la société. Nous appartenons à une secte qui
navigue à contre-courant des valeurs de ce siècle.
Cette technique du malin n’est pas nouvelle. Déjà sous les Romains, on
parlait de secte à propos de Paul et de ses disciples.
Les chrétiens refusaient de reconnaître la divinité de l’Empereur, et de ce
fait devenaient hors-la-loi. Et parce qu’ils étaient hors-la-loi, ils devaient
pratiquer leur culte en cachette, et parce qu’ils se cachaient, on les
accusait de s’y livrer à la pire abomination aux yeux des Romains : les
sacrifices d’enfants. On les accusa d’avoir brûlé Rome, alors que Néron
en était le seul responsable.
28
Après que le gouverneur lui eut fait signe de parler, Paul répondit : sachant que,
depuis plusieurs années, tu es juge de cette nation, c’est avec confiance que je prends la
parole pour défendre ma cause. Il n’y a pas plus de douze jours, tu peux t’en assurer,
que je suis monté à Jérusalem pour adorer. On ne m’a trouvé ni dans le temple, ni
dans les synagogues, ni dans la ville, disputant avec quelqu’un, ou provoquant un
rassemblement séditieux de la foule. Et ils ne sauraient prouver ce dont ils m’accusent
maintenant. Je t’avoue bien que je sers le Dieu de mes pères selon la voie qu’ils
appellent une secte, croyant tout ce qui est écrit dans la loi et dans les prophètes, et
ayant en Dieu cette espérance, comme ils l’ont eux-mêmes, qu’il y aura une résurrection
des justes et des injustes.
Actes 24.10/15
Cela suffira-t-il à nous décourager et nous empêcher de demeurer des
témoins de Christ ? Il en fallait bien plus à l’apôtre Paul que seule la mort
détourna de sa sainte vocation.
Après de longues discussions, les ennemis de Daniel ont finalement
trouvé la solution imparable.
« Il suffit de pondre une loi interdisant d’adorer un autre dieu que le Roi
sous peine de mort et le tour est joué ! »
Toutes les nations du monde ont une collection de lois bêtes et
méchantes. En France, il est interdit d’appeler son cochon Napoléon et
de mourir sur le territoire de la commune du Lavandou ; en Australie, il
est interdit de raconter l’histoire des « trois petits cochons », à Chicago, il
est interdit de sortir dans la rue quand on est moche et handicapé !1
Comment les politiciens s’y prennent-ils pour faire voter des lois
inadmissibles ? Le mystère reste entier.
Le roi Darius, qui pourtant n’est pas un benêt, se laisse convaincre. Il
signe la nouvelle loi et la valide de son sceau. Sachant qu’il est d’essence
divine, le Roi est aussi considéré comme infaillible. C’est pourquoi ses
décrets sont déclarés irrévocables.
1 J’ose espérer que cette loi n’est jamais appliquée, mais il est déjà scandaleux que
personne n’ait jamais pensé à l’abolir.
Un coup dur pour les Israélites, et pour Daniel en particulier.
Comment ont réagi ses coreligionnaires ?
La plupart des Juifs, affaiblis par tant d’années de captivité, ont dû
préférer obéir à la nouvelle loi pour éviter les ennuis.
J’imagine qu’une fraction importante, désirant à la foi éviter les ennuis et
l’apostasie, a pris la sage décision de prier en silence, dans un endroit
discret, et de cacher la parole de Dieu sus une pile de parchemins pour
qu’elle passe inaperçue. D’autant plus que, changer ses habitudes pendant
un mois, ce n’est finalement pas si grave ! C’est sans doute ce que j’aurais
fait à leur place. Je suis désolé de vous décevoir, mais je ne suis pas du
bois dont on fait les héros.
Mais Daniel, en revanche, est du bois dont on fait les héros, et, surtout, il
voue une pleine confiance en Dieu. Il y voit non seulement une attaque
de l’adversaire, mais surtout une occasion de demeurer un témoin de
l’Éternel, quoi qu’il advienne et quoi qu’il en coûte, d’exercer sa foi en
dépit des circonstances, et de démontrer la puissance divine devant le
peuple de cet immense royaume et devant son roi. C’est ce que nous
découvrons au verset 22 :
Mon Dieu a envoyé son ange et fermé la gueule des lions, qui ne m’ont fait aucun mal,
parce que j’ai été trouvé innocent devant lui ; et devant toi non plus, ô roi, je n’ai rien
fait de mauvais.
Le livre des Actes nous parle d’un autre témoin intrépide qui ne craint pas
de perdre la vie à cause de son message :
Le lendemain, les chefs du peuple, les anciens et les scribes, s’assemblèrent à Jérusalem,
avec Anne, le souverain sacrificateur, Caïphe, Jean, Alexandre, et tous ceux qui
étaient de la race des principaux sacrificateurs. Ils firent placer au milieu d’eux Pierre
et Jean, et leur demandèrent : par quel pouvoir, ou au nom de qui avez-vous fait cela ?
Alors Pierre, rempli du Saint-Esprit, leur dit : Chefs du peuple, et anciens d’Israël,
puisque nous sommes interrogés aujourd’hui sur un bienfait accordé à un homme
malade, afin que nous disions comment il a été guéri, sachez-le tous, et que tout le
peuple d’Israël le sache ! C’est par le nom de Jésus-Christ de Nazareth, que vous avez
30
crucifié, et que Dieu a ressuscité des morts, c’est par lui que cet homme se présente en
pleine santé devant vous. Jésus est « La pierre rejetée par vous qui bâtissez, et qui est
devenue la principale de l’angle ».
Il n’y a de salut en aucun autre ; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été
donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés.
Lorsqu’ils virent l’assurance de Pierre et de Jean, ils furent étonnés, sachant que
c’étaient des hommes du peuple sans instruction ; et ils les reconnurent pour avoir été
avec Jésus. Mais comme ils voyaient là près d’eux l’homme qui avait été guéri, ils
n’avaient rien à répliquer. Ils leur ordonnèrent de sortir du sanhédrin, et ils
délibérèrent entre eux, disant : que ferons-nous à ces hommes ? Car il est manifeste
pour tous les habitants de Jérusalem qu’un miracle signalé a été accompli par eux, et
nous ne pouvons pas le nier. Mais, afin que la chose ne se répande pas davantage
parmi le peuple, défendons-leur avec menaces de parler désormais à qui que ce soit en ce
nom-là. Et les ayant appelés, ils leur défendirent absolument de parler et d’enseigner au
nom de Jésus. Pierre et Jean leur répondirent : jugez s’il est juste, devant Dieu, de vous
obéir plutôt qu’à Dieu ; car nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu
et entendu.
Actes 4.5/20
Ce témoin remarquable, c’est Pierre. Comme il a changé !
Le roi Darius croyait-il vraiment qu’il était un dieu, ou s’en était-il laissé
persuader ?
Dans la situation qui nous préoccupe, il ne fait pas preuve de sa divinité.
« Le roi fut très affligé ! » Il occupe toute la journée à s’efforcer de
convaincre ses vassaux d’intervenir en faveur de Daniel :
« On ne veut pas le savoir ! La loi est scellée, on ne peut rien y changer.
– Mais… on pourrait faire une petite exception à la règle. Rien qu’une
fois…
– Il fallait y réfléchir avant, Sire. »
Alors, selon l’Édit royal, on mène Daniel dans la fosse aux lions et on
roule la pierre pour qu’il ne s’échappe pas. Pour Darius, il n’y a plus rien à
faire, sinon espérer…
Espérer que la combine de Daniel fonctionne et que son Dieu réponde à
ses prières.
En lui disant simplement : « Puisse ton Dieu, que tu sers avec
persévérance, te délivrer ! » Darius avoue son impuissance.
Daniel, au contraire, a le cœur serein. Celui qui va être exécuté a l’esprit
plus tranquille que celui qui a ordonné l’exécution.
L’apôtre Pierre, qui connaîtra le martyre, crucifié tête en bas, nous
exhorte à ne pas craindre, face à la persécution, mais au contraire de se
réjouir au milieu des souffrances :
Bien-aimés, ne soyez pas surpris, comme d’une chose étrange qui vous arrive, de la
fournaise qui est au milieu de vous pour vous éprouver. Réjouissez-vous, au contraire,
de la part que vous avez aux souffrances de Christ, afin que vous soyez aussi dans la
joie et dans l’allégresse lorsque sa gloire apparaîtra.
Si vous êtes outragés pour le nom de Christ, vous êtes heureux, parce que l’Esprit de
gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous. Que nul de vous, en effet, ne souffre comme
meurtrier, ou voleur, ou malfaiteur, ou comme s’ingérant dans les affaires d’autrui.
Mais si quelqu’un souffre comme chrétien, qu’il n’en ait point honte, et que plutôt il
glorifie Dieu à cause de ce nom.
Car c’est le moment où le jugement va commencer par la maison de Dieu. Or, si c’est
par nous qu’il commence, quelle sera la fin de ceux qui n’obéissent pas à l’Évangile de
Dieu ? Et si le juste se sauve avec peine, que deviendront l’impie et le pécheur ? Ainsi,
que ceux qui souffrent selon la volonté de Dieu remettent leurs âmes au fidèle Créateur,
en faisant ce qui est bien.
1 Pierre 4.12/19
Daniel a passé une bonne nuit. À défaut d’une bonne couette, le corps
des félins lui a permis de se tenir au chaud.
Le Roi Darius, au contraire, a passé une nuit blanche à broyer du noir,
tout seul dans son grand lit, à jeun, sans une favorite pour lui tenir
compagnie. Une longue nuit, pourtant très courte, les yeux rivés sur sa
clepsydre. Il n’attend pas le chant du coq pour se jeter hors du lit et courir
à la fosse aux lions. Le cœur plein d’angoisse, il ose un appel timide :
32
« Daniel… Daniel… Tu m’entends ?… Est-ce que ça va ?…
– Hein ? Qu’est-ce que c’est ? » répond Daniel, encore endormi.
« Daniel, serviteur du Dieu vivant, ton Dieu, que tu sers avec
persévérance, a-t-il pu te délivrer des lions ?
– Pas de problème, Sire : Mon Dieu a envoyé son ange et fermé la gueule
des lions, qui ne m’ont fait aucun mal, parce que j’ai été trouvé innocent
devant lui ; et devant toi non plus, ô roi, je n’ai rien fait de mauvais. Vis
éternellement. »
Après cette terrible nuit, notre monarque est enfin tout à fait rassuré. Il
est même fou de joie. Les lions ont fait la grève de la faim, et Daniel sort
indemne de la fosse.
Les conspirateurs sont à leur tour jetés dans la fosse, et les lions, qui ont
soudain retrouvé leur appétit, s’en font un festin.
Daniel a lieu de s’écrier, comme David autrefois :
Ils avaient tendu un filet sous mes pas : mon âme se courbait ; ils avaient creusé une
fosse devant moi : ils y sont tombés.
Psaume 57.7
Nous voyons dans ce récit combien Dieu est glorifié par la fidélité de son
prophète. Le tyran a cessé de s’imaginer qu’il était dieu et refuse à présent
de donner à d’autres divinités la gloire qui revient à l’Éternel. Il se
confesse publiquement en tant que roi et serviteur du Dieu véritable :
Car il est le Dieu vivant, et il subsiste éternellement ; son royaume ne sera jamais
détruit, et sa domination durera jusqu’à la fin. C’est lui qui délivre et qui sauve, qui
opère des signes et des prodiges dans les cieux et sur la terre. C’est lui qui a délivré
Daniel de la puissance des lions. (vs 26b/27)
Quant au serviteur de Dieu, nous voyons au verset 28 que son ascension
sociale se poursuit encore jusqu’à la fin du règne de Darius, et même sous
celui de son successeur Cyrus.
Comme Daniel, comme Paul, comme Timothée, ne craignons pas de
témoigner de la grâce de Dieu en dépit de l’adversité :
Car ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force,
d’amour et de sagesse. N’aie donc point honte du témoignage à rendre à notre Seigneur,
ni de moi son prisonnier. Mais souffre avec moi pour l’Évangile, par la puissance de
Dieu qui nous a sauvés, et nous a adressé une sainte vocation, non à cause de nos
œuvres, mais selon son propre dessein, et selon la grâce qui nous a été donnée en JésusChrist avant les temps éternels, et qui a été manifestée maintenant par l’apparition de
notre Sauveur Jésus-Christ, qui a détruit la mort et a mis en évidence la vie et
l’immortalité par l’Évangile. C’est pour cet Évangile que j’ai été établi prédicateur et
apôtre, chargé d’instruire les païens. Et c’est à cause de cela que je souffre ces choses ;
mais je n’en ai point honte, car je sais en qui j’ai cru, et je suis persuadé qu’il a la
puissance de garder mon dépôt jusqu’à ce jour-là.
2 Timothée 1.7/12
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15. Gédéon, un pacificateur
Les hommes d’Éphraïm dirent à Gédéon : que signifie cette manière d’agir envers
nous ? Pourquoi ne pas nous avoir appelés, quand tu es allé combattre Madian ? Et
ils eurent avec lui une violente querelle. Gédéon leur répondit : qu’ai-je fait en
comparaison de vous ? Le grappillage d’Éphraïm ne vaut-il pas mieux que la
vendange d’Abiézer ? C’est entre vos mains que Dieu a livré les chefs de Madian,
Oreb et Zeeb. Qu’ai-je donc pu faire en comparaison de vous ? Lorsqu’il eut ainsi
parlé, leur colère contre lui s’apaisa.
Juges 8.1/3
Nous trouvons dans ce texte l’exemple d’un homme qui a su ramener la
paix par une parole bien à propos ; mais il nous paraît utile de replacer les
faits dans leur contexte.
Le peuple de Dieu était opprimé par les Madianites, et c’est pour l’en
libérer que Gédéon avait été appelé. Le chapitre précédent nous relate la
bataille décisive.
Tout d’abord, les israélites sont en supériorité numérique. Mais Dieu ne
veut pas d’une victoire facile. « À vaincre sans péril on triomphe sans
gloire », disait Corneille.
Certains de la victoire avec trente-deux mille hommes dans les rangs, les
combattants pourraient se gausser d’avoir gagné la guerre sans le secours
de Dieu. Il lui ordonna donc de renvoyer ceux qui n’avaient pas trop
envie de se battre. Il n’en restait plus que dix mille. On y voit déjà plus
clair.
Ce premier tamis n’a pu éliminer que les plus gros cailloux. Maintenant,
Dieu demande à Gédéon un filtre plus fin : seuls sont admis dans l’armée
de Gédéon ceux qui ont l’habitude de boire sans mettre le genou à terre.
Cette fois-ci, ils ne sont plus que trois cents !
Si les forces alliées n’avaient envoyé en Normandie qu’un pour cent de
leurs troupes, notre pays serait toujours occupé.
Chacun sait comment Gédéon, avec une poignée d’hommes, des
trompettes, des flambeaux et des cruches – je parle des récipients – ont
mis en déroute le camp de l’ennemi.
Ce n’est qu’une fois la bataille terminée que Gédéon se décide à
demander de l’aide aux Éphraïmites, non pas pour lui prêter main-forte,
mais pour couper la retraite des ennemis déjà vaincus et pour lui ramener
la tête des chefs en cavale : Oreb et Zeeb.
Vexés d’être arrivés avec les carabiniers, les Éphraïmites s’en prennent à
Gédéon :
« Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Vous allez casser du Madianite
sans penser aux copains. Et nous, on compte pour quoi dans cette
affaire ? Mais ça ne va pas se passe comme ça, mon petit bonhomme,
c’est moi qui te le dit ! »
Ils eurent une violente querelle. D’autres traductions disent : « Ils s’en
prirent violemment à lui », ou « Ils le prirent violemment à partie ».
Gédéon ne dit rien. Il attend que tout le monde ait décoché sa petite
flèche et que ses adversaires soient à court d’arguments.
« C’est bon ? Vous avez tout dit ? Alors, maintenant, vous allez
m’écouter. »
On pouvait craindre que Gédéon serve à ces malotrus leurs quatre
vérités, et qu’ils en viennent finalement aux mains.
« Si nous vous avons offensé en omettant de vous inviter à la bataille,
croyez bien que ce n’était pas notre intention et que nous en sommes
désolés. Nous savons que vous êtes un grand peuple, habitué aux grandes
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batailles, et nous avons pensé que c’eut été vous manquer de respect que
d’aller vous déranger seulement pour un petit paquet de Madianites.
– Oui, effectivement, nous n’avions pas considéré l’affaire sous cet anglelà. »
Et voilà nos deux clans réconciliés ! Si tous les conflits pouvaient se régler
aussi facilement.
Ici, Gédéon, plus connu pour ses exploits guerriers, nous apparaît comme
un pacificateur.
Cette intervention de Gédéon nous encourage à plus forte raison, nous
qui sommes chrétiens, à devenir des pacificateurs. « Fais de nous des
ouvriers de paix », disait François d’Assise.
Il faut reconnaître qu’il est plus facile de provoquer un incendie que de
l’éteindre. Il suffit d’organiser un barbecue au beau milieu des Maures et
d’asperger les saucisses d’essence pour qu’elles cuisent plus vite.
La Bible nous donne quelques exemples de ces apprentis sorciers du
cocktail Molotov.
Commençons par Jephthé, un juge postérieur à Gédéon :
Il est tout de même remarquable que Jephthé le Galaadite qui,
visiblement, maniait l’épée plus habilement que la parole de Dieu, se
trouve confronté à la même situation que son prédécesseur, mais qu’il
n’en tire aucune leçon.
Au chapitre onze du livre des Juges, nous apprenons comment Jephthé fit
la guerre contre les Ammonites au prix de sa fille unique.
Au chapitre douze, nous trouvons les Éphraïmites – encore eux ! – tenir à
Jephthé les mêmes discours, assortis de menaces :
« Vous êtes allés à la baston sans nous. Puisque c’est comme ça, nous
allons mettre le feu à ta maison, et toi au milieu.
– Celle là, c’est la meilleure ! » répond Jephthé. « Chaque fois qu’on
compte sur vous pour castagner de l’Ammonite, vous filez à l’anglaise. »
Il n’en a pas fallu davantage pour déclencher une guerre civile : la guerre
des Schibboleths, puisqu’il faut lui trouver un nom.
Lisons plutôt :
Les hommes d’Éphraïm se rassemblèrent, partirent pour le nord, et dirent à Jephthé :
pourquoi es-tu allé combattre les fils d’Ammon sans nous avoir appelés à marcher avec
toi ? Nous voulons incendier ta maison et te brûler avec elle. Jephthé leur répondit :
nous avons eu de grandes contestations, moi et mon peuple, avec les fils d’Ammon ; et
quand je vous ai appelés, vous ne m’avez pas délivré de leurs mains. Voyant que tu ne
venais pas à mon secours, j’ai exposé ma vie, et j’ai marché contre les fils d’Ammon.
L’Éternel les a livrés entre mes mains. Pourquoi donc aujourd’hui montez-vous contre
moi pour me faire la guerre ?
Jephthé rassembla tous les hommes de Galaad, et livra bataille à Éphraïm. Les
hommes de Galaad battirent Éphraïm, parce que les Éphraïmites disaient : vous êtes
des fugitifs d’Éphraïm ! Galaad est au milieu d’Éphraïm, au milieu de Manassé !
Galaad s’empara des gués du Jourdain du côté d’Éphraïm. Et quand l’un des fuyards
d’Éphraïm disait : laissez-moi passer ! Les hommes de Galaad lui demandaient : estu Éphraïmite ? Il répondait : non. Ils lui disaient alors : hé bien, dis Schibboleth ! Et
il disait Sibboleth, car il ne pouvait pas bien prononcer. Sur quoi les hommes de
Galaad le saisissaient, et l’égorgeaient près des gués du Jourdain. Il périt en ce temps-là
quarante-deux mille hommes d’Éphraïm.
Juges 12.1/6
L’autre exemple, plus connu, est celui de Roboam. Nous lisons son
histoire au Premier livre des Rois, 12.1/15 :
Roboam se rendit à Sichem, car tout Israël était venu à Sichem pour le faire roi.
Lorsque Jéroboam, fils de Nebath, eut des nouvelles, il était encore en Égypte, où il
s’était enfui loin du roi Salomon, et c’était en Égypte qu’il demeurait. On l’envoya
appeler. Alors Jéroboam et toute l’assemblée d’Israël vinrent à Roboam et lui parlèrent
ainsi : ton père a rendu notre joug dur ; toi maintenant, allège cette rude servitude et le
joug pesant que nous a imposé ton père. Et nous te servirons. Il leur dit : allez, et
revenez vers moi dans trois jours. Et le peuple s’en alla.
Le roi Roboam consulta les vieillards qui avaient été auprès de Salomon, son père,
pendant sa vie, et il dit : que conseillez-vous de répondre à ce peuple ? Et voici ce qu’ils
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lui dirent : Si aujourd’hui tu rends service à ce peuple, si tu leur cèdes, et si tu leur
réponds par des paroles bienveillantes, ils seront pour toujours tes serviteurs. Mais
Roboam laissa le conseil que lui donnaient les vieillards, et il consulta les jeunes gens
qui avaient grandi avec lui et qui l’entouraient. Il leur dit : Que conseillez-vous de
répondre à ce peuple qui me tient ce langage : allège le joug que nous a imposé ton
père ? Et voici ce que lui dirent les jeunes gens qui avaient grandi avec lui : tu parleras
ainsi à ce peuple qui t’a tenu ce langage : Ton père a rendu notre joug pesant, et toi,
allège-le-nous ! Tu leur parleras ainsi : mon petit doigt est plus gros que les reins de
mon père. Maintenant, mon père vous a chargés d’un joug pesant, et moi je vous le
rendrai plus pesant ; mon père vous a châtiés avec des fouets, et moi je vous châtierai
avec des scorpions.
Jéroboam et tout le peuple vinrent à Roboam le troisième jour, suivant ce qu’avait dit le
roi : revenez vers moi dans trois jours. Le roi répondit durement au peuple. Il laissa le
conseil que lui avaient donné les vieillards, et il leur parla ainsi d’après le conseil des
jeunes gens : mon père a rendu votre joug pesant, et moi je vous le rendrai plus pesant ;
mon père vous a châtiés avec des fouets, et moi je vous châtierai avec des scorpions.
Ainsi le roi n’écouta point le peuple ; car cela fut dirigé par l’Éternel, en vue de
l’accomplissement de la parole que l’Éternel avait dite par Achija de Silo à Jéroboam,
fils de Nebath.
Nous avons donné quelques détails de cet incident dans notre chapitre
intitulé « L’erreur de prophète de Juda ».
La démarche initiale de Roboam peut sembler empreinte de sagesse, car :
Quand la prudence fait défaut, le peuple tombe ; et le salut est dans le grand nombre
des conseillers.
Proverbes 11.14
Mais si la démarche était bonne, l’intention était mauvaise. Roboam
recherchait plusieurs conseillers, non pour augmenter ses chances de
prendre la bonne décision, mais en vue de confirmer celle qu’il avait déjà
prise.
Ses paroles orgueilleuses et inconsidérées ont abouti à la division de son
royaume. Alors qu’il s’imaginait renforcer son autorité royale, il n’a fait
que l’affaiblir.
Avant de parler, Roboam aurait bien mieux fait de méditer les pensées de
Salomon, et en particulier celle-ci :
C’est seulement par orgueil qu’on excite des querelles, mais la sagesse est avec ceux qui
écoutent les conseils.
Proverbes 13.10
La girafe a les jambes et le cou si long qu’on peut facilement lui donner
un coup de pied. Le temps que l’information monte au cerveau et qu’elle
en redescende, on est déjà loin quand elle se met à ruer.
J’ai un tempérament de girafe. Si on me donne une gifle, je l’encaisse avec
une parfaite indifférence. Ce n’est que le lendemain que je me mets à
ruminer.
Ce n’est pas mieux que réagir sur le fait et ne plus en parler après, me
direz-vous.
Sans doute, mais cela me donne l’avantage de passer pour quelqu’un de
calme et bien disposé à éviter d’inutiles conflits.
Un homme violent excite des querelles, mais celui qui est lent à la colère apaise les
disputes.
Proverbes 15.18
La colère n’est pas un péché en elle-même. Jésus ne s’est-il pas mis en
colère lorsqu’il vit le Temple transformé en maison d’escroc ? Mais les
mouvements de colère, eux aussi, doivent être contrôlés par l’esprit divin,
et s’ils ne doivent être qu’accidentels, la paix, au contraire, doit être
l’exercice habituel de l’enfant de Dieu.
Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu !
Matthieu 5.9
Moïse, lorsqu’il était encore prince d’Égypte, a désiré un jour être un
homme de paix. Malheureusement, nous lisons que son comportement
violent de la veille lui a fait perdre toute crédibilité auprès des siens.
Moïse fut instruit dans toute la sagesse des Égyptiens, et il était puissant en paroles et
en œuvres.
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Il avait quarante ans, lorsqu’il eut à cœur de se rendre auprès de ses frères, les fils
d’Israël. Il en vit un qu’on outrageait, et, prenant sa défense, il vengea celui qui était
maltraité, et frappa l’Égyptien. Il pensait que ses frères comprendraient que Dieu leur
accordait la délivrance par sa main ; mais ils ne comprirent pas. Le jour suivant, il
parut au milieu d’eux alors qu’ils se battaient, et il les exhorta à la paix : Hommes,
dit-il, vous êtes frères ; pourquoi vous maltraitez-vous l’un l’autre ? Mais celui qui
maltraitait son prochain le repoussa, en disant : qui t’a établi chef et juge sur nous ?
Veux-tu me tuer, comme tu as tué hier l’Égyptien ? À cette parole, Moïse prit la
fuite, et il alla séjourner dans le pays de Madian, où il engendra deux fils.
Actes 7.22/29
Si, au temps des Juges, une guerre a été provoquée par une mauvaise
réponse, nous voyons qu’au temps de Josué, un malentendu et une autre
guerre a été évitée par le dialogue :
Sitôt la conquête de Canaan achevée, les tribus de Ruben, Gad, et la
moitié de Manassé retournent s’installer, ainsi qu’il en avait été décidé,
dans leurs territoires respectifs, sur la rive gauche du Jourdain.
Quelle n’est pas la stupeur des autres tribus lorsqu’elles apprennent que
ces dernières ont bâti un autel sur la frontière naturelle, comme pour faire
un pied de nez à ceux d’en face !
Alors c’est le schisme, l’hérésie, l’apostasie !
Ils envoient aussitôt Phinées, fils du sacrificateur Élélazar, et toute une
délégation : j’espère que vous avez une bonne explication, sinon ça
pourrait mal finir !
Et voici quelle fut la réponse des deux tribus et demie concernées :
Dieu, Dieu, l’Éternel, Dieu, Dieu, l’Éternel le sait, et Israël le saura ! Si c’est par
rébellion et par infidélité envers l’Éternel, ne viens point à notre aide en ce jour ! Si
nous nous sommes bâti un autel pour nous détourner de l’Éternel, si c’est pour y
présenter des holocaustes et des offrandes, et si c’est pour y faire des sacrifices d’actions
de grâces, que l’Éternel en demande compte ! C’est bien plutôt par une sorte
d’inquiétude que nous avons fait cela, en pensant que vos fils diraient un jour à nos
fils : qu’y a-t-il de commun entre vous et l’Éternel, le Dieu d’Israël ? L’Éternel a mis
le Jourdain pour limite entre nous et vous, fils de Ruben et fils de Gad ; vous n’avez
point de part à l’Éternel ! Et vos fils seraient ainsi cause que nos fils cesseraient de
craindre l’Éternel. C’est pourquoi nous avons dit : Bâtissons-nous donc un autel, non
pour des holocaustes et pour des sacrifices, mais comme un témoin entre nous et vous,
entre nos descendants et les vôtres, que nous voulons servir l’Éternel devant sa face par
nos holocaustes et par nos sacrifices d’expiation et d’actions de grâces, afin que vos fils
ne disent pas un jour à nos fils : Vous n’avez point de part à l’Éternel ! Nous avons
dit : S’ils tiennent dans l’avenir ce langage à nous ou à nos descendants, nous
répondrons : voyez la forme de l’autel de l’Éternel, qu’ont fait nos pères, non pour des
holocaustes et pour des sacrifices, mais comme témoin entre nous et vous. Loin de nous
la pensée de nous révolter contre l’Éternel et de nous détourner aujourd’hui de
l’Éternel, en bâtissant un autel pour des holocaustes, pour des offrandes et pour des
sacrifices, outre l’autel de l’Éternel, notre Dieu, qui est devant sa demeure !
Lorsque le sacrificateur Phinées, et les princes de l’assemblée, les chefs des milliers
d’Israël, qui étaient avec lui, eurent entendu les paroles que prononcèrent les fils de
Ruben, les fils de Gad et les fils de Manassé, ils furent satisfaits. Et Phinées, fils du
sacrificateur Éléazar, dit aux fils de Ruben, aux fils de Gad, et aux fils de Manassé :
nous reconnaissons maintenant que l’Éternel est au milieu de nous, puisque vous
n’avez point commis cette infidélité contre l’Éternel ; vous avez ainsi délivré les enfants
d’Israël de la main de l’Éternel.
Phinées, fils du sacrificateur Éléazar, et les princes, quittèrent les fils de Ruben et les
fils de Gad, et revinrent du pays de Galaad dans le pays de Canaan, auprès des
enfants d’Israël, auxquels ils firent un rapport. Les enfants d’Israël furent satisfaits ;
ils bénirent Dieu, et ne parlèrent plus de monter en armes pour ravager le pays
qu’habitaient les fils de Ruben et les fils de Gad.
Josué 22.22/33
Jésus est le Prince de la paix : soyons des hommes et des femmes de
paix !
Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, et la domination reposera sur son
épaule ; on l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la
paix.
Ésaïe 9.5
Pourrions-nous d’ailleurs apporter la paix si notre maître ne nous l’avait
transmise :
42
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde
donne. Que votre cœur ne se trouble point, et ne s’alarme point.
Jean 14.27
Les textes suivants, qui associent à la paix l’idée de réconciliation, n’ont
pas besoin de longs commentaires, sinon que nous sommes les premiers
bénéficiaires de la paix de Christ.
Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur JésusChrist, à qui nous devons d’avoir eu par la foi accès à cette grâce, dans laquelle nous
demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu. Bien
plus, nous nous glorifions même des afflictions, sachant que l’affliction produit la
persévérance, la persévérance la victoire dans l’épreuve, et cette victoire l’espérance. Or,
l’espérance ne trompe point, parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par
le Saint-Esprit qui nous a été donné.
Car, lorsque nous étions encore sans force, Christ, au temps marqué, est mort pour des
impies. À peine mourrait-on pour un juste ; quelqu’un peut-être mourrait pour un
homme de bien. Mais Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous
étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. À plus forte raison donc,
maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons-nous sauvés par lui de la
colère. Car si, lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la
mort de son Fils, à plus forte raison, étant réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie.
Et non seulement cela, mais encore nous nous glorifions en Dieu par notre Seigneur
Jésus-Christ, par qui maintenant nous avons obtenu la réconciliation.
Romains 5.1/11
Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ, et qui nous a
donné le ministère de la réconciliation. Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde
avec lui-même en n’imputant point aux hommes leurs offenses, et il a mis en nous la
parole de la réconciliation. Nous faisons donc les fonctions d’ambassadeurs pour
Christ, comme si Dieu exhortait par nous ; nous vous en supplions au nom de Christ :
soyez réconciliés avec Dieu ! Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché
pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu.
2 Corinthiens 5.18/19
Soyons des pacificateurs !
Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les
hommes. S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les
hommes.
Romains 12.17/18
Lisons aussi :
J’exhorte Évodie et j’exhorte Syntyche à être d’un même sentiment dans le Seigneur.
Et toi aussi, fidèle collègue, oui, je te prie de les aider, elles qui ont combattu pour
l’Évangile avec moi, et avec Clément et mes autres compagnons d’œuvre, dont les noms
sont dans le livre de vie.
Philippiens 4.2/4
On ne sait pas qui est le fidèle collègue auquel s’adresse l’apôtre Paul.
Toujours est-il que l’auteur de la lettre lui confie la mission d’aider deux
chrétiennes dans une démarche de réconciliation. Nous ne savons pas
non plus la raison de leur différend. Cependant, deux chrétiennes
engagées avec zèle dans le service dans le Seigneur ne s’entendent plus.
Lorsque je venais de m’engager à suive Jésus-Christ, je pensais qu’à partir
du moment ou tout le monde était né de nouveau, il était impossible qu’il
y ait des mésententes entre chrétiens. C’était compter sans notre vieille
nature que nous pensions avoir noyée dans le fond du baptistère, mais qui
sait si bien nager !
C’est pourquoi l’on ne peut qu’encourager les serviteurs de Dieu,
lorsqu’un conflit se produit, à exhorter chacun à la réconciliation plutôt
qu’à déterminer les torts des uns et des autres.
Lequel d’entre vous est sage et intelligent ? Qu’il montre ses œuvres par une bonne
conduite avec la douceur de la sagesse. Mais si vous avez dans votre cœur un zèle amer
et un esprit de dispute, ne vous glorifiez pas et ne mentez pas contre la vérité. Cette
sagesse n’est point celle qui vient d’en haut ; mais elle est terrestre, charnelle,
diabolique. Car là où il y a un zèle amer et un esprit de dispute, il y a du désordre et
toutes sortes de mauvaises actions. La sagesse d’en haut est premièrement pure, ensuite
pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, exempte de
duplicité, d’hypocrisie. Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui
recherchent la paix.
44
Jacques 3.13/18
46
16. Un démoniaque délivré, et après ?
Ils abordèrent dans le pays des Géraséniens, qui est vis-à-vis de la Galilée. Lorsque
Jésus fut descendu à terre, il vint au-devant de lui un homme de la ville, qui était
possédé de plusieurs démons. Depuis longtemps il ne portait point de vêtement, et avait
sa demeure non dans une maison, mais dans les sépulcres. Ayant vu Jésus, il poussa
un cri, se jeta à ses pieds, et dit d’une voix forte : Qu’y a-t-il entre moi et toi, Jésus,
Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’en supplie, ne me tourmente pas. Car Jésus
commandait à l’esprit impur de sortir de cet homme, dont il s’était emparé depuis
longtemps ; on le gardait lié de chaînes et les fers aux pieds, mais il rompait les liens, et
il était entraîné par le démon dans les déserts. Jésus lui demanda : quel est ton nom ?
Légion, répondit-il. Car plusieurs démons étaient entrés en lui. Et ils priaient
instamment Jésus de ne pas leur ordonner d’aller dans l’abîme. Il y avait là, dans la
montagne, un grand troupeau de pourceaux qui paissaient. Et les démons supplièrent
Jésus de leur permettre d’entrer dans ces pourceaux. Il le leur permit. Les démons
sortirent de cet homme, entrèrent dans les pourceaux, et le troupeau se précipita des
pentes escarpées dans le lac, et se noya. Ceux qui les faisaient paître, voyant ce qui
était arrivé, s’enfuirent, et répandirent la nouvelle dans la ville et dans les campagnes.
Les gens allèrent voir ce qui était arrivé. Ils vinrent auprès de Jésus, et ils trouvèrent
l’homme de qui étaient sortis les démons, assis à ses pieds, vêtu, et dans son bon
sens ; et ils furent saisis de frayeur. Ceux qui avaient vu ce qui s’était passé leur
racontèrent comment le démoniaque avait été guéri. Tous les habitants du pays des
Géraséniens prièrent Jésus de s’éloigner d’eux, car ils étaient saisis d’une grande
crainte. Jésus monta dans la barque, et s’en retourna. L’homme de qui étaient sortis les
démons lui demandait la permission de rester avec lui. Mais Jésus le renvoya, en
disant : retourne dans ta maison, et raconte tout ce que Dieu t’a fait. Il s’en alla, et
publia par toute la ville tout ce que Jésus avait fait pour lui.
Luc 8.26/39
Le pays des Géraséniens.
C’est ainsi qu’on appelle les habitants de Gérasa, actuellement Jérash, en
Jordanie, l’une des dix villes qui composent la Décapole. Matthieu parle
du pays des Gadaréniens. Gadara est aujourd’hui nommée Unn Qeis.
Aucune de ces deux villes ne se trouve en bordure du lac de Génésareth.
Les auteurs bibliques ne se contredisent donc pas, mais ils se réfèrent à la
région (pays), et non pas à la ville « intra-muros ».
La Décapole a été fondée par les Grecs sous le règne d’Anthiochus III.
C’est donc une terre païenne enclavée en terre promise. Nous
comprenons mieux la présence d’élevage de porcins dans cette région.
Jésus débarque donc à Gérasa. Il y rencontre un homme complètement
dégénéré, possédé par un démon nommé « Légion ». Une légion romaine
se composait de six mille hommes, et l’on peut comprendre que toute
cette population devait avoir une incidence néfaste sur le caractère de
notre ami dont le nom nous est inconnu, mais que je vous propose
d’appeler Zacharias. Exclu de la société, il terrorise tout le monde, on
l’enchaîne en pure perte, car, tel Samson, il brise ses lourdes chaînes
comme un simple crin de cheval.
Seul Jésus n’a pas peur de lui. C’est la Légion qui a peur de Jésus : « Je
t’en supplie, ne me tourmente pas. » Jésus menace les démons. Les
légionnaires de l’enfer, débusqués, se réfugient dans un troupeau de
porcs, chacun le sien, qu’ils noient dans le lac. Zacharias l’a échappé belle,
car, tôt ou tard, c’est lui que les démons auraient fini par noyer.
Voilà un événement dont on n’a pas fini de parler dans Landernau.
À Landernau peut-être pas, mais à Gérasa, je suis sûr qu’on en parle
encore.
Il a d’ailleurs déclenché deux réactions, l’une négative et l’autre positive.
Tout d’abord, Jésus est chassé du pays de Gérasa : renvoyé comme un
malpropre.
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D’ordinaire, quand Jésus accomplit un miracle quelque part, il est
acclamé, on l’écoute, on le suit partout dans l’espoir qu’il en fasse
d’autres, et même, on veut le proclamer roi. Jésus, qui n’est pas en
recherche de popularité, demande généralement à ceux qu’il a guéris ou
délivrés d’un démon d’en garder le secret, car il ne veut pas qu’on fasse de
lui un héros national. D’ailleurs, il sait très bien qu’en dépit de ces
recommandations, il serait acclamé partout où il passerait, par une
population avide d’interventions spectaculaires, mais pas forcément avide
de la parole de Dieu.
Ici, le Seigneur Jésus venait d’accomplir un coup de maître : une légion de
démons chassée sur un seul homme. Il me semble que les gens du coin
auraient dû l’applaudir et le supplier de rester afin qu’il y produise d’autres
miracles.
Loin de là !
« Écoute Jésus, on aimerait vraiment ne plus te voir dans les parages. Tu
en as déjà assez fait comme ça ! »
C’est qu’avec Jésus, il y a miracle et miracle. Tant qu’il guérit les malades,
qu’il fait marcher les tétraplégiques, entendre les sourds, voir les aveugles,
tant qu’il ressuscite les morts, pas de problème, tout le monde est
content. Quand il multiplie les pains, c’est encore mieux. Au prix où est la
farine ! Dommage qu’il ne multiplie pas aussi les lingots ! Quand il chasse
les démons, ce n’est pas mal non plus. Mais cette fois-ci, tout de même, il
exagère ! Qu’il aille exercer son don de délivrance ailleurs !
En effet, le gros souci dans cette affaire, ce sont les cochons.
Six mille cochons noyés, pire que les moutons du père Panurge. Cela en
fait des kilomètres de boudin et de chipolatas !
La région de Gerasa va connaître une crise économique à cause de Jésus.
Il y a des abattoirs qui vont fermer et des ouvriers qui vont se retrouver
au chômage.
Revenons à notre texte : les démons supplient Jésus de ne pas les envoyer
dans l’abîme, mais plutôt de les envoyer dans les cochons. Nous pouvons
nous étonner que Jésus ait accédé à leur demande. Après tout, ce sont des
démons et c’est bien ce qu’ils méritent. Avec la permission du Seigneur,
ils entrent dans les pourceaux qu’ils entraînent aussitôt à la mort.
Jésus savait très bien ce qui allait arriver. Trouvons-nous étonnant qu’il ait
plus de pitié pour les démons que pour les cochons ?
D’abord il n’est pas temps de les envoyer dans l’abîme parce que le
jugement n’est pas encore venu, mais ils ne perdent rien pour attendre.
Ensuite, et c’est sans doute la principale raison, parce que les porcs sont
des animaux impurs. L’élevage porcin peut être considéré comme une
marque ostentatoire de désobéissance.
Personne n’a songé à remercier Jésus pour la délivrance opérée. Voilà un
homme qu’à notre époque on aurait interné en hôpital psychiatrique.
Nous le trouvons maintenant dans son bon sens, il va enfin profiter de la
vie. Mais le prix à payer paraît trop élevé. La vie et l’âme d’un être humain
sont vraiment peu de chose dans la balance des hommes, quand on a
placé les intérêts d’argent sur l’autre plateau.
La Mammonite chronique est une maladie dont l’indifférence à la grâce
de Dieu est le symptôme le plus évident.
Je suis bien placé pour le savoir, connaissant ma belle famille, mais la
Bible elle-même n’est pas avare en exemples.
Nous nous trouvons à Philippes, là même où, pour la première fois, Paul
et ses compagnons débarquent en Europe. Ils y rencontrent une femme
animée d’un esprit de Python.
Je me suis longtemps demandé quel était le lien entre ce Python et le
grand serpent d’Afrique.
Dans la mythologie, Python était un dragon monstrueux qui demeurait à
Delphes et qui avait un pouvoir de divination. Apollon le pourfendit et
devint, de ce fait maître de l’oracle. C’est pourquoi l’oracle de Delphes est
appelé Pythie. La servante de Philippes était donc possédée de l’esprit de
divination reçu de ce terrible animal.
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Comme nous allions au lieu de prière, une servante qui avait un esprit de Python, et
qui, en devinant, procurait un grand profit à ses maîtres, vint au-devant de nous, et se
mit à nous suivre, Paul et nous. Elle criait : ces hommes sont les serviteurs du Dieu
Très-Haut, et ils vous annoncent la voie du salut. Elle fit cela pendant plusieurs jours.
Paul fatigué se retourna, et dit à l’esprit : je t’ordonne, au nom de Jésus-Christ, de
sortir d’elle. Et il sortit à l’heure même.
Les maîtres de la servante, voyant disparaître l’espoir de leur gain, se saisirent de Paul
et de Silas, et les traînèrent sur la place publique devant les magistrats. Ils les
présentèrent aux préteurs, en disant : ces hommes troublent notre ville ; ce sont des
Juifs, qui annoncent des coutumes qu’il ne nous est permis ni de recevoir ni de suivre, à
nous qui sommes Romains. La foule se souleva aussi contre eux, et les préteurs, ayant
fait arracher leurs vêtements, ordonnèrent qu’on les batte de verges. Après qu’on les eut
chargés de coups, ils les jetèrent en prison, en recommandant au geôlier de les garder
sûrement. Le geôlier, ayant reçu cet ordre, les jeta dans la prison intérieure, et leur mit
les ceps aux pieds.
Actes 16.16/24
Après avoir été miraculeusement délivrés et avoir eu le bonheur de voir le
geôlier sauvé, ainsi que sa famille, Paul et Silas reprennent la route. Paul
franchit à nouveau la mer Égée et fait une étape à Éphèse.
Cette fois c’est un marchand de souvenirs qui le prend à partie. Éphèse
est en effet la Mecque du culte de Diane. Ceux qui reviennent de
pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle ramènent des coquillages –
François Villon a d’ailleurs manqué d’être pendu pour en avoir vendu de
faux –, mais ceux qui revenaient de pèlerinage à Éphèse ramenaient une
miniature en argent du temple de Diane, fabriqué par Démétrius et ses
confrères. C’était une activité fort lucrative.
Quand Paul arrive en ville et commence à annoncer le salut en Christ,
Démétrius ne fait pas l’effort de comprendre le message. Tout ce qu’il a
compris, c’est que si Paul ne se tait pas, les gens vont devenir chrétiens, et
ils n’iront plus au temple acheter ses petits gadgets. Le mot « gadget »
vient d’ailleurs de Gaget, un Français qui travaillait à la construction de la
statue de la Liberté, et qui en vendait des modèles réduits pour arrondir
ses fins de mois.
Il survint, à cette époque, un grand trouble au sujet de la voie du Seigneur. Un nommé
Démétrius, orfèvre, fabriquait en argent des temples de Diane, et procurait à ses
ouvriers un gain considérable. Il les rassembla, avec ceux du même métier, et dit : ô
hommes, vous savez que notre bien-être dépend de cette industrie ; et vous voyez et
entendez que, non seulement à Éphèse, mais dans presque toute l’Asie, ce Paul a
persuadé et détourné une foule de gens, en disant que les dieux faits de main d’homme
ne sont pas des dieux. Le danger qui en résulte, ce n’est pas seulement que notre
industrie ne tombe en discrédit ; c’est encore que le temple de la grande déesse Diane ne
soit tenu pour rien, et même que la majesté de celle qui est révérée dans toute l’Asie et
dans le monde entier ne soit réduite à néant.
Ces paroles les ayant remplis de colère, ils se mirent à crier : grande est la Diane des
Éphésiens !
Toute la ville fut dans la confusion. Ils se précipitèrent tous ensemble au théâtre,
entraînant avec eux Gaïus et Aristarque, Macédoniens, compagnons de voyage de
Paul. Paul voulait se présenter devant le peuple, mais les disciples l’en empêchèrent ;
quelques-uns même des Asiarques, qui étaient ses amis, envoyèrent vers lui, pour
l’engager à ne pas se rendre au théâtre. Les uns criaient d’une manière, les autres d’une
autre, car le désordre régnait dans l’assemblée, et la plupart ne savaient pas pourquoi
ils s’étaient réunis. Alors on fit sortir de la foule Alexandre, que les Juifs poussaient
en avant ; et Alexandre, faisant signe de la main, voulait parler au peuple. Mais
quand ils reconnurent qu’il était Juif, tous d’une seule voix crièrent pendant près de
deux heures : grande est la Diane des Éphésiens !
Actes 19.23/34
Les incroyants ne sont malheureusement pas les seules victimes de
l’aveuglement provoqué par la convoitise de biens matériels.
Viens au plus tôt vers moi ; car Démas m’a abandonné, par amour pour le siècle
présent, et il est parti pour Thessalonique ; Crescens est allé en Galatie, Tite en
Dalmatie.
2 Timothée 4.9/10
Notons bien que Paul n’a pas dit que Démas a abandonné la foi, il a
seulement abandonné l’apôtre. L’amour du siècle présent, de l’argent, des
honneurs, des plaisirs l’ont détourné de son ministère et l’ont privé du
service utile et béni qu’il aurait pu exercer auprès de Paul.
52
Antoine Froment (1508-1581) fut l’un des principaux collaborateurs de
Guillaume Farel. Le métier de prédicateur, je le reconnais, ne nourrit pas
bien son homme. Froment décida, pour améliorer ses ressources d’ouvrir
une petite épicerie à Thonon. Son petit commerce fonctionnait plutôt
bien. Il abandonna son ministère pour se consacrer aux affaires. Mal lui
en a pris puisque, finalement, il mourut ruiné. On a dit de lui : « Le
Froment a tourné en ivraie. »
Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans
beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la
perdition. Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux ; et quelques-uns, en
étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des
tourments.
1 Timothée 6.9/10
En second lieu, nous voyons que Jésus recrute un missionnaire.
D’ordinaire, comme nous l’avons vu, Jésus évite la publicité et
recommande à ceux qui ont été guéris de le garder pour eux. En voici un
exemple :
Jésus était dans une des villes ; et voici, un homme couvert de lèpre, l’ayant vu, tomba
sur sa face, et lui fit cette prière : Seigneur, si tu le veux, tu peux me rendre pur. Jésus
étendit la main, le toucha, et dit : je le veux, sois pur. Aussitôt la lèpre le quitta. Puis
il lui ordonna de n’en parler à personne. Mais, dit-il, va te montrer au sacrificateur, et
offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit, afin que cela leur serve de témoignage.
Luc 5.12/14
Nous avons dit qu’il agissait ainsi envers les Juifs qui n’avaient pas
compris sa vocation de Messie. Jésus, lui-même n’apportait la Bonne
Nouvelle qu’aux Juifs, l’évangélisation des païens devait commencer après
la résurrection, mais il pouvait bien faire une exception à ses propres
règles. Dans le cas présent, justement, il opère en terre païenne, et ses
directives habituelles n’ont pas de raison d’être.
Plusieurs passages des Évangiles nous montrent que Jésus s’était aussi
proclamé sauveur des nations :
Je vous le dis en vérité : il y avait plusieurs veuves en Israël du temps d’Élie, lorsque le
ciel fut fermé trois ans et six mois et qu’il y eut une grande famine sur toute la terre ; et
cependant Élie ne fut envoyé vers aucune d’elles, si ce n’est vers une femme veuve, à
Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi plusieurs lépreux en Israël du temps
d’Élisée, le prophète ; et cependant aucun d’eux ne fut purifié, si ce n’est Naaman le
Syrien. Ils furent tous remplis de colère dans la synagogue, lorsqu’ils entendirent ces
choses. Et s’étant levés, ils le chassèrent de la ville, et le menèrent jusqu’au sommet de
la montagne sur laquelle leur ville était bâtie, afin de le précipiter en bas. Mais Jésus,
passant au milieu d’eux, s’en alla.
Luc 4.25/30
Qu’est-ce que Jésus n’avait pas dit là !
Les Juifs, entraînés par les pharisiens, l’empoignent pour le précipiter du
haut d’une falaise. Et notre Sauveur ne perd pas son sang-froid. Il prend
congé en disant : « Pardon, pardon, pardon, excusez-moi… » Je trouve ce
passage admirable.
Dans ce discours, Jésus avait seulement remarqué qu’au temps des rois, la
grâce de Dieu a été, au moins deux fois accordée aux goïm. Ses auditeurs
voulaient se convaincre eux-mêmes que Dieu n’aimait que les Juifs.
Pourtant, Jésus ne fait ici que citer les Écritures. Ils savent très bien qu’il a
raison, et c’est ça qui les énerve encore plus.
L’apôtre Paul, lui non plus, n’a pas échappé à l’aveuglement xénophobe
de ses compatriotes :
La foule l’avait écouté jusqu’à ces mots, mais ils se mirent alors à crier : « Fais
disparaître de la terre un pareil homme ! Il n’est pas digne de vivre. » Ils poussaient des
cris, jetaient leurs vêtements et lançaient de la poussière en l’air.
Le commandant ordonna de faire entrer Paul dans la forteresse et de procéder à son
interrogatoire par le fouet afin de savoir pour quel motif ils criaient ainsi contre lui.
Actes 22.22/24
Qu’est-ce que Paul avait dit de si grave ?
Lisons le verset précédent :
Alors le Seigneur m’a dit : « Va, car je t’enverrai au loin vers les non-Juifs. »
54
Nous voyons aussi Jésus accorder la délivrance à la fille d’une femme
grecque, bien que le temps des Nations ne soit pas encore venu.
Jésus, étant parti de là, s’en alla dans le territoire de Tyr et de Sidon. Il entra dans
une maison, désirant que personne ne le sût ; mais il ne put rester caché. Car une
femme, dont la fille était possédée d’un esprit impur, entendit parler de lui, et vint se
jeter à ses pieds. Cette femme était grecque, syro-phénicienne d’origine. Elle le pria de
chasser le démon hors de sa fille. Jésus lui dit : laisse d’abord les enfants se rassasier ;
car il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. Oui,
Seigneur, lui répondit-elle, mais les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des
enfants. Alors il lui dit : à cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille. Et,
quand elle rentra dans sa maison, elle trouva l’enfant couchée sur le lit, le démon étant
sorti.
Marc 7.24/30
Cette grâce de Dieu accordée aux païens, les pharisiens ne l’ont jamais
comprise ni acceptée, tandis que les disciples de Jésus ne l’ont comprise
que bien plus tard. Il a fallu que le Seigneur montre à Pierre, à trois
reprises, une nappe remplie d’animaux pas cacher du tout.
Il est indéniable que la vie de l’homme délivré a été immédiatement
transformée :
Ils vinrent auprès de Jésus, et ils virent le démoniaque, celui qui avait eu la légion,
assis, vêtu, et dans son bon sens ; et ils furent saisis de frayeur.
Marc 5.15
Les conversions ne sont pas toujours aussi spectaculaires. Quelquefois, il
faut du temps à un homme pour changer de vie, mais cela n’enlève pas de
valeur à son expérience. Notre ami Zacharias est né de nouveau, il est
devenu un homme nouveau. Pour lui :
Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont
passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles.
2 Corinthiens 5.17
Et cette nouvelle créature, le cœur rempli d’une joie surnaturelle, éprouve
un violent désir de le servir. Et pour lui, la meilleure façon de servir Jésus,
c’est d’être avec lui et de l’accompagner dans son ministère :
« Moi aussi, Seigneur, je veux te suivre, je veux devenir apôtre, je veux
guérir les malades et chasser les démons, comme tes disciples. D’ailleurs,
maintenant, je sais comment on fait. »
Moi aussi, quand j’ai donné mon cœur à Jésus, j’ai voulu le servir, et j’ai
cru que pour servir, il fallait que je devienne pasteur à plein temps, ou que
je parte en mission à l’étranger. Je suis donc allé dans une école biblique,
ce que je ne regrette pas, et j’ai frappé à ces deux portes, avec insistance.
Aucune d’elle ne s’est ouverte, et j’en ai bien sûr ressenti de la frustration.
Mais maintenant que mon ministère est derrière moi, je réalise combien
Dieu m’a béni dans un service bénévole, au milieu des épreuves et des
difficultés. Combien de fois ai-je dit, comme Jérémie : « Je ne parlerai plus
en son nom ». (Jérémie 20.9) Et pourtant, même dans les années de désert,
j’ai été encouragé.
Et puis, quand je voulais être pasteur, je croyais d’abord que c’était un
métier facile dans lequel on passe la semaine à préparer le sermon du
dimanche. Quand je voulais partir à l’étranger, n’avais-je pas aussi besoin
de voir du pays, de changer d’air ? J’en avais assez des églises françaises.
C’est certainement ce qui se passait dans le cœur de Zacharias. Le projet
était bon, mais ses motivations l’étaient un peu moins. Il s’était dit qu’en
suivant Jésus dans tous ses déplacements, il serait aux premières loges
pour voir des miracles.
« Pourquoi veux-tu aller avec moi, Zacharias ?
– Parce que je veux te servir, Seigneur.
– Alors, si tu veux vraiment me servir, retourne dans ta maison, et
raconte tout ce que Dieu t’a fait. »
Certainement déçu en entendant cette parole, Zacharias n’a pas tardé à
comprendre que le choix de Jésus a été le meilleur pour lui, mais pas le
plus facile.
Mais je vous le dis en vérité, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie.
Luc 4.24
56
Prêcher la bonne parole dans son propre village, ce doit être, au contraire,
une tâche aisée, me direz-vous. Quand les gens ont tous été témoins de la
transformation radicale de cet homme, ils ne peuvent qu’accepter Jésus.
C’est compter sans l’aridité du cœur de l’homme.
Tout d’abord, la délivrance de Zacharias reste liée au souvenir d’une
grande perte matérielle.
« Tout cela ne serait pas arrivé si ce gars était resté avec sa légion de
démons. D’ailleurs, nous maîtrisions la situation. Il suffisait de ne pas
l’approcher. »
Quant à sa transformation, ce n’est pas cela qui intéresse les gens ; c’est
de son passé qu’ils se souviennent.
Ah ! Notre passé !
Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes !
Jean 9.34
Je me souviens de ma tante qui, avec une infinie persévérance, racontait
dans de longues lettres à mes parents, encore inconvertis, comment Jésus
l’avait sauvée.
« Quand on sait la vie de patachon qu’elle a menée dans sa jeunesse. Il n’y
a que le métro, etc., etc.… C’est l’hôpital qui se moque de la charité ! »
Mes parents aussi bien que moi-même, ont pourtant bien été forcés de
reconnaître que ce n’était pas du baratin mystique. La vie de la tante était
réellement changée. Elle était devenue une servante de Christ.
Qu’on veuille l’admettre ou non, les faits sont péremptoires :
Il répondit : s’il est un pécheur, je ne sais ; je sais une chose, c’est que j’étais aveugle et
que maintenant je vois.
Jean 9.25
Le ministère d’implantation est un ministère ingrat. D’abord il faut
désherber le terrain, enlever toutes les pierres, il faut labourer. Ensuite il
faut semer, arroser et prier pour que ça pousse. Et quand ça pousse enfin,
vous êtes comme Zangra, dans cette chanson de Jacques Brel, trop vieux
général, et l’ennemi est la, vous ne serez pas héros. C’est un jeune
ministère qui récoltera le fruit de votre labeur, et vous irez à la retraite,
mais vous serez heureux, parce que vous êtes rempli de l’Esprit Saint et
vous avez bien compris où est l’intérêt du Seigneur.
J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître, en sorte que ce n’est pas celui
qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait croître. Celui
qui plante et celui qui arrose sont égaux, et chacun recevra sa propre récompense selon
son propre travail.
1 Corinthiens 3.6/8
Le ministère de Zacharias est-il moins important que celui des apôtres ?
Celui qui colle des affiches pour la venue d’un missionnaire est-il moins
important que celui du missionnaire lui-même ?
Les missionnaires français en Afrique, au début du siècle dernier, tout
comme aujourd’hui bon nombre de missionnaires américains en Europe,
ont commis la même erreur : confondre mission et colonisation, vouloir
importer en terre de mission la culture de leur pays. Dans la Décapole, il
ne sera pas nécessaire d’envoyer des missionnaires juifs à cette population
plus ou moins grecque. Il sera beaucoup mieux placé qu’un étranger pour
connaître les manières de vivre et de penser, ainsi que les besoins
spirituels de sa propre ethnie.
L’entrée d’un pécheur dans la vie nouvelle suscite généralement des
réactions négatives ?
« Et bien alors ? Tu n’es plus catholique ? Qu’est-ce que c’est ta nouvelle
religion ? »
« On t’aimait mieux avant. On s’amusait bien quand on sortait ensemble.
Maintenant tu ne bois plus, tu ne fumes plus, tu ne racontes plus
d’histoires obscènes. Tu ne parles plus que de ton Bon Dieu. Tu es
vraiment devenu barbant. »
Ces réactions se soldent souvent par la perte d’amis, des ruptures
familiales, des relations de travail difficiles, voire des persécutions.
58
J’ai connu ces moments, souvent aggravés par ma maladresse quand je
voulais témoigner de ma foi.
Une fois ce pénible cap franchi, le témoin de Christ, ayant mûri, devient
un outil efficace pour propager la foi, qu’il parle ou qu’il se taise, qu’il
reste dans son village ou qu’il soit conduit aux antipodes.
17. Des disciples indisciplinés
Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de Jésus avec ses fils et se prosterna pour
lui faire une demande. Il lui dit : « Que veux-tu ? » « Ordonne, lui dit-elle, que dans
ton royaume mes deux fils que voici soient assis l’un à ta droite et l’autre à ta
gauche. » Jésus répondit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous
boire la coupe que je vais boire ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? »
« Nous le pouvons », dirent-ils. Il leur répondit : « Vous boirez en effet ma coupe et
vous serez baptisés du baptême dont je vais être baptisé. Mais quant à être assis à ma
droite et à ma gauche, cela ne dépend pas de moi et ne sera donné qu’à ceux pour qui
mon Père l’a préparé. » Après avoir entendu cela, les dix autres furent indignés contre
les deux frères. Jésus les appela et leur dit : « Vous savez que les chefs des nations
dominent sur elles et que les grands les tiennent sous leur pouvoir. Ce ne sera pas le cas
au milieu de vous, mais si quelqu’un veut être grand parmi vous, il sera votre
serviteur ; et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. C’est
ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa
vie en rançon pour beaucoup. »
Matthieu 20.20/28
Des disciples indisciplinés !
Nous sommes, admettons-le, des chrétiens qui n’en font qu’à leur tête.
Nous ne voyons pas plus loin que le bout du nez de notre tracteur. Nous
ne comprenons rien à ce que le Seigneur veut nous dire. Quand il nous
parle de betteraves, nous répondons carottes. Parfois nous prétendons
enseigner Dieu et lui dicter sa conduite. Souvent nous boudons, ou bien
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nous achetons un billet pour Madrid quand il nous demande d’aller à
Bruxelles. C’est un peu ce que fit Jonas.
Les générations passent et la nature humaine ne passe pas. Tels étaient
nos aïeux, tels nous sommes, et tels étaient les contemporains de notre
Seigneur.
Ses disciples qu’il a dû, avec patience, se trimballer pendant trois ans
n’échappaient pas à la règle.
Prenons d’abord pour exemple Jacques et Jean, les fils de Zébédée,
également appelés fils du tonnerre (Marc 3.17). Le moins qu’on puisse en
dire, c’est que la modestie ne les étouffe pas.
Ce qui est extraordinaire, avec eux, c’est qu’ils naviguent toujours à
contre-courant de la pensée du Seigneur. Jésus leur parle de la croix, des
terribles souffrances qu’il s’apprête à subir, de la mort infâme et
imméritée à laquelle il est destiné. Loin de s’en émouvoir, ils s’enlisent
dans leurs rêveries futiles et leurs ambitions chimériques.
Ils partirent de là et traversèrent la Galilée. Jésus ne voulait pas qu’on le sache, car il
enseignait ses disciples et il leur disait : « Le Fils de l’homme sera livré entre les mains
des hommes ; ils le feront mourir et, trois jours après avoir été mis à mort, il
ressuscitera. » Cependant, les disciples ne comprenaient pas cette parole et ils avaient
peur de l’interroger.
Ils arrivèrent à Capernaüm. Lorsqu’il fut dans la maison, Jésus leur demanda : « De
quoi discutiez-vous en chemin ? » Mais ils gardèrent le silence, car en chemin ils
avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. Alors il s’assit, appela les
douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le
serviteur de tous. » Il prit un petit enfant, le plaça au milieu d’eux et, après l’avoir pris
dans ses bras, il leur dit : « Celui qui accueille en mon nom un de ces petits enfants,
c’est moi-même qu’il accueille, et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille,
mais celui qui m’a envoyé. »
Marc 9.30/37
Ces serviteurs du Christ n’avaient pas pris pleinement conscience de la
gravité de leur engagement, de celui du Seigneur, et de la valeur de
l’enjeu : le salut de l’humanité, leur salut, mon salut. Ils ne réalisaient pas
qu’ils allaient prendre part à la plus grande bataille de l’histoire : celle que
le fils de Dieu allait livrer contre le prince des ténèbres. Leurs
préoccupations étaient bien plus terrestres : je veux être le plus grand !
Le plus grand par rapport à quoi ?
Le plus grand des douze apôtres.
Ayant été appelés par le Christ lui-même, ils représentaient une classe à
part, un groupe de privilégiés, et ça, ils l’avaient bien compris. Ce qu’ils
avaient aussi compris, c’est que Jésus était destiné à être roi et, étant ses
plus proches collaborateurs, ils espéraient bien devenir ministres. En
bons politiciens, ils se chamaillaient déjà pour savoir qui serait premier
ministre, qui sera directement assis à la droite ou à la gauche du maître. Il
n’y a que deux places, forcément, et la lutte sera serrée. Ce qu’ils n’avaient
pas compris, c’est qu’avant d’être roi, il fallait que Jésus soit la serpillière
de l’humanité. Ce qu’ils n’avaient pas compris non plus, c’est qu’avant
d’être les « grands » apôtres, il fallait qu’ils parcourent les villes et les
campagnes pour y prêcher l’Évangile, qu’ils soient la risée des hommes,
qu’ils soient emprisonnés et qu’ils subissent le martyre.
Ne nous arrive-t-il pas de nous croire les plus grands ou de vouloir le
devenir ?
– Oui, chaque fois que nous regardons à nous-mêmes au lieu de lever les
yeux vers le Christ.
Un de mes camarades, à l’école biblique, proclamait : « Quand je serai
prédicateur, je refuserai de prêcher devant moins de deux cents
auditeurs. » Un autre disait qu’un pasteur ne devrait pas avoir moins de
soixante personnes (c’est déjà plus modeste) dans son auditoire habituel,
sinon, il risque de tomber dans la déprime, et ce n’est pas bon. Merci
pour moi ! Quand j’ai trente participants au culte, je me dis : « C’est un
bon dimanche, il y a beaucoup de monde ce matin. »
Même les chrétiens veulent parfois être les plus grands. Si nous chantons
pour Dieu, nous voudrions être le plus grand des chanteurs, si nous
prêchons, nous voudrions être le plus grand des prédicateurs, ou le plus
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grand des pasteurs. Il m’arrive quelquefois de rêver d’être le plus grand
des auteurs.
Allons ! Allons ! Réveillons-nous !
Les églises de masses, « mega-churches » comme on les appelle, ne sontelles pas le reflet du désir d’être les plus grands et d’en jeter plein la vue
aux hommes ? Où donc est cette vision du retour à la foi toute simple des
premiers chrétiens ? Les grands patrons de ces supermarchés de la foi (au
sens propre autant qu’au figuré puisque, maintenant, certaines de ces
églises possèdent un centre commercial au rez-de-chaussée) ne devraientils pas relire Justin-Martyr, lequel nous a laissé une description des
premiers cultes de l’histoire du christianisme ?
Insensés que nous sommes de courir pour une couronne de fer, alors que
c’est une couronne d’or qui nous est promise dans le Ciel !
En recherchant ces honneurs terrestres plutôt que l’honneur de Dieu,
nous sommes de ceux dont Paul dit qu’ils servent Christ dans leur propre
intérêt, selon qu’il écrit :
Certains, il est vrai, proclament Christ par jalousie, avec un esprit de rivalité, mais
d’autres le proclament avec de bonnes intentions. Les uns agissent par amour, sachant
que je suis là pour la défense de l’Évangile ; les autres, animés d’un esprit de rivalité,
annoncent Christ avec des intentions qui ne sont pas pures et avec la pensée
d’augmenter les souffrances de ma détention. Qu’importe ? De toute manière, que ce
soit pour de mauvaises raisons, que ce soit sincèrement, Christ est annoncé. Je m’en
réjouis et je m’en réjouirai encore, car je sais que cela aboutira à mon salut, grâce à vos
prières et à l’assistance de l’Esprit de Jésus-Christ. Conformément à ma ferme attente
et à mon espérance, je n’aurai honte de rien, mais maintenant comme toujours, la
grandeur de Christ sera manifestée avec une pleine assurance dans mon corps, soit par
ma vie, soit par ma mort. En effet, Christ est ma vie et mourir représente un gain.
Philippiens 1.15/21
Rappelons que Paul est en prison quand il écrit ces lignes. Sa seule
grandeur, son seul honneur, sa seule gloire, c’est d’être en prison à cause
de Jésus-Christ, et d’avoir été « Crucifié avec lui » :
J’ai été crucifié avec Christ ; ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ; et ce
que je vis maintenant dans mon corps, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a
aimé et qui s’est donné lui-même pour moi.
Galates 2.20
À ceux qui, comme les fils de Zébédée, se chamaillent comme des enfants
pour avoir la plus grosse part du kouglof, Jésus leur dit :
Si vous voulez devenir des maîtres, soyez d’abord des serviteurs. Si vous
voulez être des grands, soyez d’abord des petits.
Si nous voulons être les plus grands, c’est finalement tout à notre
honneur, à condition de choisir pour modèle celui qui est vraiment le plus
grand : Jésus-Christ. Mais souvenons-nous qu’avant d’être le plus grand, il
a fallu qu’il soit abaissé au plus bas.
Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi en devenant malédiction pour nous,
puisqu’il est écrit : Tout homme pendu au bois est maudit.
Galates 3.13
Examinons maintenant le cas de Pierre.
Son problème, c’est qu’il avait la langue plus rapide que le cerveau.
J’avais assisté, pour la mille et unième fois, à la projection du film « la
Croix et le poignard ». Nous arrivons à la scène où la salle n’est occupée
que par une dizaine de chrétiens qui attendent tranquillement le début de
la manifestation. Contre toute attente, les « Mau-Maus » arrivent et
investissent tous les rangs de droite. Les chrétiens commencent à quitter
la salle. Voilà maintenant que les « Bishops » arrivent à leur tour et
envahissent les rangs de gauche.
« Oh la la ! Ça se gâte ! »
Les braves gens qui avaient eu le courage de rester s’éclipsent à leur tour.
« Ah ! Ça, c’est bien les chrétiens de nos églises ! » dit mon voisin.
« Qu’est-ce que tu aurais fait dans la même situation ?
– Moi ? Mais je serais resté ! »
64
Et vous, cher lecteur ? En ce qui me concerne, je crains, quitte à vous
décevoir, de faire partie des peureux.
Pierre, quant lui, n’avait peur de rien. Il n’avait pas même peur de la mort.
Il savait que ses compagnons allaient abandonner Jésus dès que la fortune
aurait tourné contre lui, mais lui, Pierre, ne mangeait pas de ce pain-là.
Après avoir chanté les psaumes, ils se rendirent au mont des Oliviers. Alors Jésus leur
dit : « Vous trébucherez tous, cette nuit, à cause de moi, car il est écrit : Je frapperai le
berger et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, après ma résurrection, je vous
précéderai en Galilée. » Pierre prit la parole et lui dit : « Même si tous trébuchent à
cause de toi, ce ne sera jamais mon cas. » Jésus lui dit : « Je te le dis en vérité, cette nuit
même, avant que le coq chante, trois fois tu me renieras. » Pierre lui répondit : « Même
s’il me faut mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples dirent la même
chose.
Matthieu 26.30/35
Voilà un engagement pris à la légère.
Souvenons-nous de Jephthé et de son vœu funeste :
L’Esprit de l’Éternel reposa sur Jephthé. Il traversa Galaad et Manassé, puis il passa
à Mitspé de Galaad. De là, il marcha contre les Ammonites. Jephthé fit un vœu à
l’Éternel. Il dit : « Si tu livres les Ammonites entre mes mains, toute personne qui, à
mon heureux retour de chez les Ammonites, sortira de chez moi pour venir à ma
rencontre appartiendra à l’Éternel, et je l’offrirai en holocauste. »
Jephthé marcha contre les Ammonites et l’Éternel les livra entre ses mains. Il leur
infligea une très grande défaite, depuis Aroër jusque vers Minnith, espace qui comptait
20 villes, et jusqu’à Abel-Keramim. Les Ammonites furent humiliés devant les
Israélites.
Jephthé retourna chez lui à Mitspa. Et voici que sa fille sortit à sa rencontre avec des
tambourins et des danses. C’était son seul enfant : il n’avait pas de fils et pas d’autre
fille. Dès qu’il la vit, il déchira ses vêtements et dit : « Ah ! ma fille ! Tu me jettes
dans l’abattement, tu fais partie de ceux qui me troublent ! J’ai fait un vœu à l’Éternel
et je ne peux revenir en arrière. » Elle lui dit : « Mon père, si tu as fait un vœu à
l’Éternel, traite-moi conformément à tes paroles, maintenant que l’Éternel t’a vengé de
tes ennemis, des Ammonites. » Elle dit encore à son père : « Accorde-moi seulement
ceci : laisse-moi partir pendant deux mois ! Je m’en irai, je me rendrai dans les
montagnes et j’y pleurerai ma virginité avec mes compagnes. » Jephthé répondit :
« Vas-y ! » et il la laissa partir pour deux mois. Elle s’en alla avec ses compagnes et
pleura sa virginité sur les montagnes. Au bout des deux mois, elle revint vers son père
et il accomplit sur elle le vœu qu’il avait fait. Elle n’avait pas eu de relations avec un
homme. Il y eut depuis lors une prescription en Israël : tous les ans, quatre jours par
an, les filles d’Israël s’en vont célébrer la fille de Jephthé le Galaadite.
Juges 11.29/40
Le sage Salomon avait bien raison lorsqu’il recommandait de ne pas se
hâter d’ouvrir la bouche quand il s’agissait de prononcer un vœu, et de ne
pas agir comme les insensés. (Ecclésiaste 5.1/6)
N’était-il pas insensé, le vœu de ce groupe d’intégristes qui, selon Actes
23.12, « formèrent un complot et firent des imprécations contre eux-mêmes, en disant
qu’ils s’abstiendraient de manger et de boire jusqu’à ce qu’ils eussent tué Paul ? »
Imprécation contre eux-mêmes ! Voilà ce qu’on appelle aller acheter la
corde pour nous pendre ! Ils ont dit :
« Voilà, Seigneur, nous te demandons de nous faire mourir si nous
mangeons un grain de raisin avant d’avoir tué Paul. »
Ensuite, ils ont dû se dire les uns aux autres :
« Bon ! Dépêchons-nous de zigouiller cet hérétique ! C’est qu’on
commence à avoir faim ! »
Manque de chance pour eux : Paul ne s’est pas montré particulièrement
coopératif et ne s’est pas laissé tuer.
La Bible ne nous dit pas ce que sont devenus ces énergumènes. Ils ont,
bien entendu, gagné une page dans le « Guinness » en pulvérisant le
record du plus long jeûne de l’histoire, mais ont dû se résoudre à un triste
dilemme : ou bien recevoir la malédiction divine qu’ils ont eux-mêmes
appelée, ou bien mourir de faim.
Après tout, c’est bien fait pour eux !
Parler beaucoup, agir peu, c’est souvent présumer de ses capacités.
66
« Quand je serai grand, je serai cosmonaute ».
Présomption bien pardonnable quand on a dix ans.
« Ce monde est tordu, je vais le redresser ».
Là, je me reconnais quand j’avais quinze ans.
Mais peut-on accepter une telle manière de penser d’un chrétien adulte ?
« Moi je n’ai pas peur de la persécution. Si elle vient dans notre pays, je ne
renierai pas mon Dieu, même sous la torture. »
Je me place ainsi sur le podium, et je dépasse d’une tête la médaille
d’argent et la médaille de bronze.
Alors, je juge les autres, qui sont plus faibles. Et l’apôtre Paul me rappelle
à l’ordre :
Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber !
1 Corinthiens 10.12
Au cas où je n’aurais toujours pas compris, l’apôtre Jacques m’en remet
une couche :
Il accorde, au contraire, une grâce plus excellente ; c’est pourquoi l’Écriture dit : Dieu
résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles. Soumettez-vous donc à Dieu ;
résistez au diable, et il fuira loin de vous. Approchez-vous de Dieu, et il s’approchera
de vous. Nettoyez vos mains, pécheurs ; purifiez vos cœurs, hommes irrésolus. Sentez
votre misère ; soyez dans le deuil et dans les larmes ; que votre rire se change en deuil,
et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le Seigneur, et il vous élèvera. Ne parlez
point mal les uns des autres, frères. Celui qui parle mal d’un frère, ou qui juge son
frère, parle mal de la loi et juge la loi. Or, si tu juges la loi, tu n’es pas observateur de
la loi, mais tu en es juge.
Jacques 4.6/11
Ces paroles, prononcées à la légère, ont généralement de fâcheuses
conséquences.
Ne nous attardons pas sur le cas de Jephthé, que nous avons déjà
développé.
Attardons-nous plutôt sur celui de Pierre :
Jésus vient d’être appréhendé. Les disciples, qui n’ont rien pu faire avec
leurs pauvres moyens, pour s’opposer à son arrestation, se dispersent,
désemparés.
Bien que bénéficiant du climat méditerranéen, Jérusalem s’étend à plus de
mille mètres d’altitude, et les nuits y sont fraîches.
Pierre, qui commence à grelotter, aperçoit dans une cour un groupe de
quidams qui se réchauffe au pied d’un brasero. Il s’approche du feu et se
frotte les mains.
Remarquons au passage que, pour déstabiliser Pierre, Dieu aurait pu lui
envoyer le Député-Maire de Jérusalem, ou une équipe de soudards aux
muscles épais, mais c’est une petite jeune fille qui l’aborde avec un grand
sourire :
« J’ai l’impression de vous avoir déjà vu quelque part. Ah ! Ça y est, j’y
suis ! Vous étiez avec ce type, là, Jésus de Nazareth ! »
Pierre la regarde, surpris.
« Je la connais cette fille, elle travaille chez Caïphe. Je sens qu’elle va
m’attirer des ennuis. »
« Vous devez faire erreur, Mademoiselle. Je suis désolé, mais je n’ai jamais
entendu parler de cet homme-là. »
Et pour éviter les problèmes, il se dirige en catimini vers la sortie.
Une autre servante, moins discrète, le montre du doigt :
« Vous voyez ce gars ? Il était avec Jésus de Nazareth ! »
Pierre commence à s’énerver.
« Mais qu’est-ce que vous avez tous ? Je vous jure que je ne connais pas
cet homme ! »
Voilà que tout ce petit monde s’attroupe autour de Pierre. Pour une sortie
discrète, c’est réussi !
68
« Tu es de sa bande. Ne dis pas le contraire ! On t’a vu ! D’ailleurs, tu as
l’accent du nord. Tu es Galiléen comme lui.
– Ça ne prouve rien du tout ! Que Dieu me coupe en petits dés si j’ai
quelque chose à voir avec cet homme !
– Cocorico ! »
Le coq se met à chanter. Pierre se met à pleurer.
Cet incident nous est relaté en Matthieu 26.69/75.
Nous apprenons ensuite que Jésus n’est pas rancunier :
Lorsqu’ils eurent mangé, Jésus dit à Simon Pierre : « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu
plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que j’ai de l’amour pour
toi. » Jésus lui dit : « Nourris mes agneaux. »
Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jonas, m’aime-tu ? » Pierre lui répondit :
« Oui, Seigneur, tu sais que j’ai de l’amour pour toi. » Jésus lui dit : « Prends soin de
mes brebis. »
Il lui dit, la troisième fois : « Simon, fils de Jonas, as-tu de l’amour pour moi ? »
Pierre fut attristé de ce qu’il lui avait dit, la troisième fois : « As-tu de l’amour pour
moi ? » et il lui répondit : « Seigneur, tu sais tout, tu sais que j’ai de l’amour pour
toi. » Jésus lui dit : « Nourris mes brebis.
Jean 21.15/17
Fort heureusement pour lui, Pierre a su tirer des leçons de toutes ses
erreurs. Lorsque nous lisons le livre des Actes, nous le voyons tenir tête
aux autorités religieuses qui voudraient lui interdire de prêcher Christ.
Quand nous lisons ses deux épîtres, nous sommes éblouis de la sagesse
qu’il s’est acquise en vieillissant, et des progrès qu’il a accomplis dans la
connaissance de la pensée divine.
Et puis, cette promesse irréfléchie que Pierre a formulée dans un moment
d’exaltation : « Même s’il me faut mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Il l’a
finalement tenue, puisqu’il a préféré mourir crucifié tête en bas plutôt
qu’abjurer sa foi en Christ.
Les prédicateurs oublient souvent de le dire, mais Jésus lui-même lui rend
cet hommage :
En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta
ceinture et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu tendras les mains et
c’est un autre qui attachera ta ceinture et te conduira où tu ne voudras pas. »
Il dit cela pour indiquer par quelle mort Pierre révélerait la gloire de Dieu. Puis il lui
dit : « Suis-moi. »
Jean 21.18/19
Terminons par le cas de Marc (ou Jean-Marc), un jeune homme
courageux, mais pas téméraire.
Il était tard et toute la famille s’était couchée. Notre bébé Marc n’était pas
très bien et avait un peu de fièvre, mais il n’y avait pas de quoi nous
inquiéter. Demain, nous l’aurions emmené chez le médecin.
Dans la nuit, mon épouse Josiane s’est levée. Elle est allée voir Marc ; il
n’allait pas bien du tout et la fièvre avait monté. Elle s’est sentie poussée à
prier intensément pour lui. Au bout de quelques minutes, Marc a
expectoré un bon bol de cochonneries et s’est senti mieux. Ma femme
m’a rapporté l’incident le lendemain. Moi j’étais dans mon lit entre deux
sommeils et je ne m’étais aperçu de rien.
Je n’étais pas très fier de moi, et je me suis rappelé cet épisode de la
passion de Jésus :
Ils se rendirent ensuite dans un endroit appelé Gethsémané, et Jésus dit à ses disciples :
« Asseyez-vous ici pendant que je prierai. »
Il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il commença à être saisi de frayeur et
d’angoisse. Il leur dit : « Mon âme est triste à en mourir ; restez ici, éveillés. » Puis il
avança de quelques pas, se jeta contre terre et pria que, si cela était possible, cette heure
s’éloigne de lui. Il disait : « Abba, Père, tout t’est possible. Éloigne de moi cette coupe !
Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » Il vint vers les disciples, qu’il
trouva endormis, et il dit à Pierre : « Simon, tu dors ! Tu n’as pas pu rester éveillé une
seule heure ! Restez vigilants et priez pour ne pas céder à la tentation. L’esprit est bien
disposé, mais par nature l’homme est faible. » Il s’éloigna de nouveau et fit la même
70
prière. Il revint et les trouva encore endormis, car ils avaient les paupières lourdes. Ils
ne surent que lui répondre. Il revint pour la troisième fois et leur dit : « Vous dormez
maintenant et vous vous reposez ! C’est assez ! L’heure est venue ; voici que le Fils de
l’homme est livré entre les mains des pécheurs. Levez-vous, allons-y ! Celui qui me
trahit s’approche. »
Marc 14.32/42
Les disciples, tout comme moi, n’avaient pas saisi la gravité de la
situation, c’est pourquoi ils dormaient comme des loirs pendant que
Jésus, tout près d’eux, souffrait l’agonie. Il transpirait du sang, ce qui
médicalement, peut s’expliquer par une émotion très intense.
Mais lisons maintenant la suite du récit :
Il parlait encore quand soudain arriva Judas, l’un des douze, avec une foule armée
d’épées et de bâtons envoyée par les chefs des prêtres, par les spécialistes de la loi et par
les anciens. Celui qui le trahissait leur avait donné ce signe : « L’homme auquel je
donnerai un baiser, c’est lui. Arrêtez-le et emmenez-le sous bonne garde ! » Dès qu’il
fut arrivé, il s’approcha de Jésus en disant : « Maître ! » et il l’embrassa.
Alors ces gens mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. Un de ceux qui étaient là tira
l’épée, frappa le serviteur du grand-prêtre et lui emporta l’oreille. Jésus prit la parole et
leur dit : « Vous êtes venus vous emparer de moi avec des épées et des bâtons, comme
pour un brigand. J’étais tous les jours parmi vous, enseignant dans le temple, et vous ne
m’avez pas arrêté. Mais c’est afin que les Écritures soient accomplies. » Alors tous
l’abandonnèrent et prirent la fuite. Un jeune homme le suivait, habillé d’un simple
drap. On l’attrapa, mais il lâcha le drap et se sauva tout nu.
Marc 14.43/52
Voici maintenant les disciples face à une situation qu’ils ne peuvent
comprendre, encore moins maîtriser. C’est pourquoi Pierre, dont le bras
est, tout comme la langue, plus rapide que le cerveau, tire l’épée et mutile
un des sbires de Caïphe. C’est la meilleure façon, à vue humaine, de régler
le problème.
Ils sont tous impuissants devant ce désastre. Jésus, quant à lui, réagit
dignement. Bien qu’ayant le pouvoir, comme Élie, de faire tomber le feu
du ciel, il se rend sans résistance, afin que s’accomplisse l’Écriture.
Brusquement privés de leur meneur, les disciples se dispersent comme
une volée de perdrix entendant le feu du chasseur.
Dans sa fuite, Marc échappe de peu à l’arrestation. Il n’y parvient qu’en
abandonnant son vêtement dans les mains de celui qui croyait le saisir, et
s’enfuit tout nu.
Dans la Bible, la nudité est toujours associée à l’idée de misère,
d’impuissance et d’humiliation.
Le ministère apostolique de Marc commence plutôt mal.
Malgré cette déconvenue, Marc ne cessera pas de marcher avec le
Seigneur.
C’est dans sa maison familiale que Pierre, miraculeusement délivré de la
prison d’Hérode, trouvera refuge. (Actes 12.12)
Marc forma un trio missionnaire avec Paul (ou Saul) et Barnabas après la
mort d’Hérode, mangé tout cru par les asticots. (Actes 12.25)
Au chapitre 13, la mission prend un cours plus sérieux, puisque le SaintEsprit prend à part Paul et Barnabas pour un ministère particulier. Bien
qu’il n’ait pas reçu nominalement l’appel, Marc, qui bénéficie de la
confiance de ses compagnons, est engagé en tant qu’assistant.
(Actes 13.1/5)
Marc s’embarque donc à Séleucie, en voile vers Salamine, sur l’île de
Chypre.
À Paphos, il est témoin de la défaite du magicien Élymas et de la
conversion du proconsul Sergius Paulus. (Actes 13.6/12)
Cette expérience extraordinaire aurait dû fortifier notre jeune ami et
l’encourager à pousser plus loin l’aventure.
Je reconnais qu’en vieillissant, je suis devenu un peu pantouflard. Où est
le temps où je faisais le tour d’Autriche à bicyclette ?
Marc avait la jeunesse pour lui, mais pas tout le dynamisme :
« On va marcher encore loin comme ça ? »
72
Il se résigne néanmoins à poursuivre le voyage jusqu’en Pamphylie, mais
arrivé à Perge, il en a vraiment assez. Il décide de se séparer du groupe et
de rentrer chez mémé. (Actes 13.13)
Marc a sans doute raté l’occasion de s’engager dans un « grand »
ministère, c’est-à-dire un ministère dans lequel il se serait fait remarquer.
Mais si le livre des Actes ne dit plus rien de ses activités ; cela ne signifie
pas qu’il soit resté sans rien faire. Préférant être un bon lieutenant qu’un
mauvais capitaine, il a su se rendre utile dans le cadre de son église locale.
De retour en Terre-Sainte, Paul et Barnabas participent à la houleuse
conférence Jérusalem, puis décident bientôt de reprendre la route.
Barnabas suggère de prendre Marc avec eux.
« Ah ! Non ! Pas question de se trimballer ce boulet ! Il va nous lâcher au
premier caillou dans la chaussure. »
Paul avait définitivement collé sur son front l’étiquette de fainéant et de
bon à rien. Barnabas, au contraire, était d’avis que son expérience lui
aurait permis de murir et de réfléchir à l’importance de ses engagements.
Mais cette deuxième chance lui est refusée.
Voilà du même coup Paul fâché avec Barnabas. Les deux compagnons se
séparent. Paul poursuit son projet avec Silas, tandis que Marc et Barnabas
retournent à Chypre, où ils vont fortifier l’œuvre qui a été commencée.
(Actes 15.36/41)
À partir de ce moment, Marc et Barnabas ne sont plus nommés dans le
livre des Actes. Marc n’avait pas la vocation missionnaire, mais plutôt
celle d’ancien ou de pasteur. L’important est de demeurer fidèle dans
l’œuvre que Dieu nous a confiée.
Les années ont passé, Paul est devenu vieux, Marc aussi a vieilli. Parvenu
au terme de sa vie et de son ministère, Paul écrit à Timothée :
Tâche de me rejoindre au plus vite, car Démas m’a abandonné par amour pour le
monde présent et il est parti pour Thessalonique, tandis que Crescens est allé en
Galatie et Tite en Dalmatie. Luc seul est avec moi. Prends Marc et amène-le avec toi,
car il m’est utile pour le ministère.
2 Timothée 4.9/11
Nous ne savons pas pourquoi Crescens et Tite ont quitté l’apôtre Paul,
mais nous savons pourquoi Démas l’a abandonné : à la couronne d’or qui
lui était réservée, il a préféré la couronne de fer des vanités de ce monde.
Jean-Marc, durant toute sa vie, n’a cessé d’être fidèle. Le vieil apôtre
reconnaît en lui un ouvrier efficace et apprécié. Oubliant les différends du
passé, il l’appelle auprès de lui pour continuer à servir la cause de
l’Évangile.
Il nous arrive de contrarier les plans de Dieu à cause de notre
précipitation, ou parce que nous prenons nos désirs et nos lubies pour sa
volonté. Le maître, heureusement, connaît nos manières de penser et
d’agir, et sait les retourner pour notre bien et pour sa gloire.
Jacques et Jean voulaient être les plus grands, et finalement ils l’ont été,
mais non pas comme ils l’espéraient. Ils ignoraient que l’accès à la
grandeur devait passer par la case martyre.
Pierre, trop prompt à parler, trot sûr de sa force et de son courage, a dû
apprendre, par l’humiliation, à remporter des victoires en s’appuyant
uniquement sur le bras de Jésus.
Marc, le serviteur qui fuyait devant les difficultés a servi toute sa vie dans
un ministère obscur, mais glorieux.
Je me reconnais au travers de ces quatre disciples. Combien ma vie aurait
été plus facile si j’avais su discerner dès mes premiers pas le chemin que
Dieu m’avait tracé ! Que d’embûches, d’échecs, de désillusions m’auraient
été évitées ! Mais les erreurs, les mauvais choix, les fausses directions, tout
cela concourt finalement au bien de l’enfant de Dieu et lui permet de
trouver sa véritable place dans le service.
74
18. En mer avec de Paul
Pendant plusieurs jours nous avons navigué lentement, et ce n’est pas sans difficulté que
nous sommes parvenus à la hauteur de Cnide, où le vent ne nous a pas permis
d’aborder. Nous avons alors doublé le cap Salmoné pour passer au sud de la Crète.
Nous avons longé l’île avec peine et sommes arrivés à un endroit appelé Beaux-Ports
près de la ville de Lasée.
Un temps assez long s’était écoulé et la navigation devenait dangereuse, car l’époque
même du jeûne était déjà passée. C’est pourquoi Paul a donné cet avertissement :
« Mes amis, je vois que la navigation ne se fera pas sans dommages et qu’il y aura
beaucoup de pertes, non seulement pour la cargaison et pour le bateau, mais encore
pour nous-mêmes. » Mais l’officier se fiait plus au capitaine et au patron du bateau
qu’aux paroles de Paul. Comme le port n’était pas approprié pour hiverner, la plupart
ont été d’avis de le quitter pour essayer d’atteindre Phénix, un port de Crète orienté
vers le sud-ouest et le nord-ouest, afin d’y passer l’hiver. Un léger vent du sud s’est mis
à souffler et, se croyant maîtres de leur projet, ils ont levé l’ancre et ont longé de près
l’île de Crète.
Mais bientôt un vent violent, qu’on appelle Euraquilon, s’est déchaîné. Le bateau a été
entraîné sans pouvoir résister au vent et nous nous sommes laissé emporter à la dérive.
Alors que nous passions au sud d’une petite île appelée Cauda, nous avons eu
beaucoup de peine à nous rendre maîtres du canot de sauvetage. Après l’avoir hissé à
bord, ils ont utilisé les cordages de secours pour ceinturer le bateau. Dans la crainte
d’échouer sur la Syrte, ils ont abaissé les voiles, et c’est ainsi qu’ils se sont laissé
emporter par le vent. Comme nous étions violemment battus par la tempête, le
lendemain ils ont jeté la cargaison à la mer, et le troisième jour ils ont jeté de leurs
propres mains les agrès du bateau. Le soleil et les étoiles ne nous sont pas apparus
pendant plusieurs jours et la tempête a été si forte que, finalement, nous avions perdu
tout espoir d’être sauvés.
Actes 27.7/20
Voilà un voyage bien mouvementé, jalonné de désagréments, et que
l’apôtre Paul aurait bien pu éviter ! Après tout, il n’était pas obligé d’y
aller, à Rome. Essayons de résumer son histoire.
Souvenons-nous qu’au retour de son troisième voyage missionnaire, Paul
n’a pas été particulièrement bien accueilli par ses coreligionnaires. Tout
d’abord, ils n’appréciaient pas qu’il prêchât Jésus Christ comme le sauveur
attendu ; mais ce qu’ils n’aimaient pas du tout, c’est qu’il le prêche aux
Goïm, comme si Dieu aimait aussi ces gens-là !
Pour se défendre de leurs accusations, Paul est ballotté d’un représentant
à l’autre de l’autorité civile et religieuse. J’avoue qu’entre les Félix, les
Agrippas et les Festus, je m’y perds un peu. Toujours est-il qu’usant de
son droit, l’accusé en appelle à l’arbitrage de l’Empereur. Quel drôle
d’idée de choisir Néron comme juge, n’est-ce pas ?
D’autant plus que le roi, tout comme le gouverneur, se prononçait sur un
nom lieu. Inutile d’aller en Cour d’Appel.
Quand Paul eut dit cela, le roi, le gouverneur, Bérénice et ceux qui étaient assis avec
eux se levèrent et se retirèrent. Ils se disaient les uns aux autres : « Cet homme n’a rien
fait qui mérite la mort ou la prison. » Agrippa dit à Festus : « Cet homme aurait pu
être relâché s’il n’en avait pas appelé à l’empereur. »
Actes 26.30/32
Alors pourquoi Paul a-t-il tenu à en appeler à César ? Parce qu’il avait
confiance dans la sagesse et la justice de Néron ? Cela m’étonnerait !
Parce qu’il tenait aux honneurs que lui aurait valus la proximité de
l’Empereur ? Encore moins !
Non, Paul voulait simplement aller à Rome, et il y trouvait cette occasion
d’y aller gratis ; et s’il voulait aller à Rome, ce n’était pas pour visiter le
Colisée ni pour dire un petit Ave à Néron. Il voulait y aller pour apporter
la parole de Dieu dans la capitale.
76
Paul s’embarqua donc sur un bateau qui « devait » faire voile vers l’Asie
(la Turquie). Remarquez la pertinence du verbe « devait » (Actes 27.2).
Pour mieux comprendre notre étude, je vous invite à vous munir de la
carte du dernier voyage de Paul, qui se trouve généralement à la fin de
votre Bible.
Tout d’abord, le vaisseau suit un itinéraire logique : une première escale à
Sidon, une seconde à Myra où l’on prend la correspondance. Ensuite, le
navire longe la côte sud de la péninsule asiatique et s’apprête à aborder à
Cnide. La logique nous invite à penser que les marins allaient faire voile
vers l’isthme de Corinthe. Le canal n’avait pas encore été construit, mais
les navires pouvaient passer d’une rive à l’autre sur des rouleaux :
manœuvre pénible, mais qui permettait de gagner beaucoup de temps.
Une fois sortis du détroit, ils n’étaient plus qu’à quelques (longues)
encablures de la botte de l’Italie.
Curieusement, nous voyons la ligne fléchée, verte sur ma carte, décrire
une courbe vers le sud. Ensuite, elle longe le sud de la Crète, repart vers
le sud-ouest jusqu’à proximité de la Lybie, puis elle remonte vers le nord,
puis de nouveau vers l’ouest en nous donnant l’impression de naviguer
sur la Seine. Enfin, à partir de Malte, elle se dirige au plus court jusqu’à
Rome.
J’ai cessé d’accorder la moindre confiance à mon G.P.S. depuis qu’il m’a
fait passer par Le Puy pour aller d’Aurillac à Clermont-Ferrand. Les
marins de cette époque n’avaient pas de G.P.S. et ils se sont tout de
même perdus.
La vigie annonce le port de Cnide.
« Pas trop tôt ! » s’écrient les marins. Nous allons enfin nous reposer et
nous amuser un peu. Nous l’avons bien mérité.
En effet, la mer n’avait pas été très bonne, et la navigation pénible depuis
la Lycie.
Mais voilà qu’un vent du nord gonfle brusquement les voiles et repousse
l’embarcation vers le large. En ce temps-là, c’étaient les vents qui
décidaient de l’itinéraire, et Renaud aurait bien pu chanter : « C’est pas
l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme. »
Les marins reconnaissent enfin le cap Salmoné et, au prix de grands
efforts, parvinrent à longer la côte de la Crète et atteignent Beaux-Ports,
non sans peine. Et nous, nous sommes arrivés au verset 8 du chapitre 27.
Luc ne nous dit pas pour quelles raisons les marins se sont attardés à
Beaux-Ports, toujours est-il qu’ils y restèrent « un temps assez long » et
qu’ils commençaient à s’y ennuyer.
Le Yom Kippour est largement passé, l’hiver approchant, la navigation
devient dangereuse. Les marins envisagent, malgré tout, de reprendre la
mer.
Paul prend à part le centurion responsable des prisonniers :
« Mes amis, je vois que la navigation ne se fera pas sans dommages et qu’il y aura
beaucoup de pertes, non seulement pour la cargaison et pour le bateau, mais encore
pour nous-mêmes. » (verset 10)
Ce conseil n’est pas seulement donné en raison du bon sens et de la
sagesse, mais en raison de la révélation divine : le Saint-Esprit a montré à
Paul ce qui risquait d’arriver.
Le centurion transmet l’information au capitaine.
Non, mais, de quoi il se mêle, celui-là ? Je connais mon métier tout de
même !
Ils décidèrent donc de lever l’ancre et de mettre le cap sur Phénix,
Arizona. Non, pardon !
Phénix, aujourd’hui Loutro, ne totalise plus qu’une dizaine de maisons.
Il est vrai que naviguer en cette saison était dangereux, mais il ne faut pas
exagérer non plus. Phénix n’est pas très loin ; il suffit de longer la côte sur
une soixantaine de kilomètres. On ne risque pas grand-chose. Et puis,
Beaux-Port n’est pas un endroit approprié pour passer l’hiver. Allez ! Pas
d’hésitations ! On y va !
78
Les marins avaient tout intérêt à prendre ce risque. En effet, Beaux-Port
était un « trou ». Passer quelques mois d’hiver dans un tel endroit, c’était
la neurasthénie assurée. Phénix, au contraire était un port plus important.
On y trouvait plus de commerces, de tavernes, de lieux de distraction et
de plaisir.
De nos jours, les distractions et les plaisirs ne sont-ils pas les priorités qui
guident nos choix ? Lorsque j’attends mon tour à la caisse de mon centre
commercial préféré et que mes yeux tombent immanquablement sur la
couverture des « Télé-Magazine » exhibés au-dessus du tapis roulant pour
m’inciter à consommer cette incontournable littérature, je suis atterré de
constater à quel point nos contemporains se passionnent pour des
futilités alors que les questions existentielles les plongent dans
l’indifférence. Comment peut-on ouvrir son âme à la parole de l’Évangile,
ou plus vaguement, rechercher un sens pour sa vie alors que rien ne nous
intéresse, hormis « Colle en tas », « Secrète histoire » ou « Moins moche la
vie » !
Comment le bon grain de la vie peut-il croître sur une terre aussi aride ?
Et combien Jésus voit juste quand il raconte et explique à ses disciples, la
parabole du semeur !
Ses disciples lui demandèrent ce que signifiait cette parabole. Il répondit : « Il vous a
été donné, à vous, de connaître les mystères du royaume de Dieu ; mais pour les autres,
cela est dit en paraboles, afin qu’en voyant ils ne voient pas et qu’en entendant ils ne
comprennent pas. Voici ce que signifie cette parabole : la semence, c’est la parole de
Dieu. Ceux qui sont le long du chemin, ce sont ceux qui entendent ; puis le diable
vient et enlève la parole de leur cœur, de peur qu’ils ne croient et soient sauvés. Ceux
qui sont sur le sol pierreux, ce sont ceux qui, lorsqu’ils entendent la parole, l’acceptent
avec joie ; mais ils n’ont pas de racine, ils croient pour un temps et abandonnent au
moment de l’épreuve. Ce qui est tombé parmi les ronces, ce sont ceux qui ont entendu
la parole, mais en cours de route ils la laissent étouffer par les préoccupations, les
richesses et les plaisirs de la vie, et ils ne parviennent pas à maturité. Ce qui est tombé
dans la bonne terre, ce sont ceux qui ont entendu la parole avec un cœur honnête et
bon, la retiennent et portent du fruit avec persévérance.
Luc 8.9/15
« Les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie » étouffent la parole qui a
été semée en eux !
Nous trouvons dans l’histoire d’Abraham et de son neveu Lot l’exemple
d’un homme qui a pris une importante décision en fonction de son
intérêt personnel et des satisfactions immédiates :
Lot, qui voyageait avec Abram, avait aussi des brebis, des bœufs et des tentes. La
région ne suffisait pas pour qu’ils habitent ensemble. En effet, leurs biens étaient si
nombreux qu’ils ne pouvaient plus rester ensemble. Il y eut une dispute entre les bergers
des troupeaux d’Abram et les bergers des troupeaux de Lot. Les Cananéens et les
Phéréziens habitaient alors dans le pays. Abram dit à Lot : « Qu’il n’y ait donc pas
de dispute entre toi et moi, ni entre tes bergers et les miens, car nous sommes frères.
Tout le pays n’est-il pas devant toi ? Sépare-toi de moi. Si tu vas à gauche, j’irai à
droite, et si tu vas à droite, j’irai à gauche. » Lot leva les yeux et vit que toute la plaine
du Jourdain était entièrement arrosée. Avant que l’Éternel n’ait détruit Sodome et
Gomorrhe, c’était, jusqu’à Tsoar, comme un jardin de l’Éternel, comme l’Égypte. Lot
choisit pour lui toute la plaine du Jourdain et se mit en route vers l’est. C’est ainsi
qu’ils se séparèrent l’un de l’autre. Abram s’installa dans le pays de Canaan, tandis
que Lot s’installait dans les villes de la plaine et dressait ses tentes jusqu’à Sodome.
Les habitants de Sodome étaient mauvais et péchaient beaucoup contre l’Éternel.
Genèse 15.5/13
Les marins décident de lever l’ancre et de partir vers Phénix. D’autant
plus qu’il fait beau, le ciel est bleu, la mer aussi, un léger vent du sud
souffle, c’est justement ce qu’il leur faut pour naviguer confortablement,
ils se croient maîtres de leurs projets (vs 13), la traduction semeur 2000
nous donne un tableau plus réaliste : « Une légère brise du sud s’était
levée et ils voyaient déjà leur projet réalisé. »
Dans ces moments-là, on a l’impression que le monde est à nos pieds,
que tout ce que l’on entreprend nous réussit. L’occitan « benastruc » : né
sous une bonne étoile, a donné en français populaire le mot « veinard »,
rien à voir avec l’appareil circulatoire. Et puisque nous avons les étoiles
de notre côté, nous n’avons pas besoin de demander l’avis de Dieu,
encore moins sa protection.
80
À peine ont-ils perdu le port des yeux qu’un vent qu’ils n’ont pas invité
dévale des hauteurs de l’île et se met soudain à gonfler leurs voiles :
l’Euraquilon, un vent aussi violent qu’inattendu.
Que l’Euraquilon se mette à souffler sur nos vies, et nous devenons des
« malastrucs » : des malotrus.
Tous les projets que nous voyions déjà se réaliser tombent à l’eau. C’est
bien le cas de le dire !
Quand il avait dix ans, mon père rêvait de devenir aviateur. Il en avait
peut-être les capacités, mais il a dû terminer ses études à la sixième. Quel
Euraquilon avait soufflé sur sa vie ? La Seconde Guerre mondiale. À
cause de cette tempête, sa carrière aéronautique s’est limitée à construire
et faire voler des modèles réduits en balsa.
Un incendie, un décès, un accident que nul ne peut prévoir, et toute une
vie est engloutie dans la tourmente.
C’est ce qui est arrivé à Moïse, enfant trouvé destiné à mener une vie de
prince, bien qu’il ait eu sa part de responsabilité dans l’accident.
Quand il eut grandi, elle l’amena à la fille du pharaon et il fut un fils pour elle. Elle
l’appela Moïse, « car, dit-elle, je l’ai retiré de l’eau. »
Une fois devenu grand, Moïse sortit vers ses frères et vit leurs pénibles travaux. Il vit
un Égyptien frapper un Hébreu, un de ses frères. Il regarda de tous côtés, vit qu’il n’y
avait personne et tua l’Égyptien qu’il cacha dans le sable. Quand il sortit le jour
suivant, il vit deux Hébreux se battre. Il dit à celui qui avait tort : « Pourquoi
frappes-tu ton prochain ? » Cet homme répondit alors : « Qui t’a établi chef et juge sur
nous ? Est-ce pour me tuer que tu me parles, tout comme tu as tué l’Égyptien ? »
Moïse eut peur et se dit : « L’affaire est certainement connue. » Le pharaon apprit ce
qui s’était passé et il chercha à faire mourir Moïse, mais Moïse s’enfuit loin de lui et
s’installa dans le pays de Madian. Il s’arrêta près d’un puits.
Exode 2.10/15
Que de temps perdu pour un coup de poing !
Temps perdu ? Peut-être pas.
L’Éternel aurait très bien pu appeler Moïse et le former au ministère à la
cour de Pharaon, mais il était nettement préférable qu’il rencontre Dieu,
loin de cette cour bruyante et futile qui l’aurait empêché d’entendre sa
voix, loin de ces fastes rutilants qui l’auraient empêché de voir le buisson
brûler au désert.
Mais reprenons notre voyage.
Le navire fut entraîné par cet Euraquilon et le capitaine, ne pouvant
dominer les vents, n’a pas d’autre choix que de laisser son bateau dériver.
On verra bien où cela nous conduira. (vs 15)
Ayant abandonné l’espoir d’accoster à Clauda, ou Cauda, les marins se
laissent porter en pleine mer. C’est à ce moment qu’ils comprennent
l’importance du péril et commencent à parler de naufrage.
C’est la conclusion la plus terrible et la plus irréversible. Quand le bateau
a fait naufrage, il ne reste plus de solution. S’il y a une chose que nous
devons à tout prix éviter dans nos vies, c’est le naufrage.
Il peut arriver aussi que notre vie d’enfant de Dieu se solde par un
naufrage. C’est ce qui est arrivé à Hyménée et Alexandre.
Timothée, mon enfant, voici l’instruction que je t’adresse, conformément aux prophéties
faites précédemment à ton sujet : t’appuyant sur elles, combats le bon combat en
gardant la foi et une bonne conscience. Cette conscience, quelques-uns l’ont rejetée, et ils
ont fait naufrage par rapport à la foi. C’est le cas d’Hyménée et d’Alexandre, que j’ai
livrés à Satan afin qu’ils apprennent à ne plus blasphémer.
1 Timothée 1.18/20
L’expression « livrer à Satan » ne signifie pas que l’apôtre avait le pouvoir
d’envoyer les gens en enfer, mais simplement qu’il les a virés de l’église.
Comment ces deux hommes ont-ils fait naufrage, et de quelle manière
ont-ils blasphémé ? Paul préfère nous épargner des détails peu édifiants.
Il ne s’agit pas ici de chrétiens qui traversent des crises spirituelles plus ou
moins graves et qui en arrivent à préférer l’ambiance du monde à celle de
l’église. Pour ceux-là, il reste une chance d’échapper au naufrage.
82
Hyménée et Alexandre en sont venus à un point de non-retour en reniant
définitivement Jésus-Christ.
Et pourtant, ils avaient mouillé au port du salut. Ils avaient levé l’ancre
par une belle journée ensoleillée. Un vent suave poussait tranquillement
leur embarcation sur la mer de la grâce. Ils jetaient les filets dans l’eau en
soupirant de bonheur : « Quelle chance nous avons d’être porté par la
“pneuma” : le vent du Saint-Esprit ».
Soudain, l’Euraquilon s’est précipité sur eux : un vent nommé « amour de
l’argent », « amour des femmes », ou « amour des honneurs », à moins que
ce ne soit le vent nommé « orgueil spirituel », « mysticisme », « hérésie »,
ou « déviation sectaire ». Quand ce vent s’est mis à souffler, Alexandre et
Hyménée n’ont pas su manœuvrer leurs voiles de façon à éviter le
désastre, et ils ont péri dans les flots impétueux de la perdition.
Lorsqu’ils réalisent la gravité du danger, les marins vont exercer trois
tentatives pour s’en sortir :
D’abord, aux versets 16 et 17, ils vont essayer, en pure perte, de mettre
une chaloupe en mer. Ils ont alors ceinturé le navire avec des cordages,
pour éviter que la coque éclate sous la pression des vagues. Craignant
d’aller s’échouer sur la Syrte (la côte libyenne), ils abaissent les voiles. Une
autre traduction dit : ils jettent l’ancre flottante. C’est une sorte de grande
palette qu’ils traînent derrière le bateau et qui permet de le stabiliser par
rapport au vent.
Toutes ces tentatives nous rappellent la vanité de nos efforts pour
redresser une situation désespérée. C’est comme si une dizaine de
pompiers essayaient de maîtriser ces incendies qui, chaque été, ravagent la
Côte d’Azur en faisant la chaîne avec des seaux.
Mais, le deuxième jour, la tempête redouble de violence et toutes ces
précautions ne suffisent pas. Les marins balancent, balle après balle,
tonne après tonne, toutes les marchandises qu’ils comptaient vendre à
Rome et qui constituaient la principale raison de leur voyage. (vs 18)
Là, ça devient grave !
La cargaison représente toute leur richesse, mais elle alourdit
dangereusement le navire. Ils ont dû longtemps hésiter, tergiverser et
discutailler avant d’en venir à cette décision. Mais ils n’avaient pas le
choix : c’est ça ou la tasse. Mieux vaut sombrer dans la ruine que dans la
Méditerranée.
Il faut parfois des malheurs dans nos vies pour comprendre que nos
richesses et notre confort matériel ne nous apportent qu’une illusion de
bonheur.
Du milieu de la foule, quelqu’un dit à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager
notre héritage avec moi. » Jésus lui répondit : « Qui m’a établi pour être votre juge ou
pour faire vos partages ? » Puis il leur dit : « Gardez-vous avec soin de toute soif de
posséder, car la vie d’un homme ne dépend pas de ses biens, même s’il est dans
l’abondance. » Il leur dit cette parabole : « Les terres d’un homme riche avaient
beaucoup rapporté. Il raisonnait en lui-même, disant : “Que vais-je faire ? En effet, je
n’ai pas de place pour rentrer ma récolte. Voici ce que je vais faire, se dit-il : j’abattrai
mes greniers, j’en construirai de plus grands, j’y amasserai toute ma récolte et tous mes
biens, et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour de
nombreuses années ; repose-toi, mange, bois et réjouis-toi.” Mais Dieu lui dit :
“Homme dépourvu de bon sens ! Cette nuit même, ton âme te sera redemandée, et ce
que tu as préparé, pour qui cela sera-t-il ?” Voilà quelle est la situation de celui qui
amasse des trésors pour lui-même et qui n’est pas riche pour Dieu. »
Jésus dit ensuite à ses disciples : « C’est pourquoi je vous le dis : ne vous inquiétez pas
pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de ce dont vous serez
habillés. La vie est plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement. Observez les
corbeaux : ils ne sèment pas et ne moissonnent pas, ils n’ont ni cave ni grenier, et Dieu
les nourrit. Vous valez beaucoup plus que les oiseaux ! Qui de vous peut, par ses
inquiétudes, ajouter un instant à la durée de sa vie ? Si donc vous ne pouvez rien faire,
même pour si peu, pourquoi vous inquiétez-vous du reste ? Observez comment poussent
les plus belles fleurs : elles ne travaillent pas et ne tissent pas ; cependant je vous dis
que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas eu d’aussi belles tenues que l’une
d’elles. Si Dieu habille ainsi l’herbe qui est aujourd’hui dans les champs et qui demain
sera jetée au feu, il le fera d’autant plus volontiers pour vous, gens de peu de foi ! Et
vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez et ne soyez pas
84
inquiets. En effet, tout cela, ce sont les membres des autres peuples du monde qui le
recherchent. Votre Père sait que vous en avez besoin. Recherchez plutôt le royaume de
Dieu et tout cela vous sera donné en plus. N’aie pas peur, petit troupeau, car votre
Père a trouvé bon de vous donner le royaume.
Luc 12.13/32
Quelqu’un a récemment réalisé un film sur les derniers jours de Pompéi.
Il ne s’agissait pas d’un péplum, comme je l’ai d’abord cru en voyant le
titre, mais d’un documentaire. Des chercheurs ont pu, d’après les fouilles,
traduire l’activité et l’attitude de victimes de ce désastre soudain. Parmi
elles, un serviteur qui aurait pu sauver sa vie s’il n’avait pas profité de la
confusion pour fouiller dans le coffre fort de son maître.
Parlons aussi d’un naufrage qui nous pend au nez si nous préférons les
richesses d’en bas à celles d’en haut. Manquer l’enlèvement.
Et revenons à Lot.
Nous nous souvenons de son choix malencontreux, motivé par sa
recherche de richesse et de confort. Nous savons aussi qu’il avait pris ses
aises dans cette ville corrompue, et qu’il comptait parmi les notables. Mais
Lot, bien qu’il ne fût pas le héros le plus spirituel de la Bible, a compris le
message de Dieu. Il fut le seul à décider de sauver sa vie, et celle de sa
famille au prix de l’abandon de ce qu’il aimait le plus : richesse, confort,
honneurs.
Ce sera comme à l’époque de Lot : les hommes mangeaient, buvaient, achetaient,
vendaient, plantaient, construisaient, mais le jour où Lot est sorti de Sodome, une pluie
de feu et de soufre est tombée du ciel et les a tous fait mourir. Il en ira de même le jour
où le Fils de l’homme apparaîtra.
Ce jour-là, que celui qui sera sur le toit et qui aura ses affaires dans la maison ne
descende pas pour les prendre et que celui qui sera dans les champs ne retourne pas non
plus en arrière. Souvenez-vous de la femme de Lot. Celui qui cherchera à sauver sa vie
la perdra, et celui qui la perdra la conservera.
Luc 17.28/33
Il est parfois difficile de faire le bon choix quand il s’agit de nos intérêts
matériels, il l’est plus encore lorsque nos sentiments sont de la partie.
Un de mes cousins, que la vie n’avait pas favorisé, commençait à venir à
l’église et, ce qui est le plus important, à s’approcher du Seigneur. Toute la
famille se réjouissait en voyant qu’il avait enfin trouvé la paix pour son
cœur et le repos pour son âme.
Malheureusement, alors qu’il envisageait de prendre les eaux du baptême,
il a fait la connaissance d’une jeune femme engagée dans l’occultisme qui
l’a rapidement détourné de sa foi naissante. Il a terminé sa course
asphyxiée dans son garage, et je crains fort que mon infortuné cousin ne
soit pas sauvé.
Le troisième jour, la tempête ne s’est toujours pas apaisée (vs 19).
L’équipage prend une décision encore plus désespérée : ils jettent pardessus bord les agrès du navire. Ils se débarrassent d’accessoires
indispensables à la navigation.
« De toute façon, au point où nous en sommes, nous n’en avons plus
besoin. »
Il est tragique d’être privé de ses richesses quand on s’y est habitué, mais
être privé de l’indispensable, du minimum vital…
C’est pourtant ce qui est arrivé à Job, qu’on aurait aujourd’hui qualifié de
milliardaire et qui, en un seul jour, se retrouve, au sens premier du terme,
sur la paille. Il a perdu ses richesses, son toit, ses enfants. Il est frappé
d’une terrible maladie : l’éléphantiasis, selon les spécialistes.
Le pire pour lui sera encore d’entendre sa femme qu’il aimait renier sa foi
et lui dire « Maudis ton Dieu, et meurs ! »
Mais ce qui est merveilleux, alors que nous sommes souvent prêts à
lâcher la main de Jésus à la moindre contrariété (« Eh bien puisque c’est
comme ça ! »), Job persévère dans sa fidélité :
C’est nu que je suis sorti du ventre de ma mère, et c’est nu que je repartirai. L’Éternel
a donné et l’Éternel a repris. Que le nom de l’Éternel soit béni !
Job 1.21
Plusieurs jours ont passé (vs 20/21), la tempête n’est toujours pas calmée,
on ne sait même pas où l’on est, car la boussole, inventée depuis
86
longtemps par les Chinois, n’est pas encore parvenue dans le monde
romain et sans un ciel étoilé, il est impossible de se diriger. En plus, ils
n’ont rien à manger, car ils ont depuis longtemps fait bouillir le dernier
sac de fayots. C’est vraiment la fin des haricots.
Dieu est souvent contraint d’attendre la dernière extrémité pour parler
aux hommes, car tant qu’il reste une goutte de jus dans le citron de leur
vie, ils ne sont pas disposés à l’écouter.
Paul, qui jusqu’à ce moment avait passé pour un nigaud, va enfin pouvoir
s’exprimer :
« Mes amis, il aurait fallu m’écouter et ne pas quitter la Crète, afin d’éviter ces
dommages et ces pertes. » (vs 21)
C’est vrai, ils auraient dû écouter l’homme de Dieu. Jésus nous répète
souvent : « vous devriez écouter mes paroles ». Sa parole commence par
un malheureux constat :
« Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. »
Romains 3.23
Tous les hommes, sans exception, ont mené leur vie comme si Dieu
n’existait pas. C’est tout simplement cela, le péché. Faut-il s’étonner
qu’une vie menée sans jamais écouter sa voix se termine toujours par un
naufrage ?
Mais cet avertissement : « Vous auriez dû m’écouter », se poursuit par une
parole d’espérance : « Prenez courage. »
Et Paul développe la vision qu’il a reçue du Seigneur : « Il est dans la
volonté de Dieu que je parvienne vivant devant l’Empereur, le bateau ne
coulera donc pas, et vous ne mourrez pas non plus. Dieu nous sauvera de
ce naufrage.
En effet, si notre état de péché est une mauvaise nouvelle, elle est assortie
d’une bonne : Jésus nous aime, tout pécheurs que nous sommes, et bien
que le naufrage produit dans nos vies par le péché devrait nous conduire
à la mort, il désire que nous vivions. Le mot salut prend ici toute sa
puissance. Il veut nous sauver de la perdition en mer, mais aussi et
surtout de la perdition éternelle.
Aussi vrai que je suis vivant, déclare le Seigneur, l’Éternel, je ne prends pas plaisir à
voir le méchant mourir, mais à le voir changer de conduite et vivre. Renoncez, renoncez
à votre mauvaise conduite ! Pourquoi devriez-vous mourir, communauté d’Israël ?
Ézéchiel 33.11
Si le navire de notre vie fit naufrage, n’hésitons pas à lancer un SOS
(sauve mon âme) à Jésus. Son secours ne nous parviendra pas trop tard.
Fais appel à moi quand tu es dans la détresse : je te délivrerai, et tu m’honoreras.
Psaume 50.15
Ou si vous préférez la vieille version Segond :
Et invoque-moi au jour de la détresse ; je te délivrerai, et tu me glorifieras.
Je te délivrerai : ta vie sera sauvée du naufrage et ton âme sera guidée
jusqu’au port de la vie éternelle, car, si tous ont péché et sont privés de la gloire
de Dieu, ils sont gratuitement déclarés justes par sa grâce, par le moyen de la libération
qui se trouve en Jésus-Christ. C’est lui que Dieu a destiné à être par son sang une
victime expiatoire pour ceux qui croiraient. Il démontre ainsi sa justice, puisqu’il avait
laissé impunis les péchés commis auparavant, à l’époque de sa patience. Il la démontre
dans le temps présent de manière à être juste tout en déclarant juste celui qui a la foi en
Jésus.
Romains 3.24/26
La fin du chapitre 27 nous raconte dans les détails la façon dont les vents
ont poussé le navire vers l’île de Malte. Il me paraît impossible que ce
vaisseau, délesté de ses agrès et perdu dans l’immensité de la
Méditerranée ait pu prendre pied sur une île aussi petite. C’est le miracle
de la direction divine.
Le bateau était brisé, la cargaison perdue, mais aucun des ces Robinson
n’avait perdu la vie.
C’est le principal.
Ils sont sauvés, mais ils n’ont plus rien.
88
C’est ce qui arrive quand Jésus nous sauve du naufrage du péché.
Nous arrivons indemnes sur l’île de la croix, mais nous avons tout perdu :
tout ce qui fait notre richesse, tout ce qui fait notre force, tout ce qui fait
notre fierté. Nous avons tout perdu de notre vie ancienne, nous sommes
morts à nous-mêmes, mais nous pénétrons dans cette vie nouvelle, sans
rien regretter de ce que nous avons laissé derrière nous. Combien il est
vrai ce chant bien connu !
Tu peux naître de nouveau,
Tu peux tout recommencer
Balayer ta vie passée
Et repartir à zéro,
Et repartir à zéro
Avec Jésus pour berger.
En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître de nouveau, personne ne peut voir le
royaume de Dieu.
Jean 3.3
Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont
passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. Et tout cela vient de Dieu qui
nous a réconciliés avec lui par Jésus-Christ et qui nous a donné le ministère de la
réconciliation.
2 Corinthiens 5.17/18
19. Pierre apprend à marcher
Aussitôt après, il obligea les disciples à monter dans la barque et à passer avant lui de
l’autre côté, pendant qu’il renverrait la foule. Quand il l’eut renvoyée, il monta sur la
montagne, pour prier à l’écart ; et, comme le soir était venu, il était là seul. La barque,
déjà au milieu de la mer, était battue par les flots ; car le vent était contraire. À la
quatrième veille de la nuit, Jésus alla vers eux, marchant sur la mer. Quand les
disciples le virent marcher sur la mer, ils furent troublés, et dirent : C’est un fantôme !
Et, dans leur frayeur, ils poussèrent des cris. Jésus leur dit aussitôt : Rassurez-vous,
c’est moi ; n’ayez pas peur ! Pierre lui répondit : Seigneur, si c’est toi, ordonne que
j’aille vers toi sur les eaux. Et il dit : Viens ! Pierre sortit de la barque, et marcha sur
les eaux, pour aller vers Jésus. Mais, voyant que le vent était fort, il eut peur ; et,
comme il commençait à enfoncer, il s’écria : Seigneur, sauve-moi ! Aussitôt Jésus étendit
la main, le saisit, et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? Et ils
montèrent dans la barque, et le vent cessa. Ceux qui étaient dans la barque vinrent
adorer Jésus, et dirent : Tu es véritablement le Fils de Dieu.
Matthieu 14.22/33
C’était une journée bien chargée pour Jésus. Ce soir même, il avait nourri
cinq mille familles avec seulement cinq pains et deux poissons. Après cet
exploit, le Seigneur aurait été en droit de revendiquer quelques heures de
sommeil et la remise au lendemain de la suite de son programme.
Pourtant notre texte nous renseigne sur ses activités immédiates : Pas
question d’aller dormir, et nous ne comprenons que mieux le sens de ses
paroles :
Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de
l’homme n’a pas un lieu où il puisse reposer sa tête.
90
Luc 9.58
Un rassemblement s’achève. Les assistants se séparent, Jésus renvoie la
foule et prend le temps de saluer les uns et les autres. Pour ne pas
prendre trop de retard, il donne des consignes à ses disciples.
« Ne m’attendez pas, prenez une barque et partez maintenant pour
Génésareth, de l’autre côté du lac. Je vous rejoindrai plus tard. Je vous
rappelle que nous y sommes attendus demain matin pour une mission de
guérison. »
Ainsi, Jésus se sépare de ses apôtres. Il les laisse agir seuls, mais ne les
oublie pas. Une fois libéré de ses obligations relationnelles, il se met en
chemin, non pour rejoindre directement ses compagnons, mais pour prier
à l’écart, sur une montagne, en tête à tête avec son Père.
Il fait nuit, et le Seigneur, tout en priant, peut apercevoir de son
promontoire les feux des habitations qui dessinent le contour du lac de
Tibériade. Il aperçoit aussi, au milieu de l’immensité obscure, un
minuscule point de lumière. C’est la barque des disciples.
J’habitais autrefois la Vallée de Montmorency, une vallée sans rivière.
Lorsque j’avais terminé ma journée de travail, je ne rentrais pas
directement chez moi, mais je montais à Argenteuil, au sommet de la
butte d’Orgemont. De là-haut, ma vue contemplait toute la vallée et je
commençais à prier pour les villes qui s’étendaient à mes pieds : Ermont,
Eaubonne, Franconville, Soisy, Sannois, Le Plessis-Bouchard, SaintLeu… Les collines et les montagnes sont de bons lieux pour prier. De
même, Jésus intercédait pour ces villes et villages éclairés dans la nuit :
Magdala, Capernaüm, Tibériade, Bethsaïda… Il priait aussi pour cette
petite barque au milieu de la mer de Galilée, et surtout pour ses
occupants craintifs.
C’est la quatrième veille de la nuit, environ trois heures du matin. Le vent
se lève, Jésus se met en marche.
Sur les flots, la traversée a perdu son caractère de promenade nocturne et
romantique. Les vagues frappent de plus en plus rudement la coque, le
bateau roule et tangue, il n’est plus possible de s’y tenir debout sans
s’accrocher à un cordage. La barque est battue par les flots. Les vents
sont contraires.
Je regardais un jour une émission dans laquelle un marin expliquait à des
enfants le fonctionnement d’un voilier : en manœuvrant les voiles, on
peut diriger le bateau dans toutes les directions, quelle que soit celle du
vent. Il existe une seule exception : si la direction du vent est exactement
opposée à celle que doit prendre le navire.
« Que fait-on dans cette situation ? » Demande le marin.
« On attend que le vent ait changé de direction, » répond un petit garçon.
« C’est une possibilité, » répond le marin, « Mais cela peut demander
beaucoup de temps. La meilleure solution est de maintenir le bon cap en
naviguant vers bâbord, puis vers tribord. Cela s’appelle louvoyer. »
Louvoyer.
Notre vie n’est-elle pas une suite de louvoiements, souvent pénibles ? Les
difficultés soufflent sur notre barque comme des vents contraires. La vie
tangue à droite, la vie tangue à gauche.
Si notre vie ressemble à une barque fragile, la mer nous rappelle ce
monde dans lequel nous vivons : quelquefois tranquille, si souvent agité.
Ce vent qui agite les flots et soulève les vagues n’est-il pas une belle image
de nos passions, de notre méchanceté, de notre péché, qui est un refus de
connaître Dieu ?
Un grand navire était un jour secoué par une violente tempête. Les
passagers avaient été invités à se rassembler sur le pont, munis de gilets
de sauvetage. Ce n’est pas bon signe. Les voyageurs avaient peur.
L’équipage, pourtant aguerri aux dangers de la mer, n’en menait pas large
non plus. Seule une petite fille continuait à jouer, sans crainte ni soucis.
« Et toi, ma petite, tu n’as pas peur ?
– Nous ne pouvons pas faire naufrage : le capitaine, c’est mon papa ! »
92
Avons-nous un capitaine pour diriger le navire de nos vies ? Celui-ci est-il
assez habile pour nous garder du naufrage lorsque le vent du péché
déchire les voiles et que l’océan du monde se déchaîne ?
Les disciples avaient un capitaine, un maître qui savait comment les tirer
de leurs difficultés.
Jésus ne savait certainement pas manœuvrer les cordages et les voiles. Ce
n’était pas un marin, mais il savait faire taire le vent et apaiser les vagues.
Les disciples ont déjà vécu les périls de la navigation. Tous étaient alors
effrayés de ce que leur barque était prête à chavirer. Jésus voyageait avec
eux, mais il n’avait cure de leur problème : il dormait. Lisons cette
aventure dans l’Évangile de Marc :
Ce même jour, sur le soir, Jésus leur dit : Passons sur l’autre bord. Après avoir
renvoyé la foule, ils l’emmenèrent dans la barque où il se trouvait ; il y avait aussi
d’autres barques avec lui. Il s’éleva un grand tourbillon, et les flots se jetaient dans la
barque, au point qu’elle se remplissait déjà. Et lui, il dormait à la poupe sur le
coussin. Ils le réveillèrent, et lui dirent : Maître, ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous
périssons ? S’étant réveillé, il menaça le vent, et dit à la mer : Silence ! tais-toi ! Et le
vent cessa, et il y eut un grand calme. Puis il leur dit : Pourquoi avez-vous si peur ?
Comment n’avez-vous point de foi ? Ils furent saisis d’une grande frayeur, et ils se
dirent les uns aux autres : Quel est donc celui-ci, à qui obéissent même le vent et la
mer ?
Marc 4.35/41
Comme ils auraient été rassurés si Jésus avait été ici, avec eux ! Il aurait
résolu le problème en deux secondes. Mais il était absent.
« Est-ce qu’il pense seulement à nous ? » se disaient certains.
Avez-vous un capitaine pour vous diriger quand votre vie tourne au
naufrage ?
Il se peut que vous n’en ayez pas besoin. Ce sont les gens faibles et
pusillanimes, ou bien les simples d’esprit qui ont besoin de s’accrocher à
une religion.
« Je suis mon propre capitaine et je manie mon gouvernail comme je
veux.
– Et quand tout va mal ?
– Je prends des tranquillisants. »
Séjournant en Suisse, durant l’été 1982, je n’ai pas manqué de visiter
Lucerne ni de voir le célèbre lac des Quatre Cantons, cette longue bande
d’eau verte encastrée dans les montagnes abruptes. Ce lac renferme une
histoire que les Suisses connaissent bien : Guillaume Tell était tombé
entre les mains de ses ennemis qui devaient le conduire à Lucerne pour
être jugé, et probablement pendu. Le lac était le moyen le plus rapide se
s’y rendre. Guillaume Tell fut donc mené lié dans une barque. Le vent
s’est levé, amplifié par les montagnes. La barque était battue par les flots
et allait sombrer. Guillaume Tell était le seul capable de la diriger dans
cette situation. Ses convoyeurs prirent le risque de le délier. Il mena le
canot vers la rive, sauta sur un rocher et repoussa l’embarcation vers le
large.
Et si notre capitaine nous traitait ainsi ?
Vous m’avez méprisé quand la mer était calme, maintenant débrouillezvous sans moi.
Jésus est loin des yeux, il est proche du cœur.
Il intercède pour ses disciples.
Il intercède pour ses amis.
Il intercède aussi pour ses ennemis.
Il pardonne à ceux qui l’ont crucifié.
Jésus s’approche. Il descend de la montagne.
Jésus s’approche. Il est parvenu à la rive.
Il ne trouve pas de bateau pour rejoindre ses amis. Qu’importe ; Jésus
s’approche.
Quel est ce prodige ? Jésus pose son pied sur l’eau. À cet endroit précis, la
vague s’apaise. Il pose l’autre pied sur l’eau. Son corps ne s’enfonce pas.
94
Il s’avance sur la mer. Devant ses pieds, l’eau noire forme une allée. Il
s’avance. Il s’avance plus loin.
« Regardez là-bas ! » dit Barthélemy. « Qu’est-ce que c’est que ça ? »
s’écrie Jacques.
Le vêtement blanc du Seigneur se détache dans la nuit comme une
silhouette aux contours imprécis.
« C’est un fantôme ! » crie Marc, des trémolos dans la voix.
Tous hurlent de terreur :
« Nous sommes perdus ! Il vient nous emmener dans l’Empire des
profon-deurs. »
Jésus entend leur frayeur et s’empresse de calmer leurs craintes.
« Rassurez-vous, c’est moi ; n’ayez pas peur ! »
N’avez-vous pas remarqué quelque chose d’absurde dans ce récit ?
Pour ma part, je m’étonne que les disciples de Jésus aient peur des
fantômes, d’abord parce que ce sont des disciples de Jésus, mais surtout
parce qu’ils sont juifs.
Les juifs ne craignent pas les fantômes. La Torah, leur livre saint,
enseigne clairement que les morts vont dans le « Shéol », et qu’ils n’ont
aucune possibilité d’en sortir.
En revanche, les Romains en avaient une peur bleue. Outre la foultitude
de dieux qu’ils devaient servir, il leur fallait honorer les ancêtres. S’ils
venaient à négliger leur dévotion domestique, le grand-père aurait pu
revenir en pleine nuit leur tirer les doigts de pieds.
Bien qu’élevés dans une foi israélite irréprochable, les disciples du
Seigneur s’étaient laissés influencer par les croyances de l’envahisseur
romain. Ils étaient devenus superstitieux.
Le chrétien superstitieux ne fait plus confiance à Dieu, il fait confiance à
ses saintes amulettes. Les chrétiens protestants évangéliques le sont
parfois aussi. Ils attribuent alors au diable plus de pouvoir qu’il n’en
possède. C’est ainsi qu’en 1983, des traités chrétiens ont été mis en
circulation pour nous avertir que l’alignement des planètes allait
provoquer un cataclysme mondial. Cette année-là, les marées ont eu un
fort coefficient, mais la fin du monde annoncée n’a pas eu lieu.
C’est ainsi que le 6 juin 2006, certains chrétiens ont organisé un
mouvement de prière universel parce que ce jour (6-6-06) était pour eux
celui de Satan.
Ne laissons pas la superstition, si spirituelle qu’elle puisse paraître, nous
détourner de notre espérance en Jésus.
Laissons plutôt Jésus s’approcher de nous, ayons confiance.
Pierre n’est toujours pas très rassuré. Il a reconnu la voix du maître, et
pourtant…
« Est-ce bien toi, seigneur ?
– C’est moi.
– Bien sûr ?
– C’est bien moi.
– Si c’est toi, ordonne que je te rejoigne en marchant sur l’eau.
– Viens ! »
Il lui fallait du courage et de l’audace, mais Pierre est un homme
d’initiative, nous ne pouvons lui renier ce mérite.
Il avait bien compris l’enseignement de son maître. Quand on appartient
au Christ, tout devient possible.
Et le Seigneur dit : Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à ce
sycomore : Déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait.
Luc 17.6
« Qu’est-ce qui m’a pris de lui dire ça ? » fut certainement la pensée de
Pierre à ce moment précis.
« Enfin, allons-y ! »
96
Il passe une jambe par-dessus bord, pose avec d’infinies précautions un
pied sur la mer qui s’est solidifiée comme sur Aldébaran. Le voilà rassuré.
Il passe l’autre jambe, pose l’autre pied sur l’eau. Il ressemble à un
funambule mal assuré. Les deux pieds joints, il tangue à droite, il tangue à
gauche. Puis il met un pied devant l’autre. C’est, dit-on, la meilleure façon
de marcher. Il avance vers Jésus.
Le Seigneur a tout accompli pour nous sur la croix, mais il nous demande
un tout petit pas dans sa direction, c’est le pas de la foi.
Pierre prend de l’assurance : « Mais ça marche ! »
Malheureusement, une bourrasque le déséquilibre, et il se rappelle
brusquement qu’il est au milieu de la mer et que la tempête sévit autour
de lui.
Quand un pécheur s’approche de Jésus-Christ, l’adversaire de notre salut
ne manque pas de l’intimider pour le détourner de sa foi naissante.
Pierre est déstabilisé. Aussitôt la mer se ramollit. Notre sympathique
apôtre s’enfonce jusqu’aux genoux, puis jusqu’à la ceinture.
« Au secours ! »
Pauvre Pierre ! Ta première leçon de ski nautique n’a pas été couronnée
de succès !
« Seigneur, sauve-moi ! »
Quand un malheureux crie, l’Éternel entend, Et il le sauve de toutes ses détresses.
L’ange de l’Éternel campe autour de ceux qui le craignent, Et il les arrache au danger.
Sentez et voyez combien l’Éternel est bon ! Heureux l’homme qui cherche en lui son
refuge !
Psaume 34.6/8
Tel un bon maître-nageur, Jésus saisit la main de son élève qui boit la
tasse. Celui-ci retrouve aussitôt sa confiance perdue.
« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
Le Seigneur n’a certainement pas prononcé cette parole sur le ton du
blâme, mais plutôt sur celui de la condescendance amicale :
« Eh bien alors ! Où est donc ta foi ? »
Un Chinois avait décidé de devenir chrétien après avoir « essayé »
plusieurs religions. Il témoignait ainsi de son expérience :
J’étais tombé dans un puits. Confucius est passé. Il m’a dit : « Que
pouvons-nous y faire, mon pauvre ami ? C’est la fatalité. » Ensuite
Bouddha est passé. Il m’a dit : « Je vais méditer sur la signification de ce
malheur. » Puis Mahomet est passé. Il m’a dit : « C’est bien fait pour toi. Il
fallait regarder où tu mettais les pieds. » Enfin Jésus est venu. Il ne m’a
pas posé de questions. Il est descendu avec un filin, et il m’a remonté.
Après avoir redressé la situation, Jésus monte dans la barque. La barque
de nos vies secouée par la tempête du monde et du péché. Aussitôt le
vent cesse et la mer se calme.
Oh ! Si vous acceptiez Jésus dans votre barque ! Si vous vouliez qu’il
entre dans votre cœur ! Lui seul saurait apaiser les tempêtes qui vous
mènent à la perdition et au naufrage.
Dites-lui oui maintenant !
J’aimerais conclure avec un beau vers d’Alfred de Vigny, que j’ai,
admettons-le, séparé de son contexte.
Notre vie serait elle une bouteille jetée à la mer, le poète écrit :
« Dieu la prendra du doigt pour la conduire au port. »
98
UN DROLE D’HERITAGE
Saynète en 2 tableaux
Personnages :
Timothée
Le facteur
Le Notaire
Accessoires
Deux chaises. Un bureau. Un stylo. Du papier. Un téléphone portable.
Une vieille Bible. Des billets de Monopoly.
PREMIER TABLEAU
Scène première
(On sonne à la porte.)
TIMOTHÉE
Voilà ! Voilà ! J’arrive ! Qu’est-ce que c’est ?
LE FACTEUR
C’est le facteur.
TIMOTHÉE
Eh bien ! Vous n’êtes pas en avance ! Je commençais à croire que la
boutique jaune était encore en grève !
LE FACTEUR
J’aimerais vous y voir ! Entre les citoyens qui ne paient pas leur eau, ceux
qui ne paient pas leur électricité, ceux qui ne paient pas leur loyer, ceux
qui ne paient pas leurs impôts, j’ai des tas de recommandés. D’ailleurs,
j’en ai un pour vous.
TIMOTHÉE
Cela ne m’étonne pas. Je dois de l’argent à tout le monde. Cela vient d’où
cette fois ?
LE FACTEUR
« Maître Aubouleau d’Audault, Boîte Postale 35, 28200... »
TIMOTHÉE
Un notaire à présent ! Je n’ai pourtant pas acheté de maison. Ce n’est pas
avec mon salaire de la Paulstra...
LE FACTEUR
Vous signez là s’il vous plaît... Et l’accusé de réception... Voilà ! Merci.
Bonne journée.
TIMOTHÉE
À vous aussi.
Scène II
TIMOTHÉE
Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
(Il ouvre la lettre.) Voyons !
« Monsieur.
J’ai l’honneur de vous informer que, consécutivement au décès de Monsieur votre
père... »
Mon père est décédé ? Je suis le dernier à être au courant. Enfin !
Continuons !
« ...Consécutivement au décès de Monsieur votre père » et bla-bla-bla et bla-bla-bla...
« en tant qu’unique descendant » etc., etc., « à mon étude dans les délais les plus brefs
pour procéder à la lecture de son testament.
Veuillez agréer, Monsieur... » Etc., etc.
100
Signé : « Maître Marcel Aubouleau d’Audault, notaire ».
Enfin un facteur qui apporte une bonne nouvelle !
(Il appelle sur son portable.) Allô ! Sabrina ?... Oui, c’est moi, Tim. Tu vas
bien ?... Oui, voilà pourquoi je t’appelle : je viens de recevoir une lettre
d’Aubouleau... Oui, Maître Aubouleau d’Audault, le notaire. Il vient de
m’apprendre que mon vieux vient de passer l’arme à gauche... Oui. Oh !
Non ! Pas besoin de condoléances. Ça fait des années qu’on ne se parlait
plus... Oui... Tu ne le connais pas, l’ancêtre, il était vraiment spécial !
C’était un cas ! Il fallait se le farcir le pépé ! Ça oui ! À la maison ça ne
rigolait pas. Tiens ! Par exemple. Chaque fois qu’on passait à table, on ne
mangeait rien tant qu’il n’avait pas prié... Si, si ! Je t’assure. Ça se passait
comme ça. « Merci Seigneur pour ce repas », et patati et patata !
« Alléluia ! » par-ci et « Amen ! » par-là ! Et moi pendant ce temps-là,
j’avais les crocs. C’est qu’il n’en finissait pas. Une fois j’ai chronométré :
dix-sept minutes et huit secondes. Quand il avait fini, le gigot était froid.
Il était rempli de l’Esprit Saint, qu’il disait. N’empêche qu’il était
vachement long à se vider !... Comment ?... Oui, ça tu peux le dire. Je suis
né dans une famille pieuse. C’est pour cela qu’on m’a trouvé ce prénom
ridicule. Timothée ! Je vous demande un peu !... Enfin ! Voilà !... Oui au
fait, je voulais te dire : puisque le paternel a cassé sa pipe, me voilà
héritier... Oui... Ça arrange bien mes affaires. Je vais pouvoir payer ma
facture de gaz... C’est ça !... Et puis, je ne changerai plus de trottoir quand
je croiserai le patron du Crédit Lyonnais. C’est même lui qui va me faire
la révérence. Tu sais, le vieux il n’avait pas de soucis d’argent. Il en avait
des fifrelins ! Alors demain, j’irai chez le notaire récupérer le magot...
Alors, oui, justement ! J’ai pensé, pour fêter ça, ce soir je t’invite au
« Grand Monarque ». On n’hérite pas tous les jours. Alors, champagne,
caviar... Oui, de l’Iranien, c’est le plus cher... C’est d’accord ?... À ce soir
alors... Bisous !... Moi aussi je t’aime.
DEUXIÈME TABLEAU
Scène première
LE NOTAIRE
Entrez !
TIMOTHÉE
Bonjour, Maître.
LE NOTAIRE
Bonjour Monsieur Rabroué. Asseyez-vous, je vous prie. Nous allons
procéder à la lecture du testament de feu Monsieur votre père :
« Parvenu au terme de ma vie, usé par la vieillesse et la maladie, je sens venir, de plus
en plus proche, le jour glorieux où j’entrerai dans le royaume éternel, dans la présence
de mon Sauveur Jésus-Christ, auquel je rends continuellement grâces... »
TIMOTHÉE
Bon ! Passons les bondieuseries ! Venons-en au fait !
LE NOTAIRE
Au fait ? Bon ! Voilà :
« À l’association “Un foyer pour les sans-abri”, je lègue mes actions Péchiney.
– À la Croix Rouge, je lègue le contenu de mes comptes sur livret.
– À l’association “Sauvons nos banlieues”, je lègue mon manoir en Sologne, afin
qu’elle y installe une colonie de vacances pour les enfants des quartiers défavorisés.
– Au comité d’aide aux victimes des inondations, je lègue mes meubles et ma garderobe.
– À mon très cher fils Timothée... »
102
Voilà qui vous concerne :
« À mon très cher fils Timothée, je lègue mon bien le plus précieux : Ma Bible, version
Osterwald 1870. »
TIMOTHÉE
Hein ! Quoi ! Comment !
LE NOTAIRE
Votre père vous lègue sa vielle Bible : la voici.
(Il sort la Bible de son tiroir.)
TIMOTHÉE
Ce n’est pas vrai ! Dites-moi que ce n’est pas vrai ! Je rêve ! Je
cauchemarde ! J’hallucine ! Je délire !
LE NOTAIRE
Votre père écrit que c’est son bien le plus précieux. Nous n’avons pas
tous le même sens des valeurs.
TIMOTHÉE
Mais c’est un scandale ! Mais c’est une honte ! Mais c’est une infamie !
Mais c’est une trahison ! Me faire ça à moi, son seul fils ! Moi qui ai
toujours été honnête, juste, obéissant ! Moi qui lui ai toujours prodigué
tout mon amour ! Ça par exemple ! Le vieux grigou ! Le vieux pingre ! Le
vieux débris ! Le vieux fossile ! Le vieux schnock ! Je n’en veux pas de
son bouquin ! Qu’il aille au Diable !
(Il se dirige vers la porte.)
LE NOTAIRE
Attendez ! Attendez ! Ne partez pas comme ça ! Il y a une suite :
« Dans le cas, fort improbable, où mon très cher fils Timothée refuserait son héritage,
celui-ci sera donné à l’Église de la Bonne Nouvelle ».
TIMOTHÉE
Eh bien c’est ça ! Qu’il la donne aux curés, sa vieille relique ! Ils la
mettront dans une chasse.
LE NOTAIRE
S’il en est ainsi, je vous prierai de bien vouloir dater et signer ce
document.
Ne cassez pas mon stylo.
TIMOTHÉE
Au revoir, Monsieur.
LE NOTAIRE
Maître.
Scène II
LE NOTAIRE
Voilà un héritier bien irrité !
(Il prend la Bible.)
Voilà un livre bien mystérieux : vénéré par les uns, haï par les autres.
Imposture ou parole divine ? Allez savoir ?
(Il l’ouvre et lit au hasard)
« Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et
où les voleurs percent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la
teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car
là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. »
Voilà qui est bien dit.
Tiens ! Il y a un bout de papier qui dépasse. Qu’est-ce que c’est ? Un billet
de cinq cents euros.
104
(Il tourne les pages.)
Encore un. Encore une autre. Mais ma parole ! C’est la banque de
France ! Quel malin ce père Rabroué ! Il a caché toute sa fortune entre les
pages de sa Bible. Il y en a là pour des millions. Je me souviens
maintenant qu’il m’avait dit un jour que ce livre valait plus qu’un trésor.
Et ce jeune écervelé, en la refusant, a laissé passer la chance de sa vie.
Après tout, tant pis pour lui.
106
LES ÉMOTIONS DU CENTURION
Saynète en 2 tableaux
Personnages :
Marcus : centurion
Claudius : légionnaire
Flavius : légionnaire
PREMIER TABLEAU
Une rue de Jérusalem
CLAUDIUS
Ave Marcus ! Tu m’as l’air de méchante humeur, ce matin.
MARCUS
Centurion Marcus Cumulonimbus !
CLAUDIUS
Ave centurion Marcus Cumulonimbus ! Vous m’avez l’air de méchante
humeur, ce matin.
FLAVIUS
C’est vrai qu’il n’a pas l’air joice, notre centurion.
CLAUDIUS
Qu’est-ce qui vous arrive, Centurion ?
FLAVIUS
On vous a vendu des fabas qui n’ont pas voulu cuire ?
MARCUS
Il m’arrive que j’en ai ras le casque, de ce métier.
CLAUDIUS
Nous aussi.
FLAVIUS
Ce n’est pas nouveau.
MARCUS
J’avais trois jours de permission. Je devais passer le viquendum à Césarée
avec Priscillia et les enfants. Mon paquetage était déjà bouclé. Voilà
qu’hier soir le bigus bossus en personne, Ponce Pilate, m’appelle dans son
bureau : nous avons une crucifixion demain, qu’il me dit, et vous êtes
affecté au service d’ordre.
– Mais, ma permission ?
– Je m’en lave les mains de votre permission, qu’il me répond. Vous
pouvez disposer.
CLAUDIUS
Mince alors ! Une crucifixion ! Il décide ça comme ça ? À la dernière
minute ?
MARCUS
Et moi qui leur avais promis de les emmener voir les gladiateurs ! Ce sont
les petits qui vont être déçus ! Me voilà retenu dans ce bled jusqu’à
samedi matin. Et le samedi, il n’y a plus rien qui circule, avec leur fichu
sabbat ! Ah ! Fichu pays ! Quand je pense que j’avais demandé la
Lusitanie.
FLAVIUS
Il fallait demander la Judée, ils vous auraient affecté en Lusitanie.
108
MARCUS
Arrêtez de faire le loustic, Flavius Altostratus. D’ailleurs, je vous rappelle
que vous faites partie des réjouissances. Et vous aussi, Claudius
Stratocumulus.
CLAUDIUS
Je m’en moque, je n’ai pas de permission.
FLAVIUS
Moi non plus.
MARCUS
Tout ça pour trois malheureux brigands ! Ils ne peuvent pas la faire sans
moi, leur crucifixion ? Engagez-vous, rengagez-vous, qu’ils disaient !
DEUXIÈME TABLEAU
Golgotha
MARCUS
Ici nous sommes bien placés.
CLAUDIUS
Qui sont-ils, ces trois gars qu’on crucifie ?
MARCUS
Comme d’habitude, des assassins, des pilleurs de caravane.
FLAVIUS
Et celui du milieu ? Pourquoi ils lui ont mis une couronne d’épines ?
MARCUS
Ah ! Lui ? C’est un peu plus compliqué. Il a dit qu’il allait détruire le
temple et le reconstruire en trois jours, alors ça a vexé les rabbins.
FLAVIUS
Drôle d’idée ! Mais tout de même, on ne crucifie pas les gens pour ça. Il a
dû faire quelque chose de plus grave.
MARCUS
En tout cas, il n’a tué personne. Il a dit aussi qu’il était le Fils de Dieu.
CLAUDIUS
C’est tout de même bizarre cette affaire. Il y a un écriteau au-dessus de sa
tête.
FLAVIUS
De si loin, je n’arrive pas à lire. Tu peux lire ? Toi ?
MARCUS
« Iesu Nasarensis rex ioudei. » Jésus de Nazareth, roi des Juifs.
CLAUDIUS
Drôle de fin pour un roi ! Et drôle de couronne !
FLAVIUS
Voilà ! C’est pour cela qu’on l’a crucifié. Il s’est autoproclamé roi, et ça
n’a pas plu à Hérode.
MARCUS
C’est bien plus compliqué que cela. C’est rapport à la religion des gens du
coin. Il a dit des choses qu’il n’aurait pas dû dire. Ce sont les pharisiens
qui font la loi dans ce pays. Pilate a bien essayé de les calmer, mais tout le
monde voulait sa peau. Il a même essayé de l’échanger contre Barabbas,
le bandit. Mais le peuple n’a rien voulu savoir. La foule hurlait :
« Crucifie-le ! » Alors Pilate, il n’a pas voulu faire d’histoires. S’il se
110
produit des émeutes dans sa juridiction, ce n’est pas bon pour sa carrière.
Il a pris une bassine d’eau, il s’est lavé les mains, et il leur a dit : « Je suis
innocent du sang de ce juste. Ceci vous regarde. »
FLAVIUS
Quel carnage !
MARCUS
Vous en avez vu d’autres sur le champ de bataille.
FLAVIUS
Quand même, ça me fait quelque chose.
Voix de JÉSUS
Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
FLAVIUS
Vous avez entendu ?
MARCUS
Je n’ai jamais entendu parler de pardon sur une croix.
CLAUDIUS
Moi non plus.
MARCUS
Cet homme-là n’est pas ordinaire.
CLAUDIUS
Et si c’était vraiment un roi ?
FLAVIUS
Un roi ne pardonne jamais.
MARCUS
Mais, on dirait que la foule s’agite.
CLAUDIUS
C’est après lui qu’ils en ont.
Voix du PEUPLE
– Toi qui détruis le temple et le reconstruis en trois jours. Descends de ta
croix.
– C’est vrai ! Qu’il se sauve lui-même, puisqu’il est venu sauver le monde !
FLAVIUS
Oui ! S’il est le roi des Juifs, qu’il descende de sa croix !
CLAUDIUS
Mais tais-toi donc, Flavius ! Tu ne sais même pas ce que tu dis !
MARCUS
Mais qu’est-ce qu’ils font ceux-là ?
CLAUDIUS
Ils sont en train de jouer aux dés.
MARCUS
Les jeux sont interdits pendant le service. Je m’en vais leur faire un
rapport, moi. Ça ne va pas traîner ! Flavius, allez prendre leurs noms.
112
FLAVIUS
Pas question ! Je suis un deuxième classe comme eux. C’est vous le chef.
MARCUS
Bon. Nous réglerons ça plus tard.
FLAVIUS
Ils sont en train de jouer la tunique du crucifié.
CLAUDIUS
Ça me rappelle quelque chose cette histoire-là !… Quelque chose que j’ai
lu… C’est ça ! C’est un de leurs poètes : David.
MARCUS
Vous lisez les poètes juifs, Claudius ?
CLAUDIUS
Ce n’est pas parce que je suis porteur de pilum que je suis béotien.
MARCUS
Moi aussi, j’ai essayé de lire leurs livres sacrés, la Torah, les Prophètes. Ce
n’est pas facile à comprendre.
CLAUDIUS
Ce qui est extraordinaire, c’est que le poète parle de ses mains et pieds
percés, comme si c’était lui même qu’on crucifiait.
FLAVIUS
Mais c’est nous, les Romains, qui avons inventé la crucifixion. Pas les
Juifs !
Voix de JÉSUS
Éli, Éli, lama sabachtani !
FLAVIUS
Qu’est-ce qu’il a dit ?
MARCUS
Je ne sais pas. C’est de l’araméen.
CLAUDIUS
Éli, ça veut dire : Dieu. Mon Dieu… Mon Dieu… Pourquoi ?…
Pourquoi m’as-tu abandonné ? Oui. C’est cela ! Mon Dieu ! Mon Dieu !
Pourquoi m’as-tu abandonné ? C’est le début du poème en question.
Vous ne trouvez pas cela troublant ?
MARCUS
Il le connaît sûrement par cœur.
FLAVIUS
Nous ne sommes pas à un concours de poésie, ici. S’il a dit cela, ce n’est
pas sans raison.
MARCUS
David est mort il y a plus de mille ans, et il connaissait cet homme, et il
savait comment il allait mourir.
(Long silence)
Voix du PREMIER BRIGAND
Si tu es le Sauveur, sauve-toi, et sauve-nous.
MARCUS
Encore leurs blagues à un sesterce !
CLAUDIUS
Qui a dit ça ?
114
FLAVIUS
Celui de droite.
Voix du DEUXIÈME BRIGAND
Arrête ! Nous payons pour nos crimes, mais lui, il est innocent. Crains
Dieu !
(Silence)
Jésus de Nazareth ! Souviens-toi de moi quand tu seras dans ton règne.
Voix de JÉSUS
En vérité, en vérité, je te le dis. Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le
paradis.
MARCUS
Vous croyez qu’il l’a sauvé ?
CLAUDIUS
Regardez son visage ! Ce n’est plus celui d’un brigand.
FLAVIUS
Il fait nuit.
CLAUDIUS
Où est passé le soleil ?
MARCUS
Ce n’est pas normal tout ça.
CLAUDIUS
Vous entendez ce grondement.
FLAVIUS
C’est l’orage.
MARCUS
Non, c’est un tremblement de terre.
FLAVIUS
Et si la terre s’ouvrait sous nos pieds ?
CLAUDIUS
J’ai peur.
MARCUS
Comment ça ? Vous avez peur ! Des soldats de l’armée romaine ! Mais
vous êtes des légionnaires ou des moineaux ?
Hm !… En fait, moi aussi, j’ai peur. J’aimerais mieux être en face de trois
cents ostrogoths, n’importe où, ailleurs qu’ici.
Voix de JÉSUS
Tout est accompli.
MARCUS
Il est mort.
CLAUDIUS
Regardez ! Les prêtres arrivent en courant. Ils ont l’air complètement
affolés.
MARCUS
La rumeur monte jusqu’ici.
(Ils se taisent pour écouter)
Il s’est passé quelque chose dans le temple.
FLAVIUS
Quelqu’un a déchiré le voile sacré.
116
MARCUS
Qu’ils attrapent le gaillard qui a fait ça ! Qu’on le crucifie et qu’on n’en
parle plus !
CLAUDIUS
(tendant l’oreille pour écouter)
C’est pire que ça : ils ont vu le rideau se déchirer de haut en bas. Tout
seul, ou par une main invisible.
MARCUS
(après une longue réflexion)
Cet homme était vraiment le Fils de Dieu.
CLAUDIUS
Oui…
FLAVIUS
Oui…
Table des matières
12. 153 gros poissons ..................................................................... 3
13. On se barbe à l’église............................................................ 15
14. Daniel, un témoin intrépide ................................................ 24
15. Gédéon, un pacificateur ....................................................... 35
16. Un démoniaque délivré, et après ? .................................... 47
17. Des disciples indisciplinés .................................................. 60
18. En mer avec de Paul ............................................................. 75
19. Pierre apprend à marcher .................................................... 90
UN DROLE D’HERITAGE .................................................... 99
LES ÉMOTIONS DU CENTURION................................ 107
118

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