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Date : 23/09/2016
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Nommé en juin dernier directeur artistique de la maison de couture pour hommes Francesco Smalto,
Eric Bergère dessine depuis 36 ans autant une mode féminine que masculine pour des grands noms
du luxe mais aussi des marques grand public. Après avoir créé les collections pour femme d'Hermès
durant 9 ans, il a travaillé pour Lanvin, Inès de la Fressange, des créateurs japonais sans oublier Aigle,
La Redoute, Burton ou Cyrillus
Prendre les commandes artistiques de la maison Francesco Smalto, qui a été le premier couturier pour
hommes à Paris en 1962, est pour Eric Bergère à la fois un grand bonheur qui va lui permettre d'exprimer
pleinement son talent et un défi pour redonner à cette marque prestigieuse son lustre passé. Avec ses ateliers
intégrés de travail à la main, son sur-mesure haute-couture, sa collection de prêt-à-porter de luxe, Smalto
reste la seule maison de couture parisienne entièrement dédié à l'homme. En acceptant d'en devenir le styliste
attitré, Eric Bergère, à 56 ans, n'a pas renoncé pour autant à travailler en freelance, statut qu'il privilégie
depuis son départ d'Hermès en 1989 et dont il apprécie la liberté, le regard critique extérieur qu'il procure tout
en étant partie prenante du projet.
Il collabore ainsi au Japon à la fois avec un couturier pour lequel il dessine des modèles féminins, et avec deux
distributeurs en créant des petites collections pour homme : « le Japon est pour moi une source d'inspiration
depuis longtemps, c'est un marché très pointu, difficile, bien informé, grand consommateur de mode. Les
gens ne portent pas deux saisons de suite le même vêtement, leur apparence étant très importante pour
montrer leur respect aux autres et à la société. N'ayant pas beaucoup de vacances, ils consacrent un budget
conséquent à leur garde-robe, à la fois pour eux et pour soutenir l'économie du pays, et de ce fait les boutiques
sont pleines de gens qui achètent. Pour un directeur artistique comme moi, c'est très motivant de voir cette
énergie en comparaison de la déprime européenne en matière de consommation. »
Une maison qui le faisait rêver
La mission d'Eric Bergère chez Smalto consiste à retrouver l'ADN de la marque avec ses spécificités, ce style
qui a tant plu dans les années 1970 notamment dans les milieux culturels et politiques, tout en l'actualisant en
termes de proportions, d'aspect, et de matières. Belmondo, Delon, Aznavour, Gainsbourg pour ne citer qu'eux
s'habillaient chez Smalto, aujourd'hui il s'agit plus de rois, présidents ou dirigeants, notamment pour le surmesure. Le nouveau styliste, hormis deux costumes emblématiques qui sont reconduits chaque année mais
dont il vient de proposer en plus une version modernisée, doit trouver pour chaque collection l'équilibre entre
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un classicisme chic et minimaliste pour une clientèle sérieuse, et des vêtements plus décontractés mais qui
gardent l'esprit de la maison : « Smalto rend l'homme beau, élégant et puissant. Les dessins chez Smalto sont
très graphiques, géométriques, je suis contre les fleurs et les cachemires. » En recevant le label entreprise
du patrimoine vivant en 2012, c'est le savoir-faire unique et le travail d'excellence de la maison de couture
masculine par référence qui ont été récompensés.
Au cœur de la création
Dessiner un modèle pour Eric Bergère est le fruit d'une longue réflexion et d'une curiosité visuelle de chaque
instant : « Un dessin est la synthèse de plusieurs idées que l'on a tout au long de l'année, en se nourrissant
d'art sous toutes ses formes, mais aussi dans les périodes plus calmes après les collections, en prenant le
pouls de la société, en observant comment vivent les gens. Au moment de dessiner il faut avoir une vision
globale de la collection, une allure. De cette allure, je dois produire des modèles qui vont se coordonner, se
répondre. » Si l'on a l'impression que tout a déjà été fait, qu'il doit être difficile de se renouveler, le styliste nous
explique les dessous de la création : « La mode est comme un code secret à 10 chiffres ou comme une recette
de cuisine, il y a d'innombrables possibilités d'inventer. C'est une question de proportions dans la matière, la
coupe, les détails, les couleurs, les dessins, les effets que l'on veut rendre. Les recherches actuelles sur les
matières, qui doivent être de plus en plus comme une seconde peau, donnent un réel espoir sur la création.
Les matières naturelles comme le lin par exemple ont encore beaucoup à nous apprendre. »
Des débuts fracassants
L'entrée d'Eric Bergère dans le métier s'est déroulée à l'image d'un véritable conte de fée, puisqu'il a été
embauché chez Hermès à 19 ans comme responsable de la collection de vêtements pour femme, sans jamais
avoir été assistant. En voyant son dossier de fin d'études de l'école Esmod, Jean-Louis Dumas le remarquable
président de la célèbre enseigne de luxe lui a dit : « Tout ce que vous avez dessiné dans votre dossier est
exactement ce que l'on aimerait trouver chez Hermès. » Dès ses premières créations en 1981, le travail
d'Éric Bergère est apprécié tant par la presse que par la clientèle, le seul problème réside au Japon. Sa
collection de l'époque comportait beaucoup de grands manteaux, qui n'étaient pas adaptés ni aux portants
des boutiques japonaises où il fallait les plier pour les exposer, ni surtout aux femmes majoritairement de
petite taille. Hermès l'envoie alors sur place pour qu'il comprenne les caractéristiques de la mode dans ce
pays, avec lequel commence pour lui une longue histoire qui est toujours d'actualité 35 ans plus tard.
Une carrière éclectique
Après neuf ans chez Hermès, le jeune styliste a l'opportunité de prendre la suite de Giorgio Armani chez
Erreuno, maison de couture italienne basée à Milan. Il y dessine durant sept ans des vestes et tailleurs dans
un contexte très différent, et continue à apprendre son métier tout en créant. Dès cette période, il se met en
système de freelance et travaille ensuite pour Lanvin où il crée des collections de prêt-à-porter pour femme,
puis aide Inès de la Fressange, qui a été son mannequin chez Hermès, à monter ses premières collections.
Il enchaîne les collaborations tout au long de sa carrière en l'expliquant ainsi : « On a toujours fait appel à moi
compte-tenu de mon expérience chez Hermès et du style masculin que j'ai développé dans les collections
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pour femme. Au début de ma carrière, mon style était austère, j'aimais la rigueur des costumes masculins et
des vêtements ecclésiastiques, puis mon passage en Italie m'a appris à dessiner des modèles plus sexys,
plus fluides et avec le Japon j'ai intégré d'autres proportions et une touche de féminité, de raffinement. »
Pour ne pas ressentir une grande frustration s'il ne l'avait pas fait, il crée en 1995 sa propre marque et
rencontre une vraie demande des japonais. Mais le rôle de chef d'entreprise est de trop, il ne peut pas tout
assumer et comme il n'a pas rencontré son Pierre Bergé, selon ses propos, il arrête en 2001 et reprend le
freelance. En collaborant avec des marques de plus grande distribution comme Aigle, La Redoute Burton
of London ou Cyrillus, il connait la satisfaction d'habiller un public plus large mais doit se contenter d'une
qualité moindre. Cela dit, il n'a jamais fermé la porte à quiconque même si aujourd'hui la boucle est bouclée
entre Hermès et Francesco Smalto, où il travaille avec des matières exceptionnelles sans limite de prix. Cette
faculté d'adaptation pour réaliser un défi, même lorsque les budgets sont restreints, n'est pas donnée à tous
les stylistes qui se comportent souvent comme des divas. Par ailleurs son perfectionnisme, qui est forcément
un atout dans son métier, l'amène parfois à être un peu rigide.
Une inclination dès l'enfance
Toutes les femmes de sa famille travaillaient dans le domaine du textile, ses grands-mères, ses tantes, et il
a très jeune été attiré par la mode tout en pensant que c'était impossible d'y arriver. Heureusement son père,
voyant la qualité des dessins de mode qu'Eric Bergère a commencé à réaliser dès l'âge de 8 ans, l'oriente
vers un Bac Industrie de l'habillement : « En regardant la télé durant mon enfance, je trouvais souvent une
speakerine, une chanteuse ou une actrice mal habillées, je leur dessinais alors une nouvelle tenue. » Croyant
fermement en son fils, il convainc ensuite l'école Esmod de lui faire sauter la première des trois années de
formation, dont il sortira 1er ex-æquo avec les suites que l'on connait. Outre le président d'Hermès à ses
débuts puis plus tard Inès de la Fressange qui ont décelé son talent et l'ont soutenu, Christian Lacroix, son
opposé en termes de style, devenu un ami, a appuyé sa candidature en Italie et au Japon.
Smalto dans sa vie
Chaque semaine, son temps est désormais partagé de moitié entre Paris et la Camargue au milieu de nulle
part, où il se sent chez lui loin du monde avec ses livres et ses DVD. Il aime par ailleurs aller nager à la
piscine, qui a sur lui un pouvoir relaxant et où après quelques longueurs il voit plus clair dans des idées qui lui
paraissaient confuses avant. La musique classique accompagne sa vie au quotidien même lorsqu'il travaille,
et avec sa nouvelle équipe il a pour ambition de projeter Smalto dans le futur : « Cette maison de couture
était une belle endormie avec une jolie garde-robe qui avait besoin d'être dépoussiérée et renouvelée. »
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