L`organisation scientifique du travail
Transcription
L`organisation scientifique du travail
services 44 questionsRÉPONSES RETOUR SUR… À LA LOUPE extraits du JO L’organisation scientifique du travail est apparue voilà près de cent ans. Visant à rationaliser la production et à produire davantage à moindre coût, cette méthode inspire toujours les modes d’organisation actuels. L’organisation scientifique du travail É laborée par l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor au début du XXe siècle, l’organisation scientifique du travail (OST), ou taylorisme, désigne un ensemble de principes d’organisation du travail ayant pour objectif principal d’accroître la production et d’améliorer la productivité. À partir d’une étude des mouvements et des temps, elle introduit une double séparation : entre la conception et l’exécution de la production d’une part, et entre les différentes tâches d’exécution d’autre part. Elle introduit également des techniques de contrôle du travail (chronométrage, quantité produite…) et de nouvelles pratiques salariales. Diffusés dès la fin du XIXe siècle (construction mécanique, abattoirs de Chicago…), ces principes inspirent Henry Ford en 1913. Ce dernier instaure dans ses usines de fabrication automobile le travail à la chaîne et y associe le déplacement automatique des pièces organisant ainsi un flux continu des matières. Le temps de fabrication de la Ford T est alors considérablement réduit, de même que son prix et, très vite, les ventes explosent. Henry Ford accompagne son organisation par une hausse des salaires. Le fordisme est né et devient la référence dans la plupart des industries. Malgré un tel succès, cette organisation du travail montre rapidement ses limites. Les tâches répétitives sont pénibles et monotones, et se traduisent dès les années 1930 par des plaintes relatives aux conditions de travail et une baisse de la motivation. On assiste alors à une montée de l’absentéisme et à une augmentation des malfaçons. Par conséquent, la productivité de certaines usines décline. Il s’agit alors de remédier aux faiblesses du taylorisme en prenant davantage en compte le facteur humain. Plusieurs solutions sont envisagées pour mobiliser les salariés : rotation des postes, élargissement et enrichissement des tâches, valorisation du savoir-faire des opérateurs et responsabilisation des travailleurs vis-àvis de la qualité de la production. Ces solutions sont appliquées dans le toyotisme, ou lean management, principe d’organisation du travail fondé entre les années 1950 et 1970 par le constructeur automobile japonais Toyota. Il s’agit alors de s’opposer à la production de travail & sécurité – n° 746 – janvier 2014 Repères n Au XVIIIe siècle, l’économiste anglais Adam Smith décrit la division technique du travail à l’œuvre dans une manufacture d’épingles. n à la fin du XIXe siècle, Frederick Winslow Taylor élabore l’organisation scientifique du travail (OST), ou taylorisme. n En 1913, Henry Ford introduit l’organisation en flux continu avec l’automatisation de la chaîne de montage automobile, lançant ainsi la production en série de la célèbre Ford T. n Dans les années 1970, Taichi Ohno, ingénieur chez le constructeur automobile Toyota, conçoit ce qui deviendra le toyotisme, ou lean management, démarche de rationalisation industrielle visant à ne produire que le strict nécessaire, au bon moment et de la façon la plus performante possible. Cédric Duval masse qui n’est plus adaptée à la fabrication de multiples versions d’un véhicule. Qualité, coûts et délais deviennent les maîtres mots. Dans ce but, le « lean » repose sur plusieurs principes, dont la chasse au gaspillage, la flexibilité, la production au juste-à-temps et la standardisation des process. En outre, le management doit être proche du terrain. Dès les années 1980, cette nouvelle approche se diffuse aux États-Unis puis en Europe. Aujourd’hui, le lean s’impose dans toutes les industries, mais pas seulement. Il se propage également dans le domaine des services : centres d’appels, établissements de soins, banques… Ces mutations organisationnelles font actuellement l’objet de débats. Certains voient dans le lean une révolution post-taylorienne. D’autres considèrent qu’il ne s’agit que d’une évolution de l’OST. Force est de constater que plusieurs principes fondateurs restent très présents : standardisation, division des tâches, contrôle des temps, contrôle des coûts… Des discussions se poursuivent quant aux impacts potentiellement contradictoires du lean sur les conditions de travail. D’un côté, les exigences de polyvalence et de responsabilisation peuvent jouer un rôle positif dans la motivation des salariés. En outre, la suppression des déplacements considérés comme inutiles engendrerait dans certains cas moins de fatigue. De l’autre côté, cette nouvelle organisation conduit parfois à supprimer des « déplacements inutiles » qui constituent pourtant des temps de récupération bénéfiques. Elle peut aussi entraîner une intensification du travail, à l’origine de TMS ou de risques psychosociaux. Dans les centres d’appels par exemple, l’instauration de contrôles qualitatifs (satisfaction du client) et quantitatifs (temps de réponse) conduit à une perte de sens sur la qualité de son travail que l’opérateur n’est pas toujours en mesure de gérer. L’enquête Sumer 2010 conclut ainsi à un accroissement des expositions aux facteurs psychosociaux. Cent ans après la naissance du taylorisme, la recherche d’une organisation du travail optimale se poursuit. Tout l’enjeu est de replacer l’individu au centre pour prévenir les risques professionnels. n