Homélie pour les obsèques de René Rouillé
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Homélie pour les obsèques de René Rouillé
Homélie pour les obsèques de René Rouillé – Saint Martin/Oust - 29.03.2016 Frères et sœurs, chers amis, Le moment de la séparation est toujours un moment difficile, surtout quand on sait qu’il s’agit d’un adieu définitif et non d’un simple au-revoir. La perte d’une personne aimée est une brisure, une déchirure profonde, même si la fin des souffrances apparaît comme une libération, même si on devine que l’issue est très proche. C’est pourquoi notre attention va d’abord à Maria, l’épouse de René, courageuse, ses cinq enfants, ses petits et arrière-petits enfants. Qu’ils soient assurés de notre sympathie, de notre amitié, de notre affection, en paroles et en actes, et pas uniquement sous le coup de l’émotion passagère. Qu’ils se sentent surtout portés par notre prière. Il y a huit jours, je téléphonais à René et Maria à l’occasion des fêtes de Pâques. Quelle ne fut pas ma surprise de m’entendre dire par René : « Je suis heureux de t’avoir, car, tu vois, je vais mourir sous peu. J’aimerais te dire certaines choses pour l’organisation. Mais, tu sais, je suis prêt, je n’ai pas peur – ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’il me le disait – je pars en confiance, car je sais que c’est un Dieu bon qui va m’accueillir. » Et de me citer, de mémoire, de nombreux extraits de psaumes, à la même tonalité :’’Toi qui es bon et qui pardonnes, plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent, écoute ma prière, Seigneur’’. Je me suis dit : quel acte de foi ! Nous devions nous rencontrer aujourd’hui. L’organisation s’est faite par voix interposées, celles de Maria et de ses enfants. Moment de séparation difficile et douloureux certes, et cependant moment de joie indicible; non pas la gaîté et le rire spontanés, superficiels, et souvent artificiels, mais bien cette sérénité profonde qui habite le cœur du croyant qui a mis son espoir dans le Seigneur son Dieu et qui est sûr de sa parole. Nous venons de fêter Pâques et toute la semaine résonne encore de la joie pascale : Christ est vraiment ressuscité. Il était mort et il est de nouveau vivant, d’une vie nouvelle. C’est là le cœur, le noyau dur de notre foi chrétienne. Le Christ a vaincu la mort et il nous entraîne avec lui dans la vie éternelle, dans un bonheur sans fin. C’est dans la nuit qui a suivi le jour de Pâques que René s’est définitivement endormi, au cours de son sommeil, et qu’il a rencontré son Seigneur. Il y a des coïncidences qui ont une forte portée symbolique. Et j’aime à penser que le maître lui a dit : « Viens, bon et fidèle serviteur…entre dans la joie de ton maître », et ceci en résonance avec cette autre parole de l’évangile que nous venons d’entendre : « Venez à moi, vous tous qui peinez...» C’est en effet ce à quoi se sont attachés René et Maria : au nom de leur foi, venir en aide à toute personne en difficulté ; les périphéries si souvent évoquées par le pape François ont été leur champ d’action et de mission. Ordonné diacre en 1982, René avait déjà derrière lui un CV peu commun. Responsable d’un foyer de jeunes travailleurs à Saint Malo dans les années 70, il acquiert parallèlement une formation d’ingénieur dans les BTP avant de devenir directeur technique de l’Office HLM de Cherbourg. Et c’est alors, au terme d’un beau parcours humain et professionnel, qu’il décide de redevenir ouvrier à l’usine de retraitement de la Hague, pour être au plus près des sans-voix. Choix de couple. Admirable ! Parallèlement Maria était permanente du secours populaire dans la Manche. Arrivé en retraite à Saint Martin/Oust dans les années 90, René reçoit une mission auprès des gens du voyage, qu’il a beaucoup aimée. A l’accumulation de tels engagements (et encore j’ai fait court), comment ne pas rendre grâce à Dieu, rendre grâce pour les merveilles qu’il accomplit dans et par ses serviteurs ? Quel modèle, pourrait-on dire ! Mais il ne suffit pas de mourir pour être immédiatement auréolé de sainteté. René le savait mieux que quiconque. Il avait pleinement conscience de ses faiblesses, de ses limites, de ses insuffisances, de ses amertumes aussi. Il avait suffisamment de lucidité pour porter un regard vrai sur lui-même, sa personnalité affirmée, avec ce que l’expression laisse entendre ; et il savait s’en remettre à la miséricorde divine, notamment par l’invocation à Mère Yvonne Aimée de Jésus : « O Jésus, Roi d’amour, j’ai confiance en ta miséricordieuse bonté. » Désormais, dans les bras de Dieu, avec la foule immense des saints de tous les temps, avec les membres de sa famille, de nos familles, qui ont rejoint la demeure céleste, il réalise plus qu’il ne l’a jamais fait cette entrée dans le mystère de la communion des saints : nous prions pour lui, il intercède pour nous. En ce moment de recueillement auprès de René, il est bon de penser que, nous aussi, nous avons à préparer notre rencontre avec le Père. N’attendons pas, ne tardons pas pour mener une vie conforme à la volonté de Dieu. Nous vivons en effet, et nous agissons souvent comme si nous devions rester éternellement sur terre. Or notre temps à passer en ce monde est bref, et nous n’avons que ce temps pour nous préparer à entrer dans l’éternité, où Dieu nous accueillera en nous jugeant sur l’amour : l’amour que nous Lui avons porté, et l’amour que nous avons porté à nos frères, les deux étant indissociables. Cultivons sans délai cet art de vivre en chrétien, à la hauteur de notre vocation de baptisés. Nous y trouverons la force, la joie et la paix. Amen