Point de vue

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Point de vue
Point de vue
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La stratégie de cumul emploi-retraite pour les chefs
d’entreprise : une opportunité de mission pour l’expertcomptable
Pascale Coin
Consultante, Sté ADSTRAT
Conseil & Courtage, Paris
Le cumul emploi-retraite, ouvert aux salariés comme aux travailleurs indépendants, peut constituer une solution
idéale pour assurer à la fois la transition entre activité professionnelle et retraite et un revenu complémentaire.
Toutefois, l’option pour ce dispositif doit être réfléchie et anticipée, non seulement au regard de l’articulation des
règles des différents régimes de retraite, mais aussi des enjeux financiers qui en découlent.
Pascale Coin, consultante au sein de la Société Adstrat, Conseil et Courtage, analyse l’impact des choix possibles
du dirigeant d’entreprise face à la problématique de son départ à la retraite ainsi que ses enjeux, notamment sur le
plan fiscal et social.
Des enjeux stratégiques qui ouvrent un champ de missions complémentaires au conseil habituel du dirigeant, son
expert-comptable.
1. La loi Fillon (n° 2003-775) du 21 août 2003 constitue le
cadre général des régimes de retraite obligatoires.
D’une part, parce qu’y ont été réaffirmés les principes de
solidarité inter-générations et de répartition, et donc les
facteurs qui sont au centre des décisions ultérieures.
D’autre part, parce que les mesures successives qui ont
été prises par la suite s’inscrivent dans ce cadre général
sans le remettre en cause. Elles suivent juste deux mouvements contradictoires : une volonté politique de sauver les
régimes d’une faillite annoncée et la nécessité de ne pas
léguer aux générations futures une trop lourde charge.
2. Au cœur de cette volonté d’assurer une retraite décente
à chacun, en pérennisant les régimes, le cumul emploiretraite semble une solution idéale.
Depuis le 1er janvier 2009, les retraités du régime général
peuvent reprendre une activité salariée après la liquidation
de leur retraite et cumuler intégralement leurs pensions de
base et complémentaires aux revenus de cette activité
(CSS, art. L. 161-22 et D. 161-2-16 ; Accord ARRCO,
Annexe A, art. 32 B et Convention AGIRC, Annexe I,
art. 6). Cette possibilité a été par la suite étendue aux
régimes de base non salariés (commerçants, artisans,
professions libérales). Les régimes complémentaires non
salariés ont suivi la voie, mais selon des modalités propres
à chacun, de sorte qu’il convient à chaque fois de valider
les conditions de ce cumul selon la profession.
3. On estime (selon un rapport de l’IGAS de juin 2012) à
environ 500 000 personnes les « cumulards » dont
400 000 liquident leur retraite dans le même régime que
celui dans lequel elles continuent d’exercer. Bien sûr, les
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situations sont très différentes selon l’âge de la retraite,
selon le sexe (plus d’hommes que de femmes) et selon la
situation au moment du départ ou bien la catégorie
sociale.
Le rapport de l’IGAS peut être consulté dans son intégralité à partir
de la page d’accueil du site www.lexisnexis.fr, « Nos services »,
« Espace abonnés », « D.O documents utiles ».
Pour les indépendants, le cumul emploi/retraite répond à
deux nécessités :
– ne pas cesser brusquement l’activité pour pouvoir préparer la transmission,
– maintenir son revenu, car la retraite professionnelle
représente au mieux un tiers de leur dernier revenu d’activité.
4. Toutefois, les règles de fonctionnement des régimes de
retraite sont complexes et, dans la pratique, l’optimisation
du cumul est une opportunité pour ceux qui savent
anticiper et estimer leurs droits. Ce qui ne saurait se faire
sans l’aide d’un professionnel.
Autour de la question du cumul emploi-retraite, on
retrouve ainsi des questions auxquelles le conseil habituel
de l’entreprise, son expert-comptable, n’est pas toujours le
mieux armé : à combien se montera ma retraite ? Compte
tenu de mes besoins, quel sera le manque à gagner
quand je liquiderai mes droits ? Que dois-je faire pour
améliorer le résultat ? Comment optimiser fiscalement
mon revenu différé ? Que se passe-t-il si je décède ?
Pour aider le dirigeant, l’expert-comptable et le conseil en
protection sociale doivent dialoguer afin de mieux servir le
client.
Point de vue
Le cumul emploi-retraite : ce qui est simple n’appelle aucune assistance
Les fondamentaux des régimes de retraite :
conditions générales de liquidation des pensions
5. La retraite effraie le travailleur indépendant : c’est
l’action de se retirer d’une activité professionnelle. Deux
règles en découlent qu’il convient de mémoriser pour
mieux comprendre ensuite l’articulation des régimes :
– on ne revient jamais en arrière (la liquidation d’une
retraite entraîne le gel des droits) ;
– on perçoit un revenu d’une nature différente, c’est une
pension, qui sera fiscalement traitée de manière spécifique.
La retraite d’un dirigeant d’entreprise ou d’un indépendant
se compose le plus souvent de « briques » (les divers
régimes auxquels il a cotisés) dont le ciment résulte des
règles fixées par le régime de base qui, historiquement,
est le plus important.
Date
de
naissance
Réforme
2010
LFSS
2012
Nombre
de
trimestres
1953
61
61 et 2
mois
165
1954
61 et 4
mois
61 et 7
mois
165
1955
61 et 8
mois
62
166
1956
62
62
166
Il n’est plus pratiqué de décote (diminution du montant de
la pension) du fait d’un nombre de trimestres inférieur au
seuil du taux plein, au-delà d’un âge fixé à l’âge légal plus
cinq ans (67 ans).
7. Le débat porte souvent sur l’âge de la retraite alors que
le critère le plus important devient celui des trimestres.
C’est cette variable qui va déterminer non seulement l’âge
de départ optimum (le fameux taux plein), mais aussi le
montant de la retraite. Les régimes complémentaires salariés se sont alignés sur cette règle des trimestres,
puisqu’un accord entre les partenaires au sein de
l’AGIRC-ARRCO a renouvelé le principe de nonabattement si le nombre de trimestres du taux plein est
obtenu sur le régime de base.
6. Il faut, pour prendre sa retraite sans pénalités, cumuler
deux conditions qui sont communes aux régimes de base
(presque tous en pratique) et même, ont été étendues à
plusieurs régimes complémentaires :
avoir un âge minimum, qui a évolué depuis la réforme de
2010 (L. n° 2010-1330, 9 nov. 2010 ; L. n° 2011-1330,
21 déc. 2011, art. 88) pour passer à 62 ans pour les
générations nées en 1955 et après (à l’exception du
décret du 2 juillet 2012 qui a assoupli le dispositif de
départ anticipé à la retraite en cas de carrière longue et qui
n’est qu’une dérogation au régime général) ;
cumuler tous régimes confondus un nombre de trimestres qui augmente avec l’âge et dont chaque génération connaîtra la somme l’année de ses 56 ans.
Date
de
naissance
Réforme
2010
LFSS
2012
Nombre
de
trimestres
Avant juillet 1951
60
60
163
60 et 4
mois
60 et 4
mois
163
60 et 8
mois
60 et 9
mois
164
Entre juillet
déc. 1951
1952
et
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8. Mais dans le même temps, chaque régime a ses
propres modes de calculs et le futur retraité doit donc non
seulement s’adresser à plusieurs organismes, dont chacun a son propre discours, mais encore percevoir ses
pensions de retraite de plusieurs caisses.
Tout le monde s’accorde à reconnaître les bienfaits du
cumul emploi-retraite, qui favorise l’activité après l’âge
légal de la retraite et qui permet la transition activité/
retraite. Il est conforme au droit du travail et génère des
recettes supplémentaires Mais dans la pratique, cette
construction à plusieurs étages rend l’analyse complexe
et les décisions peu claires. Bref, c’est compliqué, donc
comment faire ?
Coexistence de deux régimes de cumul emploiretraite
Le régime « libéralisé » depuis janvier 2009
9. Pour toutes les pensions à effet au 1er janvier 2009, il est
possible de cumuler librement une pension de retraite et le
revenu issu d’une activité professionnelle.
10. Trois conditions sont requises :
avoir atteint l’âge légal pour les assurés ayant le nombre
de trimestres requis pour bénéficier de leur retraite à taux
plein (en conséquence, une personne partant avant l’âge
légal dans le cadre du dispositif de départ anticipé pour
carrière longue peut ne pas pouvoir en profiter) ;
rompre son contrat de travail avec son employeur (pour
les salariés ou fonctionnaires) ; la cessation d’activité n’est
plus exigée pour le travailleur non salarié ;
liquider la totalité de ses pensions obligatoires, françaises, étrangères, de base et/ou complémentaires et les
pensions internationales.
Point de vue
Par exemple, pour un dirigeant qui a été salarié puis
commerçant :
Activité
reprise
salarié
Activité
poursuivie
commerçant
Activité
poursuivie
profession
libérale
Salarié + commerçant
Aucune
limite
Aucune
limite
Aucune
limite
Commerçant
Aucune
limite
Limite
Aucune
limite
Limite
Aucune
limite
Aucune
limite
Activité liquidée
Salarié
Faute de réunir ces trois conditions, ce sont les règles du
cumul plafonné (« ancien régime Fillon 2004 ») qui
s’appliquent et que nous verrons ci-dessous (V. § 13 et s.).
11. Attention au formalisme : l’assuré poursuivant son activité doit fournir au dernier organisme d’affiliation le nom de
son employeur, la date de poursuite (comme non salarié)
ou de reprise (comme salarié) et doit signer une déclaration sur l’honneur qu’il a bien liquidé toutes ses retraites
obligatoires en indiquant les régimes dont il a relevé. Il doit
le faire dans un délai d’un mois suivant la date d’entrée en
jouissance de sa pension en cas de maintien de l’activité
professionnelle ou dans le mois suivant la reprise d’une
activité professionnelle.
12. Les règles des régimes complémentaires sont différentes. Ainsi, pour les professions libérales, l’obligation
d’avoir liquidé tous ses droits ne règle pas le problème de
la poursuite de l’activité au-delà de l’âge légal. Ces
régimes étant autonomes, ils pratiquent une décote pour
certains, entre 60 et 65 ans lors de la liquidation de la
retraite complémentaire, sauf par exemple, la CIPAV
(conseils) ou la CNBF (avocats). Ainsi, la CAVEC (experts
comptables) applique une décote même si l’assuré est à
taux plein sur le régime de base. De même, pour la tranche
C du salaire pour un cadre supérieur, il aura une décote
entre 62 et 67 ans s’il est né après 1955, malgré le fait qu’il
soit à taux plein sur le régime de base.
Il faut donc évaluer l’incidence du cumul emploi-retraite
libéralisé tous régimes confondus et en tenant compte de
ces décotes définitives.
Le principal critère de choix reste le fait que le versement
de cotisations dans le régime de retraite correspondant à
l’activité exercée ne procure aucun droit supplémentaire
(par exemple, le retraité commerçant du RSI qui reprend
une activité commerciale verse des cotisations qui ne lui
ouvrent pas de nouveaux droits), sauf s’il exerce une
activité relevant d’un autre régime de retraite.
Le cumul emploi-retraite plafonné
13. À défaut de réunir toutes les conditions précitées, ou
bien si l’option est préférable compte tenu des pénalités
(décotes) évoquées ci-dessus, ce sont les anciennes
règles du cumul qui s’appliquent :
pour les régimes de base, c’est l’âge légal qui commande (sous réserve du décret longues carrières déjà
évoqué) ;
pour les régimes complémentaires des salariés, la
retraite peut être liquidée dès 55 ans à condition de cesser
son activité ;
pour les régimes des artisans et commerçants, on peut
envisager 60 ans et, pour les professions libérales, c’est
en fait 65 ans, du fait de leur début tardif d’activité.
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Pour résumer, il n’existe aucune restriction si le régime de
l’activité poursuivie est différent de celui de la retraite, car
la cessation, donc le gel des droits, ne vise que l’activité
poursuivie dans le régime liquidé.
Par conséquent, un commerçant peut prendre sa retraite
salariée et continuer son activité non salariée ou bien une
profession libérale peut liquider ses droits salariés tout en
continuant d’exercer en libéral.
Salarié
Commerçant
Profession
libérale
Limite
Aucune
limite
Aucune
limite
Commerçant
Aucune
limite
Limite
Aucune
limite
Profession libérale
Aucune
limite
Aucune
limite
Limite
Salarié
14. Quelle stratégie en déduire : prendre tout de suite, ou
bien continuer ? Il faut ici nous rappeler la surcote instaurée dans le régime salarié, également applicable aux
indépendants. En effet, elle consiste en une majoration de
la retraite de base dont bénéficient les assurés qui continuent de travailler au-delà de l’âge légal dès lors qu’ils ont
le taux plein.
Pour chaque trimestre de prolongation depuis janvier
2009, la retraite augmente de 1,25 % soit 5 % pour une
année : c’est mieux qu’un fonds en euros sur un contrat
d’assurance vie... il y a donc objectivement une alternative
entre « je prends tout de suite ce qui m’est dû sur un
régime et je continue sur l’autre », ou bien « j’augmente
mes droits en retardant la retraite salariée ».
En simplifiant le propos au maximum, on pourra appeler le
cumul emploi-retraite ancienne formule « la diagonale du
fou ».
Reste pour compléter les données de la question à estimer
la retraite dans chaque régime et donc à choisir pour
optimiser son revenu global. Le changement de régime
est en l’état actuel de la législation, et bien que le dernier
rapport de l’IGAS le regrette, une solution intéressante
dans bien des cas (Rapport IGAS juin 2012 – RM 0212067 P).
Point de vue
Les opportunités de missions pour l’expert-comptable
Un exemple pour mesurer l’enjeu
15. Prenons l’exemple d’un dirigeant non salarié né
en janvier 1952. Sa société est constituée sous la forme
d’une SARL (régime commerçant) et il a une rémunération
nette de 45 K €.
Il est marié sous le régime de la communauté de biens. Sa
tranche marginale d’imposition est de 30 %.
Il a cumulé 164 trimestres (taux plein) et a atteint l’âge légal
(60 ans et 9 mois). Il a cumulé 15 ans au régime salarié et le
reste en régime commerçant.
Pension
Hypothèse 1 : il poursuit l’exploitation et augmente sa
retraite par la surcote.
Hypothèse 2 : il liquide sa retraite et continue son activité.
Hypothèse 3 : il vend ses parts, s’associe et réduit son
activité de 50 %.
Hypothèse 4 : il vend la totalité, profite du cumul et reprend
une activité libérale.
60 ans
9 mois
65 ans
65 ans
65 ans
65 ans
Taux plein
Surcote
Cumul + poursuite
Vente 50 %
et mi-temps
Vente 100 %
et activité libérale
26 520 €
33 602 €
27 120 €
33 432 €
28 787 €
Il en ressort que :
– la surcote procure le revenu différé le plus élevé, mais le
retour sur investissement est de plus de 18 ans par rapport
au cumul libéralisé (il n’a pas eu de retraite pendant 5
ans) ;
– avec le cumul version 2009, il perçoit les prestations des
régimes de retraite 5 ans avant ;
– l’option de vente progressive avec une activité réduite
peut être intéressante pour le repreneur/vendeur ;
– avec l’option de vente totale, il perçoit un capital et en
continuant sur le régime des professions libérales, il augmente ses droits futurs ;
– dans tous les cas, reprendre une activité dans un autre
régime permet d’augmenter ses droits.
Les critères de choix du cumul emploi/retraite
La prévoyance associée au régime liquidé peut avoir
son importance
16. En matière de prévoyance, il convient de rappeler que
le statut de salarié est souvent plus protecteur. Le dirigeant salarié bénéficie, en même temps que son revenu et
tant qu’il demeure dans l’entreprise, d’un régime de prévoyance conventionnel ou collectif qu’il ne pourra pas
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toujours obtenir en cas de sortie de ce statut, par exemple
en fonction de son état de santé.
Exemple : Un dirigeant salarié ayant un salaire de 120 K €
qui est assuré par son entreprise en décès pour 720K €
(500 % salaire brut) pour une cotisation globale de 3
900 € aura à payer 4 900 € en tant que non salarié pour
une assurance de seulement 500 K € à 62 ans.
Sans présager du questionnaire médical à compléter qui
peut conduire à une majoration importante selon la compagnie.
La mutuelle et la structure familiale
17. Si le dirigeant salarié profite d’une mutuelle collective
en tant que cadre à un taux « famille » (tarif collectif), il
devra peut être payer le double pour avoir les mêmes
garanties en tant que non salarié.
En changeant de régime au moment de la liquidation de la
retraite, il faut toujours calculer l’impact de la protection
sociale et raisonner « à protection sociale maintenue » car
sinon, la comparaison n’est pas efficace.
Les droits acquis et la retraite constituée
18. Avant de décider, il faut évaluer les droits dans les
différents régimes auxquels l’assuré a cotisés.
Prenons un exemple :
Point de vue
De cet exemple, il se déduit les droits suivants :
– droits acquis par les cotisations en tant que salarié avant
la retraite = 3 125 € nets/an ;
– droits acquis en cas de liquidation de la retraite sans
activité = aucun ;
– droits acquis après la retraite dans l’hypothèse d’un
cumul emploi/retraite salarié = aucun ;
– droits acquis après la retraite dans l’hypothèse d’un
cumul emploi/retraite CIPAV = 1 185 € nets/an.
Le dirigeant salarié ayant fait toute sa carrière dans le
régime général avec un salaire de 250 K € veut continuer
son activité tout en réduisant la charge pour son entreprise.
Compte tenu des droits qu’ils a évalués à 110 K € pour les
divers régimes de retraite auxquels il a cotisés, s’il liquide
sa retraite salariée pour continuer en tant que salarié
(régime libéralisé), il perd 3 125 €/an de droits.
S’il continue en devenant gérant majoritaire à la CIPAV, il
acquiert 1 185 €/an de droits nouveaux.
Sur 10 ans de poursuite d’activité, l’enjeu est important :
plus ou moins 1 000 €/mois de plus en retraite.
En revanche, prenons l’exemple d’une profession libérale
dont la retraite salariée se monte à 4 000 € par mois et la
retraite acquise à la CIPAV à 2 000 €/mois.
Il réalisait un BNC de 70 K € et souhaite diminuer son
activité tout en maintenant son revenu global.
Le montant de droits acquis pour son futur revenu d’activité de 30K € n’est que de 345 €/année de cotisation, soit
300 € environ de plus par mois, alors qu’il devra acquitter
40 % de charges sociales sur son BNC, soit 12 K €.
S’il plaçait ces 12 K € à 3 % sur un contrat en euros, il
obtiendrait autant de revenu complémentaire.
Le seul avantage sera en l’occurrence la déduction des
charges de son activité qu’il pourra continuer à pratiquer.
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En revanche, s’il a besoin des 4 000 € mensuels pour
assurer son train de vie en remplacement des 70 K € de sa
seule activité antérieure, le montage va lui permettre
d’avoir un revenu global (retraite + activité libérale) suffisant.
Le régime de l’activité poursuivie et le niveau de
revenu escompté
19. Ce critère est très important :
– plus le revenu escompté sera élevé et moins j’ai avantage à cotiser sans droits, donc à continuer dans le même
régime que celui qui me verse ma retraite ;
– sauf si, pour des raisons autres (pouvoir dans l’entreprise, ISF, charges à déduire...), j’ai avantage à maintenir
le même statut ;
– et je peux ne pas avoir le choix si le montant de ma
retraite liquidée ne m’assure pas, conjointement à l’activité
poursuivie, le train de vie souhaité.
A contrario, une décision rapide de liquidation de retraite
alors que le délai pour bénéficier de l’exonération de la
taxe sur les plus-values au titre de la retraite est seulement
de 2 ans, peut s’avérer délicate, quand on sait que les
services des divers régimes de retraite sont parfois assez
longs à répondre compte tenu du nombre plus important
de dossiers à traiter depuis juillet 2012 (décret retraite
anticipée carrière longue à 60 ans).
La protection du conjoint
20. Depuis la loi Fillon, la réversion des pensions, c’est-àdire le droit du conjoint survivant de percevoir une partie
des droits du décédé, n’est plus un droit, mais une mesure
de solidarité nationale. Elle répond donc à des conditions :
– de ressources pour les régimes de base et le régime
complémentaire des commerçants/artisans (devenu
récemment le RCI par fusion des régimes) ;
Point de vue
– d’âge et de non-remariage pour les régimes complémentaires autres.
Nouvelles conditions d'âge
Nouvelles conditions de ressources
= 55 ans
= 2 080 SMIC horaire, soit 19
= plus de condition de non re- 614 €/an
mariage
= en couple (marié/pacsé), 1,6
= plus de condition de durée de fois (le montant précédent), soit
31 383 €/an
mariage
Le montant de la réversion au titre des régimes de base alignés est de 54 % de la retraite. En pratique, cela conduit à ne pas
en bénéficier la plupart du temps pour un indépendant.
Exemple :
En effet, dans les ressources à prendre en compte, sont inclus : les salaires, gains assimilés, revenus professionnels non
salariaux (avec un abattement de 30 % si le conjoint a plus de 55 ans), les revenus de remplacement (chômage, par
exemple), la réversion des régimes de base, les pensions, retraites et rentes personnelles, les autres revenus, les biens
immobiliers et mobiliers en propres pour 3 % de leur valeur vénale.
21. L’enjeu sera de fait différent selon le régime initial :
pour un cadre, la retraite de base ne représente pas 30 %
de sa retraite globale s’il a un salaire élevé, pour un
commerçant, la retraite de base pèse pour 70 % du total.
Enfin, pour les régimes complémentaires, le pourcentage
de réversion peut être variable, mais tous appliquent la
règle du partage entre les ex-conjoints vivants non remariés et cessent la réversion en cas de remariage du
conjoint bénéficiaire de la rente.
Par conséquent, l’analyse de la protection du conjoint est
un préalable aux décisions. Il faudra en l’occurrence
prendre en compte ce point car, lorsque le dirigeant
liquide sa retraite, il perd là encore ses régimes de prévoyance, comme nous l’avons déjà évoqué ci-dessus.
22. En conclusion, ces questions étant complexes, qui
peut aider le dirigeant, mieux que son expert-comptable,
associé à son conseil en protection sociale ?
De nouvelles missions pour l’expert-comptable
23. La décision de liquider sa retraite et, éventuellement,
de profiter du cumul emploi-retraite pour un dirigeant
s’avère complexe et comporte d’autres questions pour
lesquelles l’assistance de son conseil est fondamentale :
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– quel régime fiscal pour la cession de l’activité ? Lors du
départ à la retraite, rappelons que le dirigeant peut bénéficier d’un régime dérogatoire sur la taxation des plusvalues, sous certaines conditions ;
Point de vue
– quelle incidence a la cessation de l’activité sur le mandat
social ? La liquidation de la retraite d’un président de SAS
vaut cessation de son contrat et, par suite de son mandat
social, comment traiter le transfert dans un cumul emploi/
retraite libéralisé ;
– quelle conséquence sur l’ISF pour le dirigeant ? La
cessation d’activité salariée-mandat a une incidence sur
le régime des biens « professionnels ».
24. Il ne peut y avoir de décision, quant à la liquidation des
droits, sans concertation des conseils du dirigeant : d’un
côté, l’expert-comptable et de l’autre, le conseil en protection sociale, qui doivent dialoguer et croiser leurs points de
vue :
– la complexité des règles des régimes de retraite, qui
représentent des enjeux fiscaux et sociaux importants,
peut rebuter le client et l’expert-comptable doit le rassurer
en anticipant ;
– l’expert-comptable est en face de lui de manière naturelle pour toutes les questions fiscales et vise l’optimisation de l’impôt tant au niveau professionnel, que
personnel : c’est lui qui pourra optimiser entre revenus
immédiats (prime/dividende) et différés (cumul emploi/
retraite) ;
– le conseil en protection sociale peut l’aider à auditer les
droits acquis dans les différents régimes, à estimer les
droits à venir selon les alternatives retenues, à évaluer la
retraite future et donc à évaluer l’impact des options
fiscales et sociales sur ces droits ;
– il peut également être consulté sur les choix en matière
de prévoyance/santé/retraite supplémentaire selon les
options de cumul emploi/retraite.
Cette mission commune permettra de fidéliser le client tant
avant la cession de l’activité que, par la suite, lors de la
cessation totale. Elle peut s’articuler autour de plusieurs
chapitres : audit des droits à la retraite dans les régimes
auxquels a adhéré le dirigeant, optimisation du revenu
différé, anticipation de la cessation d’activité, optimisation
du cumul emploi/retraite, assistance pour la liquidation
des droits.
25. Mais, pour proposer une telle mission, il est nécessaire
de bien connaître sa clientèle et construire une offre
cohérente selon :
– un classement par âge car on ne peut avoir le même
discours auprès d’un dirigeant de 40 ans ou de 60 ans sur
ce thème ; l’envoi du relevé de situation individuelle prévu
par le législateur peut constituer une grille de départ (il est
prévu par périodes de cinq ans) ;
– un classement selon le statut (salarié/non salarié) ;
– un classement en fonction du niveau de rémunération
(en dessous du plafond de sécurité sociale, au-delà puis
au dessus de la TB pour les salariés ou 5 PASS pour les
professions libérales ou 3 PASS pour les commerçants
puisque les cotisations aux régimes obligatoires suivent
ces seuils) ;
– un classement selon l’ancienneté de la création de
l’activité (phase de création 5 ans – plus de 5 ans par
exemple) ;
– certains régimes, qui sont plus « fragiles » que d’autres
(par exemple : commerçants/artisans/professions libérales).
Cet audit de la clientèle ne vise pas tant à formater l’offre
car la retraite, c’est une question très personnelle pour
chacun, qu’à avoir un discours cohérent et donc plus
efficace dans l’intérêt du client, ainsi qu’à organiser de fait
la formation au sein du cabinet sur ces sujets complexes.
D.O Actualité ‰ N° 11 ‰ 2013 ‰ © LexisNexis SA
26. La sensibilisation des clients à l’offre de mission sera
plus pertinente si l’on a pris le soin de vérifier certains
points, comme par exemple ceux qui peuvent être repris
dans une fiche spécifique qui serait en permanence dans
le dossier client.
Point de vue
27. En conclusion, le cumul emploi/retraite, c’est le verre à
moitié vide ou bien à moitié plein, selon l’angle sous lequel
on l’analyse. Tout le monde s’accorde à reconnaître ses
bienfaits : il favorise l’activité après 60 ans, il permet la
transition activité/retraite, il est conforme au droit du travail
et ce sont des recettes supplémentaires. Les rapporteurs
de l’IGAS en juin 2012 ont d’ailleurs souligné que la révision du système actuel, par la généralisation du cumul
sans acquisition de nouveaux droits, représenterait des
millions d’euros de recettes bien utiles au régime général.
En pratique, seul l’indépendant qui aura pris le soin
d’auditer sa situation et d’anticiper sur sa future retraite,
pourra pallier les limites des régimes obligatoires et
poursuivre son activité en optimisant son futur revenu. Il
sera ainsi en mesure de limiter l’effet de la transition entre
activité et retraite.
Aussi, la proposition de mission de ses conseils, tant
expert-comptable qu’expert en protection sociale, est-elle
importante, voire essentielle. Pour eux, la construction
d’une telle mission est un vecteur essentiel de fidélisation
du client et participe à terme au développement du cabinet
par l’alliance des compétences.ê
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