Lire l`extrait de Ruby Redfort.

Transcription

Lire l`extrait de Ruby Redfort.
N’A PAS
FROID AUX
YE U
X
LAUREN CHILD
Traduit de l’anglais par Amélie Sarn
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Cet ouvrage a été réalisé par les Éditions Milan
avec la collaboration de Claire Debout.
Création graphique : Bruno Douin
Titre original : Ruby Redfort Look into My Eyes
Couverture : David Mackintosh
First published in hardback in Great Britain
by HarperCollins Children’s Books 2011
HarperCollins Children’s Books is a division
of HarperCollinsPublishers Ltd.
77-85 Fulham Palace Road, Hammersmith, London W6 8JB
Text Copyright © Lauren Child 2011
Published by arrangement with Random House Children’s Books,
one part of the Random House Group Ltd.
Pour l’édition française :
© 2012, Éditions Milan, pour le texte et l’illustration
300, rue Léon-Joulin, 31101 Toulouse Cedex 9, France
Loi 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse
ISBN : 978-2-7459-5901-0
www.editionsmilan.com
www.rubyredfort.fr
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Pour AD
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« Si les yeux sont réellement
le miroir de l’âme, alors
certains feraient bien de penser
à installer des stores. »
Anya Pamplemous dans son livre
L’Énigme intérieure
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Une petite fille appelée Ruby
Par une froide journée d’octobre, dans la rue des Cèdres,
une petite fille de deux ans se tenait debout sur un
tabouret devant une grande baie vitrée. Elle regardait
les feuilles tomber et étudiait leurs virevoltes. Elle les
suivait des yeux quand son attention fut attirée par une
feuille jaune qui avait exactement la taille et la forme
d’une main. La petite fille observa la feuille qui se posa
dans la cour avant de repartir et de franchir la barrière
pour traverser la rue. Elle contempla sa danse dans la brise
et la vit se coller sur le pare-chocs d’un camion qui passait.
Le camion s’arrêta devant la maison de bois du vieux
M. Pinkerton. Le chauffeur descendit, s’engagea dans
l’allée et frappa à la porte. M. Pinkerton sortit sur le porche
et le chauffeur déplia une carte. Les deux hommes se
mirent alors à discuter.
Très exactement une minute plus tard, une femme
élégante apparut au coin de la rue, un grand panier de
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pique-nique vert au bras. Elle jeta un rapide coup d’œil
vers la maison et adressa un discret hochement de tête
au chauffeur avant d’ôter ses chaussures à talons et de les
prendre à la main pour escalader avec agilité la clôture de
M. Pinkerton. Ce dernier était à ce moment trop occupé à
étudier la carte pour remarquer quoi que ce soit. Quarantecinq secondes s’écoulèrent avant que la femme ne réapparaisse. Elle portait le même panier mais il semblait
beaucoup plus lourd. Et surtout son contenu bougeait.
La petite fille essaya de prévenir ses parents, mais son
usage du langage était encore très limité et elle ne parvint
pas à se faire comprendre. Elle regarda donc la femme
remettre ses chaussures et se diriger vers l’arrière du
camion. Voyant leur fille sautiller sur place en montrant
la fenêtre, les parents supposèrent qu’elle avait envie de
se promener et enfilèrent leur manteau.
La petite fille dessina un camion sur son ardoise.
Son père sourit et lui ébouriffa les cheveux.
Pendant ce temps, le conducteur du camion replia
sa carte, remercia M. Pinkerton et lui adressa un petit
signe de la main en retournant vers son véhicule. Puis
il démarra. La feuille jaune en forme de main voleta
jusqu’au sol. La femme, sans son panier cette fois, s’éloigna. Elle avait une égratignure rouge sang sur la joue.
La petite fille écrivit le numéro de la plaque avec ses
cubes-lettres.
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Sa maman les rangea et lui mit son béret rouge et ses
gants assortis.
La famille sortit se promener dans la rue des Cèdres. En
passant devant la maison de bois, la petite fille se pencha
et ramassa la feuille en forme de main. En dessous, elle
trouva une petite broche gravée. Mais que représentait
cette gravure ?
Un hurlement brisa la quiétude de la rue des Cèdres.
Un hurlement qui brisa aussi le cœur de la petite fille.
Elle serra la broche dans sa main. Tous les voisins firent
irruption hors de leur maison pour accourir auprès
de M. Pinkerton, effondré. Malgré six semaines d’efforts,
la section d’investigation criminelle de Twinford ne
retrouva jamais le pékinois de M. Pinkerton qui avait
gagné tant de prix.
C’est en ce jour d’octobre que la petite fille résolut de
ne plus perdre son temps à parler comme un bébé et
d’améliorer rapidement son langage. Mais plus important encore, elle décida de devenir détective.
Cette petite fille s’appelait Ruby Redfort.
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Une petite fille comme les autres
Q
Quand Ruby Redfort eut sept ans, elle gagna le Championnat junior des craqueurs de codes en trouvant la
solution de l’énigme d’Eisenhauser en dix-sept jours et
quarante-sept minutes. L’année suivante, elle fut admise
au Grand Concours junior de créateurs de codes et stupéfia les juges qui furent incapables de décrypter son code.
On finit par l’envoyer à des professeurs d’Harvard qui
mirent une semaine à le déchiffrer et offrirent immédiatement à Ruby une place à l’université pour le semestre
suivant. Elle refusa. Elle n’avait aucune envie de – comme
elle le disait elle-même – « passer sa vie le nez collé sur
l’écran d’un ordinateur ».
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Quelques années plus tard…
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Chapitre 1
On ne peut jamais être
complètement sûr de ce qui
va arriver
J
Juchée sur un tabouret, Ruby Redfort regardait par la
fenêtre de la salle de bains. Ses jumelles étaient braquées
sur un camion de livraison garé dans la rue des Cèdres
depuis exactement vingt et une minutes. Jusqu’à présent,
personne n’en était sorti pour livrer quoi que ce soit. Ruby
termina d’un trait son verre de lait à la banane et griffonna
dans le petit calepin jaune calé sur ses genoux. Elle possédait 621 calepins jaunes ; tous – sauf celui qu’elle avait à
la main – étaient cachés sous le plancher de sa chambre.
Cela faisait maintenant neuf ans qu’elle avait commencé
à prendre des notes mais personne – pas même son meilleur ami Clancy – n’en avait lu une ligne. Ses observations
était en général assez banales mais : Même le détail le
plus banal peut se révéler d’une importance capitale
(règle n° 6).
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Ruby possédait aussi un calepin rose vif, aux pages cornées et à l’odeur de chewing-gum, dans lequel elle avait
noté toutes les « Règles de Ruby ». Il y en avait pour le
moment soixante-dix-neuf.
Règle n° 1 : On ne peut jamais être complètement sûr
de ce qui va arriver.
Une vérité indiscutable.
Ruby n’était pas très grande. Au premier coup d’œil, elle
était plutôt ordinaire. Rien ne la différenciait des enfants de
son âge. Mais quand on y regardait d’un peu plus près, on
remarquait que ses yeux avaient une nuance de vert très particulière. Quand Ruby vous fixait, il devenait soudain difficile
de trouver ses mots. Et quand elle souriait, ses petites dents
blanches comme des perles vous obligeaient à ne voir en elle
qu’une adorable petite fille. Mais le plus troublant était qu’on
ne pouvait s’empêcher d’avoir envie qu’elle vous apprécie.
Le téléphone de la salle de bains sonna. Ruby tendit nonchalamment le bras pour décrocher.
– Perruquerie Brandy, chevelu aujourd’hui, chauve
demain !
– Salut Ruby, répondit la voix au bout du fil.
C’était Clancy Croux.
– Salut Clancy. Quoi de neuf ?
– Pas grand-chose.
– À quoi dois-je le plaisir de ton appel ?
– À l’ennui, bâilla Clancy.
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– T’as qu’à venir, nounouille !
– J’aimerais bien, rétorqua Clancy. Mais mon père m’a
demandé de rester à la maison. Il reçoit je-ne-sais-qui et
il nous veut tous sur place, le petit doigt sur la couture
du pantalon. Tu vois ce que je veux dire ?
Le père de Clancy était ambassadeur et il recevait souvent. Dans ces cas-là, il aimait que ses enfants, propres
comme des sous neufs, servent les boissons et les petitsfours pour montrer quel père extraordinaire il était. Sauf
qu’en vrai, il était en général trop occupé pour se rappeler
leur date d’anniversaire.
– T’en as de la chance, ironisa Ruby.
– Ouais, je sais, ça craint, grogna Clancy.
– Viens quand même, suggéra Ruby. On regarde
quelques dessins animés et après tu rentres chez toi en
vitesse. Si on se débrouille bien, tu seras à l’heure pour
les photographes.
– D’accord, Ruby ! Tu m’as convaincu. Je suis là dans
dix minutes.
Ruby reposa le combiné près des deux autres téléphones
de la salle de bains : le premier ressemblait à un coquillage,
le deuxième à un savon. Elle en avait beaucoup d’autres
dans sa chambre. En fait, elle collectionnait les téléphones
depuis l’âge de cinq ans. Celui en forme de beignet avait
été son premier, le dernier en date était un écureuil en
smoking. Elle les avait tous trouvés dans des vide-greniers.
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Elle s’apprêtait à poursuivre sa surveillance quand l’interphone bourdonna. Les parents de Ruby en avaient fait
installer un sur le palier de chaque étage pour ne pas être
tout le temps obligés de crier.
Ruby appuya sur le bouton.
– Bonjour, puis-je vous aider ?
– Salut, répondit une voix, c’est Mme Digby. Puis-je me
permettre de te rappeler que tes parents seront de retour
de Suisse dans deux heures et quart ?
– Je le sais, madame Digby, vous me l’avez dit il y a une
demi-heure.
– Ravie que tu ne l’aies pas oublié. Puis-je également
te faire remarquer qu’ils risquent de ne pas réellement
apprécier l’état actuel de ta chambre ?
– C’est mon style, madame Digby. J’appelle ça « superposition ». C’est très à la mode.
– Eh bien, puis-je également te rappeler que des photographes doivent venir prendre des clichés de la maison
demain et que si ta mère découvre ton style « superposition », tu vas avoir de très très gros problèmes.
– D’accord, d’accord, soupira Ruby. Je m’en occupe.
La maison de la famille Redfort, appelée la Maison
verte en raison de ses caractéristiques écologiques,
avait été conçue en 1961 par le célèbre architecte Arno
Fredricksonn. Dix ans plus tard, elle était toujours
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considérée à la pointe de la technologie et figurait régulièrement dans des revues d’architecture.
Ruby retourna dans la salle de bains, se rassit sur son
tabouret et continua de regarder par la fenêtre. Le camion
n’avait pas bougé mais à présent, un raton laveur se promenait sur son toit. La porte de la salle de bains s’ouvrit
sur un gros husky qui renifla partout avant de se coucher
pour mâchouiller le tapis de bain.
– Tu t’ennuies toi aussi ? lui demanda Ruby en descendant de son tabouret.
Elle alla jusqu’à sa chambre et examina les dégâts. Ce
n’était pas joli à voir. Ce n’était pas sale mais vraiment
en désordre. Elle avait beaucoup d’affaires et quand elle
travaillait, ces affaires avaient la mauvaise habitude de
s’étaler un peu partout. Ce que la mère de Ruby détestait.
Bon sang ! marmonna Ruby. Si ma mère voit ça alors que
des photographes doivent venir demain, elle va devenir folle.
Ruby entendait déjà son père : « Pour la santé mentale
de ta mère, Ruby, fais quelque chose. »
Elle entreprit donc de remettre les disques dans leurs
pochettes et les livres sur l’étagère. Ruby avait beaucoup
de livres. Sa bibliothèque prenait tout un pan de mur et
allait du sol au plafond.
Une étagère pour la fiction
Avec des titres en français et en langues étrangères.
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Une étagère pour les documentaires
On y trouvait de tout.
Une autre pour les romans graphiques
et les bandes dessinées
Sujets principaux : crimes et mystères.
Ruby et Mme Digby partageaient le même enthousiasme
pour le crime et les mystères sous toutes leurs formes.
Régulièrement, elles s’installaient avec un grand saladier
de chips devant l’émission Meurtres et Mystères. Quand
Ruby était plus petite, Mme Digby lui lisait pour l’endormir
des extraits de romans policiers.
Une étagère pour les livres d’énigmes
Les énigmes étaient la passion de Ruby.
Toutes sortes d’énigmes : mots croisés, anagrammes,
devinettes et même puzzles – tout ce qui pouvait être
résolu grâce à un modèle, un truc ou une clé. Ce qui avait
mené Ruby à s’intéresser aux…
Codes
Elle avait de nombreux livres et essais sur le sujet.
Elle était même abonnée au mensuel Le Maître des
codes, une revue chinoise presque inconnue qui n’était
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distribuée que par abonnement. Pour recevoir le magazine, il fallait avant tout prouver son talent de déchiffreur
de codes. Ce qui avait mené Ruby à lire…
• La Théorie des codes, leur dualité abstraite et leur soustexte de Garp Einholt. Pour être honnête, Ruby avait
trouvé cet ouvrage un peu surestimé et très ennuyeux.
• le beaucoup plus intéressant Déverrouille mon cerveau de Sherman Tree.
• L’Énigme intérieure, une étude de près de trente ans
sur les codes, réalisée par Anya Pamplemous, qu’elle avait
beaucoup aimée.
Mais ses livres de chevet préférés avaient tous été écrits
il y a très longtemps :
• un ouvrage d’Euclide dont le titre était tout simplement X.
• et un autre à la couverture violette dont l’origine était
inconnue et qui contenait des tas de différents codes. On
y trouvait les explications de devinettes, de poèmes et
d’équations. C’était la bible du craqueur de codes.
Après s’être occupée de ranger ses livres et ses papiers,
Ruby entama la tâche plus complexe de trier ses vêtements
qui étaient tous par terre. C’est sous une pile de grandes
chaussettes rayées qu’elle retrouva ses lunettes.
Comme je suis contente de vous voir !
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Ruby portait parfois des lentilles mais elle ne les trouvait
pas pratiques du tout ; elles avaient la fâcheuse habitude de
tomber aux plus mauvais moments. Si Ruby Redfort avait
un talon d’Achille, c’était sans conteste ses yeux. Sans une
paire de lunettes ou de lentilles, elle ne voyait que du flou.
L’interphone bourdonna de nouveau.
– Oui ?
– Tu fais quoi ?
– Je range. Pourquoi ?
– Pour rien. Je vérifie, c’est tout.
– Madame Digby, vous êtes une femme très soupçonneuse.
Après avoir rangé la plus grande partie de ses vêtements,
Ruby fourra les autres dans la trappe à linge sale. Elle
avait l’habitude de jeter toutes sortes de choses dans la
trappe à linge sale. Parfois, elle s’y glissait elle-même. Ça
lui faisait gagner du temps.
Estimant qu’elle avait terminé, Ruby alluma la télé mais
son attention fut attirée par un bruit semblant provenir
de la cuisine. Sept ans plus tôt, elle avait bricolé un périscope de façon à voir ce qui se passait à l’étage en dessous.
Mme Digby sortait une plaque de cookies du four.
Bien joué, madame Digby.
Ruby inséra son calepin dans un interstice derrière
l’encadrement de sa porte et descendit.
Règle n° 2 : Pour garder une chose secrète, ne pas
la laisse pas traîner.
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