Tribunal de grande instance de Paris SNTLvs GoGo Run Run - Wk-rh

Transcription

Tribunal de grande instance de Paris SNTLvs GoGo Run Run - Wk-rh
Tribunal de grande instance de Paris,
ordonnance de référé du 12 mai 2016
Syndicat National des Transports Légers / GoGo RunRun
site internet - référé - plateforme de mise en relation - professions
réglementées - Commissionnaire de transport - coursier
DÉBATS
A l’audience du 14 Avril 2016, tenue publiquement, présidée par
Nicole Cochet, Premier Vice-Président, assistée de Pascale Lucido,
Greffier,
Nous, Président, Après avoir entendu les parties comparantes ou leur
conseil,
La SARL GoGo RunRun a développé et mis en ligne un site internet
et une application mobile qui propose la mise en relation entre
expéditeurs et coursiers pour le transport de plis ou de colis, à vélo ou
en véhicule motorisé.
Par assignation en référé d’heure à heure du 4 janvier 2016, autorisée
par ordonnance présidentielle du 29 décembre 2015, le Syndicat
National des transports légers – ci-après SNTL - a fait appeler en
référé la SARL GoGo RunRun devant le Président du tribunal de
Grande instance, aux fins de :
• lui voir faire interdiction de proposer directement ou indirectement
au public, dans les 24 heures de la décision à intervenir, ses
services, en ce qu’ils concernent du transport de marchandises
par véhicules motorisés et tout système équivalent de mise en
relation avec des personnes se livrant à des activités mentionnées
à l’article L 3211- 1 du code des transports sans être des
entreprises de transport routier de marchandises pouvant
effectuer les services mentionnés au chapitre 1er du titre 1er du
livre II de la 3ème partie du code des transports, sous astreinte
de 50 000 euros par jour de retard ;
• lui voir faire interdiction de proposer, dans un délai de 24 heures de
la décision à intervenir, toute opération de facturation en relation
avec ses services, en ce qu’ils concernent du transport de
marchandises par véhicules motorisés et tout système équivalent
de mise en relation avec des personnes se livrant à des activités
mentionnées à l’article L 3211- 1 du code des transports sans
être des entreprises de transport routier de marchandises pouvant
effectuer les services mentionnés au chapitre 1er du titre 1er du
livre II de la 3ème partie du code des transports, sous astreinte
de 50 000 euros par infraction constatée ;
• la voir condamner à lui payer la somme de 10 000 euros en
application des dispositions de l’article 700 Code de procédure
civile.
A la suite de la délivrance de l’assignation, les parties ont eu des
discussions qui les ont amenées à un accord partiel le 11 avril 2016, le
SNTL demandeur s’étant assuré que les coursiers motorisés auxquels
recourt GoGo RunRun étaient bien inscrits au registre des
transporteurs.
Elles sont toutefois restées en désaccord sur le statut de l’activité de la
société défenderesse elle-même, en sorte que le SNTL a pris des
conclusions modifiant sa demande, qu’il fait viser et soutient
oralement à l’audience, par lesquelles il demande au juge des référés
de faire interdiction à la Société GoGo RunRun de proposer les
services de son application, concernant les véhicules motorisés, sans
être inscrite au registre des commissionnaires de transports, sous
astreinte de 5000 euros par jour de retard, la demande initiale au titre
de l’article 700 Code de procédure civile étant par ailleurs maintenue.
Au soutien de sa demande, le SNTL affirme qu’en organisant la
prestation de transport, en son nom propre, GoGo RunRun agit
comme un commissionnaire de transport sans respecter les obligations
légales applicables pour l’exercice de cette activité, en particulier sans
inscription au registre des transporteurs de marchandises, ce qui est
constitutif d’actes de concurrence déloyale, d’un trouble
manifestement illicite, et d’une pratique commerciale trompeuse qu’il
y a urgence à faire cesser compte tenu du préjudice occasionné aux
membres du SNTL et à l’intérêt collectif de la profession.
Dans ses conclusions en réponse, visées et développées oralement à
l’audience, la SARL GoGo RunRun invoque l’existence de
contestations sérieuses et l’absence de trouble illicite manifeste généré
par son activité, qui doivent conduire le juge saisi à dire n’y avoir lieu
à référé, et elle sollicite la condamnation du SNTL à lui payer la
somme de 7000 euros en application des dispositions de l’article 700
Code de procédure civile.
Elle fait en premier lieu remarquer que l’assignation initiale ne
concernait que la situation des coursiers et que le fait que la demande
ait été maintenue, sur une base nouvelle par rapport à l’origine du
litige, laisse dubitatif sur l’existence du trouble illicite invoqué, tout en
montrant la volonté effective du SNTL de s’opposer aux prestations
innovantes suscitées par l’emploi des nouvelles technologies.
Sur la demande elle-même, elle soutient qu’elle n’est qu’un auxiliaire
de transport, et non un commissionnaire, et qu’elle exerce son activité
dans un cadre parfaitement licite, insusceptible de caractériser une
quelconque pratique commerciale trompeuse. Très subsidiairement, à
l’audience, elle indique qu’à supposer que la qualification qu’elle
conteste puisse lui être imposée dans le cadre d’une procédure en
référé, un délai de deux à trois mois au moins lui serait alors
nécessaire pour lui permettre de se conformer aux obligations
nouvelles auxquelles elle devrait satisfaire.
DISCUSSION
Dans le cadre de la demande telle qu’elle a évolué dans le cours du
délai écoulé entre la délivrance de l’assignation et l’audience, le débat
porte désormais sur le point de savoir si GoGo RunRun est un
commissionnaire de transport, tenue des obligations qui en découlent,
notamment celle de s’inscrire au registre des commissionnaires de
transports, ou un simple auxiliaire de transport, qui pourrait alors
exercer son activité sans être assujettie à ces mêmes obligations.
De la réponse à cette question, pour autant que le juge des référés soit
en mesure de la donner, dépend l’existence ou non du trouble
manifestement illicite qui fonderait son intervention au titre de
l’article 809 du code civil.
Aux termes de l’article L 1411-1 du code des transports, un
commissionnaire de transports est une personne qui "organise et fait
exécuter, en son propre nom, un transport de marchandises selon le
mode de son choix, pour le compte d’un commettant ", tandis qu’un
auxiliaire de transports est " une personne qui concourt à l’opération
de transport sans toutefois l’exécuter ni en fournir les moyens
d’exécution".
Ayant renoncé à vouloir qualifier GoGo RunRun de transporteur, le
SNTL estime que son activité entre parfaitement dans le cadre de la
définition du commissionnaire que donne ce texte, puisqu’elle
organise la prestation pour le compte de l’expéditeur, et ce de bout en
bout, l’application indiquant le point de départ et le point d’arrivée de
la marchandise.
Elle remplit, en outre, selon lui, tous les critères qui déterminent cette
qualification, puisqu’une fois déclaré le besoin de transport du
donneur d’ordre, qui ne connaît que GoGo RunRun, c’est la société
qui se charge :
• de détecter et choisir librement et seule le transporteur, l’application
ne fournissant au donneur d’ordre aucune indication sur son
nom, ni sur le mode de transport qu’il utilise ;
• de facturer la prestation pour le donneur d’ordre, puisqu’elle reçoit
la rémunération due pour la reverser ensuite au coursier,
recevant elle-même, forfaitairement, 25 % du prix de chaque
transport ;
• de gérer les réclamations, d’indemniser discrétionnairement les
dommages subis par le donneur d’ordre, et de cesser au besoin,
comme elle l’entend, de recourir aux services de tel ou tel
coursier.
Pour se définir comme un simple auxiliaire de transport, GoGo
RunRun se réfère, elle, aux dispositions de l’article R 1411-1 du code
des transports, qui définit les activités du commissionnaire de
transports comme les opérations :
• de groupage,
• d’affrètement,
• de bureau de ville - prise en charge de colis ou d’expéditions de
détail et remise à des transporteurs publics ou à d’autres
commissionnaires de transports-,
• ou d’organisation de transports - prise en charge de marchandises en
provenance ou à destination du territoire national pour en assurer
l’acheminement par les soins d’un ou plusieurs transporteurs
publics.
Or elle n’effectue aucune de ces opérations, ce qui interdit de la
qualifier de la sorte.
Elle conteste en outre formellement l’analyse de son activité vue par
le SNPL, expliquant que celle-ci consiste uniquement en la gestion de
plate-forme qui permet la mise en contact entre expéditeur et coursier,
ainsi :
• elle n’est pas partie au lien contractuel qui se crée de gré à gré, via
l’application, entre le coursier et l’expéditeur,
• le point de départ et le point d’arrivée sont définis par l’expéditeur,
• elle ne choisit ni le coursier, ni son itinéraire,
• elle n’organise pas les conditions d’enlèvement et de remise, et elle
ne facture qu’au nom et pour le compte des coursiers, les
expéditeurs ne recevant de sa part qu’un reçu de paiement
automatisé.
Si les unes et les autres de ces assertions sont factuellement exactes,
les conséquences qu’en tirent l’un et l’autre des parties ne le sont pas
si évidemment.
Ainsi, d’une part, l’absence d’indication du nom du coursier et du
mode de transport n’impliquent pas que ceux-ci soient choisis par
GoGo RunRun, le choix se faisant sur le terrain en fonction du
positionnement des coursiers par rapport au besoin exprimé en termes
de lieu de départ et d’arrivée, de trajet et d’objet à transporter. De
même, l’envoi du reçu de paiement à l’expéditeur n’équivaut pas à
une facturation au nom de GoGo RunRun, démentie en l’occurrence
par les mandats de facturation donnés par les coursiers à la Société.
La liberté dans le choix des modes de transports et des coursiers, et
l’intervention en nom pour le compte d’un donneur d’ordres, qui sont
les critères essentiels de qualification du commissionnaire, mis en
avant par le SNTL, n’apparaissent donc pas comme des
caractéristiques évidentes de l’activité de GoGo RunRun.
Mais d’autre part, l’assertion de GoGo RunRun , selon laquelle elle
serait totalement étrangère au lien contractuel, apparaît peu sérieuse,
dès lors que la relation entre coursier et expéditeur ne peut se lier que
par son intermédiaire, et que sa bonne fin - paiement, règlement des
litiges - est, de même, subordonnée à son intervention.
S’il peut donc être considéré qu’elle n’est pas l’exécutante de
l’opération de transport, sa prétention à n’être pas non plus le
fournisseur des moyens de son exécution, qui est la condition
nécessaire pour pouvoir la qualifier de simple auxiliaire de transport,
est contraire à la réalité de son intervention dans le processus qui
aboutit à la réalisation de la prestation.
De ces éléments découle une impossibilité de qualifier l’activité de
GoGo RunRun, qui ne s’insère de manière évidente dans aucune des
catégories professionnelles proposées.
S’il n’y a pas lieu de s’en étonner, compte tenu de la nouveauté du
processus que GoGo RunRun développe, cette impossibilité crée une
contestation sérieuse sur le point de savoir si la défenderesse enfreint,
ou non, les règles légales qui s’imposeraient à son exercice, dont
l’issue excède les pouvoirs du juge des référés.
Le trouble illicite allégué ne peut non plus être reconnu ni sanctionné,
sa matérialité étant conditionnée par l’existence de cette infraction, et
son caractère manifeste définitivement compromis par la contestation
sérieuse que celle-ci soulève.
L’équité n’appelle pas en l’espèce l’application des dispositions de
l’article 700 Code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des
parties.
DECISION
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par
ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande présentée par le
Syndicat national des Transports Légers à l’encontre de la Sarl
GoGo RunRun ;
Renvoyons les parties à se pourvoir au fond ;
Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700
Code de procédure civile ;
Condamnons le Syndicat National des Transports Légers aux
dépens du présent référé.
Le Tribunal : Nicole Cochet (président), Pascale Lucido (greffier)
Avocats : Me Maxime de Guillenchmidt, Me Raphaël Tawa
Tribunal de grande instance de Paris,
ordonnance de référé du 12 mai 2016
Syndicat National des Transports Légers / GoGo RunRun
site internet - référé - plateforme de mise en relation - professions
réglementées - Commissionnaire de transport - coursier
DÉBATS
A l’audience du 14 Avril 2016, tenue publiquement, présidée par
Nicole Cochet, Premier Vice-Président, assistée de Pascale Lucido,
Greffier,
Nous, Président, Après avoir entendu les parties comparantes ou leur
conseil,
La SARL GoGo RunRun a développé et mis en ligne un site internet
et une application mobile qui propose la mise en relation entre
expéditeurs et coursiers pour le transport de plis ou de colis, à vélo ou
en véhicule motorisé.
Par assignation en référé d’heure à heure du 4 janvier 2016, autorisée
par ordonnance présidentielle du 29 décembre 2015, le Syndicat
National des transports légers – ci-après SNTL - a fait appeler en
référé la SARL GoGo RunRun devant le Président du tribunal de
Grande instance, aux fins de :
• lui voir faire interdiction de proposer directement ou indirectement
au public, dans les 24 heures de la décision à intervenir, ses
services, en ce qu’ils concernent du transport de marchandises
par véhicules motorisés et tout système équivalent de mise en
relation avec des personnes se livrant à des activités mentionnées
à l’article L 3211- 1 du code des transports sans être des
entreprises de transport routier de marchandises pouvant
effectuer les services mentionnés au chapitre 1er du titre 1er du
livre II de la 3ème partie du code des transports, sous astreinte
de 50 000 euros par jour de retard ;
• lui voir faire interdiction de proposer, dans un délai de 24 heures de
la décision à intervenir, toute opération de facturation en relation
avec ses services, en ce qu’ils concernent du transport de
marchandises par véhicules motorisés et tout système équivalent
de mise en relation avec des personnes se livrant à des activités
mentionnées à l’article L 3211- 1 du code des transports sans
être des entreprises de transport routier de marchandises pouvant
effectuer les services mentionnés au chapitre 1er du titre 1er du
livre II de la 3ème partie du code des transports, sous astreinte
de 50 000 euros par infraction constatée ;
• la voir condamner à lui payer la somme de 10 000 euros en
application des dispositions de l’article 700 Code de procédure
civile.
A la suite de la délivrance de l’assignation, les parties ont eu des
discussions qui les ont amenées à un accord partiel le 11 avril 2016, le
SNTL demandeur s’étant assuré que les coursiers motorisés auxquels
recourt GoGo RunRun étaient bien inscrits au registre des
transporteurs.
Elles sont toutefois restées en désaccord sur le statut de l’activité de la
société défenderesse elle-même, en sorte que le SNTL a pris des
conclusions modifiant sa demande, qu’il fait viser et soutient
oralement à l’audience, par lesquelles il demande au juge des référés
de faire interdiction à la Société GoGo RunRun de proposer les
services de son application, concernant les véhicules motorisés, sans
être inscrite au registre des commissionnaires de transports, sous
astreinte de 5000 euros par jour de retard, la demande initiale au titre
de l’article 700 Code de procédure civile étant par ailleurs maintenue.
Au soutien de sa demande, le SNTL affirme qu’en organisant la
prestation de transport, en son nom propre, GoGo RunRun agit
comme un commissionnaire de transport sans respecter les obligations
légales applicables pour l’exercice de cette activité, en particulier sans
inscription au registre des transporteurs de marchandises, ce qui est
constitutif d’actes de concurrence déloyale, d’un trouble
manifestement illicite, et d’une pratique commerciale trompeuse qu’il
y a urgence à faire cesser compte tenu du préjudice occasionné aux
membres du SNTL et à l’intérêt collectif de la profession.
Dans ses conclusions en réponse, visées et développées oralement à
l’audience, la SARL GoGo RunRun invoque l’existence de
contestations sérieuses et l’absence de trouble illicite manifeste généré
par son activité, qui doivent conduire le juge saisi à dire n’y avoir lieu
à référé, et elle sollicite la condamnation du SNTL à lui payer la
somme de 7000 euros en application des dispositions de l’article 700
Code de procédure civile.
Elle fait en premier lieu remarquer que l’assignation initiale ne
concernait que la situation des coursiers et que le fait que la demande
ait été maintenue, sur une base nouvelle par rapport à l’origine du
litige, laisse dubitatif sur l’existence du trouble illicite invoqué, tout en
montrant la volonté effective du SNTL de s’opposer aux prestations
innovantes suscitées par l’emploi des nouvelles technologies.
Sur la demande elle-même, elle soutient qu’elle n’est qu’un auxiliaire
de transport, et non un commissionnaire, et qu’elle exerce son activité
dans un cadre parfaitement licite, insusceptible de caractériser une
quelconque pratique commerciale trompeuse. Très subsidiairement, à
l’audience, elle indique qu’à supposer que la qualification qu’elle
conteste puisse lui être imposée dans le cadre d’une procédure en
référé, un délai de deux à trois mois au moins lui serait alors
nécessaire pour lui permettre de se conformer aux obligations
nouvelles auxquelles elle devrait satisfaire.
DISCUSSION
Dans le cadre de la demande telle qu’elle a évolué dans le cours du
délai écoulé entre la délivrance de l’assignation et l’audience, le débat
porte désormais sur le point de savoir si GoGo RunRun est un
commissionnaire de transport, tenue des obligations qui en découlent,
notamment celle de s’inscrire au registre des commissionnaires de
transports, ou un simple auxiliaire de transport, qui pourrait alors
exercer son activité sans être assujettie à ces mêmes obligations.
De la réponse à cette question, pour autant que le juge des référés soit
en mesure de la donner, dépend l’existence ou non du trouble
manifestement illicite qui fonderait son intervention au titre de
l’article 809 du code civil.
Aux termes de l’article L 1411-1 du code des transports, un
commissionnaire de transports est une personne qui "organise et fait
exécuter, en son propre nom, un transport de marchandises selon le
mode de son choix, pour le compte d’un commettant ", tandis qu’un
auxiliaire de transports est " une personne qui concourt à l’opération
de transport sans toutefois l’exécuter ni en fournir les moyens
d’exécution".
Ayant renoncé à vouloir qualifier GoGo RunRun de transporteur, le
SNTL estime que son activité entre parfaitement dans le cadre de la
définition du commissionnaire que donne ce texte, puisqu’elle
organise la prestation pour le compte de l’expéditeur, et ce de bout en
bout, l’application indiquant le point de départ et le point d’arrivée de
la marchandise.
Elle remplit, en outre, selon lui, tous les critères qui déterminent cette
qualification, puisqu’une fois déclaré le besoin de transport du
donneur d’ordre, qui ne connaît que GoGo RunRun, c’est la société
qui se charge :
• de détecter et choisir librement et seule le transporteur, l’application
ne fournissant au donneur d’ordre aucune indication sur son
nom, ni sur le mode de transport qu’il utilise ;
• de facturer la prestation pour le donneur d’ordre, puisqu’elle reçoit
la rémunération due pour la reverser ensuite au coursier,
recevant elle-même, forfaitairement, 25 % du prix de chaque
transport ;
• de gérer les réclamations, d’indemniser discrétionnairement les
dommages subis par le donneur d’ordre, et de cesser au besoin,
comme elle l’entend, de recourir aux services de tel ou tel
coursier.
Pour se définir comme un simple auxiliaire de transport, GoGo
RunRun se réfère, elle, aux dispositions de l’article R 1411-1 du code
des transports, qui définit les activités du commissionnaire de
transports comme les opérations :
• de groupage,
• d’affrètement,
• de bureau de ville - prise en charge de colis ou d’expéditions de
détail et remise à des transporteurs publics ou à d’autres
commissionnaires de transports-,
• ou d’organisation de transports - prise en charge de marchandises en
provenance ou à destination du territoire national pour en assurer
l’acheminement par les soins d’un ou plusieurs transporteurs
publics.
Or elle n’effectue aucune de ces opérations, ce qui interdit de la
qualifier de la sorte.
Elle conteste en outre formellement l’analyse de son activité vue par
le SNPL, expliquant que celle-ci consiste uniquement en la gestion de
plate-forme qui permet la mise en contact entre expéditeur et coursier,
ainsi :
• elle n’est pas partie au lien contractuel qui se crée de gré à gré, via
l’application, entre le coursier et l’expéditeur,
• le point de départ et le point d’arrivée sont définis par l’expéditeur,
• elle ne choisit ni le coursier, ni son itinéraire,
• elle n’organise pas les conditions d’enlèvement et de remise, et elle
ne facture qu’au nom et pour le compte des coursiers, les
expéditeurs ne recevant de sa part qu’un reçu de paiement
automatisé.
Si les unes et les autres de ces assertions sont factuellement exactes,
les conséquences qu’en tirent l’un et l’autre des parties ne le sont pas
si évidemment.
Ainsi, d’une part, l’absence d’indication du nom du coursier et du
mode de transport n’impliquent pas que ceux-ci soient choisis par
GoGo RunRun, le choix se faisant sur le terrain en fonction du
positionnement des coursiers par rapport au besoin exprimé en termes
de lieu de départ et d’arrivée, de trajet et d’objet à transporter. De
même, l’envoi du reçu de paiement à l’expéditeur n’équivaut pas à
une facturation au nom de GoGo RunRun, démentie en l’occurrence
par les mandats de facturation donnés par les coursiers à la Société.
La liberté dans le choix des modes de transports et des coursiers, et
l’intervention en nom pour le compte d’un donneur d’ordres, qui sont
les critères essentiels de qualification du commissionnaire, mis en
avant par le SNTL, n’apparaissent donc pas comme des
caractéristiques évidentes de l’activité de GoGo RunRun.
Mais d’autre part, l’assertion de GoGo RunRun , selon laquelle elle
serait totalement étrangère au lien contractuel, apparaît peu sérieuse,
dès lors que la relation entre coursier et expéditeur ne peut se lier que
par son intermédiaire, et que sa bonne fin - paiement, règlement des
litiges - est, de même, subordonnée à son intervention.
S’il peut donc être considéré qu’elle n’est pas l’exécutante de
l’opération de transport, sa prétention à n’être pas non plus le
fournisseur des moyens de son exécution, qui est la condition
nécessaire pour pouvoir la qualifier de simple auxiliaire de transport,
est contraire à la réalité de son intervention dans le processus qui
aboutit à la réalisation de la prestation.
De ces éléments découle une impossibilité de qualifier l’activité de
GoGo RunRun, qui ne s’insère de manière évidente dans aucune des
catégories professionnelles proposées.
S’il n’y a pas lieu de s’en étonner, compte tenu de la nouveauté du
processus que GoGo RunRun développe, cette impossibilité crée une
contestation sérieuse sur le point de savoir si la défenderesse enfreint,
ou non, les règles légales qui s’imposeraient à son exercice, dont
l’issue excède les pouvoirs du juge des référés.
Le trouble illicite allégué ne peut non plus être reconnu ni sanctionné,
sa matérialité étant conditionnée par l’existence de cette infraction, et
son caractère manifeste définitivement compromis par la contestation
sérieuse que celle-ci soulève.
L’équité n’appelle pas en l’espèce l’application des dispositions de
l’article 700 Code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des
parties.
DECISION
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par
ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande présentée par le
Syndicat national des Transports Légers à l’encontre de la Sarl
GoGo RunRun ;
Renvoyons les parties à se pourvoir au fond ;
Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700
Code de procédure civile ;
Condamnons le Syndicat National des Transports Légers aux
dépens du présent référé.
Le Tribunal : Nicole Cochet (président), Pascale Lucido (greffier)
Avocats : Me Maxime de Guillenchmidt, Me Raphaël Tawa