Manuscrit du Migratour à Metz

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Manuscrit du Migratour à Metz
Migratour / Audioguide pour QuattroPole
- Manuscrit -
Avec les MigraTours, nous vous accompagnons sur les traces de la migration dans les villes QuattroPole de Luxembourg,
Metz, Sarrebruck et Trèves. Soit vous réservez les MigraTours en tant que visites guidées à pied pour des groupes, soit vous
suivez l’itinéraire individuellement, accompagné d’un audioguide. Les audioguides ont été réalisés par les journalistes radio
Tilla Fuchs, Jochen Marmit et Denise Dreyer. Des experts dans les villes ont participé aux recherches, à la sélection des
stations, des thèmes et des témoins.
Metz
Migration à Metz
Notre circuit commence Place Sainte-Croix, à proximité de la cathédrale et de l’hôtel de
ville. Nous allons, ensuite, découvrir Outre Seille, un quartier où habitent beaucoup de
migrants.
Il y a plus de 140 nationalités différentes représentées dans l’agglomération messine. À
ces ressortissants venus d’ailleurs, il faudrait ajouter les Français descendants directs
d’immigrés et ceux qui disposent de la double nationalité. D’abord connue comme
oppidum – donc petite ville - celtique et ville gallo-romaine, Divodorum puis Mettis qui
donnera finalement Metz au Moyen-Âge, cette ville frontalière a toujours été le point de
rencontre de populations et de cultures.
Sa proximité avec la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne a favorisé les
échanges. À partir du XIXe siècle, sa position centrale au cœur du bassin industriel et
minier explique que la cité messine devient la porte d’entrée et de sortie des migrants
venus de l’Europe puis du monde entier.
Elle garde présente les traces de l’histoire européenne tant religieuse avec ses
monuments chrétiens et juifs que militaire avec ses casernes, arsenaux et remparts. Cette
ville de culture latine conserve aussi la mémoire de son appartenance à l’empire
germanique (Xe – XVIe siècle) et son annexion par l’Allemagne (1871-1918). L’urbanisme
et l’architecture de cette dernière période sont des éléments architecturaux
emblématiques bien acceptés et intégrés dans l’évolution de la ville.
1
Les travaux de l’historien Piero Galloro ont montré que, jusqu’à nos jours, les
formes migratoires évoluent. Aux flux de proximité avec les voisins wallons,
luxembourgeois et sarrois se sont ajoutés les courants cisalpins puis ceux de l’Europe de
l’Est et du Centre, avant d’arriver des anciens territoires coloniaux de la France. Au gré
des rues du quartier Outre-Seille, la présence de l’immigration est encore visible à travers
les commerces variés, les cafés et restaurants qui proposent des saveurs du monde entier.
Aujourd’hui, les passages de frontières se sont quelque peu inversés avec le travail
frontalier qui conduit les messins à Sarrebruck ou au Luxembourg. Le développement
des industries culturelles et la présence de l’Université de Lorraine draine à présent une
population de touristes et d’étudiants qui viennent mélanger leurs accents à ceux des
Messins.
Le présent « Migratour » de Metz suit la trace de ces populations.
Station 1 La Place Sainte-Croix
Musique
Avant même de débuter notre parcours en Outre-Seille, découvrons la place SainteCroix, haut lieu de la ville, à plus d’un titre. C’est le point culminant de la ville à 189
mètres d’altitude et sur cette colline des Hauts-de-Sainte-Croix, le peuple celte des
Médiomatriques va installer un oppidum qui deviendra, à l’époque gallo-romaine, le
chef-lieu de la cité de ce peuple. Ce cœur de la cité messine est occupé en continu jusqu’
à nos jours.
Aujourd’hui, nous pouvons voir des éléments architecturaux de différentes époques. La
fontaine Sainte-Croix, du XVIIIe siècle, abrite un transformateur d’électricité, bien intégré
dans cet édifice. En déplaçant notre regard à droite vers le haut de la rue Taison,
découvrons le cardo maximus, passage messin de la voie romaine de Lyon - Trèves.
Les immeubles qui bordent ce cardo sont du XVIIIe siècle. Le numéro 2 est d’époque
Louis XVI et le 8, avec son portail à mascaron, d’époque Louis XV. À côté, deux
immeubles médiévaux, à mur écran et percés de fenêtres des XIIIe et XVe siècles, font la
transition avec la rue du Haut-de-Sainte-Croix.
En face vous voyez l’ancien hôpital-Maternité Sainte-Croix fermé depuis l’été 2013. Il
avait lui-même succédé à l’hôtel de la Bullette qui abritait au Moyen-Âge l’autorité
communale des impôts. Les quittances étaient authentifiées ici au moyen d’un petit sceau
appelé « la Bullette » Il aura une nouvelle destination au début du XVIe siècle en devenant
« l’hôtel du Doyen » où l’on gardait les prisonniers de la ville.
Edifiée précisément au coeur de la vieille ville de Metz, au sommet de la colline SainteCroix, lieu exact de naissance de la Cité messine, la Maternité Sainte-Croix est devenue,
au fil du temps, une institution aussi vénérable qu'incontournable. De nombreux Messins
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y ont vu le jour : comme Nathalie de Oliveira, enfant de migrants portugais, aujourd’hui
adjointe au Maire de Metz.
OT 1 Nathalie de Oliveira
Nous sommes ici sur la place Sainte Croix, qui est symboliquement un lieu de naissance :
le lieu de naissance de la ville de Metz avec ces premiers habitants, les Médiomatriques,
le dessin de ses rues symétriques romaines et surtout la maternité Sainte Croix qui a vu
naître de nombreux Messins – tous ou presque - et aussi nous, c'est-à-dire les enfants
d’immigrés, les immigrés qui sont devenus Européens par après. C’est avec émotion que
j’en parle puisque la Maternité vient de fermer au mois de juillet 2013 et elle est en train
de devenir après une longue phase de rénovation un lieu d’habitations et de logements
peut-être encore pour de nouveaux immigrés, de nouveaux migrants, puisque je préfère
le mot migrants, qui vont s’installer, vivre et puis s’approprier, aimer, en tout cas, la
ville de Metz autant que nous l’avons aimée.
Musique
Dirigeons-nous maintenant vers la Jurue. Ce nom rappelle l’implantation de familles
juives au moins depuis le XIe siècle. Jurue devient le nom d’un des cinq paraiges (ainsi on
appelait les associations de familles patriciennes) au XIIIe siècle.
La première maison le numéro 29, à gauche, est un ensemble de bâtiments de différentes
époques (Moyen-Âge, XVIIe et XIXe siècle).
Arrêtons nous un instant devant le numéro 23 : André Schwarz-Bart, prix Goncourt en
1959 pour « Le dernier des justes », y a habité de sa naissance en 1928 jusqu’en 1932.
Levez les yeux devant le 13 en Jurue. Juliette va peut-être apparaître sur ce balcon du
e
XVIII siècle et se pencher sur cette rampe en fer forgé à monogramme pour saluer son
Roméo !
En arrivant devant la chapelle Saint-Genest, des XIIe et XIIIe siècles, ayez une pensée pour
François Rabelais qui a habité de 1545 à 1547 dans l’immeuble devant la chapelle où se
trouve aujourd’hui le jardin à l’angle de la rue d’Enfer. Il y a écrit le Quart-Livre de
Pantagruel dans lequel il évoque à mots à peine couverts les Médiomatriques, le
Graoully, « l’horrifique dragon » de saint Clément et la gastronomie messine.
Il est temps de rejoindre la place des Paraiges où va commencer notre périple en OutreSeille. Parcourons donc le bas de la Fournirue, la rue de la Petite-Boucherie et la rue du
Pont-Sailly.
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Station 2 : La Place des Paraiges
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Vous arrivez sur la Place des Paraiges. Traversez la place et mettez vous à l’angle, là où
se rejoignent la rue Mazelle et la rue des Allemands. Vous serez plus à l’aise pour
écouter.
Pour comprendre pleinement l’histoire et l’urbanisme du quartier Outre-Seille et son
tracé « en patte d’oie », il nous faut remonter à l’Antiquité. C’est à peu près à hauteur de
la place où nous nous trouvons que s’arrêtait Metz à l'époque romaine, dont le forum se
trouvait approximativement à l’actuelle place Saint-Jacques, jusqu’au-delà du marché
couvert, non loin de la cathédrale.
Outre-Seille est un faubourg de la ville antique, jusqu’aux invasions du IIIe siècle, lorsque
la ville se replie derrière le rempart romain. Ce « village dans la ville » est traversé par
deux voies romaines, toujours bien présentes aujourd’hui – les actuelles rues des
Allemands et Mazelle -, l’une reliant Metz à Mayence, l’autre à Strasbourg.
Au XIIIe siècle, avec la construction du rempart médiéval et l’intégration des quartiers
périphériques, Outre-Seille est inclus dans la ville et forme un quartier à part entière. Le
bras originel de la rivière Seille, en lieu et place des rues Haute-Seille, des Tanneurs et de
la Basse-Seille, aujourd’hui disparu, fut comblé en 1905. Outre-Seille tient son nom de sa
situation au-delà de la rivière avant son comblement.
Jusqu’à ce jour, ce quartier a conservé un caractère qui le distingue des autres quartiers
historiques de Metz, notamment par la présence d’artisans dans le quartier et son
caractère cosmopolite :
Écoutons le témoignage de Martine Fontaine qui travaille pour Inter Service Migrants,
une association qui accompagne les migrants qui s’installent en Lorraine. Voilà 12 ans
que Martine Fontaine vit à Outre-Seille :
OT 6 Martine Fontaine
4’00 C’est vrai que c’est un quartier particulier parce qu’historiquement, c’est un
quartier où se sont installées assez tôt des personnes d’origine étrangère et qui a eu la
chance, en fait, de ne pas subir les grosses rénovations qu’ont subi certains quartiers
anciens qui ont été finalement rasés. 4’27 Le quartier Outre-Seille est particulier parce
qu’on retrouve les traces d’histoire, il n’a pas été détruit, il est rénové peu à peu, même
des particuliers achètent des appartements, ils font des travaux. Donc, il est rénové par
les habitants eux-mêmes. Il garde encore cet aspect particulier qui consiste à avoir des
petites boutiques tenues par des personnes étrangères – quoiqu’il y a un gros turnover
dans le quartier comme dans d’autres quartiers, mais il y a encore une ambiance un peu
particulière avec des magasins ouverts tard le soir avec les gens dans les rues, les
terrasses des cafés où les gens traînent un petit peu et puis quand vous vous baladez dans
les rues vous entendez des langues étrangères – vous entendez parler espagnol,
portugais, italien, arabe et ça c’est vraiment une richesse, on a l’impression d’une
cosmopolitanismequi est très intéressant qui crée une atmosphère particulière dans le
quartier.
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Musique
Quittons cette place, somme toute peu accueillante, pour entrer dans ce quartier et
découvrir cette atmosphère particulière. Nous abordons Outre-Seille par la sinueuse rue
des Allemands, qui doit son nom à un établissement de chevaliers teutoniques, installés à
Metz dès 1229.
Station 3 A hauteur de l’impasse des Allemands
En Outre-Seille, comme dans la plupart des quartiers historiques de la ville, la
construction des maisons se fait sur des parcelles longues et étroites - héritage médiéval
qui a persisté au cours des siècles. Les habitations, de trois niveaux en général, se
déclinent en volumes simples. À première vue, elles semblent être dépourvues de toiture.
Celle-ci, de faible inclinaison et à quatre pans, est implantée en retrait. L’unité générale
est par ailleurs confirmée par les matériaux utilisés en façade. L’enduit, qui recouvre une
maçonnerie en tout-venant, est simplement rehaussé de pierre de Jaumont, un calcaire
extrait dans une carrière des environs de Metz, qui lui confère cette couleur méridionale
et safranée. La pierre est généralement limitée aux encadrements, et aux cordons et
corniches. La majorité des façades que nous voyons aujourd’hui remontent au XVIIIe
siècle, période d’embellissement de la ville. Remarquez aussi les portes. Pour la plupart,
elles datent du XVIIe siècle, comme celle du n° 34-36, baroque, ou du XVIIIe siècle,
comme celle du n° 17, de style rocaille, sous un haut tympan caractéristique.
Station 4 La rue des Allemands
Musique
À Metz, comme dans de nombreuses villes anciennes, des bâtiments témoignent d’états
plus anciens où sont constitués de matériaux de récupération. La ville « transpire » son
passé. Tel ce petit chapiteau roman inséré dans la maçonnerie d’une façade du XVIIe
siècle. Peut être vient-il de l’ancien cloître, aujourd’hui démoli, de la chapelle des
Minîmes, aujourd’hui démolie.
Le numéro 23-25 de la rue des Allemands raconte une autre histoire : s’y trouve, depuis
plus de 40 ans la boutique d’encadrement de la famille Neumann. Un nom allemand et
une entreprise française d’artisanat? Ecoutons le témoignage de Katia Neumann :
OT Katia Neumann
0'30 C'est une belle histoire de famille : mon papa était allemand. Il était de Breslau et
par rapport au contexte de guerre, ils ont du venir se réfugier en France, donc il arrive à
l’âge de 14 ans et il ne parlait pas un mot de français donc il a appris comme il a pu la
langue française puisqu’à l'époque les Allemands qui arrivaient n’étaient pas toujours
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les bienvenus non plus. Il a fait son petit bonhomme de chemin et il a enchaîné les petits
boulots à droite, à gauche pour après reprendre une entreprise familiale du coté de ma
maman qui elle était originaire de Metz et Française. Donc, il a eu le culot de reprendre
un métier qu’il ne maîtrisait pas du tout qu’il a appris sur le tas et c'est comme ça que ça
fait plus de 40 ans qu'on est dans le quartier des Allemands à exercer le métier
d’encadreur.
Pour le père Neumann, arrivé en 1952 à Metz, l’intégration ne fut pas facile :
OT Katja Neumann
3'06 Non, c'était très difficile puis qu’il pensait en allemand et il fallait agir comme un
Français, à l'époque je pense que c'était encore plus compliqué, maintenant avec
l'ouverture des frontières ça serait pas du tout dans le même contexte, mais à l’époque
c’était difficile. Mais il y est parvenu sans problèmes par le courage et par la force de
son travail.
Son père ne lui a jamais appris l’allemand, ce que Katia Neumann regrette aujourd’hui.
Son fils aurait du aller à une école franco-allemande, mais il n’a pas eu de place vu le
grand nombre de demandes. La preuve qu’on cherche, aujourd’hui, à nouveau un
attachement à l’Allemagne, dit Katia Neumann.
Katia Neumann est née en 1970, elle a toujours connu le quartier d’Outre-Seille – à
l’époque c’était autre chose, se souvient-elle :
OT Katja Neumann
4’26 C'était beaucoup plus vivant que maintenant. Là le quartier souffre un petit peu
parce que rien n’est fait pour les artisans, à l’époque il y avait beaucoup d’artisans,
beaucoup de métiers d'art. En même temps, il y avait une communauté de gens qui venait
du Maroc, d'Algérie qui ont su parfaitement s'intégrer qui travaillaient, qui avaient des
épiceries, des boucheries, c'était très, très vivant. Il y avait une dynamique, les magasins
étaient ouverts le dimanche, il n'y avait pas de cellule de vide – alors qu’à l’heure
actuelle, il y a beaucoup de magasins qui ont fermé, il n’y a plus du tout cette ambiance
de village dans une ville comme il y avait à l'époque.
7'53 Mais c'est une rue qui a une âme et qu'il faut absolument sauver avec vraiment une
grand mixité au niveau des gens, donc c'est une richesse culturelle.
Allons à la découverte de cette mixité et continuons notre chemin sur la rue des
Allemands. Nous nous arrêtons au numéro 70 devant la vitrine de la boucherie de Laktaf
et fils. Ici on fait des méchouis d’agneau, des couscous. On peut commander des tajines
de toutes sortes, la viande est halal. Voilà 20 ans que la boucherie Laktaf est installée
dans le quartier, explique le fils du boucher, Walid Laktaf, né en 1987 à Saverne dans le
Bas Rhin :
OT Walid Laktaf
0'40 Nous sommes Marocains. [1'25 On est de la région de Marrakech en fait, pas mal
de ressortissants marocains de cette région vivent à Metz.] 0’45 C'est le papa qui est
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venu le premier en France, il est venu en 1984. Il s'est installé en France, il a travaillé en
France et il a commencé justement dans la rue des Allemands. En tant que boucher, il
travaillait donc en famille avec les cousins et puis par la suite, il a récupéré cette
boucherie et il en a fait sa propre affaire.
Les clients de la boucherie Laktaf reflètent la mixité du quartier Outre-Seille, raconte
Walid Laktaf :
OT Walid Laktaf
2'18 Il y a toutes les communautés, il y a des communautés maghrébines, marocaines,
algériennes, tunisiennes, il y a des communautés aussi européennes, donc l’immigration
italienne, espagnole et portugaise. Eux, ils se sont installés dans ce quartier depuis pas
mal d'années. On a vécu…enfin je parle à la place de mon papa, il a vécu avec toutes ces
communautés, ce mélange d'immigration.
Walid Laktaf - tout comme Katia Neumann - considère que le quartier a changé : avant il
y avait plus d’ambiance, le mélange de cultures est moins présent que dans les années
1980/90 se souvient-il.
Et Walid Laktaf ? Se considère-t-il Français ou Marocain ?
OT Walid Laktaf
4'23 Je me considère en tant que Français d'origine marocaine. J’ai mes deux parents
qui sont nés au Maroc. Moi, je suis né en France, je parle le marocain et je parle le
français, donc je me considère en tant que Marocain et en tant que Français.
Musique
On poursuit dans la rue des Allemands. Sur la petite place au Lièvre, vers la gauche, on
emprunte la rue Saint-Eucaire, puis on franchit les grilles ceignant le parvis de l’église
Saint-Eucaire, réaménagé en 1891.
Station 5 L’Eglise Saint-Eucaire
À Saint-Eucaire, les siècles se sont stratifiés, générant un des sanctuaires les plus
mystérieux de la ville. Hétéroclite, l’extérieur laisse transparaître ses diverses phases de
construction. Surmonté d’un clocher roman massif de la fin du XIIe siècle (remarquez les
magnifiques épis de faitage et girouettes !), l’église est largement gothique, avec une
phase flamboyante prégnante (1475), perceptible notamment dans le « portail du Tillet »
à droite, et dans les étranges fenêtres de façade de forme triangulaire. À gauche, une
arcade menait à l’ancien cimetière.
Si vous avez le temps, n’hésitez pas à découvrir l’intérieur de l’église Saint-Eucaire, lieu
de culte très important pour les communautés portugaises et italiennes du quartier OutreSeille notamment.
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Musique
Continuons sur la rue des Allemands. Juste avant de tomber sur le Boulevard André
Maginot, nous voyons sur notre droite un Afro Shop, ouvert en automne 2013 :
OT Madame Merengué
0’10 Je suis Madame Merengué, j’ai un Afro Shop à Metz au 75, rue des Allemands, ça
fait 4 mois que je me suis installée. Avant, j’étais à Forbach, j’ai fait 7 ans là-bas, ça
marchait pas beaucoup parce qu’il n’y a pas de grande communauté étrangère, voilà
pourquoi je suis venue ici, parce qu’il y a une communauté africaine et maghrébine, c’est
une grande ville.
0’47 Je suis du Congo Brazzaville et du Congo Kinshasa, j’ai vécu 15 ans en Allemagne,
c’est le pays qui m’avait accueilli, j’ai eu mes enfants là-bas, j’y ai vécu 15 ans, puis j’ai
perdu mon mari. Après je suis allée en France, j’ai eu deux enfants en France avec un
Français. Mais j’étais bien accueilli en Allemagne aussi, j’y ai vécu quand même 15 ans,
c’est le pays qui m’avait donné l’hospitalité.
Dans son Afro Shop Madame Merengué pratique le tissage, le rajout de cheveux donc.
Mais elle vend aussi toutes sortes de produits afro-américains : des sacs, des chaussures,
des produits de beauté et même de la nourriture : du poisson, des bananes, des patates
douces et des épices exotiques. Outre des clients européens du quartier Outre-Seille, il y a
beaucoup d’Africains qui fréquentent son Afro Shop, raconte Madame Merengué :
OT Madame Merengué
3’40 Franchement, il y a beaucoup de communautés africaines ici, maghrébines aussi,
beaucoup, beaucoup. C’est pour cela que j’ai préféré vivre ici parce qu’il n’y avait pas
de communauté africaine à Forbach.
Musique
Nous quittons Madame Merengué et la rue des Allemands pour nous tourner vers la Porte
des Allemands de l’autre côté du boulevard André Maginot.
Station 6 La Porte des Allemands et la Seille
La porte des Allemands est un rare exemple de château-porte. Elle est la seule survivante
de l’enceinte médiévale de Metz, terminée vers 1230, et constitue le dernier pont fortifié
conservé en France. Elle est en effet à la fois pont et porte, et même double porte : sa
porte côté ville, enduite, date des environs de 1220. Elle fut doublée à l’extérieur par une
seconde porte, en pierre de Jaumont, en 1445. En 1859, les deux portes devinrent plus
médiévales que jamais : les tours de la première furent coiffées de flèches ou d'une
flèche, celles de la seconde de créneaux. La dénomination de la porte lui vient d’un
hôpital des chevaliers teutoniques installé non loin de là, dits aussi Frères hospitaliers de
Notre-Dame des Allemands.
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On traverse la porte pour découvrir derrière elle la rivière qu’elle franchit.
La Seille est un affluent de la Moselle qui prend sa source dans l’étang de Lindre, au
cœur du Saulnois, au sud-est du département de la Moselle. Navigable jusqu’au au XVIe
siècle, la rivière acheminait par bateaux plats le précieux sel extrait dans cette contrée
(Seille vient d’ailleurs du mot sel). Par la suite, la Seille assuma surtout un rôle défensif,
des vannes permettant de mettre sous eau à volonté des terrains aux alentours.
De l’autre côté de la Seille prenez à droite puis encore à droite pour traverser le pont et
rejoindre le boulevard André Maginot. Traversez le boulevard est prenez à gauche pour
suivre l’ancien tracé des remparts de la ville. Comme dans de nombreuses villes
européennes, ceux-ci, jugés inutiles, furent abattus au début du XXe siècle et transformés
en boulevards.
Station 7 Les rues du « Wad »
Qu’ils sont étranges les noms de ces rues ! En Outre-Seille, la dénomination de
nombreuses artères rappelle les temps anciens. Telle la rue du Champé, qui renvoie aux
champs qui caractérisaient l’endroit avant le XIIe siècle, et aussi la place des Charrons, où
s’établirent dès le XIVe siècle des fabricants de charrettes et de charrues. D’autres noms
évoquent directement la Seille et les petits ruisseaux qui y affluaient, comme la rue de la
Grève, renvoyant au latin populaire graua, la plage ou, plus bizarres encore, les rues du
Grand-Wad, du Wad-Billy ou du Wad-Bouton. Wad dérive du latin uadum, le gué, tandis
que Billy (ou Bugly) et Bouton rappellent des noms de famille.
Rue du Grand-Wad, une porte baroque du XVIIe siècle confère de la grandeur au n° 25.
Non loin de là, au 18 bis boulevard André-Maginot, un autre arrêt s’impose : la porte,
millésimée 1739 et surmontée d’un haut tympan ouvragé en résille, est typique du style
Louis XV. Avec l’oculus qui la surmonte, elle en constitue l’un des plus charmants
exemples à Metz.
On poursuit sur le boulevard jusqu’à la rue de la Baue, à droite qu’on emprunte pour
rejoindre la rue Mazelle.
C’est par une ruelle insolite que l’on atteint l’église Saint-Maximin, dont le clocher, à
l’instar de celui de Saint-Eucaire et de nombreuses églises romanes de Moselle, se dresse
à la croisée du transept. L’église prend appui sur une série d’arcs boutants pittoresques
qui traversent la rue. Comme les wads que nous venons d’évoquer, baue relève du
dialecte messin, et signifie « fosse ». C’est par cette rue que l’on transportait les cercueils
vers le cimetière attenant à l’église Saint-Maximin.
On rejoint la rue Mazelle pour pénétrer par le portail dans l’église Saint-Maximin sur
notre gauche.
Station 8 La rue Mazelle
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Simplicité, lisibilité et luminosité caractérisent l’intérieur de l’église Saint-Maximin.
Remontant pour la plupart de ses structures au XIIe siècle, et cumulant des formes
romanes et gothiques, l’intérieur contraste de sa clarté avec l’étrangeté mystérieuse de
Saint-Eucaire. Les vitraux du chœur et de ses chapelles latérales réservent une surprise de
choix. Ils furent en effet réalisés, dans les années 1960, d’après les cartons de Jean
Cocteau. Refusant toute citation littérale, l’artiste chercha une résonance avec le monde
biblique, égayant ses vitraux de couleurs joyeuses – bleu, rose et vert – et les peuplant de
tout un monde de visages étranges ou souriants, et d’évocations symboliques, inspirés de
son œuvre littéraire et cinématographique.
Sortant de l’église, on prend la rue Mazelle vers la droite et on s’arrête devant le numéro
59, la boutique « Notre Portugal »
Atmo Cloche de la porte, Rosinda salue en portugais
OT Rosinda Lopez de Freitas
0'17 Je m'appelle Rosinda Lopes de Freitas, j'ai 48 ans. Je suis arrivée en France en '66,
j'avais un an. J'ai fait quelques études, de la comptabilité et en 1998 j'ai ouvert mon
épicerie qui se situe rue Mazelle où j'ai vraiment tout ce qui est typiquement portugais.
Je fais du Porto, de la morue, tout ce qui est pâtes, Vinho Verde, évidemment, pan maïs…
vraiment c'est un magasin typiquement portugais où j'ai vraiment que des produits
portugais parce que je voulais les clients de Metz découvrent nos produits. 1’45 Je suis
du nord du Portugal, je suis née près de Celorico de Basto au Portugal, on connaît plus
Fafe qui se trouve à 14 kilomètres de mon village. 2'56 Ici, quand on vient dans ma
boutique on se sent comme au Portugal, parce que les clients veulent que je parle
portugais. S’ils passent la porte que je leur dit bonjour en français, ils me disent tout de
suite : « on est au Portugal, on parle portugais ». Je me suis habituée maintenant, des
fois, je dis même bonjour à des Français qui rentrent parce qu’au départ on m’a
tellement fait le reproche de vouloir parler français que maintenant, je parle presque
toujours portugais quand les clients rentrent.
Atmo 10'42 elle explique quelques produits (en portugais)
Dans les rayons de Rosinda Lopes de Freitas on trouve aussi de la bière portugaise, de
l’huile d’olive et du bacalhau, bien sûr – la morue séchée – et des produits plus
exotiques : les oreilles et les têtes de porcs par exemple…
Pour la communauté portugaise du quartier Outre-Seille, le magasin est devenu un lieu de
rencontre :
OT Rosinda Lopez de Freitas
1'10 J’aide beaucoup de familles portugaises qui arrivent de Portugal qui ne parlent pas
le français, qui ne savent pas faire les démarches administratives. Je les aide à faire tout
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ça, à inscrire les enfants à l'école, à faire tout ce qui est papiers, allocations familiales,
…caisse d'assurance maladie, je les aide dont toutes ces démarches.
Rosinda Lopes de Freitas, arrivée en France à l’âge de un an, ne connaît pas la saudade,
le mal du pays, mais bien qu’elle ait passé presque toute sa vie en France, elle reste très
attachée à son pays d’origine – tout comme sa famille :
OT Rosinda Lopez de Freitas
5'55 Mes enfants aiment la France, je ne pense pas qu'ils vont repartir au Portugal. Par
contre, ils sont très attachés au Portugal, c'est à dire qu'ils aiment bien y aller en
vacances, ils parlent le portugais couramment, ça, on l’a imposé un peu, on a parlé le
portugais à la maison pour que justement ils gardent notre langue et puis les racines,
pour qu'ils n’oublient pas. Mais sinon, bon ils sont comme moi, ils sont intégrés à la
France, ils vont vivre ici. (…) J'ai deux petits enfants qui parlent aussi le portugais et qui
sont aussi très attachés au Portugal, ils aiment bien y aller aussi. Bon, ils ont huit ans et
quatre ans mais ils en parlent souvent.
Mais beaucoup de clients portugais qui fréquentent son magasin rêvent de revenir vivre
au Portugal un jour, raconte Rosinda Lopes de Freitas :
OT Rosinda Lopez de Freitas
3'45 Moi j'ai toute mon enfance en France, toute ma famille ici, par contre je vois
beaucoup, beaucoup de familles portugaises arrivées ici et le Portugal leur manque,… ils
ont envie de repartir là-bas, de mettre un peu d'argent de coté parce que maintenant au
Portugal c'est très, très difficile ils veulent payer leur maison et puis repartir vivre là-bas
y'en a plein, il y en a plein.
Musique
Nous quittons le magasin portugais pour suivre la rue Mazelle sur quelques mètres : nous
nous arrêtons sur la place des Charrons sur notre gauche.
Seule place d’Outre Seille - on se rend compte de la densité urbaine du Metz intra murosla place des Charrons est à l’origine une rue étroite. Des détails architecturaux savoureux
la jalonnent, comme, à l’angle de la rue Mazelle, le petit balcon en fer forgé Louis XV
avec monogramme, ou au n° 8 une belle façade du XVIIIe siècle aux clés de fenêtres
sculptées en mascarons.
Au 4, Place des Charrons nous découvrons l’hôtel de Burtaigne : Construit au début du
e
XVI siècle, il fut édifié pour des familles patriciennes des paraiges. La maison, dont il ne
subsiste qu’une partie, est typique de la Renaissance du nord de l’Europe. La façade, aux
proportions horizontales et sereines, est percée aux deux premiers niveaux de fenêtres
dotées chacune d’un encadrement ouvragé et reliées entre elles par un cordon continu,
frappé de petites sculptures. Celles-ci figurent un bestiaire de chimères et de monstres.
L’élégante porte, plus tardive, date du XVIIe siècle. Notons encore que l’hôtel a conservé
son toit à quatre versants coiffé de tuiles « canal », dites également tuiles romaines,
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courantes en Italie, mais rares au nord de l’Europe, sauf à Metz et dans sa région.
Héritage de l’Antiquité ? Probablement. Carrefour de routes au Moyen Âge et lieu ouvert
aux influences méridionales ? Pour les historiens, les réponses ne sont pas claires quant à
la présence ici de ce genre de formes et de techniques.
Par sa présence, cet hôtel témoigne aussi de la mixité des couches sociales qui caractérise
toujours Outre-Seille aujourd'hui, où de grandes maisons aristocratiques – dont celle-ci
est la plus impressionnante – jalonnent un quartier d’artisans et d’ouvriers.
Musique
On revient vers la rue Mazelle, que l’on prend à gauche.
Au numéro 41 nous découvrons l’église luthérienne. Incluse dans le bâti, l’église
luthérienne de Metz se signale par sa haute flèche d’ardoises et sa façade de style
éclectique. La construction du bâtiment remonte à 1892-1893. Alors que les protestants
(luthériens et réformés) avaient été largement persécutés à Metz au XVIIe siècle, ils furent
nombreux à s’y réimplanter au XIXe siècle, après l’Annexion de l’Alsace-Lorraine par
les Allemands en 1871. Alors que, non loin de l’Opéra-Théâtre, de l’autre côté de la ville,
le « Temple neuf » fut inauguré en 1904 pour accueillir les Réformés, ce bâtiment
marque la seule enclave luthérienne à Metz.
En face de l’église luthérienne nous retrouvons le fil de l’histoire des migrants portugais.
Si le portail à côté du numéro 38, rue Mazelle est ouvert, n’hésitez pas à entrer dans la
cour intérieure par la rue de la Visitation. C’est ici que Nathalie de Oliveira que nous
avons rencontré tout au début de notre parcours, a passé son enfance :
OT Nathalie de Oliveira
0’41 Nous sommes donc arrivés ici rue Mazelle, qui est devenu aujourd’hui la rue de la
visitation, nous sommes rentrées dans une cour très ancienne où les pavés ont plusieurs
siècles. J’ai grandi dans ce quartier très particulier qui depuis le Moyen Age accueille,
en fait, tous les migrants et c’est encore le cas aujourd’hui avec l’arrivée de jeunes des
Balkans, de l’ex-Yougoslavie et je suis simplement émue à chaque fois de retrouver ces
pierres et ces porches, ces portes cochères qui n’ont pas du tout changé et de réentendre
les cris des Espagnols, des Italiens, des Portugais, des Maghrébins aussi. Toutes les
fenêtres étaient ouvertes, on avait plusieurs odeurs de cuisines typiques et finalement un
métissage culturel européen qui était quelque chose d’évident et de naturel à l’époque.
On a vécu dans une mixité sociale naturelle, sans que ce soit un objectif particulier de la
ville ou de l’Etat français.
Nous quittons la rue de la Visitation et nous revenons sur la rue Mazelle que l’on prend à
droite pour rejoindre lentement la place des Paraiges.
Musique
La population messine est cosmopolite. Les quelque 140 nationalités qui se côtoient dans
la ville, traduisent le nombre important des arrivées dont les quartiers de Metz se sont
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enrichis. Diversités des origines et des projets personnels des arrivants qui sont autant
d’apports dynamiques et d’atouts pour la ville. Des diversités et des origines qui changent
au fil du temps et au rythme de la politique mondiale, rappelle Martine Fontaine d’Inter
Service Migrants Est :
OT Martine Fontaine
2’17 Effectivement ça évolue et c’est tout le défi qu’on essaye de relever : c’est de
s’adapter aux vagues d’immigration qui arrivent qui sont composées de personnes qui
ont une histoire différente, des attentes particulières, le contexte aussi - social, politique,
économique – évolue, donc il faut qu’on s’adapte en permanence. Là on reçoit à peu près
à l’association, d’après nos statistiques 90 nationalités différentes donc vraiment à peu
près le monde entier. Sachant qu’il n’y a pas de vagues très importantes pour toutes les
nationalités. La tendance aujourd’hui c’est l’Afrique subsaharienne même si le Maghreb
reste très important en France de façon générale et, en Lorraine, en particulier. Puis les
pays de l’est : Géorgie, Tchétchénie, l’Ex-Yougoslavie. On commence à voir – puisqu’on
est finalement lecteurs de la situation géopolitique – on commence à voir arriver les
personnes syriennes qui viennent parce qu’ils quittent une situation difficile dans un coin
du monde.
Musique
C’est souvent par hasard que les étrangers arrivent à Metz, mais c’est le plus souvent par
choix qu’ils y restent. Ainsi, les générations se succèdent et dans différents quartiers de la
ville, il vous suffit de tendre un peu l’oreille pour entendre parler une langue d’ailleurs.
Découvrez maintenant, si vous voulez, vous-mêmes ce quartier cosmopolite. Perdez-vous
dans les rues étroites d’Outre-Seille. Osez entrer dans les cours d’immeubles où jadis, les
enfants jouaient ensemble, sous le regard bienveillant de leurs mamans espagnoles,
italiennes, portugaises et plus tard maghrébines. Un chroniqueur écrivait au début du
siècle dernier, que de chaque porte de ces immeubles, déferlaient, tôt le matin, des
dizaines de travailleurs étrangers. Les rues du quartier Outre Seille ont gardé leur
empreinte.
Nous sommes à la fin de notre Migratour à travers les rues du quartier Outre-Seille à
Metz. Nous vous recommandons les autres Migratours à travers Sarrebruck, Trèves et
Luxembourg, les villes du réseau QuattroPole. Vous trouverez toutes les informations
afférentes sur le site www.quattropole.org.
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