Quitterie et Eva Cup - Quitterie dans la course
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Quitterie et Eva Cup - Quitterie dans la course
Quitterie et l’ EvaCup Remerciements Je dédie ce livre à mon mari et à mes trois filles, qui m'ont toujours soutenue et encouragée. Merci à eux, pour leur patience et leur compréhension... Merci aussi à tous les passionné(e)s que j'ai rencontré(e)s sur circuit, et avec qui j'ai passé des moments extraordinaires... 1 Quitterie et l’ EvaCup 1 Tout a commencé par une belle matinée ensoleillée de Février. Quitterie était tranquillement vautrée sur son vieux canapé de cuir, face à la baie vitrée. Il était usé jusqu'à la corde, mais elle l'adorait. Elle l'avait récupéré chez ses parents alors qu'ils voulaient s'en débarrasser. Elle ne pensait à rien. Son esprit était complètement vide. Elle venait de terminer une semaine de travail épuisante, et cette inactivité lui faisait du bien. Comme tous les weekends, elle avait mis son jean fétiche. Elle l'avait tellement porté, qu'il était troué sur les cuisses et les genoux. Par la fenêtre, elle contemplait, rêveuse , le magnifique ciel bleu. Depuis qu'elle était revenue dans sa région de prédilection, la Dordogne, elle ne se lassait pas de cette luminosité ambiante. Une fois son bac en poche, elle était partie faire ses études d'architecte à Paris. Elle avait découvert cette profession un peu par hasard. Un jour d'hiver, elle était sortie plus tôt que 2 Quitterie et l’ EvaCup prévu du collège, et du coup elle avait une heure à occuper avant de prendre son car. Adorant les livres, elle s'était d'emblée dirigée vers sa librairie préférée. Elle se promenait dans les rayons, quand un livre lui fit de l'oeil. Sur la couverture , il y avait la photo d'une maison dont toutes les parois étaient en verre. Page après page, elle découvrit d'autres photos de maison toutes plus belles les unes que les autres. Puis elle commença à lire les légendes des photos. Il s'agissait de maisons construites dans le plus pur respect de la nature. Tout était expliqué: l'orientation des maisons, le choix des matériaux, la disposition des pièces... Quitterie n'en revenait pas, d'autant plus que ce livre n'était pas de la toute première jeunesse: il avait déjà vingt ans! Et il paraissait pourtant si récent. Elle continua à le feuilleter, émerveillée par ce qu'elle y découvrait. Elle était tellement concentrée qu'elle faillit en oublier l'heure. Elle reposa le livre rapidement, et courut attraper son car. Dans sa tête, des images, et surtout des idées commençaient à germer. Du coup, dès qu'elle avait un instant de libre , elle filait à la librairie pour le compulser, jusqu'à ce que ses parents le lui offrent, pour enfin avoir la paix, tellement elle leur en parlait. Mais ça ne suffit pas à la faire taire, au contraire... 3 Quitterie et l’ EvaCup Et puis, elle s'était mise à concevoir des maisons, tout en s'appuyant toujours sur son précieux livre. Ensuite elle s'était renseignée sur le métier d'architecte, et les études à suivre pour y parvenir... Et voilà comment elle avait atterri à Paris... Elle avait fait ses premières armes dans un cabinet d'architecte à Lille, mais l'envie de créer sa propre entreprise et de repartir dans sa région avait pris le dessus. Elle s'était donc installée à Périgueux, ville qu'elle affectionnait tout particulièrement. Elle aimait cette cité chargée d'histoire, ce dédale de rues pavées, parsemées ici et là de petits passages, la gastronomie de la région, la gentillesse des gens ... Elle avait retrouvé dans cette région une douceur et un savoir vivre qu'elle croyait perdus à jamais. Cela faisait maintenant deux ans qu'elle avait ouvert son cabinet , et elle croulait sous les projets. Elle s'était spécialisée dans l'architecture environnementale, car c'était ce en quoi elle croyait depuis maintenant de nombreuses années, et la demande était exponentielle. Ce qu'elle affectionnait par-dessus tout dans son métier, c'était de réhabiliter d'anciens corps de ferme. Elle aimait conserver l'aspect vieille pierre 4 Quitterie et l’ EvaCup en extérieur, avec un intérieur utilisant les matériaux et technologies modernes. Cette fin de semaine, elle venait de terminer un avant-projet très ambitieux. Ses clients étaient extrêmement exigeants, et ne lui avaient pas laissé beaucoup de libertés. Ils avaient acheté une ancienne chartreuse périgourdine qu'ils voulaient transformer en habitation complètement autonome au niveau de l'énergie, mais avec tout le confort moderne. Quitterie avait dû se rendre en Europe du Nord pour trouver les solutions les plus adéquates. Car il est vrai que, dans ce domaine, ils étaient très en avance. Elle s'en était sortie avec brio, et le projet qu'elle avait présenté les avait enchantés. Il restait maintenant à s'occuper de toute la partie paperasse. Mais pour l'instant, Quitterie comptait bien profiter de son weekend, car ça faisait un moment qu'elle n'avait pas eu deux jours juste pour elle . Quand le téléphone sonna, la tirant de sa torpeur, elle pesta. Elle se leva, et partit décrocher le combiné qui se trouvait sur un muret, entre la cuisine et le salon. Après un « Allo » pas très entrain, elle fut bientôt en pleine forme. Sonia, sa meilleure amie et associée, était remontée comme une pendule. Comme 5 Quitterie et l’ EvaCup Quitterie, c'était le premier weekend depuis bien longtemps, où elle pouvait faire ce qu'elle voulait, et comme elle adorait faire les boutiques, elle était allée passer la journée sur Bordeaux, et s'y donnait à coeur joie. Elle avait pris le train tôt ce matin, et à peine arrivée sur place , avait téléphoné à Quitterie pour la persuader de la rejoindre... Elle eut beau déployer toute une batterie d'arguments, rien n'y fit. Quitterie préférait rester tranquille sur son canapé, sous les rayons du soleil. Non seulement, il faisait froid, et en plus, elle avait une sainte horreur de faire les boutiques. Elles discutèrent quelques instants, puis Sonia lui confirma son heure de retour. Elle voulait s'assurer que Quitterie serait là, afin de lui montrer ses emplettes. Quand elle eut raccroché, Quitterie pensa que, décidément, Sonia était incorrigible. Il faudrait bien, un jour ou l'autre qu'elle aille faire les magasins avec elle... Voilà maintenant douze ans qu'elles se connaissaient. A quinze ans, elles s'étaient toutes les deux trouvées un peu perdues en arrivant dans un lycée où elles ne connaissaient personne, et s'étaient tout naturellement tournées l'une vers l'autre. Elles étaient devenues très vite inséparables. Elles avaient 6 Quitterie et l’ EvaCup quasiment les mêmes goûts, sauf en matière vestimentaire et musical. Autant Sonia était très sophistiquée, autant Quitterie était toujours vêtue de la même manière: un Jean, un T-Shirt et des baskets. La seule chose qui variait dans ses tenues, c'étaient les couleurs. Elle les adorait , et savait, heureusement, les marier avec beaucoup de goût. Mais depuis qu'elle travaillait, elle devait tout de même faire un peu plus attention à ce qu'elle portait. Elle avait finie par adopter une tenue qui lui convenait plutôt bien: un jean, mais avec cette fois une chemisette et des chaussures de ville. Le tout très coloré, bien évidement. Pour la musique, Quitterie aimait le rock, à l'inverse de Sonia qui préférait la soul. Elle était aussi assez atypique dans le choix de ses activités: elle faisait du VTT toutes les semaines, même si en ce moment c 'était assez compliqué. Elle n' hésitait pas à faire de la mécanique sur sa moto ou sur son vélo quand c'était nécessaire, et elle était toujours en mouvement. Elle était incapable de rester en place. Sonia quand à elle, préférait la gym douce et le yoga. Elle s'était dernièrement initiée à la sophrologie, et partageait ses connaissances avec Quitterie. Cela faisait beaucoup de bien à cette dernière quand elle était en surchauffe d'énergie... 7 Quitterie et l’ EvaCup Quitterie avait tout le temps des projets et des idées plein la tête, et tentait par tous les moyens de les mettre à exécution. Dès qu'un sujet l'intéressait, elle se renseignait à fond dessus, et voyait si ça valait le coup d'aller plus loin ou pas. Avec Sonia, elles avaient eu un peu envie de participer à un rallye routier, mais une fois les renseignements pris, elles avaient beaucoup réfléchi. L'investissement en temps était très lourd ... Elles ne pourraient pas mener à bien tous leurs projets si elles se lançaient dans cette aventure. Il fallait qu'elles fassent le tri. Quitterie avait eu du mal avec cette décision, car, comme elle était extrêmement optimiste, elle était persuadée de pouvoir tout faire... Mais là, les arguments de Sonia avaient été imparables. Il fallait qu'elle se fasse une raison: pour l'instant c'était trop compliqué, mais ce n'était pas pour ça que ce projet allait tomber aux oubliettes … Quitterie n'avait pas dit son dernier mot... Pour l'instant, elle pensait à tout ce qu'elle avait à faire, et elle savait bien que, de toute façon, la solution apparaitrait d'elle même, et très certainement au moment où elle s'y attendrait le moins. 8 Quitterie et l’ EvaCup Physiquement, elles étaient assez semblables. Elles étaient toutes les deux assez menues pour leur mètre soixante-cinq. Quitterie, avait de longs cheveux châtains clairs toujours tressés et des yeux verts changeant selon son humeur et le temps. Sonia avait une chevelure rousse bouclée, avec des yeux bleus, et des taches de rousseur sur les pommettes. Après le lycée, elles avaient été acceptées dans la même école d'architecture, et avaient loué un appartement ensemble. Puis leur premier emploi les avait séparé. Mais quand Quitterie avait pris la décision de monter son cabinet à Périgueux, Sonia s'était immédiatement joint à elle. Elles avaient installé leur société dans le centre ville historique de la ville, et avaient loué un appartement non loin de là. Mais l'appel d'espace et de tranquillité leur avait fait acheter un vieux corps de ferme à retaper, perdu en pleine campagne, à quinze kilomètres du centre ville. Celui-ci était constitué de trois bâtiments et d'une grange. Deux d'entre eux étaient en L, et le troisième était la maison du gardien. Petit à petit, elles les refaisaient , de façon à avoir chacune leur maison. Elles avaient commencé par rénover la bâtisse 9 Quitterie et l’ EvaCup principale. Celle-ci était composée d'une imposante maison d'un étage, style relais, construite en 1868, surplombée d'une haute toiture pouvant accueillir sans aucune difficulté un deuxième étage. A cette maison était accolé un long bâtiment un peu plus récent. Les deux bâtisses étaient reliées par une épaisse porte en bois . Sonia s'était réservée cette dernière partie , car elle en était tout de suite tombée amoureuse. La grande maison, comme elles l'avaient surnommées, avait une surface au sol de 160 mètres carrés. Le rez de chaussée était constitué d'une seule pièce, mais en son milieu, un mur porteur d'un mètre d'épaisseur la traversait jusqu'aux deux tiers de sa longueur, et on accédait à l'autre partie en descendant deux marches. Sur la partie haute de la pièce, elles avaient installé leur cuisine salle à manger, et sur la partie basse, un coin salon bibliothèque. Le rez de chaussée était maintenant carrelé, car lorsqu'elles avaient acheté la maison, il était en terre battue. Elles avaient aménagé le premier étage en deux chambres très spacieuses , pourvues chacune d' une salle de bain privée . Pour l'instant, elles accédaient à leurs chambres par un escalier à pas japonais. Ces derniers sont conçus à 10 Quitterie et l’ EvaCup partir de demi-marches: la première marche n'a que la moitié droite de pleine et la moitié gauche est vide. Quant à la deuxième marche, seule la partie gauche de la marche est pleine. Et ça continue jusqu'en haut. Tout le premier étage était en parquet massif, qu'elles avaient entièrement poncé et ciré. Dès qu'elles avaient pu, elles avaient vidé leur appartement pour habiter dans la maison. Elles se servaient de la grange, située derrière la maison, comme d'un garage pour la moto de Quitterie et la voiture de Sonia. Vu la taille de la maison, elles n'avaient pas besoin d'un débarras... Une fois la maison terminée, elles avaient attaqué la rénovation de la maison de gardien, de façon à transférer leur bureau dans ce bâtiment. C'était une petite bâtisse avec une seule grande pièce en bas, et une pièce identique à l'étage. Elles voulaient installer leurs bureaux pour recevoir les clients au rez-dechaussée, et leur salle de travail à l'étage. Le rez-dechaussée était maintenant terminé, il ne restait plus que la pièce du haut à faire. Elles pourraient aménager dans leurs nouveaux locaux avant l'été. Elles n'avaient plus vraiment besoin d'être en centreville, car le bouche à oreille avait très bien fonctionné, et elles croulaient sous les demandes de 11 Quitterie et l’ EvaCup constructions et de rénovations. Elles hésitaient même à embaucher une personne pour les soulager un peu... Pour l'instant, elles vivaient toutes les deux dans la grande maison, car elles n'avaient pas encore eu le temps de s'attaquer à la rénovation de la partie de Sonia. Le fait de partager cette maison et leur travail les avait conforté dans leur amitié. Elles s'appréciaient d'autant plus qu'elles adoraient toutes les deux avoir de longues conversations. Elles étaient très complémentaires. La sagesse et la douceur de Sonia savaient calmer l'impétuosité de Quitterie, et l'énergie de cette dernière permettait à Sonia d'aller au delà de ce qu'elle pensait être réalisable. Depuis qu'elles avaient acheté la maison, elles bricolaient beaucoup, de façon à finir le plus rapidement possible. Elles avaient confié le gros oeuvre à des entrepreneurs qu'elles connaissaient bien , et se contentaient de faire les finitions. 12 Quitterie et l’ EvaCup 2 Mais pour l'instant, Quitterie n'avait qu'une envie: continuer à se vider la tête en écoutant sa musique préférée et en lisant un magazine, tranquillement, sur son divan. Puisqu'elle était debout, elle se rendit au niveau de la petite chaine Hi-Fi qu'elle avait ramenée de chez elle. Tout un tas de CD était posé à côté. Elle commença à fouiller et finit par trouver ce qu'elle voulait entendre. Il s'agissait d'un groupe anglais, Muse, qu'elle avait découvert il y a environ cinq ans, et depuis , elle s'était achetée tous leurs albums. Elle mit sa chanson préférée, 'Butterflies and Hurricanes' , et partit du côté du divan se trouver une revue. Là, il s'agissait quasiment d'une mission impossible: il y en avait partout... Des revues de VTT, de motos, d'architecture, de décoration intérieure, d'écologie... Et tout ça, bien mélangé, et posé à l'endroit où elles avaient été lues. Grâce à une certaine habitude de ce joyeux bazar, elle trouva finalement ce qu'elle cherchait: une revue de motos. 13 Quitterie et l’ EvaCup Elle était devenue fan de motos à l'âge de onze ans. Le déclic s'était fait à la vue d'une Yamaha 600 Ténéré . Elle ( la moto) attendait son propriétaire sur le trottoir, devant un garage. Et ce fut le coup de foudre... Cette moto était tout un symbole, avec son gros réservoir de vingt-trois litres, prête à parcourir tous les déserts et chemins qui se présentaient devant elle. Elle était dotée d'un moteur mono-cylindre, très adapté en ce temps là pour les rallyes dans le désert, tel que le Paris-Dakar. Cette moto symbolisait, pour Quitterie, toute une époque de liberté, où les pilotes partaient dans le désert, avec juste l'envie d'aller au delà de leurs limites, et surtout, au bout de leurs rêves. Combien de pilotes, lors de ces rallyes, avaient tout perdu... Mais il perdurait toujours cette notion de rêve, et de liberté. Quitterie connaissait toute l'histoire de ce rallye, depuis sa création par Thierry Sabine, en 1978, jusqu'à notre époque. Au commencement, Thierry Sabine avait participé à un rallye qui reliait Abidjan à Nice, et il s'était perdu en plein désert. Il fut retrouvé in-extrémis, alors que les recherches allaient s'arrêter. Depuis ce jour là, il décida de balayer tout ce qui n'était pas essentiel à sa vie. Et c'est comme ça qu'est née , en collaboration avec ses amis, cette course mythique qu'est le Paris 14 Quitterie et l’ EvaCup Dakar. Des dix premières années du rallye, Quitterie se souvient surtout de la bataille mémorable de Cyril Neveu sur Honda face à Hubert Auriol sur Cagiva en 1987. Cette bataille se finit malheureusement mal pour Hubert Auriol qui finit son étape avec les deux chevilles cassées. Durant ce rallye, les deux adversaires avaient montré énormément d'humanité, malgré leur rivalité. Et elle se souvient aussi de la disparition de Thierry Sabine, suite à un accident d'hélicoptère dans le désert. Depuis, il y a comme un vide dans le rallye... De cette grande époque, Quitterie garde religieusement sur sa table de chevet le livre qu' Hubert Auriol et Cyril Neveu ont écrit ensemble, « Paris-Dakar, une histoire d'hommes » et qui relate leur course respective. Mais ces dernières années, elle avait un peu décroché. Il y avait beaucoup trop d'assistance à son goût pour les pilotes professionnels. Les petits pilotes, qui avaient économisé toute leur vie pour se payer ce morceau de rêve, n'avaient que très peu de chances d'arriver au bout. L'aventure humaine n'était plus là. Heureusement, il y avait d'autres rallyes qui restaient accessibles à tous. Toujours est-il que , depuis sa rencontre avec la Yamaha 600 Ténéré, elle n'avait cessé de penser, 15 Quitterie et l’ EvaCup rêver, vivre pour les motos. Elles étaient toute sa vie. Dés qu'elle avait un instant, Quitterie s'arrêtait chez les concessionnaires, et raflait toutes les documentations concernant les motos. Elle les avait conservées dans un classeur, protégées grâce à des pochettes transparentes. Elle était tellement dingue de motos, qu'elle arrivait même à les reconnaître au bruit de leur échappement. C'est donc tout naturellement qu'à l'âge de dix-huit ans elle passa son permis moto. Elle l'obtint assez rapidement, malgré des débuts assez compliqués, car on a beau être passionné, il faut tout de même un minimum de pratique pour bien arriver à maîtriser son engin. Son pire souvenir de cette époque fut la première fois où elle se présenta pour passer l'épreuve pratique , une fois son code en poche. Quand elle arriva, elle était la seule de sa motoécole. Du coup, l'examinateur demanda à son moniteur de monter derrière elle... Ils se regardèrent , et elle sut qu'elle allait rater son passage au lent. Elle, qui faisait partie des petits gabarits, devait porter son moniteur qui mesurait facilement un mètre quatre-vingts pour au moins quatre-vingts kilos, tout en maniant sa moto au ralenti. Ce qu'elle avait pressenti arriva. Son 16 Quitterie et l’ EvaCup moniteur dut poser le pied par terre pour éviter que la moto tombe. Et ce fut l'élimination... Un mois plus tard, elle repassa l'examen, et cette fois , elle eut son papier rose en poche. Elle travailla tout l'été pour se payer sa moto et finit par avoir suffisamment d'argent pour acheter sa belle . Bon d'accord, ce n'était pas la dernière moto à la mode, mais elle était fiable, économique, belle dans sa robe rouge et son nom en lettres dorées, et l'amenait partout où elle voulait. Quitterie aurait bien voulu avoir une Yamaha 600 Ténéré pour la part de rêves que transportait cette moto, mais elle n'avait pas pu en trouver une dans son budget. Et en plus, élément à ne pas négliger, elle était beaucoup trop haute et imposante pour elle. Quand elle était dessus, elle ne touchait plus terre. Au moindre arrêt, elle se serait retrouvée par terre... Écoutant, pour une fois, la voix de la raison, Quitterie reporta son choix sur une Honda 650 Dominator. C'était aussi une moto de style enduro, équipée elle aussi d'un moteur monocylindre, mais beaucoup plus fine que la Ténéré. Le réservoir ne faisait plus que seize litres contre vingttrois pour la Yamaha, et elle ne pesait plus que cent cinquante-deux kilos, comparé aux cent soixantequinze kilos de la 600 Ténéré. Elle était aussi 17 Quitterie et l’ EvaCup beaucoup moins haute. Quitterie se servait tout le temps de sa moto. Qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente, elle était dessus. Elle avait toujours une bonne excuse pour la sortir. Pour Quitterie, il n'était pas question d'avoir une voiture. Tout pouvait se faire en moto. Cependant, ses parents l' avaient obligée à passer son permis auto car, comme ils disaient, ça pouvait toujours servir... Depuis l'ouverture de son cabinet d'architecte, elle avait moins l'occasion de sortir son « Dom» ,comme elle se plaisait à appeler sa moto. Avec Sonia, elles avaient trouvé leur appartement juste à côté de leur bureau, et il était tout naturel qu'elles fassent les trajets ensemble, à pieds. Elle l'avait quand même amenée avec elle, au cas où, et la faisait stationner dans le local à vélos. C'était assez compliqué de la mettre à l'intérieur, car il y avait une chicane à passer avant de franchir la porte, mais au moins, elle était à l'abri. Quitterie avait pris le coup pour la rentrer facilement: elle le faisait en la tirant en marche arrière. Même la largeur du guidon ne posait plus de problèmes dans ce sens là, car elle le tournait sur un côté pour le faire passer plus facilement. Mais depuis qu'elles avaient acheté ce corps de ferme, Quitterie faisait tous les trajets en moto. Elle 18 Quitterie et l’ EvaCup essayait toujours de trouver de nouvelles petites routes bien viroleuses pour se rendre au bureau. Si elle n'avait pas été aussi vidée, elle l'aurait bien prise. Mais là, rien qu'à l'idée de devoir s'équiper , elle renonça aussitôt. Sa revue à la main, elle repartit s'affaler sur son canapé. Comme d'habitude, elle la feuilleta en commençant par la fin. Elle jeta un œil sur les annonces, notamment les emplois, même si elle n'en cherchait pas un, mais elle aimait bien. Puis elle lut les titres du courrier des lecteurs, sans s'appesantir sur le sujet. Elle y reviendrait un peu plus tard. Elle survola les gros articles, qu'elle lirait à tête reposée , regarda d'un air désabusé les nombreuses publicités et finit par arriver aux pages qu'elle affectionnait tout particulièrement. Il s'agissait de tous les petits articles d'une ou deux lignes donnant des informations rapides sur tout ce qui se passait dans le monde de la moto. Et là, elle eut LA révélation de la journée. Dans un petit encadré, se trouvait l'interview d'une personne, qui allait organiser une course de motos uniquement pour les filles . Il s'agissait de la coupe EvaCup. 19 Quitterie et l’ EvaCup Quitterie lut et relut l'article sans pouvoir s'arrêter. Alice, l'organisatrice, voulait créer une coupe accessible à toutes les filles, et de préférence à celles qui n'avaient jamais fait de compétition moto sur circuit. Elle voulait mettre en place tout un concept novateur pour attirer ces dames sur circuit, avec des cours d'initiation à des prix défiant toute concurrence, ainsi que la possibilité de participer avec sa propre moto quelle qu'elle soit. Pas la peine d'acheter une moto de champions pour cette fois là. Une moto de tous les jours était bien suffisante. Pour cette année, deux courses étaient organisées sur le circuit de Pau-Arnos, au mois de Juin, sur le même weekend. Alice espérait attirer suffisamment de concurrentes, de façon à faire durer l'aventure. Il y avait un numéro de téléphone pour celles qui voudraient se renseigner. La décision de Quitterie fut immédiate: elle allait participer à cette course. Elle n'avait jamais piloté sur circuit, sa moto n'était très certainement pas adaptée à ce type d'utilisation, et elle ne connaissait rien au règlement, mais cela ne lui fit pas peur. Elle le ferait, et c'était tout ce qui comptait à ses yeux. Elle ne savait pas encore comment, mais sa décision était prise. C'était ce qu'elle attendait depuis longtemps, sans en avoir jamais vraiment eu conscience. 20 Quitterie et l’ EvaCup Plus du tout fatiguée, Quitterie repartit dans l'entrée chercher le téléphone, déterminée. Anxieuse malgré tout, elle composa le numéro d'Alice, et attendit. Une sonnerie, puis deux, puis trois... Pas de réponse.... Enfin, au moment ou elle allait raccrocher, au bout de la dixième sonnerie, quelqu'un répondit. − Bonjour, je vous téléphone au sujet de l'article paru sur la course de moto féminine que vous organisez... − B o n j o u r, j e s u i s A l i c e . C ' e s t m o i , l'instigatrice du projet. Est-ce que je peux te renseigner? − Oui. Tout d'abord, est-ce que vraiment n'importe quelle moto peut participer à l' EvaCup? − Qu'est-ce que tu veux dire par là? − Voilà, j'ai un Dominator, et j'ai un doute sur la faisabilité de la chose. − Effectivement, ça ne colle pas vraiment avec ce que l'on attend. En fait, nous n'acceptons que les roadsters et les sportives de moins de dix ans, et de plus de 125 centimètres cubes.. − Ça va donc m'obliger à changer de moto... répondit Quitterie, rêveuse. 21 Quitterie et l’ EvaCup − Pas forcément. Tu connais peut-être quelqu'un qui pourrait te prêter une moto. − Non, personne ne fait de moto dans mon entourage. Mais ce n'est pas trop grave, ça me donne une bonne excuse pour franchir le pas, et acheter la moto dont je rêve depuis longtemps. − Et tu te dirigerais vers quoi? − J'aimerai piloter une Ducati. Cette marque me fait de l'oeil depuis des années. − Et tu penses à un modèle en particulier? − Oui, au Mostro. − Ce serait bien d'avoir une italienne sur le plateau... Tu vas en faire rêver du monde avec ta moto... reprit Alice, envieuse. Tant que j'y pense, si tu t'inscris avec une Mostro, tu risques d'être contactée par un journaliste. Il est dingue de motos italiennes et aimerait faire un article sur les filles pilotant ces motos. − Pas de problèmes, lui répondit Quitterie. Estce qu'il y a des conditions particulières pour les pilotes? − Non, elles doivent juste avoir plus de seize ans et posséder soit le permis moto , soit le CASM . Ce dernier permet à toutes 22 Quitterie et l’ EvaCup − − − − − − personnes n'ayant pas le permis de conduire de piloter sur circuit fermé, et ainsi, de participer aux compétitions officielles. Et le permis moto est suffisant? Vous n'exigez pas un minimum d'expériences sur circuit avant de s'inscrire? Non. Nous voulons que cette compétition soit vraiment ouverte à tout le monde. Nous exigeons tout de même que chaque engagée connaisse la réglementation sur circuit, de façon à ce qu'il n'y ait pas de problèmes. Par contre, nous allons proposer, pour celles qui le veulent, un stage de pilotage. Et il se déroulera où? Très certainement sur le circuit de Haute Saintonge, entre Bordeaux et Angoulême, mais ce n'est pas encore définitif. Nous sommes aussi en pourparlers avec le circuit du Mas du Clos, à côté d'Aubusson. J'espère qu'il se fera... Avant de me lancer dans une compétition, j'aimerai bien être un peu dégrossie. Il y a une réunion d'information le trois Mars, à vingt heures trente , à Bordeaux. Ce serait bien que tu viennes. Cela nous permettrait de faire ta connaissance. Tu 23 Quitterie et l’ EvaCup pourrais rencontrer les autres concurrentes. Et tu auras toutes les dernières nouvelles en direct, ainsi que la date du stage. − Je vais m'arranger pour y être, répondit Quitterie. − Bon, écoute, je t'envoie le règlement, une liste avec ce qu'il faut prévoir au minimum comme équipement pour le pilote, ainsi que la feuille de pré-inscription. As-tu une adresse mail, pour que ça soit plus rapide? − Bien sûr. Tu me l'envoies dans la journée? − Ça y est, c'est parti. Prends le temps de bien le lire, et n'hésite pas à me rappeler si tu as des questions. − OK. Rendez vous donc le trois Mars. Merci de m'avoir consacré du temps. − De rien . Passe une bonne journée. Tchao. − Bye... Et Quitterie raccrocha. Quand la conversation fut terminée, Quitterie mesura ce qu'elle venait de faire, et les conséquences qui allaient en découler: elle venait de s'inscrire à une course de motos. Pour l'instant , rien n'était officiel, mais dans son esprit, c'était sûr et certain. Il est vrai que , jusque là, elle avait toujours eu des 24 Quitterie et l’ EvaCup idées plus ou moins farfelues, mais de là à faire de la compétition moto...Elle venait de franchir un cap. Mais elle était sûre d'elle, et surtout, déterminée: elle allait faire ces deux courses, coûte que coûte... Il allait falloir jouer serré, car elle n'avait pas beaucoup de temps devant elle. Tout d'abord, elle devait changer de moto rapidement. Puis s 'équiper pour rouler sur la piste, et suivre des cours de pilotage. Et surtout, il fallait qu'elle trouve le moyen de se dégager du temps pour s'entraîner et se préparer à la course. Ça n'allait pas être une mince affaire. Mais rien d'insurmontable pour une optimiste de son acabit. Première chose, et pas des moindres, trouver la moto de ses rêves . Pour cela, il allait falloir qu'elle consulte Internet, pour savoir quel modèle choisir exactement. Car, c'est bien beau de vouloir une Ducati Mostro, mais il y a plusieurs modèles. Restait à trouver le bon. Reposant le téléphone , elle monta l'escalier pour aller dans sa chambre. Comme souvent quand elle était distraite, elle se trompa de pieds pour la première marche et faillit tomber. Elle repartit du bon pied, et une fois arrivée sur le palier, Quitterie regarda d'un air critique son domaine. Effectivement, 25 Quitterie et l’ EvaCup il était grand temps qu'elle s'essaye au sport moto. Elle avait ramené de chez ses parents une bonne partie des meubles de sa chambre. A l'adolescence, elle avait repeint son mobilier aux effigies des marques de moto qu'elle affectionnait. Son bureau et sa chaise étaient rouge et blanc , en l'honneur des Ducati, sa lampe de bureau et sa lampe de chevet étaient bleues et blanches pour symboliser Suzuki. Son tapis était bleu, comme les Yamaha, et sa table de chevet était verte, comme les Kawasaki. Elle avait un tapis de souris siglé Honda posé sur son bureau... Le tout constituait un ensemble assez étrange, mais en harmonie avec elle. C'est pourquoi elle se sentait si bien dans son domaine. Elle s'installât à son bureau, ouvrit son Mac portable et le mit en route. Une fois le processus terminé, elle commença par mettre sa web radio en route. Grâce à Internet, elle pouvait écouter des radios du monde entier. Pour l'instant , elle écoutait une radio de rock alternatif de Cleveland qui lui avait fait découvrir de très bons groupes, et du coup, elle s'était procurée leur musique. Une fois la radio lancée, Quitterie se rappela le CD qu'elle avait mis en route en bas et elle se rendit compte qu'elle avait aussi oublié sa revue . Elle descendit donc les escaliers, sans se tromper de 26 Quitterie et l’ EvaCup pied cette fois, éteignit la chaine, attrapa sa revue au passage et remonta dans sa chambre. 27 Quitterie et l’ EvaCup 3 Installée à son bureau, Quitterie commença par regarder les petites annonces de sa revue, dans le but de revendre sa « dom ». Déçue, mais pas trop étonnée, elle ne vit pas une seule annonce de vente d'une moto comme la sienne. Il y avait bien des trails à vendre, mais il s'agissait de petites cylindrées. Il faut bien avouer que ces motos n'avaient plus trop la côte ces dernières années. Par contre, elle ne vit pas plus d'annonces pour l'achat d'une Ducati Mostro. Elle referma sa revue , la mit de côté, et alla surfer sur les sites de petites annonces. Car elle devait faire les choses dans l'ordre. Tout d'abord, il fallait qu'elle vende sa propre moto, et le mieux possible. Elle commença par regarder la côte de sa moto, puis les prix pratiqués par les vendeurs. Le panel des ventes de « dom » n'était pas très grand, mais elle réussit quand même à se faire une idée du prix qu'elle pourrait en demander. Sa moto était en très bon état. Elle faisait elle-même l'entretien courant, car elle aimait ça, et en plus, cela ne lui prenait pas beaucoup de temps. Elle savait presque tout faire, 28 Quitterie et l’ EvaCup grâce à son grand-père, qui était un passionné de moteurs. Il lui avait appris à vidanger son moteur ( la base), régler ses soupapes, vidanger les freins, changer les plaquettes, tendre et changer sa chaine ... Ce qui fait qu'elle savait à peu près se débrouiller. Il fallait juste qu'elle la lave, car depuis qu'elle dormait dans la grange avec le sol en terre battue, elle n'était pas un exemple de moto rutilante... Elle se doutait bien que sa moto devrait, normalement, partir assez rapidement, et à un prix tout à fait correct. Mais il fallait tout de même trouver un acheteur, ce qui était certainement la chose la plus compliquée du moment... Maintenant, il fallait qu'elle sache quelle Ducati Mostro acheter, et surtout, de quel budget elle avait besoin. Elle se leva, alla au pied de son lit, et y trouva plusieurs revues de motos. Elle s'assit en tailleur sur son tapis bleu Yamaha, et commença à les feuilleter, dans l'espoir d'y trouver un article sur sa future monture. Elle était persuadée d'avoir lu quelque chose sur les Ducati il n'y avait pas si longtemps que ça. Au bout de la quinzième revue, elle trouva enfin un article sur la marque de Bologne. Manque de chance, ils ne parlaient pas de la Mostro, mais uniquement de l'usine de fabrication 29 Quitterie et l’ EvaCup des motos, car les journalistes l'avaient visitée. Quelques minutes plus tard, elle trouva un autre article qui cette fois parlait de la rencontre mondiale de tous les Ducatistes en Italie: les World Ducati Week qui se déroulaient sur quatre jours . Sur place, on pouvait rencontrer des ducatistes du monde entier, les pilotes émérites de la marque, faire des essais de motos, et rouler sur le circuit de Misano. Quitterie se voyait déjà, au milieu de cette marée rouge, avec son Mostro, rouge aussi, couleur emblématique de cette marque. Ressaisis-toi, Quitterie, pour l'instant ce rêve est encore moins accessible que la course EvaCup. Elle continua à feuilleter les autres magazines. Mais elle ne trouva rien d'autre sur la moto de ses rêves. Elle se leva, et faillit tomber. Elle avait des fourmis dans une jambe, et ne pouvait pas s'appuyer dessus. Elle s'écroula sur son lit. Au moment où elle s'asseyait , elle entendit le craquement particulier que fait une revue quand on l'écrase. Elle se décala, et l'attrapa . C'était celle qu'elle cherchait... Celle qui parlait de la saga des Mostro... Oubliées les fourmis dans la jambe. Elle se mit à plat ventre et alla directement à la page indiquée dans la table des matières. Et là, l'histoire des Mostro était toute retracée. 30 Quitterie et l’ EvaCup Les concessionnaires réclamaient depuis longtemps une moto sans carénage. C'est comme ça qu' était née cette moto toute simple, pourvue d'un bon châssis, d'un moteur coupleux et d'une esthétique exceptionnelle. Cette machine devait donner l'envie de se mettre dessus rien qu'en la voyant. Pari gagné: elle ne laissait personne indifférent. Le premier modèle de la gamme fut d'abord un 900 centimètres cubes en 1993. Il était pourvu du cadre treillis tubulaire des 851 et 888, qui étaient les motos sportives de l'époque, et du moteur de la 900 SS. Par contre, elle avait un pignon de sortie de boite plus court pour bénéficier d'un meilleur couple, et donc de plus de caractère. Sa suspension arrière et son bras oscillant provenaient aussi de la 851. Il s'agissait d'une moto très physique à piloter. Un an après, cette 900 Mostro sera suivie d'un 600 Mostro, conçu plus spécialement pour le marché des jeunes permis en Angleterre. A l'inverse de sa grande sœur, elle n'est pas un monstre de puissance ( il lui manque pas moins de vingt chevaux) , mais elle a tout de même beaucoup de couple. De plus, elle est pratique, facile à entretenir, et elle est à l’aise en milieu urbain. Avec l'apparition de la 750 centimètres cubes, quatre ans après la 900 , Ducati trouva le créneau pile entre 31 Quitterie et l’ EvaCup les deux modèles précédents. Elle était beaucoup moins violente que la 900, mais avec plus de caractère que la 600. Et elle était tout aussi bien équipée que sa grande sœur. Elle était tout de même pourvue d'une fourche inversée Marzocchi, et de jantes à trois branches Brembo. Côté freinage, la 750 n'était pas à la peine, car elle héritait de deux disques de trois cent vingt millimètres avec des étriers à quatre pistons à l'avant , et d'un disque de deux cent quarante cinq millimètres à l'arrière, muni d'un étrier à deux pistons. Le tout étant bien entendu de la marque Brembo. Quand au moteur, il avait une puissance de soixante-quatre chevaux, et un couple de six virgule trois mètres kilos à six mille cinq cent tours par minute. Le cadre treillis tubulaire était un dérivé des motos de SuperBike. Le réservoir avait une capacité de quinze litres, dont trois litres et demi de réserve. Quand à son poids, il était de cent soixante dix neufs kilos. Après, restait à voir si elle prenait un moteur à carburateurs ou à injection. L'injection permettait de moins consommer, mais en contre partie, le moteur était un peu aseptisé. Sur ce point, Quitterie n'avait pas vraiment d'avis tranché. Elle prendrait ce qui viendrait... 32 Quitterie et l’ EvaCup En conclusion , il s'agissait de trois motos tout à fait exceptionnelles, tant par leur aspect physique, que par leur équipement. La 600 était une excellente machine pour débuter, ou pour se faire plaisir sans trop rechercher la puissance. La 900 était une brute extraordinaire, qu'il fallait être capable de maîtriser. Quand à la 750 , elle avait su gommer l'aspect brutale de la 900 , et l'aspect manque de puissance de la 600 . Comme sa cylindrée le laissait sousentendre, elle était parfaite. Quitterie se releva, et partit avec sa revue s'installer à son bureau. Son choix était fait, ce serait une Ducati 750 Mostro. Car, après réflexion, elle avait un peu peur de s'ennuyer au guidon de la 600 , et elle craignait de ne pas arriver à maîtriser la fougueuse 900 . Restait à savoir s'il y en avait , et qui plus est, dans ses prix. Elle se mit à farfouiller sur le net, et s'aperçut bien vite que la 750 centimètres cubes avait eu son petit succès. Ce qui la rassura un peu, car , comme cela, elle se dit qu'il y en aurait plus à vendre. De là, elle alla voir les sites officiels pour connaître la côte de cette moto. Le prix moyen qu'elle lût lui fit plaisir. Il était dans la fourchette qu'elle s'était donnée. Restait 33 Quitterie et l’ EvaCup à savoir si la côte était réaliste ou si le marché en avait décidé autrement... Quitterie alla donc voir les sites de petites annonces, et là, surprise, pas de 750 Mostro à vendre... Il n'y avait pas non plus de 900 en vente. Juste une ou deux 600 , tout au plus. À croire que toutes les personnes qui avaient ces modèles voulaient les garder... Changeant de tactique, et voulant en savoir plus sur la fiabilité des Ducati, Quitterie partit à la recherche de forums parlant de cette marque de motos. Car les Ducati n'avaient tout de même pas une réputation de motos très fiables, bien au contraire. .. Elle trouva un forum ou les avis semblaient censés. Elle commença par visiter toutes les rubriques, pour voir de quoi il en retournait. Très vite, elle s'aperçut que les forumeurs étaient de drôles de personnages. Certains étaient extrêmement calés en mécanique pure, d'autres sur les balades à faire aux quatre coins de ce pays, d'autres encore qui préféraient le pilotage sur circuit, et certains qui préféraient dire des blagues et rigoler... Et tout cela dans un bon esprit . Personne n'était avare de conseils, plus ou moins de mauvaise fois , bien entendu...Enfin , des gens qui ressemblaient à tout le monde en fait. 34 Quitterie et l’ EvaCup Dans la section motos, elle lut l'avis des gens sur leur monture. Certains les avaient amenés au-delà des cent mille kilomètres sans aucun problème. Mais il y avait tout de même une constante dans tout ce qui se disait: l'entretien devait être fait très régulièrement, sinon cela pouvait vitre tourner à la catastrophe. Mais ce conseil était valable pour n'importe quel type de véhicules. Puis Quitterie alla voir la section Pistards. Elle ne comprit pas grand chose aux propos échangés. Ils parlaient d'araignées, de protection carbone et kevlar, de prépas, de réglages divers et variés, de polys... Elle se sentit abattue devant son manque de connaissance en la matière... Mais bon , Alice avait parlé d'une réunion le trois Mars. Elle verrait bien sur place. Mais en attendant, il allait bien falloir qu'elle s'y connaisse un peu quand même. Elle se remit à pianoter sur son ordinateur pour trouver de quoi tous ces gens pouvaient bien parler. A force de fouiller, elle finit par comprendre une partie des termes techniques employés. Au bout d'un moment, elle commença à être gelée, à force d'être assise devant son ordinateur. Elle 35 Quitterie et l’ EvaCup repoussa sa chaise, prit sa grosse veste en laine qui était posée sur le dossier, et descendit se faire une tasse de thé. Cette petite pause lui permettrait de réfléchir à son projet. Comment vendre sa moto et en trouver une autre assez rapidement? Comment comprendre le langage spécial piste? Elle mit une casserole d'eau à chauffer, et tout en regardant l'eau qui commençait à arriver à ébullition, elle eut soudain une idée: pourquoi n'avait elle pas pensé à consulter les pages jaunes, de façon à trouver tous les vendeurs de motos de la région? Tout en se maudissant de n'avoir pas eu cette idée plus tôt, elle mit l'eau chaude dans sa tasse avec un sachet de thé à la menthe et un sucre, puis remonta à toute vitesse à son bureau. Effectivement, elle trouva de nombreux professionnels , dont certains avaient la bonne idée d'avoir un site internet sur lequel étaient présentées les occasions. Elle consulta immédiatement leur site, de façon à savoir à quoi s'en tenir rapidement. Elle finit par trouver trois magasins qui avaient des Ducati 750 Mostro. Elle prit son téléphone, et joignit le premier d'entre eux. Manque de chance, ils venaient juste de la vendre. Le client devait passer la prendre dans la soirée. 36 Quitterie et l’ EvaCup Heureusement, les deux autres magasins les avaient toujours. Elle décida de s'y rendre en début d'aprèsmidi, de façon à ne pas laisser passer une affaire, si affaire il y avait.... 37 Quitterie et l’ EvaCup 4 Pour le coup, elle était remontée comme une pendule. Il lui tardait d'y aller . Quand il fut quatorze heures, elle enfila rapidement son blouson en cuir, son casque , sans oublier son éternel bandana. Si elle partait sans ce fameux petit carré de tissu, elle était persuadée que quelque chose allait mal se passer... Il lui était indispensable. Elle prit ses gants, ses clés , et partit dans la grange, retrouver sa moto. Elle la débâcha, la sortit et la mit en route. Premier coup de démarreur, rien... Mince, la batterie... C'est vrai qu'elle lui paraissait faiblarde ces derniers temps. Et le froid n'arrangeait rien, bien au contraire. Au deuxième coup, un poil plus de vie , mais toujours pas suffisamment pour démarrer... Au bout de la quatrième fois, Quitterie se résigna à sortir le kick. Heureusement qu'elle avait réussi à trouver ce millésime de motos, car il n'avait duré qu'un an, avec le double système de démarrage: le kick et le démarreur électrique. C ' était bien pratique quand la batterie commençait à lâcher. Debout sur la moto béquillée, Quitterie sortit le kick de son logement, à 38 Quitterie et l’ EvaCup droite du moteur. Elle l' enfonça légèrement, jusqu'à sentir la compression , le laissa remonter, puis elle appuya de toutes ses forces dessus, et le moteur toussa, comme s'il était noyé. Elle coupa donc l'essence, et recommença. GAGNE!!! Le moteur démarra aussitôt. Elle descendit de la moto, ralluma le robinet d'essence, et mit son casque et ses gants pendant que le moteur ronronnait tranquillement. Elle enfourcha sa moto , la débéquilla, enclencha la première, ouvrit doucement la poignée des gaz, et partit en direction de la première adresse qu'elle avait notée. Elle était si heureuse de faire de la moto, qu'elle rallongeât son trajet , juste pour le plaisir de rouler, et de se sentir vivante. Elle s'enivrait de toutes les odeurs, et de toutes les sensations qu'elle retrouvait à chaque fois. Un peu comme si elle les avait oubliées sur la route un petit moment, trop dépassée par le quotidien. Arrivée à la concession, elle se gara , enleva son casque , et commença à déambuler au milieu des motos. Elle découvrit enfin la moto de ses rêves au fond de la lignée. Mais une vision d'horreur se présenta à son regard...Elle était sale à faire peur. Il y avait un carton glissé sous la moto, avec une 39 Quitterie et l’ EvaCup magnifique tache d'huile dessus... Quitterie fit tout de même le tour de la moto. Quelle déception! Elle était dans un piteux état: la selle trouée, les leviers piqués de rouille, les échappements percés, et comble de tout, elle était rose bonbon... Ah, ils ne s'en étaient pas vantés sur le site.. C'est aussi ce qui expliquait qu'elle n'avait pas vu de photos... Un vendeur s'approcha de Quitterie et lui dit: − Vous savez, c'est une pièce très rare, et en plus, elle a très peu de kilomètres. C'est vraiment une affaire à ne pas manquer. − Et le carton, dessous?... demanda Quitterie, en toute innocence. − Heu... C'était pour une moto qui était à côté, et que nous venons de vendre. Ne vous inquiétez pas. Nous ne sommes pas comme tous ces vendeurs qui ne cherchent qu'à vous rouler. Chez nous, nous avons une haute opinion du client. − Et la petite goutte d'huile que je viens de voir tomber du moteur, elle vient aussi de la moto que vous venez de vendre, bien entendu? répondit Quitterie , un tantinet énervée. − Vous savez, on vous fait un très bon prix sur cette moto, et en plus on vous la révise gratuitement si vous voulez. 40 Quitterie et l’ EvaCup − Non merci. Je n'en veux pas de votre poubelle. Trouvez un autre pigeon pour l'acheter. Sur ces paroles, Quitterie repartit, furieuse d'avoir été prise pour une gourde. Elle mit son casque, fit démarrer sa moto, et partit sur les chapeaux de roues. Elle bouillait de rage. Non seulement la moto était pourrie, absolument pas entretenue, mais en plus on la prenait pour une gourde. Elle allait leur faire une sacré pub, à ceux là. Ses recherches démarraient vraiment très mal... Elle arriva au deuxième magasin, toujours en colère, mais un peu calmée tout de même, par le simple fait d'avoir piloté sa belle. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle arriva devant la devanture: c'était un bâtiment sur quatre étages, qui ne vendait que des occasions et des accessoires.... Le paradis du motard en quelque sorte. Il y avait toutes sortes de motos, et de toutes les marques. Elle se gara, enleva son casque, et poussa la porte. Au rez-de-chaussée, Quitterie vit des HarleyDavidson côtoyant des Vespa et des Royal Enfield. 41 Quitterie et l’ EvaCup Elle monta l'escalier en fer, qui lui rappelait les stations de ski, et se retrouva au premier étage. Là, le mélange était un peu moins hétéroclite. Les motos étaient toutes plus ou moins typées pour le toutterrain. Elle reconnut une Honda XR, une Yamaha TT... Au deuxième étage, il s'agissait plutôt de motos sportives, comme des Suzuki GSXR, des Kawasaki Ninja... Enfin, au troisième étage, la majorité des motos qu'elle voyait étaient des roadsters, c'est-à-dire des motos ayant un moteur puissant, mais dépourvues de carénage. Elle s'arrêta au bout de deux pas, pour essayer de voir si elle apercevait une Ducati. Elle distingua un réservoir rouge avec une forme bien particulière, et se dirigea immédiatement vers celuici. Elle aurait reconnu cette moto entre mille. Sa forme bien particulière, dessinée par Michel Angel Galuzzi, un designer Argentin, était unique. Elle ne fit même pas attention aux autres motos pendant qu'elle traversait l'étage d'un pas décidé. A peine arrivée devant, Quitterie en tomba amoureuse: un vrai coup de foudre. Elle était magnifique dans sa robe rouge et son cadre treillis gris. C'était exactement la moto qu'elle cherchait. 42 Quitterie et l’ EvaCup Elle en fit le tour, tout en ayant une main possessive sur elle, et ne vit rien qui clochait: pas de fuites d'huile au niveau du moteur, pas de traces de rouille, et le moteur ne semblait pas être trop piqué. Elle paraissait, extérieurement , en excellent état. Elle remarqua quand même que la chaine n'avait pas été graissée depuis très longtemps et qu'elle semblait détendue. Mais bon, ça pouvait quand même aller. Par contre, elle décela une fuite d'huile au niveau du joint spi de la fourche. A voir avec le vendeur... Ce dernier, la voyant tourner autour de la moto s'approcha d'elle: − Bonjour, est-ce que je peux vous renseigner? − Oui, j'aimerai en connaître un peu plus sur cette moto... − C'est une occasion que nous venons de rentrer il y a une quinzaine de jours. C'est un modèle à injection. Il date de 2002. Son propriétaire précédent ne s'en servait que les jours de grand beau temps, car il ne concevait pas la moto autrement. − Et avant lui? − Il y a eu un autre propriétaire, mais je n'en sais pas plus. − Ok. Et au niveau de l'entretien??? 43 Quitterie et l’ EvaCup − Les révisions ont toujours été faites en temps et en heure. J'ai le carnet d'entretien qui l'atteste, si vous voulez le voir... − C'est bizarre, car il me semble qu'il y a une fuite d'huile au niveau de la fourche. − Montrez-moi ça... Quitterie s'exécuta aussitôt. Le vendeur regarda, puis lui dit d'attendre deux minutes. Il revint presque aussitôt avec un essuie-tout. Il essuya le fourreau , appuya de tout son poids sur la fourche, et regarda de nouveau. Effectivement, il y avait une petite fuite... − Je vois, c'est le joint spi qui doit être mort. − C'est ce que je pensais aussi... − Est-ce que vous aimeriez l'essayer??? − C'est possible? répondit Quitterie pleine d'espoir. − Bien sûr. Je vous fais remplir les papiers pour l'essai, et vous me laissez un chèque de caution... Heureusement que, pour une fois, Quitterie avait pensé à son chéquier. En général, elle ne l'amenait jamais avec elle. Mais , tout à l'heure, en partant, elle l'avait vu sur son bureau. Elle avait décidé de le 44 Quitterie et l’ EvaCup prendre, sans trop savoir pourquoi. Maintenant elle avait compris la raison de son geste. Une fois les papiers remplis et le chèque établi, Quitterie sortit du magasin. Elle attendit dehors, fébrile, que la moto qu'elle avait toujours rêvé de piloter sorte de l'atelier. Quand elle la vit arriver, poussée par le vendeur, elle en eut des sueurs dans le dos et des palpitations dans la poitrine. Arrivé devant elle, il béquilla la moto et tourna la clé dans le Neiman pour mettre la moto en route. Une fois la pompe à essence lancée, il appuya sur le démarreur. La moto toussa, mais ne démarra pas. Quitterie commença à s'inquiéter, car là, il n'y avait pas de kick pour rattraper la batterie faiblarde... Enfin, après plusieurs hésitations, le moteur se mit en route. Ce bruit rauque la fit frissonner de bonheur. Quand le vendeur lui fit signe qu'elle pouvait monter sur la moto, elle ressentit ce petit picotement au ventre, signe d'appréhension et de grand bonheur en même temps. Elle mit son bandana sur le nez, enfila son casque et ses gants, et enfourcha la moto. A sa grande surprise, ses deux pieds étaient quasi à plat, ce qui n'était pas le cas sur son 'Dom'. Sur cette dernière, elle n'atteignait le sol que du bout des orteils, ce qui était un peu juste dans certaines situations. Cela la mit en confiance tout de suite. 45 Quitterie et l’ EvaCup Elle passa la première, reconnaissable à son « clong », lâcha lentement l'embrayage, et ouvrit doucement la poignée des gaz. Le magnifique bruit des échappements augmenta petit à petit, et Quitterie se trouva transportée dans un autre monde. Elle franchit le portail de la concession , et sur les conseils du vendeur, partit sur les petites routes. A ce moment là, elle eut une révélation: cette moto était taillée pour elle. Toutes les commandes étaient positionnées exactement comme il fallait. Cette moto était un pur bonheur. Elle allait là où le pilote voulait l'amener: un vrai vélo. Quitterie faisait corps avec elle. Ses genoux étaient bien positionnés dans l'échancrure du réservoir, son buste n'était pas trop en avant, ses jambes n'étaient pas trop pliées... Tout était parfait. Elle était en totale harmonie avec sa monture. Oubliée la « dom » de ses débuts. Quand elle se rendit compte de l'heure , elle rentra vite fait à la concession, déçue que ce soit déjà terminé. La demi-heure d'essai était passée comme un éclair. Elle béquilla la moto, et en descendit à regret. Elle était en totale osmose avec cette moto. Elle laissa sa main courir encore un peu sur ses flancs avant d'aller discuter avec le vendeur qui l'attendait. 46 Quitterie et l’ EvaCup − Alors? Demanda-t' il quand elle eut enlevée son casque. − Elle est extraordinaire. C'est exactement ce que je recherche. Quel dommage que l'essai soit si cours... − Effectivement, c'est une excellente moto. Elle est vraiment différente des autres. Si elle vous intéresse et que vous la prenez tout de suite, nous pourrons vous faire un bon prix... − Pour sûr qu'elle m'intéresse, mais est-ce que vous faîtes des reprises? − Bien sûr. Quelle est la moto à reprendre? − Il s'agit d'une Honda Dominator. Elle est un peu poussiéreuse car elle dort dans une grange, mais elle tourne comme une horloge. − Vous avez son carnet d'entretien? − Non, car elle n'en avait pas quand je l'ai achetée. Par contre, c'est moi qui fait tout l'entretien , avec l'aide de mon grand-père. J ' ai inscrit tout ce que j'ai fait dessus dans un carnet que je vous laisserai. Tout en bavardant, ils se dirigèrent vers la moto. Quitterie lui montra sa Dominator. Le vendeur en fit le tour, et il lui demanda de la faire démarrer. Cette fois, le moteur ne se fit pas prier... Il démarra au 47 Quitterie et l’ EvaCup quart de tour. Le vendeur écouta le moteur religieusement, puis lui fit une proposition. Après avoir un peu marchandés, à la fois pour l'achat et pour la reprise, ils trouvèrent un accord acceptable, et l'affaire fut conclue. Cette fois, Quitterie retourna dans le bureau du vendeur, mais pour acheter son petit Monstre. Elle allait enfin pouvoir accéder à son rêve. Le vendeur voulait faire réparer le joint spi avant de la lui donner , et faire une petite révision. Elle pourrait récupérer la moto dans une semaine. Ça lui laisserait le temps de nettoyer à fond sa chère « dom » qui allait devoir la quitter. 48 Quitterie et l’ EvaCup 5 De retour chez elle , à peine après avoir enlevé son casque et ses gants, Quitterie sauta sur le téléphone. Elle devait absolument annoncer cette nouvelle à son Grand-père. Elle était très complice avec ce dernier. Quand elle était petite, elle passait toutes ses vacances chez ses grands-parents pendant que ses parents travaillaient. Et elle ne quittait pas son Grand -père d'une semelle. Tous les matins, elle se levait tôt pour l'aider dans le jardin, et ensuite, ils se dirigeaient vers l'atelier. C'était une vraie caverne d'Ali-Baba. Il y avait des machines outils que son grand-père avait récupéré et remis en route, des moteurs démontés, des pièces de rechange, des véhicules à revoir... Et ce que Quitterie aimait pardessus tout , c'était l'odeur qui émanait de cet endroit: une odeur de graisse moteur, d'huile chaude et de bois, car son grand-père aimait beaucoup aussi travailler le bois. Il avait conçu de nombreux petits meubles qu'il donnait ensuite. Grâce à son savoirfaire, Quitterie avait appris beaucoup sur la mécanique. Il était toujours d'un calme olympien et 49 Quitterie et l’ EvaCup lui permettait de l'aider, dans la mesure de ses compétences. Grâce à lui, elle se débrouillait très bien en mécanique. Il l'avait habituée à écouter les moteurs pour savoir ce qui n'allait pas, et maintenant, elle était capable de diagnostiquer une panne juste à l'oreille . Autant elle adorait la mécanique, autant elle n'aimait pas trop le travail du bois... Après plusieurs sonneries la voix calme et posée de son grand-père répondit. − Bonjour, Grand-père, c'est Quitterie à l'appareil... − Oh, ma petite Quitterie, comment vas-tu? − Très bien. Il fallait absolument que je te dise quelque chose... − Tu as un petit fiancé... , la taquina son Grandpère. − Mais non, Grand-père, c'est beaucoup moins grave que ça. Je viens de m'inscrire à une course de motos. − Tu as fait quoi? S'étouffa presque son Grandpère. − Je me suis inscrite à une course de motos qui aura lieu en Juin, et pour ça, je viens de m'acheter une nouvelle moto, lui déclara t'elle d'une traite. 50 Quitterie et l’ EvaCup − En plus de ta Dom? − Non, je l'ai revendue. Je ne pouvais pas avoir deux motos. − Mais pourquoi ne coures-tu pas avec ta Dom? demanda son grand-père qui, décidément n'y comprenait plus rien. − Parce que , non seulement elle n'est pas du tout adaptée à la conduite sur circuit, mais en plus, elle est trop vieille. Il me faut obligatoirement une moto de moins de dix ans. − Si j'ai bien tout compris, il s'agit d'une course de vitesse, reprit son grand-père, de plus en plus ahuri. − Oui... − Et quelle moto as-tu donc achetée? − Une Ducati 750 Mostro. − Je ne connais pas. − Mais si, tu as très certainement dû en voir. C'est un roadster, et je l'adore. − C'est bien là le plus important. Ca me rappelle que lorsque j'avais à peu près ton âge, j'avais aussi une Ducati. Plus exactement un 250 Scrambler. J'adorais cette moto, même si elle m'en faisait voir de toutes les couleurs... 51 Quitterie et l’ EvaCup − Tu ne m'avais jamais parlé que tu savais piloter des motos... − Ca a duré un temps, puis j'ai arrêté, pour tout un tas de mauvaises raisons. − Donc, Ducati est un très bon choix? Questionna Quitterie. − Je dirai plutôt que c'est un choix passionnel. Et tu connais l'adage: qui veut aller loin ménage sa monture. − C'est déjà ce que je faisais avec la Dom, répliqua Quitterie, vexée. − Je sais, mais la réputation des Ducati n'est pas forcément excellente. A toi de faire en sorte de prouver le contraire en t'occupant vraiment bien de ta moto. − C'est bien ce que je comptais faire... − Pour changer de sujet, as-tu réussi à revendre ta Dom? − Oui, le concessionnaire chez qui j'ai acheté la Mostro m'a repris ma Dom. − Et tu as déjà ta nouvelle moto? − Je ne l'aurai que samedi, car ils doivent changer le joint spi de la fourche, et faire une petite révision. 52 Quitterie et l’ EvaCup − J'espère qu'ils s'y connaissent bien, et qu'ils ne vont pas faire n'importe quoi, surtout avec une Ducati. − Ils m'ont l'air sérieux. Et je verrai bien samedi. Et justement, je voulais savoir si tu pouvais passer samedi après-midi avec grand-mère pour me dire ce que tu en penses. − Ta grand-mère écoute et me dit qu'il n'y a aucun problème pour samedi. Mais il faut que l'on soit bien d'accord, je ne fais que jeter un oeil, c'est tout. − Qu'est-ce que tu sous-entends par là, demanda Quitterie en toute innocence. − Qu'il n'est pas question que je touche à ta moto. Tu t'es inscrite à une course, tu dois donc la connaître sur le bout des doigts. − Tu pourras quand même me conseiller un peu? − Bien sûr, mais je ne mettrais pas mes mains dans le cambouis... − D'accord, ça me va. − Une chose me turlupine quand même. Pourquoi une 750 centimètres cubes? − Tout simplement parce qu'elle existe en 600, 750, et 900. J'ai lu pas mal de forums ces derniers temps, car ça fait un moment que je 53 Quitterie et l’ EvaCup veux une Ducati. Suite à ces lectures, j'en ai conclu que la 900 serait certainement trop brutale pour moi, que la 600 risquait d'être un peu trop fade par rapport à mon caractère. Il ne me restait plus que la 750. − Pourquoi pas, répondit son grand-père. C'est un argument comme un autre. − Bon alors à samedi. Je vous embrasse tous les deux dit Quitterie, et elle raccrocha le combiné. Un sourire flottant sur ses lèvres, elle finit d'enlever son blouson. Son avenir prenait une tournure qu'elle affectionnait tout particulièrement... A peine avait-elle fini d'accrocher son blouson que la porte d'entrée s'ouvrit. Sonia entra, et la trouva dans l'entrée, son casque à ses pieds et les gants dans les mains. Comme à son habitude, elle était très élégante. Elle portait un pantalon de bonne coupe dans les tons bruns, et avait associé un pull à col roulé turquoise. Cette couleur rehaussait son teint pâle de rouquine et mettait en valeur ses yeux bleus. Elle était chaussée d'élégantes bottines en cuir noir à talons. Elle avait attaché , ou plutôt, tenté d'attacher , sa crinière rousse avec une pince noire, qui rappelait la couleur 54 Quitterie et l’ EvaCup de ses chaussures. Tout n'était qu' harmonie dans ses choix vestimentaires et d'accessoires. Il n'y avait pas de place pour l'improvisation. Avec Quitterie, elles avaient le même gabarit, ce qui fait qu'elles pouvaient s'échanger leurs vêtements. Même si, dans la réalité, c'était plus souvent Quitterie qui allait dans la penderie de Sonia que l'inverse... Sonia la regarda droit dans les yeux, et lui dit: − Toi, tu as fait une bêtise. Ça se lit dans ton regard. − Non, pas du tout, lui répondit Quitterie, avec un sourire jusqu'aux oreilles. − Alors, dis-moi pourquoi tu as ton casque et tes gants. On te dirait prête à partir sur ton fidèle destrier... − Je viens juste de le ramener à l'écurie, suite à une longue balade d'adieu. − Mais je croyais que tu étais trop fatiguée pour faire quoi que ce soit aujourd'hui? Répondit Sonia, sans relever la fin de la phrase de Quitterie − C'était vrai au moment où tu m'as téléphoné. Mais après, j'ai lu un article invraisemblable, qui m'a littéralement donné un coup de pied au c.. − Et ça parlait de quoi au juste , cet article. 55 Quitterie et l’ EvaCup − Viens, je vais te le faire lire. Il est très cours. Sonia finit de se mettre à l'aise et alla au salon. Elle s'installa sur le divan, pendant que Quitterie fonçait dans sa chambre pour chercher la revue qu'elle avait laissée sur son lit. Elle redescendit , l'ouvrit à la bonne page et la tendit à Sonia, en pointant du doigt l'article. Sonia le lut, écarquilla les yeux, et lui dit: − Ne me dis pas que tu l'as fait... − Si... − Tu es complètement malade! Tu t'es engagée dans une course de motos? − Oui... − Mais tu n'y connais rien! C'est super dangereux. Je te reconnais bien là, c'est du toi tout craché.... S'engager dans un truc complètement taré. − Tu sais bien que la moto est ma seule et unique passion dans la vie. Et depuis que j'ai vu cet article, je sais qu'il faut absolument que je le fasse. Je dois tenter cette expérience. − Je t'envie d'avoir une telle passion, même si je ne la comprends pas. Je ne vois pas trop ce que tu recherches avec cette course... 56 Quitterie et l’ EvaCup − A vivre, tout simplement. Et là, c'est une occasion unique pour voir si j'aime ce monde là, sans trop prendre de risques. − Et tu vas faire la course avec ta moto? − Non, et c'est justement de là que je rentre. Je viens juste d'en acheter une nouvelle. − Tu auras deux motos, alors... − Euh, non... J'ai revendu la « dom » pour m'acheter une Ducati. − Et ça ressemble à quoi... − Tiens regarde, en voilà une, lui montra Quitterie en sortant de son dos la revue qui retraçait la saga des Mostro. − Oh la vache, elle est magnifique. Et elle est de quelle couleur? − Rouge, sa couleur originelle... − Et tu l'as quand, ta nouvelle moto? − La semaine prochaine, car ils veulent la réviser avant, et il y a une petite réparation à faire dessus. − Elle est déjà en panne? − Non, juste un joint à changer. Pas grandchose. En attendant, il faut que je brique le « dom », de façon à leur laisser une moto nickel. − Je te reconnais bien là. 57 Quitterie et l’ EvaCup − Par contre j'ai une bonne nouvelle pour toi: je vais avoir besoin de ton aide. − Alors là, tu m'épates. Je ne vois pas trop en quoi je pourrai t'être utile, étant donné que je n'y connais rien en moto. − Ne te sous-estime pas. Il va falloir que j'aille faire du shopping. − Alors là, je suis ton homme, ou plutôt ta femme. Tu voudras aller dans quel magasin? − Un tout nouveau magasin, où tu n'as jamais mis les pieds. − Impossible, je connais tous les magasins. − Pas celui-ci. Il s'agit d'un magasin de motos, car il va falloir que je m'équipe très sérieusement. Il va notamment me falloir une combinaison en cuir, des gants avec des protections, et certainement d'autres choses auxquelles je ne pense pas. − Alors là, je suis partante. Ça me donnera l'occasion de voir ce qu'ils vendent en dehors des motos. J'espère qu'il y aura beaucoup de choix au niveau des coloris... − Ne te fais quand même pas trop d'illusion. L'esprit moto est tout de même très masculin. Alors au niveau coupe et choix des couleurs, je ne sais pas trop à quoi m'attendre. 58 Quitterie et l’ EvaCup Bon , on y va? Où ça? Ben, faire du shopping... Mais ça n'est pas pour tout de suite...Avant de me lancer tête baisée dans ce projet , je vais assister à la réunion d'information qui aura lieu le trois Mars. Tu voudrais bien y aller avec moi? − Ça peut être marrant. OK, ça marche pour moi. On ira ensemble. − − − − 59 Quitterie et l’ EvaCup 6 La semaine suivante se déroula comme dans un rêve. Quitterie passa son temps sur Internet pour se renseigner sur le déroulement des courses de motos. Elle trouva rapidement ce qu'elle cherchait, mais devant la quantité incroyable de formules existantes, elle prit peur... Comment s'y retrouver dans tout ce fatras? Il y avait une multitude de courses et de formules différentes. Et à chaque cas, il y avait une licence pilote bien spécifique, et un règlement bien précis, bien que commun à plusieurs formules... Quitterie n'y comprenait plus rien... Elle était au bord du désespoir, quand elle eut l'idée de consulter le site de l' EvaCup. Manque de chances, le site était encore en construction. − Bon, réfléchissons, se dit Quitterie. Alice m'a dit que la course se déroulerait sur le circuit de Pau-Arnos. Je vais voir s'il y a un site internet pour ce circuit. Elle tapa le nom du circuit, et là, ce fut comme si elle avait ouvert la caverne d' Ali-Baba. Il y avait énormément de forums qui en parlaient, mais aussi 60 Quitterie et l’ EvaCup des articles de presse, et enfin, le site du circuit à proprement dit. Elle commença par ce dernier. Il n'était pas extraordinaire, mais les photos la firent rêver et l'apeurèrent en même temps. Le circuit se trouvait au milieu de nulle part, en haut d'une colline. Le club-house était en pierre de pays. Le circuit était vallonné, et surtout, très technique. Il avait de longues courbes rapides, des virages lents, des lignes droites assez courtes, des virages en aveugle... Le tout avec des dévers positifs et négatifs... Elle se dit qu'il fallait être complètement fou pour rouler là-dessus. C'était un coup à se tuer, mais ça paraissait tellement bien... Elle en avait le ventre serré tellement ça lui faisait envie et peur en même temps... Elle continua à lire le descriptif du circuit. Chaque portion était détaillée. On commençait par un double droit à rayon décroissant, qui montait jusqu'au point de corde, puis redescendait pour se jeter dans un petit gauche très rapide. Venait ensuite une courbe rapide à gauche en montée, qui, bien prise, permettait d'assurer correctement le double droit en montée qui s'ensuivait. Venait ensuite, en descente une courbe très rapide à droite, suivie d'une épingle à gauche en montée. Après une toute petite ligne 61 Quitterie et l’ EvaCup droite, venait un gauche droite très serré en descente. Puis on attaquait une grande courbe en montée à droite qui débouchait sur la voie des stands. Et là, gros coeur en perspective, au bout de la ligne droite, un droite gauche très rapide en aveugle... Et tout ça sur seulement trois kilomètres... Elle lut quelques articles de presse, puis se concentra sur les forums. Entre eux , les motards le surnommaient le circuit au gros cœur, car il ne fallait pas avoir peur du droite gauche en bout de ligne droite des stands. C'était le circuit où tout le monde rêvait de poser ses roues, ou, pour ceux qui avaient eu la chance de rouler dessus, d'y revenir dès que possible. Pour situer le circuit sur une carte, elle dut s'y reprendre à plusieurs reprises, car le nom du village était vraiment inscrit en tout petit. Heureusement, il n'était pas trop loin de chez elle: un peu moins de 400 kilomètres... Quand le samedi se décida enfin à arriver, Quitterie était remontée comme une pile. Elle ne tenait plus en place. Elle s'était levée à six heures du matin, persuadée d'être en retard pour aller chercher sa belle. Elle décida d'aller prendre son petit-déjeuner 62 Quitterie et l’ EvaCup tout en lisant. Elle se servit son café, et attaqua ses tartines tout en étant incapable de se concentrer sur sa lecture. Elle referma son livre, en désespoir de cause, et fila sous la douche. Vêtue de ses inséparables Jean, Tee-shirt et pull bien confortable, elle se décida à regarder l'heure. Mince , il était à peine sept heures et la concession n'ouvrait qu'à neuf heures trente. Encore deux heures et demie à patienter... Ne sachant que faire, elle repartit dans sa chambre pour surfer de nouveau sur Internet. Elle repartit sur le forum Ducati qu'elle appréciait le plus. Elle passa en revue toutes les rubriques, et se décida enfin à s'inscrire, de façon à pouvoir poser ses questions, et partager son expérience de la piste, dés qu'elle aurait débuté. Quand, finalement, elle regarda l'heure, il était neuf heures. Elle entendit Sonia qui se levait, et partit prendre un deuxième petitdéjeuner avec elle. Enfin, il fut neuf heures trente. Elle commença à enfiler son blouson, et s'aperçut que ses mains tremblaient d'anxiété. Allez, se résonna t-elle, dès que tu seras sur la moto, ce sera bien. Elle finit de s'équiper et partit chercher, pour la dernière fois sa 'Dom' qui l'attendait bien sagement dans la grange. Elle la sortit et la gara en plein soleil. Elle brillait de mille feux. Il faut dire que Quitterie l'avait 63 Quitterie et l’ EvaCup bichonnée toute la semaine. Elle la fit démarrer. Le moteur s'ébroua à la première impulsion du démarreur, car elle avait pris soin de recharger sa batterie dans la semaine. Elle laissa tourner le moteur au ralenti pendant qu'elle enfilait son casque et ses gants. Puis elle enfourcha sa belle, débéquilla et enclencha la première. Elle eut un petit serrement au cœur, en pensant que c'était la dernière balade qu'elles faisaient ensemble. Pour savourer ces derniers instants , elle décida de prendre les plus belles routes qu'il y avait pour rejoindre la concession. Elle se fit un plaisir énorme dans les enchaînements de virages. Elle entendait le moteur vivre dés qu'elle accélérait , et elle avait l'impression qu'il en redemandait sans cesse. Il lui semblait que la moto ressentait les mêmes émotions qu'elle, et qu'elle avait compris que c'était leur balade d'adieu. Elle prolongea ce grand moment d'émotion encore quelques kilomètres, puis elle arriva en vue de la concession, et ralentit l'allure. Elle se gara sur le parking, coupa le moteur , descendit de la moto, et la béquilla. Après avoir enlevé son casque, elle la caressa une dernière fois pour lui dire au-revoir, et s'en alla chercher sa nouvelle monture. Elle en avait les larmes aux yeux, mais un nouveau départ se présentait à elle. Elle 64 Quitterie et l’ EvaCup franchit la porte, sans se retourner, et se retrouva face à sa belle moto. Quitterie lui caressa le réservoir d'un geste possessif en passant, avant de rejoindre le vendeur. − Tout est prêt, lui dit-il avec un grand sourire. Elle n'attend plus que vous... − Merci. Je vous ai garé la Dominator sur le parking. Voilà les clefs ainsi que les doubles, les papiers et le carnet où j'ai marqué tout ce que j 'avais fait dessus. − Venez dans mon bureau, pour que nous fassions les derniers papiers, et ensuite, vous pourrez partir avec. − Je vous suis, répondit Quitterie. Une fois les papiers remplis, le chèque définitif établi et les clés dans sa poche, Quitterie partit faire le tour de sa nouvelle monture. Elle regarda avec attention les différents points qu'elle avait remarqués. Bon, premier point positif, la moto était vraiment propre. La chaîne était tendue et graissée, et il ne semblait plus y avoir de fuite d'huile au niveau de la fourche. − Vous avez pu réparer la fuite d'huile du joint spi? Demanda Quitterie. 65 Quitterie et l’ EvaCup − Oui, et comme convenu, nous avons fait une petite révision. Je vous la sors, et elle est à vous. Une fois dehors, Quitterie la trouva encore plus belle dans sa magnifique robe rouge. Elle ne se lassait pas de l'admirer. Quand elle mit la clé dans le Neiman, ses mains tremblaient de joie. Elle attendit que la pompe à injection s'enclenche, et elle mit le moteur en route. Quel son... Un bruit rauque et grave... Les vibrations du moteur faisaient vibrer le sol sous ses pieds... Elle laissa tourner le moteur, le temps de s'équiper, puis enfourcha la moto. Après avoir enlevé la béquille, elle enclencha la première, débraya tranquillement, et... cala. Il fallait qu'elle s'habitue à cet embrayage qui était un peu plus long que celui de la Dom. Elle redémarra le moteur, et cette fois-ci, réussit à partir. Elle roula tranquillement, le temps que le moteur ait atteint les 50°C, puis elle commença à s'amuser dans les virages. Elle fit monter le moteur dans les tours, pour voir jusqu'où il pouvait aller, fit des freinages d'enfer... Elle testa la moto, autant qu'elle le pouvait sur route ouverte, et se fit plaisir, tout simplement... Quitterie revint à la réalité quand le voyant de la réserve d'essence s'alluma. Comment? Elle avait déjà 66 Quitterie et l’ EvaCup parcouru cent cinquante kilomètres? Mais il lui semblait être partie depuis à peine dix minutes... Elle alla tranquillement jusqu'à la station, fit le plein, et rentra chez elle par les petites routes de derrière. Elle gara délibérément la moto dehors, dans la cour . Son Grand-père devait arriver vers quatorze heures avec sa Grand-mère. Il était donc inutile de s'enquiquiner à la rentrer dans la grange pour la ressortir juste après... Quand elle rentra dans la maison, Sonia était partie. Comme il était déjà midi, elle se prépara un petit repas rapide: un croque monsieur accompagné d'une salade verte avec des tomates cerises. Le tout suivi d'un morceau de Comté et d'un pamplemousse. Elle avait à peine fini son repas que la voiture de ses grands-parents se garait déjà . Ils étaient en avance. Elle rangea vite fait son couvert, et en ouvrant la porte, se trouva nez à nez avec sa grand-mère... − Bonjour , ma chérie, lui dit-elle en l'embrassant. Ton Grand-père est dehors, en train d'admirer ta moto. − Bonjour Grand-mère. Je m'y attendais... J'ai fait exprès de la laisser là pour lui... 67 Quitterie et l’ EvaCup − Ça ne m'étonne pas de toi. Tiens, je t'ai amené des Canelés, car il me semble que ce sont tes gâteaux préférés... − Merci , Grand-mère. C'est vrai que depuis que je suis allée à Bordeaux et que j'ai goûté à ces merveilles, j'adore ça. J'allais faire chauffer de l'eau. Tu préfères un thé ou un café? − Je veux bien un thé à la menthe, si tu en as encore. Pour ton Grand-père, ce sera un café. Quitterie mit l'eau de la bouilloire à chauffer et la cafetière en route. Tout en papotant, elles préparèrent un plateau sur lequel elles mirent les tasses, le sucre, le miel et les Canelés. Quand tout fut près, elles appelèrent le Grand-Père par la fenêtre, pour qu'il se joigne à elles. A peine avait-il franchit la porte que Quitterie se jeta sur lui. − Alors, qu'en penses-tu? Lui demanda t-elle aussitôt. − Bonjour, ma petite fille, la coupa son Grandpère en l'embrassant. Le café est prêt? Quitterie le prit par le bras et l'amena à la table. Sa Grand-mère était déjà installée, et avait servi le thé et le café. Ils n'eurent plus qu'à s'asseoir, et à déguster. 68 Quitterie et l’ EvaCup − Alors, insista Quitterie, ton avis.... − Ma foi, dit son Grand-père après avoir croqué un Canelé et bu une gorgée de café dans lequel il avait ajouté du miel, je pense que tu n'as pas fait une trop mauvaise affaire... − Il y a quelque chose qui cloche? s'inquiéta aussitôt Quitterie. − J'ai vu deux trois petites choses, qui ne me plaisent qu'à moitié. Tout d'abord, tu as une fuite au niveau de la fourche... − Mais ils m'ont dit qu'ils l'avaient réparé... − Ça, je n'en suis pas sûr. Il faudra que tu démontes ta fourche pour voir ce qu'il en est. D'autre part, ta chaine me semble détendue, et l'huile me paraît bizarre. − Et pourquoi ça? − J'ai regardé par le hublot et j'ai vu une tâche blanche dans l'huile. Le mieux serait que tu fasses une vidange. − Mais ils m'ont dit qu'ils avaient révisé la moto avant de me la vendre... − Peut-être ou peut-être pas. Mais pour ta sécurité, surtout au vu de tes projets, il faut que ta moto soit parfaite au niveau mécanique. Et ne me dis pas qu'une petite 69 Quitterie et l’ EvaCup vidange te fait peur, lui dit son grand-père taquin. − Non, mais je ne pensais pas devoir la faire aussi vite... Si tu as fini ton café, on peut aller la voir, et comme ça, tu me diras, de visu, ce qu'il faut que je fasse. − Va déjà voir ce que je t'ai dit, je te rejoins dès que j'ai fini. Cinq minutes plus tard, il la rejoignait avec sa Grand-mère dans la cour. Quitterie était accroupie au niveau du hublot de contrôle du niveau d'huile. − Je ne vois pas de tâches blanches, lui dit-elle. − C'était peut-être juste de la condensation. Mais le mieux, et j'insiste, c'est de faire une vidange. − D'accord, se résigna Quitterie, se demandant quand elle allait trouver le temps. − Tu as vu la fuite au niveau de la fourche?... − Oui... Mais par rapport à avant, ce n'est rien. Peut-être qu'ils n'ont pas assez serré au niveau du joint. − La seule solution: tu trouves la revue technique de ta moto, et tu vois ce qu'il faut faire. Comme ça, tu en auras le cœur net. 70 Quitterie et l’ EvaCup − J'ai bien mieux que ça, je vais regarder les forums sur internet. Ce sera beaucoup plus rapide, et très souvent , il y a des photos explicatives. − Comme tu veux, mais je pense que la revue est complémentaire. Mais maintenant, c'est à toi de voir... − Est-ce que tu veux bien m'aider quand même pour vérifier la tension ma chaine, demanda Quitterie pleine d'espoir. − Bien sûr. Allez, grimpe sur ta moto... Quitterie s'exécuta. Après vérification, la chaine s'avéra correctement tendue. − Mais quand même, lui dit sa Grand-mère, qu'est ce qu'il t'a pris de te lancer dans cette aventure? − Je n'en sais rien, lui répondit Quitterie. Quand j'ai vu cet article, une évidence s'est imposée à moi. C'est comme si cette course m'était dédiée, et qu'il fallait absolument que je la fasse. Du coup, tout s'est enchainé très rapidement. − Et puis, dit son Grand-père en s'adressant à sa Grand-mère, n'oublie pas que dans ta famille, il y a déjà eu des pilotes. 71 Quitterie et l’ EvaCup − Ah bon? Dit Quitterie. − C'est vrai, reprit sa Grand-mère. Ton arrière Grand-père était , comme tu le sais, créateur de voitures. Il avait créé sa propre marque . Mais pour prouver que son moteur était fiable, il a fait, avec son associé, de nombreuses courses. − Et ils ont gagné? − Ça dépendait des fois. Ils en ont remporté certaines, et n'ont pas pu en terminer d'autres... − Voilà donc d'où me vient cette passion pour les motos... − Il y a de grandes chances pour que ce soit dans tes gênes... lui répondit sa Grand-mère. − Sur ce, ma petite Quitterie, lui dit son Grand-père, nous y allons. Nous allons chercher des plantes pour notre jardin potager. − Merci d'être passé me voir, et de m'avoir donné des conseils pour la moto. A bientôt. Ils s'embrassèrent, et Quitterie resta seule dans la cour avec sa belle. Une nouvelle vie allait commencer. Elle écouta tout de même ce que lui 72 Quitterie et l’ EvaCup avait dit son Grand-père , et décida d'aller se procurer la revue technique de sa moto. Elle poussa la moto jusqu'à la grange, et tenta de la faire entrer sans le moteur, comme pour son Dominator. Tout se passa bien , jusqu'à la petite marche au niveau de la porte. Elle n'avait pas pris assez d'élan, et la moto se retrouva en déséquilibre.... Quitterie la tira vers elle, et réussit à la rattraper inextrémis. Du coup, elle la fit reculer, monta sur la selle et alluma le moteur pour passer cette fameuse petite marche. Une fois dans la grange, elle sortit la béquille, et voulut appuyer la moto dessus. Elle allait doucement, n'ayant qu'une confiance toute moyenne dans ce sol en terre battue. Bien lui en pris... Quand la moto commença à peser de tout son poids sur la béquille, cette dernière commença à s'enfoncer dans le sol... Quitterie réussit à la redresser, vit un vieux morceaux de planche sur le sol, et installa la béquille dessus. Une fois descendue de la moto, elle installât mieux la planche, de façon à ne pas avoir de surprises le lendemain. En même temps, une question lui trottait dans la tête: si la moto tombait, arriverait-elle, seule, à la relever? Elle n'en était pas sûre … Puis elle la recouvrit d'une couverture après 73 Quitterie et l’ EvaCup lui avoir caressé le réservoir une dernière fois, ferma la porte à clé, et rentra dans la maison. Elle en ressortit, quelques minutes plus tard, son ordinateur portable sous le bras. Comme il faisait vraiment bon au soleil, elle s'installa sur la table de dehors, se connecta sur Internet, et commença ses recherches pour l'entretien de sa moto. Tout d'abord, elle passa commande de la revue technique de la 750 Mostro. D'accord, il ne s'agissait pas du modèle injection, mais pour ce qu'elle voulait faire, ce serait certainement suffisant. Puis elle partit farfouiller sur le net, pour trouver une solution à son problème de fourche, en attendant de recevoir sa revue. Le temps était radieux. On commençait à sentir la chaleur des rayons du soleil. Les arbres bourgeonnaient. Les oiseaux chantaient. Elle se sentait bien, elle avait des projets plein la tête... Elle était tellement concentrée qu'elle fut surprise quand elle entendit Sonia arriver. Aussitôt, elle lui proposa de venir voir sa nouvelle moto. Sonia était partante, c'était génial... Quitterie enleva la couverture, et là, Sonia en resta bouche bée: − Tu as acheté ça? S'écria t-elle. 74 Quitterie et l’ EvaCup − Tu sais , elle est impressionnante au premier regard, mais une fois dessus, tu as vraiment l'impression qu'il s'agit d'un vélo, la rassura Quitterie. Tu veux monter dessus pour te rendre compte? − J'ai bien trop peur de la faire tomber... Vas-y toi, que je te vois dessus. − D'accord, répondit-elle , sans se faire trop prier. − Tu as une de ces allures , s'écria Sonia. Quelle classe... On dirait qu'elle a été faite pour toi. − Merci, dit Quitterie tout en redescendant de sa monture. Puis Sonia l'aida à la recouvrir , et elles quittèrent la grange, tout en papotant. 75 Quitterie et l’ EvaCup 7 On était le trois Mars. Quitterie et Sonia se préparèrent pour aller à la réunion de présentation de l' EvaCup. Toutes les futures éventuelles concurrentes , ainsi que la presse, étaient conviées. Le rendez-vous se tenait dans une petite salle, au sous-sol d'une brasserie. Quitterie et Sonia prirent place sur l'immense banquette rouge qui courait le long du mur. Une fois tout le monde arrivé, la réunion commença. Elles étaient une vingtaine de filles. Alice , l'instigatrice du projet, se présenta et elle expliqua ce qu'elle désirait faire. Elle voulait promulguer l'image des femmes à motos, et notamment celles qui font de la compétition . Pour cette année, elle lançait l' EvaCup en championnat de vitesse, mais elle espérait, dès l'an prochain, faire la même chose en enduro, cross et trial. Il y aurait donc deux courses d' organisées, toutes les deux sur le même circuit, et le même weekend, pour des raisons de coût. L'engagement pour les deux 76 Quitterie et l’ EvaCup courses était de deux cent cinquante Euros. A cela, il fallait ajouter la préparation de la moto, l'équipement , les cours pour celles qui le désiraient, et la licence. − Je vous explique les raisons de notre projet. Avec mon associé, nous souhaitons créer un nouveau concept pour aider les filles à se mettre à la compétition. Nous avons remarqué que beaucoup d'entre vous n'osaient pas se lancer , principalement pour des raisons de coût et la difficulté de trouver des sponsors. Grâce à cette coupe, nous voulons faire la promotion du sport moto au féminin. Nous aimerions que l' EvaCup serve de tremplin, et qu'elle vous permette, par la suite, d'accéder plus facilement à d'autres formules. Un peu comme la coupe Motor'Eve et le Trophée féminin de vitesse, il y a quelques années de ça. C'est pourquoi, pour la première année, nous ouvrons la coupe au public le plus large possible. − Est-ce que des pilotes expérimentées participeront à l' EvaCup? interrogea une concurrente. − Bien sur. J'ai contacté des anciennes compétitrices, qui seront ravies de vous faire 77 Quitterie et l’ EvaCup − − − − − partager leur expérience, et de participer de nouveau à une compétition. Mais du coup, renchérit une autre concurrente, nous aurons du mal à nous qualifier, vu que nous sommes, pour la plupart, de vraies débutantes. Il est bien entendu que nous ferons tout notre possible pour que toutes les filles inscrites soient qualifiées. Les pilotes expérimentées ne donneront pas le meilleur d'elles-même pendant les qualifs, de façon à ce que chacune d'entre vous ait sa chance. D'autres questions? Oui, intervint Quitterie. J'ai vu sur Internet, qu'il existait deux types de licences possibles, la NCA et la NCB. Laquelle est la plus adaptée? Tout dépend de ce que tu veux faire. Si tu te contentes de l' EvaCup , que le cumul des points ne t'intéresse pas, et que tu ne fais que des compétitions nationales, alors la NCB est plus adaptée, sinon , prends la NCA. Au téléphone , tu m'as parlé d'un stage de pilotage, questionna une autre concurrente, qu'en est-il vraiment? 78 Quitterie et l’ EvaCup − Nous sommes en train de mettre sur place un ou deux stages avec un ancien pilote, Cyril. Les dates sont à confirmer , mais il s' agira très certainement du quinze Avril pour le premier stage. Pour le coût, nous sommes encore en pleine négociation, mais ça ne devrait pas dépasser les cent Euros. Dès que j'ai la confirmation des dates j'envoie un mailing pour que vous puissiez vous inscrire. − Dans ton mail, tu parles de l'équipement du pilote. Mais est-ce qu'il y a des marques plus sérieuses que d'autres? Et est-ce que certaines proposent des prix intéressants? − Nous n'avons aucun partenariat avec les équipementiers. A vous de voir celle dans laquelle vous vous sentez le mieux. Mais il y a quand même des points obligatoires: il faut une combinaison une pièce en cuir, avec une doublure en coton et une dorsale, et un casque de moins de cinq ans, entre autre. Celles à qui j'ai envoyé un mail doivent avoir les détails, et pour les autres, vous me donnerez vos mails avant de partir, et je vous enverrai tout ça. 79 Quitterie et l’ EvaCup Puis vint le moment ou chaque concurrente dut se présenter , dire ses objectifs, son expérience et la moto avec laquelle elle allait concourir. La plupart d'entre elles étaient totalement néophytes sur circuit, comme Quitterie. Certaines avaient déjà roulé, et une ou deux, comme l'avait dit Alice, avaient fait de la compétition. Quitterie fut la seule à rouler en roadster Ducati. Quasiment toutes les autres avaient des motos sportives japonaises. Quelques unes étaient en Triumph. Heureusement, Alice avait spécifié que le classement final se ferait en quatre catégories: les roadsters de plus et moins de sept cent cinquante centimètres cubes et les sportives de plus et moins de sept cent cinquante centimètres cubes. La réunion continua pendant quelques temps, puis, quand il n'y eut plus de questions, elles portèrent toutes un toast au futur de l' EvaCup. Puis le petit groupe se sépara, en espérant se revoir très prochainement au stage. Quelques jours plus tard, Quitterie reçut enfin le mail tant attendu de la part d'Alice, lui spécifiant les dates du stage. En fait, il y avait deux stages proposés, à un mois d'intervalle. Il y en avait un le quinze Avril et l'autre le dix Mai . Les deux stages 80 Quitterie et l’ EvaCup étaient en priorité pour les filles, et ils seraient complétés, le cas échéant, par des hommes. Le weekend de courses étant mi-juin, ça lui laissait le temps de s'entraîner et de bien prendre sa moto en main. Il fallait maintenant qu'elle s'attelle à réparer la fuite au niveau du joint spi de la fourche, car elle n'avait pas encore eu le temps de s'y mettre. Elle avait tout de même fait une vidange , et mit une huile de synthèse, en prévision du roulage sur circuit. Elle avait bien lu la revue technique, mais cette histoire de fourche lui paraissait un tantinet complexe. Elle se connecta donc à Internet, et alla sur son forum préféré. Elle compulsa beaucoup de pages avant de trouver un sujet parlant des fourches. Ça ne correspondait pas trop à ce qu'elle cherchait, mais elle s'aperçut bien vite que c'était très compliqué. Elle téléphona à son Grand-père pour savoir si, malgré ce qu'il lui avait dit, il pouvait lui donner un petit coup de main. Il accepta bien plus facilement que ce que présageait Quitterie, à condition qu'elle vienne chez eux, car il y avait tous les outils nécessaire à ce genre d'opération, et en plus, il y avait son transat préféré... Car il ne voulait servir que de guide, et ne pas le faire à sa place. Ravie de ce 81 Quitterie et l’ EvaCup compromis, Quitterie accepta. Elle fit le point des pièces qu'elle devait acheter, comme les joints , l'huile de fourche, et certainement des petites choses auxquelles elle n'avait pas pensé. Elle en profiterait pour acheter son équipement. Et si Sonia pouvait venir avec elle , comme elle l'avait proposé, ce serait encore mieux. Mais cela ne devait pas lui poser trop de soucis, car elle adorait faire les magasins. 82 Quitterie et l’ EvaCup 8 Sonia fut toute heureuse quand Quitterie lui rappela qu'elles devaient faire les magasins ensemble. Elle allait enfin pouvoir lui faire découvrir les joies du shopping... Elles se donnèrent rendez-vous à onze heures devant le magasin Ducati, Sonia n'ayant aucune envie de monter derrière Quitterie. En fait, elle avait une peur bleue de tous les deux roues motorisés. Elle les trouvait magnifique, mais ne voulait pas monter dessus. A peine Quitterie avait-elle garé sa moto que Sonia s'impatientait déjà sur le trottoir: elle était tellement contente de pouvoir initier sa meilleure amie aux joies du shopping qu'elle ne tenait plus en place. Elles entrèrent tout d'abord dans la boutique Ducati, pour les pièces de Quitterie. Pendant que cette dernière faisait le point de ce qu'il lui fallait avec le chef d'atelier, Sonia découvrit le rayon textile du magasin. Elle regarda, toucha, soupesa, retourna, l'oeil critique... Quand Quitterie eut terminé, elle lui montra une combinaison qu'elle avait repérée. Cette 83 Quitterie et l’ EvaCup dernière n'étant pas très emballée, elles sortirent du magasin. Bras dessus bras dessous, elles se dirigèrent vers le magasin d'équipements moto qui était juste à côté. Quand elles pénétrèrent dans le magasin ,elles furent envahies par l'odeur du cuir. Elles commencèrent à regarder à droite et à gauche pour essayer de se repérer, et virent que le rayon consacré au pilotage sur circuit était au sous-sol. Elles descendirent les marches et virent un vendeur qui les accueillit avec un grand sourire. Celui-ci avait un léger handicap sur la partie droite du corps: sa jambe semblait atrophiée, et son bras n'était plus très valide. − Bonjour, leur dit-il. Est-ce que je peux vous aider? − En fait, oui, répondit Quitterie. Je me suis inscrite à l' EvaCup, et j'aurai besoin d'une combinaison en cuir. − L' EvaCup? Questionna le vendeur. − Oui, il s'agit d'une course moto féminine, ouverte à toutes les pilotes, quel que soit leur niveau et leur moto. Et comme je n'ai jamais posé mes roues sur un circuit auparavant, j'ai donc besoin de pas mal de choses. 84 Quitterie et l’ EvaCup − Je vais donc pouvoir vous aider. Vous participez à l' EvaCup toutes les deux? − Oh non, se récria Sonia, je suis juste là pour la guider au niveau du style. − Je vais voir ce que j'ai en petites tailles, mais il ne faudra pas s'attendre à des merveilles. Ça reste quand même des vêtements masculins. Pour l'instant, nous n'avons pas de gamme spécifiquement féminine, mais ça va peut-être arriver, grâce à ce genre d'initiatives... Il alla dans ses rayons, et sortit trois combinaisons intégrales. − Je n'ai sorti que celles qui ont une doublure coton, car c'est obligatoire. Le choix est vite fait, car il y en a très peu, vu que c'est une exception française, cette histoire de doublure. Mais , pour une fois , notre exception fait bien les choses, car avec une doublure synthétique, en cas de chute on est complètement brûlé. Pas de risques avec une doublure en coton ou en soie. Tu as aussi, sur chacune des trois combinaisons des sliders interchangeables, en cas d'usure. Tiens, enfile 85 Quitterie et l’ EvaCup cette dorsale avant de passer la combinaison, pour être sûr de la taille. Les sliders , comme le lui avait dit Régis, le vendeur, étaient ces petites coques situées au niveau des genoux, et qui frottent sur le bitume, lorsque l'on se déhanche. − Mais comment savez-vous ça, interrogea Quitterie? − J'ai fait de la compétition, il y a quelques années, mais suite à un accident, j'ai dû stopper ma carrière , répondit-il en montrant son côté droit. Maintenant, je tâche d'équiper le mieux possible les pilotes, de façon à ce que la chute soit la moins fatale possible... − Je suis désolée, commença Quitterie... − Il n'y a pas besoin. J'ai eu la chance de vivre ma passion à fond, et maintenant, je suis toujours dans ce monde là, mais j'ai un autre rôle. Et c 'est ça que j'aime... Maintenant, va essayer ça, que l'on voit si c'est bon ou pas. Quitterie s'exécuta, et partit dans la cabine d'essayage. Elle parvint sans problème à mettre la partie basse, mais quand elle arriva au niveau des bras, ce fut tout un poème. Elle sortit de la cabine 86 Quitterie et l’ EvaCup pour avoir plus d'espace. Le cuir était tellement raide, qu'elle devait faire de grands gestes pour faire rentrer les deux bras. Sonia et Régis se mirent chacun d'un côté et l'aidèrent . Une fois les bras passés, il n'y avait plus qu'à boucler le tout avec la fermeture éclair. Quand ce fut fait , Quitterie ne pouvait plus bouger. Elle ressemblait à une grande saucisse... Tout était raide, elle avait l'impression d'être complètement coincée. Le simple fait de plier les bras ou de marcher était dur. Quand Régis lui demanda de s'asseoir, elle s'affala littéralement sur le banc... − Ça ne te va pas trop mal. La taille est bonne. − Cette coupe te va super bien. Ça te met vraiment en valeur, et même si c'est une coupe homme, on voit bien qu'il y a une fille là-dessous, lui dit Sonia, tout en s'éloignant. − Mais je ne peux plus me baisser, ni plier complètement les bras ou les jambes... se plaignit Quitterie. − C'est normal, il faut que le cuir se détende. Si je t'en donne une plus grande, au bout de quinze jours tu flotteras complètement dedans, et les frottements risquent de te blesser. Le mieux que tu aies à faire , c'est de 87 Quitterie et l’ EvaCup − − − − la porter tous les jours, pour que le cuir se fasse. Ça doit être sympa de se balader dans la rue comme ça... Si tu veux, tu peux le voir comme ça, mais tu peux aussi la porter tous les soirs chez toi. C'est très seyant, tu verras... Je me vois bien sur le divan, en combinaison, et elle partit d'un grand éclat de rire. En tout cas, les couleurs de cette combinaison ne te vont pas du tout, reprit Sonia, qui était revenue. Je sais bien que tu aimes les habits colorés, mais là, c'est un peu trop criard à mon goût. Regarde ce que j'ai trouvé. Je pense que les couleurs t' iront mieux. Effectivement, quand Sonia lui montra sa trouvaille, elle la trouva magnifique. Elle était en cuir blanc, bleu et rouge, et les inserts en tissus élastiques pour l'aisance étaient noirs. C'était très coloré, sans pour autant être trop criard. Avant qu'elle n'aille essayer cette nouvelle combinaison , Régis et Sonia se mirent chacun d'un côté de Quitterie pour l'aider à enlever les manches de celle qu'elle avait sur elle. En 88 Quitterie et l’ EvaCup se contorsionnant, elle réussit à enlever le premier bras, et le deuxième vint plus facilement. − Mais où as-tu trouvé cette combinaison? lui demanda Régis. Je ne savais pas qu'il m 'en restait... − Oh, j'ai juste fouiné un peu partout, comme j'ai l'habitude de le faire dans les autres boutiques, tout simplement, lui répondit Sonia, modeste. Elle était coincée derrière d'autres modèles. J'espère juste qu'elle a une doublure en coton pour Quitterie... − Je suis certain que c'est bon, lui répondit Régis, tout en vérifiant. Quitterie passa la combinaison, et l'adopta tout de suite. Elle se sentait bien dedans, comme si elle avait été taillée pour elle, même si , pour l'instant, elle était vraiment très raide. Elle montra le résultat à Sonia et Régis, même si sa décision était déjà prise: c'était elle, ou rien. Une fois la combinaison enlevée, Régis présenta à Quitterie des bottes adaptées au pilotage sur circuit. Il lui expliqua que les bottes de compétitions étaient équipées de renforts au niveau de la cheville, du 89 Quitterie et l’ EvaCup tibia, et qu'à l'avant, sur le coup de pied extérieur, il y avait des renforts interchangeables à cause des frottements. Régis lui présenta la seule paire qui existait en petite taille. Elle l'essaya et l'adopta, n'ayant pas vraiment le choix, et surtout, pas trop l'envie de courir plusieurs magasins différents. Ensuite ce fut le tour des gants. Régis lui en proposa une paire avec des inserts en résine thermoplastique pour lui protéger les articulations. Il s'occupait d'elle , comme s'il se devait de la protéger. Elle lui en fut très reconnaissante, car grâce à lui, elle était sûre de n'avoir rien oublié. Il lui présenta aussi des casques, mais comme Quitterie venait d'en changer, cet achat n'était pas indispensable. Elle avait fait mentalement la somme de ses achats, et arrivait à un total affolant. Elle pria secrètement qu'on lui accorde une petite ristourne. Au moment de passer à la caisse, Régis plaida sa cause auprès du gérant, en lui expliquant son projet. Ce dernier décida de faire un geste, et lui fit le tout, la combinaison, les bottes et les gants pour le prix de la combinaison. En échange, elle devrait mettre des autocollants du magasin sur sa moto. Quitterie accepta aussitôt, ravie d'avoir trouvé un sponsor... 90 Quitterie et l’ EvaCup Elles portèrent ses achats jusqu'à la voiture de Sonia. La combinaison, aux dires de Régis devait peser dans les sept à huit kilos. Les deux filles ne se voyaient pas se promener avec ça au bout des bras pendant toute la journée. Car, pour remercier Sonia de sa gentillesse et de sa patience, Quitterie avait décidé de passer la journée avec elle à faire du shopping. Elles allèrent d'abord déjeuner dans un salon de thé qui proposait des en-cas, puis elles passèrent une demi-journée très sympa, à flâner dans les rues, à essayer des tenues excentriques qu'elles ne porteraient jamais dans la vraie vie. Elles s'amusèrent comme des petites folles. Comme le froid commençait à se faire sentir par cette belle journée de Mars, elles prirent une boisson chaude avant de repartir à leurs véhicules. Quitterie récupéra son casque et ses gants qu'elle avait laissés dans la voiture de Sonia. Cette dernière était très fière de sa petite auto à air comprimé. Elle avait fait le choix de cette voiture écologique pour différentes raisons. Tout d'abord elle pensait que cette technique était l'avenir: elle consommait moins de deux litres d'essence pour cent kilomètres, elle était de petite taille, et pour la ville c'était l'idéal. 91 Quitterie et l’ EvaCup Autre point très important, son coût minime à l'achat. Et puis, il faut bien l'avouer, grâce à cette auto, Sonia ne passait pas inaperçue, et elle adorait ça... Les piétons et les autres usagers de la route se retournaient toujours sur son passage, se demandant ce que c'était. Chaque fois qu'elle la sortait, elle devait expliquer comment elle fonctionnait, et répondre à une multitude de questions. C'était un peu la rançon de la gloire, ou de l'exception. A peine rentrées, Quitterie se précipita sur sa combinaison, et l'enfila pour la faire à sa morphologie. Elle la garda toute la soirée sur elle, même pour manger, ce qui s'avéra extrêmement compliqué. Et ce manège se répéta jusqu'à la veille du stage sur piste... 92 Quitterie et l’ EvaCup 9 Ce matin là, Quitterie dût se lever très tôt: le rendezvous était à sept heures trente au circuit de Haute Saintonge, entre Bordeaux et Angoulême. Il fallait donc qu'elle parte à six heures trente, au plus tard, pour être à l'heure. Elle régla son réveil à cinq heures trente, de façon à avoir le temps de prendre son petit-déjeuner tranquillement, et surtout de mettre sa combinaison correctement et de bien positionner toutes les protections, ce qui n'était pas une mince affaire, car elles avaient tendance à se plier un peu au moment de l'enfilage. Quand ça se produisait, Quitterie devait passer sa main pour les remettre correctement ce qui n'était pas très aisé, car il n'y avait pas beaucoup de place … Elle était prête à l'heure, et arriva sans encombre au circuit. Il y avait encore de la rosée sur l'herbe, et le soleil ne semblait pas trop d'humeur à se montrer. Suivant les conseils de Régis, Quitterie avait juste un T-shirt en coton sous sa combinaison, et la fraicheur du petit matin l'avait un peu surprise. Mais bon, d'un 93 Quitterie et l’ EvaCup autre côté, elle ne pouvait rien mettre de plus tellement elle était à l'étroit, et elle arriva gelée au circuit. Heureusement qu'un petit déjeuner était prévu... Quelques stagiaires étaient déjà là. Quitterie gara son petit monstre à côté d'eux, prit son courage à deux mains, et les aborda... Ils avaient l'air d'être aussi néophytes qu'elle et appréhendaient , eux aussi, ce stage ne sachant pas trop ce que ça allait donner. Ils discutèrent de choses et d'autres, et petit à petit, les autres stagiaires arrivèrent, et les conversations battirent leur plein. Elles tournaient toutes autour des motos respectives de chacun , et de leur expérience de la piste, qui se limitait à pas grand chose pour la plupart d'entre eux. Puis la porte de la salle s'ouvrit, et ils purent entrer pour la partie théorique. Les organisateurs leur proposèrent un café et des viennoiseries, avant d'attaquer les choses sérieuses. Quitterie put enfin se réchauffer, et faire passer l'onglet qu'elle avait sur deux doigts de la main gauche. Sur le mur était affiché le plan du circuit, avec, dessinée en rouge, la trajectoire, à priori, idéale. Quitterie, sa tasse à la main, resta un long moment devant à l'étudier, et surtout, à le mémoriser. 94 Quitterie et l’ EvaCup Le circuit débutait par un long virage à droite, qui débouchait sur une ligne droite. Puis de nouveau un virage à droite en dévers, suivi par deux gauches très rapides. De nouveau un long virage à droite qui précédait la ligne droite des stands . Et enfin, retour vers le premier virage . Le tout sur 2,2 kilomètres. De quoi bien s'amuser pour débuter … Des chaises étaient installées face au plan, et petit à petit, les stagiaires s'installèrent. Cyril, l'instructeur, se présenta. Puis il commença par les consignes de sécurité à appliquer sur le circuit. Tout d'abord, on ne s'arrête jamais sur un circuit, sauf en cas de panne. Si une personne a un problème devant vous, vous ne vous arrêtez pas, vous continuez votre trajectoire. Vous devez tout de même rentrer au stand pour le signaler. Ce sont les commissaires qui s'en occupent. Quand on veut rentrer au stand, on lève franchement le bras ou la jambe gauche avant la voie des stands, pour signaler notre intention de sortir de la piste et on y va. Les drapeaux aussi ont leur importance: le vert signifie que la piste est libre, le jaune qu'il y a un danger, le rayé vertical jaune et rouge annonce 95 Quitterie et l’ EvaCup un changement d'adhérence, le rouge l'arrêt de la course, le noir, avec un panneau indiquant le numéro de la moto la sortie immédiate du concurrent, et le blanc, qu'un véhicule lent , style pace-car, emprunte la piste. Après ce petit rappel , Cyril demanda à chacun de dire son expérience en moto, ce qui l'avait poussé à faire ce stage, et pourquoi il le faisait. Toutes les filles présentes étaient là pour l' EvaCup. Certaines avaient déjà de l'expérience, et d'autres pas du tout. Ces dernières, avant leur engagement définitif, voulaient s'essayer au circuit pour voir si ça leur convenait. Quand aux garçons, certains étaient là pour peaufiner leur pilotage, et d'autres pour débuter. Ensuite ils firent des groupes de niveau. Les débutants devaient coller une pastille sur l'avant de leur moto, de façon à les distinguer de ceux qui avaient déjà une expérience du circuit. Puis, ils eurent enfin l'autorisation de prendre leurs motos. Avant de poser leurs roues sur la piste, ils durent modifier les motos qui étaient en configuration route. Ce n'était pas très compliqué, mais obligatoire. Ils commencèrent par retourner les 96 Quitterie et l’ EvaCup rétroviseurs: sur un circuit, on ne regarde pas ce qui se passe derrière: on s'occupe seulement de ce qui est devant soi. Puis ils scotchèrent tout ce qui était en verre, ou cassable facilement lors d'une chute, tels que les phares, les clignotants... Ils partirent tous ensemble, sur leur moto, faire un premier tour de circuit, derrière les moniteurs, chacun essayant de montrer ses 'pseudos' talents à son voisin. Puis les instructeurs s'arrêtèrent sur le bord de la piste pour les observer, de façon à peaufiner les groupes si nécessaire. Comme ils le leur avaient expliqué lors du briefing, aucun groupe n'était définitif. Ils pouvaient évoluer en cours de journée... Maintenant, il fallait arriver à piloter. Le groupe de Quitterie, les vrais débutants, fut encadré par Cyril. Elle était avec deux filles, Charlotte et Audrey qui, elles aussi, voulaient courir l' EvaCup. Avant de reprendre leurs motos, ils étudièrent le premier virage à pied. Ils le découpèrent en zone de freinage, point de corde, et zone de ré- accélération. Puis ils abordèrent l'importance du regard qui devait, avant le virage, se porter sur le point à partir duquel le pilote peut déhancher. A partir de là, le regard se 97 Quitterie et l’ EvaCup posait sur le point de corde, puis sur la sortie du virage, et ainsi de suite.... Ils reprirent leurs motos, et c'était reparti pour un tour. Ils firent tous plusieurs tours, en s'appliquant du mieux qu'ils pouvaient. Quitterie se lança dans les dernières, pas très sûre d'elle. Petit à petit, les progrès commencèrent à se voir. Son regard s'améliorait, ainsi que le freinage et l'accélération. Elle avait encore quelques soucis avec l'étalement de sa boite de vitesse, mais ça finirait bien par venir. A la fin de la matinée, la fatigue commença à se faire sentir pour tout le monde. Les fautes commencèrent à faire leur apparition. Les instructeurs décidèrent alors de faire la pause de midi. Les élèves garèrent leurs motos avec soulagement. Ils s'écroulèrent tous sur les chaises, dans la salle . Quelle satisfaction quand ils virent les plateaux repas! Ils étaient constitués de charcuterie, de pâtes, de viande froide, de fromage et de fruits. Ils se jetèrent dessus, comme s' ils n'avaient pas mangé depuis huit jours... de vrais morfales. Au fur et à mesure que les estomacs se remplissaient, les langues se déliaient. Chacun relatait son ressenti de cette demi-journée, riche en sensations. Cyril en profita pour donner quelques conseils à chaque participant. Quand ce fut le tour de Quitterie, elle 98 Quitterie et l’ EvaCup n'était pas très fière: elle n'avait pas l'impression d'être très douée. − C'est toi qui veut participer à l' EvaCup? lui demanda Cyril. − Oui, et il me semble que je ne suis pas la seule. Il y a aussi Audrey et Charlotte, ainsi que deux autres filles qu'il me semble avoir vu à la réunion. − Tr è s b o n n e o b s e r v a t i o n . Vo u s ê t e s effectivement cinq à participer à ce stage en vu de faire l' EvaCup. Pour le bilan de cet matinée, comment as-tu trouvé ce stage de conduite? − J'ai trouvé ça extraordinaire. Le fait de porter son regard aussi loin est quand même assez déroutant, mais il est vrai que ça permet de mieux appréhender la suite des évènements. − En tout cas, tu as fait de très gros progrès. Tu commences vraiment à piloter. Maintenant, il faut absolument que tu déhanches. Ton corps doit sortir de la moto. Et tu peux aussi aller plus vite, tu ne crains rien. − Tu en es sûr?... s'inquiéta Quitterie. − Tu ne cours aucun risque. Par contre, si tu ne déhanches pas, ta moto prend de l'angle, et c'est là que ça devient dangereux. Tu t'en 99 Quitterie et l’ EvaCup rendras très vite compte. De toute façon, cet après-midi, on va travailler sur ce point. Cyril continua son tour de table, prodiguant à chacun les conseils appropriés. Quitterie avait remarqué que deux filles savaient déjà piloter sur circuit. Elles passaient tout comme une lettre à la poste. C' en était écœurant de facilité. Elle se leva et les aborda. − Vous allez courir à l' EvaCup? Demanda telle. − Oui, toi aussi? − Oui, et c'est la première fois que je mets mes roues sur un circuit. − Et quelles sont tes impressions, suite à cette matinée? − J'adore les sensations que procure ce style de conduite. Par contre, je me trouve vraiment pataude, comparée à vous... − Au début, nous étions aussi comme toi. Il nous a fallu pas mal d'heures de roulage pour être à peu près à l'aise. Mais tu vois, on a toujours besoin de conseils. Mais ne t'inquiète pas, tu ne t'en sors pas trop mal. − Merci, répondit Quitterie, et elle sortit prendre l'air, sa tasse de café à la main. 100 Quitterie et l’ EvaCup Les participants avaient fini leur repas et leur café. Les choses sérieuses allaient pouvoir recommencer... Ils se réunirent sur le bord de la piste. Cyril demanda à un stagiaire de pousser sa moto jusqu'à lui, de façon à leur faire visualiser le déhanchement. Une fois la moto au milieu des participants, Cyril monta dessus . Il demanda à deux instructeurs de tenir la moto. Le premier se mit à l'avant, et empoigna le guidon. Le second se mit derrière et tint la moto par les poignées du passager. Ils se campèrent bien solidement sur leurs jambes, de façon à empêcher la moto de basculer. Et Cyril leur montra la manière de déhancher: il fallait se reculer sur la selle, sortir son corps de l'axe de la moto, même les fesses... en fait, la tête devait se trouver au niveau des rétroviseurs, comme si on voulait se regarder dedans , et les fesses à côté de la selle. Et d'autre part, il fallait pousser la moto à l'inverse du déhanché, de façon à ce qu'elle reste la plus droite possible, pour avoir ainsi un maximum d'adhérence... Tout le monde dut passer sur la moto, pour essayer le déhanchement à droite et à gauche. Cela paraissait très simple, à l'arrêt... 101 Quitterie et l’ EvaCup − Maintenant, tout le monde en selle, et on travaille le déhanchement, sans oublier ce que l'on a vu ce matin. Chaque participant remit son casque et ses gants, et monta sur sa monture. Depuis le début de la pause, le soleil s'était invité. Il faisait vraiment chaud sous leur équipement. Dès qu'ils furent prêts, ils partirent tous en se suivant. Avant d'attaquer les exercices, ils devaient faire deux tours de circuit pour bien chauffer leurs pneus. Et là, pas besoin de faire louvoyer la moto. Des accélérations franches, suivies de freinages forts étaient suffisants. Une fois les pneus à bonne température, ils partirent à l'attaque du déhanché. Ce qui paraissait simple en statique s'avéra en fait assez compliqué, car il y avait une appréhension vis à vis de l'adhérence des pneus, et de la chute éventuelle. Mais la confiance s'installait au fur et à mesure des tours. Quitterie passait ses virages de plus en plus vite, et elle commençait vraiment à déhancher. Elle prenait confiance en elle, jusqu'au moment où elle entendit un CRRRRR et une vibration venant de son genou. Elle prit peur, et rentra le genou, ce qui eut pour effet de redresser la moto: elle vit le bac à gravier de très prés... 102 Quitterie et l’ EvaCup Elle leva le bras gauche, signe qu'elle rentrait au stand et se gara . Elle regarda son genou: il avait frotté!!! Quel bonheur, et surtout, quelle trouille... Elle repartit aussitôt, très fière de son exploit. Elle prit de plus en plus de vitesse, et plus elle allait vite, plus le déhanché venait facilement. Elle se surprit même à en doubler quelques uns. Elle recherchait systématiquement ce frottement, car à chaque fois, il lui montait une poussée d'adrénaline. Quelle extase!!! Chaque fois qu' ils devaient s'arrêter pour approfondir un point, elle le faisait à contre-cœur, car elle aimait rouler. Mais c'était la seule manière pour pouvoir progresser et avoir un bon niveau pour courir l' EvaCup. A la fin de la journée, quand le drapeau à damier s'agita, tout le monde rentra au stand. Au moment où elle descendit de la moto, Quitterie s'aperçut qu'elle était complètement fourbue. Ils se retrouvèrent tous dans la salle, ou ils purent se désaltérer et s'asseoir, pour faire le bilan de cette journée. Tout comme le matin, chaque participant prit la parole . Ceux qui avaient déjà de l'expérience trouvèrent ce stage correct dans le sens ou ils avaient pu affiner leur technique de pilotage. Certains débutants n'avaient 103 Quitterie et l’ EvaCup pas trouvé leur voie dans cette discipline. Ils avaient beaucoup de mal, et ne voyaient pas trop l'intérêt de tout ça. Quand au reste du groupe, ils avaient tout simplement adoré. Pour Quitterie, ce stage s'avéra être une révélation, comme si elle avait enfin trouvé sa voie. Elle s'était totalement donnée sur cette journée, et les résultats étaient là. Elle avait fait des progrès extraordinaires. Il ne lui restait plus qu'à accumuler des heures de pratique, et elle aurait vraiment un bon niveau. Elle était tellement heureuse, que tout son visage irradiait de bonheur. Les deux filles avec qui elle avait discuté à midi commençaient à la regarder d'un autre œil: elle devenait une concurrente intéressante... Elles allèrent même jusqu'à l'aborder, pour savoir avec quelle moto elle pensait courir. Quand Quitterie leur annonça qu'elle courrait avec son petit monstre, un petit sourire narquois apparut sur leurs lèvres. Elles avaient plutôt l'air d'être rassurées par cette nouvelle, pensant bien qu'elle ne ferait jamais le poids. Pour elles, il était impossible d'être battu par un roadster. Il faut dire aussi qu'elles étaient bien équipées: un GSXR sept cent cinquante pour l'une, et un six cents CBR pour l'autre... Il est vrai qu'avec leurs bolides de plus de cent chevaux, les petits 104 Quitterie et l’ EvaCup soixante-quatre chevaux du Mostro semblaient ridicules. Puis le stage prit fin. Tout le monde se salua et rentra chez lui. Quand Quitterie arriva chez elle, elle eut juste la force de rentrer la moto dans la grange, de se dévêtir et de s'écrouler sur son lit. Elle dormit d'une traite jusqu'au lendemain matin. Quand elle se réveilla, elle était toute raide. Elle avait des courbatures sur des muscles dont elle ne soupçonnait même pas l'existence... Ce fut tout un poème pour descendre les escaliers et aller prendre son petit déjeuner. Elle avait du mal à plier ses genoux, et à tenir la rampe... La journée s'annonçait cocasse... Tout en petit-déjeunant, elle fit le point de la journée précédente. Une chose la chagrinait beaucoup: sa condition physique. Elle qui pensait être en bonne forme , s'était un peu trompée. Elle était ressortie essoufflée de ses séances de roulage. Et pour travailler son endurance et son souffle, rien de tel que la natation. En plus de sa sortie VTT hebdomadaire, elle se mit à faire des séances de natation deux à trois soirs par semaine. Au début, elle n' arrivait pas à nager longtemps, mais petit à petit, elle nagea un kilomètre 105 Quitterie et l’ EvaCup sans soucis, et de plus en plus rapidement. Elle s'établit un rythme de croisière, et le maintint tout le temps. 106 Quitterie et l’ EvaCup 10 Pendant tout le mois qui suivit, Quitterie roula autant qu'elle le pouvait sur la route. Elle s'essaya même une fois toute seule sur le circuit. Lors du stage, elle s'était renseignée sur les jours et horaires d'ouverture au public. Certaines journées étaient libres d' accès. Elle décida d'y aller, pour se remémorer tout ce qu'elle avait appris. Elle arriva à quatorze heures, et se trouva au milieu d'une foule immense. Jamais elle n'aurait pensé qu' autant de monde roulait sur la piste. Elle attendit patiemment son tour pour obtenir le sésame l'autorisant à rouler. Une fois son permis de conduire, l'assurance et les papiers de la moto présentés, elle eut enfin droit au petit bracelet magique , qui lui ouvrait l' accès à la piste. Et c'était reparti pour une longue attente. Chaque session contenait environ vingt motos et durait vingt minutes. Mais s'il y avait un accident, même bénin, l'attente s'allongeait... Au bout de deux heures, ce fut enfin le tour de sa session. Avec les nombreuses chutes auxquelles elle 107 Quitterie et l’ EvaCup avait assistées, Quitterie n'était pas très rassurée. Tout en se concentrant , elle se récitait les conseils de Cyril. Première chose, bien faire chauffer ses pneus. En général, deux tours étaient suffisants. Ensuite, bien travailler ses trajectoires , de façon à ce qu'elles soient aussi propres et fluides que possible. Et surtout, ne pas s'occuper de ce qui se passait derrière soi. C'est pour ça que Quitterie avait mis ses rétroviseurs à l'envers. Et elle s'élança... Elle prit son temps les premiers tours, puis commença à attaquer. Les autres motards, pour la plupart, la doublaient tous, mais peu lui importait. Elle n'avait pas encore le niveau pour les concurrencer. Mais un jour viendrait où... Sa session fut ponctuée de deux chutes sans gravité, heureusement. Elle termina ses vingt minutes, et n'eut pas le courage de refaire la queue pour une autre session. Surtout que le comportement de certains l'avait un peu refroidi. Elle avait l'impression que, pour eux, c'était un peu la loi de la jungle: j'ai une grosse moto très puissante, je n'y connais rien en pilotage, mais ce n'est pas grave, j'attaque comme un malade pour doubler tout le monde. Ce type de comportement animal était totalement aberrant, et Quitterie ne se sentait pas prête à recommencer avec eux. Elle décida donc 108 Quitterie et l’ EvaCup d'arrêter là, et de rentrer tranquillement chez elle. Mais tranquillement est un mot d'une grande prétention quand on vient de faire une session sur piste. Elle se surprit à déhancher dans le premier virage, et à trouver un point de corde sur la ligne blanche... Quand le rétroviseur d'une voiture passa tout près de sa tête , ça la calma aussitôt. Elle se contrôla et rentra sereinement chez elle. Les jours précédents le deuxième stage passèrent rapidement. Quitterie avait beaucoup de travail, et plus trop le temps de penser à la course. Elle prenait quand même le temps de piloter tous les jours sa moto, histoire de la connaître sur le bout des doigts Arriva enfin le deuxième cours avec Cyril. Cette fois, Quitterie était moins stressée, car elle savait à quoi s'attendre. Elle arriva, et retrouva certaines des filles avec qui elle était la fois précédente, notamment Charlotte et Audrey. Aussitôt, elles se mirent ensemble, et discutèrent en attendant Cyril. Quand il arriva, il fit la bise aux filles et serra la main aux autres. Il réitéra les consignes de sécurité, la signification des drapeaux, et rappela l'importance 109 Quitterie et l’ EvaCup d'avoir une moto en bon état pour rouler sur la piste. Puis ils firent ensemble le tour des motos, de façon à apprécier leur état. Un stagiaire, dont les pneus étaient usés jusqu'à la corde se vit refuser l' accès à la piste. Il eut beau implorer, disant qu'il était là pour finir ses pneus, rien n'y fit. Soit il les changeait tout de suite, soit il ne tournait pas, et dans ce cas là, son stage n'était pas remboursé, car c'était stipulé dans les conditions générales. Furieux, il partit dans l'espoir de changer ses pneus et de pouvoir rouler après avec eux... Puis Cyril forma des groupes de niveaux. Les filles se retrouvèrent ensemble, très heureuses. La première fois , elles ne s'étaient pas trop parlées, car trop intimidées, et trop de nouveautés. Maintenant elles étaient presque en terrain conquis, si l'on pouvait dire. Et les exercices commencèrent. Il fallait encore et toujours travailler le regard, le freinage , la prise d'angle et le déhanchement... Et surtout, il fallait avoir des repères fixes, pour savoir exactement quand freiner, quand déclencher le déhanchement, viser le point de corde, réaccélérer.... C'était très certainement un des points les plus compliqués... Mais à force de passer et repasser, Quitterie finit par y arriver, et sentit bien 110 Quitterie et l’ EvaCup qu'elle passait les virages beaucoup plus vite. Et elle reproduisit cette séquence jusqu'à n'en plus pouvoir. Lors de la première session de l'après-midi, elle eut un accrochage avec un autre stagiaire. Ils étaient cul dans cul depuis un moment, mais à chaque fois que Quitterie faisait une tentative pour le doubler, il changeait sa trajectoire systématiquement pour l'empêcher de passer. Elle trouva finalement une opportunité pour lui faire l'intérieur. En effet, il avait raté son entrée dans un virage, et le prenait un peu trop large. Elle donna un coup d'accélérateur et s'engouffra dans la brèche ouverte, en lui faisant l'intérieur. Lui, la sentant arriver, se rabattit sur elle. Heureusement qu'elle avait senti le coup arriver. Elle maintint très fermement le guidon, prête à amortir le choc et la chute qui s'en suivrait à coup sûr... Son ange gardien devait veiller sur elle, car effectivement, les deux guidons se touchèrent, mais comme elle s'était préparée au choc, elle ne chuta pas. Elle réussit à garder la moto sur ses roues, sans savoir trop comment. Quand à l'autre stagiaire, le choc eut pour effet de l'éjecter de sa trajectoire, il partit dans le bac à gravier, mais il réussit lui aussi à rester sur ses roues... Suite à ce choc, Quitterie crut que son cœur allait sortir de son emplacement 111 Quitterie et l’ EvaCup tellement il battait fort. Elle termina son tour au ralenti tellement elle tremblait... Quand elle leva le bras pour signaler sa sortie, le drapeau rouge était levé, signe que tout le monde devait s'arrêter. Elle gara sa moto, enleva son casque et attendit que l'autre arrive. Quand elle le reconnut, il eut à peine le temps d'enlever son casque que Quitterie était sur lui, telle une furie. Elle qui était d'ordinaire d'un calme olympien... Elle le traita de tous les noms, sans lui laisser le temps d'en placer une, et comme il avait enlevé son casque et avait un sourire narquois, elle lui mit une grande claque. Puis elle partit en mettant un coup de pied dans sa moto. Il fut déséquilibré, mais rattrapa sa moto in-extrémis. Il allait riposter quand Cyril intervint. Quitterie avait des larmes de rage dans les yeux. Suite à son comportement plus que limite, le stagiaire fut immédiatement exclu du circuit. Il eut beau plaider sa cause, cela ne changea rien. Cyril lui rappela le règlement qu'il avait enfreint, et le raccompagna à la sortie. C'est à ce moment là qu'elle le reconnut. Mais bien sûr... c'était le gars de ce matin qui s'était déjà fait refouler à cause de ses pneus... Elle prit le temps de se calmer, et quand elle se sentit prête, elle repartit sur la piste. A la fin de sa journée, 112 Quitterie et l’ EvaCup elle était ravie. Elle ne savait pas quel était son temps, mais ses trajectoires étaient maintenant bonnes, et elle passait de plus en plus rapidement. La journée se termina sans autres incidents. A la fin du stage, les filles s'échangèrent leurs mails, pour se tenir au courant de leur inscription définitive à l' EvaCup. Pour Quitterie, il n'y avait pas à tergiverser, dans sa tête, elle était déjà inscrite. Elle voulait absolument relever ce défi. Avant la fin, Cyril réunit les trois filles, et leur prodigua quelques conseils spécifiques pour la course. Il leur déconseilla tout de même de venir s'entraîner seules pendant les heures d'ouverture au grand public, car les conditions de sécurité n'étaient vraiment pas au top, ce que confirma Quitterie. Mieux valait rouler avec des stages organisés. Puis ils se séparèrent, et chacun rentra chez soi. 113 Quitterie et l’ EvaCup 11 Quelques temps plus tard, Quitterie confirma son inscription à la course, et reçut le règlement officiel, qui spécifiait la préparation de la moto, et l'équipement obligatoire pour le pilote. A la lecture du document, elle évalua tout ce qu'il y avait à faire, et se dit qu'en un mois, ce serait chaud... Tout d'abord, elle devait faire sa demande de licence, et pour cela s'inscrire dans un club moto. Elle prit un club à côté de chez elle, et demanda une licence NCB, car, pour cette année, le cumul des points ne l'intéressait pas. Côté équipement du pilote, c'était déjà fait. Elle vérifia juste que son casque comportait la bonne norme, ce qui était le cas. Mais alors, pour la préparation de la moto, c'était une autre paire de manches. Il y avait tout d'abord ce qu'elle pouvait faire seule, comme le démontage de certaines pièces: 114 Quitterie et l’ EvaCup − − − − les phares avant et arrières, les clignotants, l'avertisseur sonore, la béquilles. Pour la béquille, il fallait trouver le contacteur qui empêchait la moto de démarrer lorsqu'elle était dépliée, et le court-circuiter. Une fois ces pièces démontées , il fallait protéger les câbles électriques avec du chatterton étanche, de façon à éviter les courts-circuits en cas de pluie. Ensuite, pour les motos qui ont un refroidissement liquide, le remplacer par de l'eau du robinet ou de l'eau distillée, car les liquides de refroidissement sont gras, et en cas de perte, rendent la piste glissante. Sur ce point là, Quitterie était tranquille, son moteur disposait d'un refroidissement air-huile. Puis on attaquait les choses compliquées: elle devait poser un sabot moteur fermé, suffisamment grand pour contenir l'huile et l'eau de son moteur. Ce sabot doit avoir deux bouchons, car, en cas de pluie, il faut les ouvrir pour évacuer l'eau emmagasinée dedans. Il fallait aussi prévoir la récupération des liquides dangereux, tels que l'essence, l'huile et l'eau. Les 115 Quitterie et l’ EvaCup reniflards de ces liquides devaient aboutir dans des récipients fermés d'une capacité d'un demi-litre, et être fixés sur le cadre ou le moteur à l'aide de colliers plastiques ou de scotch américain. Quant au dernier point, c'était le plus complexe. Il fallait freiner les écrous et vis de fixation des durites d'eau, d'huile et de freins, ainsi que du filtre et du bouchon de radiateur d'huile. Il s'agissait du point le plus délicat, car, pour chaque vis ou écrou , il fallait percer un petit trou, y faire passer un fil de fer, le torsader, et le fixer de telle sorte qu'il empêche la vis ou l'écrou de se desserrer. Quitterie ne savait pas trop comment s'y prendre. Pour le reste, ça allait à peu près. La seule chose qui l'embêtait, c'est qu'à partir du moment où elle allait modifier sa moto, elle ne pourrait plus rouler sur route avec. Il faudrait qu'elle voit avec Sonia si elles pouvaient faire les trajets ensemble, en espérant que leurs horaires concordent. Sur la feuille de règlement, il y avait quelques petits conseils en plus. Tout d'abord, pour les pneus. Pour faire du circuit, on pouvait se contenter de pneus de route, mais mieux valait prendre des pneus très tendres, qui s'usent très vite, mais qui adhèrent très 116 Quitterie et l’ EvaCup bien à la piste. Par contre ces pneus sont , très souvent, interdits sur route. Quand à la pression à mettre à l'intérieur, il ne fallait pas suivre les préconisations du constructeur ou de la moto. En conduite sur circuit, il faut, en général, avoir une pression de 2,1 kilos à l'avant et de 1,9 kilos à l'arrière. Pour les amortisseurs avant , ils préconisaient de durcir le ressort, à l'aide des vis situées au niveau du té de fourche, afin d'éviter à la fourche de venir en butée sur des freinages violents. Attention tout de même à ne pas trop durcir le ressort, car piloter avec un bout de bois n'est pas forcément une très bonne idée. D'autre part, il fallait aussi mettre une huile plus onctueuse. En effet cela permet de ralentir la fourche dans ses mouvements de descentes et de montées. La moto se retrouve donc plus rapidement en appui sur l'avant lors du freinage, et le transfert de masse se fait mieux. Et au moment du lâcher de freins, la moto ne remonte pas trop vite, ce qui évite une perte d'adhérence de l'avant. Quant à l'amortisseur arrière, il fallait le comprimer pratiquement au maximum. Attention cependant à ce que la moto ne soit pas trop raide, sinon il y avait un risque de ne pas sentir la limite d'adhérence du pneu. 117 Quitterie et l’ EvaCup Pour les freins, il fallait que les disques et les plaquettes soient en très bon état, et que les plaquettes aient été correctement rodées. Pour cela , il faut rouler et freiner par petits coups de façon à les faire monter progressivement en température. En fait, cela consiste à déposer une couche de garniture sur la surface de contact du disque . Ainsi les plaquettes et les disques sont parfaitement adaptés l'un à l'autre. Quant au liquide de frein , il faut le changer régulièrement et s'assurer qu'il n'y a pas de bulles d'air dans les câbles. Pour un freinage efficace sur circuit, deux écoles s'affrontent. La première stipule de d'abord freiner très légèrement avec le frein arrière, de façon à transférer les masses du pilote et de la moto sur la roue arrière. Après seulement, on prend le frein avant à fond. Ainsi, il n'y a plus de risque de perte d'adhérence, la roue avant est plaquée au sol. Pour la deuxième, il ne faut pas toucher au frein arrière. A chacun de voir.... Pour la position sur la moto , la pointe des pieds doit être sur les repose pieds, les fesses au milieu de la selle. Il faut éviter de se coller au réservoir. Pour prendre de la vitesse, il faut être couché sur le réservoir de la moto, mais ne pas être en appui sur le 118 Quitterie et l’ EvaCup guidon. Il ne faut pas oublier qu'une moto se conduit avec les pieds... Voilà pour les « quelques » conseils techniques. Après, il fallait penser, pour celles qui n'en avaient pas, à mettre une tête de fourche sur la moto, de façon à pouvoir coller son numéro dessus. Les plaques avec le numéro sont au nombre de trois: une sur le devant, et deux autres en bas du carénage, sur les côtés. Mais là aussi, pas question de faire n'importe quoi: le numéro devait être noir mat, sur un fond blanc mat. Pour l'avant, le numéro devait mesurer au minimum quatorze centimètres de haut pour huit centimètres de large et les traits devaient être de deux centimètres. Quand aux côtés, le numéro devait faire au minimum douze centimètres de haut, pour six centimètres de large et deux centimètres d'épaisseur. D'autre part, pour celles qui avaient des motos claires, la plaque numéro devait être bordée d ' un trait noir de huit millimètres . Pfiou, que de contraintes... Et ce n'était que le début... Puis venait l'emploi du temps de la course. Pour la première épreuve, qui se déroulait en deux manches, il fallait arriver le vendredi après-midi pour les 119 Quitterie et l’ EvaCup vérifications techniques et administratives. Chaque pilote devait y aller équipé, avec sa licence, sa confirmation d'engagement et sa moto. Suite à ça, moyennant une caution, il se voyait remettre un transpondeur, qu'il devait fixer à l'avant de la moto, sur la fourche. Le transpondeur est un système de chronométrage automatique et précis. Il nécessite la pose de boucles magnétiques sur la piste. Il fonctionne par induction magnétique. Le vendredi étaient aussi prévues une à deux séances d'essai, pour s'assurer que tout allait bien, et que les trajectoires étaient correctes. Les séances qualificatives commençaient le samedi. Chaque concurrent devait se présenter en pré-grille vingt minutes avant l'heure théorique de sa séance, afin de permettre le contrôle des transpondeurs. Pendant les séances de qualifications, chaque pilote devait rouler le plus vite possible, de façon à être le mieux placé sur la grille de départ. Rien ne l'obligeait à rouler pendant vingt minutes. C'était à lui de voir quand il aurait fait son meilleur temps. Il y avait deux séances de qualifications, de vingt minutes chacune, et on ne gardait que le meilleur temps des deux séances. Suite à cela, un classement était établi à partir du meilleur temps effectué par 120 Quitterie et l’ EvaCup tous les pilotes de la série. Sachant qu' entre les cinq premiers et le dernier, il ne devait pas y avoir un écart de temps supérieur à cent vingt-cinq pour cent . De plus, depuis un an , il y avait un contrôle au sonomètre. Tout pilote dont le contrôle n'est pas conforme partira en fond de grille, une fois sa moto mise en conformité. Voilà pour la réglementation administrative et technique. Mais un autre problème se posait à Quitterie: une fois sa moto préparée pour la course, plus question de rouler avec. Il fallait qu'elle trouve soit une remorque, et la voiture qui va avec, soit une camionnette pour se rendre au circuit. Étant donné qu'elle n'avait pas de voiture personnelle, et qu'elle ne connaissait personne qui non seulement avait une voiture et en plus un crochet d'attelage, elle opta pour la camionnette. Elle fit le tour , sur internet, des différents loueurs, et simula des devis, de façon à prévoir ce poste dans son budget. Maintenant, il fallait qu'elle arrive à convaincre Sonia de venir avec elle sur le circuit. Étant donné qu'elle n'aimait pas vraiment les motos, ça n'allait 121 Quitterie et l’ EvaCup pas être une mince affaire... Mais quand Quitterie lui expliqua le déroulement du weekend, le stress qu'elle ne manquerait pas d'avoir, Sonia se laissa facilement convaincre. − Mais tu sais, lui dit-elle, même si tu ne me l'avais pas demandé, je serai venue avec toi. Je n'allais quand même pas louper ta première course. − Oh, merci, lui répondit Quitterie en se jetant dans ses bras. 122 Quitterie et l’ EvaCup 12 Les deux amies commencèrent à faire leur plan pour le weekend, qui allait arriver très très vite. Sonia, l'esprit toujours pratique, pensa à une multitude de détails que Quitterie avait survolé. − Pour les repas, on fait comment, lui demanda t-elle? − Ils proposent des plateaux repas pour dix euros, à condition de les réserver le matin. Je pense que c'est le plus simple. Par contre, ce n'est que pour le midi. Pour le soir, il faudra que l'on se fasse notre popote. − On prendra les affaires de camping, et ça fera l'affaire. De toute façon, on ne va pas faire de la grande gastronomie. − C'est vrai. On se contentera de pâtes, de jambon, de fromages et de fruits. Ce sera bien suffisant. − Sans oublier des litres et des litres d'eau, plus deux ou trois petites gâteries... − Genre? − Petits gâteaux, bonbons, boissons sucrées... 123 Quitterie et l’ EvaCup − Un vrai festin de roi, en quelque sorte, rétorqua Quitterie en éclatant de rire devant l'air malicieux et gourmand de Sonia. − J'espère qu'il y aura des douches sur place, s'inquiéta tout à coup Sonia. − Je pense que tout est prévu. Je partirai en Jean T-Shirt et baskets, et je me changerai làbas. Qu'en penses-tu? − Étant donné que tu dois conduire la camionnette, je pense que c'est le mieux. − J'espère juste que j'aurai le temps de le faire... − Ne t'inquiète pas, ça va aller. On fermera le bureau exceptionnellement à midi. On rentre, on mange sur le pouce et on décolle au plus tard à une heure, une heure et demi. Ça nous fait arriver sur place vers cinq heures. Il te restera encore pas mal de temps devant toi. − Mouais, répondit Quitterie pas très convaincue, mais sachant pertinemment qu'elle ne pourrait pas conduire avec sa combinaison sur elle. − Et au fait, on dort où? − Sur place... Je vais voir si ma vieille tente est encore en état pour un weekend, proposa Quitterie. 124 Quitterie et l’ EvaCup − Bon, quand à moi, je fais la liste de tout ce qu'il faut pour l'intendance. Toi, tu ne t'occupes que de la partie course, proposa Sonia. − On fait comme ça. Et merci pour tout, lui dit Quitterie. Pendant les jours qui suivirent, Quitterie mit sa moto en pension chez son grand-père pour pouvoir bricoler dessus à sa guise, et sous son oeil avisé... Elle commença par la fourche, car elle avait tout ce qu'il fallait. Par contre elle échangea l'huile qu'elle avait acheté à la base par une huile plus adaptée au pilotage sur circuit. Son grand-père possédant une toute petite perceuse, elle se mit à freiner toutes les vis. Elle avait trouvé sur internet la manière de faire ça proprement. Elle en profita pour acheter aux enchères un sabot et une tête de fourche. Comme ils étaient blanc, elle les repeint en rouge. Ce n'était pas tout à fait le même que celui de sa moto, mais il s'en approchait beaucoup. Elle avait eu le privilège de choisir son numéro de course, car elle était l'une des premières inscrites. Elle avait tout naturellement choisi son numéro fétiche , le trois. 125 Quitterie et l’ EvaCup Jour après jour, sa moto se transformait, sous l'oeil attentif de son grand-père. Malgré son travail, Quitterie arrivait à se libérer suffisamment de temps pour bien la préparer. Et comme son grand-père n'était pas dénué de ressources, il avait réussi à lui trouver une camionnette. Il avait un ami dont le fils faisait des courses d'enduro, et il pouvait lui prêter la camionnette pour le weekend. C'était d'autant plus appréciable que cette camionnette était déjà aménagée. Au sol , il y avait un système de fixation pour la moto qui évitait qu'on utilise les sangles. En fait, on mettait la roue avant de la moto dans un bloque roue avant basculant. Puis on la fixait grâce à un système de cliquet au niveau des cale-pieds. Ce système fonctionnait très bien sur une moto d'enduro, restait à voir si ça l'était aussi avec une moto de route. Il y avait bien entendu la rampe pour monter la moto dans la camionnette. Ils avaient aussi installé un lit au plafond, qui se descendait grâce à un système de poulie. Il y avait même une desserte pour les outils. C'était une vraie chance de disposer de cette camionnette. 126 Quitterie et l’ EvaCup Les jours qui précédèrent la course, elles étaient excitées comme des puces. Elles avaient leurs projets à peaufiner et le weekend de course à organiser. Mais grâce à Sonia, tout se passa sans trop de heurts. Le jeudi soir, elles allèrent chez les grands-parents de Quitterie pour prendre la moto et la camionnette. Le chargement de la moto fut un peu épique, mais elles finirent par y arriver au bout de la deuxième tentative. Elles trouvèrent la rampe un peu fine... Le système de fixation se trouvait exactement où il fallait. Tout en fixant les cale-pieds, Quitterie constata que le système avait été déplacé de quelques centimètres de façon à s'adapter parfaitement à sa moto.. Il faudrait qu'elle pense à remercier son grand-père pour ça... En arrivant chez elles, Sonia prit la liste qu'elle avait dressée, et elles commencèrent le chargement. Sonia avait même pris les papiers de courses de Quitterie pour être sûre qu'elle ne les oublierait pas, car elle connaissait la lascar. Elle savait bien qu'elle allait oublier une chose ou l'autre. Et ce fut le cas. Quitterie avait complètement omis l'achat de l'extincteur. Sonia se précipita dans leur maison pour voir celui qu'elles avaient. Manque de chance, il ne s'agissait pas du même. Il en fallait un 127 Quitterie et l’ EvaCup beaucoup plus gros. Et le lendemain matin, elles ne pourraient pas aller en acheter un car elles avaient un rendez-vous professionnel... La chance leur sourit, car, tout en rangeant la camionnette, Sonia trouva, sous le siège passager, un extincteur équivalent à celui demandé. Une fois la partie intendance chargée, elles s'occupèrent de la partie technique. Elles sanglèrent le bidon d'essence supplémentaire le long de la paroi. Sur l'autre paroi, elles arrimèrent leurs affaires personnelles. Elles suspendirent la combinaison de Quitterie sur un cintre en bois. La combinaison était tellement lourde, que les cintres en plastique ne résistaient pas à son poids. Puis elles calèrent leurs sacs de couchage, la corbeille avec leurs victuailles et leur réchaud à gaz, ainsi que le casque, les bottes et les gants de Quitterie. Quand tout fut bien arrimé, elles fermèrent la camionnette et partirent se coucher. Quitterie eut beaucoup de mal à s'endormir ce soir là. Elle se repassait sans cesse la vidéo du circuit de Pau qu'elle avait trouvé sur internet, se rappelant les conseils de Cyril en matière de pilotage, la manière dont les pilotes rapides l'abordaient... Elle visionnait virage après virage, avec à chaque fois le freinage, le 128 Quitterie et l’ EvaCup point de corde, la manière d'entrer dans le virage, la sortie et l'accélération. Puis au bout de chaque ligne droite, où se positionner pour bien appréhender le virage suivant... Tout défilait dans sa tête, et l'empêchait de dormir. Finalement, elle dut s'endormir, car la dernière fois qu'elle regarda l'heure, il était 2 heures du matin. Le réveil se déclencha à 7 heures . A peine entendit-elle les premières notes de musique qu'elle était déjà sur pied et avait mis son café en route. Elle piaffait en attendant Sonia, et elles partirent au bureau. Elles étaient à peine revenues à midi qu'elles mangèrent sur le pouce, et décollèrent aussitôt. 129 Quitterie et l’ EvaCup 13 Quand elles arrivèrent aux abords du circuit, elles furent estomaquées... Il y avait du monde partout. Elles furent submergées par le bruit des moteurs des motos qui tournaient déjà sur la piste, et par les odeurs bien particulières de ce type d'endroit. Il y avait l'odeur d'essence, d'huile de moteur, de gommes de pneus... Et l'odeur, beaucoup plus alléchante des barbecues... Le circuit était divisé en deux parties: une pour les concurrents, et l'autre pour les spectateurs. Quitterie prit conscience tout à coup que , sur un week-end, il y avait plusieurs courses. D'où le monde présent. Tout d'abord, elles se garèrent dès qu'elles trouvèrent une place , de façon à obtenir le pass qui leur permettrait d'entrer dans l'enceinte des coureurs. Une fois cette formalité accomplie, on leur remit un bracelet chacune et un autre pour la camionnette. Pour les concurrents, le bracelet était rouge, pour les accompagnants bleu, et pour les véhicules orange. Elles devaient mettre ce bracelet obligatoirement à 130 Quitterie et l’ EvaCup leur poignet, et ne l'enlever qu'à la fin du week-end. Pour cet effet, les bracelets étaient indéchirables et plastifiés, de façon à résister aux douches. Elles installèrent le bracelet pour la camionnette sur son rétroviseur central , et ainsi, elles purent accéder à l'espace dédié. Et là, une nouvelle surprise les attendait: le parking s'était transformé en un vrai petit village. Certains pilotes étaient venus en camping-car, avec la remorque moto attelée derrière, d'autres avaient monté deux tentes: une pour dormir et l'autre pour bricoler. Certains encore avaient des camionnettes aménagées, tout comme elles. D'autres, enfin avaient juste une remorque attelée à leur voiture. Soit ils dormaient à l'hôtel, soit chez eux, soit sur la banquette arrière de la voiture... Des sanitaires avaient été installés, en prévision du grand nombre de personnes à venir. Elles trouvèrent une place, et se garèrent. L'ambiance sur le paddock était à la rigolade. Beaucoup se connaissaient déjà. Certains bricolaient sur les motos. Il n'y avait aucun esprit de compétition, c'était plutôt à la bonne franquette. D'autres discutaient à côté de leurs motos, en montrant les modifications qu'ils avaient apportées, et pourquoi. 131 Quitterie et l’ EvaCup Quitterie et Sonia avaient un sentiment étrange en se promenant sur le paddock. Comme elles ne connaissaient personne, elles avaient un peu l'impression d'être comme un cheveu sur la soupe. Elles ne perdaient pas une miette de ce spectacle , tout en se rendant sous le barnum des organisateurs de la course EvaCup. Suite à la présentation de son inscription , on lui remit le programme des festivités, ainsi que le schéma du tracé du circuit. Quitterie étant totalement néophyte, toute l'équipe prit le temps de lui expliquer le fonctionnement de ce genre de weekend. Ils lui indiquèrent les différents endroits où elle devait se rendre, et lui conseillèrent de passer tout de suite les contrôles, pour ensuite faire une ou deux séances d'essai, si elle avait suffisamment de temps. Car dès le samedi, les choses sérieuses démarraient. Tout d'abord, les séances qualificatives avaient lieu à neuf et onze heures. Puis la première course se déroulerait à dix-huit heures. Quant au dimanche, la seconde course se courrait à quatorze heures. Viendraient ensuite la remise des coupes, et les séances photos pour les différents magazines et sponsors. 132 Quitterie et l’ EvaCup Quitterie et Sonia regagnèrent la camionnette en discutant du weekend. Entre temps, d'autres personnes étaient arrivées. Le parking n'allait pas tarder à être plein. Vu le programme qui les attendait et l'heure, elles décidèrent de suivre les conseils donnés par les organisateurs , en commençant par les contrôles. Et ensuite , s'il restait suffisamment de temps, de faire une ou deux séances d'essai. Arrivées à la camionnette, elles ouvrirent les portes arrières pour descendre la moto. Sonia installa la rampe, et resta en bas. Quitterie se mit sur le côté de la moto, enleva les cliquets des cale-pieds, et la fit sortir du bloque roue avant. Elle la fit reculer tout doucement, de façon à la présenter bien droite devant la rampe. Sonia attrapa la moto par les poignées . La moto commença sa descente quand tout à coup, Quitterie vit apparaître quelqu'un à côté d'elle. Elle sursauta, et faillit lâcher la moto, qui partit de côté. Elle la rattrapa in-extrémis. − Ça ne va pas, non , de me faire peur comme ça? S'écria t-elle. − On vient vous aider à descendre la moto, lui répondit l'inconnu, car vous me semblez un peu mal parties. − Merci, lui dit Sonia, soulagée. 133 Quitterie et l’ EvaCup − Qu'est-ce qui vous fait croire ça? Lança Quitterie, à la fois agacée et soulagée de ce coup de main. − Je dirais qu'entre toi qui me paraît un peu frêle et ta copine en petit escarpin, ça ne le fait pas trop, lui répondit-il en s'emparant du guidon, pendant que son ami prenait la place de Sonia. Elles éclatèrent de rire en pensant au spectacle qu'elles représentaient, et du coup, les laissèrent faire. Ils descendirent la moto en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, et Quitterie la mit sur la béquille d'atelier, qu'elle avait attrapée. − Moi c'est Gaspard, mais tout le monde m'appelle Gaz, et je cours pour les endurances Ducati avec mon copain Zach. Et vous? − Salut, moi c'est Sonia et je suis l'assistante de Quitterie qui s'est engagée pour l' EvaCup. Ce sera sa première course. − Chapeau bas, madame. Mais c'est quoi comme course? Je n'en ai jamais entendu parler, demanda Gaz, en se tournant vers Quitterie. Elle leur expliqua tout de cette nouvelle course. 134 Quitterie et l’ EvaCup − Les qualifications se déroulent demain matin à neuf et onze heures , et vous? leur demanda Quitterie. − Pile au milieu des nôtres , alors. On va vous réveiller, car notre première séance est à huit heures, mais on doit se présenter en pré-grille vers sept heures trente, sept heures quarante. Quand à la deuxième, elle aura lieu à onze heures quarante. J'espère que vous viendrez nous voir... leur dit Zach, plein d'espoir. − On aura peut-être un peu de mal pour la première séance, car on dormira certainement encore, mais pour la deuxième, ce sera sans problèmes, répondit Sonia, en tant que gérante de l'emploi du temps de Quitterie. − Faire une grasse matinée sur un circuit? Se moqua gentiment Gaz, ne te fais pas trop d'illusion. A mon avis, tu seras levée à six heures et demi, sept heures, dès que les premiers moteurs se mettront en marche. − Et votre course a lieu quand? Interrogea Quitterie, très concentrée sur son sujet. − En fait, nous avons deux courses d'endurance sur le weekend. Demain après-midi, nous 135 Quitterie et l’ EvaCup − − − − courrons de quatorze à dix-sept heures, et dimanche matin de huit à onze heures. Mais je croyais que les endurances ne se courraient qu'en une seule course, lui rétorqua Quitterie. Cette année, ils essayent une nouvelle formule. On va voir ce que ça donne. Mais nous, on est content, ça nous permet de rouler beaucoup plus longtemps. Nous ferons des relais d'une vingtaine de minutes. Et vous courrez avec quoi? Nous roulons comme toi, en Ducati. Elle est juste un peu plus sportive. Nous avons choisi une 999 d'occasion, que nous avons entièrement préparée. La Ducati 999 est une moto de type Superbike, c'est à dire taillée pour faire du circuit. Elle est dotée du classique bi-cylindre en V à quatre-vingt dix degrés, et a un cadre treillis tubulaire en acier. Son alimentation se fait par une injection électronique, et le freinage est assuré par deux disques à l'avant avec des étriers quatre pistons, et d'un disque à l'arrière, avec un étrier de deux pistons. Le tout de la marque Brembo, bien évidemment. Le moteur, quant à lui, a une cylindrée de 998 centimètres cubes . Il 136 Quitterie et l’ EvaCup développe cent quarante chevaux. La fourche avant est une Showa. La moto pèse cent quatre-vingt-dixneuf kilos, et a un réservoir de quinze litres et demi, dont trois de réserve. Son couple est de onze virgule un mètres kilo à huit mille tours. Une vraie bête de course... − Décidément , on ne joue pas dans la même cour, dit Quitterie. Pour moi, c'est juste un 750 Mostro , avec ses soixante-quatre chevaux de base. Mais pour ma première course, ça me va très bien. − C'est déjà pas mal pour démarrer, lui confirma Zach. Et ta course? − En fait, je vais courir deux fois trente minutes. La première course aura lieu samedi à dix-huit heures et la seconde dimanche à quatorze heures. Tout en discutant , Quitterie préparait ses affaires pour les contrôles. − Messieurs, vous m'excuserez, mais je dois me changer pour passer les contrôles, leur dit-elle en entrant dans la camionnette. − Tu sais que tu n'es pas obligée d'enfiler ta combinaison pour le contrôle? Lui dit Gaz. 137 Quitterie et l’ EvaCup − Peut-être, mais j'aimerai bien faire une petite séance d'essai juste après, car je n'ai jamais roulé sur ce circuit. − Dans ce cas là, tu fais bien de faire une séance aujourd'hui. C'est un circuit assez technique, il faut bien le prendre. Ta trajectoire doit être super précise. Si tu veux, je fais une séance avec toi, et tu suis ma trace. − C'est génial, merci. On se retrouve pour la séance alors. A tout de suite... Quitterie ferma la portière de la camionnette, et en ressortit quelques instants plus tard, entièrement équipée. Elle enfourcha sa moto, légèrement tendue par ce qui l'attendait. Sentant son stress, Sonia tenta de la rassurer, comme elle pouvait. − J'y vais , lui dit Quitterie, tu me rejoins? − Je te suis , lui répondit Sonia . − Tu prends les papiers? − Ne t'inquiète pas, je gère ton administratif. − Merci. A tout de suite. Zach enleva la béquille d'atelier et Quitterie partit sur sa belle moto, qu'elle n'avait plus touchée depuis 138 Quitterie et l’ EvaCup le début des préparatifs. Qu'elle se sentait bien à son guidon. Son stress commençait à passer. Elle avait un peu moins de fourmis dans le ventre. Sonia la rejoignit au contrôle administratif. Quitterie voulut descendre de la moto pour présenter ellemême ses papiers, mais Sonia avait oublié la béquille d'atelier... Ce fut donc cette dernière qui présenta la feuille d'inscription et la licence NCB de Quitterie, pendant qu'elle tenait la moto. Quand tout fut bon, elles se rendirent au contrôle technique. Là, rebelote, Sonia présenta les papiers du contrôle administratif, et la carte grise de la moto. Puis les commissaires examinèrent la moto sous toutes les coutures. Ils demandèrent à Quitterie quelques détails sur la préparation de la moto. Comme elle avait quasiment tout fait, elle leur répondit sans aucune hésitation. Ils étaient un peu étonnés que cette moto n'ait pas de refroidissement liquide, mais finirent par donner leur autorisation de courir. Il ne restait plus qu'à fixer le transpondeur qui lui avait été remis pendant le contrôle administratif, et Quitterie pourrait faire une petite séance d'essai . Il était dix-huit heures quand elle rejoignit Gaz dans la file d'attente, pendant que Sonia se trouvait un point stratégique pour les observer. Au bout d'une 139 Quitterie et l’ EvaCup demi-heure d'attente au gros soleil, la série de Quitterie et Gaz put enfin rouler. Se rappelant ses leçons de pilotage, elle prit le temps de faire bien chauffer ses pneus, d'autant plus qu'elle n'avait jamais roulé sur ce circuit. Pour l'occasion , elle avait une nouvelle paire de pneus à gomme tendre, mais qui tenaient quand même bien en cas de pluie. Une fois qu'elle sentit qu'ils accrochaient bien l'asphalte, elle attaqua. Comme promis, Gaz lui montra la bonne trajectoire, en essayant de rouler à son allure. Mais au bout de quelques tours, il accéléra, et Quitterie ne réussit pas à le rattraper. Ce n'était pas très grave, elle avait retenu l'essentiel des trajectoires et elle se sentait de plus en plus à l'aise. Elle était tellement concentrée qu'elle fut surprise par le drapeau rouge, qui pour le coup, signifiait la fin de ses essais. Elle sortit de la piste, et rejoignit Sonia, qui l'attendait de pied ferme. − Tu es vraiment une grande malade, lui ditelle aussitôt. − Pourquoi ça, lui demanda Quitterie, choquée. − Tu te rends compte de ce que tu as fais? − Non... − Tu es complètement à côté de ta moto dans les virages. J'ai eu vraiment peur que tu dérapes. 140 Quitterie et l’ EvaCup − Mais non, c'est normal d'être à côté de la moto, c'est pour abaisser son centre de gravité, de façon à avoir le plus d' accroche possible entre les pneus et le goudron, répondit-elle en toute innocence, un sourire espiègle aux lèvres... − J'insiste, tu es vraiment une grande malade... Mais Gaz est encore plus taré que toi, si ça peut te rassurer... Tu m'amènes à la camionnette? Très étonnée de la proposition de Sonia, Quitterie la transporta à l'arrière de sa moto avec beaucoup de plaisir. Sonia deviendrait-elle amatrice de deux roues motorisés?... Elles rentrèrent à la camionnette, et Quitterie à peine son casque enlevé et la moto mise sur la béquille se jeta sur les bouteilles d'eau. Elle était tellement déshydratée qu'elle but quasiment deux litres d'une seule traite. Après ça, elle partit prendre une douche. Quand elle revint du bloc sanitaire, elle trouva Sonia assise à l'envers sur sa moto , le dos collé au réservoir, en train de lire un roman. − Ça va, la vie est belle? Lui demanda Quitterie. 141 Quitterie et l’ EvaCup − Je voulais profiter du soleil à fond, et comme on a complètement oublié les fauteuils, je me suis posée ou j'ai pu, lui rétorqua Sonia. − Tu as bien fait, en tout cas. Bon , il commence à faire faim. On va peut-être s'occuper un peu du repas, tu crois pas? − Si on s'en tient à ce qu'on a dit, ce sera des pâtes avec du jambon pour ce soir. − Parfait, je sors les affaires et on s'y met. Elles sortirent leur petit réchaud à gaz, et commencèrent à mettre une casserole d'eau à chauffer. Une fois les pâtes cuites, elles mangèrent de bon appétit, tout en discutant de la journée du lendemain. Après avoir nettoyé leurs gamelles, elles se promenèrent sur le paddock. Quitterie reconnut Audrey et Charlotte, qui avaient fait les stage de pilotage avec elle. Elles se mirent à bavarder de motos, puis d'autres sujets, afin d'inclure Sonia dans leur conversation. Les filles les invitèrent à leur camionnette pour boire un café ou un thé. Audrey et Charlotte acceptèrent cette invitation avec plaisir, et les conversations durèrent tard dans la soirée. Elles se séparèrent sur les coups de vingt-trois heures, de façon à pouvoir dormir suffisamment afin d' être en forme le lendemain. Sur le paddock, les 142 Quitterie et l’ EvaCup conversations commençaient aussi à décliner, les pilotes ayant besoin de sommeil. Quitterie et Sonia descendirent leur lit du plafond de la camionnette, et se couchèrent. Elles qui pensaient pouvoir dormir au moins jusqu'à huit heures, leur espoir fut déçu. Dès sept heures les concurrents faisaient tourner leurs moteurs pour effectuer les derniers réglages... 143 Quitterie et l’ EvaCup 14 Quand elles se levèrent, le temps était à l'orage. Il faisait très chaud et l'air était humide. Pour le moment, le soleil dominait, mais on voyait de gros nuages noirs poindre à l'horizon . Quitterie se prépara pour les séances qualificatives. Accompagnée de Sonia, elle se rendit en pré-grille, vingt minutes à l'avance, comme le stipulait le règlement. Elle éteignit son moteur quand il eut atteint les cinquante degrés, et attendit, Sonia à ses côtés . Cette dernière ne lui avait jamais vu ce regard. Quitterie avait l'air ailleurs. Son regard était vide, dénué de toute expression. En fait, elle était en train de se repasser les trajectoires dans sa tête. Elle était tellement concentrée, qu'elle était devenue hermétique à tout ce qui l'entourait. Elle se rendit à peine compte que Gaspard et Zach étaient venus lui souhaiter bonne chance. Puis on demanda aux accompagnants de sortir de la pré-grille. 144 Quitterie et l’ EvaCup Toutes les concurrentes de l' EvaCup allumèrent leurs moteurs et attendirent de pouvoir partir. Quitterie avait des chatouilles dans son ventre, dues à l'anxiété et à la joie. Puis le signal de départ fut donné, et elles s' élancèrent sur la piste. Certaines partirent comme des bombes, et se firent peur dès le premier virage. La plupart partirent vite, mais sans plus, car les pneus étaient froids. Pour nombre d'entre elles, il fallut un peu moins de deux tours pour faire chauffer les pneus. Quitterie attaqua très fort, dés le troisième tour, car elle savait que son meilleur chrono servirait à la placer sur la grille de départ. Surtout, ses nouveaux pneus étaient un pur bonheur. Ils accrochaient vraiment bien à la piste. Et elle n'avait que vingt minutes pour faire ses preuves. Elle avait bien fait de se donner à fond le plus vite possible, car une des concurrentes fit une chute, heureusement sans gravité. Mais la séance d'essai fut abrégée, le temps de ramasser les morceaux de moto restés sur la piste, et de nettoyer cette dernière. Les filles purent reprendre la piste, mais juste pour cinq minutes, puis elles sortirent, et laissèrent la place aux autres. Quitterie n'était pas trop mécontente d'elle. Elle avait l'impression de s'être bien débrouillée sur ce coup là. 145 Quitterie et l’ EvaCup A la sortie, elle vit Sonia avec une bouteille d'eau. Elle enleva son casque et se rua dessus. Que ça faisait du bien... Après avoir bien bu, elle s'aspergea le visage et la nuque. Elle était rouge comme une tomate. Pendant qu'elle était sur la piste, Sonia était allée voir les organisateurs de l' EvaCup, et leur avait soutiré quelques renseignements bien utiles. Tout d'abord , les résultats des séances qualificatives seraient disponibles d'ici une demi-heure. Ensuite, il y avait de grandes chances qu'elles soient toutes partantes, et que la règle des cent vingt-cinq pour cent ( le temps du dernier pilote devait être inférieur ou égal à cent vingt-cinq pour cent de la moyenne des temps des trois meilleures pilotes) ne s'applique pas à leur course, car elles n'étaient pas suffisamment nombreuses. Ils allaient décider de ce dernier point en fonction de l'écart qu'il y aurait entre la première et la dernière, de façon à ce que leur sécurité soit toujours assurée. En attendant , Quitterie devait rester là pour le contrôle sonomètre. Quand ce fut son tour, elle ralluma le moteur, et le mit au régime indiqué sur sa carte grise. Le contrôleur se plaça à l'arrière de la moto, et dirigea le sonomètre vers l'orifice d'échappement , tout en se tenant à cinquante 146 Quitterie et l’ EvaCup centimètres de ce dernier. Quitterie maintint la moto au régime indiqué quelques instants, puis lâcha l'accélérateur. Elle fut mesurée à quatre-vingt-quinze décibels, alors que sa carte grise indiquait quatrevingt-douze décibels. Elle était dans la tolérance des cinq décibels . Quand elle avait appris qu'il y avait ce contrôle, elle n'était pas très tranquille. En effet, après sa première sortie sur piste, elle avait senti que ses pots frottaient sur le sol. Elle avait donc décidé d'installer des pots hauts, pour éviter ce genre de problèmes qui pouvait se terminer en glissade. Les seuls pots hauts qu'elle avait trouvé étaient de marques italiennes, et homologués en Italie. Elle était donc partie du principe que, puisqu'elle avait l'homologation italienne, ça devait aussi être bon en France. Et elle avait bien fait. Elle put enfin repartir à la camionnette où Sonia l'attendait. Elle en profita pour grignoter un peu, et boire beaucoup d'eau, suivi d'un soda pour le sucre. Elle avait suffisamment de temps entre les deux séances pour se changer de tenue. Vue la chaleur moite, elle opta pour un short en jean et un débardeur orange. Elle enfila des nu-pieds rouge , 147 Quitterie et l’ EvaCup une casquette bleue, et se dirigea , avec Sonia, vers le stand de l'organisation. La plupart des concurrentes étaient déjà là . Elles avaient toutes en main la feuille des temps, et en discutaient entre elle. Quitterie se fraya un passage jusqu'à la table, et en attrapa une. Le cœur battant, les mains tremblantes , elle lut la liste sans se voir. Elle recommença plus calmement , et finit par apercevoir son nom. Elle finissait quinzième sur vingt. Elle était un peu déçue quand même, mais contente quand elle vit son temps: 1'45 ''. Elle s'aperçut que deux concurrentes étaient hors temps. Mais vu ce que lui avait dit Sonia, la situation devrait s'arranger pour elles. Elle retrouva Audrey et Charlotte. En fait, elles étaient toutes les trois dans les mêmes temps. Audrey était un poil plus rapide que Quitterie, et Charlotte un poil moins. Elles rentrèrent ensemble pour se préparer pour la deuxième séance d'essai, tout en discutant de leur séance . En chemin , elles commencèrent à sentir de grosses gouttes de pluies bien chaudes. − Oh non! Pas la pluie, s'écria Charlotte. − Ne t'en fais pas, on sera toutes logées à la même enseigne, lui rétorqua Audrey. En général, les pilotes ne sont pas très à l'aise sous la pluie. 148 Quitterie et l’ EvaCup − C'est vrai, rétorqua Quitterie, mais il y en a quand même qui sont doués dès qu'il pleut. − Bon allez, on est là pour s'amuser, dit Audrey. On ne va pas se laisser pourrir par trois gouttes d'eau. − Et puis, ça peut être drôle de tout faire en glisse, comme les super-motards...renchérit Charlotte. − Eh bien , on verra sur place. Et si ça se trouve, il y aura une petite éclaircie, juste pour nous, dit Quitterie. Et elles partirent se changer, avant de se retrouver en pré-grille. Elles continuèrent à papoter, tout en scrutant anxieusement le ciel, en attendant que ce soit leur tour de s'élancer. Les nuages noirs avaient maintenant pris le dessus. On entendait le tonnerre au loin, et on voyait quelques éclairs épars. Mais pour l'instant, rien de dramatique. Il continuait à tomber de grosses gouttes de pluie chaude d'été. Cette pluie faisait ressortir l'odeur du goudron et de la terre . Mêlée à l'odeur des moteurs, c'était magique. Mais la piste commençait à être bien trempée. Petit à petit , les bavardages cessèrent en pré-grille. Les filles se concentrèrent avant de partir sur cette piste détrempée. 149 Quitterie et l’ EvaCup Quand le signal fut donné, elles s'élancèrent avec beaucoup de parcimonie. Entre les pneus froids et le sol glissant, pas une ne semblait bien rassurée. Puis, petit à petit, elles prirent de l'assurance. Les tours s'enchaînèrent, de plus en plus rapide pour Quitterie. Elle aimait bien piloter sur le mouillé. Elle était partie devant Audrey et Charlotte, et ces dernières ne l'avaient pas encore doublée, ce qui la rassura un peu. Comme elle était à l'aise sous la pluie, elle se permit le luxe de doubler quelques pilotes, mises à mal par ces conditions. Quand la fin de la séance arriva, Quitterie fut tout de même soulagée. Car piloter dans ces conditions là était beaucoup plus éprouvant nerveusement, en raison du risque constant de glissade quand elle était sur l'angle. Elle sortit de la piste, et rentra directement à sa camionnette. Elle était complètement trempée. Sonia était rentrée un peu avant elle. Quand elle entendit Quitterie arriver, elle sortit pour lui positionner la moto sur la béquille d'atelier. − Alors, lui demanda t-elle? − Je me sens un peu humide, lui répliqua Quitterie. − Ah bon? Je n'avais pas vu, lui rétorqua Sonia. 150 Quitterie et l’ EvaCup Cette fois, elle avait moins soif. La pluie avait un peu refroidie l'atmosphère. Elle s'était un peu moins déshydratée. Elle but tout de même un litre d'eau d'une traite. Une fois changée, elles partirent déjeuner. Quitterie avait troqué son short et son débardeur pour une salopette en jean et un Tee-shirt rouge. Et vu l'eau sur l'asphalte, elle avait échangé ses nu-pieds pour ses bottes de motos, qui ne prenaient pas l'eau. Comme l'air s'était rafraichi, elle avait sur ses épaules un sweat orange. Sonia, toujours très organisée, avait pensé à amener un parapluie. Bon d'accord, celui-ci représentait le drapeau de l'Angleterre, souvenir d'un voyage à Londres, mais il avait le mérite d'exister. Pour une fois, Sonia avait troqué ses belles chaussures pour des baskets. Ils prenaient un peu l'eau, mais elle ne s'en plaignait pas, car elle avait de quoi se changer. En chemin, elles s'arrêtèrent un moment pour voir la séance de qualification de Gaz et Zach. Ils étaient très impressionnants... Puis elles continuèrent vers la tente du ravitaillement. De grandes tables avec des bancs avaient été installés. Il y avait déjà beaucoup de monde attablé. Certains avaient encore leurs combinaisons, et d'autres étaient en « civils ». Sonia et Quitterie présentèrent leurs bons repas à l'accueil, 151 Quitterie et l’ EvaCup où il leur fut remis des plateaux repas en échange. Elles firent le tour de la salle du regard, pour voir si elles ne connaissaient personne. Ne trouvant aucun de leurs amis, elles s'installèrent sur une table, et enlevèrent le film qui protégeait leur repas. C'était assez copieux, et très nourrissant, ce dont Quitterie avait bien besoin, car elle devait être en forme pour la course de dix-huit heures. Comme elles avaient oublié les couverts et le pain, Quitterie partit les chercher, pendant que Sonia remplissait le pichet d'eau. Elles allaient attaquer leur repas quand elles virent Audrey et Charlotte. Elles leur firent signe de s'installer avec elles. Elles avaient fini leur entrée, qui était composée de crudités et de pâtés quand Gaspard et Zach arrivèrent, toujours en combinaison, et leur casque à la main. Ils étaient trempés, et n'avaient pas pris le temps de se changer. Ils se dirigèrent vers elles, leurs confièrent leurs casques, et partirent se chercher leurs plateaux. A peine étaient-ils assis que les conversations tournèrent aussitôt sur les séances d'essais. Sonia ne fut pas en reste, car elle avait regardé tout le monde. Son avis fut donc très apprécié. Ils furent bientôt rejoints par les équipiers de Gaspard et Zach, qui assuraient entre autre les ravitaillements. 152 Quitterie et l’ EvaCup − Bon alors, je vais vous donner mon avis, avec mon peu de connaissances en la matière, leur annonça Sonia. Les garçons, vous passez super vite, et un peu en force, quand même. Certaines fois, vous donnez l'impression de pas trop savoir ce qui se passe. Pour les filles, vous passez beaucoup moins vite. Par contre, c'est toujours très fluide, et on sent que vous maîtrisez bien votre sujet. Et c'est d'une grande finesse. − Merci, merci, s'écrièrent les trois concurrentes. − Attendez, je n'ai pas tout à fait fini, reprit Sonia. Maintenant, je vous passe un par un. Honneur aux dames, et à mon amie de toujours, je commence par Quitterie. Ma petite vieille, c'est très bien, mais si tu voulais bien attaquer un peu plus, ce serait pas mal. − C'est vrai, continua Gaz. Tu freines beaucoup trop tôt. Tu es donc obligée de redonner un peu de gaz pour passer ton virage. Tu perds de précieuses secondes à cause de ça. Essaie de repousser ton freinage, et tu verras que ça ira bien quand même. Tu freines à quelle distance? 153 Quitterie et l’ EvaCup − Aux cent Quitterie. mètres en général , répondit Avant chaque virage, il y a un panneau tous les cinquante mètres, pour se donner des repères. Quitterie, démarrant la compétition, freinait systématiquement aux cent mètres, alors qu'elle pouvait continuer d'accélérer facilement jusqu'aux quatre-vingts , voire cinquante mètres pour certains virages... − En plus, ta moto a de super freins, renchérit Zach. Essaye sur un ou deux virages. Tu verras que ça passe sans problèmes. − OK, je vais tenter, et si je finis par terre, vous viendrez me ramasser... − Bonjour l'optimisme, se moqua Audrey. − Justement, tu fais bien d'intervenir, toi, lui dit Sonia. Alors pour toi, le problème est le même que Quitterie, tu freines beaucoup trop tôt. Mais en plus, tu ne déhanches pas du tout. Tu te contentes d'écarter ton genou, et ça fait quand même un peu crapaud. − C'est vrai? Répondit Audrey, déçue. Moi qui avait l'impression de sortir de la moto... 154 Quitterie et l’ EvaCup − Bah, ça se travaille, comme le reste, la rassura Gaspard. Tu sais, au début on n'était pas beaucoup mieux que toi, et au fur et à mesure, on s'est amélioré. − Mais quand même, ressembler à un crapaud, ça n'est pas très flatteur... − Tu t'en moques, lui rétorqua Charlotte. N'oublie pas qu'on est là pour se faire plaisir. − Quand à toi, continua Sonia, on dirait que tu as peur. − C'est bien vrai, répondit Charlotte très franchement. Ces filles qui me doublent, ça me fout une trouille bleue. J'ai toujours l'impression que je me positionne mal, et qu'elles vont me percuter. Heureusement que j'ai une machine puissante, comme ça , je me refais dans les lignes droites... − Mais si tu as peur, pourquoi t'es tu engagée, alors? Lui demanda Quitterie. − Avec Audrey, on a dit qu'on faisait cette course ensemble, et on la fera. Et puis, même si je ne suis pas très rassurée, j'y arrive quand même pas trop mal. − C'est vrai, dit Sonia. Maintenant, à vous les garçons. 155 Quitterie et l’ EvaCup − Nous, c'est la perfection, clama Gaspard. Ce sport est fait pour nous. − Vous avez plus de facilités que les filles, mais c'est parce que vous en faîtes depuis plus longtemps. Donnez leur quelques séances de plus, et elles seront devant, croyez-moi, leur rétorqua Sonia. − Et pourquoi ça? Demandèrent Gaspard et Zach, curieux. − Pour la simple et bonne raison que vous passez tout à l'arrache. Vous êtes de grandes brutes. Il n'y a aucune finesse dans votre pilotage, surtout pour toi, Zach. Tu es toujours à la limite. − C'est vrai que des fois, je remercie ma bonne étoile , car je ne sais pas comment s'est passé. − Pour toi Gaz, je trouve ta conduite trop hachée. Il n'y a aucune fluidité. − Mais c'est comme ça que je gagne du temps, lui rétorqua t-il. − Peut-être, mais visuellement, ce n'est pas top. A mon avis, on devrait mélanger tous vos styles, et on arriverait certainement à quelque chose de très bon, conclut Sonia. 156 Quitterie et l’ EvaCup Le repas se termina dans la bonne humeur. Avant de prendre un café, les filles allèrent chercher la feuille des temps de la deuxième séance. Il avait cessé de pleuvoir, et le soleil tentait de percer les nuages. Forcément, les temps étaient mauvais. Mais au niveau du classement, ce n'était pas trop mal. Quitterie ne s'était pas trop mal débrouillée, et elle se retrouvait dixième, avec un temps de 1'55''. Elle en fut très heureuse, car piloter sous la pluie ne la gênait pas. Ils discutèrent encore un peu devant leur boisson chaude, puis les garçons partirent . Leur course démarrait à quatorze heures. Il était plus que temps qu'ils se présentent en pré-grille. 157 Quitterie et l’ EvaCup 15 Les quatre filles assistèrent au départ. Ce fut Gaspard qui commença. Il prit un très bon départ, et ne se laissa pas doubler. Avec Zach, ils avaient décidé de se relayer toutes les vingt minutes. Ils étaient partis cinquième, et avaient réussi à conserver cette place, pendant la moitié de la course. Puis la fatigue commençant à se faire sentir, ils s'étaient fait doubler, mais ne lâchaient pas le morceau pour autant. Les filles ne virent pas la fin de la course car elles devaient se préparer . Entretemps, elles étaient allées chercher la feuille de position sur la grille de départ. Seul leur meilleur temps avait été retenu. Chaque ligne comportant quatre pilotes légèrement décalés , Quitterie , avec son quinzième temps, se trouvait en quatrième et avant dernière ligne, entourée d'Audrey et de Charlotte, qui avaient fait respectivement les quatorzième et seizième temps. 158 Quitterie et l’ EvaCup Puis vint le moment de se diriger vers la pré-grille. Quitterie avait le cœur qui battait très vite, son ventre était rempli de petites fourmis, elle avait les mains moites. En un mot, elle était très stressée. Elle qui, d'habitude, était toujours prête à sourire, Sonia n'arrivait à rien en cet instant. Elle préféra la laisser se concentrer, et partit s'installer sur les gradins. De là, elle pourrait assister à toute la course. Sur la piste, le drapeau à damiers s'agita, signifiant la fin de l'endurance pour Gaspard et Zach. Quitterie ne les vit même pas passer à côté d'elle, tellement elle était concentrée. Le plan du circuit défilait devant ses yeux, ainsi que les conseils de ses amis, et elle s'imaginait en train de les appliquer, et de tout réussir... Quand la piste fut dégagée, on leur fit signe de faire un tour et de se positionner sur la ligne de départ. Au niveau de chaque ligne, il y avait un commissaire avec un drapeau qui leur indiquait leur place. Dès que la ligne était complète, le commissaire levait le drapeau vert. Les moteurs vrombissaient dans un vacarme assourdissant... Quand tout le monde fut en place, le commissaire de la dernière ligne leva le drapeau vert, et elles 159 Quitterie et l’ EvaCup partirent pour le tour de chauffe. Une fois tout le monde revenu, et positionné, le feu rouge s'alluma. Pour les départs officiels, seuls les feux étaient admis, sauf en cas de panne. Quitterie, ainsi que les autres concurrentes avaient les yeux rivés sur le feu. Elles étaient prêtes à en découdre... Quitterie avait les deux pieds par terre, la première vitesse enclenchée, allongée sur le réservoir, en position de recherche de vitesse, le regard fixé sur le feu. Elle avait mis le moteur dans les tours , de façon à être en prise dés le départ. Il y avait un bruit d'enfer, le sol tremblait sous ses pieds. Et le feu passa au vert... Quitterie relâcha l'embrayage, accéléra, mais rien ne se passa. Elle était sur un faux point mort. L'horreur... Elle fut doublée par tout le monde. Du coup, elle mit un grand coup de talon dans le sélecteur de vitesse, de façon à être sûre que la première vitesse était bien enclenchée, relâcha l'embrayage un peu trop vite, et elle partit comme une bombe, en roue arrière, tellement elle était frustrée d'avoir raté son départ. Elle arriva avec une telle vitesse dans le premier virage qu'elle le prît n'importe comment. Pour le coup, elle avait écouté les conseils de ses amis, et avait freiné au dernier moment. Elle avait le cœur qui tentait de sortir, 160 Quitterie et l’ EvaCup tellement elle avait l'impression de ne rien maîtriser du tout. Le virage passa sans problèmes, mais à l'arrache quand même. Elle ne se posait pas de questions, il fallait qu'elle rattrape les autres. De rage, elle pilota plus vite qu'elle ne l'avait jamais fait. Plus les tours passaient , et plus elle rattrapait de concurrentes. Elle les doublait dans les parties sinueuses, car elle était plus rapide à ce moment là, grâce à la précision et la vivacité de son châssis. Elle essayait toujours de les passer au début, comme ça elle prenait suffisamment d'avance pour ne pas se faire rattraper dans les lignes droites, avec son petit moteur. Elle ne lâcha rien pendant toute la course. Elle se battit comme une forcenée, comme si toute sa vie en dépendait. Lorsqu'une concurrente l'empêchait de passer, elle lui collait la pression, jusqu'à ce qu'elle puisse la doubler. Elle repoussa ses freinages le plus loin possible. Et tour après tour, elle remonta dans le classement. Tout se passa bien, jusqu'au moment où une concurrente , furieuse qu'elle l'ait doublée dans la partie sinueuse, se mit à vouloir la rattraper. Dans la première ligne droite, elle ne put rien faire, Quitterie étant sortie trop vite . Mais dans la ligne droite des stands, elle se déchaina. Elle commença par doubler Quitterie, puis se rabattit tout en freinant juste devant elle. Quitterie 161 Quitterie et l’ EvaCup dut piler en pleine accélération. Son réflexe premier fut de freiner de l'arrière, vieux souvenir des cours de moto-école. Sa roue arrière se bloqua, et sa moto commença à déraper. Elle relâcha tout, mais du coup , se retrouva dans le cul de l'autre. Elle fit un évitement, pour ne pas lui rentrer dedans, redonna un grand coup d'accélérateur et lui repassa devant. L'autre, voyant ça, la doubla de nouveau , mais sans coup foireux cette fois. Quitterie avait le coeur qui battait la chamade tellement elle avait eu peur. Elle continua la course avec un bon rythme, mais elle appréhendait de doubler de nouveau cette concurrente. Il ne restait plus que trois tours, quand elle se retrouva de nouveau derrière celle-ci. Elle décida de la passer quand même, car elle freinait beaucoup trop tôt par rapport à elle. Elle lui fit l'intérieur sur une sortie de virage, et passa devant. Mais l'autre, la reconnaissant, lui mena la vie dure. Dès qu'elle le put, elle la doubla, pour piler aussitôt devant elle. Apparemment, c'était sa grande technique pour éliminer ses concurrentes, faute de savoir piloter correctement. Quitterie, connaissant maintenant le phénomène, réussit , cette fois, à anticiper cette tactique, et lui repassa devant , l'air de rien. L'autre ré-accéléra, mais ne put rien faire, car on arrivait dans un virage, son point faible. Quitterie 162 Quitterie et l’ EvaCup repoussa encore plus ses freinages, pour qu'elle ne puisse pas lui passer devant. Mais les lignes droites et les virages très rapides étaient autant d'occasion pour l'autre de la doubler. Elles continuèrent ainsi, jusqu'au drapeau à damiers. Quand elles passèrent dessous, Quitterie était en tête. Puis elle ralentit le rythme, la course était terminée... L'autre en profita pour la doubler et piler... Quitterie n'ayant rien vu venir, elle n'eut pas le réflexe adéquate, et lui fonça dedans. Le choc la fit passer par-dessus le guidon, et tomber lourdement sur le goudron. Il n'y avait plus un bruit dans les tribunes. Tous les spectateurs retenaient leur souffle. Un silence de mort régnait sur le circuit. Au bout de quelques secondes, elle commença à bouger. L'ambulance arrivait, toute sirène hurlante. Les infirmiers se précipitèrent, et l'aidèrent à se mettre debout. Quitterie, les jambes flageolantes, réussit à faire quelques pas, soutenue par les infirmiers. Puis elle se mit à chercher sa moto des yeux. Comme elle ne la voyait pas, elle leur dit qu'elle allait bien, et courut voir si elle n'était pas derrière l'ambulance. Et là, elle la vit... pauvre petite chose couchée sur le flanc gauche. 163 Quitterie et l’ EvaCup Quitterie s'approcha d'elle. Elle tenta de la relever, mais n'y arriva pas. De rage, elle jeta son casque parterre, s'accroupit et poussa sur ses jambes pour la remettre debout. La foule se mit à l'encourager. Une clameur s'élevait vers le ciel: « Allez Quitterie, allez Quitterie... ». Mais elle n'entendait rien. Toute son attention était pour sa moto. Dans un effort surhumain, elle la releva, et l'appuya sur elle. Puis elle monta sur la selle, tout en lui parlant avec douceur. « Allez ma belle, ça va aller. On va repartir ensemble, tout va bien se passer... ». En même temps, Quitterie passait ses mains sur le réservoir, comme pour la rassurer. Elle avait bien senti que sa moto avait un problème. Le guidon était tordu d'une telle manière que peu d'espoirs subsistaient. Entre-temps, les commissaires s'étaient approchés, et regardaient la moto, pour voir si elle n'avait pas trop souffert. Le camion de dépannage arrivait. Voyant Quitterie bien droite sur sa moto, ils crurent qu'il n'y avait rien. Mais quand ils arrivèrent à son niveau, tous leurs espoirs s'envolèrent: la fourche était tordue...Il y avait aussi le flanc gauche et les pots rayés. La poignée d'embrayage était cassée et le sélecteur de vitesse tordu. Le guidon aussi avait pris un coup. A priori la jante était en bon état, mais à vérifier tout de 164 Quitterie et l’ EvaCup même. Ne sachant trop quoi lui dire, ils lui tapèrent gentiment dans le dos, et la laissèrent seule avec sa moto. Quitterie remit la clé sur Off, puis sur On. La pompe à essence s'enclencha sans problème. Quand elle appuya sur le démarreur, ses mains tremblaient... Et le moteur repartit , comme si de rien n'était. La foule se mit à hurler de joie. Des « bravos » fusaient de partout. Mais Quitterie n'entendait rien. Elle était concentrée sur le bruit de son moteur. Puis, tout doucement, elle prit la poignée d'embrayage qui, dans la chute s'était cassée en deux, et passa la première. Au moins, la boite de vitesse avait l'air de fonctionner. Elle se remit au point mort, coupa le moteur, et fondit en larmes. Des mains l'aidèrent à descendre de sa moto, pendant que d'autres chargeaient sa belle dans le camion. Elle monta avec elle, et ils repartirent vers les stands. Quand ils arrivèrent, elle était comme absente. Elle descendit, complètement abasourdie, comme si tout ceci n'était qu'un mauvais rêve. Puis, elle vit arriver Sonia, Zach, Gaspard et surtout , son grand-père. Quitterie ne savait pas qu'il assistait à la course. Sa présence rassurante lui fit un bien fou. Elle se jeta dans ses bras, laissant enfin libre cours à toutes ses émotions. 165 Quitterie et l’ EvaCup Quand elle se calma enfin, elle leur raconta ce qu'il s'était passé, la chute, le trou noir qui avait suivi, et son désespoir quand elle avait vu l'état de sa moto. Ils la rassurèrent tous comme ils pouvaient. Son grand-père , Gaspard et Zach proposèrent à Quitterie de voir ce qu'il était possible de faire pour que sa moto soit en état de courir le lendemain. Devant tant de compassion, Quitterie éclata de nouveau en sanglot. Sonia la prit par le bras, et l'éloigna un peu pour qu'elle se calme, le temps que Gaspard et Zach partent avec le camion pour ramener la moto à leur emplacement. Pendant ce temps, son grand-père était parti à sa voiture chercher sa boite à outils , qu'il avait eu la bonne idée d'amener, 'au cas où...' . Ils s'étaient tous donné rendez-vous à la tente de Gaz et Zach, pour faire le point. Tout en amenant Quitterie vers le point de rendezvous, Sonia s'aperçut qu'elle boitait. − Tu es sûre que tu vas bien? Lui demanda telle. − Ça va, lui répondit Quitterie. − On va passer voir les ambulanciers, décréta Sonia , d'un ton qui n'attendait aucune réplique. − Mais c'est bon, tenta de se défendre Quitterie. 166 Quitterie et l’ EvaCup − Tu boîtes de plus en plus, alors on y va. Et elles rebroussèrent chemin vers l'ambulance. Sonia expliqua aux ambulanciers que Quitterie boitait de plus en plus, mais ils s'en étaient aperçus en les voyant arriver. Ils la firent s'asseoir sur la civière, et lui enlevèrent ses bottes. Ils eurent beaucoup de mal à retirer la botte gauche. La cheville de Quitterie était très enflée, et avait pris une belle teinte bleue violacée. Ils la tâtèrent, la firent bouger doucement dans tous les sens, et en conclurent qu'à priori, il s'agissait d'une entorse, mais ils lui conseillèrent tout de même de passer une radio à l'hôpital. Sonia allant dans leur sens, Quitterie n'eut d'autre choix que de se plier à leur décision. De son portable, Sonia prévint le grandpère de Quitterie que cette dernière allait passer une radio à l'hôpital. Elles partirent dans l'ambulance. A l'hôpital, on confirma le diagnostic des ambulanciers. Elle n'avait pas besoin d'être plâtrée, mais il lui fallait du repos, ne pas s'appuyer sur sa cheville, et mettre beaucoup de glace, pour réduire le gonflement et la douleur. Ils lui donnèrent aussi des cachets contre la douleur à avaler, et une paire de béquilles. Pour l'instant, il était impossible qu'elle 167 Quitterie et l’ EvaCup remette sa botte, et elle repartit comme elle était arrivée, en chaussettes... Une fois de retour au circuit, elle se dirigèrent aussitôt vers l'emplacement de Gaspard et Zach. Avec le grand-père de Quitterie, ils étaient tellement concentrés sur ce qu'ils faisaient qu'ils ne se rendirent pas tout de suite compte qu'elles étaient revenues. Ce fut Gaspard qui les remarqua en allant chercher des outils. − Alors, lui demanda t-il, en apercevant les béquilles. − J'ai une belle entorse, mais elle ne nécessite pas de plâtre, répondit Quitterie. − Par contre, ils t'ont dit de t'asseoir, et de ne surtout pas rester debout, d’autant plus que tu veux courir demain, dit Sonia en l'obligeant à s'asseoir sur une chaise. Et mets la poche de glace sur ta cheville, reprit-elle en la lui tendant. − Et pour la moto? demanda Quitterie. − On a fait le point, répondit son grand-père en l'embrassant sur le front, et voilà le résultat. Ta fourche et ta jante sont à changer, ta poignée d'embrayage est cassée, mais ça tu le savais déjà. Il faudra réparer ton sabot, et on 168 Quitterie et l’ EvaCup − − − − − − − − − − verra comment remettre ton numéro à l'avant de la moto. Par contre, bonne nouvelle, ton cadre n'a pas bougé. Et comment vous savez ça? On a regardé au niveau des soudures, et on n'a pas vu de points de peinture qui ont sauté. Mais avec une fourche en vrac, je ne peux pas courir demain. Eh bien détrompe-toi... reprit Zach. Pendant ton absence , beaucoup de motards sont venus nous proposer de l'aide, soit pour la mécanique, soit pour les pièces. Et... demanda Quitterie pleine d'espoir. Tu as donc récupéré une fourche, une jante avec un pneu et une poignée d'embrayage. Par contre, personne n'avait de levier de vitesse pour toi. On va donc essayer de redresser le tien, pour que tu puisses quand même t'en servir. Merci, merci beaucoup pour tout... Il faudra surtout que tu remercies les candidats malheureux qui t'ont dépanné pour les pièces. Pourquoi malheureux? Car ils ont cassé leurs moteurs, et pour eux, c'est terminé. 169 Quitterie et l’ EvaCup − D'accord, je comprends mieux. Tu me les présenteras, dit Quitterie à Gaspard. − Pas de problèmes, mais il te reste une chose à faire, lui dit Gaspard. − Et quoi donc? s'étonna Quitterie. − Tu vas voir la direction de la course, et tu portes plainte contre celle qui t'a flanquée par-terre. − On peut faire ça? − Bien sûr. On ne peut pas la laisser continuer comme ça, c'est un vrai danger. − On y va tout de suite, dit Sonia, remontée. Il faut que tu lui règles son compte. − Et c'est parti, dit Quitterie en se relevant tout en faisant la grimace. Elles allèrent , dans un premier temps, voir les organisateurs de l' EvaCup, pour savoir comment procéder. Ceux-ci avait assisté à l'accident en direct, grâce aux caméras vidéo dont était équipé le circuit. − Qu'est-ce que je peux faire contre elle , attaqua Quitterie de but en blanc. − Tu peux porter plainte, et ça passera devant le jury, qui décidera de la sanction. − Et on le trouve où, ce jury? 170 Quitterie et l’ EvaCup − Tiens, voilà justement le président en personne. Vois avec lui. Et au fait, tu pourras courir demain? − Qu'est-ce qui m'en empêcherait? Demanda Quitterie . − Tes béquilles... − Ça, ce n'est rien. Et la moto est entre de bonnes mains. Ça devrait être bon. − Tu sais qu'elle doit repasser le contrôle technique, du coup. − Ah ça, je ne le savais pas. Il est toujours à la même place? − Oui. − J'irai demain matin alors. Et elle partit discuter avec le président du jury qui lui indiqua la procédure à suivre pour porter plainte contre cette concurrente. La décision serait prise d'ici à la fin de la soirée. En repartant, elles tombèrent nez à nez avec celle qui l'avait flanqué par terre. − J'espère que tu es prête à payer les frais que tu as fait sur ma moto en lui fonçant dedans, lui lança cette dernière. 171 Quitterie et l’ EvaCup Alors là, c'était trop. Quitterie s'approcha d'elle et lui mit un gauche de toute beauté en pleine mâchoire, sous les applaudissements des spectateurs présents. − Que ça fait du bien , dit-elle à Sonia tout en se massant les articulations. Et elles partirent sans se retourner. Quand elles arrivèrent au campement, la moto était déjà démontée. Sonia courut vers eux pour leur annoncer le magnifique coup de poing qu'ils avaient manqué, pendant que Quitterie arrivait doucement, avec ses béquilles. Les garçons se précipitèrent vers elle pour la féliciter, et l'aidèrent à s'asseoir. Entretemps, les travaux avaient bien avancé. La fourche et la jante étaient déjà remplacées. Ils allaient attaquer le levier d'embrayage, et essayer la moto pour voir si tout allait bien. Ils avaient déposé le sabot. Une personne que Quitterie ne connaissait pas était en train d'essayer de le rafistoler avec les moyens du bord. Cette solidarité faisait vraiment chaud au coeur. Quitterie se sentait bien inutile avec sa patte en vrac, mais elle savait que si elle voulait courir demain, il fallait qu'elle soit raisonnable pour l'instant. 172 Quitterie et l’ EvaCup Le levier de vitesse semblait leur poser un problème. Ils avaient peur qu'en essayant de le redresser, il casse. Ils firent quand même ce qu'ils pouvaient , puis Gaspard partit essayer la belle. Quand il revint, il faisait une drôle de tête. − Et alors, s'inquiéta Quitterie. − On a un petit souci, répondit-il. La cinquième ne passe plus. − Et merde, lança Quitterie, dégoutée. − Avec un peu de chance, lui dit son grandpère, c'est juste un problème avec le ressort de rappel. Par contre, les garçons, je dois partir. Vous saurez vous débrouiller? − Ça ne devrait pas poser de problèmes, lui répondirent-ils. On va démonter le carter gauche dans un premier temps, et après on verra s'il y a besoin de plus. Il embrassa tout le monde, et partit. Il promit de revenir le lendemain pour assister à l'endurance des garçons, et à la course de Quitterie. Ils se mirent au travail tout de suite. Effectivement, le ressort de rappel s'était cassé. Grâce à la solidarité qui s'était mise en place, ils purent en trouver un et le changer. 173 Quitterie et l’ EvaCup Cette fois, ce fut Zach qui partit essayer la moto. Il revint, un grand sourire au lèvre. − C'est tout bon, dit-il. Ça marche. Le levier tordu fait un peu bizarre, mais les vitesses passent bien. C'est le principal. − Merci pour tout ce que vous avez fait, leur dit Quitterie, reconnaissante. − Et pour ton casque? S'inquiéta soudain Sonia. Tu as un peu bousillé le tien en le jetant tout à l'heure... Zach partit sous sa tente, et revint avec deux casques. − C'est pour toi, dit-il. − D'où viennent-ils? Demanda Quitterie. − Ce sont deux motards qui sont passés, et qui se proposent de te les prêter. − Et ils n'en ont pas besoin? − Non, ils sont spectateurs, et passent la nuit ici. Essaye les pour voir. Quitterie les essaya. Sur les deux, un était à sa taille , heureusement... Audrey et Charlotte passèrent voir Quitterie . Elles la trouvèrent en bonne forme, malgré son accident. Après la course, elles étaient parties prendre la feuille de résultat. Elles la tendirent à Quitterie. 174 Quitterie et l’ EvaCup Celle-ci la parcourut, et en resta bouche-bée: elle était huitième, c'était génial... Elle cria de bonheur, ce qui rameuta aussitôt tout le monde. Quand ils virent son résultat, ils la félicitèrent tous. Et c'est là que Sonia lui dit: − Tu as fait une course géniale. Et ce départ en roue arrière, quelle classe... − Quelle roue arrière? s'étonna Quitterie. − Mais celle que tu as faite, lui répondit Sonia éberluée. Tu ne t'en es pas rendue compte? − Non, j'ai complètement foiré mon départ, ça je l'ai bien senti, mais la roue arrière, ça ne me dit rien du tout. Surtout que je ne sais même pas les faire, lui avoua t-elle. − C'était grandiose, reprirent Gaspard et Zach, tu t'es battue comme une tigresse. − Merci... − Et tu as repoussé tes freinages, c'est pour ça que tu as réussi à en doubler pas mal... − Du coup, je me suis rendue compte que vous aviez raison: ça passe beaucoup mieux comme ça... Ils continuèrent à discuter un moment, puis, Charlotte et Audrey repartirent. Elles étaient déçues par leurs résultats ( seizième et dix-huitième), 175 Quitterie et l’ EvaCup l'accident de Quitterie, et n'avaient pas trop le coeur à rire. − Sur ce, dirent les garçons, on a plein de choses à fêter. Tout d'abord ton départ raté. Ensuite cette magnifique roue arrière que tu ne savais pas faire jusqu'à aujourd'hui. Et puis le recul de ta distance de freinage, ta magnifique remontée, ta huitième place au classement, et ton accident. − On pourrait peut-être se passer du dernier point, suggéra Quitterie. − Et si vous nous invitiez? dit Sonia. Ils se dirigèrent tous les quatre vers la buvette. Ils se mirent au soleil, pour profiter de ses derniers rayons, et burent tout en parlant de la course de Quitterie et de l'endurance des garçons. Sonia, qui n'y connaissait rien avant d'arriver sur le circuit, suivait leur conversation sans problème. Elle avait cette capacité rare à ingurgiter très rapidement un maximum d'informations sur un sujet, à les trier, et à les maîtriser. Elle n'était pas capable de donner des conseils techniques, mais son avis était tout de même pertinent, car elle comparait le pilotage des trois lascars aux meilleurs de leurs catégories. 176 Quitterie et l’ EvaCup Comme le ventre de Quitterie se mettait à gargouiller , ils décidèrent de manger ensemble, à la camionnette des filles. Ils retournèrent au campement et passèrent devant l'emplacement de Charlotte et d'Audrey, qui étaient devant leur tente. Elles avaient l'air assez démoralisées. Ils les invitèrent à partager leur repas, mais elles refusèrent, d'un air peu engageant. Ils n'insistèrent pas, et continuèrent leur chemin. Quitterie eut l'impression que les deux filles boudaient. Bah, se dit-elle, ça leur passera bien un jour. Quand elles seront décidées, elles viendront nous voir. Arrivés devant la camionnette, ils se séparèrent les tâches: les filles préparaient les sacro-saintes pâtes des sportifs , et les garçons se chargeaient des boissons. Puis elle aida Sonia, du mieux qu'elle pouvait. Celleci avait déjà mis l'eau à chauffer. Elle avait sorti de la glacière électrique le jambon et le fromage. Quitterie sortit les chips, et les fruits. Les garçons arrivèrent avec du saucisson et des boissons. Ils repartirent chercher leurs couverts et leurs chaises. Ils s'installèrent dehors, et attaquèrent leur repas. Les conversations allaient bon train. 177 Quitterie et l’ EvaCup Zach et Gaspard faisaient de l'animation en 3D. Tout comme Quitterie et Sonia, ils se connaissaient depuis de nombreuses années, et louaient le même appartement. Ils étaient tous deux passionnés de motos. Déjà, leurs parents en faisaient, et ils baignaient dans ce monde là depuis leur tendre enfance. Il était tout naturel qu'ils aient des motos. Ce qui l'était moins, aux yeux de leurs familles respectives, c'est qu'ils se soient lancés dans la compétition. Malgré tout, ils avaient leur soutien moral . D'ailleurs, pour assurer les ravitaillements et la sécurité durant leurs courses, ils avaient enrôlé leurs frères et sœurs, plus ou moins de force. Ces derniers n'étaient pas très heureux, mais ils étaient quand même venus. Ils ne se sentaient pas très impliqués là-dedans, c'est pourquoi, sitôt la course terminée, ils étaient partis. Ils reviendraient demain pour la deuxième course. Quand la fraicheur commença à tomber, ils se préparèrent une boisson chaude, avant de se séparer. Audrey et Charlotte avaient fini par les rejoindre pour boire un café. On voyait bien qu'elles étaient déçues par leur course, et jalouse de la performance de Quitterie. Mais la bonne humeur générale finit 178 Quitterie et l’ EvaCup par prendre le dessus, et la soirée se termina dans les rires. 179 Quitterie et l’ EvaCup 16 Le lendemain, Quitterie et Sonia se levèrent tôt pour encourager Zach et Gaz. Bien leur en prît, car les équipiers des garçons manquaient à l'appel. Impossible de les trouver. La veille, ils n'étaient pas restés avec eux sur le paddock, mais avaient assuré à Gaz et Zach qu'ils seraient là à temps. L'heure tournait, et il fallait absolument du monde pour aider les garçons. Sonia et Quitterie se proposèrent , et allèrent chercher Charlotte et Audrey, pour qu'elles leurs donnent aussi un coup de main. Quitterie, après une bonne nuit de sommeil allait beaucoup mieux. Sa cheville la faisait toujours souffrir, mais elle n'était plus trop gonflée. Heureusement, car sinon, elle n'aurait jamais pu enfiler ses bottes. Le grand-père de Quitterie était arrivé tôt lui aussi, pour voir où en étaient les réparations du petit monstre. Il fut rassuré par les explications des 180 Quitterie et l’ EvaCup garçons et leur proposa , lui aussi, son aide pour les ravitaillements. Gaspard et Zach acceptèrent , et expliquèrent rapidement à tout le monde ce qu'ils devaient faire pour les ravitaillements, car c'était le gros de leurs fonctions. Puis ils partirent voir les organisateurs pour leur expliquer leur problème. En effet, il leur fallait les bracelets d'identification adéquates, pour avoir le droit de pénétrer dans la zone de ravitaillement. Après un quart d'heure de palabres, l'accord fut enfin donné. Quitterie, qui allait s'occuper du ravitaillement en essence s'équipa en conséquence. Elle mit des vêtements en coton, sa combinaison, un bandana pour se protéger le cou, et son casque d'emprunt. Ce poste lui convenait bien , car elle pouvait rester assise tant que l'on n'avait pas besoin d'elle. Sonia s'occupait, quand à elle , de l'extincteur de cinq kilos, en cas d'incendie. Audrey et Charlotte aideraient en cas de problème mécanique, et pour le panneautage. Le grand-père de Quitterie était là en cas de grosse panne, et surtout, car ça lui faisait réellement plaisir de les assister. Quand tous les concurrents furent en place, le tour de chauffe s 'élança. Cette fois, ce fut Zach qui prit 181 Quitterie et l’ EvaCup le départ. Comme hier, ils partirent cinquième. Zach fit un très bon départ, et au premier virage, il était passé en deuxième position. Il eut une pression énorme de la part de ses poursuivants, mais ils n'arrivèrent pas à le passer. Au bout de vingt minutes, Audrey, la panneauteuse, lui indiqua qu'il était temps de laisser sa place à Gaz. Mais il fit signe qu'il voulait continuer. Cinq minutes plus tard, Audrey lui dit de s'arrêter au prochain passage, et il obtempéra. Gaspard, n'ayant rien perdu de la bataille que Zach menait, était prêt à en découdre. A peine était-il descendu de la moto , que Gaspard était déjà parti. Il se força à respecter la vitesse limite dans les stands, et il s'élança. Il devait rattraper les précieuses secondes qu'ils avaient perdu à s'échanger la moto. Il se retrouva en cinquième position. Furieux, il décida de remonter tout le monde. Mais il se calma vite, se rappelant que les autres n'avaient pas encore effectué leurs changements. Gaspard était en train de remonter son concurrent direct, quand, alors qu'il était en pleine accélération, il ressentit une violente douleur à l'arrière du genou droit, et plus rien à l'accélération... Le moteur prenait les tours, mais la moto n'avançait plus... Il leva le bras gauche, et partit sur le bas côté pour ne pas gêner les autres 182 Quitterie et l’ EvaCup concurrents. Il descendit de la moto, sans trop s'appuyer sur sa jambe droite, et inspecta sa moto, tout en la maintenant . Et là, stupeur, il s'aperçut que sa chaîne avait disparu... Ce qui expliquait la soudaine douleur dans le haut du mollet. Et les traces de cambouis sur sa combinaison. Elle avait dû casser, se dérouler et être éjectée . Pourvu qu'elle n'ait blessé personne, et qu'elle ne soit pas restée sur la piste pensa Gaspard. Les commissaires s'approchèrent de lui pour voir ce qui se passait. Ils ne touchèrent pas à la moto, car en endurance, un pilote en panne peut pousser sa moto jusqu'au stand par les itinéraires décrits lors du briefing. Il doit être accompagné par un commissaire. S'il se fait aider, il est éliminé. Gaspard leur expliqua ce qu'il s'était passé. Il leur dit aussi qu'il allait essayer de rentrer au stand en poussant la moto. Il avait parcouru la moitié de la montée qui précédait le deuxième virage à droite. Ensuite, il y aurait la descente, puis une très longue montée jusqu'à la voie des stands. N'ayant jamais fait le tour du circuit à pied, Gaspard ne se rendait absolument pas compte de ce qui l'attendait. Il commença donc sa poussette, sans ménager ses forces. Il n'était pas arrivé en haut de la première montée, qu'il était déjà en sueur. Il s'arrêta, appuya sa moto sur sa hanche et ouvrit sa combinaison. Tout 183 Quitterie et l’ EvaCup de suite, il se sentit mieux. Cette petite pause lui avait fait du bien, et il repartit. Il s'arrêta de nouveau, une fois arrivé en haut, à cause de la douleur. Chaque mouvement faisait frotter la doublure de sa combinaison sur son mollet. La brûlure devenait intense, et remontait maintenant jusqu'à mi-cuisse. Pour la descente, il enfourcha sa moto, et se laissa glisser, en espérant aller le plus loin possible. Malheureusement, la moto n'eut pas assez d'élan pour monter la côte suivante. Une fois à l'arrêt, il descendit de la moto , et recommença la poussette...Quand il pilotait, il n'avait pas l'impression que c'était si long... Il était parti sur un bon rythme, mais très vite, il avait ralenti. Il devait préserver ses forces pour aller jusqu'au bout... Il avait passé le virage en épingle à gauche quand il s'arrêta. Sa jambe était incandescente... Il essaya de décoller la combinaison de son mollet, sans grand succès, puis il repartit en clopinant. Il arriva enfin à la descente avec la chicane. Il put la faire en roue libre, avant d'attaquer la dernière montée qui précède la voie des stands. Il était complètement déshydraté, mais il continua à pousser la moto. Il s'arrêtait souvent, épuisé par l'effort, la chaleur, et la douleur. A chaque fois , le commissaire se tenait prêt à le rattraper. Mais à chaque fois, Gaspard 184 Quitterie et l’ EvaCup repartait. Mètre après mètre, il finit par arriver en vue de la voie des stands. Il sentait la fin de son calvaire approcher. Un vague sourire effleura ses lèvres. Dans un dernier effort, il se jeta littéralement dans la voie des stands... Il ne lui restait plus que quelques mètres à parcourir, avant de pouvoir relâcher son effort. Ses amis étaient venus l'encourager dès qu'il avait posé ses roues sur la voie. Bien entendu, personne ne l'aidait. Mais cet élan lui fit chaud au coeur, et lui donna la force nécessaire pour pousser la moto jusqu'au stand. A peine arrivé, on la lui arracha des mains, et il tomba à genoux par-terre, épuisé. En fait, c'était la moto qui le soutenait. Elle était sa béquille... Il se releva péniblement, avec l'aide de Charlotte et Audrey, et se mit à l'ombre, sur une chaise, à côté de Quitterie. Elle lui tendit une bouteille d'eau. Il but, sans pouvoir s'arrêter. Quand il alla mieux, il commença à s'inquiéter pour la moto: allait-elle pouvoir être réparée??? Il se leva, et se dirigea en boitillant vers le fond du box, où était la moto. Il expliqua à Zach et au grandpère ce qu'il s'était passé. Ces derniers avaient commencé à évaluer les dégâts. 185 Quitterie et l’ EvaCup − Alors, leur demanda t-il, ce n'est pas trop grave? − Non, lui répondit le grand-père . Le protège chaine a été limé, le carénage arrière abimé, mais rien de grave en fait. Zach est en train de fouiller pour essayer de trouver la deuxième chaine que vous avez amené. − La voilà, s'écria ce dernier... − Bon, et maintenant on remonte le tout et tu repars. − Je vais vous aider, s'interposa Gaz. − Pas question, répondit le grand-père. Tu regardes d'abord ta jambe, pour savoir si tu pourras prendre tes relais. On peut très bien se passer de toi pour cette réparation. − Ok, capitula Gaz, soulagé, en s'éloignant. Il enleva sa combinaison, mais quand il arriva au niveau du genou, il ressentit une violente brulure: la doublure s'était collée sur la plaie... Il tira doucement dessus, et finit par dégager sa jambe. Il avait une zébrure rouge qui partait du haut de la botte, et qui remontait jusqu'à mi-cuisse. La plaie suintait, mais ne saignait pas, ce qui était presque pire... N'ayant pas ce qu'il fallait pour se soigner, il partit voir les ambulanciers. Ces derniers 186 Quitterie et l’ EvaCup lui appliquèrent une compresse grasse, et lui donnèrent un antalgique. Il renfila sa combinaison, en faisant attention à ne pas tout arracher, et repartit à son stand, pour voir comment Zach s'en sortait. Quitterie et Sonia le rassurèrent. Zach assurait comme une bête. Gaspard fut soulagé, et il fit quelques exercices d'étirements pour préparer sa jambe à ce qui l'attendait. Il mit son casque et ses gants, prêt à en découdre. Quand Zach arriva, il était fin prêt... Il partit sur la moto, et continua la belle remontée entamée par Zach. Ils étaient remontés à la dixième place. Son relais se passa sans problèmes, et il gagna deux places. Et ce fut au tour de Zach de prendre le guidon, pour son dernier relais. Juste avant la fin , il perdit le contrôle de sa moto sur une ré-accélération. Il perdit l'arrière, mais arriva à se maintenir en selle et sur la piste, sans savoir trop comment. Sa trajectoire était catastrophique, mais au moins, il était toujours sur ses deux roues. Il ralentit l'allure, le temps que son coeur reprenne un rythme normal, puis il repartit à l'attaque. Le dernier relais fut assuré par Gaspard qui continua leur remontée. Tout se passait bien, quand il fut 187 Quitterie et l’ EvaCup soudain percuté sur la droite par une moto... Un motard avait chuté derrière lui , et sa moto avait glissé jusqu'à lui. Heureusement, il réussit à se maintenir sur sa trajectoire, mais il se fit rattraper par un concurrent . Énervé par cette situation malheureuse, il donna tout ce qu'il avait dans le ventre. Il prit des risques insensés, repoussant ses freinages toujours plus loin, pour entrer en courbe le plus rapidement possible. Mais là où il gagna le plus de temps, ce fut dans le gauche droite en descente précédant la voie des stands. Il avait bien observé la technique de Quitterie, et essayait d'en faire autant. Au moment où elle relevait la moto pour déhancher de l'autre côté, elle donnait un petit coup d'accélérateur, qui l'aidait à finir son mouvement. Grâce à ça, elle gagnait de précieuses secondes. Petit à petit, il grignotait les mètres le séparant de son prédécesseur. Ce dernier loupa son entrée dans un virage , et Gaspard en profita pour s'engouffrer dans la brèche momentanément ouverte. Maintenant, il fallait qu'il rattrape le concurrent devant lui. Mais ce dernier ne se laissait pas faire. Il ne lui donna aucune opportunité de le doubler, fermant proprement toutes les portes qu'il avait ouverte. Mais à cause de la pression que lui mettait Gaspard, il fit une faute à 188 Quitterie et l’ EvaCup l'entrée du droite gauche après la voie des stands, et il put enfin le doubler au tout dernier tour. Il franchit la ligne d'arrivée , ivre de joie. Ils ne feraient certainement pas un podium aujourd'hui, avec toutes leurs mésaventures accumulées, mais au moins, ils avaient fini entiers, et c'était le plus important. Zach l'attendait avec la béquille. Quand ils eurent les résultats, ils furent un peu déçus de leur sixième place au général, mais contents d'avoir réussi malgré tout. Pendant ce temps, dans les paddocks, des changements avaient eu lieu. Lors du dernier relais, après le départ de Gaspard, les filles s'étaient éclipsées, laissant la place aux frères et sœurs des garçons qui étaient enfin là. Ces derniers avaient fait une grosse fête avec des amis, et ne s'étaient pas levés à temps. Maintenant, qu'ils étaient là, les filles pouvaient se préparer pour leur course. Elles n'avaient pas pu partir plus tôt, car si elles avaient laissé le stand vide, les garçons auraient été éliminés d'office pour abandon. Gaspard fut un peu déçu qu'aucune d'elles ne vienne les féliciter... 189 Quitterie et l’ EvaCup 17 Mais déjà les filles de l' EvaCup étaient sur la piste et faisaient un tour pour rejoindre la ligne de départ. Toutes les concurrentes au-delà de la cinquième place avaient gagné une place, car celle qui avait fait chuter Quitterie s'était vue interdite de courses pendant un an. Cette dernière avait été convoquée dans la soirée pour connaître la décision des directeurs de course. Elle avait fait passer le contrôle technique à sa moto pendant la course de Gaspard et de Zach et avait été autorisée à rouler. Elles étaient prêtes pour le tour de chauffe... Quand le drapeau vert s'abaissa, Quitterie partit sans trop forcer. Son moteur était bien chaud, elle avait fait chauffer ses pneus sur le parking, elle ne devait donc prendre aucun risque avant la course. Elle avait eu peur de ne plus reconnaître sa moto après l'accident, mais en fait, elle était comme avant. Puis les commissaires les placèrent sur la grille de départ. Comme la veille au soir, Quitterie se retrouva 190 Quitterie et l’ EvaCup sur la quatrième ligne, entourée de Charlotte et Audrey. Elle était extrêmement concentrée. Rien de ce qui venait de l'extérieur ne l'atteignait. Elle regardait le feu, le corps en avant et le pied droit à terre prête à bondir. Elle ne pouvait toujours pas s'appuyer réellement sur sa cheville, c'est pourquoi tout le poids de la moto reposait sur sa jambe droite. Cette fois-ci, elle s'était assurée que la première vitesse était bien enclenchée. Toutes les filles faisaient rugir leurs moteurs, mais pas Quitterie. Elle se contentait de le garder dans les tours, de façon à faire un bon départ. Quand le feu passa au vert, Quitterie fit un démarrage grandiose. De sa quatrième ligne , elle passa tout le monde, et se retrouva, à l'entrée du double droite, en troisième position. Elle ne se dégonfla pas, repoussa son freinage et passa son virage sans aucune arrière pensée. Elle connaissait bien le tracé du circuit , les points de corde, les zones de freinage, il n'y avait aucune raison qu'elle craigne quoi que ce soit. Derrière elle, elle entendait les moteurs des autres motos qui lui mettaient la pression, mais elle continua sur sa trajectoire, sans leur laisser aucune chance de la doubler avant la première ligne droite et le virage à gauche en 191 Quitterie et l’ EvaCup épingle. Dans cette partie, elle n'avait aucun moyen de lutter. Son moteur était vraiment trop faiblard pour des courbes aussi rapides. Mais elle savait aussi qu'elle pouvait avoir bon nombre de concurrentes dans les virages. C'est pourquoi, en arrivant au gauche droite en descente qu'elle passait relativement bien , elle arriva à en doubler quelques unes. C'était un endroit stratégique pour elle, car si elle creusait suffisamment l'écart dans cette partie, elle pouvait espérer ne pas être remontée dans la ligne droite des stands. Malheureusement, elle n'avait pas réussie à distancer suffisamment ses concurrentes, et elle se fit doubler. Elle se retrouva en sixième position. Elle retarda alors son freinage, et repassa devant une des concurrentes , qui elle, freinait très tôt, car elle n'était pas très à l'aise dans les déhanchés. A la fin du premier tour, elle était cinquième. Sa cheville commençait à lancer sérieusement, mais elle n'en tint pas compte. Elle essayait d'être le moins possible en appui dessus. Elle continua à se battre comme une tigresse, ne laissant rien passer. Elle remontait petit à petit , et avait atteint la quatrième position, quand l'accident se produisit juste sous ses yeux... A l'entrée du double droite les deux concurrentes devant elle se touchèrent les guidons, car aucune ne 192 Quitterie et l’ EvaCup voulait laisser passer l'autre. Une des filles fit une glissade avec sa moto. Elle traversa la piste, avant de finir sa course dans les bacs à graviers. Quand à l'autre, elle fut éjectée de la moto, et finit dans l'herbe. Heureusement, elle se releva aussitôt. Manque de chance pour Quitterie, cela se passa juste devant elle. Par réflexe, elle sauta sur les freins, et rétrograda. Distraite par l'accident, elle ne compta pas le nombre de vitesses rentrées... Quand elle relâcha l'embrayage, elle était en première... Du coup, elle bloqua la roue arrière et partit en dérapage. Elle sortit la jambe droite pour ne pas que sa moto se couche sur le flanc. Ça la rééquilibra. Elle fit encore deux trois embardées, avant de se retrouver bien droite. Il était temps, elle était quasiment sortie de la piste... Elle repartit tant bien que mal, tout en évitant les morceaux de carénages et le liquide brillant qui se trouvaient sur la piste. Sa poursuivante , n'ayant pas vue l'accident, passa Quitterie, sans se douter de rien. Heureusement pour elle, tout se passa bien. Malgré tout, Quitterie ne put éviter un détritus, et roula dessus... Elle jura dans son casque pour que son pneu ne crève pas, et continua sur sa lancée, comme on le lui avait enseigné. Passé la zone de débris , elle ouvrit les gaz en grand, pour rattraper son adversaire. Du coup, 193 Quitterie et l’ EvaCup elles ne se battaient plus pour la quatrième place, mais pour la deuxième. Mais de ça, Quitterie n'en avait aucune idée. Elle tenta par tous les moyens de rattraper son retard, mais l'autre moto était trop puissante. A chaque entrée de virage, elle rattrapait son retard, mais au moindre petit bout de ligne droite, l'autre ouvrait les gaz en grand et la pulvérisait . Elles jouèrent au chat et à la souris jusqu'au drapeau jaune. La piste n'étant pas tout à fait nettoyée au niveau de l'accident, elles devaient se méfier. Au poste suivant , aucun drapeau n'était agité, signe qu'il n'y avait plus aucun danger. Quitterie en profita pour réaccélérer aussitôt, et passa ainsi devant sa concurrente qui semblait ne pas connaître cette règle. Quand elle réagit, Quitterie avait déjà pris une bonne avance et était déjà en train de sortir du virage . Elle savait que jusqu'à la sortie du gauche droite, l'autre ne pourrait pas grand-chose. Par contre, après , ce serait une autre affaire. Elle la tint en haleine aussi longtemps que possible, mais elle se fit doubler au bout de la ligne droite des stands. Malgré tout, elle se dit qu'elle l'aurait dans un des prochains virages, car elle avait remarqué que son adversaire commençait à fatiguer. Ses freinages étaient plus long qu'au début de leur bataille. 194 Quitterie et l’ EvaCup Quitterie arrivait assez bien à gérer sa fatigue, grâce aux sports qu'elle pratiquait et qui l'avaient rendus plus endurante. Malgré tout, l'autre lui ferma systématiquement toutes les portes. Impossible de la doubler... Elles continuèrent comme ça pendant encore deux tours, Quitterie la rattrapant au moindre virage, et l'autre la semant à la moindre parcelle de ligne droite. Il ne restait plus qu'un tour à parcourir, et Quitterie, joua le tout pour le tout. Elle poussa sa moto dans ses ultimes retranchements, et lui fit donner tout ce qu'elle pouvait. Elle se força à passer tous les rapports un peu au-delà de la zone de couple maxi, chose qu'elle détestait faire, car elle pensait que cela faisait souffrir son moteur... Entre la fatigue de l'autre concurrente et le style de conduite de Quitterie totalement différent de celui du début, elle lui colla une pression énorme, la poussant à la faute. L'autre , à l'entrée du droit en dévers , écarta trop sa trajectoire, et Quitterie en profita pour se faufiler dans ce trou de souris. Elle continua d'accélérer pour qu'elle ne la rattrape surtout pas, et passa sous le drapeau à damiers , son adversaire à une roue d'elle. Et là, elle put enfin relâcher la pression. Elle se redressa sur la moto, ouvrit la visière de son casque pour aspirer une grande goulée d'air frais, et fit le 195 Quitterie et l’ EvaCup dernier tour tranquillement, avec une seule main sur le guidon, et la jambe gauche hors des cale-pieds. Son adversaire la rejoignit, et la félicita pour cette magnifique bataille qu'elles s'étaient livrées. Elles firent le dernier tour côte à côte, sous les ovations de la foule, et les applaudissements des commissaires. Elles allaient sortir quand les commissaires leur firent signe de mettre leurs motos dans le parc fermé. Comment était-ce possible? Elles n'en revenaient pas... Elles parquèrent donc leurs motos dans le parc, sous les flashs des photographes qui attendaient à cet endroit. Puis Quitterie enleva son casque et chercha Sonia, Gaspard et Zach des yeux. Quand elle les vit , elle boitilla jusqu'à eux, en riant et pleurant de joie. Son grand-père et sa grand-mère aussi étaient là. Ils la serrèrent dans leurs bras, et la congratulèrent, lui disant qu'ils étaient vraiment très fiers d'elle. Sonia ne put s' empêcher de lui dire: − Tu ne pourrais pas essayer de faire une course sans nous faire peur? − C'est vrai , quoi, ça devient une manie chez toi, surenchérirent gaz et Zach, tout en rigolant. − Promis, leur répondit Quitterie. 196 Quitterie et l’ EvaCup Puis les garçons la mirent sur leurs épaules, pour la faire défiler. On avait l'impression qu'elle avait gagné un Grand Prix mondial... Quitterie était aux anges. Quand ils la posèrent devant le podium, beaucoup de pilotes et de spectateurs vinrent la féliciter pour cette merveilleuse course, et surtout la magnifique bataille finale qu'elle avait livré. Certains d'entre eux voulaient savoir si sa moto était d'origine. Quand elle répondit par l'affirmative, ils furent encore plus épatés par sa performance. Puis vint le podium. La course étant sponsorisée par des partenaires, elle dut enfiler les T-Shirt et les casquettes qu'on lui remit. A l'appel de son nom, elle monta sur la seconde marche du podium, sous les ovations de ses amis. Elle reçut un bouquet de fleurs, et une magnifique coupe en argent avec le nom , la date de la course, et sa position gravés dessus. Quand les trois gagnantes eurent leurs trophées, elles s'aspergèrent de champagne, comme le veut la tradition. 197 Quitterie et l’ EvaCup Puis il y eut les différentes séances photos, pour les organisateurs, les sponsors , les revues moto...et les amateurs. Ensuite vint le tour des interviews pour la presse motos, ainsi que d'autres séances photos, individuelles cette fois. Son exploit était encore inédit jusqu'à ce jour. Comment une moto aussi peu puissante avait-elle pu finir seconde, devant les autres qui , elles, étaient taillées pour la piste? La seule explication logique tenait dans l'art du pilotage, et la taille du circuit. 198 Quitterie et l’ EvaCup 18 Quand elle put enfin se libérer, Quitterie partit rejoindre ses amis qui l'attendaient un peu plus loin. Sonia lui tendit ses béquilles, et lui remit en même temps la feuille des temps en course. Quitterie jeta vite fait un oeil sur ses temps, sans y prêter trop attention. Mais là, une donnée lui fit pousser un cri: elle avait tourné en 1'30 pendant quelques tours. Elle n'en revenait pas. Elle montra aussitôt son exploit à Gaz et Zach, qui en restèrent scotchés sur place. − Quoi? Tu as tourné en 1'30 avec le Mostro, s'écria Gaz. − Mais tu es presque aussi rapide que nous, reprend Zach. On tourne en 1 '28 avec le 999. Je suis bien content de ne pas être un de tes adversaires... − Je vous avais bien dit qu'elle était une concurrente sérieuse, leur rappela Sonia. − Oui, mais de là à rouler aussi vite... reprit Zach, toujours pas remis de cette nouvelle. 199 Quitterie et l’ EvaCup − Vu ton exploit d'aujourd'hui, ce serait bien que tu passes sur une moto plus adaptée à ce sport, et que tu rejoignes des courses mixtes. Tu pourrais faire mordre la poussière à bien des gars, lui dit Gaz. − Ce serait génial, s 'emballa aussitôt Sonia. − Tu sais, on m'a déjà fait des propositions, tout à l'heure, pour entrer dans des teams..., avoua Quitterie. − Et?... − Je ne sais pas trop... − Qu'est-ce qui te fait hésiter? Demanda Zach, se mêlant à leur conversation. − En fait, je ne suis pas très sûre de moi. J'adore ma moto, je suis très à l'aise dessus, et je crois que c'est pour ça que j'ai réussi aujourd'hui. J'ai peur que, sur une autre moto, je ne retrouve plus cette osmose... − Il suffit juste de trouver la moto qui te convient... lui rétorqua Gaspard. − Le problème est justement là. J'adore les Ducati. Leurs voix rauques et graves quand elles accélèrent sont reconnaissables entre mille. Chaque fois que j'en entends une, mon cœur bat à l'unisson, comme si nous étions 200 Quitterie et l’ EvaCup − − − − − − − faîtes pour être ensemble. Mais les modèles sportifs de la marque me font un peu peur... Il faudrait que tu en essayes une pour te rendre compte, car une fois que tu es dessus, c'est comme ta Mostro, ce sont de vrais jouets. La nôtre, par exemple, va exactement où on veut, et elle tient formidablement le pavé. Elle est un peu physique à amener, mais une fois que tu as compris le truc, ça passe sans soucis. Pourquoi pas... répondit Quitterie. Et puis, tu pourrais peut-être l'essayer... suggéra Zach. Bien sûr, renchérit Gaz. Ça ne nous pose aucun problème de te la prêter. Mais pour aujourd'hui, ce sera juste le tour du parking. Merci, de votre confiance leur répondit Quitterie , mais j'ai peur de vous l'abîmer. Arrête tes bêtises, et monte dessus. On en reparlera après. Allez fonce, appuya Sonia, je vois que tu en meures d'envie. Tu en as marre que les autres te rattrapent toujours dans les lignes droites, pas vrai? 201 Quitterie et l’ EvaCup − Ça c'est sûr. OK, je veux bien l'essayer, répondit finalement Quitterie, un sourire jusqu'aux oreilles. Ils se dirigèrent tous les quatre vers la moto de Gaz et Zach. Pendant que le moteur tournait au ralenti, Quitterie mit son casque et ses gants. Son cœur battait au même rythme que le moteur... L'osmose se mettait tout doucement en place... Quand elle enfourcha la moto, elle se sentit tout de suite à l'aise. Tout était bien placé par rapport à son gabarit. Elle enclencha la première, et partit doucement. Elle avait à peine touché l'accélérateur que la moto ne demandait qu'à aller plus vite. Quitterie faisait corps avec elle. Ses genoux étaient bien positionnés dans l'échancrure du réservoir, son buste n'était pas trop en avant, ses jambes n'étaient pas trop pliées... Tout était parfait. Elle était en totale harmonie avec sa monture... Sur le parking, elle ne put pas aller au delà de la troisième vitesse, mais cela fut suffisant pour qu'elle se rende compte du potentiel de la moto. Et surtout, elle se sentait bien dessus. Extérieurement elle paraissait énorme, mais une fois à son guidon, on oubliait bien vite cette impression tellement elle était maniable. 202 Quitterie et l’ EvaCup Elle rendit la moto à ses propriétaires, un peu à regret. − Alors, lui demandèrent-ils aussitôt. − Pas mal, les taquina Quitterie. − Comment ça : pas mal? C'est tout ce que ça t'a inspiré? − Mais non, je vous charrie. Elle est absolument fabuleuse. Je me sens super bien dessus, peut-être même un peu trop... avoua t-elle. − On t'avait bien dit qu'elle te plairait, lui rétorqua Zach... − Et pourquoi tu ne ferais pas les endurances avec nous? Lui proposa Gaz... FIN 203 Quitterie et l’ EvaCup Note de l'auteur Cette histoire est une pure fiction. Certains faits sont réels, mais la plupart sont imaginaires. Je me suis basée sur mon expérience de la moto et du monde de la compétition moto pour écrire ce roman. Toute ressemblance est pure coïncidence. 204 Quitterie et l’ EvaCup Lexique Joint spi: il assure l'étanchéité entre le tube et le fourreau de la fourche. Il empêche l'huile présente dans le fourreau de couler le long du tube. Trail: moto pouvant aussi bien rouler sur chemin que sur route goudronnée. 205