Quitterie et Eva Cup - Quitterie dans la course

Transcription

Quitterie et Eva Cup - Quitterie dans la course
Quitterie et l’ EvaCup
Remerciements
Je dédie ce livre à mon mari et à mes trois filles, qui
m'ont toujours soutenue et encouragée. Merci à eux,
pour leur patience et leur compréhension...
Merci aussi à tous les passionné(e)s que j'ai
rencontré(e)s sur circuit, et avec qui j'ai passé des
moments extraordinaires...
1
Quitterie et l’ EvaCup
1
Tout a commencé par une belle matinée ensoleillée
de Février. Quitterie était tranquillement vautrée sur
son vieux canapé de cuir, face à la baie vitrée. Il était
usé jusqu'à la corde, mais elle l'adorait. Elle l'avait
récupéré chez ses parents alors qu'ils voulaient s'en
débarrasser.
Elle ne pensait à rien. Son esprit était complètement
vide. Elle venait de terminer une semaine de travail
épuisante, et cette inactivité lui faisait du bien.
Comme tous les weekends, elle avait mis son jean
fétiche. Elle l'avait tellement porté, qu'il était troué
sur les cuisses et les genoux.
Par la fenêtre, elle contemplait, rêveuse , le
magnifique ciel bleu. Depuis qu'elle était revenue
dans sa région de prédilection, la Dordogne, elle ne
se lassait pas de cette luminosité ambiante.
Une fois son bac en poche, elle était partie faire ses
études d'architecte à Paris.
Elle avait découvert cette profession un peu par
hasard. Un jour d'hiver, elle était sortie plus tôt que
2
Quitterie et l’ EvaCup
prévu du collège, et du coup elle avait une heure à
occuper avant de prendre son car. Adorant les livres,
elle s'était d'emblée dirigée vers sa librairie préférée.
Elle se promenait dans les rayons, quand un livre lui
fit de l'oeil. Sur la couverture , il y avait la photo
d'une maison dont toutes les parois étaient en verre.
Page après page, elle découvrit d'autres photos de
maison toutes plus belles les unes que les autres.
Puis elle commença à lire les légendes des photos. Il
s'agissait de maisons construites dans le plus pur
respect de la nature. Tout était expliqué: l'orientation
des maisons, le choix des matériaux, la disposition
des pièces... Quitterie n'en revenait pas, d'autant plus
que ce livre n'était pas de la toute première jeunesse:
il avait déjà vingt ans! Et il paraissait pourtant si
récent. Elle continua à le feuilleter, émerveillée par
ce qu'elle y découvrait. Elle était tellement
concentrée qu'elle faillit en oublier l'heure. Elle
reposa le livre rapidement, et courut attraper son car.
Dans sa tête, des images, et surtout des idées
commençaient à germer. Du coup, dès qu'elle avait
un instant de libre , elle filait à la librairie pour le
compulser, jusqu'à ce que ses parents le lui offrent,
pour enfin avoir la paix, tellement elle leur en
parlait. Mais ça ne suffit pas à la faire taire, au
contraire...
3
Quitterie et l’ EvaCup
Et puis, elle s'était mise à concevoir des maisons,
tout en s'appuyant toujours sur son précieux livre.
Ensuite elle s'était renseignée sur le métier
d'architecte, et les études à suivre pour y parvenir...
Et voilà comment elle avait atterri à Paris...
Elle avait fait ses premières armes dans un cabinet
d'architecte à Lille, mais l'envie de créer sa propre
entreprise et de repartir dans sa région avait pris le
dessus. Elle s'était donc installée à Périgueux, ville
qu'elle affectionnait tout particulièrement. Elle
aimait cette cité chargée d'histoire, ce dédale de rues
pavées, parsemées ici et là de petits passages, la
gastronomie de la région, la gentillesse des gens ...
Elle avait retrouvé dans cette région une douceur et
un savoir vivre qu'elle croyait perdus à jamais.
Cela faisait maintenant deux ans qu'elle avait ouvert
son cabinet , et elle croulait sous les projets. Elle
s'était spécialisée dans l'architecture
environnementale, car c'était ce en quoi elle croyait
depuis maintenant de nombreuses années, et la
demande était exponentielle.
Ce qu'elle affectionnait par-dessus tout dans son
métier, c'était de réhabiliter d'anciens corps de
ferme. Elle aimait conserver l'aspect vieille pierre
4
Quitterie et l’ EvaCup
en extérieur, avec un intérieur utilisant les matériaux
et technologies modernes.
Cette fin de semaine, elle venait de terminer un
avant-projet très ambitieux. Ses clients étaient
extrêmement exigeants, et ne lui avaient pas laissé
beaucoup de libertés. Ils avaient acheté une ancienne
chartreuse périgourdine qu'ils voulaient transformer
en habitation complètement autonome au niveau de
l'énergie, mais avec tout le confort moderne.
Quitterie avait dû se rendre en Europe du Nord pour
trouver les solutions les plus adéquates. Car il est
vrai que, dans ce domaine, ils étaient très en avance.
Elle s'en était sortie avec brio, et le projet qu'elle
avait présenté les avait enchantés. Il restait
maintenant à s'occuper de toute la partie paperasse.
Mais pour l'instant, Quitterie comptait bien profiter
de son weekend, car ça faisait un moment qu'elle
n'avait pas eu deux jours juste pour elle .
Quand le téléphone sonna, la tirant de sa torpeur, elle
pesta. Elle se leva, et partit décrocher le combiné qui
se trouvait sur un muret, entre la cuisine et le salon.
Après un « Allo » pas très entrain, elle fut bientôt en
pleine forme. Sonia, sa meilleure amie et associée,
était remontée comme une pendule.
Comme
5
Quitterie et l’ EvaCup
Quitterie, c'était le premier weekend depuis bien
longtemps, où elle pouvait faire ce qu'elle voulait, et
comme elle adorait faire les boutiques, elle était
allée passer la journée sur Bordeaux, et s'y donnait à
coeur joie. Elle avait pris le train tôt ce matin, et à
peine arrivée sur place , avait téléphoné à Quitterie
pour la persuader de la rejoindre... Elle eut beau
déployer toute une batterie d'arguments, rien n'y fit.
Quitterie préférait rester tranquille sur son canapé,
sous les rayons du soleil. Non seulement, il faisait
froid, et en plus, elle avait une sainte horreur de faire
les boutiques. Elles discutèrent quelques instants,
puis Sonia lui confirma son heure de retour. Elle
voulait s'assurer que Quitterie serait là, afin de lui
montrer ses emplettes.
Quand elle eut raccroché, Quitterie pensa que,
décidément, Sonia était incorrigible. Il faudrait bien,
un jour ou l'autre qu'elle aille faire les magasins avec
elle...
Voilà maintenant douze ans qu'elles se connaissaient.
A quinze ans, elles s'étaient toutes les deux trouvées
un peu perdues en arrivant dans un lycée où elles ne
connaissaient personne, et s'étaient tout
naturellement tournées l'une vers l'autre.
Elles
étaient devenues très vite inséparables. Elles avaient
6
Quitterie et l’ EvaCup
quasiment les mêmes goûts, sauf en matière
vestimentaire et musical. Autant Sonia était très
sophistiquée, autant Quitterie était toujours vêtue de
la même manière: un Jean, un T-Shirt et des baskets.
La seule chose qui variait dans ses tenues, c'étaient
les couleurs. Elle les adorait , et savait,
heureusement, les marier avec beaucoup de goût.
Mais depuis qu'elle travaillait, elle devait tout de
même faire un peu plus attention à ce qu'elle portait.
Elle avait finie par adopter une tenue qui lui
convenait plutôt bien: un jean, mais avec cette fois
une chemisette et des chaussures de ville. Le tout
très coloré, bien évidement.
Pour la musique, Quitterie aimait le rock, à l'inverse
de Sonia qui préférait la soul.
Elle était aussi assez atypique dans le choix de ses
activités: elle faisait du VTT toutes les semaines,
même si en ce moment c 'était assez compliqué. Elle
n' hésitait pas à faire de la mécanique sur sa moto
ou sur son vélo quand c'était nécessaire, et elle était
toujours en mouvement. Elle était incapable de rester
en place. Sonia quand à elle, préférait la gym douce
et le yoga. Elle s'était dernièrement initiée à la
sophrologie, et partageait ses connaissances avec
Quitterie. Cela faisait beaucoup de bien à cette
dernière quand elle était en surchauffe d'énergie...
7
Quitterie et l’ EvaCup
Quitterie avait tout le temps des projets et des idées
plein la tête, et tentait par tous les moyens de les
mettre à exécution. Dès qu'un sujet l'intéressait, elle
se renseignait à fond dessus, et voyait si ça valait le
coup d'aller plus loin ou pas. Avec Sonia, elles
avaient eu un peu envie de participer à un rallye
routier, mais une fois les renseignements pris, elles
avaient beaucoup réfléchi. L'investissement en
temps était très lourd ... Elles ne pourraient pas
mener à bien tous leurs projets si elles se lançaient
dans cette aventure. Il fallait qu'elles fassent le tri.
Quitterie avait eu du mal avec cette décision, car,
comme elle était extrêmement optimiste, elle était
persuadée de pouvoir tout faire... Mais là, les
arguments de Sonia avaient été imparables. Il fallait
qu'elle se fasse une raison: pour l'instant c'était trop
compliqué, mais ce n'était pas pour ça que ce projet
allait tomber aux oubliettes … Quitterie n'avait pas
dit son dernier mot... Pour l'instant, elle pensait à
tout ce qu'elle avait à faire, et elle savait bien que, de
toute façon, la solution apparaitrait d'elle même, et
très certainement au moment où elle s'y attendrait le
moins.
8
Quitterie et l’ EvaCup
Physiquement, elles étaient assez semblables. Elles
étaient toutes les deux assez menues pour leur mètre
soixante-cinq. Quitterie, avait de longs cheveux
châtains clairs toujours tressés et des yeux verts
changeant selon son humeur et le temps. Sonia avait
une chevelure rousse bouclée, avec des yeux bleus,
et des taches de rousseur sur les pommettes.
Après le lycée, elles avaient été acceptées dans la
même école d'architecture, et avaient loué un
appartement ensemble. Puis leur premier emploi les
avait séparé. Mais quand Quitterie avait pris la
décision de monter son cabinet à Périgueux, Sonia
s'était immédiatement joint à elle. Elles avaient
installé leur société dans le centre ville historique de
la ville, et avaient loué un appartement non loin de
là. Mais l'appel d'espace et de tranquillité leur avait
fait acheter un vieux corps de ferme à retaper, perdu
en pleine campagne, à quinze kilomètres du centre
ville.
Celui-ci était constitué de trois bâtiments et d'une
grange. Deux d'entre eux étaient en L, et le troisième
était la maison du gardien. Petit à petit, elles les
refaisaient , de façon à avoir chacune leur maison.
Elles avaient commencé par rénover la bâtisse
9
Quitterie et l’ EvaCup
principale. Celle-ci était composée d'une imposante
maison d'un étage, style relais, construite en 1868,
surplombée d'une haute toiture pouvant accueillir
sans aucune difficulté un deuxième étage. A cette
maison était accolé un long bâtiment un peu plus
récent. Les deux bâtisses étaient reliées par une
épaisse porte en bois . Sonia s'était réservée cette
dernière partie , car elle en était tout de suite tombée
amoureuse.
La grande maison, comme elles l'avaient
surnommées, avait une surface au sol de 160 mètres
carrés. Le rez de chaussée était constitué d'une seule
pièce, mais en son milieu, un mur porteur d'un mètre
d'épaisseur la traversait jusqu'aux deux tiers de sa
longueur, et on accédait à l'autre partie en
descendant deux marches. Sur la partie haute de la
pièce, elles avaient installé leur cuisine salle à
manger, et sur la partie basse, un coin salon
bibliothèque. Le rez de chaussée était maintenant
carrelé, car lorsqu'elles avaient acheté la maison, il
était en terre battue. Elles avaient aménagé le
premier étage en deux chambres très spacieuses ,
pourvues chacune d' une salle de bain privée . Pour
l'instant, elles accédaient à leurs chambres par un
escalier à pas japonais. Ces derniers sont conçus à
10
Quitterie et l’ EvaCup
partir de demi-marches: la première marche n'a que
la moitié droite de pleine et la moitié gauche est
vide. Quant à la deuxième marche, seule la partie
gauche de la marche est pleine. Et ça continue
jusqu'en haut. Tout le premier étage était en parquet
massif, qu'elles avaient entièrement poncé et ciré.
Dès qu'elles avaient pu, elles avaient vidé leur
appartement pour habiter dans la maison.
Elles se servaient de la grange, située derrière la
maison, comme d'un garage pour la moto de
Quitterie et la voiture de Sonia. Vu la taille de la
maison, elles n'avaient pas besoin d'un débarras...
Une fois la maison terminée, elles avaient attaqué la
rénovation de la maison de gardien, de façon à
transférer leur bureau dans ce bâtiment. C'était une
petite bâtisse avec une seule grande pièce en bas, et
une pièce identique à l'étage. Elles voulaient installer
leurs bureaux pour recevoir les clients au rez-dechaussée, et leur salle de travail à l'étage. Le rez-dechaussée était maintenant terminé, il ne restait plus
que la pièce du haut à faire. Elles pourraient
aménager dans leurs nouveaux locaux avant l'été.
Elles n'avaient plus vraiment besoin d'être en centreville, car le bouche à oreille avait très bien
fonctionné, et elles croulaient sous les demandes de
11
Quitterie et l’ EvaCup
constructions et de rénovations. Elles hésitaient
même à embaucher une personne pour les soulager
un peu...
Pour l'instant, elles vivaient toutes les deux dans la
grande maison, car elles n'avaient pas encore eu le
temps de s'attaquer à la rénovation de la partie de
Sonia.
Le fait de partager cette maison et leur travail les
avait conforté dans leur amitié. Elles s'appréciaient
d'autant plus qu'elles adoraient toutes les deux avoir
de longues conversations. Elles étaient très
complémentaires. La sagesse et la douceur de Sonia
savaient calmer l'impétuosité de Quitterie, et
l'énergie de cette dernière permettait à Sonia d'aller
au delà de ce qu'elle pensait être réalisable. Depuis
qu'elles avaient acheté la maison, elles bricolaient
beaucoup, de façon à finir le plus rapidement
possible. Elles avaient confié le gros oeuvre à des
entrepreneurs qu'elles connaissaient bien , et se
contentaient de faire les finitions.
12
Quitterie et l’ EvaCup
2
Mais pour l'instant, Quitterie n'avait qu'une envie:
continuer à se vider la tête en écoutant sa musique
préférée et en lisant un magazine, tranquillement, sur
son divan. Puisqu'elle était debout, elle se rendit au
niveau de la petite chaine Hi-Fi qu'elle avait
ramenée de chez elle. Tout un tas de CD était posé à
côté. Elle commença à fouiller et finit par trouver ce
qu'elle voulait entendre. Il s'agissait d'un groupe
anglais, Muse, qu'elle avait découvert il y a environ
cinq ans, et depuis , elle s'était achetée tous leurs
albums. Elle mit sa chanson préférée, 'Butterflies
and Hurricanes' , et partit du côté du divan se
trouver une revue. Là, il s'agissait quasiment d'une
mission impossible: il y en avait partout... Des
revues de VTT, de motos, d'architecture, de
décoration intérieure, d'écologie... Et tout ça, bien
mélangé, et posé à l'endroit où elles avaient été lues.
Grâce à une certaine habitude de ce joyeux bazar,
elle trouva finalement ce qu'elle cherchait: une revue
de motos.
13
Quitterie et l’ EvaCup
Elle était devenue fan de motos à l'âge de onze ans.
Le déclic s'était fait à la vue d'une Yamaha 600
Ténéré . Elle ( la moto) attendait son propriétaire
sur le trottoir, devant un garage. Et ce fut le coup de
foudre... Cette moto était tout un symbole, avec son
gros réservoir de vingt-trois litres, prête à parcourir
tous les déserts et chemins qui se présentaient devant
elle. Elle était dotée d'un moteur mono-cylindre, très
adapté en ce temps là pour les rallyes dans le désert,
tel que le Paris-Dakar. Cette moto symbolisait, pour
Quitterie, toute une époque de liberté, où les pilotes
partaient dans le désert, avec juste l'envie d'aller au
delà de leurs limites, et surtout, au bout de leurs
rêves. Combien de pilotes, lors de ces rallyes,
avaient tout perdu... Mais il perdurait toujours cette
notion de rêve, et de liberté. Quitterie connaissait
toute l'histoire de ce rallye, depuis sa création par
Thierry Sabine, en 1978, jusqu'à notre époque.
Au commencement, Thierry Sabine avait participé à
un rallye qui reliait Abidjan à Nice, et il s'était perdu
en plein désert. Il fut retrouvé in-extrémis, alors que
les recherches allaient s'arrêter. Depuis ce jour là, il
décida de balayer tout ce qui n'était pas essentiel à sa
vie. Et c'est comme ça qu'est née , en collaboration
avec ses amis, cette course mythique qu'est le Paris
14
Quitterie et l’ EvaCup
Dakar. Des dix premières années du rallye, Quitterie
se souvient surtout de la bataille mémorable de Cyril
Neveu sur Honda face à Hubert Auriol sur Cagiva en
1987. Cette bataille se finit malheureusement mal
pour Hubert Auriol qui finit son étape avec les deux
chevilles cassées. Durant ce rallye, les deux
adversaires avaient montré énormément d'humanité,
malgré leur rivalité. Et elle se souvient aussi de la
disparition de Thierry Sabine, suite à un accident
d'hélicoptère dans le désert. Depuis, il y a comme un
vide dans le rallye... De cette grande époque,
Quitterie garde religieusement sur sa table de chevet
le livre qu' Hubert Auriol et Cyril Neveu ont écrit
ensemble, « Paris-Dakar, une histoire d'hommes » et
qui relate leur course respective.
Mais ces dernières années, elle avait un peu
décroché. Il y avait beaucoup trop d'assistance à son
goût pour les pilotes professionnels. Les petits
pilotes, qui avaient économisé toute leur vie pour se
payer ce morceau de rêve, n'avaient que très peu de
chances d'arriver au bout. L'aventure humaine n'était
plus là. Heureusement, il y avait d'autres rallyes
qui restaient accessibles à tous.
Toujours est-il que , depuis sa rencontre avec la
Yamaha 600 Ténéré, elle n'avait cessé de penser,
15
Quitterie et l’ EvaCup
rêver, vivre pour les motos. Elles étaient toute sa vie.
Dés qu'elle avait un instant, Quitterie s'arrêtait chez
les concessionnaires, et raflait toutes les
documentations concernant les motos. Elle les avait
conservées dans un classeur, protégées grâce à des
pochettes transparentes.
Elle était tellement dingue de motos, qu'elle arrivait
même à les reconnaître au bruit de leur
échappement. C'est donc tout naturellement qu'à
l'âge de dix-huit ans elle passa son permis moto.
Elle l'obtint assez rapidement, malgré des débuts
assez compliqués, car on a beau être passionné, il
faut tout de même un minimum de pratique pour
bien arriver à maîtriser son engin. Son pire souvenir
de cette époque fut la première fois où elle se
présenta pour passer l'épreuve pratique , une fois son
code en poche.
Quand elle arriva, elle était la seule de sa motoécole. Du coup, l'examinateur demanda à son
moniteur de monter derrière elle... Ils se
regardèrent , et elle sut qu'elle allait rater son
passage au lent. Elle, qui faisait partie des petits
gabarits, devait porter son moniteur qui mesurait
facilement un mètre quatre-vingts pour au moins
quatre-vingts kilos, tout en maniant sa moto au
ralenti. Ce qu'elle avait pressenti arriva. Son
16
Quitterie et l’ EvaCup
moniteur dut poser le pied par terre pour éviter que
la moto tombe. Et ce fut l'élimination... Un mois plus
tard, elle repassa l'examen, et cette fois , elle eut son
papier rose en poche.
Elle travailla tout l'été pour se payer sa moto et finit
par avoir suffisamment d'argent pour acheter sa
belle . Bon d'accord, ce n'était pas la dernière moto à
la mode, mais elle était fiable, économique, belle
dans sa robe rouge et son nom en lettres dorées, et
l'amenait partout où elle voulait. Quitterie aurait bien
voulu avoir une Yamaha 600 Ténéré pour la part de
rêves que transportait cette moto, mais elle n'avait
pas pu en trouver une dans son budget. Et en plus,
élément à ne pas négliger, elle était beaucoup trop
haute et imposante pour elle. Quand elle était dessus,
elle ne touchait plus terre. Au moindre arrêt, elle se
serait retrouvée par terre... Écoutant, pour une fois,
la voix de la raison, Quitterie reporta son choix sur
une Honda 650 Dominator. C'était aussi une moto de
style enduro, équipée elle aussi d'un moteur monocylindre, mais beaucoup plus fine que la Ténéré. Le
réservoir ne faisait plus que seize litres contre vingttrois pour la Yamaha, et elle ne pesait plus que cent
cinquante-deux kilos, comparé aux cent soixantequinze kilos de la 600 Ténéré. Elle était aussi
17
Quitterie et l’ EvaCup
beaucoup moins haute. Quitterie se servait tout le
temps de sa moto. Qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il
vente, elle était dessus. Elle avait toujours une bonne
excuse pour la sortir. Pour Quitterie, il n'était pas
question d'avoir une voiture. Tout pouvait se faire en
moto. Cependant, ses parents l' avaient obligée à
passer son permis auto car, comme ils disaient, ça
pouvait toujours servir...
Depuis l'ouverture de son cabinet d'architecte, elle
avait moins l'occasion de sortir son « Dom» ,comme
elle se plaisait à appeler sa moto. Avec Sonia, elles
avaient trouvé leur appartement juste à côté de leur
bureau, et il était tout naturel qu'elles fassent les
trajets ensemble, à pieds. Elle l'avait quand même
amenée avec elle, au cas où, et la faisait stationner
dans le local à vélos. C'était assez compliqué de la
mettre à l'intérieur, car il y avait une chicane à passer
avant de franchir la porte, mais au moins, elle était à
l'abri. Quitterie avait pris le coup pour la rentrer
facilement: elle le faisait en la tirant en marche
arrière. Même la largeur du guidon ne posait plus de
problèmes dans ce sens là, car elle le tournait sur un
côté pour le faire passer plus facilement.
Mais depuis qu'elles avaient acheté ce corps de
ferme, Quitterie faisait tous les trajets en moto. Elle
18
Quitterie et l’ EvaCup
essayait toujours de trouver de nouvelles petites
routes bien viroleuses pour se rendre au bureau.
Si elle n'avait pas été aussi vidée, elle l'aurait bien
prise. Mais là, rien qu'à l'idée de devoir s'équiper ,
elle renonça aussitôt.
Sa revue à la main, elle repartit s'affaler sur son
canapé. Comme d'habitude, elle la feuilleta en
commençant par la fin. Elle jeta un œil sur les
annonces, notamment les emplois, même si elle n'en
cherchait pas un, mais elle aimait bien. Puis elle lut
les titres du courrier des lecteurs, sans s'appesantir
sur le sujet. Elle y reviendrait un peu plus tard. Elle
survola les gros articles, qu'elle lirait à tête reposée ,
regarda d'un air désabusé les nombreuses publicités
et finit par arriver aux pages qu'elle affectionnait tout
particulièrement. Il s'agissait de tous les petits
articles d'une ou deux lignes donnant des
informations rapides sur tout ce qui se passait dans
le monde de la moto. Et là, elle eut LA révélation de
la journée. Dans un petit encadré, se trouvait
l'interview d'une personne, qui allait organiser une
course de motos uniquement pour les filles . Il
s'agissait de la coupe EvaCup.
19
Quitterie et l’ EvaCup
Quitterie lut et relut l'article sans pouvoir s'arrêter.
Alice, l'organisatrice,
voulait créer une coupe
accessible à toutes les filles, et de préférence à celles
qui n'avaient jamais fait de compétition moto sur
circuit. Elle voulait mettre en place tout un concept
novateur pour attirer ces dames sur circuit, avec des
cours d'initiation à des prix défiant toute
concurrence, ainsi que la possibilité de participer
avec sa propre moto quelle qu'elle soit. Pas la peine
d'acheter une moto de champions pour cette fois là.
Une moto de tous les jours était bien suffisante. Pour
cette année, deux courses étaient organisées sur le
circuit de Pau-Arnos, au mois de Juin, sur le même
weekend. Alice espérait attirer suffisamment de
concurrentes, de façon à faire durer l'aventure.
Il y avait un numéro de téléphone pour celles qui
voudraient se renseigner. La décision de Quitterie fut
immédiate: elle allait participer à cette course. Elle
n'avait jamais piloté sur circuit, sa moto n'était très
certainement pas adaptée à ce type d'utilisation, et
elle ne connaissait rien au règlement, mais cela ne
lui fit pas peur. Elle le ferait, et c'était tout ce qui
comptait à ses yeux. Elle ne savait pas encore
comment, mais sa décision était prise. C'était ce
qu'elle attendait depuis longtemps, sans en avoir
jamais vraiment eu conscience.
20
Quitterie et l’ EvaCup
Plus du tout fatiguée, Quitterie repartit dans l'entrée
chercher le téléphone, déterminée. Anxieuse malgré
tout, elle composa le numéro d'Alice, et attendit.
Une sonnerie, puis deux, puis trois... Pas de
réponse.... Enfin, au moment ou elle allait
raccrocher, au bout de la dixième sonnerie,
quelqu'un répondit.
− Bonjour, je vous téléphone au sujet de
l'article paru sur la course de moto féminine
que vous organisez...
− B o n j o u r, j e s u i s A l i c e . C ' e s t m o i ,
l'instigatrice du projet. Est-ce que je peux te
renseigner?
− Oui. Tout d'abord, est-ce que vraiment
n'importe quelle moto peut participer à l'
EvaCup?
− Qu'est-ce que tu veux dire par là?
− Voilà, j'ai un Dominator, et j'ai un doute sur
la faisabilité de la chose.
− Effectivement, ça ne colle pas vraiment avec
ce que l'on attend. En fait, nous n'acceptons
que les roadsters et les sportives de moins de
dix ans, et de plus de 125 centimètres cubes..
− Ça va donc m'obliger à changer de moto...
répondit Quitterie, rêveuse.
21
Quitterie et l’ EvaCup
− Pas forcément. Tu connais peut-être
quelqu'un qui pourrait te prêter une moto.
− Non, personne ne fait de moto dans mon
entourage. Mais ce n'est pas trop grave, ça
me donne une bonne excuse pour franchir le
pas, et acheter la moto dont je rêve depuis
longtemps.
− Et tu te dirigerais vers quoi?
− J'aimerai piloter une Ducati. Cette marque
me fait de l'oeil depuis des années.
− Et tu penses à un modèle en particulier?
− Oui, au Mostro.
− Ce serait bien d'avoir une italienne sur le
plateau... Tu vas en faire rêver du monde
avec ta moto... reprit Alice, envieuse. Tant
que j'y pense, si tu t'inscris avec une Mostro,
tu risques d'être contactée par un journaliste.
Il est dingue de motos italiennes et aimerait
faire un article sur les filles pilotant ces
motos.
− Pas de problèmes, lui répondit Quitterie. Estce qu'il y a des conditions particulières pour
les pilotes?
− Non, elles doivent juste avoir plus de seize
ans et posséder soit le permis moto , soit le
CASM . Ce dernier permet à toutes
22
Quitterie et l’ EvaCup
−
−
−
−
−
−
personnes n'ayant pas le permis de conduire
de piloter sur circuit fermé, et ainsi, de
participer aux compétitions officielles.
Et le permis moto est suffisant? Vous
n'exigez pas un minimum d'expériences sur
circuit avant de s'inscrire?
Non. Nous voulons que cette compétition
soit vraiment ouverte à tout le monde. Nous
exigeons tout de même que chaque engagée
connaisse la réglementation sur circuit, de
façon à ce qu'il n'y ait pas de problèmes. Par
contre, nous allons proposer, pour celles qui
le veulent, un stage de pilotage.
Et il se déroulera où?
Très certainement sur le circuit de Haute
Saintonge, entre Bordeaux et Angoulême,
mais ce n'est pas encore définitif. Nous
sommes aussi en pourparlers avec le circuit
du Mas du Clos, à côté d'Aubusson.
J'espère qu'il se fera... Avant de me lancer
dans une compétition, j'aimerai bien être un
peu dégrossie.
Il y a une réunion d'information le trois
Mars, à vingt heures trente , à Bordeaux. Ce
serait bien que tu viennes. Cela nous
permettrait de faire ta connaissance. Tu
23
Quitterie et l’ EvaCup
pourrais rencontrer les autres concurrentes.
Et tu auras toutes les dernières nouvelles en
direct, ainsi que la date du stage.
− Je vais m'arranger pour y être, répondit
Quitterie.
− Bon, écoute, je t'envoie le règlement, une
liste avec ce qu'il faut prévoir au minimum
comme équipement pour le pilote, ainsi que
la feuille de pré-inscription. As-tu une
adresse mail, pour que ça soit plus rapide?
− Bien sûr. Tu me l'envoies dans la journée?
− Ça y est, c'est parti. Prends le temps de bien
le lire, et n'hésite pas à me rappeler si tu as
des questions.
− OK. Rendez vous donc le trois Mars. Merci
de m'avoir consacré du temps.
− De rien . Passe une bonne journée. Tchao.
− Bye...
Et Quitterie raccrocha.
Quand la conversation fut terminée, Quitterie
mesura ce qu'elle venait de faire, et les conséquences
qui allaient en découler: elle venait de s'inscrire à
une course de motos. Pour l'instant , rien n'était
officiel, mais dans son esprit, c'était sûr et certain. Il
est vrai que , jusque là, elle avait toujours eu des
24
Quitterie et l’ EvaCup
idées plus ou moins farfelues, mais de là à faire de la
compétition moto...Elle venait de franchir un cap.
Mais elle était sûre d'elle, et surtout, déterminée: elle
allait faire ces deux courses, coûte que coûte...
Il allait falloir jouer serré, car elle n'avait pas
beaucoup de temps devant elle. Tout d'abord, elle
devait changer de moto rapidement. Puis s 'équiper
pour rouler sur la piste, et suivre des cours de
pilotage. Et surtout, il fallait qu'elle trouve le moyen
de se dégager du temps pour s'entraîner et se
préparer à la course. Ça n'allait pas être une mince
affaire. Mais rien d'insurmontable pour une
optimiste de son acabit.
Première chose, et pas des moindres, trouver la
moto de ses rêves . Pour cela, il allait falloir qu'elle
consulte Internet, pour savoir quel modèle choisir
exactement. Car, c'est bien beau de vouloir une
Ducati Mostro, mais il y a plusieurs modèles. Restait
à trouver le bon.
Reposant le téléphone , elle monta l'escalier pour
aller dans sa chambre. Comme souvent quand elle
était distraite, elle se trompa de pieds pour la
première marche et faillit tomber. Elle repartit du
bon pied, et une fois arrivée sur le palier, Quitterie
regarda d'un air critique son domaine. Effectivement,
25
Quitterie et l’ EvaCup
il était grand temps qu'elle s'essaye au sport moto.
Elle avait ramené de chez ses parents une bonne
partie des meubles de sa chambre. A l'adolescence,
elle avait repeint son mobilier aux effigies des
marques de moto qu'elle affectionnait. Son bureau et
sa chaise étaient rouge et blanc , en l'honneur des
Ducati, sa lampe de bureau et sa lampe de chevet
étaient bleues et blanches pour symboliser Suzuki.
Son tapis était bleu, comme les Yamaha, et sa table
de chevet était verte, comme les Kawasaki. Elle
avait un tapis de souris siglé Honda posé sur son
bureau... Le tout constituait un ensemble assez
étrange, mais en harmonie avec elle. C'est pourquoi
elle se sentait si bien dans son domaine. Elle
s'installât à son bureau, ouvrit son Mac portable et le
mit en route. Une fois le processus terminé, elle
commença par mettre sa web radio en route. Grâce à
Internet, elle pouvait écouter des radios du monde
entier. Pour l'instant , elle écoutait une radio de rock
alternatif de Cleveland qui lui avait fait découvrir de
très bons groupes, et du coup, elle s'était procurée
leur musique. Une fois la radio lancée, Quitterie se
rappela le CD qu'elle avait mis en route en bas et elle
se rendit compte qu'elle avait aussi oublié sa revue .
Elle descendit donc les escaliers, sans se tromper de
26
Quitterie et l’ EvaCup
pied cette fois, éteignit la chaine, attrapa sa revue au
passage et remonta dans sa chambre.
27
Quitterie et l’ EvaCup
3
Installée à son bureau, Quitterie commença par
regarder les petites annonces de sa revue, dans le but
de revendre sa « dom ». Déçue, mais pas trop
étonnée, elle ne vit pas une seule annonce de vente
d'une moto comme la sienne. Il y avait bien des trails
à vendre, mais il s'agissait de petites cylindrées. Il
faut bien avouer que ces motos n'avaient plus trop la
côte ces dernières années. Par contre, elle ne vit pas
plus d'annonces pour l'achat d'une Ducati Mostro.
Elle referma sa revue , la mit de côté, et alla surfer
sur les sites de petites annonces. Car elle devait
faire les choses dans l'ordre. Tout d'abord, il fallait
qu'elle vende sa propre moto, et le mieux possible.
Elle commença par regarder la côte de sa moto, puis
les prix pratiqués par les vendeurs. Le panel des
ventes de « dom » n'était pas très grand, mais elle
réussit quand même à se faire une idée du prix
qu'elle pourrait en demander. Sa moto était en très
bon état. Elle faisait elle-même l'entretien courant,
car elle aimait ça, et en plus, cela ne lui prenait pas
beaucoup de temps. Elle savait presque tout faire,
28
Quitterie et l’ EvaCup
grâce à son grand-père, qui était un passionné de
moteurs. Il lui avait appris à vidanger son moteur ( la
base), régler ses soupapes, vidanger les freins,
changer les plaquettes,
tendre et changer sa
chaine ... Ce qui fait qu'elle savait à peu près se
débrouiller. Il fallait juste qu'elle la lave, car depuis
qu'elle dormait dans la grange avec le sol en terre
battue, elle n'était pas un exemple de moto
rutilante... Elle se doutait bien que sa moto devrait,
normalement, partir assez rapidement, et à un prix
tout à fait correct. Mais il fallait tout de même
trouver un acheteur, ce qui était certainement la
chose la plus compliquée du moment...
Maintenant, il fallait qu'elle sache quelle Ducati
Mostro acheter, et surtout, de quel budget elle avait
besoin. Elle se leva, alla au pied de son lit, et y
trouva plusieurs revues de motos. Elle s'assit en
tailleur sur son tapis bleu Yamaha, et commença à
les feuilleter, dans l'espoir d'y trouver un article sur
sa future monture. Elle était persuadée d'avoir lu
quelque chose sur les Ducati il n'y avait pas si
longtemps que ça. Au bout de la quinzième revue,
elle trouva enfin un article sur la marque de
Bologne. Manque de chance, ils ne parlaient pas de
la Mostro, mais uniquement de l'usine de fabrication
29
Quitterie et l’ EvaCup
des motos, car les journalistes l'avaient visitée.
Quelques minutes plus tard, elle trouva un autre
article qui cette fois parlait de la rencontre mondiale
de tous les Ducatistes en Italie: les World Ducati
Week qui se déroulaient sur quatre jours . Sur place,
on pouvait rencontrer des ducatistes du monde
entier, les pilotes émérites de la marque, faire des
essais de motos, et rouler sur le circuit de Misano.
Quitterie se voyait déjà, au milieu de cette marée
rouge, avec son Mostro, rouge aussi, couleur
emblématique de cette marque. Ressaisis-toi,
Quitterie, pour l'instant ce rêve est encore moins
accessible que la course EvaCup. Elle continua à
feuilleter les autres magazines. Mais elle ne trouva
rien d'autre sur la moto de ses rêves. Elle se leva, et
faillit tomber. Elle avait des fourmis dans une jambe,
et ne pouvait pas s'appuyer dessus. Elle s'écroula sur
son lit. Au moment où elle s'asseyait , elle entendit le
craquement particulier que fait une revue quand on
l'écrase. Elle se décala, et l'attrapa . C'était celle
qu'elle cherchait... Celle qui parlait de la saga des
Mostro... Oubliées les fourmis dans la jambe. Elle se
mit à plat ventre et alla directement à la page
indiquée dans la table des matières. Et là, l'histoire
des Mostro était toute retracée.
30
Quitterie et l’ EvaCup
Les concessionnaires réclamaient depuis longtemps
une moto sans carénage. C'est comme ça qu' était
née cette moto toute simple, pourvue d'un bon
châssis, d'un moteur coupleux et d'une esthétique
exceptionnelle. Cette machine devait donner l'envie
de se mettre dessus rien qu'en la voyant. Pari gagné:
elle ne laissait personne indifférent. Le premier
modèle de la gamme fut d'abord un 900 centimètres
cubes en 1993. Il était pourvu du cadre treillis
tubulaire des 851 et 888, qui étaient les motos
sportives de l'époque, et du moteur de la 900 SS. Par
contre, elle avait un pignon de sortie de boite plus
court pour bénéficier d'un meilleur couple, et donc
de plus de caractère. Sa suspension arrière et son
bras oscillant provenaient aussi de la 851. Il
s'agissait d'une moto très physique à piloter.
Un an après, cette 900 Mostro sera suivie d'un 600
Mostro, conçu plus spécialement pour le marché des
jeunes permis en Angleterre. A l'inverse de sa grande
sœur, elle n'est pas un monstre de puissance ( il lui
manque pas moins de vingt chevaux) , mais elle a
tout de même beaucoup de couple. De plus, elle est
pratique, facile à entretenir, et elle est à l’aise en
milieu urbain.
Avec l'apparition de la 750 centimètres cubes, quatre
ans après la 900 , Ducati trouva le créneau pile entre
31
Quitterie et l’ EvaCup
les deux modèles précédents. Elle était beaucoup
moins violente que la 900, mais avec plus de
caractère que la 600. Et elle était tout aussi bien
équipée que sa grande sœur. Elle était tout de même
pourvue d'une fourche inversée Marzocchi, et de
jantes à trois branches Brembo. Côté freinage, la 750
n'était pas à la peine, car elle héritait de deux disques
de trois cent vingt millimètres avec des étriers à
quatre pistons à l'avant , et d'un disque de deux cent
quarante cinq millimètres à l'arrière, muni d'un étrier
à deux pistons. Le tout étant bien entendu de la
marque Brembo. Quand au moteur, il avait une
puissance de soixante-quatre chevaux, et un couple
de six virgule trois mètres kilos à six mille cinq cent
tours par minute. Le cadre treillis tubulaire était un
dérivé des motos de SuperBike. Le réservoir avait
une capacité de quinze litres, dont trois litres et demi
de réserve. Quand à son poids, il était de cent
soixante dix neufs kilos.
Après, restait à voir si elle prenait un moteur à
carburateurs ou à injection. L'injection permettait de
moins consommer, mais en contre partie, le moteur
était un peu aseptisé. Sur ce point, Quitterie n'avait
pas vraiment d'avis tranché. Elle prendrait ce qui
viendrait...
32
Quitterie et l’ EvaCup
En conclusion , il s'agissait de trois motos tout à fait
exceptionnelles, tant par leur aspect physique, que
par leur équipement. La 600 était une excellente
machine pour débuter, ou pour se faire plaisir sans
trop rechercher la puissance. La 900 était une brute
extraordinaire, qu'il fallait être capable de maîtriser.
Quand à la 750 , elle avait su gommer l'aspect
brutale de la 900 , et l'aspect manque de puissance
de la 600 . Comme sa cylindrée le laissait sousentendre, elle était parfaite.
Quitterie se releva, et partit
avec sa revue
s'installer à son bureau. Son choix était fait, ce serait
une Ducati 750 Mostro. Car, après réflexion, elle
avait un peu peur de s'ennuyer au guidon de la 600 ,
et elle craignait de ne pas arriver à maîtriser la
fougueuse 900 . Restait à savoir s'il y en avait , et
qui plus est, dans ses prix.
Elle se mit à farfouiller sur le net, et s'aperçut bien
vite que la 750 centimètres cubes avait eu son petit
succès. Ce qui la rassura un peu, car , comme cela,
elle se dit qu'il y en aurait plus à vendre. De là, elle
alla voir les sites officiels pour connaître la côte de
cette moto. Le prix moyen qu'elle lût lui fit plaisir. Il
était dans la fourchette qu'elle s'était donnée. Restait
33
Quitterie et l’ EvaCup
à savoir si la côte était réaliste ou si le marché en
avait décidé autrement...
Quitterie alla donc voir les sites de petites annonces,
et là, surprise, pas de 750 Mostro à vendre... Il n'y
avait pas non plus de 900 en vente. Juste une ou
deux 600 , tout au plus. À croire que toutes les
personnes qui avaient ces modèles voulaient les
garder...
Changeant de tactique, et voulant en savoir plus sur
la fiabilité des Ducati, Quitterie partit à la recherche
de forums parlant de cette marque de motos. Car les
Ducati n'avaient tout de même pas une réputation de
motos très fiables, bien au contraire. ..
Elle trouva un forum ou les avis semblaient censés.
Elle commença par visiter toutes les rubriques, pour
voir de quoi il en retournait. Très vite, elle s'aperçut
que les forumeurs étaient de drôles de personnages.
Certains étaient extrêmement calés en mécanique
pure, d'autres sur les balades à faire aux quatre coins
de ce pays, d'autres encore qui préféraient le pilotage
sur circuit, et certains qui préféraient dire des
blagues et rigoler... Et tout cela dans un bon esprit .
Personne n'était avare de conseils, plus ou moins de
mauvaise fois , bien entendu...Enfin , des gens qui
ressemblaient à tout le monde en fait.
34
Quitterie et l’ EvaCup
Dans la section motos, elle lut l'avis des gens sur
leur monture. Certains les avaient amenés au-delà
des cent mille kilomètres sans aucun problème. Mais
il y avait tout de même une constante dans tout ce
qui se disait: l'entretien devait être fait très
régulièrement, sinon cela pouvait vitre tourner à la
catastrophe. Mais ce conseil était valable pour
n'importe quel type de véhicules.
Puis Quitterie alla voir la section Pistards. Elle ne
comprit pas grand chose aux propos échangés. Ils
parlaient d'araignées, de protection carbone et
kevlar, de prépas, de réglages divers et variés, de
polys...
Elle se sentit abattue devant son manque de
connaissance en la matière...
Mais bon , Alice avait parlé d'une réunion le trois
Mars. Elle verrait bien sur place. Mais en attendant,
il allait bien falloir qu'elle s'y connaisse un peu
quand même.
Elle se remit à pianoter sur son ordinateur pour
trouver de quoi tous ces gens pouvaient bien parler.
A force de fouiller, elle finit par comprendre une
partie des termes techniques employés.
Au bout d'un moment, elle commença à être gelée, à
force d'être assise devant son ordinateur. Elle
35
Quitterie et l’ EvaCup
repoussa sa chaise, prit sa grosse veste en laine qui
était posée sur le dossier, et descendit se faire une
tasse de thé. Cette petite pause lui permettrait de
réfléchir à son projet. Comment vendre sa moto et en
trouver une autre assez rapidement? Comment
comprendre le langage spécial piste? Elle mit une
casserole d'eau à chauffer, et tout en regardant l'eau
qui commençait à arriver à ébullition, elle eut
soudain une idée: pourquoi n'avait elle pas pensé à
consulter les pages jaunes, de façon à trouver tous
les vendeurs de motos de la région?
Tout en se maudissant de n'avoir pas eu cette idée
plus tôt, elle mit l'eau chaude dans sa tasse avec un
sachet de thé à la menthe et un sucre, puis remonta à
toute vitesse à son bureau.
Effectivement,
elle trouva de nombreux
professionnels , dont certains avaient la bonne idée
d'avoir un site internet sur lequel étaient présentées
les occasions. Elle consulta immédiatement leur site,
de façon à savoir à quoi s'en tenir rapidement. Elle
finit par trouver trois magasins qui avaient des
Ducati 750 Mostro.
Elle prit son téléphone, et joignit le premier d'entre
eux. Manque de chance, ils venaient juste de la
vendre. Le client devait passer la prendre dans la
soirée.
36
Quitterie et l’ EvaCup
Heureusement, les deux autres magasins les avaient
toujours. Elle décida de s'y rendre en début d'aprèsmidi, de façon à ne pas laisser passer une affaire, si
affaire il y avait....
37
Quitterie et l’ EvaCup
4
Pour le coup, elle était remontée comme une
pendule. Il lui tardait d'y aller . Quand il fut quatorze
heures, elle enfila rapidement son blouson en cuir,
son casque , sans oublier son éternel bandana. Si elle
partait sans ce fameux petit carré de tissu, elle était
persuadée que quelque chose allait mal se passer... Il
lui était indispensable. Elle prit ses gants, ses clés ,
et partit dans la grange, retrouver sa moto. Elle la
débâcha, la sortit et la mit en route. Premier coup de
démarreur, rien... Mince, la batterie... C'est vrai
qu'elle lui paraissait faiblarde ces derniers temps. Et
le froid n'arrangeait rien, bien au contraire. Au
deuxième coup, un poil plus de vie , mais toujours
pas suffisamment pour démarrer... Au bout de la
quatrième fois, Quitterie se résigna à sortir le kick.
Heureusement qu'elle avait réussi à trouver ce
millésime de motos, car il n'avait duré qu'un an, avec
le double système de démarrage: le kick et le
démarreur électrique. C ' était bien pratique quand la
batterie commençait à lâcher. Debout sur la moto
béquillée, Quitterie sortit le kick de son logement, à
38
Quitterie et l’ EvaCup
droite du moteur. Elle l' enfonça légèrement, jusqu'à
sentir la compression , le laissa remonter, puis elle
appuya de toutes ses forces dessus, et le moteur
toussa, comme s'il était noyé. Elle coupa donc
l'essence, et recommença. GAGNE!!! Le moteur
démarra aussitôt. Elle descendit de la moto, ralluma
le robinet d'essence, et mit son casque et ses gants
pendant que le moteur ronronnait tranquillement.
Elle enfourcha sa moto , la débéquilla, enclencha la
première, ouvrit doucement la poignée des gaz, et
partit en direction de la première adresse qu'elle
avait notée.
Elle était si heureuse de faire de la moto, qu'elle
rallongeât son trajet , juste pour le plaisir de rouler,
et de se sentir vivante. Elle s'enivrait de toutes les
odeurs, et de toutes les sensations qu'elle retrouvait à
chaque fois. Un peu comme si elle les avait oubliées
sur la route un petit moment, trop dépassée par le
quotidien.
Arrivée à la concession, elle se gara , enleva son
casque , et commença à déambuler au milieu des
motos. Elle découvrit enfin la moto de ses rêves au
fond de la lignée. Mais une vision d'horreur se
présenta à son regard...Elle était sale à faire peur. Il y
avait un carton glissé sous la moto, avec une
39
Quitterie et l’ EvaCup
magnifique tache d'huile dessus... Quitterie fit tout
de même le tour de la moto. Quelle déception! Elle
était dans un piteux état: la selle trouée, les leviers
piqués de rouille, les échappements
percés, et
comble de tout, elle était rose bonbon... Ah, ils ne
s'en étaient pas vantés sur le site.. C'est aussi ce qui
expliquait qu'elle n'avait pas vu de photos...
Un vendeur s'approcha de Quitterie et lui dit:
− Vous savez, c'est une pièce très rare, et en
plus, elle a très peu de kilomètres. C'est
vraiment une affaire à ne pas manquer.
− Et le carton, dessous?... demanda Quitterie,
en toute innocence.
− Heu... C'était pour une moto qui était à côté,
et que nous venons de vendre. Ne vous
inquiétez pas. Nous ne sommes pas comme
tous ces vendeurs qui ne cherchent
qu'à
vous rouler. Chez nous, nous avons une haute
opinion du client.
− Et la petite goutte d'huile que je viens de voir
tomber du moteur, elle vient aussi de la moto
que vous venez de vendre, bien entendu?
répondit Quitterie , un tantinet énervée.
− Vous savez, on vous fait un très bon prix sur
cette moto, et en plus on vous la révise
gratuitement si vous voulez.
40
Quitterie et l’ EvaCup
− Non merci. Je n'en veux pas de votre
poubelle. Trouvez un autre pigeon pour
l'acheter.
Sur ces paroles, Quitterie repartit, furieuse d'avoir
été prise pour une gourde. Elle mit son casque, fit
démarrer sa moto, et partit sur les chapeaux de
roues. Elle bouillait de rage. Non seulement la moto
était pourrie, absolument pas entretenue, mais en
plus on la prenait pour une gourde. Elle allait leur
faire une sacré pub, à ceux là. Ses recherches
démarraient vraiment très mal...
Elle arriva au deuxième magasin, toujours en colère,
mais un peu calmée tout de même, par le simple fait
d'avoir piloté sa belle.
Quelle ne fut pas sa surprise quand elle arriva devant
la devanture: c'était un bâtiment sur quatre étages,
qui ne vendait que des occasions et des
accessoires.... Le paradis du motard en quelque
sorte.
Il y avait toutes sortes de motos, et de toutes les
marques. Elle se gara, enleva son casque, et poussa
la porte.
Au rez-de-chaussée, Quitterie vit des HarleyDavidson côtoyant des Vespa et des Royal Enfield.
41
Quitterie et l’ EvaCup
Elle monta l'escalier en fer, qui lui rappelait les
stations de ski, et se retrouva au premier étage. Là, le
mélange était un peu moins hétéroclite. Les motos
étaient toutes plus ou moins typées pour le toutterrain. Elle reconnut une Honda XR, une Yamaha
TT...
Au deuxième étage, il s'agissait plutôt de motos
sportives, comme des Suzuki GSXR, des Kawasaki
Ninja...
Enfin, au troisième étage, la majorité des motos
qu'elle voyait étaient des roadsters, c'est-à-dire des
motos ayant un moteur puissant, mais dépourvues
de carénage. Elle s'arrêta au bout de deux pas, pour
essayer de voir si elle apercevait une Ducati. Elle
distingua un réservoir rouge avec une forme bien
particulière, et se dirigea immédiatement vers celuici. Elle aurait reconnu cette moto entre mille. Sa
forme bien particulière, dessinée par Michel Angel
Galuzzi, un designer Argentin, était unique. Elle ne
fit même pas attention aux autres motos pendant
qu'elle traversait l'étage d'un pas décidé. A peine
arrivée devant, Quitterie en tomba amoureuse: un
vrai coup de foudre. Elle était magnifique dans sa
robe rouge et son cadre treillis gris. C'était
exactement la moto qu'elle cherchait.
42
Quitterie et l’ EvaCup
Elle en fit le tour, tout en ayant une main possessive
sur elle, et ne vit rien qui clochait: pas de fuites
d'huile au niveau du moteur, pas de traces de rouille,
et le moteur ne semblait pas être trop piqué. Elle
paraissait, extérieurement , en excellent état. Elle
remarqua quand même que la chaine n'avait pas été
graissée depuis très longtemps et qu'elle semblait
détendue. Mais bon, ça pouvait quand même aller.
Par contre, elle décela une fuite d'huile au niveau du
joint spi de la fourche. A voir avec le vendeur...
Ce dernier, la voyant tourner autour de la moto
s'approcha d'elle:
− Bonjour, est-ce que je peux vous renseigner?
− Oui, j'aimerai en connaître un peu plus sur
cette moto...
− C'est une occasion que nous venons de
rentrer il y a une quinzaine de jours. C'est un
modèle à injection. Il date de 2002. Son
propriétaire précédent ne s'en servait que les
jours de grand beau temps, car il ne
concevait pas la moto autrement.
− Et avant lui?
− Il y a eu un autre propriétaire, mais je n'en
sais pas plus.
− Ok. Et au niveau de l'entretien???
43
Quitterie et l’ EvaCup
− Les révisions ont toujours été faites en temps
et en heure. J'ai le carnet d'entretien qui
l'atteste, si vous voulez le voir...
− C'est bizarre, car il me semble qu'il y a une
fuite d'huile au niveau de la fourche.
− Montrez-moi ça...
Quitterie s'exécuta aussitôt. Le vendeur regarda, puis
lui dit d'attendre deux minutes. Il revint presque
aussitôt avec un essuie-tout. Il essuya le fourreau ,
appuya de tout son poids sur la fourche, et regarda
de nouveau. Effectivement, il y avait une petite
fuite...
− Je vois, c'est le joint spi qui doit être mort.
− C'est ce que je pensais aussi...
− Est-ce que vous aimeriez l'essayer???
− C'est possible? répondit Quitterie pleine
d'espoir.
− Bien sûr. Je vous fais remplir les papiers pour
l'essai, et vous me laissez un chèque de
caution...
Heureusement que, pour une fois, Quitterie avait
pensé à son chéquier. En général, elle ne l'amenait
jamais avec elle. Mais , tout à l'heure, en partant, elle
l'avait vu sur son bureau. Elle avait décidé de le
44
Quitterie et l’ EvaCup
prendre, sans trop savoir pourquoi. Maintenant elle
avait compris la raison de son geste.
Une fois les papiers remplis et le chèque établi,
Quitterie sortit du magasin. Elle attendit dehors,
fébrile, que la moto qu'elle avait toujours rêvé de
piloter sorte de l'atelier. Quand elle la vit arriver,
poussée par le vendeur, elle en eut des sueurs dans le
dos et des palpitations dans la poitrine. Arrivé devant
elle, il béquilla la moto et tourna la clé dans le
Neiman pour mettre la moto en route. Une fois la
pompe à essence lancée, il appuya sur le démarreur.
La moto toussa, mais ne démarra pas. Quitterie
commença à s'inquiéter, car là, il n'y avait pas de
kick pour rattraper la batterie faiblarde... Enfin,
après plusieurs hésitations, le moteur se mit en route.
Ce bruit rauque la fit frissonner de bonheur. Quand
le vendeur lui fit signe qu'elle pouvait monter sur la
moto, elle ressentit ce petit picotement au ventre,
signe d'appréhension et de grand bonheur en même
temps. Elle mit son bandana sur le nez, enfila son
casque et ses gants, et enfourcha la moto. A sa
grande surprise, ses deux pieds étaient quasi à plat,
ce qui n'était pas le cas sur son 'Dom'. Sur cette
dernière, elle n'atteignait le sol que du bout des
orteils, ce qui était un peu juste dans certaines
situations. Cela la mit en confiance tout de suite.
45
Quitterie et l’ EvaCup
Elle passa la première, reconnaissable à son
« clong », lâcha lentement l'embrayage, et ouvrit
doucement la poignée des gaz. Le magnifique bruit
des échappements augmenta petit à petit, et Quitterie
se trouva transportée dans un autre monde. Elle
franchit le portail de la concession , et sur les
conseils du vendeur, partit sur les petites routes. A ce
moment là, elle eut une révélation: cette moto était
taillée pour elle. Toutes les commandes étaient
positionnées exactement comme il fallait. Cette
moto était un pur bonheur. Elle allait là où le pilote
voulait l'amener: un vrai vélo. Quitterie faisait corps
avec elle. Ses genoux étaient bien positionnés dans
l'échancrure du réservoir, son buste n'était pas trop
en avant, ses jambes n'étaient pas trop pliées... Tout
était parfait. Elle était en totale harmonie avec sa
monture. Oubliée la « dom » de ses débuts.
Quand elle se rendit compte de l'heure , elle rentra
vite fait à la concession, déçue que ce soit déjà
terminé. La demi-heure d'essai était passée comme
un éclair.
Elle béquilla la moto, et en descendit à regret. Elle
était en totale osmose avec cette moto. Elle laissa sa
main courir encore un peu sur ses flancs avant d'aller
discuter avec le vendeur qui l'attendait.
46
Quitterie et l’ EvaCup
− Alors? Demanda-t' il quand elle eut enlevée
son casque.
− Elle est extraordinaire. C'est exactement ce
que je recherche. Quel dommage que l'essai
soit si cours...
− Effectivement, c'est une excellente moto.
Elle est vraiment différente des autres. Si elle
vous intéresse et que vous la prenez tout de
suite, nous pourrons vous faire un bon prix...
− Pour sûr qu'elle m'intéresse, mais est-ce que
vous faîtes des reprises?
− Bien sûr. Quelle est la moto à reprendre?
− Il s'agit d'une Honda Dominator. Elle est un
peu poussiéreuse car elle dort dans une
grange, mais elle tourne comme une horloge.
− Vous avez son carnet d'entretien?
− Non, car elle n'en avait pas quand je l'ai
achetée. Par contre, c'est moi qui fait tout
l'entretien , avec l'aide de mon grand-père. J '
ai inscrit tout ce que j'ai fait dessus dans un
carnet que je vous laisserai.
Tout en bavardant, ils se dirigèrent vers la moto.
Quitterie lui montra sa Dominator. Le vendeur en fit
le tour, et il lui demanda de la faire démarrer. Cette
fois, le moteur ne se fit pas prier... Il démarra au
47
Quitterie et l’ EvaCup
quart de tour. Le vendeur écouta le moteur
religieusement, puis lui fit une proposition. Après
avoir un peu marchandés, à la fois pour l'achat et
pour la reprise, ils trouvèrent un accord acceptable,
et l'affaire fut conclue. Cette fois, Quitterie retourna
dans le bureau du vendeur, mais pour acheter son
petit Monstre. Elle allait enfin pouvoir accéder à son
rêve. Le vendeur voulait faire réparer le joint spi
avant de la lui donner , et faire une petite révision.
Elle pourrait récupérer la moto dans une semaine. Ça
lui laisserait le temps de nettoyer à fond sa chère
« dom » qui allait devoir la quitter.
48
Quitterie et l’ EvaCup
5
De retour chez elle , à peine après avoir enlevé son
casque et ses gants, Quitterie sauta sur le téléphone.
Elle devait absolument annoncer cette nouvelle à son
Grand-père. Elle était très complice avec ce dernier.
Quand elle était petite, elle passait toutes ses
vacances chez ses grands-parents pendant que ses
parents travaillaient. Et elle ne quittait pas son Grand
-père d'une semelle. Tous les matins, elle se levait tôt
pour l'aider dans le jardin, et
ensuite, ils se
dirigeaient vers l'atelier. C'était une vraie caverne
d'Ali-Baba. Il y avait des machines outils que son
grand-père avait récupéré et remis en route, des
moteurs démontés, des pièces de rechange, des
véhicules à revoir... Et ce que Quitterie aimait pardessus tout , c'était l'odeur qui émanait de cet
endroit: une odeur de graisse moteur, d'huile chaude
et de bois, car son grand-père aimait beaucoup aussi
travailler le bois. Il avait conçu de nombreux petits
meubles qu'il donnait ensuite. Grâce à son savoirfaire, Quitterie avait appris beaucoup sur la
mécanique. Il était toujours d'un calme olympien et
49
Quitterie et l’ EvaCup
lui permettait de l'aider, dans la mesure de ses
compétences. Grâce à lui, elle se débrouillait très
bien en mécanique. Il l'avait habituée à écouter les
moteurs pour savoir ce qui n'allait pas, et
maintenant, elle était capable de diagnostiquer une
panne
juste à l'oreille . Autant elle adorait la
mécanique, autant elle n'aimait pas trop le travail du
bois...
Après plusieurs sonneries la voix calme et posée de
son grand-père répondit.
− Bonjour, Grand-père, c'est Quitterie à
l'appareil...
− Oh, ma petite Quitterie, comment vas-tu?
− Très bien. Il fallait absolument que je te dise
quelque chose...
− Tu as un petit fiancé... , la taquina son Grandpère.
− Mais non, Grand-père, c'est beaucoup moins
grave que ça. Je viens de m'inscrire à une
course de motos.
− Tu as fait quoi? S'étouffa presque son Grandpère.
− Je me suis inscrite à une course de motos qui
aura lieu en Juin, et pour ça, je viens de
m'acheter une nouvelle moto, lui déclara
t'elle d'une traite.
50
Quitterie et l’ EvaCup
− En plus de ta Dom?
− Non, je l'ai revendue. Je ne pouvais pas avoir
deux motos.
− Mais pourquoi ne coures-tu pas avec ta
Dom? demanda son grand-père qui,
décidément n'y comprenait plus rien.
− Parce que , non seulement elle n'est pas du
tout adaptée à la conduite sur circuit, mais en
plus, elle est trop vieille. Il me faut
obligatoirement une moto de moins de dix
ans.
− Si j'ai bien tout compris, il s'agit d'une course
de vitesse, reprit son grand-père, de plus en
plus ahuri.
− Oui...
− Et quelle moto as-tu donc achetée?
− Une Ducati 750 Mostro.
− Je ne connais pas.
− Mais si, tu as très certainement dû en voir.
C'est un roadster, et je l'adore.
− C'est bien là le plus important. Ca me
rappelle que lorsque j'avais à peu près ton
âge, j'avais aussi une Ducati. Plus
exactement un 250 Scrambler. J'adorais cette
moto, même si elle m'en faisait voir de toutes
les couleurs...
51
Quitterie et l’ EvaCup
− Tu ne m'avais jamais parlé que tu savais
piloter des motos...
− Ca a duré un temps, puis j'ai arrêté, pour tout
un tas de mauvaises raisons.
− Donc, Ducati est un très bon choix?
Questionna Quitterie.
− Je dirai plutôt que c'est un choix passionnel.
Et tu connais l'adage: qui veut aller loin
ménage sa monture.
− C'est déjà ce que je faisais avec la Dom,
répliqua Quitterie, vexée.
− Je sais, mais la réputation des Ducati n'est
pas forcément excellente. A toi de faire en
sorte de prouver le contraire en t'occupant
vraiment bien de ta moto.
− C'est bien ce que je comptais faire...
− Pour changer de sujet, as-tu réussi à revendre
ta Dom?
− Oui, le concessionnaire chez qui j'ai acheté la
Mostro m'a repris ma Dom.
− Et tu as déjà ta nouvelle moto?
− Je ne l'aurai que samedi, car ils doivent
changer le joint spi de la fourche, et faire une
petite révision.
52
Quitterie et l’ EvaCup
− J'espère qu'ils s'y connaissent bien, et qu'ils
ne vont pas faire n'importe quoi, surtout avec
une Ducati.
− Ils m'ont l'air sérieux. Et je verrai bien
samedi. Et justement, je voulais savoir si tu
pouvais passer samedi après-midi avec
grand-mère pour me dire ce que tu en penses.
− Ta grand-mère écoute et me dit qu'il n'y a
aucun problème pour samedi. Mais il faut
que l'on soit bien d'accord, je ne fais que jeter
un oeil, c'est tout.
− Qu'est-ce que tu sous-entends par là,
demanda Quitterie en toute innocence.
− Qu'il n'est pas question que je touche à ta
moto. Tu t'es inscrite à une course, tu dois
donc la connaître sur le bout des doigts.
− Tu pourras quand même me conseiller un
peu?
− Bien sûr, mais je ne mettrais pas mes mains
dans le cambouis...
− D'accord, ça me va.
− Une chose me turlupine quand même.
Pourquoi une 750 centimètres cubes?
− Tout simplement parce qu'elle existe en 600,
750, et 900. J'ai lu pas mal de forums ces
derniers temps, car ça fait un moment que je
53
Quitterie et l’ EvaCup
veux une Ducati. Suite à ces lectures, j'en ai
conclu que la 900 serait certainement trop
brutale pour moi, que la 600 risquait d'être
un peu trop fade par rapport à mon caractère.
Il ne me restait plus que la 750.
− Pourquoi pas, répondit son grand-père. C'est
un argument comme un autre.
− Bon alors à samedi. Je vous embrasse tous
les deux dit Quitterie, et elle raccrocha le
combiné.
Un sourire flottant sur ses lèvres, elle finit d'enlever
son blouson. Son avenir prenait une tournure qu'elle
affectionnait tout particulièrement...
A peine avait-elle fini d'accrocher son blouson que la
porte d'entrée s'ouvrit.
Sonia entra, et la trouva dans l'entrée, son casque à
ses pieds et les gants dans les mains.
Comme à son habitude, elle était très élégante. Elle
portait un pantalon de bonne coupe dans les tons
bruns, et avait associé un pull à col roulé turquoise.
Cette couleur rehaussait son teint pâle de rouquine et
mettait en valeur ses yeux bleus. Elle était chaussée
d'élégantes bottines en cuir noir à talons. Elle avait
attaché , ou plutôt, tenté d'attacher , sa crinière
rousse avec une pince noire, qui rappelait la couleur
54
Quitterie et l’ EvaCup
de ses chaussures. Tout n'était qu' harmonie dans ses
choix vestimentaires et d'accessoires. Il n'y avait pas
de place pour l'improvisation. Avec Quitterie, elles
avaient le même gabarit, ce qui fait qu'elles
pouvaient s'échanger leurs vêtements. Même si, dans
la réalité, c'était plus souvent Quitterie qui allait dans
la penderie de Sonia que l'inverse...
Sonia la regarda droit dans les yeux, et lui dit:
− Toi, tu as fait une bêtise. Ça se lit dans ton
regard.
− Non, pas du tout, lui répondit Quitterie, avec
un sourire jusqu'aux oreilles.
− Alors, dis-moi pourquoi tu as ton casque et
tes gants. On te dirait prête à partir sur ton
fidèle destrier...
− Je viens juste de le ramener à l'écurie, suite à
une longue balade d'adieu.
− Mais je croyais que tu étais trop fatiguée
pour faire quoi que ce soit aujourd'hui?
Répondit Sonia, sans relever la fin de la
phrase de Quitterie
− C'était vrai au moment où tu m'as téléphoné.
Mais après, j'ai lu un article invraisemblable,
qui m'a littéralement donné un coup de pied
au c..
− Et ça parlait de quoi au juste , cet article.
55
Quitterie et l’ EvaCup
− Viens, je vais te le faire lire. Il est très cours.
Sonia finit de se mettre à l'aise et alla au salon. Elle
s'installa sur le divan, pendant que Quitterie fonçait
dans sa chambre pour chercher la revue qu'elle avait
laissée sur son lit. Elle redescendit , l'ouvrit à la
bonne page et la tendit à Sonia, en pointant du doigt
l'article. Sonia le lut, écarquilla les yeux, et lui dit:
− Ne me dis pas que tu l'as fait...
− Si...
− Tu es complètement malade! Tu t'es engagée
dans une course de motos?
− Oui...
− Mais tu n'y connais rien! C'est super
dangereux. Je te reconnais bien là, c'est du
toi tout craché.... S'engager dans un truc
complètement taré.
− Tu sais bien que la moto est ma seule et
unique passion dans la vie. Et depuis que j'ai
vu cet article, je sais qu'il faut absolument
que je le fasse. Je dois tenter cette
expérience.
− Je t'envie d'avoir une telle passion, même si
je ne la comprends pas. Je ne vois pas trop ce
que tu recherches avec cette course...
56
Quitterie et l’ EvaCup
− A vivre, tout simplement. Et là, c'est une
occasion unique pour voir si j'aime ce monde
là, sans trop prendre de risques.
− Et tu vas faire la course avec ta moto?
− Non, et c'est justement de là que je rentre. Je
viens juste d'en acheter une nouvelle.
− Tu auras deux motos, alors...
− Euh, non... J'ai revendu la « dom » pour
m'acheter une Ducati.
− Et ça ressemble à quoi...
− Tiens regarde, en voilà une, lui montra
Quitterie en sortant de son dos la revue qui
retraçait la saga des Mostro.
− Oh la vache, elle est magnifique. Et elle est
de quelle couleur?
− Rouge, sa couleur originelle...
− Et tu l'as quand, ta nouvelle moto?
− La semaine prochaine, car ils veulent la
réviser avant, et il y a une petite réparation à
faire dessus.
− Elle est déjà en panne?
− Non, juste un joint à changer. Pas grandchose. En attendant, il faut que je brique le
« dom », de façon à leur laisser une moto
nickel.
− Je te reconnais bien là.
57
Quitterie et l’ EvaCup
− Par contre j'ai une bonne nouvelle pour toi: je
vais avoir besoin de ton aide.
− Alors là, tu m'épates. Je ne vois pas trop en
quoi je pourrai t'être utile, étant donné que je
n'y connais rien en moto.
− Ne te sous-estime pas. Il va falloir que j'aille
faire du shopping.
− Alors là, je suis ton homme, ou plutôt ta
femme. Tu voudras aller dans quel magasin?
− Un tout nouveau magasin, où tu n'as jamais
mis les pieds.
− Impossible, je connais tous les magasins.
− Pas celui-ci. Il s'agit d'un magasin de motos,
car il va falloir que je m'équipe très
sérieusement. Il va notamment me falloir une
combinaison en cuir, des gants avec des
protections, et certainement d'autres choses
auxquelles je ne pense pas.
− Alors là, je suis partante. Ça me donnera
l'occasion de voir ce qu'ils vendent en dehors
des motos. J'espère qu'il y aura beaucoup de
choix au niveau des coloris...
− Ne te fais quand même pas trop d'illusion.
L'esprit moto est tout de même très masculin.
Alors au niveau coupe et choix des couleurs,
je ne sais pas trop à quoi m'attendre.
58
Quitterie et l’ EvaCup
Bon , on y va?
Où ça?
Ben, faire du shopping...
Mais ça n'est pas pour tout de suite...Avant
de me lancer tête baisée dans ce projet , je
vais assister à la réunion d'information qui
aura lieu le trois Mars. Tu voudrais bien y
aller avec moi?
− Ça peut être marrant. OK, ça marche pour
moi. On ira ensemble.
−
−
−
−
59
Quitterie et l’ EvaCup
6
La semaine suivante se déroula comme dans un rêve.
Quitterie passa son temps sur Internet pour se
renseigner sur le déroulement des courses de motos.
Elle trouva rapidement ce qu'elle cherchait, mais
devant la quantité incroyable de formules existantes,
elle prit peur... Comment s'y retrouver dans tout ce
fatras? Il y avait une multitude de courses et de
formules différentes. Et à chaque cas, il y avait une
licence pilote bien spécifique, et un règlement bien
précis, bien que commun à plusieurs formules...
Quitterie n'y comprenait plus rien... Elle était au
bord du désespoir, quand elle eut l'idée de consulter
le site de l' EvaCup. Manque de chances, le site était
encore en construction.
− Bon, réfléchissons, se dit Quitterie. Alice m'a
dit que la course se déroulerait sur le circuit
de Pau-Arnos. Je vais voir s'il y a un site
internet pour ce circuit.
Elle tapa le nom du circuit, et là, ce fut comme si
elle avait ouvert la caverne d' Ali-Baba. Il y avait
énormément de forums qui en parlaient, mais aussi
60
Quitterie et l’ EvaCup
des articles de presse, et enfin, le site du circuit à
proprement dit. Elle commença par ce dernier. Il
n'était pas extraordinaire, mais les photos la firent
rêver et l'apeurèrent en même temps. Le circuit se
trouvait au milieu de nulle part, en haut d'une
colline. Le club-house était en pierre de pays. Le
circuit était vallonné, et surtout, très technique. Il
avait de longues courbes rapides, des virages lents,
des lignes droites assez courtes, des virages en
aveugle... Le tout avec des
dévers positifs et
négatifs...
Elle se dit qu'il fallait être complètement fou pour
rouler là-dessus. C'était un coup à se tuer, mais ça
paraissait tellement bien... Elle en avait le ventre
serré tellement ça lui faisait envie et peur en même
temps...
Elle continua à lire le descriptif du circuit. Chaque
portion était détaillée. On commençait par un double
droit à rayon décroissant, qui montait jusqu'au point
de corde, puis redescendait pour se jeter dans un
petit gauche très rapide. Venait ensuite une courbe
rapide à gauche en montée, qui, bien prise,
permettait d'assurer correctement le double droit en
montée qui s'ensuivait. Venait ensuite, en descente
une courbe très rapide à droite, suivie d'une épingle
à gauche en montée. Après une toute petite ligne
61
Quitterie et l’ EvaCup
droite, venait un gauche droite très serré en descente.
Puis on attaquait une grande courbe en montée à
droite qui débouchait sur la voie des stands. Et là,
gros coeur en perspective, au bout de la ligne droite,
un droite gauche très rapide en aveugle...
Et tout ça sur seulement trois kilomètres...
Elle lut quelques articles de presse, puis se concentra
sur les forums. Entre eux , les motards le
surnommaient le circuit au gros cœur, car il ne fallait
pas avoir peur du droite gauche en bout de ligne
droite des stands. C'était le circuit où tout le monde
rêvait de poser ses roues, ou, pour ceux qui avaient
eu la chance de rouler dessus, d'y revenir dès que
possible.
Pour situer le circuit sur une carte, elle dut s'y
reprendre à plusieurs reprises, car le nom du village
était vraiment inscrit en tout petit. Heureusement, il
n'était pas trop loin de chez elle: un peu moins de
400 kilomètres...
Quand le samedi se décida enfin à arriver, Quitterie
était remontée comme une pile. Elle ne tenait plus en
place. Elle s'était levée à six heures du matin,
persuadée d'être en retard pour aller chercher sa
belle. Elle décida d'aller prendre son petit-déjeuner
62
Quitterie et l’ EvaCup
tout en lisant. Elle se servit son café, et attaqua ses
tartines tout en étant incapable de se concentrer sur
sa lecture. Elle referma son livre, en désespoir de
cause, et fila sous la douche. Vêtue de ses
inséparables Jean, Tee-shirt et pull bien confortable,
elle se décida à regarder l'heure. Mince , il était à
peine sept heures et la concession n'ouvrait qu'à
neuf heures trente. Encore deux heures et demie à
patienter... Ne sachant que faire, elle repartit dans sa
chambre pour surfer de nouveau sur Internet. Elle
repartit sur le forum Ducati qu'elle appréciait le plus.
Elle passa en revue toutes les rubriques, et se décida
enfin à s'inscrire, de façon à pouvoir poser ses
questions, et partager son expérience de la piste, dés
qu'elle aurait débuté. Quand, finalement, elle regarda
l'heure, il était neuf heures. Elle entendit Sonia qui
se levait, et partit
prendre un deuxième petitdéjeuner avec elle.
Enfin, il fut neuf heures trente. Elle commença à
enfiler son blouson, et s'aperçut que ses mains
tremblaient d'anxiété. Allez, se résonna t-elle, dès
que tu seras sur la moto, ce sera bien. Elle finit de
s'équiper et partit chercher, pour la dernière fois sa
'Dom' qui l'attendait bien sagement dans la grange.
Elle la sortit et la gara en plein soleil. Elle brillait de
mille feux. Il faut dire que Quitterie l'avait
63
Quitterie et l’ EvaCup
bichonnée toute la semaine. Elle la fit démarrer. Le
moteur s'ébroua à la première impulsion du
démarreur, car elle avait pris soin de recharger sa
batterie dans la semaine.
Elle laissa tourner le moteur au ralenti pendant
qu'elle enfilait son casque et ses gants. Puis elle
enfourcha sa belle, débéquilla et enclencha la
première. Elle eut un petit serrement au cœur, en
pensant que c'était la dernière balade qu'elles
faisaient ensemble. Pour savourer ces derniers
instants , elle décida de prendre les plus belles routes
qu'il y avait pour rejoindre la concession. Elle se fit
un plaisir énorme dans les enchaînements de virages.
Elle entendait le moteur vivre dés qu'elle accélérait ,
et elle avait l'impression qu'il en redemandait sans
cesse. Il lui semblait que la moto ressentait les
mêmes émotions qu'elle, et qu'elle avait compris que
c'était leur balade d'adieu. Elle prolongea ce grand
moment d'émotion encore quelques kilomètres, puis
elle arriva en vue de la concession, et ralentit l'allure.
Elle se gara sur le parking, coupa le moteur ,
descendit de la moto, et la béquilla. Après avoir
enlevé son casque, elle la caressa une dernière fois
pour lui dire au-revoir, et s'en alla chercher sa
nouvelle monture. Elle en avait les larmes aux yeux,
mais un nouveau départ se présentait à elle. Elle
64
Quitterie et l’ EvaCup
franchit la porte, sans se retourner, et se retrouva
face à sa belle moto. Quitterie lui caressa le réservoir
d'un geste possessif en passant, avant de rejoindre le
vendeur.
− Tout est prêt, lui dit-il avec un grand sourire.
Elle n'attend plus que vous...
− Merci. Je vous ai garé la Dominator sur le
parking. Voilà les clefs ainsi que les doubles,
les papiers et le carnet où j'ai marqué tout ce
que j 'avais fait dessus.
− Venez dans mon bureau, pour que nous
fassions les derniers papiers, et ensuite, vous
pourrez partir avec.
− Je vous suis, répondit Quitterie.
Une fois les papiers remplis, le chèque définitif
établi et les clés dans sa poche, Quitterie partit faire
le tour de sa nouvelle monture.
Elle regarda avec attention les différents points
qu'elle avait remarqués. Bon, premier point positif,
la moto était vraiment propre. La chaîne était tendue
et graissée, et il ne semblait plus y avoir de fuite
d'huile au niveau de la fourche.
− Vous avez pu réparer la fuite d'huile du joint
spi? Demanda Quitterie.
65
Quitterie et l’ EvaCup
− Oui, et comme convenu, nous avons fait une
petite révision. Je vous la sors, et elle est à
vous.
Une fois dehors, Quitterie la trouva encore plus belle
dans sa magnifique robe rouge. Elle ne se lassait pas
de l'admirer. Quand elle mit la clé dans le Neiman,
ses mains tremblaient de joie. Elle attendit que la
pompe à injection s'enclenche, et elle mit le moteur
en route. Quel son... Un bruit rauque et grave... Les
vibrations du moteur faisaient vibrer le sol sous ses
pieds... Elle laissa tourner le moteur, le temps de
s'équiper, puis enfourcha la moto. Après avoir enlevé
la béquille, elle enclencha la première, débraya
tranquillement, et... cala. Il fallait qu'elle s'habitue à
cet embrayage qui était un peu plus long que celui de
la Dom. Elle redémarra le moteur, et cette fois-ci,
réussit à partir.
Elle roula tranquillement, le temps que le moteur ait
atteint les 50°C, puis elle commença à s'amuser dans
les virages. Elle fit monter le moteur dans les tours,
pour voir jusqu'où il pouvait aller, fit des freinages
d'enfer... Elle testa la moto, autant qu'elle le pouvait
sur route ouverte, et se fit plaisir, tout simplement...
Quitterie revint à la réalité quand le voyant de la
réserve d'essence s'alluma. Comment? Elle avait déjà
66
Quitterie et l’ EvaCup
parcouru cent cinquante kilomètres? Mais il lui
semblait être partie depuis à peine dix minutes...
Elle alla tranquillement jusqu'à la station, fit le plein,
et rentra chez elle par les petites routes de derrière.
Elle gara délibérément la moto dehors, dans la cour .
Son Grand-père devait arriver vers quatorze heures
avec sa Grand-mère. Il était donc inutile de
s'enquiquiner à la rentrer dans la grange pour la
ressortir juste après...
Quand elle rentra dans la maison, Sonia était partie.
Comme il était déjà midi, elle se prépara un petit
repas rapide: un croque monsieur accompagné d'une
salade verte avec des tomates cerises. Le tout suivi
d'un morceau de Comté et d'un pamplemousse. Elle
avait à peine fini son repas que la voiture de ses
grands-parents se garait déjà . Ils étaient en avance.
Elle rangea vite fait son couvert, et en ouvrant la
porte, se trouva nez à nez avec sa grand-mère...
− Bonjour , ma chérie, lui dit-elle en
l'embrassant. Ton Grand-père est dehors, en
train d'admirer ta moto.
− Bonjour Grand-mère. Je m'y attendais... J'ai
fait exprès de la laisser là pour lui...
67
Quitterie et l’ EvaCup
− Ça ne m'étonne pas de toi. Tiens, je t'ai
amené des Canelés, car il me semble que ce
sont tes gâteaux préférés...
− Merci , Grand-mère. C'est vrai que depuis
que je suis allée à Bordeaux et que j'ai goûté
à ces merveilles, j'adore ça. J'allais faire
chauffer de l'eau. Tu préfères un thé ou un
café?
− Je veux bien un thé à la menthe, si tu en as
encore. Pour ton Grand-père, ce sera un café.
Quitterie mit l'eau de la bouilloire à chauffer et la
cafetière en route. Tout en papotant, elles préparèrent
un plateau sur lequel elles mirent les tasses, le sucre,
le miel et les Canelés.
Quand tout fut près, elles appelèrent le Grand-Père
par la fenêtre, pour qu'il se joigne à elles.
A peine avait-il franchit la porte que Quitterie se jeta
sur lui.
− Alors, qu'en penses-tu? Lui demanda t-elle
aussitôt.
− Bonjour, ma petite fille, la coupa son Grandpère en l'embrassant. Le café est prêt?
Quitterie le prit par le bras et l'amena à la table. Sa
Grand-mère était déjà installée, et avait servi le thé
et le café. Ils n'eurent plus qu'à s'asseoir, et à
déguster.
68
Quitterie et l’ EvaCup
− Alors, insista Quitterie, ton avis....
− Ma foi, dit son Grand-père après avoir
croqué un Canelé et bu une gorgée de café
dans lequel il avait ajouté du miel, je pense
que tu n'as pas fait une trop mauvaise
affaire...
− Il y a quelque chose qui cloche? s'inquiéta
aussitôt Quitterie.
− J'ai vu deux trois petites choses, qui ne me
plaisent qu'à moitié. Tout d'abord, tu as une
fuite au niveau de la fourche...
− Mais ils m'ont dit qu'ils l'avaient réparé...
− Ça, je n'en suis pas sûr. Il faudra que tu
démontes ta fourche pour voir ce qu'il en est.
D'autre part, ta chaine me semble détendue,
et l'huile me paraît bizarre.
− Et pourquoi ça?
− J'ai regardé par le hublot et j'ai vu une tâche
blanche dans l'huile. Le mieux serait que tu
fasses une vidange.
− Mais ils m'ont dit qu'ils avaient révisé la
moto avant de me la vendre...
− Peut-être ou peut-être pas. Mais pour ta
sécurité, surtout au vu de tes projets, il faut
que ta moto soit parfaite
au niveau
mécanique. Et ne me dis pas qu'une petite
69
Quitterie et l’ EvaCup
vidange te fait peur, lui dit son grand-père
taquin.
− Non, mais je ne pensais pas devoir la faire
aussi vite... Si tu as fini ton café, on peut
aller la voir, et comme ça, tu me diras, de
visu, ce qu'il faut que je fasse.
− Va déjà voir ce que je t'ai dit, je te rejoins dès
que j'ai fini.
Cinq minutes plus tard, il la rejoignait avec sa
Grand-mère dans la cour. Quitterie était accroupie au
niveau du hublot de contrôle du niveau d'huile.
− Je ne vois pas de tâches blanches, lui dit-elle.
− C'était peut-être juste de la condensation.
Mais le mieux, et j'insiste, c'est de faire une
vidange.
− D'accord, se résigna Quitterie, se demandant
quand elle allait trouver le temps.
− Tu as vu la fuite au niveau de la fourche?...
− Oui... Mais par rapport à avant, ce n'est rien.
Peut-être qu'ils n'ont pas assez serré au
niveau du joint.
− La seule solution: tu trouves la revue
technique de ta moto, et tu vois ce qu'il faut
faire. Comme ça, tu en auras le cœur net.
70
Quitterie et l’ EvaCup
− J'ai bien mieux que ça, je vais regarder les
forums sur internet. Ce sera beaucoup plus
rapide, et très souvent , il y a des photos
explicatives.
− Comme tu veux, mais je pense que la revue
est complémentaire. Mais maintenant, c'est à
toi de voir...
− Est-ce que tu veux bien m'aider quand même
pour vérifier la tension ma chaine, demanda
Quitterie pleine d'espoir.
− Bien sûr. Allez, grimpe sur ta moto...
Quitterie s'exécuta. Après vérification, la chaine
s'avéra correctement tendue.
− Mais quand même, lui dit sa Grand-mère,
qu'est ce qu'il t'a pris de te lancer dans cette
aventure?
− Je n'en sais rien, lui répondit Quitterie.
Quand j'ai vu cet article, une évidence s'est
imposée à moi. C'est comme si cette course
m'était dédiée, et qu'il fallait absolument que
je la fasse. Du coup, tout s'est enchainé très
rapidement.
− Et puis, dit son Grand-père en s'adressant à
sa Grand-mère, n'oublie pas que dans ta
famille, il y a déjà eu des pilotes.
71
Quitterie et l’ EvaCup
− Ah bon? Dit Quitterie.
− C'est vrai, reprit sa Grand-mère. Ton arrière
Grand-père était , comme tu le sais, créateur
de voitures. Il avait créé sa propre marque .
Mais pour prouver que son moteur était
fiable, il a fait, avec son associé, de
nombreuses courses.
− Et ils ont gagné?
− Ça dépendait des fois. Ils en ont remporté
certaines, et n'ont pas pu en terminer
d'autres...
− Voilà donc d'où me vient cette passion pour
les motos...
− Il y a de grandes chances pour que ce soit
dans tes gênes... lui répondit sa Grand-mère.
− Sur ce, ma petite Quitterie, lui dit
son
Grand-père, nous y allons. Nous allons
chercher des plantes pour notre jardin
potager.
− Merci d'être passé me voir, et de m'avoir
donné des conseils pour la moto. A bientôt.
Ils s'embrassèrent, et Quitterie resta seule dans la
cour
avec sa belle. Une nouvelle vie allait
commencer. Elle écouta tout de même ce que lui
72
Quitterie et l’ EvaCup
avait dit son Grand-père , et décida d'aller se
procurer la revue technique de sa moto.
Elle poussa la moto jusqu'à la grange, et tenta de la
faire entrer sans le moteur, comme pour son
Dominator. Tout se passa bien , jusqu'à la petite
marche au niveau de la porte. Elle n'avait pas pris
assez d'élan, et la moto se retrouva en déséquilibre....
Quitterie la tira vers elle, et réussit à la rattraper inextrémis. Du coup, elle la fit reculer, monta sur la
selle et alluma le moteur pour passer cette fameuse
petite marche. Une fois dans la grange, elle sortit la
béquille, et voulut appuyer la moto dessus. Elle allait
doucement, n'ayant qu'une confiance toute moyenne
dans ce sol en terre battue. Bien lui en pris... Quand
la moto commença à peser de tout son poids sur la
béquille, cette dernière commença à s'enfoncer dans
le sol... Quitterie réussit à la redresser, vit un vieux
morceaux de planche sur le sol, et installa la béquille
dessus. Une fois descendue de la moto, elle installât
mieux la planche, de façon à ne pas avoir de
surprises le lendemain. En même temps, une
question lui trottait dans la tête: si la moto tombait,
arriverait-elle, seule, à la relever? Elle n'en était pas
sûre … Puis elle la recouvrit d'une couverture après
73
Quitterie et l’ EvaCup
lui avoir caressé le réservoir une dernière fois, ferma
la porte à clé, et rentra dans la maison.
Elle en ressortit, quelques minutes plus tard, son
ordinateur portable sous le bras. Comme il faisait
vraiment bon au soleil, elle s'installa sur la table de
dehors, se connecta sur Internet, et commença ses
recherches pour l'entretien de sa moto. Tout d'abord,
elle passa commande de la revue technique de la 750
Mostro. D'accord, il ne s'agissait pas du modèle
injection, mais pour ce qu'elle voulait faire, ce serait
certainement suffisant. Puis elle partit farfouiller sur
le net, pour trouver une solution à son problème de
fourche, en attendant de recevoir sa revue.
Le temps était radieux. On commençait à sentir la
chaleur des rayons du soleil. Les arbres
bourgeonnaient. Les oiseaux chantaient. Elle se
sentait bien, elle avait des projets plein la tête...
Elle était tellement concentrée qu'elle fut surprise
quand elle entendit Sonia arriver.
Aussitôt, elle lui proposa de venir voir sa nouvelle
moto. Sonia était partante, c'était génial...
Quitterie enleva la couverture, et là, Sonia en resta
bouche bée:
− Tu as acheté ça? S'écria t-elle.
74
Quitterie et l’ EvaCup
− Tu sais , elle est impressionnante au premier
regard, mais une fois dessus, tu as vraiment
l'impression qu'il s'agit d'un vélo, la rassura
Quitterie. Tu veux monter dessus pour te
rendre compte?
− J'ai bien trop peur de la faire tomber... Vas-y
toi, que je te vois dessus.
− D'accord, répondit-elle , sans se faire trop
prier.
− Tu as une de ces allures , s'écria Sonia.
Quelle classe... On dirait qu'elle a été faite
pour toi.
− Merci, dit Quitterie tout en redescendant de
sa monture.
Puis Sonia l'aida à la recouvrir , et elles quittèrent
la grange, tout en papotant.
75
Quitterie et l’ EvaCup
7
On était le trois Mars. Quitterie et Sonia se
préparèrent pour aller à la réunion de présentation de
l' EvaCup.
Toutes les futures éventuelles concurrentes , ainsi
que la presse, étaient conviées. Le rendez-vous se
tenait dans une petite salle, au sous-sol d'une
brasserie. Quitterie et Sonia prirent place sur
l'immense banquette rouge qui courait le long du
mur. Une fois tout le monde arrivé, la réunion
commença. Elles étaient une vingtaine de filles.
Alice , l'instigatrice du projet, se présenta et elle
expliqua ce qu'elle désirait faire.
Elle voulait promulguer l'image des femmes à
motos, et notamment celles qui font de la
compétition . Pour cette année, elle lançait l' EvaCup
en championnat de vitesse, mais elle espérait, dès
l'an prochain, faire la même chose en enduro, cross
et trial.
Il y aurait donc deux courses d' organisées, toutes les
deux sur le même circuit, et le même weekend, pour
des raisons de coût. L'engagement pour les deux
76
Quitterie et l’ EvaCup
courses était de deux cent cinquante Euros. A cela, il
fallait ajouter la préparation de la moto,
l'équipement , les cours pour celles qui le désiraient,
et la licence.
− Je vous explique les raisons de notre projet.
Avec mon associé, nous souhaitons créer un
nouveau concept pour aider les filles à se
mettre à la compétition. Nous avons
remarqué que beaucoup d'entre vous
n'osaient pas se lancer , principalement pour
des raisons de coût et la difficulté de trouver
des sponsors. Grâce à cette coupe, nous
voulons faire la promotion du sport moto au
féminin. Nous aimerions que l' EvaCup serve
de tremplin, et qu'elle vous permette, par la
suite, d'accéder plus facilement à d'autres
formules. Un peu comme la coupe Motor'Eve
et le Trophée féminin de vitesse, il y a
quelques années de ça. C'est pourquoi, pour
la première année, nous ouvrons la coupe au
public le plus large possible.
− Est-ce que des pilotes expérimentées
participeront à l' EvaCup? interrogea une
concurrente.
− Bien sur. J'ai contacté des anciennes
compétitrices, qui seront ravies de vous faire
77
Quitterie et l’ EvaCup
−
−
−
−
−
partager leur expérience, et de participer de
nouveau à une compétition.
Mais du coup, renchérit une autre
concurrente, nous aurons du mal à nous
qualifier, vu que nous sommes, pour la
plupart, de vraies débutantes.
Il est bien entendu que nous ferons tout notre
possible pour que toutes les filles inscrites
soient qualifiées. Les pilotes expérimentées
ne donneront pas le meilleur d'elles-même
pendant les qualifs, de façon à ce que
chacune d'entre vous ait sa chance. D'autres
questions?
Oui, intervint Quitterie. J'ai vu sur Internet,
qu'il existait deux types de licences possibles,
la NCA et la NCB. Laquelle est la plus
adaptée?
Tout dépend de ce que tu veux faire. Si tu te
contentes de l' EvaCup , que le cumul des
points ne t'intéresse pas, et que tu ne fais que
des compétitions nationales, alors la NCB est
plus adaptée, sinon , prends la NCA.
Au téléphone , tu m'as parlé d'un stage de
pilotage, questionna une autre concurrente,
qu'en est-il vraiment?
78
Quitterie et l’ EvaCup
− Nous sommes en train de mettre sur place un
ou deux stages avec un ancien pilote, Cyril.
Les dates sont à confirmer , mais il s' agira
très certainement du quinze Avril pour le
premier stage. Pour le coût, nous sommes
encore en pleine négociation, mais ça ne
devrait pas dépasser les cent Euros. Dès que
j'ai la confirmation des dates j'envoie un
mailing pour que vous puissiez vous inscrire.
− Dans ton mail, tu parles de l'équipement du
pilote. Mais est-ce qu'il y a des marques plus
sérieuses que d'autres? Et est-ce que
certaines proposent des prix intéressants?
− Nous n'avons aucun partenariat avec les
équipementiers. A vous de voir celle dans
laquelle vous vous sentez le mieux. Mais il y
a quand même des points obligatoires: il faut
une combinaison une pièce en cuir, avec une
doublure en coton et une dorsale, et un
casque de moins de cinq ans, entre autre.
Celles à qui j'ai envoyé un mail doivent avoir
les détails, et pour les autres, vous me
donnerez vos mails avant de partir, et je vous
enverrai tout ça.
79
Quitterie et l’ EvaCup
Puis vint le moment ou chaque concurrente dut se
présenter , dire ses objectifs, son expérience et la
moto avec laquelle elle allait concourir.
La plupart d'entre elles étaient totalement néophytes
sur circuit, comme Quitterie. Certaines avaient déjà
roulé, et une ou deux, comme l'avait dit Alice,
avaient fait de la compétition. Quitterie fut la seule à
rouler en roadster Ducati. Quasiment toutes les
autres avaient
des motos sportives japonaises.
Quelques unes étaient en Triumph. Heureusement,
Alice avait spécifié que le classement final se ferait
en quatre catégories: les roadsters de plus et moins
de sept cent cinquante centimètres cubes et les
sportives de plus et moins de sept cent cinquante
centimètres cubes.
La réunion continua pendant quelques temps, puis,
quand il n'y eut plus de questions, elles portèrent
toutes un toast au futur de l' EvaCup. Puis le petit
groupe se sépara, en espérant se revoir très
prochainement au stage.
Quelques jours plus tard, Quitterie reçut enfin le
mail tant attendu de la part d'Alice, lui spécifiant les
dates du stage. En fait, il y avait deux stages
proposés, à un mois d'intervalle. Il y en avait un le
quinze Avril et l'autre le dix Mai . Les deux stages
80
Quitterie et l’ EvaCup
étaient en priorité pour les filles, et ils seraient
complétés, le cas échéant, par des hommes. Le
weekend de courses étant mi-juin, ça lui laissait le
temps de s'entraîner et de bien prendre sa moto en
main.
Il fallait maintenant qu'elle s'attelle à réparer la fuite
au niveau du joint spi de la fourche, car elle n'avait
pas encore eu le temps de s'y mettre. Elle avait tout
de même fait une vidange , et mit une huile de
synthèse, en prévision du roulage sur circuit. Elle
avait bien lu la revue technique, mais cette histoire
de fourche lui paraissait un tantinet complexe. Elle
se connecta donc à Internet, et alla sur son forum
préféré. Elle compulsa beaucoup de pages avant de
trouver un sujet parlant des fourches. Ça ne
correspondait pas trop à ce qu'elle cherchait, mais
elle s'aperçut bien vite que c'était très compliqué.
Elle téléphona à son Grand-père pour savoir si,
malgré ce qu'il lui avait dit, il pouvait lui donner un
petit coup de main. Il accepta bien plus facilement
que ce que présageait Quitterie, à condition qu'elle
vienne chez eux, car il y avait tous les outils
nécessaire à ce genre d'opération, et en plus, il y
avait son transat préféré... Car il ne voulait servir que
de guide, et ne pas le faire à sa place. Ravie de ce
81
Quitterie et l’ EvaCup
compromis, Quitterie accepta. Elle fit le point des
pièces qu'elle devait acheter, comme les joints ,
l'huile de fourche, et certainement des petites choses
auxquelles elle n'avait pas pensé. Elle en profiterait
pour acheter son équipement. Et si Sonia pouvait
venir avec elle , comme elle l'avait proposé, ce serait
encore mieux. Mais cela ne devait pas lui poser trop
de soucis, car elle adorait faire les magasins.
82
Quitterie et l’ EvaCup
8
Sonia fut toute heureuse quand Quitterie lui rappela
qu'elles devaient faire les magasins ensemble. Elle
allait enfin pouvoir lui faire découvrir les joies du
shopping...
Elles se donnèrent rendez-vous à onze heures devant
le magasin Ducati, Sonia n'ayant aucune envie de
monter derrière Quitterie. En fait, elle avait une peur
bleue de tous les deux roues motorisés. Elle les
trouvait magnifique, mais ne voulait pas monter
dessus.
A peine Quitterie avait-elle garé sa moto que Sonia
s'impatientait déjà sur le trottoir: elle était tellement
contente de pouvoir initier sa meilleure amie aux
joies du shopping qu'elle ne tenait plus en place.
Elles entrèrent tout d'abord dans la boutique Ducati,
pour les pièces de Quitterie. Pendant que cette
dernière faisait le point de ce qu'il lui fallait avec le
chef d'atelier, Sonia découvrit le rayon textile du
magasin. Elle regarda, toucha, soupesa, retourna,
l'oeil critique... Quand Quitterie eut terminé, elle lui
montra une combinaison qu'elle avait repérée. Cette
83
Quitterie et l’ EvaCup
dernière n'étant pas très emballée, elles sortirent du
magasin. Bras dessus bras dessous, elles se
dirigèrent vers le magasin d'équipements moto qui
était juste à côté.
Quand elles pénétrèrent dans le magasin ,elles furent
envahies par l'odeur du cuir. Elles commencèrent à
regarder à droite et à gauche pour essayer de se
repérer, et virent que le rayon consacré au pilotage
sur circuit était au sous-sol. Elles descendirent les
marches et virent un vendeur qui les accueillit avec
un grand sourire. Celui-ci avait un léger handicap
sur la partie droite du corps: sa jambe semblait
atrophiée, et son bras n'était plus très valide.
− Bonjour, leur dit-il. Est-ce que je peux vous
aider?
− En fait, oui, répondit Quitterie. Je me suis
inscrite à l' EvaCup, et j'aurai besoin d'une
combinaison en cuir.
− L' EvaCup? Questionna le vendeur.
− Oui, il s'agit d'une course moto féminine,
ouverte à toutes les pilotes, quel que soit leur
niveau et leur moto. Et comme je n'ai jamais
posé mes roues sur un circuit auparavant, j'ai
donc besoin de pas mal de choses.
84
Quitterie et l’ EvaCup
− Je vais donc pouvoir vous aider. Vous
participez à l' EvaCup toutes les deux?
− Oh non, se récria Sonia, je suis juste là pour
la guider au niveau du style.
− Je vais voir ce que j'ai en petites tailles, mais
il ne faudra pas s'attendre à des merveilles.
Ça reste quand même des vêtements
masculins. Pour l'instant, nous n'avons pas de
gamme spécifiquement féminine, mais ça va
peut-être arriver, grâce à ce genre
d'initiatives...
Il alla dans ses rayons, et sortit trois combinaisons
intégrales.
− Je n'ai sorti que celles qui ont une doublure
coton, car c'est obligatoire. Le choix est vite
fait, car il y en a très peu, vu que c'est une
exception française, cette histoire de
doublure. Mais , pour une fois , notre
exception fait bien les choses, car avec une
doublure synthétique, en cas de chute on est
complètement brûlé. Pas de risques avec une
doublure en coton ou en soie. Tu as aussi, sur
chacune des trois combinaisons des sliders
interchangeables, en cas d'usure. Tiens, enfile
85
Quitterie et l’ EvaCup
cette dorsale avant de passer la combinaison,
pour être sûr de la taille.
Les sliders , comme le lui avait dit Régis, le vendeur,
étaient ces petites coques situées au niveau des
genoux, et qui frottent sur le bitume, lorsque l'on se
déhanche.
− Mais comment savez-vous ça, interrogea
Quitterie?
− J'ai fait de la compétition, il y a quelques
années, mais suite à un accident, j'ai dû
stopper ma carrière , répondit-il en montrant
son côté droit. Maintenant, je tâche d'équiper
le mieux possible les pilotes, de façon à ce
que la chute soit la moins fatale possible...
− Je suis désolée, commença Quitterie...
− Il n'y a pas besoin. J'ai eu la chance de vivre
ma passion à fond, et maintenant, je suis
toujours dans ce monde là, mais j'ai un autre
rôle. Et c 'est ça que j'aime... Maintenant, va
essayer ça, que l'on voit si c'est bon ou pas.
Quitterie s'exécuta, et partit dans la cabine
d'essayage. Elle parvint sans problème à mettre la
partie basse, mais quand elle arriva au niveau des
bras, ce fut tout un poème. Elle sortit de la cabine
86
Quitterie et l’ EvaCup
pour avoir plus d'espace. Le cuir était tellement
raide, qu'elle devait faire de grands gestes pour faire
rentrer les deux bras. Sonia et Régis se mirent
chacun d'un côté et l'aidèrent . Une fois les bras
passés, il n'y avait plus qu'à boucler le tout avec la
fermeture éclair. Quand ce fut fait , Quitterie ne
pouvait plus bouger. Elle ressemblait à une grande
saucisse... Tout était raide, elle avait l'impression
d'être complètement coincée. Le simple fait de plier
les bras ou de marcher était dur. Quand Régis lui
demanda de s'asseoir, elle s'affala littéralement sur le
banc...
− Ça ne te va pas trop mal. La taille est bonne.
− Cette coupe te va super bien. Ça te met
vraiment en valeur, et même si c'est une
coupe homme, on voit bien qu'il y a une fille
là-dessous, lui dit Sonia, tout en s'éloignant.
− Mais je ne peux plus me baisser, ni plier
complètement les bras ou les jambes... se
plaignit Quitterie.
− C'est normal, il faut que le cuir se détende. Si
je t'en donne une plus grande, au bout de
quinze jours tu flotteras complètement
dedans, et les frottements risquent de te
blesser. Le mieux que tu aies à faire , c'est de
87
Quitterie et l’ EvaCup
−
−
−
−
la porter tous les jours, pour que le cuir se
fasse.
Ça doit être sympa de se balader dans la rue
comme ça...
Si tu veux, tu peux le voir comme ça, mais
tu peux aussi la porter tous les soirs chez toi.
C'est très seyant, tu verras...
Je me vois bien sur le divan, en combinaison,
et elle partit d'un grand éclat de rire.
En tout cas, les couleurs de cette
combinaison ne te vont pas du tout, reprit
Sonia, qui était revenue. Je sais bien que tu
aimes les habits colorés, mais là, c'est un peu
trop criard à mon goût. Regarde ce que j'ai
trouvé. Je pense que les couleurs t' iront
mieux.
Effectivement, quand Sonia lui montra sa trouvaille,
elle la trouva magnifique. Elle était en cuir blanc,
bleu et rouge, et les inserts en tissus élastiques pour
l'aisance étaient noirs. C'était très coloré, sans pour
autant être trop criard. Avant qu'elle n'aille essayer
cette nouvelle combinaison , Régis et Sonia se
mirent chacun d'un côté de Quitterie pour l'aider à
enlever les manches de celle qu'elle avait sur elle. En
88
Quitterie et l’ EvaCup
se contorsionnant, elle réussit à enlever le premier
bras, et le deuxième vint plus facilement.
− Mais où as-tu trouvé cette combinaison? lui
demanda Régis. Je ne savais pas qu'il m 'en
restait...
− Oh, j'ai juste fouiné un peu partout, comme
j'ai l'habitude de le faire dans les autres
boutiques, tout simplement, lui répondit
Sonia, modeste. Elle était coincée derrière
d'autres modèles. J'espère juste qu'elle a une
doublure en coton pour Quitterie...
− Je suis certain que c'est bon, lui répondit
Régis, tout en vérifiant.
Quitterie passa la combinaison, et l'adopta tout de
suite. Elle se sentait bien dedans, comme si elle avait
été taillée pour elle, même si , pour l'instant, elle
était vraiment très raide. Elle montra le résultat à
Sonia et Régis, même si sa décision était déjà prise:
c'était elle, ou rien.
Une fois la combinaison enlevée, Régis présenta à
Quitterie des bottes adaptées au pilotage sur circuit.
Il lui expliqua que les bottes de compétitions étaient
équipées de renforts au niveau de la cheville, du
89
Quitterie et l’ EvaCup
tibia, et qu'à l'avant, sur le coup de pied extérieur, il
y avait des renforts interchangeables à cause des
frottements. Régis lui présenta la seule paire qui
existait en petite taille. Elle l'essaya et l'adopta,
n'ayant pas vraiment le choix, et surtout, pas trop
l'envie de courir plusieurs magasins différents.
Ensuite ce fut le tour des gants. Régis lui en proposa
une paire avec des inserts en résine thermoplastique
pour lui protéger les articulations. Il s'occupait
d'elle , comme s'il se devait de la protéger. Elle lui en
fut très reconnaissante, car grâce à lui, elle était sûre
de n'avoir rien oublié. Il lui présenta aussi des
casques, mais comme Quitterie venait d'en changer,
cet achat n'était pas indispensable.
Elle avait fait mentalement la somme de ses achats,
et arrivait à un total affolant. Elle pria secrètement
qu'on lui accorde une petite ristourne.
Au moment de passer à la caisse, Régis plaida sa
cause auprès du gérant, en lui expliquant son projet.
Ce dernier décida de faire un geste, et lui fit le tout,
la combinaison, les bottes et les gants pour le prix de
la combinaison. En échange, elle devrait mettre des
autocollants du magasin sur sa moto. Quitterie
accepta aussitôt, ravie d'avoir trouvé un sponsor...
90
Quitterie et l’ EvaCup
Elles portèrent ses achats jusqu'à la voiture de
Sonia. La combinaison, aux dires de Régis devait
peser dans les sept à huit kilos. Les deux filles ne se
voyaient pas se promener avec ça au bout des bras
pendant toute la journée. Car, pour remercier Sonia
de sa gentillesse et de sa patience, Quitterie avait
décidé de passer la journée avec elle à faire du
shopping.
Elles allèrent d'abord déjeuner dans un salon de thé
qui proposait des en-cas, puis elles passèrent une
demi-journée très sympa, à flâner dans les rues, à
essayer des tenues excentriques qu'elles ne
porteraient jamais dans la vraie vie. Elles
s'amusèrent comme des petites folles. Comme le
froid commençait à se faire sentir par cette belle
journée de Mars, elles prirent une boisson chaude
avant de repartir à leurs véhicules.
Quitterie récupéra son casque et ses gants qu'elle
avait laissés dans la voiture de Sonia. Cette dernière
était très fière de sa petite auto à air comprimé. Elle
avait fait le choix de cette voiture écologique pour
différentes raisons. Tout d'abord elle pensait que
cette technique était l'avenir: elle consommait moins
de deux litres d'essence pour cent kilomètres, elle
était de petite taille, et pour la ville c'était l'idéal.
91
Quitterie et l’ EvaCup
Autre point très important, son coût minime à
l'achat. Et puis, il faut bien l'avouer, grâce à cette
auto, Sonia ne passait pas inaperçue, et elle adorait
ça... Les piétons et les autres usagers de la route se
retournaient toujours sur son passage, se demandant
ce que c'était. Chaque fois qu'elle la sortait, elle
devait expliquer comment elle fonctionnait, et
répondre à une multitude de questions. C'était un
peu la rançon de la gloire, ou de l'exception.
A peine rentrées, Quitterie se précipita sur sa
combinaison, et l'enfila pour la faire à sa
morphologie. Elle la garda toute la soirée sur elle,
même pour manger, ce qui s'avéra extrêmement
compliqué. Et ce manège se répéta jusqu'à la veille
du stage sur piste...
92
Quitterie et l’ EvaCup
9
Ce matin là, Quitterie dût se lever très tôt: le rendezvous était à sept heures trente au circuit de Haute
Saintonge, entre Bordeaux et Angoulême. Il fallait
donc qu'elle parte à six heures trente, au plus tard,
pour être à l'heure. Elle régla son réveil à cinq heures
trente, de façon à avoir le temps de prendre son
petit-déjeuner tranquillement, et surtout de mettre sa
combinaison correctement et de bien positionner
toutes les protections, ce qui n'était pas une mince
affaire, car elles avaient tendance à se plier un peu
au moment de l'enfilage. Quand ça se produisait,
Quitterie devait passer sa main pour les remettre
correctement ce qui n'était pas très aisé, car il n'y
avait pas beaucoup de place …
Elle était prête à l'heure, et arriva sans encombre au
circuit. Il y avait encore de la rosée sur l'herbe, et le
soleil ne semblait pas trop d'humeur à se montrer.
Suivant les conseils de Régis, Quitterie avait juste un
T-shirt en coton sous sa combinaison, et la fraicheur
du petit matin l'avait un peu surprise. Mais bon, d'un
93
Quitterie et l’ EvaCup
autre côté, elle ne pouvait rien mettre de plus
tellement elle était à l'étroit, et elle arriva gelée au
circuit. Heureusement qu'un petit déjeuner était
prévu... Quelques stagiaires étaient déjà là. Quitterie
gara son petit monstre à côté d'eux, prit son courage
à deux mains, et les aborda... Ils avaient l'air d'être
aussi néophytes qu'elle et appréhendaient , eux aussi,
ce stage ne sachant pas trop ce que ça allait donner.
Ils discutèrent de choses et d'autres, et petit à petit,
les autres stagiaires arrivèrent, et les conversations
battirent leur plein. Elles tournaient toutes autour des
motos respectives de chacun , et de leur expérience
de la piste, qui se limitait à pas grand chose pour la
plupart d'entre eux.
Puis la porte de la salle s'ouvrit, et ils purent entrer
pour la partie théorique. Les organisateurs leur
proposèrent un café et des viennoiseries, avant
d'attaquer les choses sérieuses. Quitterie put enfin se
réchauffer, et faire passer l'onglet qu'elle avait sur
deux doigts de la main gauche. Sur le mur était
affiché le plan du circuit, avec, dessinée en rouge, la
trajectoire, à priori, idéale. Quitterie, sa tasse à la
main, resta un long moment devant à l'étudier, et
surtout, à le mémoriser.
94
Quitterie et l’ EvaCup
Le circuit débutait par un long virage à droite, qui
débouchait sur une ligne droite. Puis de nouveau un
virage à droite en dévers, suivi par deux gauches très
rapides. De nouveau un long virage à droite qui
précédait la ligne droite des stands . Et enfin, retour
vers le premier virage . Le tout sur 2,2 kilomètres.
De quoi bien s'amuser pour débuter …
Des chaises étaient installées face au plan, et petit à
petit, les stagiaires s'installèrent. Cyril, l'instructeur,
se présenta. Puis il commença par les consignes de
sécurité à appliquer sur le circuit.
Tout d'abord, on ne s'arrête jamais sur un circuit,
sauf en cas de panne. Si une personne a
un
problème devant vous, vous ne vous arrêtez pas,
vous continuez votre trajectoire. Vous devez tout de
même rentrer au stand pour le signaler. Ce sont les
commissaires qui s'en occupent.
Quand on veut rentrer au stand, on lève franchement
le bras ou la jambe gauche avant la voie des stands,
pour signaler notre intention de sortir de la piste et
on y va.
Les drapeaux aussi ont leur importance:
le vert signifie que la piste est libre, le jaune qu'il y
a un danger, le rayé vertical jaune et rouge annonce
95
Quitterie et l’ EvaCup
un changement d'adhérence, le rouge l'arrêt de la
course, le noir, avec un panneau indiquant le numéro
de la moto la sortie immédiate du concurrent, et le
blanc, qu'un véhicule lent , style pace-car, emprunte
la piste.
Après ce petit rappel , Cyril demanda à chacun de
dire son expérience en moto, ce qui l'avait poussé à
faire ce stage, et pourquoi il le faisait. Toutes les
filles présentes étaient là pour l' EvaCup. Certaines
avaient déjà de l'expérience, et d'autres pas du tout.
Ces dernières, avant leur engagement définitif,
voulaient s'essayer au circuit pour voir si ça leur
convenait. Quand aux garçons, certains étaient là
pour peaufiner leur pilotage, et d'autres pour débuter.
Ensuite ils firent des groupes de niveau. Les
débutants devaient coller une pastille sur l'avant de
leur moto, de façon à les distinguer de ceux qui
avaient déjà une expérience du circuit.
Puis, ils eurent enfin l'autorisation de prendre leurs
motos.
Avant de poser leurs roues sur la piste, ils durent
modifier les motos qui étaient en configuration
route. Ce n'était pas très compliqué, mais
obligatoire. Ils commencèrent par retourner les
96
Quitterie et l’ EvaCup
rétroviseurs: sur un circuit, on ne regarde pas ce qui
se passe derrière: on s'occupe seulement de ce qui
est devant soi. Puis ils scotchèrent tout ce qui était
en verre, ou cassable facilement lors d'une chute, tels
que les phares, les clignotants...
Ils partirent tous ensemble, sur leur moto, faire un
premier tour de circuit, derrière les moniteurs,
chacun essayant de montrer ses 'pseudos' talents à
son voisin. Puis les instructeurs s'arrêtèrent sur le
bord de la piste pour les observer, de façon à
peaufiner les groupes si nécessaire. Comme ils le
leur avaient expliqué lors du briefing, aucun groupe
n'était définitif. Ils pouvaient évoluer en cours de
journée...
Maintenant, il fallait arriver à piloter. Le groupe de
Quitterie, les vrais débutants, fut encadré par Cyril.
Elle était avec deux filles, Charlotte et Audrey qui,
elles aussi, voulaient courir l' EvaCup.
Avant de reprendre leurs motos, ils étudièrent le
premier virage à pied. Ils le découpèrent en zone de
freinage, point de corde, et zone de ré- accélération.
Puis ils abordèrent l'importance du regard qui devait,
avant le virage, se porter sur le point à partir duquel
le pilote peut déhancher. A partir de là, le regard se
97
Quitterie et l’ EvaCup
posait sur le point de corde, puis sur la sortie du
virage, et ainsi de suite.... Ils reprirent leurs motos, et
c'était reparti pour un tour. Ils firent tous plusieurs
tours, en s'appliquant du mieux qu'ils pouvaient.
Quitterie se lança dans les dernières, pas très sûre
d'elle. Petit à petit, les progrès commencèrent à se
voir. Son regard s'améliorait, ainsi que le freinage et
l'accélération. Elle avait encore quelques soucis avec
l'étalement de sa boite de vitesse, mais ça finirait
bien par venir. A la fin de la matinée, la fatigue
commença à se faire sentir pour tout le monde. Les
fautes commencèrent à faire leur apparition. Les
instructeurs décidèrent alors de faire la pause de
midi.
Les élèves garèrent leurs motos avec soulagement.
Ils s'écroulèrent tous sur les chaises, dans la salle .
Quelle satisfaction quand ils virent les plateaux
repas! Ils étaient constitués de charcuterie, de pâtes,
de viande froide, de fromage et de fruits. Ils se
jetèrent dessus, comme s' ils n'avaient pas mangé
depuis huit jours... de vrais morfales. Au fur et à
mesure que les estomacs se remplissaient, les
langues se déliaient. Chacun relatait son ressenti de
cette demi-journée, riche en sensations. Cyril en
profita pour donner quelques conseils à chaque
participant. Quand ce fut le tour de Quitterie, elle
98
Quitterie et l’ EvaCup
n'était pas très fière: elle n'avait pas l'impression
d'être très douée.
− C'est toi qui veut participer à l' EvaCup? lui
demanda Cyril.
− Oui, et il me semble que je ne suis pas la
seule. Il y a aussi Audrey et Charlotte, ainsi
que deux autres filles qu'il me semble avoir
vu à la réunion.
− Tr è s b o n n e o b s e r v a t i o n . Vo u s ê t e s
effectivement cinq à participer à ce stage en
vu de faire l' EvaCup. Pour le bilan de cet
matinée, comment as-tu trouvé ce stage de
conduite?
− J'ai trouvé ça extraordinaire. Le fait de porter
son regard aussi loin est quand même assez
déroutant, mais il est vrai que ça permet de
mieux appréhender la suite des évènements.
− En tout cas, tu as fait de très gros progrès. Tu
commences vraiment à piloter. Maintenant, il
faut absolument que tu déhanches. Ton corps
doit sortir de la moto. Et tu peux aussi aller
plus vite, tu ne crains rien.
− Tu en es sûr?... s'inquiéta Quitterie.
− Tu ne cours aucun risque. Par contre, si tu ne
déhanches pas, ta moto prend de l'angle, et
c'est là que ça devient dangereux. Tu t'en
99
Quitterie et l’ EvaCup
rendras très vite compte. De toute façon, cet
après-midi, on va travailler sur ce point.
Cyril continua son tour de table, prodiguant à chacun
les conseils appropriés. Quitterie avait remarqué que
deux filles savaient déjà piloter sur circuit. Elles
passaient tout comme une lettre à la poste. C' en était
écœurant de facilité. Elle se leva et les aborda.
− Vous allez courir à l' EvaCup? Demanda telle.
− Oui, toi aussi?
− Oui, et c'est la première fois que je mets mes
roues sur un circuit.
− Et quelles sont tes impressions, suite à cette
matinée?
− J'adore les sensations que procure ce style de
conduite. Par contre, je me trouve vraiment
pataude, comparée à vous...
− Au début, nous étions aussi comme toi. Il
nous a fallu pas mal d'heures de roulage pour
être à peu près à l'aise. Mais tu vois, on a
toujours besoin de conseils. Mais ne
t'inquiète pas, tu ne t'en sors pas trop mal.
− Merci, répondit Quitterie, et elle sortit
prendre l'air, sa tasse de café à la main.
100
Quitterie et l’ EvaCup
Les participants avaient fini leur repas et leur café.
Les choses sérieuses allaient pouvoir recommencer...
Ils se réunirent sur le bord de la piste. Cyril demanda
à un stagiaire de pousser sa moto jusqu'à lui, de
façon à leur faire visualiser le déhanchement. Une
fois la moto au milieu des participants, Cyril monta
dessus . Il demanda à deux instructeurs de tenir la
moto. Le premier se mit à l'avant, et empoigna le
guidon. Le second se mit derrière et tint la moto par
les poignées du passager. Ils se campèrent bien
solidement sur leurs jambes, de façon à empêcher la
moto de basculer. Et Cyril leur montra la manière de
déhancher: il fallait se reculer sur la selle, sortir son
corps de l'axe de la moto, même les fesses... en fait,
la tête devait se trouver au niveau des rétroviseurs,
comme si on voulait se regarder dedans , et les
fesses à côté de la selle. Et d'autre part, il fallait
pousser la moto à l'inverse du déhanché, de façon à
ce qu'elle reste la plus droite possible, pour avoir
ainsi un maximum d'adhérence...
Tout le monde dut passer sur la moto, pour essayer
le déhanchement à droite et à gauche. Cela paraissait
très simple, à l'arrêt...
101
Quitterie et l’ EvaCup
− Maintenant, tout le monde en selle, et on
travaille le déhanchement, sans oublier ce
que l'on a vu ce matin.
Chaque participant remit son casque et ses gants, et
monta sur sa monture. Depuis le début de la pause,
le soleil s'était invité. Il faisait vraiment chaud sous
leur équipement. Dès qu'ils furent prêts, ils partirent
tous en se suivant. Avant d'attaquer les exercices, ils
devaient faire deux tours de circuit pour bien
chauffer leurs pneus. Et là, pas besoin de faire
louvoyer la moto. Des accélérations franches, suivies
de freinages forts étaient suffisants. Une fois les
pneus à bonne température, ils partirent à l'attaque
du déhanché. Ce qui paraissait simple en statique
s'avéra en fait assez compliqué, car il y avait une
appréhension vis à vis de l'adhérence des pneus, et
de la chute éventuelle. Mais la confiance s'installait
au fur et à mesure des tours. Quitterie passait ses
virages de plus en plus vite, et elle commençait
vraiment à déhancher. Elle prenait confiance en elle,
jusqu'au moment où elle entendit un CRRRRR et
une vibration venant de son genou. Elle prit peur, et
rentra le genou, ce qui eut pour effet de redresser la
moto: elle vit le bac à gravier de très prés...
102
Quitterie et l’ EvaCup
Elle leva le bras gauche, signe qu'elle rentrait au
stand et se gara . Elle regarda son genou: il avait
frotté!!! Quel bonheur, et surtout, quelle trouille...
Elle repartit aussitôt, très fière de son exploit. Elle
prit de plus en plus de vitesse, et plus elle allait vite,
plus le déhanché venait facilement. Elle se surprit
même à en doubler quelques uns. Elle recherchait
systématiquement ce frottement, car à chaque fois, il
lui montait une poussée d'adrénaline. Quelle
extase!!!
Chaque fois qu' ils devaient s'arrêter pour
approfondir un point, elle le faisait à contre-cœur,
car elle aimait rouler. Mais c'était la seule manière
pour pouvoir progresser et avoir un bon niveau pour
courir l' EvaCup.
A la fin de la journée, quand le drapeau à damier
s'agita, tout le monde rentra au stand. Au moment où
elle descendit de la moto, Quitterie s'aperçut qu'elle
était complètement fourbue. Ils se retrouvèrent tous
dans la salle, ou ils purent se désaltérer et s'asseoir,
pour faire le bilan de cette journée. Tout comme le
matin, chaque participant prit la parole . Ceux qui
avaient déjà de l'expérience trouvèrent ce stage
correct dans le sens ou ils avaient pu affiner leur
technique de pilotage. Certains débutants n'avaient
103
Quitterie et l’ EvaCup
pas trouvé leur voie dans cette discipline. Ils avaient
beaucoup de mal, et ne voyaient pas trop l'intérêt de
tout ça. Quand au reste du groupe, ils avaient tout
simplement adoré.
Pour Quitterie, ce stage s'avéra être une révélation,
comme si elle avait enfin trouvé sa voie. Elle s'était
totalement donnée sur cette journée, et les résultats
étaient là. Elle avait fait des progrès extraordinaires.
Il ne lui restait plus qu'à accumuler des heures de
pratique, et elle aurait vraiment un bon niveau. Elle
était tellement heureuse, que tout son visage irradiait
de bonheur. Les deux filles avec qui elle avait
discuté à midi commençaient à la regarder d'un autre
œil: elle devenait une concurrente intéressante...
Elles allèrent même jusqu'à l'aborder, pour savoir
avec quelle moto elle pensait courir. Quand Quitterie
leur annonça qu'elle courrait avec son petit monstre,
un petit sourire narquois apparut sur leurs lèvres.
Elles avaient plutôt l'air d'être rassurées par cette
nouvelle, pensant bien qu'elle ne ferait jamais le
poids. Pour elles, il était impossible d'être battu par
un roadster. Il faut dire aussi qu'elles étaient bien
équipées: un GSXR sept cent cinquante pour l'une,
et un six cents CBR pour l'autre... Il est vrai qu'avec
leurs bolides de plus de cent
chevaux, les petits
104
Quitterie et l’ EvaCup
soixante-quatre chevaux du Mostro semblaient
ridicules.
Puis le stage prit fin. Tout le monde se salua et rentra
chez lui.
Quand Quitterie arriva chez elle, elle eut juste la
force de rentrer la moto dans la grange, de se dévêtir
et de s'écrouler sur son lit. Elle dormit d'une traite
jusqu'au lendemain matin.
Quand elle se réveilla, elle était toute raide. Elle
avait des courbatures sur des muscles dont elle ne
soupçonnait même pas l'existence... Ce fut tout un
poème pour descendre les escaliers et aller prendre
son petit déjeuner. Elle avait du mal à plier ses
genoux, et à tenir la rampe... La journée s'annonçait
cocasse... Tout en petit-déjeunant, elle fit le point de
la journée précédente. Une chose la chagrinait
beaucoup: sa condition physique. Elle qui pensait
être en bonne forme , s'était un peu trompée. Elle
était ressortie essoufflée de ses séances de roulage.
Et pour travailler son endurance et son souffle, rien
de tel que la natation.
En plus de sa sortie VTT hebdomadaire, elle se mit
à faire des séances de natation deux à trois soirs par
semaine. Au début, elle n' arrivait pas à nager
longtemps, mais petit à petit, elle nagea un kilomètre
105
Quitterie et l’ EvaCup
sans soucis, et de plus en plus rapidement. Elle
s'établit un rythme de croisière, et le maintint tout le
temps.
106
Quitterie et l’ EvaCup
10
Pendant tout le mois qui suivit, Quitterie roula autant
qu'elle le pouvait sur la route. Elle s'essaya même
une fois toute seule sur le circuit. Lors du stage, elle
s'était renseignée sur les jours et horaires d'ouverture
au public. Certaines journées étaient libres d' accès.
Elle décida d'y aller, pour se remémorer tout ce
qu'elle avait appris.
Elle arriva à quatorze heures, et se trouva au milieu
d'une foule immense. Jamais elle n'aurait pensé qu'
autant de monde roulait sur la piste. Elle attendit
patiemment son tour pour obtenir le sésame
l'autorisant à rouler. Une fois son permis de
conduire, l'assurance et les papiers de la moto
présentés, elle eut enfin droit au petit bracelet
magique , qui lui ouvrait l' accès à la piste. Et c'était
reparti pour une longue attente. Chaque session
contenait environ vingt
motos et durait vingt
minutes. Mais s'il y avait un accident, même bénin,
l'attente s'allongeait...
Au bout de deux heures, ce fut enfin le tour de sa
session. Avec les nombreuses chutes auxquelles elle
107
Quitterie et l’ EvaCup
avait assistées, Quitterie n'était pas très rassurée.
Tout en se concentrant , elle se récitait les conseils
de Cyril. Première chose, bien faire chauffer ses
pneus. En général, deux tours étaient suffisants.
Ensuite, bien travailler ses trajectoires , de façon à ce
qu'elles soient aussi propres et fluides que possible.
Et surtout, ne pas s'occuper de ce qui se passait
derrière soi. C'est pour ça que Quitterie avait mis ses
rétroviseurs à l'envers. Et elle s'élança...
Elle prit son temps les premiers tours, puis
commença à attaquer. Les autres motards, pour la
plupart, la doublaient tous, mais peu lui importait.
Elle n'avait pas encore le niveau pour les
concurrencer. Mais un jour viendrait où...
Sa session fut ponctuée de deux chutes sans gravité,
heureusement. Elle termina ses vingt minutes, et
n'eut pas le courage de refaire la queue pour une
autre session. Surtout que le comportement de
certains l'avait un peu refroidi. Elle avait
l'impression que, pour eux, c'était un peu la loi de la
jungle: j'ai une grosse moto très puissante, je n'y
connais rien en pilotage, mais ce n'est pas grave,
j'attaque comme un malade pour doubler tout le
monde. Ce type de comportement animal était
totalement aberrant, et Quitterie ne se sentait pas
prête à recommencer avec eux. Elle décida donc
108
Quitterie et l’ EvaCup
d'arrêter là, et de rentrer tranquillement chez elle.
Mais tranquillement est un mot d'une grande
prétention quand on vient de faire une session sur
piste. Elle se surprit à déhancher dans le premier
virage, et à trouver un point de corde sur la ligne
blanche... Quand le rétroviseur d'une voiture passa
tout près de sa tête , ça la calma aussitôt.
Elle se contrôla et rentra sereinement chez elle.
Les jours précédents le deuxième stage passèrent
rapidement. Quitterie avait beaucoup de travail, et
plus trop le temps de penser à la course. Elle prenait
quand même le temps de piloter tous les jours sa
moto, histoire de la connaître sur le bout des doigts
Arriva enfin le deuxième cours avec Cyril. Cette
fois, Quitterie était moins stressée, car elle savait à
quoi s'attendre.
Elle arriva, et retrouva certaines des filles avec qui
elle était la fois précédente, notamment Charlotte et
Audrey. Aussitôt, elles se mirent ensemble, et
discutèrent en attendant Cyril.
Quand il arriva, il fit la bise aux filles et serra la
main aux autres. Il réitéra les consignes de sécurité,
la signification des drapeaux, et rappela l'importance
109
Quitterie et l’ EvaCup
d'avoir une moto en bon état pour rouler sur la piste.
Puis ils firent ensemble le tour des motos, de façon
à apprécier leur état. Un stagiaire, dont les pneus
étaient usés jusqu'à la corde se vit refuser l' accès à
la piste. Il eut beau implorer, disant qu'il était là pour
finir ses pneus, rien n'y fit. Soit il les changeait tout
de suite, soit il ne tournait pas, et dans ce cas là, son
stage n'était pas remboursé, car c'était stipulé dans
les conditions générales. Furieux, il partit dans
l'espoir de changer ses pneus et de pouvoir rouler
après avec eux...
Puis Cyril forma des groupes de niveaux. Les filles
se retrouvèrent ensemble, très heureuses. La
première fois , elles ne s'étaient pas trop parlées, car
trop intimidées, et trop de nouveautés. Maintenant
elles étaient presque en terrain conquis, si l'on
pouvait dire. Et les exercices commencèrent. Il
fallait encore et toujours travailler le regard, le
freinage , la prise d'angle et le déhanchement...
Et surtout, il fallait avoir des repères fixes, pour
savoir exactement quand freiner, quand déclencher
le déhanchement, viser le point de corde, réaccélérer.... C'était très certainement un des points
les plus compliqués... Mais à force de passer et
repasser, Quitterie finit par y arriver, et sentit bien
110
Quitterie et l’ EvaCup
qu'elle passait les virages beaucoup plus vite. Et elle
reproduisit cette séquence jusqu'à n'en plus pouvoir.
Lors de la première session de l'après-midi, elle eut
un accrochage avec un autre stagiaire. Ils étaient cul
dans cul depuis un moment, mais à chaque fois que
Quitterie faisait une tentative pour le doubler, il
changeait sa trajectoire
systématiquement pour
l'empêcher de passer. Elle trouva finalement une
opportunité pour lui faire l'intérieur. En effet, il avait
raté son entrée dans un virage, et le prenait un peu
trop large. Elle donna un coup d'accélérateur et
s'engouffra dans la brèche ouverte, en lui faisant
l'intérieur. Lui, la sentant arriver, se rabattit sur elle.
Heureusement qu'elle avait senti le coup arriver. Elle
maintint très fermement le guidon, prête à amortir le
choc et la chute qui s'en suivrait à coup sûr... Son
ange gardien devait veiller sur elle, car
effectivement, les deux guidons se touchèrent, mais
comme elle s'était préparée au choc, elle ne chuta
pas. Elle réussit à garder la moto sur ses roues, sans
savoir trop comment. Quand à l'autre stagiaire, le
choc eut pour effet de l'éjecter de sa trajectoire, il
partit dans le bac à gravier, mais il réussit lui aussi à
rester sur ses roues... Suite à ce choc, Quitterie crut
que son cœur allait sortir de son emplacement
111
Quitterie et l’ EvaCup
tellement il battait fort. Elle termina son tour au
ralenti tellement elle tremblait... Quand elle leva le
bras pour signaler sa sortie, le drapeau rouge était
levé, signe que tout le monde devait s'arrêter.
Elle gara sa moto, enleva son casque et attendit que
l'autre arrive. Quand elle le reconnut, il eut à peine le
temps d'enlever son casque que Quitterie était sur
lui, telle une furie. Elle qui était d'ordinaire d'un
calme olympien... Elle le traita de tous les noms,
sans lui laisser le temps d'en placer une, et comme il
avait enlevé son casque et avait un sourire narquois,
elle lui mit une grande claque. Puis elle partit en
mettant un coup de pied dans sa moto. Il fut
déséquilibré, mais rattrapa sa moto in-extrémis. Il
allait riposter quand Cyril intervint. Quitterie avait
des larmes de rage dans les yeux. Suite à son
comportement plus que limite, le stagiaire fut
immédiatement exclu du circuit. Il eut beau plaider
sa cause, cela ne changea rien. Cyril lui rappela le
règlement qu'il avait enfreint, et le raccompagna à la
sortie. C'est à ce moment là qu'elle le reconnut. Mais
bien sûr... c'était le gars de ce matin qui s'était déjà
fait refouler à cause de ses pneus...
Elle prit le temps de se calmer, et quand elle se sentit
prête, elle repartit sur la piste. A la fin de sa journée,
112
Quitterie et l’ EvaCup
elle était ravie. Elle ne savait pas quel était son
temps, mais ses trajectoires étaient maintenant
bonnes, et elle passait de plus en plus rapidement.
La journée se termina sans autres incidents. A la fin
du stage, les filles s'échangèrent leurs mails, pour se
tenir au courant de leur inscription définitive à l'
EvaCup. Pour Quitterie, il n'y avait pas à tergiverser,
dans sa tête, elle était déjà inscrite. Elle voulait
absolument relever ce défi. Avant la fin, Cyril réunit
les trois filles, et leur prodigua quelques conseils
spécifiques pour la course. Il leur déconseilla tout de
même de venir s'entraîner seules pendant les heures
d'ouverture au grand public, car les conditions de
sécurité n'étaient
vraiment pas au top, ce que
confirma Quitterie. Mieux valait rouler avec des
stages organisés. Puis ils se séparèrent, et chacun
rentra chez soi.
113
Quitterie et l’ EvaCup
11
Quelques temps plus tard, Quitterie confirma son
inscription à la course, et reçut le règlement officiel,
qui spécifiait la préparation de la moto, et
l'équipement obligatoire pour le pilote.
A la lecture du document, elle évalua tout ce qu'il y
avait à faire, et se dit qu'en un mois, ce serait
chaud...
Tout d'abord, elle devait faire sa demande de licence,
et pour cela s'inscrire dans un club moto. Elle prit un
club à côté de chez elle, et demanda une licence
NCB, car, pour cette année, le cumul des points ne
l'intéressait pas.
Côté équipement du pilote, c'était déjà fait. Elle
vérifia juste que son casque comportait la bonne
norme, ce qui était le cas.
Mais alors, pour la préparation de la moto, c'était
une autre paire de manches. Il y avait tout d'abord ce
qu'elle pouvait faire seule, comme le démontage de
certaines pièces:
114
Quitterie et l’ EvaCup
−
−
−
−
les phares avant et arrières,
les clignotants,
l'avertisseur sonore,
la béquilles.
Pour la béquille, il fallait trouver le contacteur qui
empêchait la moto de démarrer lorsqu'elle était
dépliée, et le court-circuiter.
Une fois ces pièces démontées , il fallait protéger les
câbles électriques avec du chatterton étanche, de
façon à éviter les courts-circuits en cas de pluie.
Ensuite, pour les motos qui ont un refroidissement
liquide, le remplacer par de l'eau du robinet ou de
l'eau distillée, car les liquides de refroidissement
sont gras, et en cas de perte, rendent la piste
glissante. Sur ce point là, Quitterie était tranquille,
son moteur disposait d'un refroidissement air-huile.
Puis on attaquait les choses compliquées: elle devait
poser un sabot moteur fermé, suffisamment grand
pour contenir l'huile et l'eau de son moteur. Ce sabot
doit avoir deux bouchons, car, en cas de pluie, il faut
les ouvrir pour évacuer l'eau emmagasinée dedans.
Il fallait aussi prévoir la récupération des liquides
dangereux, tels que l'essence, l'huile et l'eau. Les
115
Quitterie et l’ EvaCup
reniflards de ces liquides devaient aboutir dans des
récipients fermés d'une capacité d'un demi-litre, et
être fixés sur le cadre ou le moteur à l'aide de
colliers plastiques ou de scotch américain.
Quant au dernier point, c'était le plus complexe. Il
fallait freiner les écrous et vis de fixation des durites
d'eau, d'huile et de freins, ainsi que du filtre et du
bouchon de radiateur d'huile. Il s'agissait du point le
plus délicat, car, pour chaque vis ou écrou , il fallait
percer un petit trou, y faire passer un fil de fer, le
torsader, et le fixer de telle sorte qu'il empêche la vis
ou l'écrou de se desserrer. Quitterie ne savait pas
trop comment s'y prendre. Pour le reste, ça allait à
peu près.
La seule chose qui l'embêtait, c'est qu'à partir du
moment où elle allait modifier sa moto, elle ne
pourrait plus rouler sur route avec. Il faudrait qu'elle
voit avec Sonia si elles pouvaient faire les trajets
ensemble, en espérant que leurs horaires concordent.
Sur la feuille de règlement, il y avait quelques petits
conseils en plus. Tout d'abord, pour les pneus. Pour
faire du circuit, on pouvait se contenter de pneus de
route, mais mieux valait prendre des pneus très
tendres, qui s'usent très vite, mais qui adhèrent très
116
Quitterie et l’ EvaCup
bien à la piste. Par contre ces pneus sont , très
souvent, interdits sur route. Quand à la pression à
mettre à l'intérieur, il ne fallait pas suivre les
préconisations du constructeur ou de la moto. En
conduite sur circuit, il faut, en général, avoir une
pression de 2,1 kilos à l'avant et de 1,9 kilos à
l'arrière.
Pour les amortisseurs avant , ils préconisaient de
durcir le ressort, à l'aide des vis situées au niveau du
té de fourche, afin d'éviter à la fourche de venir en
butée sur des freinages violents. Attention tout de
même à ne pas trop durcir le ressort, car piloter avec
un bout de bois n'est pas forcément une très bonne
idée. D'autre part, il fallait aussi mettre une huile
plus onctueuse. En effet cela permet de ralentir la
fourche dans ses mouvements de descentes et de
montées. La moto se retrouve donc plus rapidement
en appui sur l'avant lors du freinage, et le transfert de
masse se fait mieux. Et au moment du lâcher de
freins, la moto ne remonte pas trop vite, ce qui évite
une perte d'adhérence de l'avant.
Quant à l'amortisseur arrière, il fallait le comprimer
pratiquement au maximum. Attention cependant à ce
que la moto ne soit pas trop raide, sinon il y avait un
risque de ne pas sentir la limite d'adhérence du pneu.
117
Quitterie et l’ EvaCup
Pour les freins, il fallait que les disques et les
plaquettes soient en très bon état, et que les
plaquettes aient été correctement rodées. Pour cela ,
il faut rouler et freiner par petits coups de façon à les
faire monter progressivement en température. En
fait, cela consiste à déposer une couche de garniture
sur la surface de contact du disque . Ainsi les
plaquettes et les disques sont parfaitement adaptés
l'un à l'autre. Quant au liquide de frein , il faut le
changer régulièrement et s'assurer qu'il n'y a pas de
bulles d'air dans les câbles.
Pour un freinage efficace sur circuit, deux écoles
s'affrontent. La première stipule de d'abord freiner
très légèrement avec le frein arrière, de façon à
transférer les masses du pilote et de la moto sur la
roue arrière. Après seulement, on prend le frein
avant à fond. Ainsi, il n'y a plus de risque de perte
d'adhérence, la roue avant est plaquée au sol. Pour la
deuxième, il ne faut pas toucher au frein arrière. A
chacun de voir....
Pour la position sur la moto , la pointe des pieds
doit être sur les repose pieds, les fesses au milieu de
la selle. Il faut éviter de se coller au réservoir. Pour
prendre de la vitesse, il faut être couché sur le
réservoir de la moto, mais ne pas être en appui sur le
118
Quitterie et l’ EvaCup
guidon. Il ne faut pas oublier qu'une moto se
conduit avec les pieds...
Voilà pour les « quelques » conseils techniques.
Après, il fallait penser, pour celles qui n'en avaient
pas, à mettre une tête de fourche sur la moto, de
façon à pouvoir coller son numéro dessus. Les
plaques avec le numéro sont au nombre de trois: une
sur le devant, et deux autres en bas du carénage, sur
les côtés. Mais là aussi, pas question de faire
n'importe quoi: le numéro devait être noir mat, sur
un fond blanc mat. Pour l'avant, le numéro devait
mesurer au minimum quatorze centimètres de haut
pour huit centimètres de large et les traits devaient
être de deux centimètres. Quand aux côtés, le
numéro devait faire au minimum douze centimètres
de haut, pour six centimètres de large et deux
centimètres d'épaisseur. D'autre part, pour celles qui
avaient des motos claires, la plaque numéro devait
être bordée d ' un trait noir de huit millimètres .
Pfiou, que de contraintes... Et ce n'était que le
début...
Puis venait l'emploi du temps de la course. Pour la
première épreuve, qui se déroulait en deux manches,
il fallait arriver le vendredi après-midi pour les
119
Quitterie et l’ EvaCup
vérifications techniques et administratives. Chaque
pilote devait y aller équipé, avec sa licence, sa
confirmation d'engagement et sa moto. Suite à ça,
moyennant une caution, il se voyait remettre un
transpondeur, qu'il devait fixer à l'avant de la moto,
sur la fourche. Le transpondeur est un système de
chronométrage automatique et précis. Il nécessite la
pose de boucles magnétiques sur la piste. Il
fonctionne par induction magnétique. Le vendredi
étaient aussi prévues une à deux séances d'essai,
pour s'assurer que tout allait bien, et que les
trajectoires étaient correctes.
Les séances qualificatives commençaient le samedi.
Chaque concurrent devait se présenter en pré-grille
vingt minutes avant l'heure théorique de sa séance,
afin de permettre le contrôle des transpondeurs.
Pendant les séances de qualifications, chaque pilote
devait rouler le plus vite possible, de façon à être le
mieux placé sur la grille de départ. Rien ne
l'obligeait à rouler pendant vingt minutes. C'était à
lui de voir quand il aurait fait son meilleur temps. Il
y avait deux séances de qualifications, de vingt
minutes chacune, et on ne gardait que le meilleur
temps des deux séances. Suite à cela, un classement
était établi à partir du meilleur temps effectué par
120
Quitterie et l’ EvaCup
tous les pilotes de la série. Sachant qu' entre les cinq
premiers et le dernier, il ne devait pas y avoir un
écart de temps supérieur à cent vingt-cinq pour cent .
De plus, depuis un an , il y avait un contrôle au
sonomètre. Tout pilote dont le contrôle n'est pas
conforme partira en fond de grille, une fois sa moto
mise en conformité.
Voilà pour la réglementation administrative et
technique.
Mais un autre problème se posait à Quitterie: une
fois sa moto préparée pour la course, plus question
de rouler avec. Il fallait qu'elle trouve soit une
remorque, et la voiture qui va avec, soit une
camionnette pour se rendre au circuit. Étant donné
qu'elle n'avait pas de voiture personnelle, et qu'elle
ne connaissait personne qui non seulement avait une
voiture et en plus un crochet d'attelage, elle opta
pour la camionnette. Elle fit le tour , sur internet, des
différents loueurs, et simula des devis, de façon à
prévoir ce poste dans son budget.
Maintenant, il fallait qu'elle arrive à convaincre
Sonia de venir avec elle sur le circuit. Étant donné
qu'elle n'aimait pas vraiment les motos, ça n'allait
121
Quitterie et l’ EvaCup
pas être une mince affaire... Mais quand Quitterie lui
expliqua le déroulement du weekend, le stress
qu'elle ne manquerait pas d'avoir, Sonia se laissa
facilement convaincre.
− Mais tu sais, lui dit-elle, même si tu ne me
l'avais pas demandé, je serai venue avec toi.
Je n'allais quand même pas louper ta
première course.
− Oh, merci, lui répondit Quitterie en se jetant
dans ses bras.
122
Quitterie et l’ EvaCup
12
Les deux amies commencèrent à faire leur plan pour
le weekend, qui allait arriver très très vite. Sonia,
l'esprit toujours pratique, pensa à une multitude de
détails que Quitterie avait survolé.
− Pour les repas, on fait comment, lui demanda
t-elle?
− Ils proposent des plateaux repas pour dix
euros, à condition de les réserver le matin. Je
pense que c'est le plus simple. Par contre, ce
n'est que pour le midi. Pour le soir, il faudra
que l'on se fasse notre popote.
− On prendra les affaires de camping, et ça fera
l'affaire. De toute façon, on ne va pas faire de
la grande gastronomie.
− C'est vrai. On se contentera de pâtes, de
jambon, de fromages et de fruits. Ce sera
bien suffisant.
− Sans oublier des litres et des litres d'eau, plus
deux ou trois petites gâteries...
− Genre?
− Petits gâteaux, bonbons, boissons sucrées...
123
Quitterie et l’ EvaCup
− Un vrai festin de roi, en quelque sorte,
rétorqua Quitterie en éclatant de rire devant
l'air malicieux et gourmand de Sonia.
− J'espère qu'il y aura des douches sur place,
s'inquiéta tout à coup Sonia.
− Je pense que tout est prévu. Je partirai en
Jean T-Shirt et baskets, et je me changerai làbas. Qu'en penses-tu?
− Étant donné que tu dois conduire la
camionnette, je pense que c'est le mieux.
− J'espère juste que j'aurai le temps de le faire...
− Ne t'inquiète pas, ça va aller. On fermera le
bureau exceptionnellement à midi. On rentre,
on mange sur le pouce et on décolle au plus
tard à une heure, une heure et demi. Ça nous
fait arriver sur place vers cinq heures. Il te
restera encore pas mal de temps devant toi.
− Mouais, répondit Quitterie pas très
convaincue, mais sachant pertinemment
qu'elle ne pourrait pas conduire avec sa
combinaison sur elle.
− Et au fait, on dort où?
− Sur place... Je vais voir si ma vieille tente est
encore en état pour un weekend, proposa
Quitterie.
124
Quitterie et l’ EvaCup
− Bon, quand à moi, je fais la liste de tout ce
qu'il faut pour l'intendance. Toi, tu ne
t'occupes que de la partie course, proposa
Sonia.
− On fait comme ça. Et merci pour tout, lui dit
Quitterie.
Pendant les jours qui suivirent, Quitterie mit sa moto
en pension chez son grand-père pour pouvoir
bricoler dessus à sa guise, et sous son oeil avisé...
Elle commença par la fourche, car elle avait tout ce
qu'il fallait. Par contre elle échangea l'huile qu'elle
avait acheté à la base par une huile plus adaptée au
pilotage sur circuit. Son grand-père possédant une
toute petite perceuse, elle se mit à freiner toutes les
vis. Elle avait trouvé sur internet la manière de faire
ça proprement. Elle en profita pour acheter aux
enchères un sabot et une tête de fourche. Comme ils
étaient blanc, elle les repeint en rouge. Ce n'était pas
tout à fait le même que celui de sa moto, mais il s'en
approchait beaucoup. Elle avait eu le privilège de
choisir son numéro de course, car elle était l'une des
premières inscrites. Elle avait tout naturellement
choisi son numéro fétiche , le trois.
125
Quitterie et l’ EvaCup
Jour après jour, sa moto se transformait, sous l'oeil
attentif de son grand-père. Malgré son travail,
Quitterie arrivait à se libérer suffisamment de temps
pour bien la préparer.
Et comme son grand-père n'était pas dénué de
ressources, il avait réussi à lui trouver une
camionnette. Il avait un ami dont le fils faisait des
courses d'enduro, et il pouvait lui prêter la
camionnette pour le weekend. C'était d'autant plus
appréciable que cette camionnette était déjà
aménagée. Au sol , il y avait un système de fixation
pour la moto qui évitait qu'on utilise les sangles. En
fait, on mettait la roue avant de la moto dans un
bloque roue avant basculant. Puis on la fixait grâce à
un système de cliquet au niveau des cale-pieds. Ce
système fonctionnait très bien sur une moto
d'enduro, restait à voir si ça l'était aussi avec une
moto de route. Il y avait bien entendu la rampe pour
monter la moto dans la camionnette.
Ils avaient aussi installé un lit au plafond, qui se
descendait grâce à un système de poulie. Il y avait
même une desserte pour les outils. C'était une vraie
chance de disposer de cette camionnette.
126
Quitterie et l’ EvaCup
Les jours qui précédèrent la course, elles étaient
excitées comme des puces. Elles avaient leurs
projets à peaufiner et le weekend de course à
organiser. Mais grâce à Sonia, tout se passa sans trop
de heurts. Le jeudi soir, elles allèrent chez les
grands-parents de Quitterie pour prendre la moto et
la camionnette. Le chargement de la moto fut un peu
épique, mais elles finirent par y arriver au bout de la
deuxième tentative. Elles trouvèrent la rampe un peu
fine... Le système de fixation se trouvait exactement
où il fallait. Tout en fixant les cale-pieds, Quitterie
constata que le système avait été déplacé de
quelques centimètres de façon à s'adapter
parfaitement à sa moto.. Il faudrait qu'elle pense à
remercier son grand-père pour ça...
En arrivant chez elles, Sonia prit la liste qu'elle avait
dressée, et elles commencèrent le chargement. Sonia
avait même pris les papiers de courses de Quitterie
pour être sûre qu'elle ne les oublierait pas, car elle
connaissait la lascar. Elle savait bien qu'elle allait
oublier une chose ou l'autre. Et ce fut le cas.
Quitterie avait complètement omis l'achat de
l'extincteur. Sonia se précipita dans leur maison
pour voir celui qu'elles avaient. Manque de chance,
il ne s'agissait pas du même. Il en fallait un
127
Quitterie et l’ EvaCup
beaucoup plus gros. Et le lendemain matin, elles ne
pourraient pas aller en acheter un car elles avaient un
rendez-vous professionnel... La chance leur sourit,
car, tout en rangeant la camionnette, Sonia trouva,
sous le siège passager, un extincteur équivalent à
celui demandé.
Une fois la partie intendance chargée, elles
s'occupèrent de la partie technique. Elles sanglèrent
le bidon d'essence supplémentaire le long de la
paroi. Sur l'autre paroi, elles arrimèrent leurs affaires
personnelles. Elles suspendirent la combinaison de
Quitterie sur un cintre en bois. La combinaison était
tellement lourde, que les cintres en plastique ne
résistaient pas à son poids. Puis elles calèrent leurs
sacs de couchage, la corbeille avec leurs victuailles
et leur réchaud à gaz, ainsi que le casque, les bottes
et les gants de Quitterie. Quand tout fut bien arrimé,
elles fermèrent la camionnette et partirent se
coucher.
Quitterie eut beaucoup de mal à s'endormir ce soir
là. Elle se repassait sans cesse la vidéo du circuit de
Pau qu'elle avait trouvé sur internet, se rappelant les
conseils de Cyril en matière de pilotage, la manière
dont les pilotes rapides l'abordaient... Elle visionnait
virage après virage, avec à chaque fois le freinage, le
128
Quitterie et l’ EvaCup
point de corde, la manière d'entrer dans le virage, la
sortie et l'accélération. Puis au bout de chaque ligne
droite, où se positionner pour bien appréhender le
virage suivant... Tout défilait dans sa tête, et
l'empêchait de dormir. Finalement, elle dut
s'endormir, car la dernière fois qu'elle regarda
l'heure, il était 2 heures du matin. Le réveil se
déclencha à 7 heures . A peine entendit-elle les
premières notes de musique qu'elle était déjà sur
pied et avait mis son café en route. Elle piaffait en
attendant Sonia, et elles partirent au bureau. Elles
étaient à peine revenues à midi qu'elles mangèrent
sur le pouce, et décollèrent aussitôt.
129
Quitterie et l’ EvaCup
13
Quand elles arrivèrent aux abords du circuit, elles
furent estomaquées... Il y avait du monde partout.
Elles furent submergées par le bruit des moteurs des
motos qui tournaient déjà sur la piste, et par les
odeurs bien particulières de ce type d'endroit. Il y
avait l'odeur d'essence, d'huile de moteur, de
gommes de pneus... Et l'odeur, beaucoup plus
alléchante des barbecues...
Le circuit était divisé en deux parties: une pour les
concurrents, et l'autre pour les spectateurs. Quitterie
prit conscience tout à coup que , sur un week-end, il
y avait plusieurs courses. D'où le monde présent.
Tout d'abord, elles se garèrent
dès qu'elles
trouvèrent une place , de façon à obtenir le pass qui
leur permettrait d'entrer dans l'enceinte des coureurs.
Une fois cette formalité accomplie, on leur remit un
bracelet chacune et un autre pour la camionnette.
Pour les concurrents, le bracelet était rouge, pour les
accompagnants bleu, et pour les véhicules orange.
Elles devaient mettre ce bracelet obligatoirement à
130
Quitterie et l’ EvaCup
leur poignet, et ne l'enlever qu'à la fin du week-end.
Pour cet effet, les bracelets étaient indéchirables et
plastifiés, de façon à résister aux douches. Elles
installèrent le bracelet pour la camionnette sur son
rétroviseur central , et ainsi, elles purent accéder à
l'espace dédié.
Et là, une nouvelle surprise les attendait: le parking
s'était transformé en un vrai petit village. Certains
pilotes étaient venus en camping-car, avec la
remorque moto attelée derrière, d'autres avaient
monté deux tentes: une pour dormir et l'autre pour
bricoler. Certains encore avaient des camionnettes
aménagées, tout comme elles. D'autres, enfin avaient
juste une remorque attelée à leur voiture. Soit ils
dormaient à l'hôtel, soit chez eux, soit sur la
banquette arrière de la voiture...
Des sanitaires avaient été installés, en prévision du
grand nombre de personnes à venir. Elles trouvèrent
une place, et se garèrent. L'ambiance sur le paddock
était à la rigolade. Beaucoup se connaissaient déjà.
Certains bricolaient sur les motos. Il n'y avait aucun
esprit de compétition, c'était plutôt à la bonne
franquette. D'autres discutaient à côté de leurs
motos, en montrant les modifications qu'ils avaient
apportées, et pourquoi.
131
Quitterie et l’ EvaCup
Quitterie et Sonia avaient un sentiment étrange en se
promenant sur le paddock. Comme elles ne
connaissaient personne, elles avaient un peu
l'impression d'être comme un cheveu sur la soupe.
Elles ne perdaient pas une miette de ce spectacle ,
tout en se rendant sous le barnum des organisateurs
de la course EvaCup. Suite à la présentation de son
inscription , on lui remit le programme des festivités,
ainsi que le schéma du tracé du circuit. Quitterie
étant totalement néophyte, toute l'équipe prit le
temps de lui expliquer le fonctionnement de ce genre
de weekend. Ils lui
indiquèrent les différents
endroits où elle devait se rendre, et lui conseillèrent
de passer tout de suite les contrôles, pour ensuite
faire une ou deux séances d'essai, si elle avait
suffisamment de temps.
Car dès le samedi, les choses sérieuses démarraient.
Tout d'abord, les séances qualificatives avaient lieu à
neuf et onze heures. Puis la première course se
déroulerait à dix-huit heures. Quant au dimanche, la
seconde course se courrait à quatorze heures.
Viendraient ensuite la remise des coupes, et les
séances photos pour les différents magazines et
sponsors.
132
Quitterie et l’ EvaCup
Quitterie et Sonia regagnèrent la camionnette en
discutant du weekend. Entre temps, d'autres
personnes étaient arrivées. Le parking n'allait pas
tarder à être plein. Vu le programme qui les attendait
et l'heure, elles décidèrent de suivre les conseils
donnés par les organisateurs , en commençant par les
contrôles. Et ensuite , s'il restait suffisamment de
temps, de faire une ou deux séances d'essai.
Arrivées à la camionnette, elles ouvrirent les portes
arrières pour descendre la moto. Sonia installa la
rampe, et resta en bas. Quitterie se mit sur le côté de
la moto, enleva les cliquets des cale-pieds, et la fit
sortir du bloque roue avant. Elle la fit reculer tout
doucement, de façon à la présenter bien droite
devant la rampe. Sonia attrapa la moto par les
poignées . La moto commença sa descente quand
tout à coup, Quitterie vit apparaître quelqu'un à côté
d'elle. Elle sursauta, et faillit lâcher la moto, qui
partit de côté. Elle la rattrapa in-extrémis.
− Ça ne va pas, non , de me faire peur comme
ça? S'écria t-elle.
− On vient vous aider à descendre la moto, lui
répondit l'inconnu, car vous me semblez un
peu mal parties.
− Merci, lui dit Sonia, soulagée.
133
Quitterie et l’ EvaCup
− Qu'est-ce qui vous fait croire ça? Lança
Quitterie, à la fois agacée et soulagée de ce
coup de main.
− Je dirais qu'entre toi qui me paraît un peu
frêle et ta copine en petit escarpin, ça ne le
fait pas trop, lui répondit-il en s'emparant du
guidon, pendant que son ami prenait la place
de Sonia.
Elles éclatèrent de rire en pensant au spectacle
qu'elles représentaient, et du coup, les laissèrent
faire. Ils descendirent la moto en moins de temps
qu'il n'en faut pour le dire, et Quitterie la mit sur la
béquille d'atelier, qu'elle avait attrapée.
− Moi c'est Gaspard, mais tout le monde
m'appelle Gaz, et je cours pour les
endurances Ducati avec mon copain Zach. Et
vous?
− Salut, moi c'est Sonia et je suis l'assistante
de Quitterie qui s'est engagée pour l' EvaCup.
Ce sera sa première course.
− Chapeau bas, madame. Mais c'est quoi
comme course? Je n'en ai jamais entendu
parler, demanda Gaz, en se tournant vers
Quitterie.
Elle leur expliqua tout de cette nouvelle course.
134
Quitterie et l’ EvaCup
− Les qualifications se déroulent demain matin
à neuf
et onze heures , et vous? leur
demanda Quitterie.
− Pile au milieu des nôtres , alors. On va vous
réveiller, car notre première séance est à huit
heures, mais on doit se présenter en pré-grille
vers sept heures trente, sept heures quarante.
Quand à la deuxième, elle aura lieu à onze
heures quarante. J'espère que vous viendrez
nous voir... leur dit Zach, plein d'espoir.
− On aura peut-être un peu de mal pour la
première séance, car on dormira certainement
encore, mais pour la deuxième, ce sera sans
problèmes, répondit Sonia, en tant que
gérante de l'emploi du temps de Quitterie.
− Faire une grasse matinée sur un circuit? Se
moqua gentiment Gaz, ne te fais pas trop
d'illusion. A mon avis, tu seras levée à six
heures et demi, sept heures, dès que les
premiers moteurs se mettront en marche.
− Et votre course a lieu quand? Interrogea
Quitterie, très concentrée sur son sujet.
− En fait, nous avons deux courses d'endurance
sur le weekend. Demain après-midi, nous
135
Quitterie et l’ EvaCup
−
−
−
−
courrons de quatorze à dix-sept heures, et
dimanche matin de huit à onze heures.
Mais je croyais que les endurances ne se
courraient qu'en une seule course, lui
rétorqua Quitterie.
Cette année, ils essayent une nouvelle
formule. On va voir ce que ça donne. Mais
nous, on est content, ça nous permet de
rouler beaucoup plus longtemps. Nous ferons
des relais d'une vingtaine de minutes.
Et vous courrez avec quoi?
Nous roulons comme toi, en Ducati. Elle est
juste un peu plus sportive. Nous avons choisi
une 999 d'occasion, que nous avons
entièrement préparée.
La Ducati 999 est une moto de type Superbike, c'est
à dire taillée pour faire du circuit. Elle est dotée du
classique bi-cylindre en V à quatre-vingt dix degrés,
et a un cadre treillis tubulaire en acier. Son
alimentation se fait par une injection électronique, et
le freinage est assuré par deux disques à l'avant avec
des étriers quatre pistons, et d'un disque à l'arrière,
avec un étrier de deux pistons. Le tout de la marque
Brembo, bien évidemment. Le moteur, quant à lui, a
une cylindrée de 998 centimètres cubes . Il
136
Quitterie et l’ EvaCup
développe cent quarante chevaux. La fourche avant
est une Showa. La moto pèse cent quatre-vingt-dixneuf kilos, et a un réservoir de quinze litres et demi,
dont trois de réserve. Son couple est de onze virgule
un mètres kilo à huit mille tours. Une vraie bête de
course...
− Décidément , on ne joue pas dans la même
cour, dit Quitterie. Pour moi, c'est juste un
750 Mostro , avec ses soixante-quatre
chevaux de base. Mais pour ma première
course, ça me va très bien.
− C'est déjà pas mal pour démarrer, lui
confirma Zach. Et ta course?
− En fait, je vais courir deux fois trente
minutes. La première course aura lieu samedi
à dix-huit heures et la seconde dimanche à
quatorze heures.
Tout en discutant , Quitterie préparait ses affaires
pour les contrôles.
− Messieurs, vous m'excuserez, mais je dois
me changer pour passer les contrôles, leur
dit-elle en entrant dans la camionnette.
− Tu sais que tu n'es pas obligée d'enfiler ta
combinaison pour le contrôle? Lui dit Gaz.
137
Quitterie et l’ EvaCup
− Peut-être, mais j'aimerai bien faire une petite
séance d'essai juste après, car je n'ai jamais
roulé sur ce circuit.
− Dans ce cas là, tu fais bien de faire une
séance aujourd'hui. C'est un circuit assez
technique, il faut bien le prendre. Ta
trajectoire doit être super précise. Si tu veux,
je fais une séance avec toi, et tu suis ma
trace.
− C'est génial, merci. On se retrouve pour la
séance alors. A tout de suite...
Quitterie ferma la portière de la camionnette, et en
ressortit quelques instants plus tard, entièrement
équipée. Elle enfourcha sa moto, légèrement tendue
par ce qui l'attendait.
Sentant son stress, Sonia tenta de la rassurer, comme
elle pouvait.
− J'y vais , lui dit Quitterie, tu me rejoins?
− Je te suis , lui répondit Sonia .
− Tu prends les papiers?
− Ne t'inquiète pas, je gère ton administratif.
− Merci. A tout de suite.
Zach enleva la béquille d'atelier et Quitterie partit
sur sa belle moto, qu'elle n'avait plus touchée depuis
138
Quitterie et l’ EvaCup
le début des préparatifs. Qu'elle se sentait bien à son
guidon. Son stress commençait à passer. Elle avait
un peu moins de fourmis dans le ventre.
Sonia la rejoignit au contrôle administratif. Quitterie
voulut descendre de la moto pour présenter ellemême ses papiers, mais Sonia avait oublié la
béquille d'atelier... Ce fut donc cette dernière qui
présenta la feuille d'inscription et la licence NCB de
Quitterie, pendant qu'elle tenait la moto. Quand tout
fut bon, elles se rendirent au contrôle technique. Là,
rebelote, Sonia présenta les papiers du contrôle
administratif, et la carte grise de la moto.
Puis les commissaires examinèrent la moto sous
toutes les coutures. Ils demandèrent à Quitterie
quelques détails sur la préparation de la moto.
Comme elle avait quasiment tout fait, elle leur
répondit sans aucune hésitation. Ils étaient un peu
étonnés que cette moto n'ait pas de refroidissement
liquide, mais finirent par donner leur autorisation de
courir. Il ne restait plus qu'à fixer le transpondeur qui
lui avait été remis pendant le contrôle administratif,
et Quitterie pourrait faire une petite séance d'essai .
Il était dix-huit heures quand elle rejoignit Gaz dans
la file d'attente, pendant que Sonia se trouvait un
point stratégique pour les observer. Au bout d'une
139
Quitterie et l’ EvaCup
demi-heure d'attente au gros soleil, la série de
Quitterie et Gaz put enfin rouler. Se rappelant ses
leçons de pilotage, elle prit le temps de faire bien
chauffer ses pneus, d'autant plus qu'elle n'avait
jamais roulé sur ce circuit. Pour l'occasion , elle
avait une nouvelle paire de pneus à gomme tendre,
mais qui tenaient quand même bien en cas de pluie.
Une fois qu'elle sentit qu'ils accrochaient bien
l'asphalte, elle attaqua.
Comme promis, Gaz lui montra la bonne trajectoire,
en essayant de rouler à son allure. Mais au bout de
quelques tours, il accéléra, et Quitterie ne réussit pas
à le rattraper. Ce n'était pas très grave, elle avait
retenu l'essentiel des trajectoires et elle se sentait de
plus en plus à l'aise. Elle était tellement concentrée
qu'elle fut surprise par le drapeau rouge, qui pour le
coup, signifiait la fin de ses essais. Elle sortit de la
piste, et rejoignit Sonia, qui l'attendait de pied ferme.
− Tu es vraiment une grande malade, lui ditelle aussitôt.
− Pourquoi ça, lui demanda Quitterie, choquée.
− Tu te rends compte de ce que tu as fais?
− Non...
− Tu es complètement à côté de ta moto dans
les virages. J'ai eu vraiment peur que tu
dérapes.
140
Quitterie et l’ EvaCup
− Mais non, c'est normal d'être à côté de la
moto, c'est pour abaisser son centre de
gravité, de façon à avoir le plus d' accroche
possible entre les pneus et le goudron,
répondit-elle en toute innocence, un sourire
espiègle aux lèvres...
− J'insiste, tu es vraiment une grande malade...
Mais Gaz est encore plus taré que toi, si ça
peut te rassurer... Tu m'amènes à la
camionnette?
Très étonnée de la proposition de Sonia, Quitterie la
transporta à l'arrière de sa moto avec beaucoup de
plaisir. Sonia deviendrait-elle amatrice de deux roues
motorisés?...
Elles rentrèrent à la camionnette, et Quitterie à peine
son casque enlevé et la moto mise sur la béquille se
jeta sur les bouteilles d'eau. Elle était tellement
déshydratée qu'elle but quasiment deux litres d'une
seule traite. Après ça, elle partit prendre une douche.
Quand elle revint du bloc sanitaire, elle trouva Sonia
assise à l'envers sur sa moto , le dos collé au
réservoir, en train de lire un roman.
− Ça va, la vie est belle? Lui demanda
Quitterie.
141
Quitterie et l’ EvaCup
− Je voulais profiter du soleil à fond, et comme
on a complètement oublié les fauteuils, je me
suis posée ou j'ai pu, lui rétorqua Sonia.
− Tu as bien fait, en tout cas. Bon , il
commence à faire faim. On va peut-être
s'occuper un peu du repas, tu crois pas?
− Si on s'en tient à ce qu'on a dit, ce sera des
pâtes avec du jambon pour ce soir.
− Parfait, je sors les affaires et on s'y met.
Elles sortirent leur petit réchaud à gaz, et
commencèrent à mettre une casserole d'eau à
chauffer. Une fois les pâtes cuites, elles mangèrent
de bon appétit, tout en discutant de la journée du
lendemain. Après avoir nettoyé leurs gamelles, elles
se promenèrent sur le paddock. Quitterie reconnut
Audrey et Charlotte, qui avaient fait les stage de
pilotage avec elle. Elles se mirent à bavarder de
motos, puis d'autres sujets, afin d'inclure Sonia dans
leur conversation. Les filles les invitèrent à leur
camionnette pour boire un café ou un thé. Audrey et
Charlotte acceptèrent cette invitation avec plaisir, et
les conversations durèrent tard dans la soirée. Elles
se séparèrent sur les coups de vingt-trois heures, de
façon à pouvoir dormir suffisamment afin d' être en
forme
le lendemain. Sur le paddock, les
142
Quitterie et l’ EvaCup
conversations commençaient aussi à décliner, les
pilotes ayant besoin de sommeil. Quitterie et Sonia
descendirent leur lit du plafond de la camionnette,
et se couchèrent. Elles qui pensaient pouvoir dormir
au moins jusqu'à huit heures, leur espoir fut déçu.
Dès sept heures les concurrents faisaient tourner
leurs moteurs pour effectuer les derniers réglages...
143
Quitterie et l’ EvaCup
14
Quand elles se levèrent, le temps était à l'orage. Il
faisait très chaud et l'air était humide. Pour le
moment, le soleil dominait, mais on voyait de gros
nuages noirs poindre à l'horizon . Quitterie se
prépara pour les séances qualificatives.
Accompagnée de Sonia, elle se rendit en pré-grille,
vingt minutes à l'avance, comme le stipulait le
règlement. Elle éteignit son moteur quand il eut
atteint les cinquante degrés, et attendit, Sonia à ses
côtés . Cette dernière ne lui avait jamais vu ce
regard. Quitterie avait l'air ailleurs. Son regard était
vide, dénué de toute expression.
En fait, elle était en train de se repasser les
trajectoires dans sa tête. Elle était tellement
concentrée, qu'elle était devenue hermétique à tout
ce qui l'entourait. Elle se rendit à peine compte que
Gaspard et Zach étaient venus lui souhaiter bonne
chance. Puis on demanda aux accompagnants de
sortir de la pré-grille.
144
Quitterie et l’ EvaCup
Toutes les concurrentes de l' EvaCup allumèrent
leurs moteurs et attendirent de pouvoir partir.
Quitterie avait des chatouilles dans son ventre, dues
à l'anxiété et à la joie. Puis le signal de départ fut
donné, et elles s' élancèrent sur la piste. Certaines
partirent comme des bombes, et se firent peur dès le
premier virage. La plupart partirent vite, mais sans
plus, car les pneus étaient froids. Pour nombre
d'entre elles, il fallut un peu moins de deux tours
pour faire chauffer les pneus.
Quitterie attaqua très fort, dés le troisième tour, car
elle savait que son meilleur chrono servirait à la
placer sur la grille de départ. Surtout, ses nouveaux
pneus étaient un pur bonheur. Ils accrochaient
vraiment bien à la piste. Et elle n'avait que vingt
minutes pour faire ses preuves. Elle avait bien fait de
se donner à fond le plus vite possible, car une des
concurrentes fit une chute, heureusement sans
gravité. Mais la séance d'essai fut abrégée, le temps
de ramasser les morceaux de moto restés sur la piste,
et de nettoyer cette dernière. Les filles purent
reprendre la piste, mais juste pour cinq minutes,
puis elles sortirent, et laissèrent la place aux autres.
Quitterie n'était pas trop mécontente d'elle. Elle avait
l'impression de s'être bien débrouillée sur ce coup là.
145
Quitterie et l’ EvaCup
A la sortie, elle vit Sonia avec une bouteille d'eau.
Elle enleva son casque et se rua dessus. Que ça
faisait du bien... Après avoir bien bu, elle s'aspergea
le visage et la nuque. Elle était rouge comme une
tomate.
Pendant qu'elle était sur la piste, Sonia était allée
voir les organisateurs de l' EvaCup, et leur avait
soutiré quelques renseignements bien utiles. Tout
d'abord , les résultats des séances qualificatives
seraient disponibles d'ici une demi-heure. Ensuite, il
y avait de grandes chances qu'elles soient toutes
partantes, et que la règle des cent vingt-cinq pour
cent ( le temps du dernier pilote devait être inférieur
ou égal à cent vingt-cinq pour cent de la moyenne
des temps des trois meilleures pilotes) ne s'applique
pas à leur course, car elles n'étaient pas
suffisamment nombreuses. Ils allaient décider de ce
dernier point en fonction de l'écart qu'il y aurait entre
la première et la dernière, de façon à ce que leur
sécurité soit toujours assurée.
En attendant , Quitterie devait rester là pour le
contrôle sonomètre. Quand ce fut son tour, elle
ralluma le moteur, et le mit au régime indiqué sur sa
carte grise. Le contrôleur se plaça à l'arrière de la
moto, et dirigea le sonomètre vers l'orifice
d'échappement , tout en se tenant à cinquante
146
Quitterie et l’ EvaCup
centimètres de ce dernier. Quitterie maintint la moto
au régime indiqué quelques instants, puis lâcha
l'accélérateur. Elle fut mesurée à quatre-vingt-quinze
décibels, alors que sa carte grise indiquait quatrevingt-douze décibels. Elle était dans la tolérance des
cinq décibels .
Quand elle avait appris qu'il y avait ce contrôle, elle
n'était pas très tranquille. En effet, après sa première
sortie sur piste, elle avait senti que ses pots frottaient
sur le sol. Elle avait donc décidé d'installer des pots
hauts, pour éviter ce genre de problèmes qui pouvait
se terminer en glissade. Les seuls pots hauts qu'elle
avait trouvé étaient de marques italiennes, et
homologués en Italie. Elle était donc partie du
principe que, puisqu'elle avait l'homologation
italienne, ça devait aussi être bon en France. Et elle
avait bien fait.
Elle put enfin repartir à la camionnette où Sonia
l'attendait. Elle en profita pour grignoter un peu, et
boire beaucoup d'eau, suivi d'un soda pour le sucre.
Elle avait suffisamment de temps entre les deux
séances pour se changer de tenue. Vue la chaleur
moite, elle opta pour un short en jean et un
débardeur orange. Elle enfila des nu-pieds rouge ,
147
Quitterie et l’ EvaCup
une casquette bleue, et se dirigea , avec Sonia, vers
le stand de l'organisation.
La plupart des concurrentes étaient déjà là . Elles
avaient toutes en main la feuille des temps, et en
discutaient entre elle. Quitterie se fraya un passage
jusqu'à la table, et en attrapa une. Le cœur battant,
les mains tremblantes , elle lut la liste sans se voir.
Elle recommença plus calmement , et finit par
apercevoir son nom. Elle finissait quinzième sur
vingt. Elle était un peu déçue quand même, mais
contente quand elle vit son temps: 1'45 ''. Elle
s'aperçut que deux concurrentes étaient hors temps.
Mais vu ce que lui avait dit Sonia, la situation
devrait s'arranger pour elles. Elle retrouva Audrey et
Charlotte. En fait, elles étaient toutes les trois dans
les mêmes temps. Audrey était un poil plus rapide
que Quitterie, et Charlotte un poil moins.
Elles rentrèrent ensemble pour se préparer pour la
deuxième séance d'essai, tout en discutant de leur
séance . En chemin , elles commencèrent à sentir de
grosses gouttes de pluies bien chaudes.
− Oh non! Pas la pluie, s'écria Charlotte.
− Ne t'en fais pas, on sera toutes logées à la
même enseigne, lui rétorqua Audrey. En
général, les pilotes ne sont pas très à l'aise
sous la pluie.
148
Quitterie et l’ EvaCup
− C'est vrai, rétorqua Quitterie, mais il y en a
quand même qui sont doués dès qu'il pleut.
− Bon allez, on est là pour s'amuser, dit
Audrey. On ne va pas se laisser pourrir par
trois gouttes d'eau.
− Et puis, ça peut être drôle de tout faire en
glisse, comme les super-motards...renchérit
Charlotte.
− Eh bien , on verra sur place. Et si ça se
trouve, il y aura une petite éclaircie, juste
pour nous, dit Quitterie.
Et elles partirent se changer, avant de se retrouver en
pré-grille. Elles continuèrent à papoter, tout en
scrutant anxieusement le ciel, en attendant que ce
soit leur tour de s'élancer. Les nuages noirs avaient
maintenant pris le dessus. On entendait le tonnerre
au loin, et on voyait quelques éclairs épars. Mais
pour l'instant, rien de dramatique. Il continuait à
tomber de grosses gouttes de pluie chaude d'été.
Cette pluie faisait ressortir l'odeur du goudron et de
la terre . Mêlée à l'odeur des moteurs, c'était
magique. Mais la piste commençait à être bien
trempée. Petit à petit , les bavardages cessèrent en
pré-grille. Les filles se concentrèrent avant de partir
sur cette piste détrempée.
149
Quitterie et l’ EvaCup
Quand le signal fut donné, elles s'élancèrent avec
beaucoup de parcimonie. Entre les pneus froids et le
sol glissant, pas une ne semblait bien rassurée. Puis,
petit à petit, elles prirent de l'assurance. Les tours
s'enchaînèrent, de plus en plus rapide pour Quitterie.
Elle aimait bien piloter sur le mouillé. Elle était
partie devant Audrey et Charlotte, et ces dernières ne
l'avaient pas encore doublée, ce qui la rassura un
peu. Comme elle était à l'aise sous la pluie, elle se
permit le luxe de doubler quelques pilotes, mises à
mal par ces conditions. Quand la fin de la séance
arriva, Quitterie fut tout de même soulagée. Car
piloter dans ces conditions là était beaucoup plus
éprouvant nerveusement, en raison du risque
constant de glissade quand elle était sur l'angle. Elle
sortit de la piste, et rentra directement à sa
camionnette. Elle était complètement trempée.
Sonia était rentrée un peu avant elle. Quand elle
entendit Quitterie arriver, elle sortit pour lui
positionner la moto sur la béquille d'atelier.
− Alors, lui demanda t-elle?
− Je me sens un peu humide, lui répliqua
Quitterie.
− Ah bon? Je n'avais pas vu, lui rétorqua Sonia.
150
Quitterie et l’ EvaCup
Cette fois, elle avait moins soif. La pluie avait un
peu refroidie l'atmosphère. Elle s'était un peu moins
déshydratée. Elle but tout de même un litre d'eau
d'une traite. Une fois changée, elles partirent
déjeuner. Quitterie avait troqué son short et son
débardeur pour une salopette en jean et un Tee-shirt
rouge. Et vu l'eau sur l'asphalte, elle avait échangé
ses nu-pieds pour ses bottes de motos, qui ne
prenaient pas l'eau. Comme l'air s'était rafraichi, elle
avait sur ses épaules un sweat orange.
Sonia, toujours très organisée, avait pensé à amener
un parapluie. Bon d'accord, celui-ci représentait le
drapeau de l'Angleterre, souvenir d'un voyage à
Londres, mais il avait le mérite d'exister. Pour une
fois, Sonia avait troqué ses belles chaussures pour
des baskets. Ils prenaient un peu l'eau, mais elle ne
s'en plaignait pas, car elle avait de quoi se changer.
En chemin, elles s'arrêtèrent un moment pour voir la
séance de qualification de Gaz et Zach. Ils étaient
très impressionnants...
Puis elles continuèrent vers la tente du
ravitaillement. De grandes tables avec des bancs
avaient été installés. Il y avait déjà beaucoup de
monde attablé. Certains avaient encore leurs
combinaisons, et d'autres étaient en « civils ». Sonia
et Quitterie présentèrent leurs bons repas à l'accueil,
151
Quitterie et l’ EvaCup
où il leur fut remis des plateaux repas en échange.
Elles firent le tour de la salle du regard, pour voir si
elles ne connaissaient personne. Ne trouvant aucun
de leurs amis, elles s'installèrent sur une table, et
enlevèrent le film qui protégeait leur repas. C'était
assez copieux, et très nourrissant, ce dont Quitterie
avait bien besoin, car elle devait être en forme pour
la course de dix-huit heures. Comme elles avaient
oublié les couverts et le pain, Quitterie partit les
chercher, pendant que Sonia remplissait le pichet
d'eau.
Elles allaient attaquer leur repas quand elles virent
Audrey et Charlotte. Elles leur firent signe de
s'installer avec elles. Elles avaient fini leur entrée,
qui était composée de crudités et de pâtés quand
Gaspard et Zach arrivèrent, toujours en combinaison,
et leur casque à la main. Ils étaient trempés, et
n'avaient pas pris le temps de se changer. Ils se
dirigèrent vers elles, leurs confièrent leurs casques,
et partirent se chercher leurs plateaux.
A peine étaient-ils assis que les conversations
tournèrent aussitôt sur les séances d'essais. Sonia ne
fut pas en reste, car elle avait regardé tout le monde.
Son avis fut donc très apprécié. Ils furent bientôt
rejoints par les équipiers de Gaspard et Zach, qui
assuraient entre autre les ravitaillements.
152
Quitterie et l’ EvaCup
− Bon alors, je vais vous donner mon avis,
avec mon peu de connaissances en la
matière, leur annonça Sonia. Les garçons,
vous passez super vite, et un peu en force,
quand même. Certaines fois, vous donnez
l'impression de pas trop savoir ce qui se
passe. Pour les filles, vous passez beaucoup
moins vite. Par contre, c'est toujours très
fluide, et on sent que vous maîtrisez bien
votre sujet. Et c'est d'une grande finesse.
− Merci, merci, s'écrièrent les trois
concurrentes.
− Attendez, je n'ai pas tout à fait fini, reprit
Sonia. Maintenant, je vous passe un par un.
Honneur aux dames, et à mon amie de
toujours, je commence par Quitterie. Ma
petite vieille, c'est très bien, mais si tu
voulais bien attaquer un peu plus, ce serait
pas mal.
− C'est vrai, continua Gaz. Tu freines beaucoup
trop tôt. Tu es donc obligée de redonner un
peu de gaz pour passer ton virage. Tu perds
de précieuses secondes à cause de ça. Essaie
de repousser ton freinage, et tu verras que ça
ira bien quand même. Tu freines à quelle
distance?
153
Quitterie et l’ EvaCup
− Aux cent
Quitterie.
mètres en général , répondit
Avant chaque virage, il y a un panneau tous les
cinquante mètres, pour se donner des repères.
Quitterie, démarrant la compétition, freinait
systématiquement aux cent mètres, alors qu'elle
pouvait continuer d'accélérer facilement jusqu'aux
quatre-vingts , voire cinquante mètres pour certains
virages...
− En plus, ta moto a de super freins, renchérit
Zach. Essaye sur un ou deux virages. Tu
verras que ça passe sans problèmes.
− OK, je vais tenter, et si je finis par terre, vous
viendrez me ramasser...
− Bonjour l'optimisme, se moqua Audrey.
− Justement, tu fais bien d'intervenir, toi, lui dit
Sonia. Alors pour toi, le problème est le
même que Quitterie, tu freines beaucoup trop
tôt. Mais en plus, tu ne déhanches pas du
tout. Tu te contentes d'écarter ton genou, et
ça fait quand même un peu crapaud.
− C'est vrai? Répondit Audrey, déçue. Moi qui
avait l'impression de sortir de la moto...
154
Quitterie et l’ EvaCup
− Bah, ça se travaille, comme le reste, la
rassura Gaspard. Tu sais, au début on n'était
pas beaucoup mieux que toi, et au fur et à
mesure, on s'est amélioré.
− Mais quand même, ressembler à un crapaud,
ça n'est pas très flatteur...
− Tu t'en moques, lui rétorqua Charlotte.
N'oublie pas qu'on est là pour se faire plaisir.
− Quand à toi, continua Sonia, on dirait que tu
as peur.
− C'est bien vrai, répondit Charlotte très
franchement. Ces filles qui me doublent, ça
me fout une trouille bleue. J'ai toujours
l'impression que je me positionne mal, et
qu'elles vont me percuter. Heureusement que
j'ai une machine puissante, comme ça , je me
refais dans les lignes droites...
− Mais si tu as peur, pourquoi t'es tu engagée,
alors? Lui demanda Quitterie.
− Avec Audrey, on a dit qu'on faisait cette
course ensemble, et on la fera. Et puis, même
si je ne suis pas très rassurée, j'y arrive quand
même pas trop mal.
− C'est vrai, dit Sonia. Maintenant, à vous les
garçons.
155
Quitterie et l’ EvaCup
− Nous, c'est la perfection, clama Gaspard. Ce
sport est fait pour nous.
− Vous avez plus de facilités que les filles,
mais c'est parce que vous en faîtes depuis
plus longtemps. Donnez leur quelques
séances de plus, et elles seront devant,
croyez-moi, leur rétorqua Sonia.
− Et pourquoi ça? Demandèrent Gaspard et
Zach, curieux.
− Pour la simple et bonne raison que vous
passez tout à l'arrache. Vous êtes de grandes
brutes. Il n'y a aucune finesse dans votre
pilotage, surtout pour toi, Zach. Tu es
toujours à la limite.
− C'est vrai que des fois, je remercie ma bonne
étoile , car je ne sais pas comment s'est passé.
− Pour toi Gaz, je trouve ta conduite trop
hachée. Il n'y a aucune fluidité.
− Mais c'est comme ça que je gagne du temps,
lui rétorqua t-il.
− Peut-être, mais visuellement, ce n'est pas top.
A mon avis, on devrait mélanger tous vos
styles, et on arriverait certainement à quelque
chose de très bon, conclut Sonia.
156
Quitterie et l’ EvaCup
Le repas se termina dans la bonne humeur. Avant de
prendre un café, les filles allèrent chercher la feuille
des temps de la deuxième séance. Il avait cessé de
pleuvoir, et le soleil tentait de percer les nuages.
Forcément, les temps étaient mauvais. Mais au
niveau du classement, ce n'était pas trop mal.
Quitterie ne s'était pas trop mal débrouillée, et elle se
retrouvait dixième, avec un temps de 1'55''. Elle en
fut très heureuse, car piloter sous la pluie ne la
gênait pas. Ils discutèrent encore un peu devant leur
boisson chaude, puis les garçons partirent . Leur
course démarrait à quatorze heures. Il était plus que
temps qu'ils se présentent en pré-grille.
157
Quitterie et l’ EvaCup
15
Les quatre filles assistèrent au départ. Ce fut
Gaspard qui commença. Il prit un très bon départ, et
ne se laissa pas doubler. Avec Zach, ils avaient
décidé de se relayer toutes les vingt minutes. Ils
étaient partis cinquième, et avaient réussi à
conserver cette place, pendant la moitié de la course.
Puis la fatigue commençant à se faire sentir, ils
s'étaient fait doubler, mais ne lâchaient pas le
morceau pour autant. Les filles ne virent pas la fin
de la course car elles devaient se préparer .
Entretemps, elles étaient allées chercher la feuille de
position sur la grille de départ. Seul leur meilleur
temps avait été retenu. Chaque ligne comportant
quatre pilotes légèrement décalés , Quitterie , avec
son quinzième temps, se trouvait en quatrième et
avant dernière ligne, entourée d'Audrey et de
Charlotte, qui avaient fait respectivement les
quatorzième et seizième temps.
158
Quitterie et l’ EvaCup
Puis vint le moment de se diriger vers la pré-grille.
Quitterie avait le cœur qui battait très vite, son
ventre était rempli de petites fourmis, elle avait les
mains moites. En un mot, elle était très stressée. Elle
qui, d'habitude, était toujours prête à sourire, Sonia
n'arrivait à rien en cet instant. Elle préféra la laisser
se concentrer, et partit s'installer sur les gradins. De
là, elle pourrait assister à toute la course.
Sur la piste, le drapeau à damiers s'agita, signifiant la
fin de l'endurance pour Gaspard et Zach. Quitterie ne
les vit même pas passer à côté d'elle, tellement elle
était concentrée. Le plan du circuit défilait devant
ses yeux, ainsi que les conseils de ses amis, et elle
s'imaginait en train de les appliquer, et de tout
réussir... Quand la piste fut dégagée, on leur fit
signe de faire un tour et de se positionner sur la
ligne de départ. Au niveau de chaque ligne, il y avait
un commissaire avec un drapeau qui leur indiquait
leur place. Dès que la ligne était complète, le
commissaire levait le drapeau vert.
Les moteurs vrombissaient dans un vacarme
assourdissant...
Quand tout le monde fut en place, le commissaire de
la dernière ligne leva le drapeau vert, et elles
159
Quitterie et l’ EvaCup
partirent pour le tour de chauffe. Une fois tout le
monde revenu, et positionné, le feu rouge s'alluma.
Pour les départs officiels, seuls les feux étaient
admis, sauf en cas de panne. Quitterie, ainsi que les
autres concurrentes avaient les yeux rivés sur le feu.
Elles étaient prêtes à en découdre... Quitterie avait
les deux pieds par terre, la première vitesse
enclenchée, allongée sur le réservoir, en position de
recherche de vitesse, le regard fixé sur le feu. Elle
avait mis le moteur dans les tours , de façon à être en
prise dés le départ. Il y avait un bruit d'enfer, le sol
tremblait sous ses pieds. Et le feu passa au vert...
Quitterie relâcha l'embrayage, accéléra, mais rien ne
se passa. Elle était sur un faux point mort.
L'horreur... Elle fut doublée par tout le monde. Du
coup, elle mit un grand coup de talon dans le
sélecteur de vitesse, de façon à être sûre que la
première vitesse était bien enclenchée, relâcha
l'embrayage un peu trop vite, et elle partit comme
une bombe, en roue arrière, tellement elle était
frustrée d'avoir raté son départ. Elle arriva avec une
telle vitesse dans le premier virage qu'elle le prît
n'importe comment. Pour le coup, elle avait écouté
les conseils de ses amis, et avait freiné au dernier
moment. Elle avait le cœur qui tentait de sortir,
160
Quitterie et l’ EvaCup
tellement elle avait l'impression de ne rien maîtriser
du tout. Le virage passa sans problèmes, mais à
l'arrache quand même. Elle ne se posait pas de
questions, il fallait qu'elle rattrape les autres. De
rage, elle pilota plus vite qu'elle ne l'avait jamais fait.
Plus les tours passaient , et plus elle rattrapait de
concurrentes. Elle les doublait dans les parties
sinueuses, car elle était plus rapide à ce moment là,
grâce à la précision et la vivacité de son châssis.
Elle essayait toujours de les passer au début, comme
ça elle prenait suffisamment d'avance pour ne pas se
faire rattraper dans les lignes droites, avec son petit
moteur. Elle ne lâcha rien pendant toute la course.
Elle se battit comme une forcenée, comme si toute sa
vie en dépendait. Lorsqu'une concurrente
l'empêchait de passer, elle lui collait la pression,
jusqu'à ce qu'elle puisse la doubler. Elle repoussa ses
freinages le plus loin possible. Et tour après tour, elle
remonta dans le classement. Tout se passa bien,
jusqu'au moment où une concurrente , furieuse
qu'elle l'ait doublée dans la partie sinueuse, se mit à
vouloir la rattraper. Dans la première ligne droite,
elle ne put rien faire, Quitterie étant sortie trop vite .
Mais dans la ligne droite des stands, elle se
déchaina. Elle commença par doubler Quitterie, puis
se rabattit tout en freinant juste devant elle. Quitterie
161
Quitterie et l’ EvaCup
dut piler en pleine accélération. Son réflexe premier
fut de freiner de l'arrière, vieux souvenir des cours
de moto-école. Sa roue arrière se bloqua, et sa moto
commença à déraper. Elle relâcha tout, mais du
coup , se retrouva dans le cul de l'autre. Elle fit un
évitement, pour ne pas lui rentrer dedans, redonna
un grand coup d'accélérateur et lui repassa devant.
L'autre, voyant ça, la doubla de nouveau , mais sans
coup foireux cette fois. Quitterie avait le coeur qui
battait la chamade tellement elle avait eu peur. Elle
continua la course avec un bon rythme, mais elle
appréhendait de doubler de nouveau cette
concurrente. Il ne restait plus que trois tours, quand
elle se retrouva de nouveau derrière celle-ci. Elle
décida de la passer quand même, car elle freinait
beaucoup trop tôt par rapport à elle. Elle lui fit
l'intérieur sur une sortie de virage, et passa devant.
Mais l'autre, la reconnaissant, lui mena la vie dure.
Dès qu'elle le put, elle la doubla, pour piler aussitôt
devant elle. Apparemment, c'était sa grande
technique pour éliminer ses concurrentes, faute de
savoir piloter correctement. Quitterie, connaissant
maintenant le phénomène, réussit , cette fois, à
anticiper cette tactique, et lui repassa devant , l'air de
rien. L'autre ré-accéléra, mais ne put rien faire, car
on arrivait dans un virage, son point faible. Quitterie
162
Quitterie et l’ EvaCup
repoussa encore plus ses freinages, pour qu'elle ne
puisse pas lui passer devant. Mais les lignes droites
et les virages très rapides étaient autant d'occasion
pour l'autre de la doubler. Elles continuèrent ainsi,
jusqu'au drapeau à damiers. Quand elles passèrent
dessous, Quitterie était en tête. Puis elle ralentit le
rythme, la course était terminée... L'autre en profita
pour la doubler et piler...
Quitterie n'ayant rien vu venir, elle n'eut pas le
réflexe adéquate, et lui fonça dedans. Le choc la fit
passer par-dessus le guidon, et tomber lourdement
sur le goudron. Il n'y avait plus un bruit dans les
tribunes. Tous les spectateurs retenaient leur souffle.
Un silence de mort régnait sur le circuit.
Au bout de quelques secondes, elle commença à
bouger. L'ambulance arrivait, toute sirène hurlante.
Les infirmiers se précipitèrent, et l'aidèrent à se
mettre debout. Quitterie, les jambes flageolantes,
réussit à faire quelques pas, soutenue par les
infirmiers. Puis elle se mit à chercher sa moto des
yeux. Comme elle ne la voyait pas, elle leur dit
qu'elle allait bien, et courut voir si elle n'était pas
derrière l'ambulance. Et là, elle la vit... pauvre petite
chose couchée sur le flanc gauche.
163
Quitterie et l’ EvaCup
Quitterie s'approcha d'elle. Elle tenta de la relever,
mais n'y arriva pas. De rage, elle jeta son casque parterre, s'accroupit et poussa sur ses jambes pour la
remettre debout. La foule se mit à l'encourager. Une
clameur s'élevait vers le ciel: « Allez Quitterie, allez
Quitterie... ». Mais elle n'entendait rien. Toute son
attention était pour sa moto. Dans un effort
surhumain, elle la releva, et l'appuya sur elle. Puis
elle monta sur la selle, tout en lui parlant avec
douceur. « Allez ma belle, ça va aller. On va repartir
ensemble, tout va bien se passer... ». En même
temps, Quitterie passait ses mains sur le réservoir,
comme pour la rassurer.
Elle avait bien senti que sa moto avait un problème.
Le guidon était tordu d'une telle manière que peu
d'espoirs subsistaient.
Entre-temps, les
commissaires s'étaient approchés, et regardaient la
moto, pour voir si elle n'avait pas trop souffert. Le
camion de dépannage arrivait. Voyant Quitterie bien
droite sur sa moto, ils crurent qu'il n'y avait rien.
Mais quand ils arrivèrent à son niveau, tous leurs
espoirs s'envolèrent: la fourche était tordue...Il y
avait aussi le flanc gauche et les pots rayés. La
poignée d'embrayage était cassée et le sélecteur de
vitesse tordu. Le guidon aussi avait pris un coup. A
priori la jante était en bon état, mais à vérifier tout de
164
Quitterie et l’ EvaCup
même. Ne sachant trop quoi lui dire, ils lui tapèrent
gentiment dans le dos, et la laissèrent seule avec sa
moto.
Quitterie remit la clé sur Off, puis sur On. La pompe
à essence s'enclencha sans problème. Quand elle
appuya sur le démarreur, ses mains tremblaient... Et
le moteur repartit , comme si de rien n'était. La foule
se mit à hurler de joie. Des « bravos » fusaient de
partout. Mais Quitterie n'entendait rien. Elle était
concentrée sur le bruit de son moteur. Puis, tout
doucement, elle prit la poignée d'embrayage qui,
dans la chute s'était cassée en deux, et passa la
première. Au moins, la boite de vitesse avait l'air de
fonctionner. Elle se remit au point mort, coupa le
moteur, et fondit en larmes.
Des mains l'aidèrent à descendre de sa moto,
pendant que d'autres chargeaient sa belle dans le
camion. Elle monta avec elle, et ils repartirent vers
les stands. Quand ils arrivèrent, elle était comme
absente. Elle descendit, complètement abasourdie,
comme si tout ceci n'était qu'un mauvais rêve.
Puis, elle vit arriver Sonia, Zach, Gaspard et surtout ,
son grand-père. Quitterie ne savait pas qu'il assistait
à la course. Sa présence rassurante lui fit un bien
fou. Elle se jeta dans ses bras, laissant enfin libre
cours à toutes ses émotions.
165
Quitterie et l’ EvaCup
Quand elle se calma enfin, elle leur raconta ce qu'il
s'était passé, la chute, le trou noir qui avait suivi, et
son désespoir quand elle avait vu l'état de sa moto.
Ils la rassurèrent tous comme ils pouvaient.
Son grand-père , Gaspard et Zach proposèrent à
Quitterie de voir ce qu'il était possible de faire pour
que sa moto soit en état de courir le lendemain.
Devant tant de compassion, Quitterie éclata de
nouveau en sanglot. Sonia la prit par le bras, et
l'éloigna un peu pour qu'elle se calme, le temps que
Gaspard et Zach partent avec le camion pour
ramener la moto à leur emplacement. Pendant ce
temps, son grand-père était parti à sa voiture
chercher sa boite à outils , qu'il avait eu la bonne
idée d'amener, 'au cas où...' . Ils s'étaient tous donné
rendez-vous à la tente de Gaz et Zach, pour faire le
point.
Tout en amenant Quitterie vers le point de rendezvous, Sonia s'aperçut qu'elle boitait.
− Tu es sûre que tu vas bien? Lui demanda telle.
− Ça va, lui répondit Quitterie.
− On va passer voir les ambulanciers, décréta
Sonia , d'un ton qui n'attendait aucune
réplique.
− Mais c'est bon, tenta de se défendre Quitterie.
166
Quitterie et l’ EvaCup
− Tu boîtes de plus en plus, alors on y va.
Et elles rebroussèrent chemin vers l'ambulance.
Sonia expliqua aux ambulanciers que Quitterie
boitait de plus en plus, mais ils s'en étaient aperçus
en les voyant arriver. Ils la firent s'asseoir sur la
civière, et lui enlevèrent ses bottes. Ils eurent
beaucoup de mal à retirer la botte gauche. La
cheville de Quitterie était très enflée, et avait pris
une belle teinte bleue violacée. Ils la tâtèrent, la
firent bouger doucement dans tous les sens, et en
conclurent qu'à priori, il s'agissait d'une entorse,
mais ils lui conseillèrent tout de même de passer une
radio à l'hôpital. Sonia allant dans leur sens,
Quitterie n'eut d'autre choix que de se plier à leur
décision. De son portable, Sonia prévint le grandpère de Quitterie que cette dernière allait passer une
radio à l'hôpital. Elles partirent dans l'ambulance. A
l'hôpital, on confirma le diagnostic des
ambulanciers. Elle n'avait pas besoin d'être plâtrée,
mais il lui fallait du repos, ne pas s'appuyer sur sa
cheville, et mettre beaucoup de glace, pour réduire le
gonflement et la douleur. Ils lui donnèrent aussi des
cachets contre la douleur à avaler, et une paire de
béquilles. Pour l'instant, il était impossible qu'elle
167
Quitterie et l’ EvaCup
remette sa botte, et elle repartit comme elle était
arrivée, en chaussettes...
Une fois de retour au circuit, elle se dirigèrent
aussitôt vers l'emplacement de Gaspard et Zach.
Avec le grand-père de Quitterie, ils étaient tellement
concentrés sur ce qu'ils faisaient qu'ils ne se
rendirent pas tout de suite compte qu'elles étaient
revenues. Ce fut Gaspard qui les remarqua en allant
chercher des outils.
− Alors, lui demanda t-il, en apercevant les
béquilles.
− J'ai une belle entorse, mais elle ne nécessite
pas de plâtre, répondit Quitterie.
− Par contre, ils t'ont dit de t'asseoir, et de ne
surtout pas rester debout, d’autant plus que tu
veux courir demain, dit Sonia en l'obligeant à
s'asseoir sur une chaise. Et mets la poche de
glace sur ta cheville, reprit-elle en la lui
tendant.
− Et pour la moto? demanda Quitterie.
− On a fait le point, répondit son grand-père en
l'embrassant sur le front, et voilà le résultat.
Ta fourche et ta jante sont à changer, ta
poignée d'embrayage est cassée, mais ça tu le
savais déjà. Il faudra réparer ton sabot, et on
168
Quitterie et l’ EvaCup
−
−
−
−
−
−
−
−
−
−
verra comment remettre ton numéro à l'avant
de la moto. Par contre, bonne nouvelle, ton
cadre n'a pas bougé.
Et comment vous savez ça?
On a regardé au niveau des soudures, et on
n'a pas vu de points de peinture qui ont sauté.
Mais avec une fourche en vrac, je ne peux
pas courir demain.
Eh bien détrompe-toi... reprit Zach. Pendant
ton absence , beaucoup de motards sont
venus nous proposer de l'aide, soit pour la
mécanique, soit pour les pièces.
Et... demanda Quitterie pleine d'espoir.
Tu as donc récupéré une fourche, une jante
avec un pneu et une poignée d'embrayage.
Par contre, personne n'avait de levier de
vitesse pour toi. On va donc essayer de
redresser le tien, pour que tu puisses quand
même t'en servir.
Merci, merci beaucoup pour tout...
Il faudra surtout que tu remercies les
candidats malheureux qui t'ont dépanné pour
les pièces.
Pourquoi malheureux?
Car ils ont cassé leurs moteurs, et pour eux,
c'est terminé.
169
Quitterie et l’ EvaCup
− D'accord, je comprends mieux. Tu me les
présenteras, dit Quitterie à Gaspard.
− Pas de problèmes, mais il te reste une chose à
faire, lui dit Gaspard.
− Et quoi donc? s'étonna Quitterie.
− Tu vas voir la direction de la course, et tu
portes plainte contre celle qui t'a flanquée
par-terre.
− On peut faire ça?
− Bien sûr. On ne peut pas la laisser continuer
comme ça, c'est un vrai danger.
− On y va tout de suite, dit Sonia, remontée. Il
faut que tu lui règles son compte.
− Et c'est parti, dit Quitterie en se relevant tout
en faisant la grimace.
Elles allèrent , dans un premier temps, voir les
organisateurs de l' EvaCup, pour savoir comment
procéder. Ceux-ci avait assisté à l'accident en direct,
grâce aux caméras vidéo dont était équipé le circuit.
− Qu'est-ce que je peux faire contre elle ,
attaqua Quitterie de but en blanc.
− Tu peux porter plainte, et ça passera devant
le jury, qui décidera de la sanction.
− Et on le trouve où, ce jury?
170
Quitterie et l’ EvaCup
− Tiens, voilà justement le président en
personne. Vois avec lui. Et au fait, tu pourras
courir demain?
− Qu'est-ce qui m'en empêcherait? Demanda
Quitterie .
− Tes béquilles...
− Ça, ce n'est rien. Et la moto est entre de
bonnes mains. Ça devrait être bon.
− Tu sais qu'elle doit repasser le contrôle
technique, du coup.
− Ah ça, je ne le savais pas. Il est toujours à la
même place?
− Oui.
− J'irai demain matin alors.
Et elle partit discuter avec le président du jury qui lui
indiqua la procédure à suivre pour porter plainte
contre cette concurrente. La décision serait prise
d'ici à la fin de la soirée.
En repartant, elles tombèrent nez à nez avec celle
qui l'avait flanqué par terre.
− J'espère que tu es prête à payer les frais que
tu as fait sur ma moto en lui fonçant dedans,
lui lança cette dernière.
171
Quitterie et l’ EvaCup
Alors là, c'était trop. Quitterie s'approcha d'elle et lui
mit un gauche de toute beauté en pleine mâchoire,
sous les applaudissements des spectateurs présents.
− Que ça fait du bien , dit-elle à Sonia tout en
se massant les articulations.
Et elles partirent sans se retourner.
Quand elles arrivèrent au campement, la moto était
déjà démontée. Sonia courut vers eux pour leur
annoncer le magnifique coup de poing qu'ils avaient
manqué, pendant que Quitterie arrivait doucement,
avec ses béquilles. Les garçons se précipitèrent vers
elle pour la féliciter, et l'aidèrent à s'asseoir.
Entretemps, les travaux avaient bien avancé. La
fourche et la jante étaient déjà remplacées. Ils
allaient attaquer le levier d'embrayage, et essayer la
moto pour voir si tout allait bien. Ils avaient déposé
le sabot. Une personne que Quitterie ne connaissait
pas était en train d'essayer de le rafistoler avec les
moyens du bord. Cette solidarité faisait vraiment
chaud au coeur. Quitterie se sentait bien inutile avec
sa patte en vrac, mais elle savait que si elle voulait
courir demain, il fallait qu'elle soit raisonnable pour
l'instant.
172
Quitterie et l’ EvaCup
Le levier de vitesse semblait leur poser un problème.
Ils avaient peur qu'en essayant de le redresser, il
casse. Ils firent quand même ce qu'ils pouvaient ,
puis Gaspard partit essayer la belle. Quand il revint,
il faisait une drôle de tête.
− Et alors, s'inquiéta Quitterie.
− On a un petit souci, répondit-il. La cinquième
ne passe plus.
− Et merde, lança Quitterie, dégoutée.
− Avec un peu de chance, lui dit son grandpère, c'est juste un problème avec le ressort
de rappel. Par contre, les garçons, je dois
partir. Vous saurez vous débrouiller?
− Ça ne devrait pas poser de problèmes, lui
répondirent-ils. On va démonter le carter
gauche dans un premier temps, et après on
verra s'il y a besoin de plus.
Il embrassa tout le monde, et partit. Il promit de
revenir le lendemain pour assister à l'endurance des
garçons, et à la course de Quitterie.
Ils se mirent au travail tout de suite. Effectivement,
le ressort de rappel s'était cassé. Grâce à la solidarité
qui s'était mise en place, ils purent en trouver un et
le changer.
173
Quitterie et l’ EvaCup
Cette fois, ce fut Zach qui partit essayer la moto. Il
revint, un grand sourire au lèvre.
− C'est tout bon, dit-il. Ça marche. Le levier
tordu fait un peu bizarre, mais les vitesses
passent bien. C'est le principal.
− Merci pour tout ce que vous avez fait, leur dit
Quitterie, reconnaissante.
− Et pour ton casque? S'inquiéta soudain Sonia.
Tu as un peu bousillé le tien en le jetant tout
à l'heure...
Zach partit sous sa tente, et revint avec deux
casques.
− C'est pour toi, dit-il.
− D'où viennent-ils? Demanda Quitterie.
− Ce sont deux motards qui sont passés, et qui
se proposent de te les prêter.
− Et ils n'en ont pas besoin?
− Non, ils sont spectateurs, et passent la nuit
ici. Essaye les pour voir.
Quitterie les essaya. Sur les deux, un était à sa taille ,
heureusement...
Audrey et Charlotte passèrent voir Quitterie . Elles
la trouvèrent en bonne forme, malgré son accident.
Après la course, elles étaient parties prendre la
feuille de résultat. Elles la tendirent à Quitterie.
174
Quitterie et l’ EvaCup
Celle-ci la parcourut, et en resta bouche-bée: elle
était huitième, c'était génial... Elle cria de bonheur,
ce qui rameuta aussitôt tout le monde. Quand ils
virent son résultat, ils la félicitèrent tous. Et c'est là
que Sonia lui dit:
− Tu as fait une course géniale. Et ce départ en
roue arrière, quelle classe...
− Quelle roue arrière? s'étonna Quitterie.
− Mais celle que tu as faite, lui répondit Sonia
éberluée. Tu ne t'en es pas rendue compte?
− Non, j'ai complètement foiré mon départ, ça
je l'ai bien senti, mais la roue arrière, ça ne
me dit rien du tout. Surtout que je ne sais
même pas les faire, lui avoua t-elle.
− C'était grandiose, reprirent Gaspard et Zach,
tu t'es battue comme une tigresse.
− Merci...
− Et tu as repoussé tes freinages, c'est pour ça
que tu as réussi à en doubler pas mal...
− Du coup, je me suis rendue compte que vous
aviez raison: ça passe beaucoup mieux
comme ça...
Ils continuèrent à discuter un moment, puis,
Charlotte et Audrey repartirent. Elles étaient déçues
par leurs résultats ( seizième et dix-huitième),
175
Quitterie et l’ EvaCup
l'accident de Quitterie, et n'avaient pas trop le coeur
à rire.
− Sur ce, dirent les garçons, on a plein de
choses à fêter. Tout d'abord ton départ raté.
Ensuite cette magnifique roue arrière que tu
ne savais pas faire jusqu'à aujourd'hui. Et
puis le recul de ta distance de freinage, ta
magnifique remontée, ta huitième place au
classement, et ton accident.
− On pourrait peut-être se passer du dernier
point, suggéra Quitterie.
− Et si vous nous invitiez? dit Sonia.
Ils se dirigèrent tous les quatre vers la buvette. Ils se
mirent au soleil, pour profiter de ses derniers rayons,
et burent tout en parlant de la course de Quitterie et
de l'endurance des garçons. Sonia, qui n'y
connaissait rien avant d'arriver sur le circuit, suivait
leur conversation sans problème. Elle avait cette
capacité rare à ingurgiter très rapidement un
maximum d'informations sur un sujet, à les trier, et à
les maîtriser. Elle n'était pas capable de donner des
conseils techniques, mais son avis était tout de
même pertinent, car elle comparait le pilotage des
trois lascars aux meilleurs de leurs catégories.
176
Quitterie et l’ EvaCup
Comme le ventre de Quitterie se mettait à
gargouiller , ils décidèrent de manger ensemble, à la
camionnette des filles. Ils retournèrent au
campement et passèrent devant l'emplacement de
Charlotte et d'Audrey, qui étaient devant leur tente.
Elles avaient l'air assez démoralisées. Ils les
invitèrent à partager leur repas, mais elles refusèrent,
d'un air peu engageant. Ils n'insistèrent pas, et
continuèrent leur chemin. Quitterie eut l'impression
que les deux filles boudaient. Bah, se dit-elle, ça leur
passera bien un jour. Quand elles seront décidées,
elles viendront nous voir. Arrivés devant la
camionnette, ils se séparèrent les tâches: les filles
préparaient les sacro-saintes pâtes des sportifs , et les
garçons se chargeaient des boissons.
Puis elle aida Sonia, du mieux qu'elle pouvait. Celleci avait déjà mis l'eau à chauffer. Elle avait sorti de
la glacière électrique le jambon et le fromage.
Quitterie sortit les chips, et les fruits. Les garçons
arrivèrent avec du saucisson et des boissons. Ils
repartirent chercher leurs couverts et leurs chaises.
Ils s'installèrent dehors, et attaquèrent leur repas.
Les conversations allaient bon train.
177
Quitterie et l’ EvaCup
Zach et Gaspard faisaient de l'animation en 3D. Tout
comme Quitterie et Sonia, ils se connaissaient depuis
de nombreuses années, et louaient le même
appartement. Ils étaient tous deux passionnés de
motos. Déjà, leurs parents en faisaient, et ils
baignaient dans ce monde là depuis leur tendre
enfance. Il était tout naturel qu'ils aient des motos.
Ce qui l'était moins, aux yeux de leurs familles
respectives, c'est qu'ils se soient lancés dans la
compétition. Malgré tout, ils avaient leur soutien
moral . D'ailleurs, pour assurer les ravitaillements et
la sécurité durant leurs courses, ils avaient enrôlé
leurs frères et sœurs, plus ou moins de force. Ces
derniers n'étaient pas très heureux, mais ils étaient
quand même venus. Ils ne se sentaient pas très
impliqués là-dedans, c'est pourquoi, sitôt la course
terminée, ils étaient partis. Ils reviendraient demain
pour la deuxième course.
Quand la fraicheur commença à tomber, ils se
préparèrent une boisson chaude, avant de se séparer.
Audrey et Charlotte avaient fini par les rejoindre
pour boire un café. On voyait bien qu'elles étaient
déçues par leur course, et jalouse de la performance
de Quitterie. Mais la bonne humeur générale finit
178
Quitterie et l’ EvaCup
par prendre le dessus, et la soirée se termina dans les
rires.
179
Quitterie et l’ EvaCup
16
Le lendemain, Quitterie et Sonia se levèrent tôt pour
encourager Zach et Gaz. Bien leur en prît, car les
équipiers des garçons manquaient à l'appel.
Impossible de les trouver. La veille, ils n'étaient pas
restés avec eux sur le paddock, mais avaient assuré à
Gaz et Zach qu'ils seraient là à temps. L'heure
tournait, et il fallait absolument du monde pour aider
les garçons.
Sonia et Quitterie se proposèrent , et
allèrent
chercher Charlotte et Audrey, pour qu'elles leurs
donnent aussi un coup de main.
Quitterie, après une bonne nuit de sommeil allait
beaucoup mieux. Sa cheville la faisait toujours
souffrir, mais elle n'était plus trop
gonflée.
Heureusement, car sinon, elle n'aurait jamais pu
enfiler ses bottes.
Le grand-père de Quitterie était arrivé tôt lui aussi,
pour voir où en étaient les réparations du petit
monstre. Il fut rassuré par les explications des
180
Quitterie et l’ EvaCup
garçons et leur proposa , lui aussi, son aide pour les
ravitaillements.
Gaspard et Zach acceptèrent
, et expliquèrent
rapidement à tout le monde ce qu'ils devaient faire
pour les ravitaillements, car c'était le gros de leurs
fonctions. Puis ils partirent voir les organisateurs
pour leur expliquer leur problème.
En effet, il leur fallait les bracelets d'identification
adéquates, pour avoir le droit de pénétrer dans la
zone de ravitaillement. Après un quart d'heure de
palabres, l'accord fut enfin donné. Quitterie, qui
allait s'occuper du ravitaillement en essence s'équipa
en conséquence. Elle mit des vêtements en coton, sa
combinaison, un bandana pour se protéger le cou, et
son casque d'emprunt. Ce poste lui convenait bien ,
car elle pouvait rester assise tant que l'on n'avait pas
besoin d'elle. Sonia s'occupait, quand à elle , de
l'extincteur de cinq kilos, en cas d'incendie. Audrey
et Charlotte aideraient en cas de problème
mécanique, et pour le panneautage. Le grand-père de
Quitterie était là en cas de grosse panne, et surtout,
car ça lui faisait réellement plaisir de les assister.
Quand tous les concurrents furent en place, le tour
de chauffe s 'élança. Cette fois, ce fut Zach qui prit
181
Quitterie et l’ EvaCup
le départ. Comme hier, ils partirent cinquième. Zach
fit un très bon départ, et au premier virage, il était
passé en deuxième position. Il eut une pression
énorme de la part de ses poursuivants, mais ils
n'arrivèrent pas à le passer. Au bout de vingt
minutes, Audrey, la panneauteuse, lui indiqua qu'il
était temps de laisser sa place à Gaz. Mais il fit signe
qu'il voulait continuer. Cinq minutes plus tard,
Audrey lui dit de s'arrêter au prochain passage, et il
obtempéra.
Gaspard, n'ayant rien perdu de la bataille que Zach
menait, était prêt à en découdre. A peine était-il
descendu de la moto , que Gaspard était déjà parti. Il
se força à respecter la vitesse limite dans les stands,
et il s'élança. Il devait rattraper les précieuses
secondes qu'ils avaient perdu à s'échanger la moto. Il
se retrouva en cinquième position. Furieux, il décida
de remonter tout le monde. Mais il se calma vite, se
rappelant que les autres n'avaient pas encore effectué
leurs changements. Gaspard était en train de
remonter son concurrent direct, quand, alors qu'il
était en pleine accélération, il ressentit une violente
douleur à l'arrière du genou droit, et plus rien à
l'accélération... Le moteur prenait les tours, mais la
moto n'avançait plus... Il leva le bras gauche, et
partit sur le bas côté pour ne pas gêner les autres
182
Quitterie et l’ EvaCup
concurrents. Il descendit de la moto, sans trop
s'appuyer sur sa jambe droite, et inspecta sa moto,
tout en la maintenant . Et là, stupeur, il s'aperçut que
sa chaîne avait disparu... Ce qui expliquait la
soudaine douleur dans le haut du mollet. Et les traces
de cambouis sur sa combinaison. Elle avait dû
casser, se dérouler et être éjectée . Pourvu qu'elle
n'ait blessé personne, et qu'elle ne soit pas restée sur
la piste pensa Gaspard. Les commissaires
s'approchèrent de lui pour voir ce qui se passait.
Ils ne touchèrent pas à la moto, car en endurance, un
pilote en panne peut pousser sa moto jusqu'au stand
par les itinéraires décrits lors du briefing. Il doit être
accompagné par un commissaire. S'il se fait aider, il
est éliminé. Gaspard leur expliqua ce qu'il s'était
passé. Il leur dit aussi qu'il allait essayer de rentrer
au stand en poussant la moto. Il avait parcouru la
moitié de la montée qui précédait le deuxième virage
à droite. Ensuite, il y aurait la descente, puis une très
longue montée jusqu'à la voie des stands. N'ayant
jamais fait le tour du circuit à pied, Gaspard ne se
rendait absolument pas compte de ce qui l'attendait.
Il commença donc sa poussette, sans ménager ses
forces. Il n'était pas arrivé en haut de la première
montée, qu'il était déjà en sueur. Il s'arrêta, appuya
sa moto sur sa hanche et ouvrit sa combinaison. Tout
183
Quitterie et l’ EvaCup
de suite, il se sentit mieux. Cette petite pause lui
avait fait du bien, et il repartit. Il s'arrêta de nouveau,
une fois arrivé en haut, à cause de la douleur.
Chaque mouvement faisait frotter la doublure de sa
combinaison sur son mollet. La brûlure devenait
intense, et remontait maintenant jusqu'à mi-cuisse.
Pour la descente, il enfourcha sa moto, et se laissa
glisser, en espérant aller le plus loin possible.
Malheureusement, la moto n'eut pas assez d'élan
pour monter la côte suivante. Une fois à l'arrêt, il
descendit de la moto , et recommença la
poussette...Quand il pilotait, il n'avait pas
l'impression que c'était si long... Il était parti sur un
bon rythme, mais très vite, il avait ralenti. Il devait
préserver ses forces pour aller jusqu'au bout... Il
avait passé le virage en épingle à gauche quand il
s'arrêta. Sa jambe était incandescente... Il essaya de
décoller la combinaison de son mollet, sans grand
succès, puis il repartit en clopinant. Il arriva enfin à
la descente avec la chicane. Il put la faire en roue
libre, avant d'attaquer la dernière montée qui précède
la voie des stands. Il était complètement déshydraté,
mais il continua à pousser la moto.
Il s'arrêtait souvent, épuisé par l'effort, la chaleur, et
la douleur. A chaque fois , le commissaire se tenait
prêt à le rattraper. Mais à chaque fois, Gaspard
184
Quitterie et l’ EvaCup
repartait. Mètre après mètre, il finit par arriver en
vue de la voie des stands. Il sentait la fin de son
calvaire approcher. Un vague sourire effleura ses
lèvres. Dans un dernier effort, il se jeta littéralement
dans la voie des stands... Il ne lui restait plus que
quelques mètres à parcourir, avant de pouvoir
relâcher son effort. Ses amis étaient venus
l'encourager dès qu'il avait posé ses roues sur la
voie. Bien entendu, personne ne l'aidait.
Mais cet élan lui fit chaud au coeur, et lui donna la
force nécessaire pour pousser la moto jusqu'au stand.
A peine arrivé, on la lui arracha des mains, et il
tomba à genoux par-terre, épuisé. En fait, c'était la
moto qui le soutenait. Elle était sa béquille...
Il se releva péniblement, avec l'aide de Charlotte et
Audrey, et se mit à l'ombre, sur une chaise, à côté de
Quitterie. Elle lui tendit une bouteille d'eau. Il but,
sans pouvoir s'arrêter. Quand il alla mieux, il
commença à s'inquiéter pour la moto: allait-elle
pouvoir être réparée???
Il se leva, et se dirigea en boitillant vers le fond du
box, où était la moto. Il expliqua à Zach et au grandpère ce qu'il s'était passé. Ces derniers avaient
commencé à évaluer les dégâts.
185
Quitterie et l’ EvaCup
− Alors, leur demanda t-il, ce n'est pas trop
grave?
− Non, lui répondit le grand-père . Le protège
chaine a été limé, le carénage arrière abimé,
mais rien de grave en fait. Zach est en train
de fouiller pour essayer de trouver la
deuxième chaine que vous avez amené.
− La voilà, s'écria ce dernier...
− Bon, et maintenant on remonte le tout et tu
repars.
− Je vais vous aider, s'interposa Gaz.
− Pas question, répondit le grand-père. Tu
regardes d'abord ta jambe, pour savoir si tu
pourras prendre tes relais. On peut très bien
se passer de toi pour cette réparation.
− Ok, capitula Gaz, soulagé, en s'éloignant.
Il enleva sa combinaison, mais quand il arriva au
niveau du genou, il ressentit une violente brulure: la
doublure s'était collée sur la plaie...
Il tira doucement dessus, et finit par dégager sa
jambe. Il avait une zébrure rouge qui partait du haut
de la botte, et qui remontait jusqu'à mi-cuisse. La
plaie suintait, mais ne saignait pas, ce qui était
presque pire... N'ayant pas ce qu'il fallait pour se
soigner, il partit voir les ambulanciers. Ces derniers
186
Quitterie et l’ EvaCup
lui appliquèrent une compresse grasse, et lui
donnèrent un antalgique. Il renfila sa combinaison,
en faisant attention à ne pas tout arracher, et repartit
à son stand, pour voir comment Zach s'en sortait.
Quitterie et Sonia le rassurèrent. Zach assurait
comme une bête. Gaspard fut soulagé, et il fit
quelques exercices d'étirements pour préparer sa
jambe à ce qui l'attendait.
Il mit son casque et ses gants, prêt à en découdre.
Quand Zach arriva, il était fin prêt...
Il partit sur la moto, et continua la belle remontée
entamée par Zach. Ils étaient remontés à la dixième
place. Son relais se passa sans problèmes, et il gagna
deux places.
Et ce fut au tour de Zach de prendre le guidon, pour
son dernier relais. Juste avant la fin , il perdit le
contrôle de sa moto sur une ré-accélération. Il perdit
l'arrière, mais arriva à se maintenir en selle et sur la
piste, sans savoir trop comment. Sa trajectoire était
catastrophique, mais au moins, il était toujours sur
ses deux roues. Il ralentit l'allure, le temps que son
coeur reprenne un rythme normal, puis il repartit à
l'attaque.
Le dernier relais fut assuré par Gaspard qui continua
leur remontée. Tout se passait bien, quand il fut
187
Quitterie et l’ EvaCup
soudain percuté sur la droite par une moto... Un
motard avait chuté derrière lui , et sa moto avait
glissé jusqu'à lui. Heureusement, il réussit à se
maintenir sur sa trajectoire, mais il se fit rattraper par
un concurrent . Énervé par cette situation
malheureuse, il donna tout ce qu'il avait dans le
ventre. Il prit des risques insensés, repoussant ses
freinages toujours plus loin, pour entrer en courbe le
plus rapidement possible.
Mais là où il gagna le plus de temps, ce fut dans le
gauche droite en descente précédant la voie des
stands. Il avait bien observé la technique de
Quitterie, et essayait d'en faire autant. Au moment
où elle relevait la moto pour déhancher de l'autre
côté, elle donnait un petit coup d'accélérateur, qui
l'aidait à finir son mouvement. Grâce à ça, elle
gagnait de précieuses secondes. Petit à petit, il
grignotait les mètres le séparant de son prédécesseur.
Ce dernier loupa son entrée dans un virage , et
Gaspard en profita pour s'engouffrer dans la brèche
momentanément ouverte. Maintenant, il fallait qu'il
rattrape le concurrent devant lui. Mais ce dernier ne
se laissait pas faire. Il ne lui donna aucune
opportunité de le doubler, fermant proprement toutes
les portes qu'il avait ouverte. Mais à cause de la
pression que lui mettait Gaspard, il fit une faute à
188
Quitterie et l’ EvaCup
l'entrée du droite gauche après la voie des stands, et
il put enfin le doubler au tout dernier tour. Il franchit
la ligne d'arrivée , ivre de joie.
Ils ne feraient certainement pas un podium
aujourd'hui, avec toutes leurs mésaventures
accumulées, mais au moins, ils avaient fini entiers,
et c'était le plus important. Zach l'attendait avec la
béquille.
Quand ils eurent les résultats, ils furent un peu déçus
de leur sixième place au général, mais contents
d'avoir réussi malgré tout.
Pendant ce temps, dans les paddocks, des
changements avaient eu lieu. Lors du dernier relais,
après le départ de Gaspard, les filles s'étaient
éclipsées, laissant la place aux frères et sœurs des
garçons qui étaient enfin là. Ces derniers avaient fait
une grosse fête avec des amis, et ne s'étaient pas
levés à temps. Maintenant, qu'ils étaient là, les filles
pouvaient se préparer pour leur course. Elles
n'avaient pas pu partir plus tôt, car si elles avaient
laissé le stand vide, les garçons auraient été éliminés
d'office pour abandon. Gaspard fut un peu déçu
qu'aucune d'elles ne vienne les féliciter...
189
Quitterie et l’ EvaCup
17
Mais déjà les filles de l' EvaCup étaient sur la piste
et faisaient un tour pour rejoindre la ligne de départ.
Toutes les concurrentes au-delà de la cinquième
place avaient gagné une place, car celle qui avait fait
chuter Quitterie s'était vue interdite de courses
pendant un an. Cette dernière avait été convoquée
dans la soirée pour connaître la décision des
directeurs de course.
Elle avait fait passer le contrôle technique à sa moto
pendant la course de Gaspard et de Zach et avait été
autorisée à rouler.
Elles étaient prêtes pour le tour de chauffe... Quand
le drapeau vert s'abaissa, Quitterie partit sans trop
forcer. Son moteur était bien chaud, elle avait fait
chauffer ses pneus sur le parking, elle ne devait donc
prendre aucun risque avant la course. Elle avait eu
peur de ne plus reconnaître sa moto après l'accident,
mais en fait, elle était comme avant.
Puis les commissaires les placèrent sur la grille de
départ. Comme la veille au soir, Quitterie se retrouva
190
Quitterie et l’ EvaCup
sur la quatrième ligne, entourée de Charlotte et
Audrey. Elle était extrêmement concentrée. Rien de
ce qui venait de l'extérieur ne l'atteignait. Elle
regardait le feu, le corps en avant et le pied droit à
terre prête à bondir. Elle ne pouvait toujours pas
s'appuyer réellement sur sa cheville, c'est pourquoi
tout le poids de la moto reposait sur sa jambe droite.
Cette fois-ci, elle s'était assurée que la première
vitesse était bien enclenchée.
Toutes les filles
faisaient rugir leurs moteurs, mais pas Quitterie. Elle
se contentait de le garder dans les tours, de façon à
faire un bon départ.
Quand le feu passa au vert, Quitterie fit un
démarrage grandiose. De sa quatrième ligne , elle
passa tout le monde, et se retrouva, à l'entrée du
double droite, en troisième position. Elle ne se
dégonfla pas, repoussa son freinage et passa son
virage sans aucune arrière pensée. Elle connaissait
bien le tracé du circuit , les points de corde, les
zones de freinage, il n'y avait aucune raison qu'elle
craigne quoi que ce soit. Derrière elle, elle entendait
les moteurs des autres motos qui lui mettaient la
pression, mais elle continua sur sa trajectoire, sans
leur laisser aucune chance de la doubler avant la
première ligne droite et le virage à gauche en
191
Quitterie et l’ EvaCup
épingle. Dans cette partie, elle n'avait aucun moyen
de lutter. Son moteur était vraiment trop faiblard
pour des courbes aussi rapides. Mais elle savait aussi
qu'elle pouvait avoir bon nombre de concurrentes
dans les virages. C'est pourquoi, en arrivant au
gauche droite en descente qu'elle passait
relativement bien , elle arriva à en doubler quelques
unes. C'était un endroit stratégique pour elle, car si
elle creusait suffisamment l'écart dans cette partie,
elle pouvait espérer ne pas être remontée dans la
ligne droite des stands. Malheureusement, elle
n'avait pas réussie à
distancer suffisamment ses
concurrentes, et elle se fit doubler. Elle se retrouva
en sixième position.
Elle retarda alors son freinage, et repassa devant une
des concurrentes , qui elle, freinait très tôt, car elle
n'était pas très à l'aise dans les déhanchés. A la fin du
premier tour, elle était cinquième. Sa cheville
commençait à lancer sérieusement, mais elle n'en
tint pas compte. Elle essayait d'être le moins possible
en appui dessus. Elle continua à se battre comme
une tigresse, ne laissant rien passer. Elle remontait
petit à petit , et avait atteint la quatrième position,
quand l'accident se produisit juste sous ses yeux...
A l'entrée du double droite les deux concurrentes
devant elle se touchèrent les guidons, car aucune ne
192
Quitterie et l’ EvaCup
voulait laisser passer l'autre. Une des filles fit une
glissade avec sa moto. Elle traversa la piste, avant de
finir sa course dans les bacs à graviers. Quand à
l'autre, elle fut éjectée de la moto, et finit dans
l'herbe. Heureusement, elle se releva aussitôt.
Manque de chance pour Quitterie, cela se passa juste
devant elle. Par réflexe, elle sauta sur les freins, et
rétrograda. Distraite par l'accident, elle ne compta
pas le nombre de vitesses rentrées... Quand elle
relâcha l'embrayage, elle était en première... Du
coup, elle bloqua la roue arrière et partit en
dérapage. Elle sortit la jambe droite pour ne pas que
sa moto se couche sur le flanc. Ça la rééquilibra. Elle
fit encore deux trois embardées, avant de se
retrouver bien droite. Il était temps, elle était
quasiment sortie de la piste... Elle repartit tant bien
que mal, tout en évitant les morceaux de carénages
et le liquide brillant qui se trouvaient sur la piste. Sa
poursuivante , n'ayant pas vue l'accident, passa
Quitterie, sans se douter de rien. Heureusement pour
elle, tout se passa bien. Malgré tout, Quitterie ne put
éviter un détritus, et roula dessus... Elle jura dans
son casque pour que son pneu ne crève pas, et
continua sur sa lancée, comme on le lui avait
enseigné. Passé la zone de débris , elle ouvrit les gaz
en grand, pour rattraper son adversaire. Du coup,
193
Quitterie et l’ EvaCup
elles ne se battaient plus pour la quatrième place,
mais pour la deuxième. Mais de ça, Quitterie n'en
avait aucune idée.
Elle tenta par tous les moyens de rattraper son retard,
mais l'autre moto était trop puissante. A chaque
entrée de virage, elle rattrapait son retard, mais au
moindre petit bout de ligne droite, l'autre ouvrait les
gaz en grand et la pulvérisait . Elles jouèrent au chat
et à la souris jusqu'au drapeau jaune.
La piste n'étant pas tout à fait nettoyée au niveau de
l'accident,
elles devaient se méfier. Au poste
suivant , aucun drapeau n'était agité, signe qu'il n'y
avait plus aucun danger. Quitterie en profita pour réaccélérer aussitôt, et passa ainsi devant sa
concurrente qui semblait ne pas connaître cette règle.
Quand elle réagit, Quitterie avait déjà pris une bonne
avance et était déjà en train de sortir du virage . Elle
savait que jusqu'à la sortie du gauche droite, l'autre
ne pourrait pas grand-chose. Par contre, après , ce
serait une autre affaire. Elle la tint en haleine aussi
longtemps que possible, mais elle se fit doubler au
bout de la ligne droite des stands. Malgré tout, elle
se dit qu'elle l'aurait dans un des prochains virages,
car elle avait
remarqué que son adversaire
commençait à fatiguer. Ses freinages étaient plus
long qu'au début de leur bataille.
194
Quitterie et l’ EvaCup
Quitterie arrivait assez bien à gérer sa fatigue, grâce
aux sports qu'elle pratiquait et qui l'avaient rendus
plus endurante. Malgré tout, l'autre lui ferma
systématiquement toutes les portes. Impossible de la
doubler... Elles continuèrent comme ça pendant
encore deux tours, Quitterie la rattrapant au moindre
virage, et l'autre la semant à la moindre parcelle de
ligne droite. Il ne restait plus qu'un tour à parcourir,
et Quitterie, joua le tout pour le tout. Elle poussa sa
moto dans ses ultimes retranchements, et lui fit
donner tout ce qu'elle pouvait. Elle se força à passer
tous les rapports un peu au-delà de la zone de couple
maxi, chose qu'elle détestait faire, car elle pensait
que cela faisait souffrir son moteur...
Entre la fatigue de l'autre concurrente et le style de
conduite de Quitterie totalement différent de celui du
début, elle lui colla une pression énorme, la poussant
à la faute. L'autre , à l'entrée du droit en dévers ,
écarta trop sa trajectoire, et Quitterie en profita pour
se faufiler dans ce trou de souris. Elle continua
d'accélérer pour qu'elle ne la rattrape surtout pas, et
passa sous le drapeau à damiers , son adversaire à
une roue d'elle.
Et là, elle put enfin relâcher la pression. Elle se
redressa sur la moto, ouvrit la visière de son casque
pour aspirer une grande goulée d'air frais, et fit le
195
Quitterie et l’ EvaCup
dernier tour tranquillement, avec une seule main sur
le guidon, et la jambe gauche hors des cale-pieds.
Son adversaire la rejoignit, et la félicita pour cette
magnifique bataille qu'elles s'étaient livrées.
Elles firent le dernier tour côte à côte, sous les
ovations de la foule, et les applaudissements des
commissaires. Elles allaient sortir quand les
commissaires leur firent signe de mettre leurs motos
dans le parc fermé. Comment était-ce possible? Elles
n'en revenaient pas...
Elles parquèrent donc leurs motos dans le parc, sous
les flashs des photographes qui attendaient à cet
endroit. Puis Quitterie enleva son casque et chercha
Sonia, Gaspard et Zach des yeux. Quand elle les
vit , elle boitilla jusqu'à eux, en riant et pleurant de
joie. Son grand-père et sa grand-mère aussi étaient
là.
Ils la serrèrent dans leurs bras, et
la
congratulèrent, lui disant qu'ils étaient vraiment très
fiers d'elle. Sonia ne put s' empêcher de lui dire:
− Tu ne pourrais pas essayer de faire une
course sans nous faire peur?
− C'est vrai , quoi, ça devient une manie chez
toi, surenchérirent gaz et Zach, tout en
rigolant.
− Promis, leur répondit Quitterie.
196
Quitterie et l’ EvaCup
Puis les garçons la mirent sur leurs épaules, pour la
faire défiler. On avait l'impression qu'elle avait
gagné un Grand Prix mondial...
Quitterie était aux anges.
Quand ils la posèrent devant le podium, beaucoup de
pilotes et de spectateurs vinrent la féliciter pour cette
merveilleuse course, et surtout la magnifique bataille
finale qu'elle avait livré. Certains d'entre eux
voulaient savoir si sa moto était d'origine. Quand
elle répondit par l'affirmative, ils furent encore plus
épatés par sa performance.
Puis vint le podium. La course étant sponsorisée par
des partenaires, elle dut enfiler les T-Shirt et les
casquettes qu'on lui remit. A l'appel de son nom, elle
monta sur la seconde marche du podium, sous les
ovations de ses amis. Elle reçut un bouquet de fleurs,
et une magnifique coupe en argent avec le nom , la
date de la course, et sa position gravés dessus.
Quand les trois gagnantes eurent leurs trophées, elles
s'aspergèrent de champagne, comme le veut la
tradition.
197
Quitterie et l’ EvaCup
Puis il y eut les différentes séances photos, pour les
organisateurs, les sponsors , les revues moto...et les
amateurs.
Ensuite vint le tour des interviews pour la presse
motos, ainsi que d'autres séances photos,
individuelles cette fois. Son exploit était encore
inédit jusqu'à ce jour. Comment une moto aussi peu
puissante avait-elle pu finir seconde, devant les
autres qui , elles, étaient taillées pour la piste? La
seule explication logique tenait dans l'art du
pilotage, et la taille du circuit.
198
Quitterie et l’ EvaCup
18
Quand elle put enfin se libérer, Quitterie partit
rejoindre ses amis qui l'attendaient un peu plus loin.
Sonia lui tendit ses béquilles, et lui remit en même
temps la feuille des temps en course. Quitterie jeta
vite fait un oeil sur ses temps, sans y prêter trop
attention. Mais là, une donnée lui fit pousser un cri:
elle avait tourné en 1'30 pendant quelques tours.
Elle n'en revenait pas. Elle montra aussitôt son
exploit à Gaz et Zach, qui en restèrent scotchés sur
place.
− Quoi? Tu as tourné en 1'30 avec le Mostro,
s'écria Gaz.
− Mais tu es presque aussi rapide que nous,
reprend Zach. On tourne en 1 '28 avec le 999.
Je suis bien content de ne pas être un de tes
adversaires...
− Je vous avais bien dit qu'elle était une
concurrente sérieuse, leur rappela Sonia.
− Oui, mais de là à rouler aussi vite... reprit
Zach, toujours pas remis de cette nouvelle.
199
Quitterie et l’ EvaCup
− Vu ton exploit d'aujourd'hui, ce serait bien
que tu passes sur une moto plus adaptée à ce
sport, et que tu rejoignes des courses mixtes.
Tu pourrais faire mordre la poussière à bien
des gars, lui dit Gaz.
− Ce serait génial, s 'emballa aussitôt Sonia.
− Tu sais, on m'a déjà fait des propositions,
tout à l'heure, pour entrer dans des teams...,
avoua Quitterie.
− Et?...
− Je ne sais pas trop...
− Qu'est-ce qui te fait hésiter? Demanda Zach,
se mêlant à leur conversation.
− En fait, je ne suis pas très sûre de moi.
J'adore ma moto, je suis très à l'aise dessus,
et je crois que c'est pour ça que j'ai réussi
aujourd'hui. J'ai peur que, sur une autre moto,
je ne retrouve plus cette osmose...
− Il suffit juste de trouver la moto qui te
convient... lui rétorqua Gaspard.
− Le problème est justement là. J'adore les
Ducati. Leurs voix rauques et graves quand
elles accélèrent sont reconnaissables entre
mille. Chaque fois que j'en entends une, mon
cœur bat à l'unisson, comme si nous étions
200
Quitterie et l’ EvaCup
−
−
−
−
−
−
−
faîtes pour être ensemble. Mais les modèles
sportifs de la marque me font un peu peur...
Il faudrait que tu en essayes une pour te
rendre compte, car une fois que tu es dessus,
c'est comme ta Mostro, ce sont de vrais
jouets. La nôtre, par exemple, va exactement
où on veut, et elle tient formidablement le
pavé. Elle est un peu physique à amener,
mais une fois que tu as compris le truc, ça
passe sans soucis.
Pourquoi pas... répondit Quitterie.
Et puis, tu pourrais peut-être l'essayer...
suggéra Zach.
Bien sûr, renchérit Gaz. Ça ne nous pose
aucun problème de te la prêter. Mais pour
aujourd'hui, ce sera juste le tour du parking.
Merci, de votre confiance leur répondit
Quitterie , mais j'ai peur de vous l'abîmer.
Arrête tes bêtises, et monte dessus. On en
reparlera après.
Allez fonce, appuya Sonia, je vois que tu en
meures d'envie. Tu en as marre que les autres
te rattrapent toujours dans les lignes droites,
pas vrai?
201
Quitterie et l’ EvaCup
− Ça c'est sûr. OK, je veux bien l'essayer,
répondit finalement Quitterie, un sourire
jusqu'aux oreilles.
Ils se dirigèrent tous les quatre vers la moto de Gaz
et Zach. Pendant que le moteur tournait au ralenti,
Quitterie mit son casque et ses gants. Son cœur
battait au même rythme que le moteur... L'osmose se
mettait tout doucement en place...
Quand elle enfourcha la moto, elle se sentit tout de
suite à l'aise. Tout était bien placé par rapport à son
gabarit. Elle enclencha la première, et partit
doucement. Elle avait à peine touché l'accélérateur
que la moto ne demandait qu'à aller plus vite.
Quitterie faisait corps avec elle. Ses genoux étaient
bien positionnés dans l'échancrure du réservoir, son
buste n'était pas trop en avant, ses jambes n'étaient
pas trop pliées... Tout était parfait. Elle était en totale
harmonie avec sa monture...
Sur le parking, elle ne put pas aller au delà de la
troisième vitesse, mais cela fut suffisant pour qu'elle
se rende compte du potentiel de la moto. Et surtout,
elle se sentait bien dessus. Extérieurement elle
paraissait énorme, mais une fois à son guidon, on
oubliait bien vite cette impression tellement elle était
maniable.
202
Quitterie et l’ EvaCup
Elle rendit la moto à ses propriétaires, un peu à
regret.
− Alors, lui demandèrent-ils aussitôt.
− Pas mal, les taquina Quitterie.
− Comment ça : pas mal? C'est tout ce que ça
t'a inspiré?
− Mais non, je vous charrie. Elle est
absolument fabuleuse. Je me sens super bien
dessus, peut-être même un peu trop... avoua
t-elle.
− On t'avait bien dit qu'elle te plairait, lui
rétorqua Zach...
− Et pourquoi tu ne ferais pas les endurances
avec nous? Lui proposa Gaz...
FIN
203
Quitterie et l’ EvaCup
Note de l'auteur
Cette histoire est une pure fiction. Certains faits sont
réels, mais la plupart sont imaginaires. Je me suis
basée sur mon expérience de la moto et du monde de
la compétition moto pour écrire ce roman. Toute
ressemblance est pure coïncidence.
204
Quitterie et l’ EvaCup
Lexique
Joint spi: il assure l'étanchéité entre le tube et le
fourreau de la fourche. Il empêche l'huile présente
dans le fourreau de couler le long du tube.
Trail: moto pouvant aussi bien rouler sur chemin que
sur route goudronnée.
205

Documents pareils