Variables, mécanismes et simulations : une synthèse des
Transcription
Variables, mécanismes et simulations : une synthèse des
R. franç. sociol., 46-1, 2005, 37-74 Gianluca MANZO Variables, mécanismes et simulations : une synthèse des trois méthodes est-elle possible ? Une analyse critique de la littérature RÉSUMÉ L’article présente une analyse critique de quatre débats sociologiques contemporains. L’analyse systématique de cette littérature suggère l’existence d’un projet de reformulation des fondements méthodologiques de la sociologie empirique quantitative. Notre reconstruction montre l’émergence de l’idée suivante : afin de résoudre certaines impasses de la sociologie empirique quantitative « standard », une alliance entre l’analyse par variables, la méthodologie des mécanismes et les techniques de simulation serait largement bénéfique et profitable. L’article teste ensuite cette thèse dans le cadre de la sociologie quantitative de la mobilité sociale en montrant que celle-ci présente des signes incontestables allant dans le sens d’une acceptation de cette idée. En conclusion, nous établissons un lien entre ces débats récents et des propositions similaires plus anciennes en nous interrogeant notamment sur les raisons qui ont amené à ne reconnaître le bien-fondé de ces dernières que si récemment. Des travaux récents discutent certaines des difficultés « chroniques » de notre discipline. On dénonce la séparation parfois radicale entre théorie et recherche (Boudon, 1997 ; Cuin, 2000 ; Goldthorpe, 2000c ; Hedstrom et Swedberg, 1996, 1998b) ; on souligne la faiblesse de la théorie sociologique (Coleman, 1990 ; Van den Berg, 1998) ; on interroge les fondements de la recherche empirique (Ragin et Becker, 1992) ; on questionne le statut scientifique même de l’analyse sociologique (Cuin, 2000, 2004 ; Passeron, 1991 ; Raynaud, 2004). L’échange entre Raymond Boudon (2002c) et John Goldthorpe (2003a) autour de la « sociologie qui compte » synthétise bien cette phase d’« effervescence réflexive » de la sociologie contemporaine. Des soucis méthodologiques analogues sont à l’origine de cet article : notre réflexion ne porte pourtant pas sur la sociologie en général mais sur une tradition de recherche spécifique, celle de la « sociologie empirique quantitative » (1). (1) On trouve en littérature plusieurs étiquettes pour indiquer cette approche : « variable centred methodology » (Abell, 1984), « variable-oriented approach » (Ragin, 1987, chap. 4), « variable based-approach » (Abbott, 1992a, p. 441), « standard positivist analysis » (Abbott, 1992b, p. 62), « variable sociology » (Esser, 1996), « quantitative analysis 37 Revue française de sociologie Ce courant particulier de l’analyse sociologique n’a pas non plus été épargné par de vivants débats critiques visant le dépassement de certaines de ses limitations majeures. Que des travaux importants tels que ceux de Stanley Lieberson (1985), de Charles Ragin (1987) ou de Ray Pawson (1989) n’aient pas suffit à limiter les « dangers » potentiels découlant d’une utilisation naïve de techniques dont la sophistication augmente de plus en plus, cela est bien montré par la reprise virulente du débat au cours des années quatre-vingt-dix (Clogg et Haritou, 1997 ; Esser, 1996 ; Sociological methodology, 1991, 21, pp. 291-358 ; Sorensen, 1998). Ces discussions critiques commencent par ailleurs à déboucher sur des propositions méthodologiques précises d’amendement : Hans-Peter Blossfeld (1996, 1998) prône l’extension de l’utilisation de données quantitatives longitudinales et leur traitement à l’aide des techniques d’« event history analysis » afin d’augmenter la micro-fondation de la sociologie empirique quantitative ; Andrew Abbott (1992a, 1992b, 1995, 2000 ; Abbott et Hrycak, 1990 ; Abbott et Tsay, 2000) propose une implémentation de la notion de « narrative » à l’aide d’une technique issue de la biologie, l’« optimal matching analysis » ; Peter Abell (1984, 1998, 2003), enfin, partage l’idée de substituer la notion de « narrative » à celle de « variable » mais il propose, à la différence d’Abbott, une méthode d’implémentation de nature algébrique et non pas métrique (2). Cet article propose une analyse de la littérature récente alimentant le débat sur les limites de la sociologie empirique quantitative et sa possible reformulation dans le sens d’une extension de son pouvoir explicatif. Nous centrerons notre attention sur quatre types de contributions scientifiques : 1) les contributions qui discutent les problèmes propres à cette approche ; 2) celles qui ont trait à la notion d’action sociale et de rationalité ; 3) les travaux sur le concept de mécanismes générateurs ; 4) les publications sur l’application des méthodes de simulation en sociologie. Il est possible de montrer que ces quatre types de productions sociologiques se renvoient l’un à l’autre : notre (suite note 1) of large-scale data sets » (Goldthorpe, 1996a), « sociologie quantitative » (Corbetta, 1999), « sociologie positiviste » (Cherkaoui, 2000, 2003a). Nous préférons parler de sociologie empirique quantitative dans le but de rappeler que la « variable sociology » n’épuise pas la sociologie quantitative : il existe aussi une forme de sociologie quantitative purement théorique – à savoir, la sociologie mathématique – qui a son propre statut et sa propre légitimité (Collins, 1992, pp. 619-640 ; Fararo, 1984, p. 219, 1997, p. 91 ; Edling, 2002, p. 202). Sans en vouloir nier pour autant l’importance, nous ne pouvons pas aborder ici la question suivante : est-il fondé de parler de « sociologie quantitative » ? Le débat épistémologique portant sur les ambiguïtés de la distinction « approche quantitative/approche qualitative » 38 mériterait sans doute plus d’attention que nous ne pouvons lui accorder ici (voir, par exemple, Agodi, 1996 ; Cannavo, 1988 ; Cardano, 1991). (2) Le débat sur les potentialités de ces propositions est actuellement en cours. S’agissant des propos d’Abbott, on peut consulter Halpin et Chan (1998), Levine (2000), Santoro (2003), Wu (2000). Pour ce qui est d’Abell, un numéro spécial de The journal of mathematical sociology (1993, 18, 2-3) a été consacré à ses travaux. Ce qui semble certain, au moins pour le moment, c’est que ces tentatives d’amendement sont fort partielles en ce sens qu’elles ne sont pas en mesure de surmonter le descriptivisme propre à la sociologie des variables ; la notion même de « narrative », ensuite, pose plus de problèmes qu’elle n’en résout, aspect déjà souligné par Hempel (1965, pp. 447-453). Gianluca Manzo travail suggère que leur intersection constitue précisément un projet méthodologique qui reformule la sociologie empirique quantitative. Anticipant sur les conclusions : les trois derniers axes du débat fournissent des solutions générales aux problèmes posés par le premier. En d’autres termes, la littérature récente commence à dessiner un type de sociologie empirique quantitative selon lequel l’analyse par variables décrit, la modélisation par mécanismes (construit en termes d’individualisme méthodologique) explique et la simulation anime (et teste) dynamiquement les mécanismes supposés être à la base des relations statistiques observées. Nous ne méconnaissons pas que, ainsi formulée, seule une partie limitée de la littérature soutient cette idée ; de plus, certains aspects de ces débats – la production sur la « social simulation », surtout – sont encore largement ignorés par la plupart des sociologues. Ce point de vue est toutefois conforté par quelques rares articles où les liens discutés ici sont explicitement rassemblés : il convient de signaler à ce sujet un texte de John Goldthorpe (1999) et quelques travaux de sociologie mathématique (Edling, 2002 ; Fararo et Hummon, 1995 ; Fararo, 1997 ; Fararo et Butts, 1999). Il est clair ainsi que notre texte privilégie le débat « interne » à l’approche quantitative, c’est-à-dire celui alimenté par des auteurs qui ne lui sont pas a priori hostiles et qui prônent pour son amendement plutôt que son abandon. Ce choix nous paraît justifiable. Comme le reconnaît Ray Pawson (1989, chap. 1), maintes attaques à cette approche n’ont en effet bien souvent constitué qu’un moyen pour forger sa propre identité sociologique sans qu’à la critique aient suivi des propositions constructives : la manifestation la plus claire de cette attitude se trouve du côté des sociologies dites « interprétatives » (voir, par exemple, Berger, 2002 ; Blumer, 1956) (3). Ce choix pourrait toutefois alimenter une équivoque en ce sens qu’il pourrait transmettre au lecteur une vision dichotomique du débat épistémologique et méthodologique contemporain : d’une part, les sociologies dites « interprétatives » ou « constructivistes », d’autre part, les approches quantitatives à visée « nomothétique ». Nous avons conscience de cette ambiguïté : nous espérons toutefois que la pluralité d’auteurs et de contributions discutés au cours de notre reconstruction suffira à effacer cette équivoque et à repousser une opposition stérile qui n’est aucunement la nôtre. Nous procéderons en trois moments. La première partie de cet article est consacrée à la littérature récente qui discute les limites principales de l’analyse par variables : ce débat étant mieux connu que les autres, nous n’en présenterons que les éléments essentiels. La deuxième a trait à la manière dont la sociologie empirique quantitative peut tirer profit d’une combinaison avec un point de vue actionniste, une stratégie explicative fondée sur les mécanismes générateurs et l’analyse par simulation. La troisième partie (3) Reconnaître ceci n’équivaut pas pour autant à nier l’importance de ces « critiques externes » : de telles attaques ont en effet contribué à sensibiliser les « sociologues quantitatifs » aux limites de leurs analyses et, par ce biais, à alimenter le « débat interne » à l’approche quantitative. 39 Revue française de sociologie discute un domaine sociologique précis – la sociologie de la mobilité sociale – dans lequel la littérature récente montre des évolutions importantes qui vont dans le sens d’une reformulation et d’un enrichissement de l’approche quantitative « standard ». Notre analyse se conclura en suggérant la proximité entre ces débats contemporains et des idées plus anciennes : nous esquisserons une réponse à la question de savoir pourquoi ces dernières n’ont été pleinement reçues que très tardivement. Trois problèmes majeurs de l’« analyse par variables » Le pouvoir explicatif reste contenu face à une sophistication technique croissante : la littérature récente la plus attentive n’a plus de peine à admettre cette limite majeure de l’utilisation des méthodes statistiques multivariées dans l’analyse des phénomènes sociaux (Freedman, 1991a, 1991b). Il est possible de reconnaître trois groupes de problèmes qui contribuent à rendre compte de ce « décalage structurel » propre à la sociologie empirique quantitative : 1) son caractère a-théorique ; 2) sa conception réductrice de la causalité ; 3) son traitement partiel de la pluralité de niveaux caractérisant les phénomènes sociaux. « Quantitative sociology remains very theory-poor » (Sorensen, 1998, p. 238) : Freedman (1991a) suggère qu’une telle pauvreté théorique concerne plusieurs moments du processus de recherche quantitative. Le premier est la phase de définition du modèle, à savoir la structure des relations entre les variables à tester (Goldthorpe, 1996a ; Sorensen, 1998) (4). Le deuxième concerne le moment crucial de sélection et acceptation du modèle : de nombreux chercheurs remarquent désormais que le choix du « meilleur modèle » ne peut pas se résoudre correctement, à supposer qu’il puisse l’être, sur une base purement statistique (Aish-Van Vaerenbergh, 1994, p. 115 ; Bohrnstedt et Knoke, 1998 ; Cobalti, 1992, p. 123 ; Cherkaoui, 2000, p. 141 ; Wunsch, 1994, p. 37). En troisième lieu, la sociologie empirique quantitative sous-estime souvent le rôle de la théorie durant l’analyse des « variables de contrôle », qu’il s’agisse de choisir les variables à insérer (5) ou d’interpréter les effets d’interaction éventuellement mis en évidence (Sorensen, 1998) (6). Enfin, un manque de théorie caractérise la justification des conditions (forme (4) Goldthorpe écrit : « It is in turn generally agreed that, far from theory being output from causal path and suchlike analyses, it is rather necessary input to them. » (1996a, p. 98). Sorensen déclare : «Unfortunately, sociologists over the last decades have become less, rather than more, competent at translating theoretical ideas into models to be estimated by statistical techniques » (1998, p. 239). (5) À ce propos, Cherkaoui (2000, pp. 139140) et Wunsch (1994, p. 30) constatent que, 40 faute de raisonnement théorique, tant l’« hypothèse de clôture forte » que de « clôture faible » sont, la première davantage que la seconde, difficilement justifiables. (6) Sorensen affirme : « The introduction of independent variables as controls in a multivariate statistical model is not usually seen as specifying a theory. » (1998, pp. 243-244). La conséquence est que « the result is a conceptually meaningless list of variables preventing any kind of substantive conclusion » (ibid., p. 243). Gianluca Manzo des distributions des variables, de la structure des erreurs et de la relation entre les variables) que tout « modèle statistique » doit satisfaire pour qu’il soit raisonnablement applicable et correctement estimable (Freedman, 1991a) (7). Les nombreux tests statistiques désormais disponibles à cet égard ne résolvent pas entièrement le problème : justification statistique et justification sociologique ne coïncident pas forcement. Cela est particulièrement évident s’agissant de l’une des conditions de validité la plus généralement supposée en sociologie empirique quantitative, à savoir l’hypothèse de linéarité (Clogg et Haritou, 1997, p. 88, p. 93 ; Abbott, 1992a, p. 433, p. 434). On la justifie habituellement en se fondant sur le principe de parcimonie sans préciser que celle-ci n’est le plus souvent que computationnelle et non pas sociologique (Sorensen, 1998, p. 249). Le caractère a-théorique de l’analyse par variables assume une dernière forme : Ray Pawson (1989) insiste particulièrement sur l’insuffisance de la réflexion théorique dans le choix et la justification du niveau de mesure des variables à insérer dans un modèle. La conception de la causalité propre à la sociologie empirique quantitative est le deuxième aspect le plus mis en question. Le noyau logique de l’analyse multivariée – tel qu’il a été conceptualisé par Paul Lazarsfeld dès les années cinquante – consiste à étudier les variations de l’intensité du lien entre deux variables X et Y à la lumière de l’insertion progressive d’une série de variables additionnelles Wn : le degré de stabilité de cette intensité est considéré comme le signe que les variables Wn n’agissent ni comme variables « intermédiaires » ni comme « variables parasites ». La qualification de causal du lien entre X et Y repose en sociologie empirique quantitative sur ce « processus de contrôle » : compte tenu des effets de Wn, si X→Y « résiste », l’hypothèse d’une simple corrélation peut s’écarter en faveur de l’hypothèse de causalité (H. S. Becker, 1992, p. 206 ; Ragin, 1987, pp. 58-61). Cette conception de la « causalité comme dépendance robuste » – en empruntant l’expression à John Goldthorpe (1999, pp. 138-142 ; voir aussi Hedstrom, 2003) – comporte une limite majeure : cette procédure de « contrôle statistique », à la différence du contrôle expérimental fondé sur l’assignation aléatoire des cas aux groupes, n’assure pas que toutes les variables susceptibles d’influencer la variable dépendante Y soient prises en compte (Lieberson, 1985 [8], chap. 2, 6 ; Ragin, 1987, pp. 61-67). Clogg et Haritou (1997) ont récemment tiré toutes les conséquences de ce constat : puisqu’il est impossible de tester au moyen des données que l’on est en train d’analyser l’hypothèse selon laquelle les variables pertinentes non mesurées ne sont pas corrélées aux variables indépendantes, toute variante du « modèle linéaire généralisé » est incapable de dire quoi que ce soit sur la nature causale des relations étudiées (9). (7) Voici les mots de David Freedman : « Typically, the assumptions in a statistical model are quite hard to prove or disprove, and little effort is spent in that direction. » (1991a, p. 311). (8) Voir Vallet (2004) pour une discussion précise de cet ouvrage remarquable. (9) Voici leur thèse principale : « We cannot know whether the causal effect is large or small, positive or negative, present or absent without additional knowledge that cannot be obtained from the data. » (Clogg et Haritou, 1997, pp. 105-106). Des affirmations analogues se trouvent aux pages 94, 96, 100, 103, 104. 41 Revue française de sociologie Ce problème majeur étant admis, l’image de la causalité « comme dépendance robuste » présente trois autres limites importantes. Premièrement, elle implique une réduction « techniciste » de l’explication sociologique : le processus de contrôle statistique peut amener le chercheur à identifier les effets causaux d’une variable, donc son pouvoir explicatif, à la valeur des coefficients de régression ou bien, plus généralement, avec l’un des indices du degré d’ajustement du modèle statistique aux données (Abell, 1984, p. 311 ; Clogg et Haritou, 1997, p. 92, pp. 93-94, p. 100 ; Freedman, 1991a ; Sorensen, 1998, p. 241, p. 243). Ensuite, cette même identification – couplée probablement avec une conception « déterministe » de l’explication – peut induire l’erreur logique suivante : la causalité est imputée aux variables au lieu d’être attribuée aux acteurs. C’est en ce sens que Harmut Esser (1996, p. 160, p. 162, p. 164) qualifie la « sociologie des variables » de « meaninglessness », c’est-à-dire dépourvue de la dimension du sens de l’action individuelle et des intentions des acteurs (10). Enfin, et contrairement à ce que l’on pourrait attendre, l’analyse multivariée privilégie une vision « mono-dimensionnelle » de la causalité au détriment d’une conception « pluri-dimensionnelle ou configurationnelle ». Certaines conditions nécessaires pour l’estimation de toute variante du modèle linéaire généralisé imposent que les effets d’une variable indépendante soient uniformes quel que soit le niveau des autres variables, ce qui revient à faire l’hypothèse d’indépendance des effets causaux (H. S. Becker, 1992, p. 207 ; Ragin, 1987, pp. 63-64). Bien que cela ne soit pas impossible d’un point de vue purement technique, la sociologie empirique des variables tend à sous-estimer la nature complexe de la causalité, à savoir les interactions multiples existant entre les facteurs explicatifs (Abbott, 1992a) (11). Le traitement du problème micro-macro par la sociologie empirique quantitative constitue le troisième axe principal des critiques adressées à cette approche : à cet égard, l’utilisation des techniques statistiques multivariées présente deux difficultés principales. En premier lieu, elle peut conduire le chercheur à identifier le niveau agrégé de l’analyse au niveau macro : ceci revient à réduire les modalités de transition du niveau individuel au niveau macro-social au seul « processus d’agrégation simple » des actions individuelles, selon une opération logique du type « mettre les unités d’analyse l’une à côté de l’autre ». De ce point de vue, la sociologie empirique quantitative tend à négliger une seconde – et pourtant sociologiquement essentielle – modalité de composition des actions individuelles, à savoir le « processus d’agrégation complexe » dérivant de l’interdépendance des unités d’analyse (10) Andrew Abbott exprime cette critique de la manière suivante : dans le cadre de la sociologie empirique quantitative, « variables do things, not social actors » (1992a, p. 293, aussi 1992b, pp. 54-62). Ce problème est désormais largement admis en littérature : voir, entre autres, Abell (1984, p. 309, p. 310, pp. 317-318), H. S. Becker (1992, p. 206), 42 Blossfeld (1996, p. 186), Goldthorpe (1999, p. 141). (11) Voici les mots de cet auteur : « Attributes determine each other principally as independent scales rather than as constellations of attributes ; main effects are more important than interactions (main effects assumption). » (1992a, p. 433). Gianluca Manzo (Abbott, 1992a, p. 431, p. 434 ; Cherkaoui, 2003c, 2003d ; Cuin, 2002 ; Esser, 1996, pp. 160-162 ; Hedstrom, 2003 ; Hedstrom et Swedberg, 1996, p. 136) (12). La seconde difficulté de cette approche s’agissant du lien micro-macro concerne en revanche l’absence de changement de niveau d’analyse dès lors qu’il s’agit d’interpréter la structure de relations entre variables mise en évidence. Arthur Stinchcombe (1991, pp. 370-371) insiste sur le fait que le processus d’insertion des variables de contrôle – cœur de l’explication statistique – reste au niveau agrégé : une véritable compréhension des processus micro-individuels responsables de l’émersion de telle ou telle structure de relations est ainsi impossible (13). Plusieurs formes de sous-estimation de la théorie, conception réductrice de la causalité, traitement partiel du problème micro-macro : tels sont les problèmes majeurs qu’une partie importante de la littérature récente impute à la sociologie empirique quantitative. Que faire, donc ? D’après Blalock (1991, p. 333) il faudrait augmenter la complexité des modèles et soumettre constamment au débat leurs conditions de validité et leurs implications théoriques ; Freedman lui répond que « if I am right, playing the game harder will not help. It is the rules that we need to change » (1991b, p. 357). L’analyse de la littérature récente que nous allons présenter dans la partie suivante montre que la sociologie empirique quantitative la plus attentive commence à s’orienter plutôt vers cette seconde direction. Trois possibles intégrations Le « langage des variables » et le « langage de l’action » L’un des débats les plus riches de la sociologie contemporaine porte sans doute sur la forme et la place qu’une théorie de l’action devrait avoir dans l’analyse sociologique (Marini, 1992 ; Déchaux, 2002). Bien que la théorie du (12) Notre distinction entre « processus d’agrégation simple » et « processus d’agrégation complexe » recoupe la distinction faite par Cherkaoui (1998, chap. 1) entre « effets résultants » et « effets émergents » : cet auteur retrouve en Émile Durkheim le fondement de cette distinction conceptuelle ainsi que de la définition du niveau macro-social comme effet émergent (voir également Cuin, 1997). Max Weber (1918-1920, p. 40) et, plus récemment, James Coleman (1986a, p. 1321, 1990, p. 5, p. 12) ont proposé la même définition du niveau macro-social. (13) La diffusion de données longitudinales ainsi que de méthodes pour les analyser pourrait faire avancer la sociologie empirique quantitative dans la résolution de ce second problème davantage que le premier (prise en compte des structures d’interdépendance). C’est bien ceci l’une des implications majeures des travaux de Tom Snijders (1996, 2001 ; Snijders et Van Duijn, 1997) sur le traitement statistique de données longitudinales de réseaux sociaux : cet auteur montre en effet que les techniques statistiques disponibles doivent être couplées à des méthodes de simulation « orientées-acteur » pour que ces données essentielles à l’étude des structures d’interdépendance soient analysables et interprétables. En ce sens, la proposition d’Hans-Peter Blossfeld (1996, pp. 191-197, 1998) rappelée au cours de notre introduction ne traite que d’un seul aspect du problème micro-macro. 43 Revue française de sociologie choix rationnel apparaisse comme le cœur de ces discussions (14), elle ne constitue qu’un aspect de ce nouvel intérêt pour l’action, l’acteur et la rationalité. Les réflexions de Siegwart Lindenberg sur la « méthode de l’abstraction décroissante » (1992, 2003, p. 362) et sur le « principe de complexité suffisante » (2002, 2003, p. 362) suggèrent en effet que la théorie du choix rationnel ne peut être que le point de départ pour la construction d’une théorie de l’action en sociologie : les simplifications qu’elle opère ont des conséquences non négligeables sur notre manière de concevoir et de construire le phénomène à expliquer (Lindenberg, 1998). De nombreux travaux de Raymond Boudon (1995, 1996, 1998, 1999, 2001, 2002a, 2002b, 2003) se sont par ailleurs efforcés de montrer que cette conception de l’action intentionnelle et rationnelle peut s’inscrire dans un cadre analytique plus général relevant d’une forme d’individualisme méthodologique qui ne réduit pas la rationalité des acteurs à la seule rationalité instrumentale ou conséquentialiste. La discussion que Lindenberg propose du modèle de la rationalité cognitive conçu par Boudon montre enfin que la mise au point d’une conception « sociale » de la rationalité constitue l’une des pistes les plus riches de ce débat (Lindenberg, 2000). Or, quelle que soit la variante de la théorie du choix rationnel ou de l’individualisme méthodologique que l’on décide d’adopter (15), l’hypothèse commune d’un acteur idéal-typique intentionnel et rationnel constitue un attrait méthodologique indéniable. À ce sujet, deux éléments essentiels doivent être retenus ici (16). Premièrement, cette hypothèse présente un « privilège explicatif » en ce sens qu’aucune condition supplémentaire n’est exigée dès lors que l’on établit que le phénomène à expliquer est le résultat de la composition d’actions individuelles intentionnelles et rationnelles (Coleman, 1986b, p. 1) : toute boîte (14) L’ambition de l’économiste américain Gary Becker (1976, 1993, 1996, 2002) de faire de cette conception spécifique de l’acteur et de l’action le paradigme unificateur des sciences sociales contribue sans doute à expliquer cette focalisation. Le fait ensuite que James Coleman (1990) ait saisi frontalement le défi en l’important en sociologie a représenté une sollicitation théorique et méthodologique ultérieure, et probablement décisive, dans une telle direction (Bouvier, 2000 ; Demeulenaere, 1994 ; Revue française de sociologie, 2003, 44, 2). Il existe désormais de nombreuses discussions de la théorie du choix rationnel : voir, entre autres, Abell (1992, 2001), Archer et Tritter (2001), Bohman (1992), Coleman et Fararo (1992), Elster (1986), Hardin (2001), Scheff (1992), Sociologie et société (2002, 24, 1). (15) Cette hétérogénéité est désormais bien documentée : voir Blossfeld (1996), Goldthorpe (1998), Opp (2002), Udehn (2001, 2002). 44 (16) Deux autres méritent toutefois d’être signalés. En premier lieu, l’hypothèse de l’action rationnelle a un « privilège ou priorité logique » dans la mesure où elle constitue un point de départ obligé de l’analyse en tant que critère stable de comparaison (Goldthorpe, 1998, p. 134). James Coleman et Thomas Fararo (1992, pp. xiv-xv) parlent de « principe d’ordre » pour indiquer que son absence impliquerait une situation de chaos logique et empirique qui bloquerait l’analyse. L’idée est ancienne : Max Weber argumente dans le même sens lorsqu’il affirme que la sociologie compréhensive est rationaliste avant tout pour des raisons d’utilité heuristique (1903-1906, p. 69, 1913, p. 306, p. 309, 1917, pp. 426-427, 1918-1920, p. 32). En second lieu, il s’agit d’un privilège que l’on pourrait qualifier de « normatif » en ce sens que les acteurs mêmes se veulent rationnels et revendiquent ce caractère pour leurs actions (Elster, 1986, p. 26, 2001, p. 12763). Gianluca Manzo noire est éliminée de l’explication (Boudon, 1998). En effet, on est obligé de constater qu’il ne peut pas y avoir d’autre source de causalité que l’action individuelle et les raisons qui l’inspirent, les normes n’étant qu’un paramètre de l’action et non pas son déterminant (Hedstrom et Swedberg, 1998b, pp. 11-13). Deuxièmement, la référence à l’action individuelle rationnelle joue un rôle majeur dans la conceptualisation du problème micro-macro (Abell, 1992 ; Cherkaoui, 2003a ; Friedman et Hechter, 1988 ; Hedstrom et Swedberg, 1996). À cet égard, l’acteur et ses raisons constitueraient le maillon essentiel dans la séquence « structure » → « interaction » → « action » → « interaction » → « structure ». FIGURE I. – Diagramme Coleman-Boudon Macro (structure) Macro (structure) [Interaction] [Interaction] Micro (action) James Coleman a explicitement formalisé ce schéma (1986a, p. 1322, 1990, chap. 1) ; il est également présent dans nombre de travaux de Raymond Boudon (1977b, 1984, 1986, 2002b) (17) ; Peter Abell (2003) l’a récemment repris, quelque peu amendé et longuement discuté. Une telle conception de l’explication sociologique a été récemment qualifiée de « structural individualism » (Udehn, 2001, chap. 10, 2002, p. 500). Or, la qualification de « structural » est essentielle : elle rappelle que la référence à l’acteur ne débouche pas sur une identification fautive entre micro-fondation et micro-réduction. La présence du terme « interaction » suggère que l’on peut éviter cela en prenant en compte les différents types de structures d’interdépendance dans lesquelles les acteurs sont plongés et qui façonnent leur manière de penser ainsi que la conception de leurs actions (Barbera, 2004, pp. 8-11, chap. 5). Ce sont bien ces structures d’interdépendance qui constituent le cœur du passage du micro au macro : une véritable vision multi-niveau du social paraît ainsi de plus en plus acceptée par les sociologues contemporains. À ce propos, le courant de la « sociologie néo-structurale » – issu des travaux novateurs d’Harrison White (Edling, 2002, pp. 206-208 ; Fararo, 1997, p. 79) – paraît singulièrement bien préparé pour étudier et modéliser ce niveau méso en raison de l’attention particulière que cette tradition consacre à l’étude des réseaux sociaux (Lazega et Favereau, 2002, pp. 2-11 ; Lazega, 2003) (18). (17) Voir Mario Bunge (1997, p. 454, 1998, p. 77) : nous empruntons à cet auteur l’expression « Boudon-Coleman diagrams ». Voir Hamlin (2000, pp. 113-114) s’agissant du problème micro-macro chez Boudon. (18) Il est sûrement utile d’introduire ici une précision. Nous utilisons fréquemment l’expression « micro-macro » : il ne s’agit là que d’une formule linguistique destinée à alléger l’exposition. Ce choix ne doit pas faire penser au lecteur que nous défendons une vision simpliste et dualiste des niveaux d’analyse utilisables par le sociologue. L’attention constante que nous consacrons tout 45 Revue française de sociologie En quel sens donc ce type de débats importe-t-il pour l’analyse critique de la sociologie empirique quantitative ? Par rapport aux problèmes mis en évidence au paragraphe précédent, la prise en compte d’une telle conception individualiste dans l’analyse par variables aurait principalement trois effets bénéfiques. Premièrement, une focalisation sur les actions intentionnelles et rationnelles des acteurs aiderait la théorie à revenir puissamment dans le processus de recherche dans la mesure où c’est bien le raisonnement théorique et hypothétique du chercheur qui doit produire une représentation du lien entre structure, action et régularités statistiques. Deuxièmement, la référence à l’action individuelle obligerait le chercheur à ne pas se contenter d’attribuer la causalité aux variables et à leurs effets réciproques : la causalité serait formulée en termes d’acteurs, d’actions intentionnelles et d’interdépendance entre celles-ci. Enfin, la nature multi-niveau de cette forme d’actionnisme obligerait le chercheur de quitter le niveau agrégé ou macro auquel se situe l’analyse statistique afin de s’intéresser à la manière dont les actions individuelles et leurs combinaisons auraient pu engendrer les régularités mises en évidence par l’analyse multivariée. Or, il est essentiel de constater que la sociologie empirique quantitative commence à accepter ces arguments. John Goldthorpe a consacré en 1996 un article entier à la discussion de la thèse suivante : « QAD clearly does need to be informed by some explicit theory of action, at all events where it is used with more than purely descriptive ambitions ; and RAT, […], would appear distinctively suited to providing accounts of the generation of the probabilistic regularities, often extensive in time and space, that QAD has the capacity to reveal. » (1996a, p. 113) (19). Hans-Peter Blossfeld et Gerald Prein ont édité en 1998 un ouvrage collectif consacré à ce même argument : chacune des dix-sept contributions exprime parfaitement la prise de conscience de la nécessité de relier sociologie empirique quantitative et théorie de l’action (20). Bien que ces idées soient loin d’être partagées, comme l’admet avec beaucoup de réalisme Goldthorpe lui-même (2000a, p. 20), le pas est franchi : combiner « langage des variables » et « langage de l’action » constitue une première voie d’amélioration de la sociologie empirique quantitative. (suite note 18) au long de notre article aux structures d’interdépendance devrait suffire à éliminer cette équivoque : ce sont bien ces structures, en effet, qui fondent la réalité et la pertinence analytique du niveau méso-social. Voir Hannan (1992) pour une réflexion pénétrante en faveur d’un cadre analytique multi-niveau pour l’analyse des systèmes sociaux complexes. (19) Le titre de l’article – paru sur les pages de l’European sociological review – est particulièrement significatif : « The quantitative analysis of large-scale data sets and 46 rational action theory : for a sociological alliance ». Il faut souligner que Goldthorpe qualifiera ouvertement cet article de « programmatique » (2000a, p. 11, p. 19). (20) Le titre de l’ouvrage – Rational choice theory and large-scale data analysis – exprime une fois de plus le lien existant entre littérature sur l’action sociale et débat critique sur la sociologie des variables. On notera, par ailleurs, que Blossfeld et Prein utilisent le terme « théorie du choix rationnel » dans un sens extrêmement large (1998, p. 3). Gianluca Manzo Le « langage des variables » et le « langage des mécanismes » Un deuxième débat de la sociologie contemporaine que l’on ne peut plus désormais ignorer porte sur la notion de mécanisme générateur. Les ouvrages les plus systématiques sur l’argument qualifient de « sociologie analytique » l’approche qui fait de cette notion le noyau méthodologique essentiel tant de la théorisation que de la recherche empirique en sociologie (Barbera, 2004 ; Hedstrom, 2005 ; Hedstrom et Swedberg, 1998a, b) (21). Le concept de mécanisme générateur repose sur l’idée de « générativité » (Fararo, 1989, pp. 39-43 ; Fararo et Butts, 1999, p. 60). Il s’agit de centrer l’attention sur l’émergence ou l’engendrement ou la genèse de ce qui est observé : s’intéresser au mécanisme conduit ainsi à s’intéresser au « mode de production des phénomènes » (Cherkaoui, 1998, chap. 3, 2000). Que l’on conçoive les mécanismes comme des entités réelles du monde (Harré, 1972 ; Bunge, 1997 ; Fararo, 1989) ou, au contraire, comme des constructions analytiques (Stinchcombe, 1991 ; Hedstrom et Swedberg, 1998b), le postulat commun est le suivant : ce que l’on observe au « niveau K » doit s’expliquer en tant qu’effet d’une ou plusieurs instances – les mécanismes – qui se situent plus en profondeur au « niveau K moins N ». Y et X étant deux phénomènes quelconques, la Figure II précise qu’un mécanisme agit dans le processus d’émergence de la relation en tant que telle – notamment, sa forme et sa nature – non pas sur les valeurs ou sur le comportement des variables séparément considérées : en d’autres termes, il serait incorrect de conceptualiser un mécanisme comme l’équivalent d’une variable intermédiaire ou parasite (Pawson, 1989, pp. 130-131). FIGURE II. – Mécanismes générateurs et niveaux de réalité Observation : Y Explication : X M niveau K niveau K – N D’un point de vue fonctionnel, un mécanisme – ou bien un enchaînement de mécanismes (Gambetta, 1998) – répond ainsi à l’exigence de savoir comment et pourquoi une relation – ou bien une structure de relations – a été engendrée (Harré, 1972, p. 6, p. 118 ; Hedstrom, 2003). (21) Dès les débuts des années quatre-vingt-dix, la littérature sur ce sujet s’est rapidement accumulée : voir Blossfeld (1996) ; Boudon (1998) ; Bunge (1998) ; Cherkaoui (2000, 2003a) ; Elster (1989, 1998, 2003) ; Erikson (1998) ; Fararo (1989) ; Hechter (1998) ; Hedstrom (2003) ; Pawson (1989) ; Rios (2004) ; Schelling (1998) ; Sorensen (1998) ; Stinchcombe (1991) ; Van den Berg (1998). Des disciplines telles que la physique, la biologie et la physiologie font de l’idée de mécanisme générateur le cœur de leur méthode depuis leur constitution en sciences modernes (Colas et Tuchming, 2003, pp. 31-34 ; Hedstrom et Swedberg, 1998b, pp. 2-3). La pénétration de cette notion dans les sciences sociales et, plus spécifiquement, en sociologie a été en revanche moins simple. Parmi les classiques, une utilisation implicite de l’idée de mécanismes semble présente chez Tocqueville 47 Revue française de sociologie D’un point de vue substantiel, en revanche, un mécanisme n’est rien d’autre qu’un modèle théorique construit en termes d’actions et d’interactions individuelles (Cherkaoui, 1998, chap. 3, 2003a ; Gambetta, 1998, p. 105 ; Hedstrom et Swedberg, 1998b, pp. 24-25 ; Schelling, 1998). Un tel fondement individualiste ne doit pas cependant s’interpréter en termes réductionnistes (Bunge, 1997, p. 440, p. 441, p. 448, pp. 454-455, p. 457) : toute explication par mécanismes doit en effet s’articuler systématiquement selon trois types de mécanismes interdépendants. Notamment : 1) « situational mechanisms » ou « macro-micro mechanisms », les mécanismes qui modélisent les composantes structurelles de l’action sociale ; 2) « action formation mechanism » ou « micro-micro mechanisms », les mécanismes visant la modélisation des croyances et des objectifs des acteurs individuels ; 3) « transformational mechanisms » ou « micro-macro mechanisms », les mécanismes concernant le processus de combinaison simple ou complexe des actions individuelles (Hedstrom et Swedberg, 1998b, pp. 21-24). Ces concepts permettent ainsi d’insérer le schéma Coleman-Boudon (Figure I) dans un cadre analytique plus général : l’explication par les mécanismes implique le « structural individualism » (22). Sur de telles bases, les tenants de la notion de mécanisme avancent une proposition majeure : il ne peut y avoir d’explication et, à plus forte raison, d’explication causale qu’à condition de modéliser les mécanismes sous-jacents aux relations observées (Blossfeld, 1996 ; Bunge, 1997, 1998 ; Elster, 1998, 2003 ; Fararo, 1989 ; Hedstrom et Swedberg, 1998b ; Pawson, 1989 ; Sorensen, 1998 ; Stinchcombe, 1991). Ni l’antériorité temporelle (ou logique) de X par rapport à Y, ni l’observation de leur lien systématique et récurrent ne peuvent justifier l’attribution de la causalité à leur connexion : c’est la présence d’un mécanisme qui rend compte de la production de Y à partir de l’existence de X. Il s’agit de ce que Harré a défini comme une « generative theory of causality » en opposition avec une « successionist theory of causality » (1972, p. 116, p. 121, pp. 136-137) (23). (suite note 21) (Cherkaoui, 2003e ; Elster, 2003, pp. 44-48), chez Durkheim (Cherkaoui, 1998, chap. 3, 2000, p. 130, p. 135, 2003a ; Collins, 1992, chap. 6, 11 ; Fararo, 1989, pp. 134-137, p. 345, p. 346), chez Simmel (Bunge, 1997, p. 412) ainsi que chez Weber (Cherkaoui, 2003b ; Hedstrom et Swedberg, 1998b, p. 5). Bien que Merton (1949, 1967) ait contribué à introduire dans la sociologie moderne certains traits analytiques de la notion, ce sont les années soixante et soixante-dix qui constituent le « véritable berceau » du concept tant au plan épistémologique (Harré, 1972 ; Harré et Secord, 1972 ; Bunge, 1973, 1983, 1997) qu’au niveau de son utilisation concrète (Boudon, 1973, 1976, 1979a ; Davidovitch et Boudon, 1964 ; Fararo, 1969 ; Schelling, 1971). Nous reviendrons sur ce dernier aspect dans les conclusions. (22) On retiendra ainsi que le débat sur la 48 théorie de l’action et celui sur les mécanismes générateurs se recoupent et se renvoient l’un à l’autre dans la mesure où un mécanisme se construit en termes d’individualisme méthodologique. Nous en avons évoqué la raison au cours du paragraphe précédent : il n’y a que les unités d’analyse qui se situent au niveau des individus et de leurs actions qui peuvent revendiquer un pouvoir et une signification causale. (23) En dehors de la sociologie, la notion de « causalité générative » est par ailleurs soutenue par des voix éminentes. David Cox (1992, p. 297) propose de limiter la notion de causalité « to situation where some explanation in terms of a not totally hypothetical underlying process or mechanism is available » (voir aussi Cox et Wermuth, 1993, p. 207) ; A. H. Simon et Y. Iwasaki (1988, p. 150) affirment explicitement que « causality arise when a mechanism links phenomena ». Gianluca Manzo Or, la littérature récente souligne qu’une telle posture méthodologique a des implications évidentes pour la sociologie empirique quantitative. L’explication par les mécanismes générateurs disqualifie en conséquence les prétentions causales de l’explication statistique centrée sur les variables dans la mesure où les paramètres d’un « modèle statistique » n’expriment que l’intensité et le signe du lien entre Y et X sans rien dire sur les mécanismes responsables de sa production (Bunge, 1997 ; Harré, 1972 ; Hedstrom et Swedberg, 1998b, pp. 9-10, pp. 15-17 ; Cherkaoui, 2000, 2003 ; Elster, 1998, 2003). Le corollaire qui s’ensuit n’est pas non plus négligeable. L’ambition explicative de l’analyse par variables en sort largement redimensionnée : son rôle dans le processus de recherche quantitative ne serait plus que descriptif (Goldthorpe, 1999 ; Hedstrom, 2003 ; Hedstrom et Swedberg, 1998b) (24). La sociologie empirique quantitative est-elle pour autant disqualifiée ? Loin de là, le langage des variables et le raisonnement par mécanismes peuvent former une véritable synergie. Premièrement, cette combinaison remettrait la réflexion théorique au premier plan puisque les mécanismes doivent être théoriquement modélisés, étant donné qu’ils ne sont pas observables. Deuxièmement, la conception partielle et réductrice de la causalité propre à l’analyse par variables en serait corrigée dans la mesure où la notion de mécanisme empêche le chercheur d’identifier « significativité statistique » des paramètres et causalité sociologiquement significative des relations. Enfin, la modélisation des mécanismes générateurs obligerait le chercheur à se poser dans un cadre analytique multi-niveau visant l’articulation systématique de l’action individuelle (niveau micro), des structures d’interdépendance existant entre elles (niveau méso) et des produits émergents de ces dernières en termes d’institutions, normes et conventions (niveau macro). C’est précisément ce type de combinaison vertueuse entre variables et mécanismes qui est explicitement proposée et longuement discutée par John Goldthorpe dans un article qui – à quelques exceptions près (Barbera, 2004, chap. 7) – n’a pas retenu jusqu’à présent l’attention qu’il nous semble mériter. « Causation, statistics, and sociology » (1999) représente en effet un véritable manifeste de reformulation de la sociologie empirique quantitative (25). (24) Une telle re-évaluation du statut de l’analyse par variables est « radicale » chez Goldthorpe : son jugement touche aussi bien aux techniques d’analyse causale qu’aux méthodes statistiques plus récentes et plus sophistiquées. Quant aux premières, il affirme : « Instead of being regarded as a means of inferring causation directly from data, its primary use should rather be seen as descriptive, involving the analysis of joint and conditional distribution in order to determine no more than patterns of association (or correlation). » (1999, p. 152) ; quant aux secondes : « It is important that the use of rather advanced statistical techniques for these purposes of what might be called sophisticated description should be clearly distinguished from their use in attempts at deriving causal relations directly from data analysis. » (ibid., p. 153). Hedstrom et Swedberg ne sont pas moins explicites : ils déclarent qu’il faut renoncer à la « faith in statistical analysis as a tool for generating theories » et à la « belief in an isomorphism between statistical and theoretical models » ; l’analyse statistique reste en revanche essentielle « for descriptive purposes and for testing sociological theories » (1998b, p. 17). (25) Goldthorpe lui-même qualifiera cet article de « programmatique » (2000a, p. 11, p. 19). 49 Revue française de sociologie Le sociologue y esquisse une « alternative for sociology » selon laquelle l’outillage statistique devrait mettre en évidence les régularités empiriques tandis que la modélisation par les mécanismes générateurs devrait en expliquer l’émergence : Goldthorpe endosse explicitement une perspective de « causation as generative process », d’après laquelle, une fois les régularités empiriques établies, il s’agit d’« hypothesizing generative processes at the level of social action » (ibid., p. 151, pp. 154-155). Goldthorpe relie ainsi explicitement trois objets : discussion critique de la sociologie empirique quantitative, individualisme méthodologique et stratégie des mécanismes générateurs. Ses propos ne laissent aucun doute quant à la possibilité d’enrichir la sociologie empirique quantitative au moyen d’un point de vue actionniste, d’une part, du raisonnement par les mécanismes, d’autre part. Le « langage des variables » et les méthodes de simulation Un phénomène étant analytiquement décomposé dans n variables, les techniques statistiques multi-variées représentent un outil puissant pour décrire de manière formelle la structure des relations existant entre elles. Comment par ailleurs opérationnaliser le raisonnement par les mécanismes nécessaire pour expliquer la genèse d’une telle structure ? La littérature sur l’application des méthodes de simulation dans les sciences sociales fournit des réponses possibles à cette question (26). Bien qu’en sociologie l’idée – ainsi que les premières tentatives concrètes – de simuler les mécanismes sous-jacents aux phénomènes sociaux date des années soixante et soixante-dix (27), il faut attendre la fin des années quatre-vingt pour que les méthodes de simulation commencent à faire l’objet d’un véritable débat méthodologique et technique élargi à une partie considérable des sciences sociales (Bruderer et Maiers, 1997 ; Hummon, 1990, p. 65 ; Troitzsch, 1997, p. 45 ; Whicker et Sigelman, 1991) (28). Sans pour autant parler d’une « simulation era » (Hartmann, 1996, p. 77, p. 79, p. 84, p. 98) ou (26) Pour une revue critique de cette littérature plus détaillée que celle que nous pouvons présenter ici pour des limites d’espace, nous nous permettons de renvoyer à notre travail récent sur ce sujet (Manzo, 2004a). (27) Voir Archives européennes de sociologie (1965, 6, 1) ; Abelson et Caroll (1965) ; Boudon (1965, 1967, 1973, 1977a, 1979a) ; Davidovitch et Boudon (1964) ; Coleman (1962, 1965) ; Grémy (1971, 1977) ; Hagerstrand (1965) ; Hanon (1965) ; Préteceille (1974) ; Schelling (1971) ; The American behavioral scientist (1965, 8, 9). (28) De nombreux éléments témoignent de ce changement de vitesse : les numéros 50 spéciaux consacrés à la question se succèdent (Social science computer review, 1988, 6, 1 ; The journal of mathematical sociology, 1990, 15, 2 ; Sociological perspectives, 1995, 38, 4 ; The American behavioral scientist, 1999, 42, 10). Une revue électronique, créée en 1998 par Nigel Gilbert auprès du département de sociologie de l’université de Surrey : « The journal of artificial societies and social simulation : an interdisciplinary journal for the exploration and understanding of social processes by means of computer simulation » (JASSS), catalyse aujourd’hui le débat théorique, méthodologique et technique sur ce sujet. Les ouvrages collectifs, issus le plus souvent Gianluca Manzo bien d’un « new way of doing social science » (Gilbert, 1999a, p. 1486), force est de constater que les méthodes de simulation émergent actuellement de l’état de marginalité qui les avait jusqu’à présent caractérisées : leur place dans l’analyse sociologique semble destinée à se renforcer (Hanneman, 1995 ; Hummon, 1990 ; Halpin, 1999 ; Moretti, 2000, 2002). Le projet d’une « sociologie computationnelle » commence à se dessiner (Fararo et Hummons, 1995 ; Heise, 1995 ; Macy et Willer, 2002) (29). Ce processus de diffusion étant cependant encore à ses débuts parmi les sociologues, nous jugeons utile d’ouvrir une brève parenthèse afin d’esquisser la nature de cette approche au moyen d’une définition générale et d’une description concise d’une technique spécifique. En première approximation, la simulation peut être définie comme une forme particulière de modélisation dans laquelle le système théorique représentant le phénomène étudié est traduit dans un ensemble d’algorithmes informatiques au moyen d’un langage de programmation : par ce biais, le comportement d’un tel système est observable dynamiquement sur l’ordinateur avec des conditions de départ successivement différentes (Macy, 2001, p. 14439 ; Moretti, 2000, p. 137 ; Troitzsch, 1997, p. 46 ; Klein, 2002-2003, p. 7 ; Hanneman et Patrick, 1997, pp. 2-3 ; Hartmann, 1996, p. 83). La nature complexe de cette définition dérive de ce que la simulation est plutôt une famille de techniques partageant un esprit méthodologique commun – c’est bien ceci qu’une telle définition essaie de restituer au lecteur – plutôt qu’une méthode unitaire dont les protocoles de fonctionnement seraient clairement standardisés. C’est pourquoi certains auteurs n’hésitent pas à utiliser la métaphore artistique pour définir la nature de l’activité des praticiens de cette approche (Axelrod, 1997 ; Marney et Tarbert, 2000 ; Whicker et Sigelman, 1991, chap. 8). Nigel Gilbert et Klaus Troitzsch (1999) reconnaissent cette hétérogénéité technique et en proposent une présentation autant accessible que détaillée : à la différence de tous les autres textes auxquels nous faisons référence dans le présent paragraphe, cet ouvrage constitue en effet une exposition systématique et pédagogique des différentes méthodes allant jusqu’à la présentation de la phase de programmation informatique des modèles. En guise d’illustration, nous nous limitons à introduire un type de simulation connu en littérature sous le nom de « système multi-agents » (Davidsson, (suite note 28) de congrès, colloques, groupes de travail ou forums, se sont multipliés en l’espace de peu d’années (Conte, Hegselmann et Terna, 1997a ; Gilbert et Doran, 1994 ; Gilbert et Conte, 1995 ; Hegselmann, Mueller et Troitzsch, 1996 ; Sichman, Conte et Gilbert, 1998 ; Troitzsch, Mueller, Gilbert et Doran, 1996). En 2002, on pose les bases pour la construction d’une « European social simulation association » (Moss et al., 2002) : son site actuel montre la richesse de l’activité scienti- fique structurée aujourd’hui autour d’elle. De véritables manuels sur les méthodes de simulations commencent enfin à paraître : Simulation for the social scientist (Gilbert et Troitzsch, 1999) en représente l’un des exemples les plus clairs et instructifs. (29) Fararo et Hummons la définissent ainsi : « Uses the ideas and technologies of modern computer science to help advance theoretical sociology through the construction and study of simulation models. » (1995, p. 79). 51 Revue française de sociologie 2002) (30) particulièrement prometteur pour l’analyse sociologique. Cette technique, en forte expansion, complexifie par ailleurs une autre méthode, les « réseaux d’automates cellulaires » (Weisbuch, 1992) (31), déjà bien connue des biologistes et des physiciens. Comme le nom le suggère, un système multi-agents est constitué d’un ensemble de n unités élémentaires (nommées « automates » ou « agents ») : le chercheur peut programmer, d’une part, le comportement de ces unités soit singulièrement prises soit regroupées en sous-ensembles, d’autre part, la manière dont les unités (ou des groupes d’unités) interagissent dans le temps. L’objectif d’une telle technique est d’observer l’évolution du système d’interaction entre les agents et sa configuration finale « émergeant ». La possibilité d’étudier le comportement du système sous différents modèles d’acteur et/ou différentes structures d’interdépendance fait sans doute le « charme » de cette méthode. Or, y a-t-il des avantages méthodologiques réellement spécifiques à la simulation ou bien sa diffusion récente de plus en plus rapide dans les sciences sociales s’explique-t-elle plutôt par une logique de « mode méthodologique » ? Autrement dit, pourquoi devrait-on simuler ? À cet égard, trois éléments principaux doivent être retenus. Premièrement, il est possible de soutenir que la simulation a un impact positif sur la théorie sociologique (Collins, 1992 ; Fararo, 1989, p. 158 ; Hanneman, 1995 ; Hanneman, Collins et Mordt, 1995 ; Hanneman et Patrick, 1997 ; Troitzsch, 1997, p. 48). Dans la mesure où toute simulation est une forme de modélisation, elle remet au premier plan la réflexion théorique dans le processus de recherche : de ce point de vue, les méthodes de simulation redonnent à la théorie sa fonction d’orientation de l’analyse sociologique. Ensuite, l’analyse par simulation augmente le degré de formalisation de la théorie : l’opération de traduction des propositions théoriques initiales dans une série d’algorithmes informatiques lisibles par l’ordinateur oblige le chercheur à préciser la structure et la forme des relations entre les éléments analytiques composant le modèle (Hanneman, Collins et Mordt, 1995, p. 3 ; Jacobsen et Bronson, 1997, p. 98, p. 99 ; Kliemt, 1996, p. 20) ; de même, le fait que le modèle doit être compréhensible pour l’ordinateur impose un contrôle constant de sa cohérence logique interne (Collins, 1992, pp. 647648). Enfin, la simulation entraîne une complexification de la théorie dans la mesure où elle permet d’observer le comportement d’un système théorique sous différentes conditions de départ (Bainbridge, 1995, p. 483, p. 484 ; (30) Pour des discussions méthodologiques et/ou des applications empiriques de cette technique, voir, par exemple, Bainbridge (1995), Castelfranchi (1998), Conte et al. (1997b, p. 10), Conte et al. (1998), Doran (1998), Duong et Reilly (1995), Gilbert (1996b, pp. 4-5), Gilbert et Troitzsch (1999, chap. 8, 9), Halpin (1999, pp. 1495-1496), Johnson (1999, pp. 1522-1524, p. 1525), Macy (2001) ; Macy et Willer (2002), Minar et al. (1996), Moretti 52 (2000, 2004), Moss (1998), Phan (2003), Sichman, Conte et Gilbert (1998), Terna (1998). (31) Hegselmann (1996) donne une autre excellente présentation de cette méthode ; consulter également Gilbert et Troitzsch (1999, chap. 8), Halpin (1999, pp. 1493-1494), Latané (1996, pp. 301-304), Macy (2001), Nowak et Lewenstein (1996, pp. 260-280). Gianluca Manzo Fararo, 1989, p. 238 ; Hanneman, Collins et Mordt, 1995 ; Hanneman, 1995 ; Hanneman et Patrick, 1997 ; Hegselmann, 1996, pp. 222-230). En deuxième lieu, les méthodes de simulation – certaines plus que d’autres, bien entendu – constituent une solution technique viable pour opérationnaliser le raisonnement par les mécanismes générateurs. L’un des éléments qui frappe le plus en lisant ce type de littérature est la récurrence de termes tels que « mechanism », « process », « underlying process », « causal processes », « underlying generative mechanisms », « underlying causal mechanisms » (32). Bien que fort révélateur, il ne s’agit pas là d’une simple convergence stylistique : le lien entre méthodes de simulation et modélisation par mécanismes générateurs est le plus souvent explicitement affirmé (Coleman, 1965, p. 95 ; Fararo, 1989, p. 139 ; Edling, 2002, p. 213 ; Gilbert, 1994, 1996a, 1999a ; Kliemt, 1996, p. 14, p. 16, p. 19 ; Schelling, 1971) (33). Cette propriété appréciable de l’analyse par simulation dérive du cœur même de la technique, à savoir l’opération d’écriture d’un programme qui incorpore le modèle théorique à étudier – ce que l’on définit « model translation » (Whicker et Sigelman, 1991, p. 37). Écrire une suite d’algorithmes qui précisent comment et pourquoi les variables sont reliées revient précisément à postuler une série de mécanismes générateurs (34) : simuler signifie ainsi engendrer soi-même une structure de données à partir d’un ensemble de règles théoriquement significatives que l’on suppose être au fondement du phénomène étudié (Halpin, 1999, p. 1500 ; Hanneman, Collins et Mordt, 1995, p. 5). Cette modélisation directe du mécanisme est rendue possible par l’utilisation d’un langage formel de programmation : celui-ci nous permet, en dialoguant avec l’ordinateur, d’« animer » le mécanisme, de l’observer sous sa forme dynamique, en action, pour ainsi dire. En ce sens – sans pour autant vouloir sous-estimer les difficultés de la programmation (Bruderer et Maiers, 1997 ; Gilbert, 1996c ; Heise, 1995 ; Troitzsch, 1996) – le langage informatique permet de faire ce que ni le langage naturel ni le langage mathématique ne peuvent accomplir : le premier car il impliquerait une complexité non maîtrisable logiquement, le second car il entraînerait une complexité non maîtrisable analytiquement (Coleman, 1965, p. 105 ; Collins, 1992, pp. 643-644 ; Hanneman, Collins et Mordt, 1995, pp. 8-9 ; Gilbert, 1996a, p. 449, 1999a, p. 1485 ; Gilbert et Troitzsch, 1999, p. 6 ; Johnson, 1999, p. 1511, p. 1514, p. 1518, p. 1526 ; Troitzsch, 1997, pp. 47-48). (32) Voir, par exemple, Abelson et Carroll (1965, p. 24, p. 27, p. 30) ; Bainbridge (1995, p. 491) ; Grémy (1977, p. 60, p. 77, p. 82) ; Hanneman (1995, p. 458) ; Hanneman, Collins et Mordt (1995, p. 3, p. 4, p. 28, p. 29, p. 40) ; Hagerstrand (1965, p. 43, p. 46) Hartmann (1996, p. 77, p. 83, p. 91, p. 98) ; Novak et Lewenstein (1996, p. 255, p. 277, p. 278, p. 279). (33) Nigel Gilbert fait de la simulation la méthode des mécanismes : « It aims to explicate the mechanisms of social processes and so perhaps could be called “processcentred analysis”. » (1996a, p. 449) ; « One of the benefits of computational models is that they allow the social scientist to express ideas about process or mechanism in a flexible yet precise way. » (1999a, p. 1485). (34) Souvenons-nous à ce propos de la définition fonctionnelle d’un mécanisme donnée à la page 47. 53 Revue française de sociologie Il y a enfin un troisième avantage méthodologique qui contribue à expliquer le « charme » des méthodes de simulation : il s’agit de leur capacité à modéliser de manière puissante et flexible la nature multi-niveau de la réalité sociale (Coleman, 1965, p. 91, p. 94, p. 96 ; Gilbert, 1996b, p. 1, pp. 6-7, 1999a, p. 1487, 1999b ; Grémy, 1977, p. 40, p. 71 ; Hanneman, 1995, p. 461 ; Macy, 2002, p. 144, pp. 147-148, p. 161). Plus précisément, la simulation permet d’étudier comment s’engendrent des conséquences complexes et inattendues au niveau macro à partir de situations relativement simples au niveau micro (Gilbert, 1996a, p. 452 ; Gilbert et Troitzsch, 1999, pp. 9-12). Cette propriété des méthodes de simulation dérive de leur capacité à traiter le problème de l’interdépendance, à savoir la manière dont une pluralité d’unités élémentaires interagissent réciproquement et, bien souvent, selon des dynamiques non linéaires (Latané, 1996, p. 290, p. 291 ; Kliemt, 1996, p. 20 ; Nowak et Lewenstein, 1996, p. 255, pp. 256-257, p. 258, p. 259). En modélisant le niveau méso, l’analyse par simulation se présente ainsi comme un bon candidat pour avancer dans la compréhension du problème micro-macro. Là aussi, c’est le langage informatique qui permet d’obtenir ce genre de résultats : certaines formes sophistiquées de programmation – notamment, la famille de langages définis « object-oriented » – facilitent la construction de modèles complexes où le comportement de chaque unité élémentaire ainsi que leurs interactions peuvent être précisément modélisés. En quel sens peut-on donc soutenir que la sociologie empirique quantitative tirerait profit d’un lien plus strict avec les méthodes de simulation ? Souvenons-nous des problèmes discutés dans la première partie de ce texte : on peut soutenir que ces techniques la complètent précisément là où elle est le plus faible. La sociologie des variables tend à sous-estimer le rôle de la théorie : la simulation alimente un renforcement des modèles théoriques. Le langage des variables sous-estime la pluralité de niveaux propre à l’analyse sociologique et privilégie la linéarité des relations : les méthodes de simulation représentent un support technique puissant pour traiter le problème micro-macro et, en modélisant directement les structures d’interdépendance entre les agents, soutiennent une vision « configurationnelle » et non linéaire de la causalité. L’analyse par variables nécessite le raisonnement par mécanismes générateurs pour expliquer les régularités empiriques qu’elle met en évidence : la simulation constitue un outil pour étudier formellement les mécanismes de production des phénomènes (Gilbert et Troitzsch, 1999) (35). (35) Voici comment les deux auteurs expriment ce point capital : « Simulation models are concerned with processes, […]. We would expect a simulation model to include explicit representations of the processes, which are thought to be at work in the social world. In 54 contrast, a statistical model will reproduce the pattern of correlations among measured variables, but rarely will it be modeling the mechanisms which underlie these relationships. » (ibid., p. 17). Gianluca Manzo La littérature commence d’ailleurs à reconnaître le bien-fondé des arguments en faveur d’une combinaison vertueuse entre le langage des variables et l’analyse par simulation (36). Michael Macy et Robert Willer soutiennent que les « agent-based models use simulation to search for causal mechanisms that may underlie statistical associations » (2002, p. 162). John Goldthorpe, en discutant la manière dont il serait possible de tester les mécanismes générateurs construits au plan théorique, admet que « […] the simulation approach to hypothesis testing is not a very advanced stage. None the less, there are by now at least indications that its potential in helping to integrate theoretical and quantitative empirical work is becoming more fully appreciated » (1999, p. 158). Les mots de Brendan Halpin méritent enfin d’être cités : « This interface between statistics, simulation, and sociological theory is critically important for the development of a sociology that is both theoretically sound and empirically founded, particularly when it comes to dealing with issues that are inherently complex. » (1999, p. 1501, voir aussi p. 1503). Évolutions récentes de la sociologie de la mobilité sociale L’un des domaines de recherche où la sociologie empirique quantitative a assumé sa forme la plus complexe et la plus sophistiquée est certainement celui de la sociologie de la mobilité sociale (Cobalti 1995 ; Cobalti et Ballarino, 2003). Ce n’est pas un hasard en effet si on l’a choisit systématiquement en guise de cas exemplaire lorsqu’il s’agit de pointer les limites de l’analyse par variables (Cherkaoui, 2003a ; Esser, 1996 ; Sorensen, 1998). Nous faisons ici ce même choix, bien qu’en sens inverse : nous nous efforcerons de montrer que la sociologie de la mobilité sociale représente aujourd’hui un domaine de recherche dans lequel une tentative de revisitation de la sociologie des variables selon les directions discutées au cours des sections précédentes est clairement à l’œuvre. Un premier signe de changement concerne la prise de conscience et l’acceptation explicite des limites méthodologiques de l’analyse par variables s’agissant, en particulier, de son caractère a-théorique et de ses insuffisances explicatives. John Goldthorpe s’exprime ainsi : « Sociologists engaging in the quantitative analysis of social mobility, or indeed of other macrosociological phenomena, have, I believe, often shown an insufficient appreciation of the importance of theory ; and, in particular, in falling to see that such analysis, no matter how sophisticated it may be, cannot itself substitute for theory in providing explanations of the empirical findings that it produces. » (2000b, (36) Les rapprochements entre analyse statistique et méthodes de simulations sont plus nombreux que nous ne pouvous le discuter dans les détails ici : voir, entre autres, Boudon (1977, p. 18) ; Coleman (1965, p. 100 ) ; Collins (1992) ; Gilbert (1994, 1996a, pp. 448-449) ; Gilbert et Troitzsch (1999, pp. 14-17) ; Halpin (1999, pp. 1499-1501) ; Hanneman (1995, pp. 459-460 ) ; Whicker et Sigelman (1991, p. 69). 55 Revue française de sociologie p. 230). Bien que les sociologues de la stratification ne soient pas encore tous prêts à tirer toutes les conséquences de cette « overestimation » du pouvoir et de la valeur explicative de l’outillage statistique multivarié (Goldthorpe, 2003b, p. 33n), la direction du changement de perspective est nettement ébauchée. Cela est confirmé par un deuxième élément : depuis au moins le milieu des années quatre-vingt-dix, il est possible de repérer en littérature un certain nombre de travaux qui cherchent à nourrir la sociologie de la mobilité d’une théorie explicative construite précisément en termes d’action rationnelle et de mécanismes générateurs (Barbera, 2004, p. 99, p. 148 ; Goldthorpe, 2003b, pp. 19-25) (37). À cet égard, les études portant sur la première phase du processus de transmission de la position sociale, à savoir « origine-diplôme », sont les plus avancées. En 1996, John Goldthorpe esquisse une première version d’une théorie explicative des inégalités éducatives fondée sur l’hypothèse de l’acteur rationnel (1996b, pp. 167-178) : la notion de mécanisme générateur est implicitement présente mais le terme « generative processes » est utilisé une seule fois (ibid., p. 162). Un an plus tard, le sociologue anglais publiera en collaboration avec Richard Breen « Explaining educational differentials : towards a formal rational action theory » (1997) : c’est ici que la théorie assumera sa forme achevée et mathématisée (38). L’idée est précisément de montrer que les régularités observées empiriquement « reflect action on the part of children and their parents that can be understood as rational » (ibid., p. 184, pp. 202-203) ; le raisonnement par mécanismes générateurs est ensuite explicitement assumé (39). Jan Jonsson et Robert Erikson (2000) proposent un modèle explicatif des inégalités éducatives largement inspiré par les mêmes principes méthodologiques (40). L’hypothèse de l’acteur rationnel (ibid., p. 347, pp. 358-368) ainsi que la notion de mécanismes générateurs (ibid., p. 347, p. 349, p. 362, p. 373) constituent les pièces basiques pour construire une théorie à même d’expliquer la genèse des régularités empiriques décrivant le phénomène : « One way of using the individual decision-model presented above, and the proposed mechanisms connected to the (37) Cette perspective est clairement esquissée dès le début des années soixante-dix par Raymond Boudon (1973) : nous y reviendrons dans les conclusions. (38) Pour une reconstruction détaillée de cette théorie et de son lien de filiation avec les analyses de Raymond Boudon ainsi que pour une comparaison entre ces modèles et celui de Pierre Bourdieu, nous nous permettons de renvoyer le lecteur à notre travail récent (Manzo, 2004b). Là, on trouvera aussi une analyse plus ample que celle présentée ici de la littérature empirique en matière d’inégalité de chances scolaires. Voir également Manzo et Corposanto (2003). (39) Le paragraphe qui expose le cœur du 56 modèle est intitulé « The generation of class differentials » (ibid., p. 188) ; la structure analytique du modèle est construite en termes de mécanismes – « We then propose three mechanisms through which class differentials in educational attainment may arise at the level of “secondary effects”. » (ibid., p. 189, p. 192) – ; le but principal de la théorie est celui de « capturer » les « key generative processes » (ibid., p. 203). (40) Cet article – intitulé « Understanding educational inequality : the Swedish experience » – développe par ailleurs des travaux antérieurs, notamment Erikson et Jonsson (1996, surtout intr. et chap. 1). Gianluca Manzo family of origin and the structure of the school system, is for trying to understand relevant empirical regularities. » (ibid., p. 368). Ces travaux théoriques ont en outre déjà sollicité un certain nombre de développements empiriques. Antonio Schizzerotto (1997) part des stratégies rationnelles individuelles pour expliquer la faible participation éducative au niveau secondaire supérieur et tertiaire du système scolaire italien. Ralf Becker (2003) utilise un complexe modèle de choix éducatif rationnel pour analyser l’augmentation de la participation scolaire en Allemagne depuis les années cinquante : langage des mécanismes et langage des variables sont constamment associés (ibid., p. 2, p. 3, p. 4, p. 6, p. 13). Steffen Hillmert et Marita Jacob (2003) adoptent un point de vue de choix rationnel nourri de la théorie du capital humain pour étudier les effets de la présence de filières de formation professionnelle sur les inégalités scolaires aux niveaux supérieurs du système éducatif allemand. Voici le principe méthodologique qui guide leur analyse : « We use a rational-choice approach to explain persisting differentials in educational decisions by looking at the causal mechanisms and generative processes of the association of social origin and educational outcomes. » (ibid., p. 321). Richard Davies, Eskil Heinesen et Anders Holm (2002) ont essayé d’évaluer empiriquement sur des données danoises la pertinence du mécanisme essentiel du modèle Goldthorpe-Breen par rapport aux hypothèses dérivables de la théorie du capital humain. Richard Breen et Meir Yaish (2003) tentent également de tester empiriquement le mécanisme du « relative risk aversion » sur des données anglaises : à ce jour, ce travail constitue la tentative la plus directe d’estimation empirique du mécanisme générateur crucial du modèle Goldthorpe-Breen. Ce dernier est également au cœur du travail de Roy Nash (2003) et de Gøsta Esping-Andersen et Josep Mestres (2003) : ces deux articles ont en commun de tenter une critique du modèle dans le but de réévaluer la portée empirique du processus de socialisation dans l’émersion des inégalités éducatives (41). Gabriele Ballarino et Fabrizio Bernardi (2000) enfin se consacrent plus directement à tester empiriquement le modèle Erikson-Jonsson : l’analyse menée à partir de micro-données « bilan-temps » part du constat que les « mécanismes » responsables des résultats agrégés n’ont pas été suffisamment analysés par la recherche empirique en matière de stratification sociale (ibid., p. 3). La pénétration de la notion de mécanisme générateur peut se détecter également s’agissant des études qui portent sur les inégalités qui se structurent à l’accès du marché du travail (42). À ce sujet, l’article de Barbara (41) Les deux articles s’appuient sur les données récentes issues de l’enquête PISA [Programme for international student assessment] réalisée par l’OCDE (2001) : tant Nash que Esping-Andersen insistent sur l’importance du processus de socialisation surtout durant les phases précoces de la carrière scolaire des enfants. La critique que le premier adresse au modèle Goldthorpe-Breen est cependant sans doute plus sévère que celle formulée par le second. (42) Quant aux inégalités liées au marché du travail, il faut rappeler que des travaux autant rares qu’exemplaires avaient essayé d’introduire et de prôner pour la modélisation des mécanismes et des processus sociaux dès les années soixante-dix : nous nous référons notamment aux recherches pionnières d’Harrison White (1970) ainsi qu’aux développements de celles-ci réalisés par Aage Sorensen (1977, 1979). Nous y reviendrons dans les conclusions. 57 Revue française de sociologie Reskin (2003) constitue un véritable manifeste : le titre même – « Including mechanisms in our models of ascriptive inequality » – exprime les ambitions programmatiques de l’auteur. En définissant un mécanisme comme « the processes that convert inputs (or independent variables) into outputs (or dependent variables) » (ibid., p. 7), Reskin soutient qu’il n’y a que l’adoption de l’analyse par mécanismes – construction de « how-explanations » (ibid., p. 1) – qui pourrait réduire le décalage entre sophistication technique et pouvoir explicatif des recherches empiriques en matière d’inégalités d’accès au marché du travail. Elle propose quatre types de mécanismes qu’il faudrait s’efforcer de modéliser systématiquement : « intrapsychic », « interpersonal », « societal » et « organizational mechanisms » (ibid., pp. 8-14). Enfin, l’action rationnelle et les mécanismes commencent à avoir une place dans certains travaux analysant l’aspect relatif de la mobilité sociale. John Allen Logan (1996) esquisse ce qu’il définit « random matching model of opportunity » (ibid., p. 175, p. 180). Il s’agit d’un modèle micro-sociologique du processus d’interaction entre deux groupes d’acteurs supposés rationnels, notamment, les employeurs, d’une part, les individus en quête de travail, d’autre part : le modèle définit formellement les règles (ibid., pp. 177-179) et les processus (pp. 179-180) qui permettent la rencontre entre ces deux groupes sociaux. Maurizio Pisati (1997) fait de la notion de mécanisme générateur le cœur d’une analyse empirique comparative des régimes de mobilité italien et américain. L’auteur, qui accepte explicitement une stratégie de « generative modelling », pose ouvertement l’objectif de construire « a theoretical model for the explanation of mobility regimes in terms of underlying generative mechanisms » (ibid., p. 180) (43). John Goldthorpe a apporté lui aussi sa contribution à la construction d’une théorie de la mobilité relative en termes d’action rationnelle. Dans son « Outline of theory of social mobility » (2000b), le sociologue affirme l’exigence d’une micro-fondation pour expliquer l’association « intrinsèque » origine-destination (ibid., p. 237) : il reconnaît dans la notion de « mobility strategies » une voie possible pour atteindre cela (ibid., pp. 238-243) (44). Le principe méthodologique qui anime la théorie est le suivant : « Providing theoretical accounts or narratives that can show them to be capable of generating the empirical regularities in relative mobility rates that require explanation and at the same time to be rational, and thus intelligible, responses by individuals to the situations in which they find themselves. » (ibid., p. 244). Deux articles de Mohamed Cherkaoui (2003c, 2003d) complètent enfin le cadre : cet auteur insiste parti(43) Notamment, Pisati propose quatre mécanismes générateurs qui, en influençant au niveau micro la propension individuelle à la mobilité, structurent in fine l’association entre origine et destination observée au niveau agrégé. Notamment : 1) disponibilité de ressources de classes utilisables pour se déplacer dans l’espace social ; 2) disponibilité de ressources spécifiques pour « acheter » de manière privilégiée certaines positions sociales ; 58 3) désirabilité différentielle des positions sociales d’arrivée ; 4) préférence de classes pour telle ou telle positions sociales d’arrivée (ibid., pp. 181-182) (44) On retiendra au passage que la théorie esquissée par Goldthorpe est strictement liée à son modèle des inégalités éducatives rappelé ci-dessus et, en particulier, au mécanisme du « relative risk aversion » (ibid., p. 242). Gianluca Manzo culièrement sur le rôle central que la notion de mécanisme générateur devrait jouer si les études de mobilité visent la construction de généralisations empiriques de nature macro-sociales (45). Afin de démontrer l’existence au sein de la sociologie quantitative de la mobilité sociale d’un processus de restructuration méthodologique opérant selon les directrices discutées dans la deuxième partie de ce texte, il faudrait en dernier lieu pouvoir repérer des études où les méthodes de simulation sont couplées à l’analyse par variables dans le but d’implémenter le raisonnement par mécanismes. Bien que cela soit encore largement minoritaire, deux études parmi celles que nous venons de citer adoptent une procédure de simulation : c’est le cas de Hillmert et Jacob (2003, pp. 326-332, p. 333) et de Logan (1996, pp. 186-190). La logique de ces deux analyses est similaire en ce sens que l’analyse par simulation est utilisée pour « animer » les équations mathématiques spécifiant les mécanismes générateurs du phénomène dans la mesure où certains paramètres ne peuvent pas être estimés empiriquement : il s’agit d’une forme simple de simulation numérique. Ce type de simulation est par ailleurs repérable en deux autres recherches, bien que son utilisation n’ait pas de buts substantiels mais des buts seulement méthodologiques. Hellevik (1997) utilise une sorte de simulation numérique pour démontrer que les odds-ratios ne nous restituent pas forcement l’image la plus correcte de l’évolution de l’inégalité (ibid., p. 376, p. 378, pp. 383-389) et que leur propriété d’« insensibilité aux marges » vaut sous des conditions plus spécifiques que la littérature sociologique en matière de stratification sociale ne tend à le croire (ibid., p. 394, note 6) (46) ; Jones, Wilson et Pittelkow (1990, pp. 196-199, p. 203, pp. 208-209) utilisent une simulation numérique pour choisir entre spécifications (log-linéaires) différentes d’une même table de mobilité dont l’ajustement aux données est équivalent. Bien que ces travaux suggèrent nettement qu’il y a un espace pour les méthodes de simulation au sein de la sociologie de la mobilité, force est de constater que les formes de simulation les plus puissantes et flexibles pour implémenter le raisonnement par mécanismes restent largement méconnues dans ce domaine de recherche. Le travail pionnier de Sabrina Moretti (2004) représente une exception remarquable : ce chercheur a développé un modèle multi-agents au moyen du langage Lisp qui essaie de modéliser certains des mécanismes générateurs du régime italien de mobilité intra-générationnelle. Le modèle, qui dédie une (45) L’argument de Cherkaoui se fonde sur une conception précise de ce qu’est le niveau macro : d’après cet auteur, il n’est légitime de parler de macro qu’à condition d’avoir modéliser la structure d’interdépendance des actions individuelles potentiellement à l’œuvre dans le processus d’émergence du phénomène sous étude (voir note 12 de notre texte). Dans la mesure où les recherches empiriques en matière de mobilité sociale actuellement disponibles ne font qu’agréger de manière simple des données individuelles (voir ce que nous avons dit à la fin de la première partie), Cherkaoui en déduit qu’elles ne sont pas en mesure de construire des propositions macrosociologiques. En ce sens donc, il prône une modélisation plus poussée des mécanismes micro-macro, pour reprendre les termes de la typologie de Hedstrom et Swedberg discutée plus haut. (46) Cette thèse est par ailleurs également soutenue par John Allen Logan dans l’article cité plus haut (1996, p. 175, p. 176, p. 194, p. 197, p. 198). 59 Revue française de sociologie attention particulière aux mécanismes liés aux dotations en capital social des individus, montre une bonne adéquation aux données empiriques recueillies et élaborées par les recherches quantitatives standards disponibles. Il est par ailleurs possible de repérer des travaux qui, tout en étant en dehors de la sociologie de la mobilité « classique », montrent la possibilité d’appliquer efficacement des langages de programmation « object-oriented » aux problèmes de stratification sociale (Duong et Reilly, 1995 ; Fararo et Butts, 1999, pp. 48-64) (47). Un examen attentif de la littérature en matière de sociologie de la mobilité sociale montre ainsi que la manière dont la sociologie empirique quantitative est pratiquée dans ce domaine manifeste un certain nombre de signes de changement. Les limites de l’analyse par variables commencent à être reconnues ; une théorie de l’action rationnelle ainsi qu’une modalité explicative par mécanismes générateurs sont de plus en plus acceptées en tant que complément essentiel à l’analyse statistique descriptive ; les méthodes de simulation commencent, timidement, à revendiquer une certaine légitimité. Ces « tensions », nous semble-t-il, s’inscrivent pleinement dans le cadre analytique de la « sociologie empirique quantitative revisitée » qui se profile au sein des débats méthodologiques récents reconstruits dans cet article. * * * Notre analyse de certains courants de la littérature sociologique contemporaine s’est proposée de montrer qu’un nombre croissant d’auteurs converge plus au moins directement vers un programme de recherche qui pourrait se résumer de cette manière : décrire par des variables expliquer par les mécanismes formaliser par des simulations. Cela renvoie à une image complexe de la recherche empirique quantitative qui vise une intégration stricte entre des opérations cognitives (description, explication et modélisation), des langages (verbal, mathématique et informatique) et des outils techniques (statistique et simulation) qui pourraient sembler en principe difficilement composables (48). Parmi les sociologues que nous avons considérés, John Goldthorpe propose une version de cette « alliance » particulièrement synthétique et explicite : il conseille de se limiter à une utilisation descriptive de l’analyse statistique quantitative (1999, p. 152, p. 153, 2000c, p. 258) ; il prône une combinaison de celle-ci avec une théorie de l’action (47) Bien qu’ils ne s’inscrivent pas complètement dans le cadre d’une analyse de la stratification sociale, il faudrait rajouter à ces contributions les travaux de sociologie d’éducation de Nathalie Bulle (1996, 1999) dans lesquels certains aspects des systèmes scolaires français et américain sont étudiés au moyen de simulations numériques. (48) Dans le cadre d’une tentative de renouvellement de la sociologie mathématique, 60 Thomas Fararo admet la difficulté d’un tel projet dans la mesure où cela demande au chercheur de maîtriser des compétences différentes et longues à acquérir (1997, p. 94) : Thomas Fararo et Norman Hummon reconnaissent toutefois que cette combinaison est la seule qui puisse assurer une véritable synergie intégrative entre théorie et données empiriques (1995, pp. 79-80). Gianluca Manzo (1996a, 2000c, p. 258) ainsi qu’avec le raisonnement par mécanismes (1999, pp. 151-154) ; il admet enfin que la simulation puisse fournir un support utile à ce dernier (1999, p. 158). Or, à notre avis, ce mouvement indéniable d’une partie importante de la sociologie contemporaine renvoie pourtant à des idées qui étaient déjà présentes au sein de la communauté sociologique depuis bien plus longtemps. En guise de conclusion, nous tenterons ainsi un bref exercice de sociologie de la connaissance en nous demandant pourquoi un tel programme de recherche n’a commencé à voir sa légitimité et pertinence reconnues que si récemment. Rappelons d’abord brièvement quelques-uns des protagonistes majeurs de cette histoire plus ancienne. Elle débute avec les sociologues classiques, en particulier chez Max Weber de manière claire et évidente (49). À maintes reprises dans ses essais théoriques et méthodologiques (1903-1906, pp. 69-70, p. 81, 1913, p. 316, 1917) ainsi que dans le premier chapitre d’Économie et société (1918-1920, p. 39), le sociologue allemand soutient explicitement que le « savoir par règles et par nombres » doit systématiquement être combiné avec le « savoir par interprétation » dans la mesure où une régularité empirique n’a de signification qu’à condition d’être ramenée à l’activité subjective des acteurs ; réciproquement, une interprétation ne constitue un énoncé causalement correct qu’à condition d’être accompagnée par des épreuves de la régularité empirique qu’une telle activité engendre. Conséquemment, au cours du premier paragraphe de L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Weber admet que l’association empirique entre les occupations liées au monde de l’entreprise et la confession protestante a déjà été abondamment mise en évidence : maintenant, précise Weber, « le vrai problème est de l’expliquer » (1904, p. 83n) (50). L’idée de coupler la mise en évidence de régularités empiriques avec une analyse des mécanismes générateurs est ensuite explicitement soutenue par certains épistémologues aux débuts des années soixante-dix : les travaux de Rom Harré (1972, p. 18, p. 137, p. 179, p. 183 ; Harré et Secord, 1972, p. 66, p. 70, p. 125) et de Mario Bunge (1973, 1983) sont à ce propos d’une importance particulière. C’est bien au cours des années soixante-dix que l’on voit apparaître ces idées de manière fort explicite chez les sociologues aussi. Raymond Boudon, par exemple, proposa de combiner systématiquement l’analyse statistique, l’explication par mécanismes et les méthodes de simulation : des textes de nature méthodologique (Boudon, 1965, 1967, 1977a, 1979a, pp. 51-52, p. 62, p. 63n, 1979b, chap. 7), des applications empiriques (1964, 1973) ainsi que des échanges avec des chercheurs d’orientations méthodologiques différentes (Boudon, 1976) témoi(49) Bien que partiellement, Blossfeld (1996, p. 192) reconnaît ce point ; Cuin (2004) reconstruit de manière approfondie l’argument de Weber visant à démontrer la nécessité de combiner « savoir nomologique » et « théorie de l’action ». Nous renvoyons en outre à Cherkaoui (1998, chap. 3) pour une analyse de la contribution durkheimienne à la constitution d’une sociologie empirique animée par le même souci de composer données empiriques agrégées et analyse par mécanismes. (50) Nous savons aujourd’hui que L’éthique est en effet entièrement dédiée à éclaircir les mécanismes générateurs de cette association (Cherkaoui, 2003b). 61 Revue française de sociologie gnent de l’effort que cet auteur a produit pour soutenir ces idées (51). D’autres travaux empiriques datant de la même période, dont le caractère novateur est indéniable, sont les recherches d’Harrison White (1970) et d’Aage Sorensen (1977, 1979) : le but méthodologique de modéliser les processus et les mécanismes générateurs sous-jacent les phénomènes macro sous étude est explicitement poursuivit et parfaitement atteint dans ces ouvrages (52). Il est donc indéniable que les ressources intellectuelles et cognitives pour reformuler la sociologie empirique quantitative étaient depuis longtemps disponibles aux sociologues : et, pourtant, ces idées n’ont commencé à être discutées de manière explicite et systématique que très récemment. Pourquoi ? Quelles sont les raisons d’une si lente réception et diffusion ? Un premier facteur explicatif pourrait tenir à l’influence que l’épistémologie positiviste a eu dans le processus d’institutionnalisation de la discipline sociologique et, surtout, dans la constitution des protocoles d’analyse empirique en sociologie quantitative (Barbera, 2004, p. 14 ; Bunge, 1997 ; Cherkaoui, 2000, 2003a). De ce point de vue, on pourrait comprendre la résistance à accepter une méthodologie explicative, celle des mécanismes générateurs, qui est centrée sur une unité analytique, le mécanisme, qui n’est par définition ni observable, ni mesurable, ni « opérationnalisable » directement. En outre, la nature épistémologique des mécanismes n’est pas comparable à celle des « lois » : un mécanisme a une portée moins générale qu’une proposition nomologique (Elster, 1998, p. 49, pp. 51-52, p. 62, 2003, chap. 1). Or, comme le remarque Cuin (2003), la contingence intellectuelle actuelle tend à discréditer toute attitude positiviste naïve ainsi que tout élan nomothétique : à notre sens, ceci pourrait bien avoir contribué à rendre l’idée de mécanismes générateurs plus acceptable pour la sociologie empirique quantitative. Un deuxième élément mérite d’être signalé. Bien que la notion de mécanisme générateur ainsi que l’idée de coupler celle-ci au concept de « variable » ne soit pas récente, la manière dont elles ont été introduites pourrait en avoir diminué la visibilité et, donc, ralenti la réception. En lisant les « précurseurs », on s’aperçoit en effet que l’une des trois situations suivantes s’est vérifiée : 1) ces idées ont souvent été discutées dans un cadre analytique et argumentatif dans lequel elles ne constituaient pas le focus d’attention principal de l’auteur ; 2) ces idées étaient appliquées dans le travail concret de recherche sans être accompagnées d’une longue et explicite discussion dans le même ouvrage ; 3) ces idées étaient contenues dans des textes dont la diffusion a été fort limitée (53). (51) Cet effort paraît aujourd’hui récompensé en ce sens que le caractère pionnier de ces contributions du sociologue français et la justesse de ses propos sont largement reconnus au plan international : voir, à ce sujet, entre autres, Cobalti (1992), Cuin (1993, chap. 3) ; Goldthorpe (1996a, p. 96n, 1996b, p. 169, 2000c, p. 259n, 2003b, p. 33), Pisati (1997). 62 (52) Les mérites et l’importance pour la sociologie empirique contemporaine de ces contributions commencent a être explicitement reconnus et discutés : voir Backman et Edling (1999), Hedstrom (2003). (53) Les contributions de Weber, de Harré et de Bunge citées plus haut ainsi que certaines réflexions importantes de Merton (1949, 1967) Gianluca Manzo En troisième lieu, des problèmes spécifiquement liés aux méthodes de simulation ont très probablement contribué à rendre difficile leur acceptation en tant que source d’enrichissement pour l’analyse empirique quantitative. Parmi ceux-ci, il faut sans doute mentionner tout d’abord une difficulté intrinsèque à cette approche, à savoir l’écriture du programme qui traduit le modèle théorique dans un ensemble d’instructions lisibles par l’ordinateur (Bruderer et Maiers, 1997, p. 90 ; Whicker et Sigelman, 1991, chap. 5). Ce problème n’étant pas encore complètement résolu aujourd’hui (Gilbert, 1994, 1996c ; Gulyas, 2003 ; Johnson, 2003), il est aisé d’imaginer les résistances qu’il a pu alimenter durant des décennies où l’interdisciplinarité était sans doute moins répandue qu’elle ne l’est de nos jours. Il est utile de rappeler ensuite une objection souvent faite aux méthodes de simulation, à savoir leur irréalisme dérivant des simplifications nécessaires pour qu’une simulation puisse se dérouler correctement (Johnson, 1999, p. 1524 ; Macy, 2001, pp. 1444114443 ; Nowak et Lewenstein, 1996, p. 250). Sans doute sous l’effet des théories de la complexité et du chaos, on est aujourd’hui plus disponible à accepter l’idée que des configurations extrêmement complexes puissent émerger de conditions de départ relativement simples (Hegselmann, Mueller et Troitzsch, 1996 ; Nowak et Lewenstein, 1996, pp. 256-257). Troisièmement, les techniques de simulation – certaines plus que d’autres – rencontrent des résistances chez les sociologues quantitativistes en raison de leur faiblesse dans la phase d’évaluation du modèle. Les praticiens de la simulation ne nient pas la réalité du problème (Collins, 1992, p. 649 ; Whicker et Sigelman, 1991, p. 67) : une vision moins naïve et techniciste des tests statistiques – voir p. 40 de notre texte – ainsi que les progrès faits récemment en matière de confrontation des données simulées aux données empiriques – (Fararo et Butts, 1999 ; Logan, 1996 ; Snijders, 1997, 2001) – pourraient néanmoins avoir nuancé la perception de cette difficulté objective. Enfin, un dernier facteur qui a sans doute contribuer à freiner l’acceptation des méthodes de simulation en sociologie tient à leur forme épistémologiquement et techniquement hybride. Comme le font remarquer Hanneman, Collins et Mordt (1995, pp. 5-6), on ne peut ranger l’approche par simulation ni parmi les méthodes quantitatives ni parmi les techniques qualitatives en ce que cette approche contient des éléments méthodologiques hétérogènes (formalisation logique et/ou mathématique, attention aux logiques des acteurs, modélisation des structures d’interdépendance, sensibilité à la variabilité des contextes, etc.). Cela pourrait déranger de nombreux puristes (54) qui y verraient un manque de rigueur et une formalisation insuffisante – du côté des quantitativistes – ou bien la (suite note 53) constituent des exemples du premier cas de figure ; L’inégalité des chances de Boudon ainsi que certains articles essentiels de Schelling (1971) montrent bien la deuxième situation ; l’article de 1979a de Boudon tout comme un article important de Fararo (1969) représentent deux exemplifications de la troisième possibilité. (54) Cela arriva dans les sciences naturelles au moment de l’introduction des méthodes de simulation : beaucoup de scientifiques y voyaient une forme de modélisation formellement inélégante et peu sophistiquée (Troitzsch, 1996). 63 Revue française de sociologie dernière tentative de modéliser ce qui n’est pas en dernière instance modélisable – du côté des sociologues d’inspiration qualitative. Bien que partielle, cette configuration d’éléments pourrait aider à comprendre pourquoi la communauté sociologique n’a commencé que très tardivement à tenir compte des propositions méthodologiques de reformulation de la sociologie empirique quantitative qui étaient pourtant disponibles dès les années soixante et soixante-dix. Ce pas franchi, il s’agit maintenant de confirmer dans la pratique de la recherche empirique l’utilité de ce programme pour l’analyse sociologique quantitative. La tâche la plus lourde reste donc à accomplir. Gianluca MANZO Université Paris IV-Sorbonne Groupe d’Étude des Méthodes de l’Analyse Sociologique – GEMAS 54, boulevard Raspail – 75006 Paris Università degli studi di Trento Dipartimento di sociologia e ricerca sociale Via Verdi 26 – 38100 Trento – Italie [email protected] RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Abbott A., 1992a. – « From causes to events. Notes on narrative positivism », Sociological methods and research, 20, 4. — 1992b. – « What do cases do ? Some notes on activity in sociological analysis » dans C. C. Ragin, H. S. Becker (eds.), What is a case ? Exploring the foundations of social inquiry, Cambridge, Cambridge University Press. — 1995. – « Sequence analysis : new methods for old ideas », Annual review of sociology, 21. — 2000. – « Reply to Levine and Wu », Sociological methods and research, 29, 1. Abbott A., Hrycak A., 1990. – « Measuring resemblance in sequence data : an optimal matching analysis of musicians careers », American journal of sociology, 96, 1. Abbott A., Tsay A., 2000. – « Sequence analysis and optimal matching methods in sociology », Sociological methods and research, 29, 1. Abell P., 1984. – « Comparative narratives : some rules for study of action », Journal for the theory of social behaviour, 14. — 1992. – « Is rational choice theory a rational choice of theory ? » dans J. S. Coleman, T. J. Fararo (eds.), Rational choice theory. Advocacy and critique, Newbury Park (Cal.), Sage. — 1998. – « Causality and low frequency complex events : the role of comparative narratives », communication ISA, Montréal. — 2001. – « Rational choice theory in sociology », International encyclopaedia of the social and behavioral sciences, Oxford, Elsevier, 19, pp. 12768-12771. — 2003. – « The role of rational choice and narrative action theories in sociological theory », Revue française de sociologie, 44, 2. 64 Gianluca Manzo Abelson R., Caroll J., 1965. – « Computer simulation of individual belief systems », American behavioral scientist, 8, 9. Agodi M. C., 1996. – « Qualità e quantità : un falso dilemma e tanti equivoci » dans C. Cipolla, A. De Lillo (eds.), Il sociologo e le sirene. La sfida dei metodi qualitativi, Milano, Franco Angeli. Aish-Van Vaerenbergh A.-M., 1994. – « Modèles statistiques et inférences causales : analyse des structures de covariances avec Lisrel » dans R. Franck (dir.), Faut-il chercher aux causes une raison ? L’explication causale dans les sciences humaines, Paris, Vrin, chap. IV. Archer M., Tritter J., 2001. – Rational choice theory : resisting colonisation, London, Routledge. Archives européennes de sociologie, 1965. – « Simulation in sociology », 6, 1 [numéro spécial]. Axelrod R., 1997. – « Advancing the art of simulation in the social sciences » dans R. Conte, R. Hegselmann, P. Terna (eds.), Simulating social phenomena, Berlin, Springer. Backman O., Edling C. R., 1999. – « Mathematics matters : on the absence of mathematical models in quantitative sociology », Acta sociologica, 42, 1. Ballarino G., Bernardi F., 2000. – « Uso di dati time-budget per lo studio delle risorse familiari : capitale sociale e culturale dei genitori e disuguaglianza delle opportunità educative », communication Workshop on social capital, Trento, 19-20/10/2000. Bainbridge W. S., 1995. – « Neural network models of religious beliefs », Sociological perspectives, 38, 4. Barbera F., 2004. – Meccanismi sociali. Elementi di sociologia analitica, Bologna, Il Mulino. Becker G. S., 1976. – The economic approach to human behaviour, Chicago, The University of Chicago Press. — 1993. – « The economic way of looking at life » dans G. S. Becker, Accounting for the tastes, Cambridge, Harvard University Press, 1996, chap. 7. — 1996. – Accounting for the tastes, Cambridge, Harvard University Press. — 2002. – « Pousser le raisonnement économique jusqu’au bout », Le Monde, 7 juin. Becker H. S., 1992. – « Cases, causes, conjunctures, stories and imagery » dans C. C. Ragin, H. S. Becker (eds.), What is a case ? Exploring the foundations of social inquiry, Cambridge, Cambridge University Press. Becker R., 2003. – « Educational expansion and persistent inequality of education. Utilizing subjective expected utility theory to explain increasing participation rates in upper secondary school in the Federal republic of Germany », European sociological review, 19, 1. Berger P., 2002. – « Non verso lacrime sulla sociologia. Incontro con Peter Berger, padre nobile di questa scienza » [auteur de l’entretien Pado Mastrolilli], La stampa, 3/12. Blalock H. M., 1991. – « Are there really any constructive alternative to causal modeling ? », Sociological methodology, 21. Blossfeld H.-P., 1996. – « Macro-sociology, rational choice theory, and time. A theoretical perspective on the empirical analysis of social processes », European sociological review, 12, 2. — 1998. – « A dynamic integration of micro- and macro-perspective using longitudinal data and event history models » dans H.-P. Blossfeld, G. Prein (eds.), Rational choice theory and large-scale data analysis, Boulder Co., Westview Press, chap. 14. Blossfeld H.-P., Prein G., 1998. – Rational choice theory and large-scale data analysis, Boulder Co., Westview Press. Blumer H., 1956. – « Sociological analysis and the “variable” », American sociological review, 21, 6. Bohman J., 1992. – « The limits of rational choice explanation » dans J. S. Coleman, T. J. Fararo (eds.), Rational choice theory. Advocacy and critique, Newbury Park (Cal.), Sage. Bohrnstedt G. W., Knoke D., 1998. – Statistica per le scienze sociali, Bologna, Il Mulino [1re ed. Statistics for social data analysis, Itasca, Peacock Publishers, 1994]. Boudon R., 1965. – « Réflexion sur la logique des modèles simulés », Archives européennes de sociologie, 6, 1. — 1967. – « Simulation et analyse des processus » dans R. Boudon, L’analyse mathématique des faits sociaux, Paris, Plon, chap. IX. 65 Revue française de sociologie Boudon R. (suite) — 1973. – L’inégalité des chances. La mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, Armand Colin. — 1976. – « Comment on Hauser’s review of education, opportunity, and social inequality », American journal of sociology, 81, 4. — 1977a. – « Les modèles expérimentaux » dans R. Boudon, J.-P. Grémy, Les modèles en sociologie, Paris, Lemtas. — 1977b. – Effets pervers et ordre social, Paris, Presses Universitaires de France. — 1979a. – « Generating models as a research strategy » dans R. K. Merton, J. S. Coleman, P. H. Rossi, Qualitative and quantitative social research, New York, Free Press. — 1979b. – La logique du social, Paris, Presses Universitaires de France. — 1984. – La place du désordre. Critique des théories du changement social, Paris, Presses Universitaires de France. — 1986. – « Individualisme et holisme dans les sciences sociales » dans P. Birnbaum, J. Leca (éds.), Sur l’individualisme, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, chap. 2. — 1995. – Le juste et le vrai. Étude sur l’objectivité des valeurs et de la connaissance, Paris, Fayard. — 1996. – « The cognitivist model. A generalized rational-choice model », Rationality and society, 8, 2. — 1997. – Metodologia della sociologia e delle scienze sociali, Torino, Jaca Book. — 1998. – « Social mechanisms without black boxes » dans P. Hedstrom, R. Swedberg (eds.), Social mechanisms. An analytical approach to social theory, Cambridge, Cambridge University Press. — 1999. – Le sens des valeurs, Paris, Presses Universitaires de France. — 2001. – « Which rational action theory for future mainstream sociology : methodological individualism or rational choice theory ? », European sociological review, 17, 4. — 2002a. – « Théorie du choix rationnel ou individualisme méthodologique », Sociologie et société, 34, 1. — 2002b. – Déclin de la morale ? Déclin des valeurs ? Québec, Nota Bene. — 2002c. – « Sociology that really matters », European sociological review, 18, 3. — 2003. – Raison, bonnes raisons, Paris, Presses Universitaires de France. Bouvier A., 2002. – « Les modèles économiques des acteurs sociaux et l’idée d’une science sociale générale. Un éclairage néo-paretien », Travaux du Gemas, 18. Breen R., Yaish M., 2003. – « Testing the Breen-Goldthorpe model of educational decision making », Oxford, Nuffield College [working paper]. Bruderer E., Maiers M., 1997. – « From the margin to the mainstream : an agenda for computer simulations in the social sciences » dans R. Conte, R. Hegselmann, P. Terna (eds.), Simulating social phenomena, Berlin, Springer. Bulle N., 1996. – « Simulation des choix de filière scolaire. Application à l’orientation des élèves dans le second cycle du secondaire depuis le début du siècle en France », Revue française de sociologie, 37, 4. — 1999. – La rationalité des décisions scolaires, Paris, Presses Universitaires de France. Bunge M., 1973. – Method, model and matter, Dordrecht, Reidel. — 1983. – Treatise on basic philosophy, vol. 6 : Epistemology and methodology II : understanding the world, Dordrecht, Reidel. — 1997. – « Mechanisms and explanation », Philosophy of social sciences, 27, 4. — 1998. – Social science under debate : a philosophical perspective, Toronto, University of Toronto Press. Cannavò L., 1988. – « Qualità e quantità : tra metodologia sociologica e sociologia della scienza », Sociologia e ricerca sociale, 28. Cardano M., 1991. – « Il sociologo e le muse. Qualità e quantità nella ricerca sociologica », Rassegna italiana di sociologia, 32, 2. 66 Gianluca Manzo Castelfranchi C., 1998. – « Simulating with cognitive agents : the importance of cognitive emergence » dans J. S. Sichman, R. Conte, N. Gilbert (eds.), Multi-agent systems and agent based simulation, Berlin, Springer. Cherkaoui M., 1998. – Naissance d’une science sociale. La sociologie selon Durkheim, Genève, Droz. — 2000. – « La stratégie des mécanismes générateurs comme logique de l’explication » dans F. Chazel, J. Baechler (éds.), L’acteur et ses raisons, Paris, Presses Universitaires de France. — 2003a. – « Effets de composition et mécanismes générateurs » dans M. Borlandi, L. Sciolla (eds.), Teorie e metodi delle scienze sociali, Bologna, Il Mulino. — 2003b. – « Apports et limites de la théorie du choix rationnel dans les Foundations of social theory », Revue française de sociologie, 44, 2. — 2003c. – « Stratification et niveau de réalité » dans M. Cherkaoui (dir.), Histoire et théorie des sciences sociales. Mélanges en l’honneur de Giovanni Busino, Genève, Droz. — 2003d. – « The individual and the collective. On the syntaxes of stratification theory », European review : interdisciplinary journal of the Academia Europoea, 11, 4. — 2003e. – « L’État et la révolution. Logique du pouvoir monopoliste et mécanismes sociaux dans l’Ancien Régime de Tocqueville », Revue Tocqueville, 24, 1. Clogg C. C., Haritou A., 1997. – « The regression method of causal inference and a dilemma confronting this method » dans V. R. McKim, P. S. Turner (eds.), Causality in crisis, Notre Dame (Ind.), University of Notre Dame Press. Cobalti A., 1992. – « Origine sociale e livello d’istruzione : un modello », Polis, 6, 1. — 1995. – Lo studio della mobilità sociale. Metodi e prospettive dell’indagine sociologica, Roma, Nis. Cobalti A., Ballarino G., 2003. – Mobilità sociale, Roma, Carocci. Colas P., Tuchming B., 2003. – « Qui attrapera le Higgs », La recherche, 364. Coleman J. S., 1962. – « Analysis of social structures and simulation of social processes with electronic computers » dans H. S. Guetzkow (dir.), Simulation in social science : readings, Englewood Cliffs (NJ), Prentice Hall. — 1965. – « The use of electronic computers in the study of social organization », Archives européennes de sociologie, 6, 1. — 1986a. – « Social theory, social research and a theory of action », American journal of sociology, 96, 6. — 1986b. – « Introduction » dans J. Coleman, Individual interests and collective action, Cambridge, Cambridge University Press. — 1990. – The foundations of social theory, Cambridge, Harvard University Press. Coleman J. S., Fararo T., 1992. – « Introduction » dans J. S. Coleman, T. Fararo (eds.), Rational choice theory. Advocacy and critique, Newbury Park (Cal.), Sage. Collins R., 1992. – Teorie sociologiche, Bologna, Il Mulino. Conte R., Hegselmann R., Terna P. (eds.), 1997a. – Simulating social phenomena, Berlin, Springer. — 1997b. – « Social simulation – A new disciplinary synthesis » dans R. Conte, R. Hegselmann, P. Terna (eds.), Simulating social phenomena, Berlin, Springer. Conte R., Gilbert N., Sichman J. S., 1998. – « MAS and social simulation : a suitable commitment » dans J. Sichman, R. Conte, N. Gilbert (eds.), Multi-agent systems and agent based simulation, Berlin, Springer. Corbetta P., 1999. – « Metodologia e tecniche della ricerca sociale », Bologna, Il Mulino. Cox D. R., 1992. – « Causality : some statistical aspects », Journal of the royal statistical society, 155, Series A. Cox D. R., Wermuth N., 1993. – « Linear dependencies represented by chain graphs », Statistical science, 8. Cuin C.-H., 1993. – Les sociologues et la mobilité sociale, Paris, Presses Universitaires de France. — (dir.) 1997. – Durkheim d’un siècle à l’autre, Paris, Presses Universitaires de France. 67 Revue française de sociologie Cuin C.-H. (suite) — 2000. – Ce que (ne) font (pas) les sociologues. Petit essai d’épistémologie critique, Genève, Droz. — 2002. – « Le balancier sociologique français : entre individus et structures », Revue européenne des sciences sociales, 40, 124. — 2004. – « Y a-t-il des lois sociologiques ? » dans M. Borlandi, L. Sciolla (eds.), Teorie e metodi delle scienze sociali, Bologna, Il Mulino. Davidovitch A., Boudon R., 1964. – « Les mécanismes sociaux des abandons de poursuite judiciaires. Analyse expérimentale par simulation », L’Année sociologique, 3e série. Davidsson P., 2002. – « Agent based social simulation : a computer science view », Journal of artificial societies and social simulation, 5, 1. Davies R., Heinesen E., Holm A., 2002. – « The relative risk aversion hypothesis of educational choice », Journal of population economics, 15, 4. Déchaux J.-H., 2002. – « L’action rationnelle en débat. Sur quelques contributions et réflexions récentes », Revue française de sociologie, 43, 3. Demeulenaere P., 1994. – « Commentaire sur James Coleman : Foundations of social theory », L’Année sociologique, 44. Doran J., 1998. – « Simulating collective misbelieve », Journal of artificial societies and social simulation, 1, 1. Duong D. V., Reilly K. D., 1995. – « A system of IAC neural networks as the basis for self-organization in a sociological dynamical system simulation », Behavioral science, 40. Edling C. R., 2002. – « Mathematics in sociology », Annual review of sociology, 28. Elster J., 1986. – « Introduction » dans J. Elster (ed.), Rational choice, Oxford, Basil Blackwell. — 1989. – Nuts and bolts for the social sciences, Cambridge, Cambridge University Press. — 1998. – « A plea for mechanisms » dans P. Hedstrom, R. Swedberg (eds.), Social mechanisms. An analytical approach to social theory, Cambridge, Cambridge University Press. — 2001.– « Rational choice theory : cultural concerns », International encyclopaedia of the social and behavioural sciences, Oxford, Elsevier, tom. 19. — 2003. – Proverbes, maximes, émotions, Paris, Presses Universitaires de France. Erikson R., 1998. – « Thresholds and mechanisms. A comment on Hedstrom and Swedberg’s chapter » dans H.-P. Blossfeld, G. Prein (eds.), Rational choice theory and large-scale data analysis, Boulder (Co.), Westview Press, chap. 5. Erikson R., Jonsson J. O., 1996. – Can education be equalized ? The Swedish case in comparative perspective, Boulder (Co.), Westview Press. Esping-Andersen G., Mestres J., 2003. – « Ineguaglianza delle opportunità ed eredità sociale », Stato e mercato, 67. Esser H., 1996. – « What is wrong with “variable sociology” ? », European sociological review, 12, 2. Fararo T. J., 1969. – « Stochastic processes » dans E. F. Borgatta (ed.), Sociological methodology, San Francisco, Jossey-Bass. — 1984. – « Preface », Journal of mathematical sociology, 10. — 1989. – The meaning of general theoretical sociology. Tradition and formalisation, Cambridge, Cambridge University Press. — 1997. – « Reflections on mathematical sociology », Sociological forum, 12, 1. Fararo T. J., Butts C. T., 1999. – « Advance in generative structuralism : structured agency and multilevel dynamics », Journal of mathematical sociology, 24, 1. Fararo T. J., Hummon N. P., 1995. – « The emergence of computational sociology », Journal of mathematical sociology, 20, 2-3. Freedman D. A., 1991a. – « Statistical analysis and shoe leather », Sociological methodology, 21. — 1991b. – « A rejoinder to Berk, Blalock, and Mason », Sociological methodology, 21. Friedman D., Hechter M., 1988. – « The contribution of rational choice theory to macro sociological research », Sociological theory, 6. 68 Gianluca Manzo Gambetta D., 1998. – « Concatenations of mechanisms » dans P. Hedstrom, R. Swedberg (eds.), Social mechanisms. An analytical approach to social theory, Cambridge, Cambridge University Press. Gilbert N. G., 1994. – « Computer simulation of social processes » http://www.soc.surrey.ac.uk./sru/SRU6.html. — 1996a. – « Simulation as a research strategy » dans G. K. Troitzsch, U. Mueller, N. G. Gilbert, J. E. Doran (eds.), Social science microsimulation, Berlin, Springer. — 1996b. – « Holism, individualism and emergent properties. An approach from the perspective of simulation » dans R. Hegselmann, U. Mueller, G. K. Troitzsch (eds.), Modelling and simulation in the social sciences from the philosophy of science point of view, Dordrecht, Kluwer. — 1996c. – « Environments and languages to support social simulation », dans G. K. Troitzsch, U. Mueller, N. G. Gilbert, J. E. Doran (eds.), Social science microsimulation, Berlin, Springer. — 1999a. – « Simulation : a new way of doing social science », Computer simulation in the social sciences, 42, 10. — 1999b. – « Multi-level simulation in Lisp-Stat », Journal of artificial societies and social simulation, 2, 1, http://www.soc.surrey.ac.uk/JASSS/2/1/3.html. Gilbert N., Conte R. (eds.), 1995. – Artificial societies : the computer simulation of social life, London, UCL Press. Gilbert N., Doran J., 1994. – Simulating societies. The computer simulation of social phenomena, London, UCL Press. Gilbert N., Troitzsch G. K., 1999. – Simulation for the social scientist, Philadelphia, Open University Press. Goldthorpe J., 1996a. – « The quantitative analysis of large-scale data sets and rational action theory : for a sociological alliance » dans J. Goldthorpe, On sociology. Numbers, narratives, and the integration of research and theory, Oxford, Oxford University Press, chap. 5. — 1996b. – « Class analysis and the riorientation of class theory : the case of persisting differentials in education attainment » dans J. Goldthorpe, On sociology. Numbers, narratives, and the integration of research and theory, Oxford, Oxford University Press, chap. 8. — 1998. – « Rational action theory for sociology » dans J. Goldthorpe, On sociology. Numbers, narratives, and the integration of research and theory, Oxford, Oxford University Press, chap. 6. — 1999. – « Causation, statistics, and sociology » dans J. Goldthorpe, On sociology. Numbers, narratives, and the integration of research and theory, Oxford, Oxford University Press, chap. 7. — 2000a. – On sociology. Numbers, narratives, and the integration of research and theory, Oxford, Oxford University Press. — 2000b. – « Outline of a theory of social mobility » dans J. Goldthorpe, On sociology. Numbers, narratives, and the integration of research and theory, Oxford, Oxford University Press, chap. 11. — 2000c. – « Sociology and probabilistic revolution, 1830-1930 : explaining an absent synthesis » dans J. Goldthorpe, On sociology. Numbers, narratives, and the integration of research and theory, Oxford, Oxford University Press, chap. 12. — 2003a. – « Sociology as social science and cameral sociology : some further thoughts », Sociology working papers, 2003-07, Oxford, Department of sociology. — 2003b. – « Progress in sociology : the case of social mobility research », Sociology working papers, 2003-08, Oxford, Department of sociology. Goldthorpe J. H., Breen R., 1997. – « Explaining educational differentials : towards a formal rational action theory » dans J. Goldthorpe, On sociology. Numbers, narratives, and the integration of research and theory, Oxford, Oxford University Press, chap. 9. Grémy J.-P., 1971. – « Use of computer simulation techniques in sociology », International social science journal, 23, 2. — 1977. – « Les modèles simulables » dans R. Boudon, J.-P. Grémy, Les modèles en sociologie, Paris, Lemtas. 69 Revue française de sociologie Gulyas L., 2003. – « Commentaire sur “Learning SIMUL8 : the complete guide (and SIMUL8 version 6)” », Journal of artificial societies and social simulation, 6, 3. Hagerstrand T., 1965. – « A Montecarlo approach to diffusion », Archives européennes de sociologie, 6, 1. Halpin B., 1999. – « Simulation in sociology », American behavioral scientist, 42, 10. Halpin B., Chan T. W., 1998. – « Class careers as sequences : an optimal matching analysis of work-life histories », European sociological review, 14, 2. Hamlin C. L., 2000. – « L’ontologia sociale della teoria della rationalità cognitiva » dans E. Di Nuoscio (dir.), Spiegazione scientifica e relativismo culturale, Roma, Luiss. Hannan T. M., 1992. – « Rationality and robustness in multilevel systems » dans J. S. Coleman, T. Fararo (eds.), Rational choice theory. Advocacy and critique, Newbury Park (Cal.), Sage. Hanneman R. A., 1995. – « Simulation modelling and theoretical analysis in sociology », Sociological perspectives, 38, 4. Hanneman R. A., Patrick S., 1997. – « On the uses of computer-assisted simulation modelling in the social sciences », Sociological research on line, 2, 2 Hanneman R. A., Collins R., Mordt G., 1995. – « Discovering theory dynamics by computer simulation : experiments on state legitimacy and imperialist capitalism », Sociological methodology, 25, 1. Hanon B., 1965. – « The use of simulation in the analysis of business systems », The American behavioral scientist, 8, 9. Hardin R., 2001. – « Rational choice explanation : philosophical aspects », International encyclopedia of the social and behavioral sciences, Oxford, Elsevier, tom. 19. Harré R., 1972. – The philosophies of science. An introductory survey, Oxford, Oxford University Press. Harré R., Secord P. F., 1972. – The explanation of social behaviour, Oxford, Oxford University Press. Hartmann S., 1996. – « The world as a process. Simulation in the natural and social sciences » dans R. Hegselmann, U. Mueller, G. K. Troitzsch (eds.), Modelling and simulation in the social sciences from the philosophy of science point of view, Dordrecht, Kluwer. Hechter M., 1998. – « The future of rational choice theory and its relationships to quantitative macro-sociological research », dans H.-P. Blossfeld, G. Prein (eds.), Rational choice theory and large-scale data analysis, Boulder Co., Westview Press, chap. 17. Hedstrom P., 2003. – « Generative models and explanatory research : on sociology of Aage Sorensen », http://www.nuff.ox.ac.uk/Sociology/Group/Hedstrom.htm. — 2005. – Dissecting the social : on the principles of analytical sociology, Cambridge, Cambridge University Press [à paraître]. Hedstrom P., Swedberg R., 1996. – « Rational choice, empirical research, and the sociological tradition », European sociological review, 12, 2. Hedstrom P., Swedberg R. (eds.), 1998a. – Social mechanisms. An analytical approach to social theory, Cambridge, Cambridge University Press. — 1998b. – « Social mechanisms : an introductory essay » dans P. Hedstrom, R. Swedberg (eds.), Social mechanisms. An analytical approach to social theory, Cambridge, Cambridge University Press. Hegselmann R., 1996. – « Cellular automates in the social sciences. Perspectives, restrictions, and artifacts » dans R. Hegselmann, U. Mueller, G. K. Troitzsch (eds.), Modelling and simulation in the social sciences from the philosophy of science point of view, Dordrecht, Kluwer. Hegselmann R., Mueller U., Troitzsch G. K., 1996. – Modelling and simulation in the social sciences from the philosophy of science point of view, Dordrecht, Kluwer. Heise D., 1995. – « Sociological algorithms : preface », Journal of mathematical sociology, 20, 2-3. Hellevik O., 1997. – « Class inequality and egalitarian reform », Acta sociologica, 40. Hempel C. G., 1965. – « Aspects of scientific explanation » dans C. G. Hempel, Aspects of scientific explanation and other essays in the philosophy of science, New York, Free Press. 70 Gianluca Manzo Hillmert S., Jacob M., 2003. – « Social inequality in higher education. Is vocational training a pathway leading to or away from university ? », European sociological review, 19, 3. Hummon N. P., 1990. – « Computer simulation in sociology », The journal of mathematical sociology, 15, 2. Jacobsen C., Bronson R., 1997. – « Computer simulated empirical tests of social theory : lessons from 15 years’ experience » dans R. Conte, R. Hegselmann, P. Terna (eds.), Simulating social phenomena, Berlin, Springer. Johnson P. E., 1999. – « Simulation modelling in political science », Computer simulation in the social sciences, 42, 10. — 2003. – « Compte rendu sur Suleiman R., Troitzsch K., Gilbert N., (eds), Tools and techniques for social science simulation, 2000 », Journal of artificial societies and social simulation, 6, 1. Jones F. L, Wilson S. R., Pittelkow Y., 1990. – « Modelling mobility : the use of simulation to choose between near-equivalent models », Quality and quantity, 24. Jonsson J. O., Erikson R., 2000. – « Understanding educational inequality : the Swedish experience », L’Année sociologique, 50, 2. Klein E., 2002-2003. – « Comprendre, concevoir, agir : les trois finalités de la simulation », CLEFS CEA, 47. Kliemt H., 1996. – « Simulation and rational practice » dans R. Hegselmann, U. Mueller, G. K. Troitzsch (eds.), Modelling and simulation in the social sciences from the philosophy of science point of view, Dordrecht, Kluwer. Lazega E., 2003. – « Rationalité, discipline sociale et structure », Revue française de sociologie, 44, 2. Lazega E., Favereau O., 2002. – « Introduction » dans O. Favereau, E. Lazega (eds.), Conventions and structures in economic organization : markets, networks, and hierarchies, Cheltenham, Edward Elgar. Latané B., 1996. – « Dynamic social impact. Robust predictions from simple theory » dans R. Hegselmann, U. Mueller, G. K. Troitzsch (eds.), Modelling and simulation in the social sciences from the philosophy of science point of view, Dordrecht, Kluwer. Levine J. L., 2000. – « But what have you done for us lately ? Commentary on Abbott and Tsay », Sociological methodology, 29, 1. Lieberson S., 1985. – Making it count. The improvement of social research and theory, Berkeley, University of California Press. Lindenberg S., 1992. – « The method of decreasing abstraction » dans J. S. Coleman, T. Fararo (eds.), Rational choice theory. Advocacy and critique, Newbury Park (Cal.), Sage. — 1998. – « The influence of simplification on explananda : phenomenon-centered versus choice-centered theories in the social sciences » dans H.-P. Blossfeld, G. Prein (eds.), Rational choice theory and large-scale data analysis, Boulder Co., Westview Press. — 2000. – « The extension of rationality : framing versus cognitive rationality » dans F. Chazel, J. Baechler (éds.), L’acteur et ses raisons, Paris, Presses Universitaires de France. — 2002. – « Social rationality versus rational egoism » dans J. H. Turner (ed.), Handbook of sociological theory, New York, Kluwer Academic Publisher. — 2003. – « Coleman et la construction des institutions : peut-on négliger la rationalité sociale ? », Revue française de sociologie, 44, 2. Logan J. A., 1996. – « Rules of access and shift in demand : a comparison of log-linear and two-sided logit models », Social science research, 25. Macy W. M., 2001. – « Social simulation : computational approaches », International encyclopedia of the social and behavioral sciences, Oxford, Elsevier, vol. 21. Macy W. M., Willer R., 2002. – « From factors to actors : computational sociology and agent-based modeling », Annual review of sociology, 28. 71 Revue française de sociologie Manzo G., 2004a. – « Appunti sulla simulazione al computer. Un metodo attraente per la ricerca sociologica » dans C. Corposanto (dir.), Metodologie non-intrusive nelle scienze sociali, Milano, Franco Angeli. — 2004b. – « Verso una teoria delle diseguaglianze di opportunità educative », Studi di sociologia, 42, 1. Manzo G., Corposanto C., 2003. – « Disuguaglianze educative e loro trasformazioni nel tempo : problemi tecnici e metodologici di un’analisi compiuta mediante reti neurali artificiali », Sociologia e ricerca sociale, 70. Marini M. M., 1992. – « The role of models of purposive action in sociology » dans J. S. Coleman, T. Fararo (eds.), Rational choice theory. Advocacy and critique, Newbury Park (Cal.), Sage. Marney J. P., Tarbert H. F. E., 2000. – « Why do simulation ? Towards a working epistemology for practitioners of the dark arts », Journal of artificial societies and social simulation, 3, 4. Merton R. K., 1949. – Social structure and social theory, London, Free Press of Glencoe. — 1967. – « On the sociological theories of the middle range » dans R. K. Merton, On theoretical sociology. Five essays, old and new, London, Free Press. Minar N. et al., 1996. – « The swarm simulation system : a toolkit for building multi-agent simulations », http://www.santafe.edu/projects/swarm/overview/overwiew.html. Moretti S., 2000. – « Teorie sociologiche e modelli computazionali. Problemi metodologici nella definizione di un sistema di simulazione nelle scienze sociali », Sociologia e ricerca sociale, 63. — 2002. – « Computer simulation in sociology : what contribution ? », Social sciences computer review, 20, 1. — 2004. – « Il modello simulativo nello studio della mobilità sociale », communication, Salerne, 28-29/01/2004. Moss S. 1998. – « Social simulation models and reality : three approaches » dans J. Sichman, R. Conte, N. Gilbert (eds.), Multi-agent systems and agent based simulation, Berlin, Springer. Moss S. et al., 2002. – « An European social simulation association », Journal of artificial societies and social simulation, 5, 3. Nash R., 2003. – « Inequality/difference in education : is a real explanation of primary and secondary effects possible ? », British journal of sociology, 54, 4. Nowak A., Lewenstein M., 1996. – « Modeling social change with cellular automata » dans R. Hegselmann, U. Mueller, G. K. Troitzsch (eds.), Modelling and simulation in the social sciences from the philosophy of science point of view, Dordrecht, Kluwer. OCDE, 2001.– Knowledge and skills for life, Paris, OCDE. Opp K.-D., 2002. – « Le differenti versioni della teoria dell’azione razionale » dans R. Boudon, P. Demeleunaere, E. Di Nuoscio (eds.), Filosofia dell’azione e teoria della razionalità, Roma, Luiss. Passeron J.-C., 1991. – Le raisonnement sociologique. L’espace non-popperien du raisonnement naturel, Paris, Nathan. Pawson R., 1989. – A measure for measure : a manifesto for empirical sociology, London, Routledge. Phan D., 2003. – « Agent-based computational economics and cognitive economics », http://www-eco.enst-bretange.fr/(phan/papers/. Pisati M., 1997. – « Mobility regimes and generative mechanisms : a comparative analysis of Italy and the United States », European sociological review, 13, 2. Préteceille E., 1974. – Jeux, modèles et simulations. Critique des jeux urbains, Paris, Mouton. Ragin C. C., 1987. – The comparative method. Moving beyond qualitative and quantitative strategies, Berkeley, University of California Press. Ragin C. C., Becker H. S., 1992. – What is a case ? Exploring the foundations of social inquiry, Cambridge, Cambridge University Press. Raynaud D., 2004. – « Le raisonnement expérimental en physique et en sociologie », Communication présentée au Centre d’étude sociologique de la Sorbonne, 10/03/2004. 72 Gianluca Manzo Reskin B., 2003. – « Including mechanisms in our models of ascriptive inequality », American sociological review, 68. Revue française de sociologie, 2003. – « La théorie du choix rationnel », 44, 2 [numéro spécial]. Rios D., 2004. – « Mechanistic explanations in the social science », Current sociology, 52, 1. Santoro M., 2003. – « Eventi e strutture : il positivismo narrativo di Andrew Abbott e l’eredità della scuola di Chicago », Rassegna italiana di sociologia, 44, 4. Scheff T. J., 1992. – « Rationality and emotion » dans J. S. Coleman, T. Fararo (eds.), Rational choice theory. Advocacy and critique, Newbury Park (Cal.), Sage. Schelling T. C., 1971. – « Dynamic models of segregation », Journal of mathematical sociology, 1. — 1998. – « Social mechanisms and social dynamics » dans P. Hedstrom, R. Swedberg (eds.), Social mechanisms. An analytical approach to social theory, Cambridge, Cambridge University Press. Schizzerotto A., 1997. – « Perché in Italia ci sono pochi diplomati e pochi laureati ? Vincoli strutturali e decisioni razionali degli attori come cause della contenuta espansione della scolarità superiore », Polis, 11, 3. Sichman J., Conte R., Gilbert N., 1998. – Multi-agent systems and agent based simulation, Berlin, Springer. Simon A. H., Iwasaki Y., 1988. – « Causal ordering, comparative static, and near decomposability », Journal of econometrics, 39. Snijders T., 1996. – « Stochastic actor-oriented models for network change », Journal of mathematical sociology, 21. — 2001. – « The statistical evaluation of social network dynamics », Sociological methodology 2001, pp. 361-395. Snijders T., Van Duijn M. A. J., 1997. – « Simulation for statistical inference in dynamic network models » dans R. Conte, R. Hegselmann, P. Terna (eds.), Simulating social phenomena, Berlin, Springer. Social science computer review, 1988. – « Symposium on computerized simulation in the social sciences », 6, 1. Sociological perspectives, 1995. – « Computer simulations and sociological theory », 38, 4 [special issue]. Sociologie et société, 2002. – 24, 1. Sorensen A. G., 1977. – « The structure of inequality and the processes of attainment », American sociological review, 42. — 1979. – « A model and a metric for the analysis of the intragenerational status attainment process », American journal of sociology, 85, 2. — 1998. – « Theoretical mechanisms and the empirical study of social processes » dans P. Hedstrom, R. Swedberg (eds.), Social mechanisms. An analytical approach to social theory, Cambridge, Cambridge University Press. Stinchcombe A. L., 1991. – « The condition of fruitfulness of theorizing about mechanism in social science », Philosophy of the social sciences, 21, 3. Terna P., 1998. – « Simulation tools for social scientists : building agent based models with SWARM », Journal of artificial societies and social simulation, 1, 2. The American behavioral scientist, 1965. – « Social research with the computer », 8, 9 [special issue]. — 1999. – « Computer simulation in the social sciences », 42, 10 [special issue]. The journal of mathematical sociology, 1990. – « Computer simulation in sociology », 15, 2 [special issue]. Troitzsch G. K., 1996. – « Computer simulation and social sciences : on the future of a difficult relation » dans G. K. Troitzsch, U. Mueller, N. G. Gilbert, J. E. Doran (eds.), Social science microsimulation, Berlin, Springer. — 1997. – « Social science simulation – Origins, prospects, purposes » dans R. Conte, R. Hegselmann, P. Terna, Simulating social phenomena, Berlin, Springer. 73 Revue française de sociologie Troitzsch G. K., Mueller U., Gilbert N. G., Doran J. E., 1996. – Social science microsimulation, Berlin, Springer. Udehn L., 2001. – Methodological individualism. Background, history and meaning, London, Routledge. — 2002. – « The changing face of methodological individualism », Annual review of sociology, 28. Vallet L.-A., 2004. – « À propos d’un ouvrage peu connu dans la sociologie française : Making it count. The improvement of social research and theory de Stanley Lieberson », Revue européenne des sciences sociales, 42, 129. Van den Berg A., 1998. – « Is sociological theory too grand for social mechanisms ? » dans P. Hedstrom, R. Swedberg (eds.), Social mechanisms. An analytical approach to social theory, Cambridge, Cambridge University Press. Weber M., 1903-1906. – Roscher et Knies e i problemi logici dell’economia politica di indirizzo storico [trad. P. Rossi, Milano, Edizioni di comunità, 2001]. — 1992. – Essai sur quelques catégories de la sociologie compréhensive, Paris, Plon [1re éd. 1913]. — 1992. – Essai sur le sens de la « neutralité axiologique » dans les sciences sociologiques et économiques, Paris, Plon [1re éd. 1913]. — 1995. – Économie et société. Les catégories de la sociologie, Paris, Plon, tom. 1 [1re éd. 1918-1920]. — 2000. – L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Flammarion [1re éd. 1904]. Weisbuch G., 1992. – Complex systems dynamics, Redwood City, Addison Wesley. Whicker M. L., Sigelman L., 1991. – Computer simulation applications : an introduction, Newbury Park, Sage. White H. C., 1970. – Chains of opportunity. System models of mobility in organizations, Cambridge, Harvard University Press. Wunsch G., 1994. – « L’analyse causale en démographie » dans R. Franck (éd.), Faut-il chercher aux causes une raison ? L’explication causale dans les sciences humaines, Paris, Vrin, chap. 1. Wu L. L., 2000. – « Some comments on “Sequence analysis and optimal matching methods in sociology” : review and prospect », Sociological methodology, 29, 1. 74