Brasilia a 52 ANS

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- Revue Tous Urbains - Tous urbains n°1, mai 2013 -
Date de mise en ligne : jeudi 24 juillet 2014
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Tous urbains N° 1, mai 2013
Brasilia est d'abord un rêve national né en 1823 dans l'euphorie de l'indépendance, puis une réalisation épique dont
témoignent les discours qui vantent l'audace du projet politique de Kubitschek, l'urbanisme poétique de Lucio Costa,
l'élégance de l'architecture d'Oscar Niemeyer, la compétence de l'aménageur Israël Pinheiro et l'émotion de
l'inauguration le 21 avril 1960, trois ans après le jury du concours.
Rationnelle et un peu inhumaine, Brasilia est la ville du mouvement moderne, où toute chose a sa place grâce à une
« setorização » rigoureuse : ici, tous les ministères, là toutes les banques ou tous les commerces, tous les hôpitaux
puis tous les hôtels, sur un axe monumental qui croise les ailes résidentielles où s'alignent de chaque côté 7 rangées
de 15 superquadras ; une ville dont le nom des rues : W3, L2 ou les adresses : SQS309-K font sourire.
Face au mythe, peu de voix discordantes : Brasilia est l'aboutissement du progrès. A peine si certains comme
l'architecte-mathématicien Christopher Alexander y voit l'exemple d'une pensée en arbre niant la complexité de la
ville (A city is not a tree, 1966). La critique est reprise par l'anthropologue James Holston (The modernist city, an
anthropological critique of Brasilia, 1989) qui oppose la ségrégation fonctionnelle et la planification abstraite du Plan
Pilote au dynamisme des cités satellites et des quartiers informels, fruits des luttes des habitants.
Si l'on refuse de réduire la ville à l'éternelle célébration des pères fondateurs, la promenade à Brasilia est l'occasion
de poser des questions qui dépassent le seul cadre brésilien et d'affirmer quelques convictions sur l'aménagement
des villes.
Premier principe : regarder la ville réelle, quitter le discours des intentions ou des métaphores pour observer la
réalité. Brasilia est aujourd'hui la quatrième ville du Brésil (2,5 Mh pour le District Fédéral, 3,5 avec les
développements). Le Plan Pilote représente moins de 8% de la population, moins de 1% du territoire. La dynamique
aujourd'hui est dans les banlieues, loin du bon goût de la ville centre.
Deuxième principe : quitter l'esthétique pour s'interroger sur la manière dont les gens habitent (les dispositions
matérielles facilitent-elles ou non le sentiment d'être chez soi ?).
Aux franges du Plan Pilote, les habitants se sont emparés des maisons modernes assez minimalistes de Costa ou
Niemeyer. L'accès automobile à l'arrière est devenu la rue qui donne l'adresse ; le parking est devenu garage en dur
avec éventuellement à l'étage une courette haute et discrète où l'on peut laver et étendre le linge, prendre une
douche, bricoler. A l'opposé de l'entrée, le séjour qui donnait par une loggia sur un jardin non-clos ouvert sur une
promenade publique a mangé la loggia et enclos un jardin privé. Puis une nouvelle loggia est venue occuper une
partie du jardin tandis que l'étage aussi s'épaississait. Enfin, chez les plus audacieux, la protection des arbres
proches de la maison se traduit par la délimitation discrète d'un petit enclos au moyen d'une haie basse de cette
petite plante à épines appelée couronne du christ. Ayant agrandi sa maison dans son jardin, l'habitant recrée devant
chez lui un petit jardin amoureusement planté. Le voisin aussi, et le promeneur auquel on a laissé le passage va de
surprise en surprise.
Être chez soi, ce n'est pas seulement l'agrément ou le confort du logement - encore que ce soit important - mais tous
ces espaces intermédiaires où les habitants marquent les limites de leur territoire : ici privatif ou familial, là collectif
ou de voisinage, puis public mais encore personnel - on est chez soi dans son quartier. Et habiter ne se réduit pas à
résider, être immatriculé et électeur. On habite aussi le quartier où l'on travaille, celui où l'on a habité et avec lequel il
reste des liens.
Troisième principe : accueillir les changements, penser la ville en évolution, ce qui remet en cause les tendances à
figer les dispositions au nom du patrimoine et de la préservation.
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Au sud-ouest du Plan Pilote directement reliée par le métro, Taguatinga et ses voisines rassemblent plus d'un million
d'habitants. Qui se rappelle à la sortie du métro, place de l'Horloge, la seule route goudronnée qui, il y a 25 ans,
desservait quelques commerces de fortune et d'où partaient des chemins de terre battue distribuant d'interminables
lotissements de maisons en planches ?
Année après année, à l'initiative des habitants et des moyens dont ils disposent, la ville se reconstruit sur
elle-même. La maison en bois de deux pièces se durcit, les fers à béton en attente la transforment en immeuble
familial avec au rez-de-chaussée commerce ou atelier. L'enrichissement familial suscite d'autres transformations, là
un supermarché dont le propriétaire habite l'étage, ici un petit immeuble de services urbains.
Si on ne comprend pas ces logiques où se mêlent la nécessité, l'espoir, l'initiative, le bricolage, les contraintes de la
géométrie et la culture de l'usage, la ville ne reste qu'un décor où la présence même des habitants devient gênante :
trop pressés, trop bruyants, trop...
Mille autres lieux pourraient nous intéresser : la transformation des « invasãos », le détournement des parcelles
agricoles, le bourgeonnement aux limites du District Fédéral, l'agrandissement des commerces des superquadras.
Le Plan Pilote a la forme d'un oiseau - ou d'un avion si l'on veut être plus moderne. Un oiseau de 12 km
d'envergure, sur un peu plus de 9 km de long, de la gare ferroviaire à la place des Trois Pouvoirs : les dimensions du
Paris intramuros, référence explicite de Costa pour qui Brasilia est une réplique moderne de Paris où les bordures
plantées des superquadras reprennent le thème des boulevards parisiens tandis que les immeubles de six étages
au-dessus du pilotis en réinterprètent le gabarit.
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