Causes de la chasse aux sorcières - Le portfolio de Samuel Desforges
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Causes de la chasse aux sorcières - Le portfolio de Samuel Desforges
DÉPARTEMENT D'HISTOIRE Faculté des lettres et sciences humaines Université de Sherbrooke DÉTERMINATION DES CAUSES AYANT CONDUIT AU MASSACRE DES SORCIÈRES DURANT LA PÉRIODE DU XIIIe - XVe SIÈCLE EN EUROPE par Samuel Desforges travail présenté à Geneviève Dumas dans le cadre du cours HST 109 Histoire du Moyen Âge Sherbrooke MERCREDI 15 JUILLET 2009 TABLE DES MATIÈRES 1. TABLE DES MATIÈRES I 2. INTRODUCTION 1 3. DE LA MAGIE RITUELLE, INCANTATOIRE ET D’INVOCATION À LA SORCELLERIE 1 4. LES CROYANCES POPULAIRES 3 5. LA REPRÉSENTATION DE LA FEMME À TRAVERS LE DISCOURS RELIGIEUX. 5 a) LA BIBLE : ADAM ET ÈVE 5 b) LES PHILOSOPHES GRECS : PLATON ET ARISTOTE 6 c) LES PÈRES DE L’ÉGLISE 7 6. HENRY INSTITORIS ET JACQUES SPRENGER : LE MALLEUS MALEFICARUM 7. LES PRÉDICATEURS 10 8. CONCLUSION 11 9. BIBLIOGRAPHIE 13 9 ii INTRODUCTION Lorsqu’on parle de la période du Moyen Âge, on pense aux chevaliers, aux rois, aux châteaux, aux sorcières et même aux démons. Toutefois, la réalité est fort différente, car à cette époque la population croit fermement que la magie ainsi que les forces surnaturelles existent et qu’elles peuvent influer sur leur vie quotidienne. C’est justement afin de protéger la population contre un ennemi de Dieu qu’il y aura une chasse aux sorcières. C'est pourquoi il sera question de développer la problématique suivante soit : de déterminer les causes qui ont conduit au massacre des sorcières durant la période du XIIIe - XVe siècle en Europe. Pour découvrir les causes de cette chasse aux sorcières, il faudra traiter des éléments suivant : les origines de la sorcellerie, les croyances populaires, la représentation de la femme à travers le discours religieux, le Malleus Maleficarum : Le Marteau des Sorcières et finalement les prédicateurs. DE LA MAGIE RITUELLE, INCANTATOIRE ET D’INVOCATION À LA SORCELLERIE À la fin du Moyen Âge, la sorcellerie est considérée comme une hérésie aux yeux des autorités religieuses et séculières. Toutefois, il n’en a pas toujours été ainsi, car la magie et la sorcellerie proviennent de l’Antiquité1 et ont perduré jusqu’au Moyen Âge et même encore plus tard, soit jusqu’à la renaissance. En fait, de nos jours, on retrouve encore des traces de magie telles que des filtres d’amour ou bien des pierres possédant des propriétés magiques ou bienfaitrices. Au début, il s’agissait plutôt de magie basée sur des rituels, des incantations ou bien sur des invocations des démons dont le but était d’asservir les esprits du mal ou communément appelé démons « par les noms sacrés de Dieu et les sceaux magiques de Salomon.2 » D’ailleurs, ses pratiques étaient faites en croyant respecter la religion catholique, ce qui était faux du point de vue de l’Église. 1 Jean Claude Bologne, Du flambeau au bûcher : Magie et superstition au Moyen Age, Paris, Plon, 1993, p. 221. 2 Ibid., p. 227. 1 Toutefois, les magies rituelle et incantatrice vont réussir à survivre au temps parce qu’elles étaient solidement ancrées dans les croyances populaires. De plus, c’est en continuant à survivre dans l’ombre de la religion catholique que les magies rituelle et incantatoire se plaçaient involontairement comme rivales vis-à-vis l’Église catholique. Toutefois, l’Église décrètera que « toute magie rituelle est hérétique […] car l’acte même d’invoquer les démons est hérétique.3 » En étant déclarée hérétique, les magies rituelle et incantatoire vont perdre de leur valeur. De ce déclin va naitre le sorcier et la sorcière ou bien le « malefici4 » aux yeux de l’Église. Le malefici avait pour fonction de commettre « des actes horribles avec l’aide et l’encouragement des démons5 ». Comme les précédents types de magie, le sorcier et la sorcière étaient aussi considérés comme hérétiques. De plus, l’Église catholique associera le malefici au « maleficium6 » soit au sort et même au pacte avec le diable qui était à l’époque, un acte hérétique à coup sûr. La sorcellerie devient hérétique, car elle faisait de ses adeptes des adversaires de l’Église catholique et par le fait même de la foi7. De plus, en ayant « [renié] Dieu et tous les éléments du christianisme8 » pour l’adoration de Satan et de ses serviteurs soit : les démons, cela fait des sorcières des ennemies publiques à éliminer en priorité. Au tout début des sorcières, l’Église considérait « ces réunions nocturnes comme pure fiction et dénonça comme hérétiques ceux qui les croyaient réelles9 ». C’est avec le temps que l’Église va considérer ces réunions nocturnes (sabbat) comme une partie essentielle de la sorcière. De plus, les principales raisons qui faisaient en sorte qu’une femme était considérée comme une sorcière aux yeux des Inquisiteurs10 étaient : l’apostasie, la participation au sabbat, l’engagement d’un pacte avec Satan ou ses 3 Cohn Norman, Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen Âge : fantasmes et réalités, Coll. « Bibliothèque historique », traduction de G. Fain et de M. Angeno, Paris, Payot, 1982, p. 215. 4 Robert Muchembled, dir. Magie et sorcellerie en Europe : du Moyen Age à nos jours, Paris, Armand Colin, 1994, p. 18. 5 Ibid., p. 18. 6 Micheline Laliberté, Religion populaire et superstition au Moyen Âge, Théologiques, vol. 8, n° 1, 2000, p. 26. 7 Bologne, op. cit., p. 227. 8 Muchembled, op. cit., p. 19. 9 Henry Charles Lea, Histoire de l'Inquisition au Moyen-Age, Trad. de l'anglais par Salomon Reinach. Paris, éd Jérôme Million, 1990, (éd. ang., 1887),vol 3, p. 609. 10 L’inquisiteur est sous la juridiction ecclésiastique active du XIIIe au XVIe siècle et ayant pour but la répression, dans toute la chrétienté, des crimes d’hérésie et d’apostasie et des faits de sorcellerie. 2 démons, l’invocation d’un démon, la participation à des actes sexuels avec des démons et avec d’autres personnes au hasard, l’utilisation d’hostie bénite reçue en communion à des fins maléfiques et finalement des onguents et des poudres qui pouvaient tuer et même détruire des récoltes11. Par ailleurs, le sabbat avait pris une telle importance au niveau ecclésiastique et séculier que « l’on tint pour incomplète toute confession de sorcière ne comportant pas le récit de sa participation au Sabbat, preuve finale de son abandon à Satan12 ». C'est pourquoi il y avait utilisation de la torture pour obtenir des aveux auprès des suspects afin de confirmer la présence aux réunions nocturnes. Alors, la sorcellerie était considérée par l’Église et les tribunaux séculiers comme hérétique puisqu’elle ne convenait tout simplement pas aux normes établies par ces deux groupes et qu’il s’agissait par-dessus tout, d’une pratique paganisme qui était destinée à s’éteindre avec le temps. Donc, les tribunaux séculiers s’efforçaient d’éliminer les pratiques paganismes parce que l’Église les avait déclarées non conformes à leur doctrine. LES CROYANCES POPULAIRES Les croyances populaires avaient beaucoup d’influence au niveau de la magie et de la religion. En effet, lorsqu’on analyse la persistance de la magie et de la sorcellerie au fil du temps, soit à partir de l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge, on constate que les croyances populaires y étaient pour beaucoup. C’est justement grâce au peuple que toutes les formes de magie ont pu survivre et influencer le monde du Moyen Âge, car : dans ce contexte, la sorcière et la sorcellerie appartiennent à la réalité, elles font partie des conceptions de l’époque, le peuple croit fermement à leur existence. […] [D’ailleurs,] la population avait assimilé ces croyances avant même que l’Institution officielle y adhère et qu’elle ne les promeuve13. Par ailleurs, les élites à cette époque refusaient encore d’y croire alors que pour la population c’était tout le contraire. Au début de cette époque, certaines pratiques 11 Muchembled, op. cit., p. 33. Lea, op. cit., p. 611. 13 Patrick Snyder, Les représentations de la femme dans le discours religieux du XIIIe au XVe siècle : une cause de la chasse aux sorcières?, Mémoire de maîtrise, Université Sherbrooke, 1993, p.93. 12 3 superstitieuses étaient même tolérées dans certaines églises14. Selon M. Snyder, « les paysans étaient dotés d’une mentalité magique et païenne qu’ils ne distinguaient pas nécessairement de la religion officielle par manque de connaissance de celle-ci15 ». De plus, c’est justement à cause des croyances païennes du peuple que l’Église avait réagi afin d’éliminer les croyances populaires d’origine païenne. En effet, l’Église avait organisé une vaste campagne de christianisation, par exemple au niveau des Dieux païens. Il y aurait eu deux façons de procéder afin de réduire les croyances païennes soit par une déification de mortels ou bien il serait question de démons qui se seraient fait passer pour des dieux16. Alors, si les dieux païens ont subi une christianisation pourquoi pas les sorcières, car ils avaient tous les deux des origines païennes. M. Jean Claude Bologne aborde dans le même sens, car « des femmes surnaturelles cependant se mêlaient aux humains. Peu connues, parce que très vite assimilées aux fées ou aux sorcières les suivantes de Dianes, déesse de la Lune passent dans les airs dès le Xe siècle17 ». Alors, si les dieux et les sorcières ont des origines païennes, il est fort possible qu’ils aient été suffisamment ancrés dans la culture populaire pour ne pas disparaitre complètement au fil du temps et surtout à l’ère de la christianisation. De plus, il semble plausible de dire que la chasse aux sorcières arrive vers la fin de cette époque parce qu’au tout début celle-ci était encore sous forme païenne et non considérée comme une hérésie. Ce qui fait en sorte que la représentation positive de la sorcière décline au fur et à mesure du passage du temps. Puisque les sorcières avaient mauvaise réputation, il allait de soit qu’on allait leur reprocher tous types de catastrophes qui allaient s’abattre sur la population. Les sorcières étaient les responsables des malheurs sociaux et des phénomènes météorologiques. D’ailleurs, il est même possible d’établir « une corrélation étroite entre l’apparition de la misère et celle de la sorcellerie18 ». C’est pourquoi on peut dire qu’elles 14 Bologne, op. cit., p. 75. Patrick Snyder, Les représentations de la femme dans le discours religieux du XIIIe au XVe siècle : une cause de la chasse aux sorcières?, Mémoire de maîtrise, Université Sherbrooke, 1993, p.96. 16 Bologne, op. cit., p. 78-79. 17 Ibid., p. 86. 18 Willem Frijhoff, Sorcellerie et possession : du Moyen Age aux Lumières, Revue d'histoire ecclésiastique, vol. 95, n° 3, 2000, p. 45. 15 4 deviendront le bouclier social ou le bouc émissaire qui permettra à la population de canaliser leur colère en plus de leur frustration19. LA REPRÉSENTATION DE LA FEMME À TRAVERS LE DISCOURS RELIGIEUX. Au cours de l’Histoire l’église a tenté par son discours d’implanter une représentation de la femme comme un être destiné à être inférieur à l’Homme. Cette représentation se retrouve dans plusieurs sources telles que la Bible, les philosophes grecs : Platon et Aristote, suivit des Pères de l’Église pour finir avec le livre de Henry Institoris et de Jacques Sprenger soit : le Malleus Maleficarum. Il s’agit des principales sources écrites qui ont influencé la représentation de la femme au Moyen Âge. Dans la seconde partie, il sera question des agents qui ont influencé la représentation de la femme pour la même période. LA BIBLE : ADAM ET ÈVE Lorsqu’on porte une attention particulière à la partie du Jardin d’Éden dans la Bible on constate qu’il y a à plusieurs reprises des propos où la représentation de la femme est négative. La première référence est celle où Dieu crée Adam en premier, puis ensuite Ève à partir d’une côte de celui-ci. Il y a en premier un rapport de supériorité établi entre Adam et Ève puisqu’Adam fut créé en premier. Ensuite, il y a un autre rapport de supériorité par la création elle-même. En effet, Ève fut créée à partir d’une côte d’Adam ce qui la place en second donc, il y a encore un rapport de supériorité et donc d’obéissance puisqu’elle est le produit d’Adam. Ces deux derniers rapports sont les plus importants d’entre tous, car ils vont influencer la situation de la femme jusqu’au Moyen Âge et même jusqu’à l’époque 19 Patrick Snyder, Représentations de la femme et chasse aux sorcières, XIIIe-XVe siècle : lecture des enjeux théologiques et pastoraux, Saint-Laurent, Fides, 2000, p.112. 5 contemporaine. Dans la Genèse, il y est mentionné que c’est à cause de la première femme (Ève) qu’il y a eu violation ce qui fait en sorte qu’Ève à sceller le sort de toute sa descendance : soit, de toutes les femmes. En effet, « ce n’est pas Adam qui se laissa séduire, mais la femme qui séduite, se rendit coupable de transgression20 ». Donc, la femme est faible puisqu’elle s’est fait berner. De plus, « la faute originelle est principalement et même uniquement imputable à la première femme, Ève, et, jusqu’à la fin des temps, les autres femmes sont toutes solidaires de la première21 ». Il y a ici trois rapports qui ont été utilisés par les théologiens du Moyen Âge afin de diffuser des discours à tendance misogyne. Attardons-nous maintenant à Platon et Aristote qui ont eux aussi marqué par leur philosophie la représentation de la femme dans la période médiévale. LES PHILOSOPHES GRECS : PLATON ET ARISTOTE À l’époque de ces deux philosophes, la représentation de la femme est encore inférieure à celle de l’homme. Cette infériorité est due à la fonction du sexe. L’homme est prédestiné à de nobles fonctions tandis que la femme est prédestinée à la reproduction de la lignée. De plus, il est vrai que l’on doit à Platon la justification de la nature de l’homme vis-à-vis celui de la femme, car « pour un homme libre, le rôle qui donne « la forme » lui permettait d’accéder au pouvoir et d’être supérieur. Pour la femme libre ou esclave, le rôle de « réceptacle » l’astreignait à la subordination22 ». Toutefois, les théologiens se sont inspirés surtout dans la pensée philosophique d’Aristote. Il disait que la femme était naturellement inférieure à l’homme sur le plan de l’être, de la sagesse et en vertu23. Il était persuadé que l’homme était destiné à commander la femme puisqu’elle est imparfaite de nature. Aristote disait que la vie d’une femme se résumait à une seule fonction, celle de la reproduction. C’est pourquoi « quand les choses vont biens, elles 20 Patrick Snyder, Les représentations de la femme dans le discours religieux du XIIIe au XVe siècle : une cause de la chasse aux sorcières?, Mémoire de maîtrise, Université Sherbrooke, 1993, p.16. 21 Snyder Ibid., p. 16. 22 Patrick Snyder, Représentations de la femme et chasse aux sorcières, XIIIe-XVe siècle : lecture des enjeux théologiques et pastoraux, Saint-Laurent, Fides, 2000, p.44. 23 Snyder Ibid., p.46. 6 produisent des hommes, et quand les choses sont mauvaises, elles produisent des hommes imparfaits, c’est-à-dire des femmes, regrettable accident, mais dans la nature des choses, bénéfiques pour la continuation de l’espèce24 ». Alors, les théologiens ont utilisé ces deux philosophes afin d’attribuer des justifications théoriques et rationnelles à la place des femmes au sein de la société médiévale. LES PÈRES DE L’ÉGLISE Les Pères de l’Église avaient développé leur conception de la femme à partir des sources à leur disposition soit la Bible et même des philosophes grecs tels que Platon et Aristote. C’est pourquoi les théologiens et même les prédicateurs s’en étaient inspirés puisqu’ils cadraient parfaitement dans leurs sermons. Le premier argument que les théologiens avaient utilisé pour confirmer une représentation négative de la femme est la source du prolongement du péché par celle-ci. En effet, puisque les femmes sont toutes solidaires les unes envers les autres elles le sont également dans le péché. De plus, les théologiens utilisaient les pères de l’Église afin de démontrer que la faute commise par Ève avait engendré les sorcières. M. Snyder va dans le même sens, car en disant que les théologiens tenteront « de démontrer son infériorité de nature, l’obligation pour elle d’être assujettie, dominée par l’homme et, surtout, on cherchera à établir qu’elle est la tentatrice par excellence, l’alliée de Satan, la responsable des malheurs sociaux25 ». Le second argument que les prédicateurs vont utiliser est encore tiré de la Bible. Ils utilisaient la création d’Ève à partir d’une côte d’Adam donc, le rapport de supériorité pour justifier la suprématie de l’homme sur la femme. De plus, chez beaucoup des Pères de l’Église, ont retrouve toujours la phrase qui permet justement cette argumentation : 24 Patrick Snyder, Représentations de la femme et chasse aux sorcières, XIIIe-XVe siècle : lecture des enjeux théologiques et pastoraux, Saint-Laurent, Fides, 2000, p.47-48. 25 Snyder Ibid., p. 57. 7 « et lui dominera sur toi26 ». Alors, ils ont exploité le volet de la supériorité afin de bien démontrer que l’homme devait dominer la femme puis que c’était écrit dans la Bible, soit l’œuvre par excellence pour trouver une vérité. Le troisième argument que les théologiens ont utilisé des Pères de l’Église s’inspire des philosophes grecs. Ils utilisaient l’argumentation de ces philosophes afin d’expliquer pourquoi la femme est soumise à l’homme par sa nature. Le meilleur exemple d’une telle argumentation afin d’expliquer la situation de la femme provenait de Saint Augustin. Pour ce dernier, « la femme a été créée pour remplir tout simplement le rôle d’auxiliaire dans la génération; son rôle physiologique la subordonne et l’infériorise face à l’homme. Le corps de l’homme, lui ne crée pas la moindre infériorité contrairement à celui de la femme27 ». Pour les théologiens et les prédicateurs, la faute commise par Ève en plus de sa nature faible et inférieure sont suffisantes pour justifier la domination des hommes sur elles. Le dernier argument permet sans aucun doute de relier la femme à la sorcellerie puisqu’il la rendait responsable de la chute de l’homme. La femme était la tentatrice par excellence. Clément d’Alexandrie, considéré comme l’un des Pères de l’Église, démontre très bien l’idée que la femme pouvait devenir une tentatrice. En effet, la femme « ne doit, en aucun cas, parer son corps, mais son âme seulement28 ». Alors, il est impossible pour la femme d’orner quoi que se soit sinon elle est considérée comme une tentatrice au service de Satan afin de faire dévier l’homme de sa vertu. De plus, il y a Tertullien29 qui selon son traité (De cultu feminarum) explique très bien pourquoi la femme était tentatrice ainsi que son lien avec Satan. Notamment, son traité « est de démontrer que la toilette dresse la femme contre Dieu; elle déforme et dénature son œuvre; elle incite à l’impureté; elle tente le prochain (l’homme) et, surtout, elle rappelle la perversité d’Ève 26 Patrick Snyder, Les représentations de la femme dans le discours religieux du XIIIe au XVe siècle : une cause de la chasse aux sorcières?, Mémoire de maîtrise, Université Sherbrooke, 1993, p.23. 27 Patrick Snyder, Représentations de la femme et chasse aux sorcières, XIIIe-XVe siècle : lecture des enjeux théologiques et pastoraux, Saint-Laurent, Fides, 2000, p.58. 28 Ibid., p. 60. 29 Tertullien est considéré au même titre que Saint-Augustin, Clément d’Alexandrie, Origène, Jean Chrysostome. 8 et sa faute30 », en plus de son lien inévitable avec Satan. Par conséquent, en fonction de leur profonde croyance envers ces arguments, les théologiens et les prédicateurs les ont utilisés pour déprécier autant la valeur que la représentation de la femme. C’est pourquoi Henry Institoris et Jacques Sprenger vont créer le traité qui va déclencher la chasse aux sorcières. HENRY INSTITORIS ET JACQUES SPRENGER : LE MALLEUS MALEFICARUM Le traité Malleus Maleficarum est celui qui a eu le plus d’influence sur la chasse aux sorcières. En effet, les auteurs ont appuyé leur traité à l’aide de sources reconnues, ne permettant ainsi aucune critique négative. Ils ont justement écrit ce traité afin de démontrer par des sources indiscutables que les sorcières étaient belles et bien réelles et que ce phénomène touchait majoritairement les femmes dues à leur condition. Henry Institoris et Jacques Sprenger, partaient du principe que les sources qu’ils avaient utilisées ne pouvaient qu’apporter le Salut de l’homme. Toutefois, on constate qu’elles sont toutes empreintes d’une tendance misogyne, ce qui à l’époque des sources respectives utilisées était tout à fait normal, puisque la société mettait l’homme au premier plan. De plus, Sprenger était convaincu de son traité puisqu’il y avait un segment de l’Exode (Ex 22,17) qui corroborait ses croyances : « tu ne laisseras pas en vie la sorcière dans la terre d’Israël […] car elle est l’épouse infidèle. Plus que tous, elle a profité de l’étonnante permissivité de Dieu pour bafouer sa dignité31 ». Les auteurs expliquent que l’utilisation de la torture est plus que nécessaire afin d’obtenir des aveux des sorcières et de leurs participations au sabbat. Ils vont justifier l’utilisation de la torture comme un devoir à accomplir. En effet, « c’est pour leur aveu enfin qu’il ne reculera même pas devant la question de la torture32 ». C’est pourquoi ils ne cherchaient « pas à connaître la vérité qui est en réalité, [ils cherchaient et devaient] chercher à faire 30 Patrick Snyder, Les représentations de la femme dans le discours religieux du XIIIe au XVe siècle : une cause de la chasse aux sorcières?, Mémoire de maîtrise, Université Sherbrooke, 1993, p.28. 31 Henry Institoris et Jacques Sprenger, Malleus Maleficarum : Le Marteau des Sorcières, Trad. du latin par Amand Danet. Grenoble, Jerome Million, Coll. « Atopia », 1990, p. 57. 32 Institoris et Sprenger Ibid., p. 59. 9 dire la vérité qu’ [ils savaient] déjà33 ». Les inquisiteurs étaient convaincus que les sorcières existaient belles et bien parmi eux et qu’elles étaient les causes des maux sociaux. Ce qui confirmera les convictions des auteurs sont les deux bulles soit celle du Pape Jean XXII : super illius specula en 1326 et celle du Pape Innocent VIII : summis desiderantes affectibus (1484). La première avait pour objectif la confirmation du « lien qui unissait pour plusieurs siècles la sorcellerie à l’hérésie34 ». La seconde donnait les pleins pouvoirs aux inquisiteurs afin de régler la question des sorcières par leur exécution sur le bûcher. LES PRÉDICATEURS Les prédicateurs étaient avant tout d’excellents orateurs et leur principale fonction était la lutte contre le diable35. Néanmoins, pour devenir prédicateur ils devaient faire la fréquentation de l’Alma Mater et, bien entendu, d’une faculté théologie et ce pendant de nombreuses années, est de mise […] Un prédicateur avéré a été reconnu comme bachelier entre vingt et trente ans approximativement; sa licence il l’a obtenue probablement entre trentecinq et quarante ans parfois plus.36 En plus d’être le soldat de Dieu, le prédicateur était un vulgarisateur public de la parole de Dieu soit, des Saintes Écritures. De plus, selon l’historique de la représentation de la femme, les prédicateurs ont simplement renforcé ce que la population locale savait à propos de la femme tentatrice et de l’éternelle pécheresse. Dans le phénomène de la chasse aux sorcières, les prédicateurs ont joué un rôle très important puisqu’ils ont propagé des propos à tendance misogyne à la population. C’est pourquoi ils doivent être inclus dans les nombreux facteurs qui ont fait en sorte qu’on a chassé les sorcières. 33 Institoris et Sprenger op. cit., p. 66. Patrick Snyder, Les représentations de la femme dans le discours religieux du XIIIe au XVe siècle : une cause de la chasse aux sorcières?, Mémoire de maîtrise, Université Sherbrooke, 1993, p.101. 35 Ibid., p. 59. 36 Ibid., p. 58. 34 10 CONCLUSION La chasse aux sorcières n’est pas un phénomène qui s’est passé sans raison puisqu’il s’agit d’un amalgame de facteurs qui ont fait en sorte qu’il y a eu cette chasse. La sorcière est originaire de croyances païennes qui se sont transformées avec le temps mais aussi à cause de l’Église catholique. En effet, l’Église catholique a essayé de les supprimer soit en les convertissant ou bien en les rendant hérétiques. La sorcellerie est considérée comme hérétique par une bulle papale puisqu’elle est associée au démon. En effet, les sorcières sont accusées : de pactiser avec les démons, d’apostasie et d’assister au sabbat où Satan donnerait ses directives pour répandre le mal. Les théologiens du Moyen Âge ont utilisé plusieurs sources telles que : les philosophes grecs (Aristote et Platon), la Bible et même les Pères de l’église afin de démontrer que la femme était plus encline que l’homme à suivre le chemin de la sorcellerie. À l’époque des philosophes grecs, chaque sexe avait une raison bien définie expliquant son rôle. L’homme était vertueux et sage par nature ce qui était tout le contraire de la femme, car la femme était destinée à enfanter pour assurer la lignée du mari. Quant à la Bible, le récit de la création d’Adam et d’Ève a des tendances misogynes parce que Dieu a créé Ève à partir d’Adam en plus de créer Adam en premier. Selon la mentalité de l’époque ces deux faits sont suffisants afin de justifier que la femme était faible et qu’elle était plus attirée vers la sorcellerie que les hommes. De plus, il y a un énoncé biblique qui permet de comprendre pourquoi les théologiens du Moyen Âge avaient une mentalité où l’homme était supérieur à la femme : « et il dominera sur toi ». Puis, les Pères de l’Église ont simplement été de leur temps, soit dans une société où la femme était régie par son rôle sexuel et une mentalité où l’homme était supérieur. Alors leurs traités sont dans la même lignée que les philosophes grecs et que le récit de la création de l’homme puisque la situation des femmes n’a pas changé. Le Malleus Maleficarum (le marteau des sorcières) est le traité qui a eu le plus d’influence sur la chasse aux sorcières parce qu’il permettait d’expliquer pourquoi les sorcières étaient plus souvent des femmes que des hommes. Les auteurs du marteau des 11 sorcières ont utilisé des références dignes de nom comme : la Bible, les philosophes grecs tels qu’Aristote et Platon ainsi que les Pères de l’Église. Alors, les références de Henry Institoris et Jacques Sprenger ont une tendance misogyne en plus d’être à une époque où la femme était mal considérée, ce qui explique pourquoi ils ont une telle opinion de la sorcière et par le fait même de la femme. Les prédicateurs sont ceux qui ont fait circuler par des sermons les messages bibliques. Ils sont ceux qui ont confirmé que la femme était un être inférieur à l’homme par des discours misogyne. De plus, ils sont ceux qui ont accablé les sorcières d’être responsables des malheurs sociaux. Alors en conclusion, il est possible de dire que la chasse aux sorcières est due à la conjonction d’une multitude de facteurs depuis l’antiquité, pour aboutir et éclater Au cours les trois derniers siècles du Moyen Âge. C’est pourquoi, la chasse aux sorcières était malheureusement un événement prévisible puisque les femmes furent transformées en souffre douleur et, ainsi, accablées des nombreux maux d’Europe de l’époque. Alors, comme prochaine approche de recherche il faudrait s’attarder sur l'impact de la chasse aux sorcières sur l'évolution de la condition ainsi que de la représentation de la femme à travers l'Europe à l'époque de la renaissance. 12 BIBLIOGRAPHIE VOLUMES BOLOGNE, Jean Claude, Du flambeau au bûcher : Magie et superstition au Moyen Age, Paris, Plon, 1993, 329 p. INSTITORIS, Henry, Jacques SPRENGER, Malleus Maleficarum : Le Marteau des Sorcières, Trad. Du latin par Amand Danet. Grenoble, Jerome Million, Coll. « Atopia », 1990, 603 p. LEA, Henry Charles. Histoire de l'Inquisition au Moyen-Age, Trad. de l'anglais par Salomon Reinach. Paris, éd Jérôme Million, 1990, (éd. ang., 1887),vol 3, 939 p. MUCHEMBLED Robert, dir. Magie et sorcellerie en Europe : du Moyen Age à nos jours, Paris, Armand Colin, 1994, 335 p. NORMAN, Cohn. Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen Âge : fantasmes et réalités, Coll. « Bibliothèque historique », Trad. de G. Fain et de M. Angeno. Paris, Payot, 1982, 317 p. SNYDER, Patrick. Les représentations de la femme dans le discours religieux du XIIIe au XVe siècle : une cause de la chasse aux sorcières?, Mémoire de maîtrise, Université Sherbrooke, 1993, 126 p. SNYDER, Patrick. Représentations de la femme et chasse aux sorcières, XIIIe-XVe siècle : lecture des enjeux théologiques et pastoraux, Saint-Laurent, Fides, 2000, 123p. ARTICLE DE PÉRIODIQUE FRIJHOFF, Willem, Sorcellerie et possession : du Moyen Age aux Lumières, Revue d'histoire ecclésiastique, vol. 95, n° 3, 2000, p. 112-142. LALIBERTÉ, Micheline, Religion populaire et superstition au Moyen Âge, Théologiques, vol. 8, n° 1, 2000, p. 19-36. 13