Moi, 12 ans, 1m40, 38 kg… Pape de la mode
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Moi, 12 ans, 1m40, 38 kg… Pape de la mode
Moi, 12 ans, 1m40, 38 kg… Pape de la mode Kiddie couturier, teenage designer, nouveau Mozart de la mode… Les expressions se multiplient pour tenter d’englober différents parcours avec un même point commun : ils ont moins de 20 ans mais ont déjà leur propre label, confiance en eux et une ambition bien campée de remplacer Karl dans les cas extrêmes. Ils sont plusieurs, avec des parcours qui mériteraient une analyse personnalisée à chaque fois mais au fond, toujours presque la même chose me dérange avec ces enfants si vite plébiscités… Enfants fashions 2.0 Kate Moss et sa fille C’est une vilaine tendance qu’ont les people à faire de leur rejeton une nouvelle icône fashion. Comme on le sait, la beauté et le style c’est génétique donc dès le plus jeune âge, on se doit d’être stylé. Qui a déjà vu une photo de Suri Cruse ou de la fille de Kate Moss en train de jouer ? Comment ça c’est pas normal ? Mais justement, c’est tellement ennuyeux d’être normal. Et pourtant, ça fait froid dans le dos, ces enfants habillés des désirs de leurs parents…même si ça ne date pas d’aujourd’hui ! Marie-Antoinette et ses enfants, par Elisabeth Louise Vigée-LeBrun Ces « jeunes » (choisissons le terme le plus neutre possible) revendiquent un besoin d’expression, et ont pour la plupart un réel talent. Parlons du Style Rookie, le blog de Tavi Gevinson aux Couture Camp (la nouvelle version de la colonie de vacances, trop stylée). C’est un phénomène assez concentré aux USA ou Grande-Bretagne, au point que des articles dans le Guardian ou le NY Times leurs sont consacrés. A quand la révélation française? N’est pas le Mozart de la mode qui veut… Tavi Gevinson – image extraite de www.elle.fr On est un génie ou on ne l’est pas, certes. Mais on peut aussi être un génie et brûler ses ailes en cours de vol. Les enfants dits surdoués, n’ont pas plus de chance de réussir leur vie si leur épanouissement n’est pas harmonieux. Même chose donc quand on est un petit génie de la mode. Au final, plus qu’une véritable vague de talents précoces hors-normes, ce qui leur permet de se démarquer de leurs aînés, c’est certainement maitriser une certaine culture web, d’avoir accès très facilement aux outils pour se lancer, et un certain art de la mise en scène. En toile de fond, on imagine trop facilement des parents conciliants, admiratifs…voir manager. Car l’enfant roiorgeuil-suprême-des-parents n’est jamais loin derrière les talents précoces du show-biz. Cf, le cas de ce bon vieux Wolfang (Amadeus Mozart), RIP. Et tout comme les plus grands se sont émancipés de leur maison mère, qui leur a appris et donné du crédit, nos kiddies devront s’émanciper de leurs parents pour être complètement crédibles. Et ça, ça s’acquiert en grande partie avec l’âge. Il faut tout de même reconnaître que, manifester un tel désir de créer et de travailler c’est manifester une forme de maturité qui peut être dure à assumer. Teenage dream : pseudo moralité de l’histoire Si quelques uns sortent du lot de tous ces jeunes éperdus de mode, ils auront à tenir sur le long terme et faire preuve de créativité. La mode n’est pas qu’un monde tout rose paillettes. Il est nécessaire de cumuler les savoirs pour vraiment se faire une place. Surmédiatiser une bande de happy few qui ont la chance d’avoir eu les bonnes fées au-dessus de leur berceau (explication bourdieusienne à l’appui), c’est oublier la situation de créateurs au combien talentueux qui n’arrivent pas à vivre de leur art. Capter l’air du temps s’apprend au fil du temps et surtout aves des expériences personnelles, ce qui nécessite peut-être de ne pas s’enfermer si jeune dans un rythme de création trop élevé et prendre le temps de profiter d’être un enfant. Ajoutons que si le personnage est aussi une composante essentielle de la griffe, certains ont quelques progrès à faire en matière de modestie : Espérons simplement qu’à l’image d’Olive héroïne du film magique « Little Miss Sunshine », ces petites têtes blondes et bien remplies s’amusent et ne se prennent pas trop au sérieux ou la chute sera dure… Apolline Bazin