La Casa Nicaragua de Liège: A la rencontre des étudiants boursiers

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La Casa Nicaragua de Liège: A la rencontre des étudiants boursiers
La Casa Nicaragua de Liège:
A la rencontre des étudiants boursiers
Bien ancrée et jouxtant les pavés d’une pente abrupte de Liège depuis 23 ans, la Casa
Nicaragua est une de ces maisonnées chaleureusement ouverte sur le monde. Lieu
interculturel incontournable du tissu associatif en Cité Ardente, investie par des
bénévoles, la Casa (officiellement asbl «Pierreuse et ailleurs») participe à la vie et aux
luttes sociales du quartier et de la ville ainsi qu’à celles de certaines régions du Sud,
principalement au Nicaragua. Les activités et fêtes qui y sont proposées permettent
surtout d’alimenter le soutien à différents projets communautaires dans la région de
Somoto et de Cusmapa au nord-ouest du Nicargua. Rencontre avec Eric, une des
chevilles ouvrières qui nous parle de la Casa, de ce petit pays d’Amérique latine et des
relations d’amitiés tissées là-bas, notamment au travers du projet Nica Beca qui
soutient des étudiants boursiers sur place. Et lorsque vient l’heure du dernier mot à
faire passer, l’homme ému se sent quelque peu gêné car il le trouve un peu mièvre. Ce
qui n'est pas mon cas tant je perçois son message comme un cri du coeur qui sonne
aussi fort que n’importe quel coup de gueule!
Peux-tu nous expliquer comment est née la CASA NICARAGUA?
Je m’y investis régulièrement depuis 2005 mais la Casa Nicaragua existe depuis 1986.
Au départ, c'est une histoire personnelle qui, rapidement, deviendra collective. Odette Goffard,
diplômée en langues romanes s’intéressait beaucoup à l’Amérique latine au tournant des
années '70-'80, au moment de la révolution sandiniste au Nicaragua. Ce pays qui avait subi
l’oppression des sociétés agro-exportatrices étrangères et principalement étasuniennes depuis
le début du siècle voyait la dictature en place depuis 1936 être renversée par les Sandinistes.
En Amérique latine, cette deuxième révolution après Cuba était porteuse d'un espoir énorme.
Sous le charme, Odette, jeune professeur d’espagnol, partit là-bas au début des années '80.
Elle tissa rapidement des liens avec la femme du premier bourgmestre sandiniste d’une petite
ville du nord, Somoto. C'est à Managua où tous les organismes affluaient qu'on lui avait
conseillé d’aller vers le Nord, plus isolé.
Là-bas, dans la petite ville de Somoto, elle a soutenu un projet d’école et est devenue amie
avec la directrice. Avec un groupe d'amis belges, s'est mis en place un soutien économique
aux écoles, à des constructions de puits, de bâtiments, de petits projets communautaires dans
les villages.
Dans les années '80, l'aide au Nicaragua venait de petits soupers solidaires. C’était assez
limité. Tout a pris de l'ampleur avec l'ouverture de la Casa Nicaragua en 1986.
Le soutien est devenu plus conséquent et plus régulier dans les villages et l'aide aux écoles
s'est transformée en bourses d'études.
Quelques années plus tard, Odette a rencontré Angela Centeno, coordinatrice d’une ONG qui
s’appelle Unicam (Universidad Campecina, en français Université Paysanne). Elle est alors
partie vers Cusmapa, une ville retirée dans la montagne. C'est ainsi que depuis 15 ans, nous
soutenons des projets de développement communautaires à Cusmapa. Le groupe des bourses
s’est développé en parallèle. Nous suivons maintenant une quarantaine d’étudiants.
Lors du tremblement de terre qui a secoué Liège en 1983, tout le pan de maisons de la rue
Pierreuse où se trouve aujourd'hui la Casa Nicaragua était voué à être démoli. Suite aux luttes
et aux mobilisations citoyennes, sous l’impulsion de Germain Dufour, la maison nous a été
remise par la ville de Liège avec un bail d’auto-rénovation. En contrepartie, les bénévoles ont
rénové la maison qui sert maintenant de centre culturel.
Tout ça a pris du temps. En 2006, la réfection du deuxième étage a permis d'accueillir le
magazine Imagine entre autres. Depuis toujours, tout a reposé uniquement sur du bénévolat.
Et pourtant, nous avons en moyenne une activité par semaine!
Quelles étaient les valeurs que le collectif de départ défendait et qui ont donné
l’impulsion au projet? Qu’en reste-t-il dans le contexte actuel, étant donné l’évolution et
les réalités changeantes? Que développez-vous dans et au travers de cette maison que
vous souhaitez «chaleureuse et ouverte sur le monde»?
Au départ, l’idée était de faire de la Casa Nicaragua un lieu ouvert en permanence mais ça
s’est avéré compliqué. Il aurait fallu des permanents or le bénévole a ses limites.
Je distingue le bénévole du volontaire. Ici, il y a un groupe de 7-8 volontaires qui prennent les
initiatives et dirigent cette «petite entreprise». Après, il y a les bénévoles qui donnent des
coups de main ponctuels. C’est à la fois un endroit culturel et en même temps un endroit de
fêtes. Celles-ci font souvent carton plein. Le succès des soirées d'information et de
sensibilisation est plus modeste. Par exemple, nous avons du mal à trouver des parrainages
pour les étudiants boursiers nicaraguayens.
Que se passe-t-il ici plus concrètement? Chaque fois qu’il y a une activité, il y a un repas que
nous voulons en lien avec le thème de la soirée. Nous essayons au maximum de recourir à la
production locale et bio tout en maintenant un prix accessible. On cherche l'équilibre car on
doit aussi générer des bénéfices pour envoyer au Nicaragua. Les soirées se déclinent sous
plusieurs thèmes: cabarets chansons françaises, scènes ouvertes, concerts de musiques du
monde, conférences organisées en liens avec d’autres associations comme ATTAC, le
CADTM, le Centre Culturel chilien, arabe, etc. Par exemple, l’espace culturel alternatif
Barricade juste à côté nous informe du passage de l’un ou l’autre journaliste ou écrivain ou
autre personne qui peut venir nous parler de problématiques diverses ou de luttes de
populations marginalisées. Cela donne lieu à des conférences, projections, rencontres, débats,
etc. Nous mettons aussi nos locaux à disposition d’''Annoncer la Couleur'' pour les formations
qu’ils proposent. Nous avons aussi au premier étage la «Sudothèque», centre de
documentation dont font partie plusieurs associations et qui proposent des activités de
sensibilisation. On fait aussi des soirées au profit d'autres causes.
Même si l’accent est clairement mis sur les rapports nord-sud, nous n’oublions pas le nord
pour autant. A la fête du 1er mai, nous travaillons avec les syndicats et installons notre stand,
nous participons aux festivals Tempo Color et 100 Visages, au Festival Voix de femmes. En
fait, la vie à Liège est la préoccupation principale de la Casa Nicaragua. Pendant longtemps,
Odette fut la seule personne à aller au Nicaragua. A présent, j’y vais aussi régulièrement.
Comment répartissez-vous l’argent collecté?
L’argent que nous récoltons, après avoir payé les charges de la maison, est envoyé au
Nicaragua. Nous y avons deux projets qui sont intimement liés et ont grandi conjointement.
Celui de l’ONG Unicam. - L'Unicam qui fait partie de l’Insfop (El Instituto de Formación
Permanente) qui a trois lignes directrices. Un, les projets communautaires dans les
campagnes via l'Unicam, deux, les actions avec les jeunes de la rue dans les zones
périurbaines et trois, le travail de communication.
L'Unicam emploie 12 personnes. Leurs actions touchent plus ou moins 1000 familles dans une
cinquantaine de villages de différentes provinces (nous soutenons les projets dans deux
d’entre-elles, Cusmapa et Somoto). L'Unicam forme les petit agriculteurs dans les villages. Elle
met sur pied des jardins potagers familiaux, des banques de semences communautaires, des
réserves à grains, des systèmes d'irrigation et renforce l’organisation sociale des villages. Elle
forme des leaders qui relaient son travail et organise des tournées d'échange en appliquant la
méthode de formation dite de ''paysan à paysan''. Elle leur enseigne les techniques agricoles
et tentent de changer les mentalités pour qu'ils puissent tirer au mieux profit de leurs propres
ressources. Les priorités de l'Unicam sont l'autonomie alimentaire et la participation des
femmes.
Le deuxième projet est celui des bourses d'études (Nica Beca), - beca veut dire bourse en
espagnol.
Peux-tu nous détailler un peu plus le projet Nica Beca qui consiste à soutenir des
étudiants boursiers au Nicaragua?
En fait il y a trois groupes.
Le premier groupe est né de l’amitié d'Odette avec Doña Paquita, la femme du bourgmestre de
Somoto. Ils soutenaient les écoles jusqu'à l’arrivée des libéraux au pouvoir. Les programmes
scolaires étant bouleversés et n’étant plus d’accord de soutenir les écoles dans ces
circonstances, nous avons commencé à soutenir les étudiants de manière individuelle, ce qui
était d’ailleurs un peu plus délicat au départ.
Le deuxième groupe démarre avec la création d'une librairie par l'Institutrice Isabelle dans le
village d'Uniles.
Le troisième groupe s'est développé à travers l’Unicam et les enfants de certains paysans
promoteurs des projets de l'Unicam.
Actuellement, nous avons 40 étudiants. Les études sont de différents types.
Nous soutenons les études secondaires de manière à assurer la formation de base car dans
les villages il n’existe que des écoles primaires. Les jeunes doivent prendre un bus pour aller à
l'école de la ville voisine. Ca nous semble dérisoire mais avec 10 euros par mois, le jeune va
pouvoir payer le bus. Ca change tout pour lui car sans ces 10 euros il ne peut se rendre à
l'école!
Ensuite, nous soutenons des petites études comme celles d’infirmiers ou d’instituteurs. Pour ce
faire, ils ont besoin de 25 euros par mois environ. C'est très utile car dans les villages,
beaucoup d'instituteurs n'ont pas été formés.
Nous soutenons aussi certaines études techniques et agricoles. D’autres portent sur des
métiers manuels qui leur permettent d’avoir un atout supplémentaire et d'être employés à
gauche et à droite durant les saisons de trêve agricole. Il faut savoir que le pays fonctionne
beaucoup avec l’économie informelle et le travail de la terre. Il y a un taux de sans emploi de
75%, donc c’est possible d’être engagé pour des petits boulots.
Enfin, nous soutenons tout le volet des études universitaires, principalement celles d’ingénieur
agronome. Là, on monte dans les 50-60 euros par mois. Une fois formés, ces étudiants
peuvent ensuite travailler pour les ONG présentes et sont donc moins tentés par l'émigration.
On a aussi un sociologue, un architecte, un médecin…
Concrètement, comment fonctionnent les parrainages?
Il peut y avoir des dons ponctuels mais ce qui est le plus intéressant ce sont les ordres
permanents qui pérennisent l'aide. On ne se rend pas compte, mais une petite somme
par mois équivalente à un cd ou bouquin ici, c’est une garantie pour un mois d’études
là-bas. Et puis quand on soutient un étudiant parti pour 4 ou 5 années d’études, on ne
peut pas l’abandonner en cours de route. C’est pour cette raison que nous appelons les
gens à aller vers un ordre permanent.
Vu notre statut à la Casa, nous n’avons pas d’agrément pour l’attestation de déduction fiscale.
Mais nous avons un compte chez Oxfam qui permet au donneur de récupérer 40 % des
versements à la fin de l’année. Mis à part 2 ou 3% de frais administratifs, tout l’argent est
investi au Nicaragua. Nous avons 5 bénévoles qui coordonnent les groupes. Donc, les frais
supplémentaires sont très limités.
Nous avions envisagé l’idée de demander aux étudiants diplômés de soutenir un étudiant mais
ce n'était pas réaliste car les salaires sont très bas et ils aident déjà leurs familles.
Chaque étudiant signe une charte: il s’engage à rendre ses notes, à obtenir 70 %, à ramener
ses notes de frais comme le minerval et autres fournitures.
Le suivi est primordial, vu les tentations générées par la situation économique précaire. Nous
vérifions s'ils ne bénéficient pas d'une autre bourse. C’est du sérieux.
Une sélection au départ est nécessaire. Son application a été murement réfléchie.
Nous soutenons les écoles publiques et les carrières en lien avec le besoin du jeune et les
débouchés.
Lorsque le jeune vient solliciter une bourse, les choses sont mises au clair. Il reçoit conseil et
orientation. Ensuite, c'est à lui d'effectuer les démarches d'inscriptions et fournir tous les
documents au coordinateur. On constate assez vite si l'étudiant a un réel désir d'étudier ou
pas.
Ce n’est pas toujours gai pour Angela ou Isabelle ou Janet, une autre coordinatrice car elles
sont perçues comme sévères mais c’est nécessaire sinon cela risque vite de dériver. Une fois,
j'ai vu Angela dire à un comité de village: «quand je reviens dans dix jours, si telle ou telle
chose n’est pas en place, je retire toute aide…». Nous tenons à garder notre crédit et dans le
même temps, à être motivés par les résultats que nous obtenons.
Depuis l'existence du projet Nica Beca, êtes-vous capable de mesurer les effets?
Au début, j’étais réticent à cause du coût par étudiant. Je prônais plutôt des interventions
collectives comme les banques de semences ou la construction de puits communautaires car à
court terme, avec une même somme d'argent, on touche beaucoup plus de personnes.
Mais j’avais sous-estimé l’impact au niveau du développement humain
Maintenant je suis convaincu de la pertinence de soutenir les deux projets mais il nous faudrait
plus d’argent.
C'est vrai, la bourse d'étude est moins visible qu’un puits. Je ne peux pas lire sur ton visage si
tu as fait des études ou pas, mais c’est la somme de tes actes tout au long de la vie qui auront
des conséquences énormes. D’abord, le boursier, une fois diplômé, va s'épanouir puis aider sa
famille, ses frères et sœurs dans leurs études. Il prend des initiatives qui influencent le
voisinage. Il sort du conservatisme, de la passivité. J’avais aussi très peur de l’émigration mais
mis à part deux cas précis, les études ont plutôt renforcé leurs racines que donné envie
d'émigrer. Il y a eu une réelle prise de conscience.
Peux-tu nous parler de ce pays et des réalités vécues par sa population et de la
nécessité d’y développer un tel projet?
C’est un pays qui a l'héritage classique des pays pauvres et sous développés. Dès le milieu du
19ème siècle, il y a eu le début de la culture du café et ce qu’on appelle les monocultures
d’exportation, c’est-à-dire des cultures intensives d’une même denrée destinées à être
exportées aux Etats-Unis puis en Europe, etc. Les cultures du coton, de la banane, de la
canne à sucre… Tout cela a provoqué la destruction du pays au niveau agricole et démoli toute
l'organisation sociale. Les paysans se sont retrouvés sur des terres peu fertiles, ont perdu, de
génération en génération tout leur savoir. On se retrouve aussi avec beaucoup de gens dans
les villes où le taux d’emploi est très faible. Cela crée de la misère, c’est la débrouille et le
commerce informel qui fonctionnent mais pas pour tout le monde. Le pays évolue en fonction
des gens qui sont au pouvoir. Actuellement, c'est le parti sandiniste. Il y a de nombreux projet
dans les campagnes, des facilités au niveau des soins, des possibilités d’accès à
l’enseignement et aux hôpitaux. En tout cas, pour les petites maladies car lorsqu’il s’agit
d’autres plus conséquentes, on tombe dans le vide. Mais tout reste très insuffisant. L'ampleur
de la tâche est gigantesque, l'héritage de l'histoire est impitoyable. Par exemple, une de mes
amies là-bas est décédée il y a deux semaines, suite à des problèmes au foie. Elle avait 30
ans. J’ai appris que c'était grave trop tard, nous avons fait intervenir des médecins mais en
vain. Elle est décédée probablement par un manque de soins adaptés, nous ne saurons jamais
exactement. En l'an 1000 aussi, on mourrait à 30 ans d'une maladie qu'on soigne très
facilement chez nous. Ce triste épisode illustre aussi un autre héritage: le fatalisme des gens.
La pauvreté leur a appris à accepter les circonstances et l’histoire leur a montré qu’ils n’avaient
aucun pouvoir de faire changer le cours des choses. Cette famille a subi, aurait pu me
demander une aide économique mais ne l'a pas fait et maintenant la religion l'aide à accepter.
C’est là que je me dis que si cette fille avait pu avoir un frère entreprenant, elle n'aurait peutêtre pas perdu la vie.
Je me dis que nos bourses doivent aider à casser ce fatalisme dans les campagnes.
Tout ça aussi pour dire qu’il y a des tas de gens qui ne se soignent pas et se nourrissent très
mal et c'est normal pour eux.
Beaucoup vivent avec un euro par jour. L’espérance de vie là-bas est bien en deçà de nos 80
ans.
Il y a une dizaine d’années, beaucoup sont partis travailler au Costa Rica jusqu'à ce que les
frontières se referment, le quota de mains d’œuvre atteint. Ensuite, ce fut le Salvador et les
Etats-Unis qui maintenant referment aussi leurs frontières. Actuellement, la vague d’émigration
vers l’Espagne commence aussi à saturer. J’en connais là-bas qui n’y trouvent plus d’emploi.
Ces émigrations ont disloqué la vie sociale des familles.
Le Nicaragua ne repose pas sur un système répressif mais l'état est loin de remplir son rôle.
Quand je parle avec les gens de la commune, ils me disent qu’ils manquent cruellement de
moyens pour pouvoir répondre aux multiples demandes de la population. C’est un pays qui a
été pillé de ses richesses et continue de l'être. Par exemple, il y a énormément de ressources
de bois précieux, des morceaux vendus à 1 euro seront revendus 1000 euros en Europe!! Le
pouvoir politique est lié à corruption et au pouvoir économique et quel qu’il soit, il a toujours
plus ou moins les mains liées.
Tout cela n’enlève rien au fait que c’est un pays coloré où les gens souriants et accueillants
parviennent à dissimuler leur pauvreté. Quelqu’un qui mange des fèves et du maïs toute sa
vie, quand il a quarante ans tu ne le vois pas nécessairement…
Quel regard portent ces personnes sur la société en Europe?
Je crois que nos réalités sont comme des gros clichés. Ils pensent juste qu’il y a beaucoup
d’argent en Europe ou aux Etats-Unis. Il y a encore pas mal d’analphabètes en zone rurale.
Depuis 500 ans l'Amérique latine est en contact avec la culture chrétienne. Le résultat des
systèmes de valeurs et de pensées qui leur ont été imposés fait qu'il y a de nombreux points
en commun avec nous. Quand on parle l'espagnol, c’est assez facile d’avoir une bonne
communication avec eux, chose moins aisée en Afrique par exemple. Il n’y a pas de tourisme
dans la région où nous sommes, donc la nature des relations est plutôt saine et sincère. Dans
notre cas, les relations se sont construites sur des liens d’amitié. Angela est une amie d’Odette
au même titre que les 4 coordinatrices des bourses. Je retourne au Nicaragua parce que je
reçois beaucoup. Je ne suis pas un «élu» qui a y faire le «bien». Je suis allé là-bas, je me suis
bien senti, ils m’ont bien accueilli et j’ai vu qu’en soutenant les jeunes on pouvait ouvrir leur vie.
J’y vais car je pense qu’ils m’apportent beaucoup plus que ce qu’on leur apporte!
Toi qui voyages régulièrement au travers les projets en action directe, que peux-tu nous
apporter comme autre vision sur les relations Nord-Sud et les politiques d’aides au
développement, en rapport avec ce que mettent en avant les acteurs politiques et les
relais médiatiques?
Au niveau de la «macro-politique», la coopération est un business. C’est une manière de
donner de l’emploi aux Occidentaux, de se faire passer pour les bons, de se valoriser et de
faciliter l'encrage de nos entreprises. Tout est parfaitement orchestré. Mis à part les pays
émergents chez qui il y a eu des changements quoique très discutables, on fait en sorte que
cette masse africaine, du sud-est de l’Asie et de l’Amérique latine stagne et reste pauvre. Les
moyens dégagés pour les aider restent infimes. L'objectif d'investir 0,7 % de la part du PIB de
tous les pays industrialisés dans la coopération n’est absolument pas atteint. On n'est même
pas foutu d'atteindre un taux pourtant ridiculement bas. Aux Etats-Unis je crois qu’on en est à
0,1%. Sans compter que cet argent là sert aussi à payer les salaires des gens qui travaillent
dans la coopération, les dépenses de voyage avec les billets d’avions, les hôtels, les
déplacements, les primes de salaire, etc. On dépense aussi dans la promotion et des
campagnes de sensibilisation. J’ai déjà vu un documentaire à la Rtbf d'un projet de la
coopération belge au Congo, très belles images, belles paroles et en fin de compte le montant
qui arrivait à la population était à peine 4 fois supérieur à ce que nous, la Casa Nicaragua,
structure 100% bénévole, envoyons au Nicaragua!
Il y a quelques années, j’ai suivi une formation : « Intermédiaire en solidarité internationale''.
On nous formait à aller dans un pays de manière à pouvoir identifier les partenaires potentiels
et ce qu’il y avait lieu de soutenir en 10 jours! Ici, c’est tout le contraire. Je vais au Nicaragua,
je ne suis absolument pas rentable, je reste trois-quatre mois mais après ce laps de temps et
au fur et à mesure des années on voit des réalités et les gens qui nous disent des choses
qu’ils ne diraient jamais aux «coopérants». Dès lors, nous soutenons moins de projets mais la
garantie qu'ils aboutissent et se maintiennent est grande
La coopération a soutenu des projets qui ont beaucoup nuit. Les éléphants blancs en Afrique,
on a construit des voies de communications qui ne servent pas aux habitants mais à
acheminer des minerais, sans même prévoir des transformateurs pour alimenter les villages
traversés par des lignes électriques. Et on nous fait passer ça pour un projet de coopération.
Autre exemple, on installe un gros moteur dans un village pour acheminer l'eau jusque dans
les maisons des gens d'un village. Les gens ont de l'eau chez eux, ne doivent plus aller à pied
au puits mais doivent payer, puis le moteur tombe en panne et il faut repayer pour le réparer,
on coupe alors l'eau à ceux qui ne payent pas. Ces derniers vont chercher l'eau chez les
voisins qui refusent et puis c'est le bordel. Exemple d'un projet mal pensé et qui en fin de
compte amène plein de problèmes même s'il part d'une bonne intention.
On peut même aller jusqu'à considérer qu’un projet qui n’apporte rien mais qui ne nuit pas est
un bon projet. Non je vais trop loin mais c'est un peu ça quand même
Il y a aussi beaucoup de bons projets mais ils sont plus rares. La coopération à plus petite
échelle, plus indépendante fonctionne différemment mais manque souvent d'efficience,
j'entends par là que la proportion d'argent qui arrive au service des populations est vraiment
faible.
Nous, par exemple, on a une bonne efficience mais nous sommes tout petits.
Ceci dit, il faut beaucoup réfléchir, être à l'écoute des gens, observer et essayer de
comprendre car ils ne pensent pas comme nous. Souvent le projet doit venir de leur propre
initiative. Ensuite il faut rester présent, assurer le suivi, etc. Tout ça n'est pas évident.
Apportez-vous votre soutien à d’autres luttes dans des autres endroits du globe ?
C’est arrivé et cela arrive toujours de manière ponctuelle. Nous soutenons la cause
palestinienne, nous sommes liés au réseau de «Voix de Femmes». A travers eux, il y a eu le
réseau des mères d’enfants et femmes d’hommes disparus lors des années de répression en
Argentine dans les années 70-80, les guerres au Rwanda dans les années '90. Nous
soutenons le Mojoca qui est le mouvement des jeunes de la rue au Guatemala, d’autres luttes
au Chili…
Un autre message à faire passer? Un cri? Un coup de cœur?
Quand je vois ce que sont devenus les jeunes à qui nous avons octroyé une bourse
d'études, que je vois l’impact sur leur vie…c’est très difficile de faire passer ici ce qu’on
voit et vit là-bas… Lorsque je reviens du Nicaragua, je me dis que j'ai comme un devoir
de trouver comment les aider...je me dis allez si nous mettons 20 euros par mois, ça
nous fait quoi, un livre qu'on n’achète pas, une tournée dans un café en moins par
mois? Va-t-on vraiment le ressentir dans notre vie? Par contre au Nica, avec cette
somme, on change la vie d’une famille qui n’avait aucun horizon devant elle! Nous, à la
Casa Nica, nous avons les bons contacts au Nicaragua, tout est bien organisé, 25 ans
d'expérience et tout, nous gérons l’organisation, la partie relationnelle est solide, tout
est transparent…il manque juste l’argent pour pouvoir continuer. Nous avons besoin du
soutien via des ordres permanents, c'est l'idéal.
Adresse et contacts
LA CASA NICARAGUA (Asbl «Pierreuse et ailleurs»)
Rue Pierreuse 23 – 4000 Liège
0485/769 750 (Odette Goffard) ou 0486/551834 (Maggy Goffard)
Projet Nica Beca (soutenir des étudiants au Nicaragua)
Eric Delahaut (0486/846781)
Pour tout ordre permanent en direction des étudiants au Nicaragua
ou tout versement solidaire à l’asbl «Pierreuse et Ailleurs»
*N° de compte Oxfam–Solidarité: BE37 000-0000028-28
(Oxfam, rue des Quatre Vents, 60 – Bruxelles)
Avec la mention spécifique pour les bourses «NICA BECA»
Avec la mention «CASA NICA» pour les autres projets via Unicam
Exonération fiscale à partir de 40 euros par an.
*N° de compte de l'asbl ''Pierreuse et ailleurs'': BE96 068-2078300-05
(Rue Pierreuse, 23 – 4000 – Liège) – sans exonération fiscale.
Liens
Site de la Casa Nicaragua
http://casanica.org/
Vidéo «De unicam para Casa Nicaragua» http://video.google.com/videoplay?
docid=5811785493695794766#
Soutenir des étudiants au Nicaragua: le projet complètement détaillé sur le blog
Casa Nica Beca + vidéo de 24' http://casanicabeca.unblog.fr/
CID Inter J
Centre d'information et de documentation pour jeunes ASBL
Rue de France, 10
5580 Rochefort
Tel: +32 84 22 30 73
www.interj.be