Et moi et moi et moi - Vlaamse Club Luxemburg

Transcription

Et moi et moi et moi - Vlaamse Club Luxemburg
Culture
Expos
Page 30
Le Jeudi - 14 juin 2007
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
En bref
> A Esch-sur-Alzette: Radu Stanese (à la Kufa) et Doris Drescher (au Théâtre)
Et moi et moi et moi
Entre le travail fragile et
intimiste de Doris et celui,
fracassant, de Radu, rien à
voir. Sauf le corps: alchimie
mémorielle pour l'une,
point d'appui aliénant pour
l'autre.
perdu le goût. Une pincée de
Kafka, un doigt de cruauté façon
Artaud, une inadaptation et une
déformation inspirées de Bacon, et
voilà Radu Stanese – venu de l'Est
– qui toise l'existence, sens dessus
dessous.
Marie-Anne Lorgé
L'existence, c'est aussi la quête
de Doris Drescher, non pas cette
quotidienneté ambiante qui nous
assiège de toutes parts, non, mais
le testament qu'écrit tout homme
(ou femme) dès sa naissance.
Oui, le travail de Doris Drescher
sort du cadre – et pour cause, elle
parle d'un espace-temps qui scelle
les retrouvailles de l'enfance et de
l'au-delà. Oui, le travail de Doris
Drescher sort du cadre de la peinture – et pour cause, elle fabrique
des objets hérités de son histoire
personnelle, elle met en scène (et
en boîtes) des mythologies intimes, mêlant fils, tissus, photos,
dessins et écritures, elle hisse la
lenteur et le minuscule au rang de
la poésie, celle, suprême et divine,
qui improviserait les mondes. Bref,
le travail de Doris Drescher est
hors cadre. En 2001, dans la foulée
de sa participation à la 49e Biennale de Venise, à la faveur d'une
«Drescher-mania», l'encre a beaucoup coulé sur l'univers de Doris
(née en 1960 à Luxembourg). Un
univers d'immaculée conception,
d'une blancheur cotonneuse (un
blanc de linge ou de linceul). On a
beaucoup parlé d'un univers du
«presque rien», infusé de ce «je ne
sais quoi» qui cite la philosophie
de Vladimir Jankélévitch pour tenter d'expliquer la vie, ce secret
aussi indicible qu'improbable.
En tous les cas, pour son expo
eschoise, vu la contrainte des 3
étages d'exposition du Théâtre
d'Esch-sur-Alzette, Doris Drescher
a choisi de nous parler de sa «maison» (rien à voir avec 4 murs, tout
à voir avec les rituels d'amour –
une dînette, des jeux de chat ou de
poupée –, ces cailloux blancs qui
balisent notre trajectoire d'hier à
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
Radu Stanese est un artiste roumain, né en 1964 à Sibiu – invité
dans le cadre du programme Belles
Roumanies, il expose à la Kulturfabrik, galerie Terre Rouge Salzinsel,
jusqu'au 23 juin; la publicité est
son pain bénit et sa photographie
s'en réclame; en tous les cas, ses
vingt moyens formats couleurs
(traitements d'images léchés, logiciels insolemment retoucheurs)
accouchent d'un «politiquement
incorrect» aussi dérangeant que
sympathique, aussi urticant et jubilatoire qu'un slogan (ou bon
sens commun) affirmant «Je suis
lié par cinq sens. Non. Par le sexe».
Alors, oui, chez Radu, qui met en
scène son propre corps, le sexe est
un cerveau qui nous condamne à
mort.
Mais il n'y a pas que le sexe qui
soit montré du doigt, tous nos
sens sont malmenés, comme si
nous en étions prisonniers – les
barbelés, cordes, compressions,
bâillonnement par film de papier
ménage abondent dans ce sens.
En fait, le plus terrible, ce n'est pas
que nous soyons prisonniers de
nos sens, c'est que ceux-ci nous
abandonnent. En ces temps de
communication et de globalisation effrénées (tout va très vite,
très loin, en un simple clic de souris), c'est clair, l'individu (sa personnalité) n'a jamais été aussi bridé
(muselé, entravé). A en perdre le
sens. Lors donc, nos sens ont perdu
leur boussole – Radu se photographe en mutant, son œil a du flair,
son oreille a les crocs – et monde
(ainsi lu, vu ou vécu) n'en est que
plus absurde: pour le moins, il a
Fragile!
Phares et Pouilles
demain) en photos et à l'huile. Des
* Radu Stanese, «Convicted to
petites photos emboîtées (assorties d'objets révolus, réactivant les Senses», galerie Terre Rouge, Kulsensations oubliées ou refoulées) turfabrik, Esch-sur-Alzette,
et des grands formats couleurs, jusqu'au 23 juin, tél.: 55.44.93-1
lesquels disent en beauté la fini- ou www.kulturfabrik.lu.
Doris Drescher, «C'est comme
tude, lesquels traduisent la beauté
de toute finitude – l'artiste flot- ça quand je vois dans l'univers»,
tant, l'artiste couchée dans un dans les foyers du Théâtre d'Esch,
champ de pétales de magnolia: jusqu'au 22 juin, de lundi à sa«on peut toujours réciter la mort medi, de 15.00 à 20.00h.
des autres, mais
sa mort propre,
on la meurt toujours avec naturel»
(Jankélévitch).
Du blanc, dans
les huiles, bien
sûr, et du bleu
(aérien et liquide) et du rose
(de
gourmandise), soit: une
esthétique
de
l'harmonie, ou
un stéréotypique
siège des rêves,
ou un abécédaire
de l'enfance, ou
une
échappée
(faussement)
belle d'Alice au
pays des merveilles, c'est selon.
«La violence est
une force faible»,
écrit
Jankélévitch. Et Doris est
toute de fragilité.
Mais de fragilité toute apparente. C'est dire
sa violence intérieure. C'est dire
les maux qu'elle
tente de gommer, c'est dire les
effacements
qu'elle consume.
En fait de secret,
c'est le sien, intime et douloureux, que Doris
chercherait à su- Des sens qui perdent leur boussole selon le photographe roumain
Radu Stanese
blimer.
A Dudelange, aux anciennes aciéries (Hall Fondouq), Retour de Babel accueille du 16 juin au 1er
juillet les expositions des
artistes Linos, Pietro
Minò et Tonia Panaro organisées par l'association
ArtLinosMonopoli, en collaboration avec le collectif des associations italiennes.
Le vernissage de ces expos, le 16 juin à 18.00h,
sera accompagné de la
présentation du livre
d'Enrica Simonetti sur les
Phares d'Italie. Avec Linos
et Tonia Panaro, Pietro
Minò inaugure la semaine dédiée aux Pouilles (du mar. au dim. de
11.00 à 18.00h, le vend.
jusque 21.00h).
Borderline
Borderline est un projet
invitant des artistes internationaux à investir
des maisons de douane
abandonnées: Stand-byState, une vidéo de l'artiste Kalle Brolin et 475 figurines hybrides de Kristina Müntzing s'exposent
jusqu'au 9 juillet, à
l'agence Borderline à
Esch; et Backside, une installation (de dessins et
d'objets-souvenirs)
de
Luis Nobre, investira la
maison de douane de
Mondorf du 15 juin au 15
juillet.
«Shangri-la»
Tung-Wen Margue, artiste
luxembourgeois,
présente à Bruxelles, à la
Maison du Grand-Duché
de Luxembourg (av. de
Cortenbergh), des œuvres inspirées de ses divers séjours en Chine
(dont des peintures sur
papier journal édité en
langue chinoise). Du 15
juin au 6 juillet.
> «Migrations Luxembourg-Antwerp-America 1870-1930» au château de Larochette
Les Luxembourgeois et l'American dream
Si le Luxembourg est depuis le
milieu du XIXe siècle, une terre
d'accueil pour de nombreux
étrangers, il est parfois passé sous
silence que certains
Luxembourgeois dès 1873, ont
choisi d'immigrer, quant à eux,
vers les Etats-Unis afin d'échapper
à la misère ou pour accroître leur
fortune.
Aerato
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
En effet, plus de 70.000 luxembourgeois
soit un cinquième de la population à l'époque, ont ainsi répondu à l'appel des sirènes
du rêve américain et se sont embarqués à
partir du port d'Anvers sur les nombreux navires transatlantiques de la compagnie Red
Star Line afin d'aller tenter leur chance dans
le Nouveau Monde. Dans le cadre de l'année
culturelle placée sous le thème de l'immigration, l'ASBL Vlaamse Club Luxembourg
propose au château de Larochette, une exposition multimédia basée sur Antwerp Gateway to the World-Eugeen Van Mieghem
and the emigrants of the Red star Line déjà
présentée à Ellis Island et qui retrace l'his-
toire captivante de familles, parfois de villages entiers comme celui de Meysembourg
près de Larochette, qui ont migré vers les
Etats-Unis. En 50 tableaux et 5 sections, ce
sont toutes les phases préparatoires à ce
phénomène de migration luxembourgeoise
vers le nouveau monde qui sont abordées à
Larochette. De la préparation du départ avec
la vente des biens pour aider à payer le billet
de traversée jusqu'à l'embarquement sur les
quais anversois, l'exposition nous fait participer au périple de ces Luxembourgeois candidats à l'expatriation.
Nous apprenons ainsi que lorsque que le
phénomène connut une phase d'expansion,
les agences d'émigration pour les billets et
les visas se développèrent au Luxembourg
et devinrent même le monopole de la société Derulle-Wigreux & Sohn appartenant
à Jean-Joseph Derulle, d'origine belge et marié à une Luxembourgeoise, Marie-Françoise
Wigreux d'Altwies. Cette société représentait plusieurs compagnie d'armateurs et
possédait plusieurs hôtels à Luxembourg, à
Anvers et aux Etats d'Unis afin d'accueillir
les émigrants.
Nous découvrons également le fameux
Hypsospanorama, une carte de la ville d'Anvers réalisée en 1913 pour l'exposition Universelle de Gand qui présente en détails,
rues, grands magasins, restaurants et autres
bâtiments. Elle est ici accompagnée d'un
module interactif afin de mieux saisir le parcours des émigrants luxembourgeois depuis
la gare centrale de la ville jusqu'au port.
Le port et notamment le Rijnkaai, centre
névralgique de la Red Star Line, porte vers
une vie nouvelle pour les émigrants, est évoqué avec des reproductions d'œuvres de l'artiste anversois Eugeen Van Mieghem dont
les modèles et thèmes d'inspiration étaient
le petit peuple gravitant sur les quais du
port d'Anvers et les métiers liés à l'activité
portuaire.
Aller sans retour
D'autres panneaux évoquent quant à eux
plus précisément la vie des émigrants
luxembourgeois durant leur séjour à Anvers
dans les maisons d'hébergement dont l'hôtel du Luxembourg, exploité par leur compatriote Mathieu Thill, sis au n°44 de la Statiestraat. Enfin avant l'embarquement, les
émigrants subissaient un contrôle médical
dans les locaux de la Red Star Line afin d'éviter qu'une maladie soit diagnostiquée sur
Ellis Island et que ces derniers se voient refuser l'entrée sur le territoire américain, ce
qui aurait entraîné un retour coûteux aux
frais de la compagnie. Un récent projet envisage d'ailleurs de transformer les anciens
bâtiments de la Red Star Line en musée de
la migration.
La flotte à bord de laquelle s'embarquaient les Luxembourgeois est également
montrée. De l'Arabic au Westernland, tous
ces navires au nom évocateur ont transporté l'espoir en une vie meilleure de millions d'immigrés européens, et comme sur
terre, les contrastes sociaux étaient bien
perceptibles. En première classe, la traversée
s'effectuait dans un luxe tangible alors
qu'en troisième, on s'entassait dans des espaces réduits et mal aérés. Les nombreuses
photographies et documents d'époque sur
lesquels est basée l'exposition sont issus de
la collection de Robert Vervoort, mémoire vivante de la compagnie Red Star Line.
Bien que certains Luxembourgeois effectuèrent des aller-retour, moult d'entre eux
s'installèrent définitivement aux Etats-Unis
et fondèrent des communautés, lesquelles
font encore revivre ardemment leurs racines
luxembourgeoises, dans le Wisconsin par
exemple, grâce à la publication de revues
comme le Luxembourg news et dans le Minnesota avec le Rollingstone Luxembourg
Heritage Museum. Cet exode massif d'avant
la prospérité du Grand-Duché est parfaitement documenté dans cette petite expo et
rappelle que les Luxembourgeois, eux aussi,
ont été des étrangers quelque part.
* Jusqu'au 5 août. Tous les jours de 10.00
à 18.00h.