Comment traiter un goutteux... - Société Française de Rhumatologie

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Comment traiter un goutteux... - Société Française de Rhumatologie
Société Française de Rhumatologie
Les Publications sélectionnées
Revue du Rhumatisme 71 (2004) 860-864
Current management of gout in patients unresponsive or allergic to allopurinol
Thomas Bardin
Fédération de rhumatologie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré 75010 Paris, France
Reçu et accepté le 13 juillet 2004
Disponible sur internet le 16 septembre 2004
Résumé
La goutte peut être guérie par l’abaissement chronique de l’uricémie, qui permet la disparition des cristaux pathogènes d’urate de
sodium, sous réserve du maintien à vie d’une uricémie inférieure à 360 μmol/l. Depuis le retrait de la benzbromarone, l’allopurinol
est le seul médicament hypo-uricémiant facilement disponible en France et peut être en défaut lorsqu’il est mal toléré, ou
insuffisamment efficace chez l’insuffisant rénal où la posologie est limitée, ou encore contre indiqué, chez le greffé d’organe où la
prise d’antimétaboliques puriniques rend dangereuse sa prescription. Dans le cas d’une intolérance à l’allopurinol, les mesures
diététiques, l’arrêt d’un diurétique, l’utilisation de losartan ou de fénofibrate en cas d’hypertension artérielle ou de dyslipidémie
associées peuvent suffire au contrôle de l’uricémie. Ailleurs, la stratégie thérapeutique peut faire appel à une désensibilisation à
l’allopurinol, qui peut être essayée en cas d’intolérance cutanée mineure mais est délicate et peu employée, ou, si l’uricurie est
normale, aux uricosuriques. Le probénécide est disponible dans les pharmacies hospitalières ; la benzbromarone peut être prescrite
après avoir obtenu une autorisation temporaire d’utilisation. La rasburicase est une urate oxydase bactérienne, produite par génie
génétique, qui est indiquée dans la prévention de l’hyperuricémie aiguë déclenchée par les traitements chimiothérapiques des
hémopathies malignes. L’absence d’AMM, la nécessité d’une administration parentérale et l’absence de protocole validé en
restreignent les indications. Les efficacités insuffisantes chez les insuffisants rénaux sont une bonne indication de la benzbromarone.
Chez les greffés d’organe, on peut aussi utiliser la benzbromarone, dans ses conditions limitées d’utilisation actuelles, ou utiliser le
mycophénolate mofétil à la place des inhibiteurs hyperuricémiant de la calcineurine, ou encore remplacer l’azathioprine par le
mycophénolate mofétil, ce qui permet d’utiliser l’allopurinol sans danger.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
The manifestations of gout can be abolished permanently by lifelong urate-lowering therapy maintaining serum urate levels under
360 μmol/l, as this ensures dissolution of pathogenic crystals of monosodium urate monohydrate. Benzbromarone has been
withdrawn from the market, leaving allopurinol as the only urate-lowering drug readily available in France. Allopurinol may induce
unacceptable side effects, and in patients with dose-limiting renal failure it may not be sufficiently effective. Because allopurinol can
induce serious side effects when given concomitantly with purine antimetabolites, it is contraindicated in organ transplant recipients.
In patients who cannot tolerate allopurinol, dietary treatment, discontinuation of diuretic agents, and use of losartan or fenofibrate to
treat concomitant hypertension or dyslipidemia, respectively, may ensure adequate control of serum urate levels. Desensitization to
allopurinol can be attempted in patients with mild cutaneous hypersensitivity reactions but is difficult to perform and rarely used.
Uricosuric agents may be helpful in patients with normal or diminished urate excretion. Probenecid is available in France from
hospital pharmacies, and benzbromarone can be prescribed via a time-limited authorization procedure. Rasburicase, a bacterial urate
oxidase produced by genetic engineering, is indicated to prevent acute hyperuricemia induced by chemotherapy for hematological
malignancies. Factors that limit the use of rasburicase include the absence of a marketing authorization, the need for parenteral
administration, and the absence of validated treatment schedules. Patients with renal failure precluding the use of effective
allopurinol dosages are good candidates for benzbromarone therapy. Organ transplant recipients can be given benzbromarone,
within the current restrictions to its use; alternatively, mycophenolate mofetil can be substituted for calcineurin inhibitors, which
elevate serum urate levels, or for azathioprine, which contraindicates the use of allopurinol.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Goutte ; Allopurinol ; Hypersensibilité
Keywords: Gout; Allopurinol; Hypersensibility
La goutte reste, chez l’homme, le rhumatisme inflammatoire le plus fréquent en occident, où sa fréquence semble augmenter [1]. La
goutte est aussi en augmentation dans le reste du monde, sans doute du fait de la généralisation d’une alimentation riche en
hydrates de carbone, source d’obésité et d’hyperinsulinisme, qui diminue l’excrétion rénale d’acide urique. La goutte, liée à des
dépôts de cristaux d’urate monosodique dans les articulations, peut être guérie en abaissant l’uricémie en dessous de 360 μmol/l
(60 mg/l), ce qui permet la dissolution des dépôts cristallins [2]. Cela peut être obtenu, lorsque le régime ne suffit pas, par des
médicaments hypouricémiant, dont le plus utilisé, et actuellement le seul facilement disponible en France, est l’allopurinol,
inhibiteur purinique de la xanthine oxydase. L’allopurinol est un puissant inhibiteur de synthèse de l’acide urique, dont l’efficacité,
rapide et dose-dépendante, permet, à condition de le donner au long cours, de guérir la grande majorité des gouttes. Cependant,
l’allopurinol peut être en défaut, soit parce qu’il est mal toléré, soit parce qu’il n’est pas assez efficace, ou encore parce qu’il existe
quelques contre indications à son utilisation. Nous envisagerons ici les conduites à tenir dans chacune de ces situations, en tenant
compte des difficultés actuellement rencontrées dans la prescription des autres médicaments hypo-uricémiants.
1. Facteurs limitant la prescription d’allopurinol dans la goutte
1.1. Intolérances à l’allopurinol [3]
L’allopurinol, bien que généralement bien toléré, peut induire divers effets indésirables qui doivent faire interrompre le traitement.
Les complications neurologiques, à type de neuropathie périphérique tardive [3], ou de syndrome de Guillain-Barré [4] ou encore les
accidents hématologiques isolés, leucopénie ou thrombopénie [3], sont exceptionnels. Moins rares sont les intolérances cutanées, à
type de prurit ou d’éruptions, qui sont rapportées chez environ 2 % des patients traités, surviennent généralement trois semaines
après le début du traitement [2,3], et imposent l’arrêt définitif de l’allopurinol, dont la réintroduction expose à la survenue d’un
syndrome d’hypersensibilité. Le syndrome d’hypersensibilité est très rare mais grave : la mortalité y est de l’ordre de 20 % [2,3]. Il
associe, à des degrés divers, des signes cutanés sévères, pouvant aller jusqu’à un syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson, une
fièvre élevée, une atteinte hépatique, une insuffisance rénale, une hyperleucocytose et une hyperéosinophilie. Sa pathogénie est
imparfaitement connue mais fait intervenir un mécanisme immunoallergique et l’accumulation d’allopurinol, ou surtout de son
métabolite, l’oxypurinol. La réintroduction, même tardive, de l’allopurinol chez un malade ayant développé une intolérance cutanée
au médicament expose au syndrome d’hypersensibilité. L’utilisation de posologies élevées, ou la coexistence d’une insuffisance
rénale semblent favoriser la survenue du syndrome en augmentant la concentration d’oxypurinol. Hande et al. ont ainsi recommandé
de limiter la posologie quotidienne d’allopurinol en fonction de la clairance de la créatinine [5], et ces recommandations ont été
reprises par la commission d’autorisation de mise sur le marché (AMM) française et inclues dans le dictionnaire Vidal, bien que leur
utilité ait été contestée [6].
1.2. Ineffıcacité de l’allopurinol
Une diminution d’efficacité de l’allopurinol a été rapportée dans l’exceptionnel déficit en hypoxanthine guanine phosphoribosyl
transférase par perte du mécanisme de contrôle rétroactif de la purinosynthèse de novo. Mais c’est surtout la limitation de posologie
imposée par l’existence d’une insuffisance rénale qui peut occasionner une insuffisance d’efficacité du médicament. Perez-Ruiz et al.
ont ainsi montré que cette limitation de posologie de l’allopurinol ne permettait pas d’abaisser l’uricémie en dessous de 360 μmol/l
chez sept des 17 insuffisants rénaux modérés qu’ils ont traités [7].
1.3. Contre indications à l’allopurinol
Outre les intolérances, notamment cutanées, à l’allopurinol, les contre indications de cet hypo-uricémiant viennent de ses
interactions médicamenteuses. Celles-ci concernent les anticoagulants oraux, ce qui doit faire contrôler l’INR et adapter la posologie
d’antivitamine K ; la clorpropamide, avec risque d’hypoglycémie, surtout chez l’insuffisant rénal ; la téophylline, dont les
concentrations plasmatiques augmentent sous allopurinol. L’allopurinol inhibe partiellement le métabolisme de la vidarabine et
augmente ainsi le risque d’effets indésirables neurologiques, tremblements ou confusion, liés à cet antiviral. Mais c’est surtout
l’association à l’azathioprine et à la mercaptopurine qui pose problème dans le traitement de la goutte des transplantés d’organe.
L’allopurinol en inhibant le catabolisme de ces antimétaboliques puriniques augmente leur toxicité médullaire et induit un risque
important de complications hématologiques.
2. Conduite à tenir chez les goutteux intolérants à l’allopurinol
2.1. La survenue d’une intolérance à l’allopurinol doit d’abord faire s’interroger
sur la légitimité de la prescription de ce médicament
D’ailleurs, la grande majorité des accidents d’hypersensibilité à l’allopurinol concerne de mauvaises indications de l’allopurinol :
hyperuricémie asymptomatique surtout [3]. Le traitement par allopurinol n’est pas indiqué dans toutes les gouttes, mais, comme
cela a été rappelé récemment par la commission d’AMM, il est réservé aux gouttes sévères, c’est-à-dire récidivantes à court terme,
tophacées ou avec arthropathies uratiques, ou encore associées à une lithiase urinaire. Les mesures diététiques sont susceptibles de
faire baisser modérément l’uricémie et sont particulièrement indiquées dans le traitement des goutteux intolérants à l’allopurinol :
l’arrêt de la bière, et des alcools forts [8], l’amaigrissement progressif des obèses, qui permet de réduire l’hyperinsulinisme [9], sont
les points les plus importants du régime. Les fortes consommations de viande et de poissons qui augmentent le risque de goutte
[10] doivent être réduites, tandis que la consommation de laitages (écrémés en cas de surpoids) qui réduisent ce risque [10] est
encouragée. Les diurétiques thiazidiques, hyperuricémiants, doivent être arrêtés, ce d’autant qu’ils ont été accusés de favoriser la
survenue du syndrome d’hypersensibilité [3]. Parmi les antihypertenseurs que l’on peut utiliser à leur place, le losartan est
particulièrement intéressant dans ce contexte, car il est modérément hypo-uricémiant [11]. De même, en cas d’hyperlipémie, le
fénofibrate peut être prescrit, pour les mêmes raisons [11]. Son effet hypo-uricémiant paraît plus marqué à long terme que celui du
losartan et, chez quelques patients, sa prescription, sans association à l’allopurinol, a suffi au contrôle de la goutte [12]. Ces deux
médicaments, losartan et fénofibrate sont uricosuriques et ne doivent donc être prescrits que chez des goutteux sans antécédent
lithiasique et dont l’uricurie est normale. Le losartan, cependant, alcalinise l’urine ce qui pourrait réduire le risque de lithiase urique
théoriquement lié à son effet uricosurique.
2.2. Si ces mesures ne suffısent pas, plusieurs options restent possibles, qui
dépendent en partie de l’excrétion
urinaire d’acide urique
2.2.1. Si l’uricurie est normale, l’utilisation d’uricosuriques est logique, même si elle se heurte maintenant à quelques
diffıcultés pratiques
Deux uricosuriques ont été largement utilisés en France. Tous les uricosuriques induisent un risque de lithiase urique, qu’il faut
prévenir par des apports hydriques abondants et par le contrôle du pH urinaire, que l’on doit maintenir au-dessus de 6, en
alcalinisant si besoin les urines.
2.2.1.1. Le probénécide a été le premier hypo-uricémiant connu et sa découverte a ouvert une ère nouvelle dans
le traitement de la goutte.
L’abaissement moyen de l’uricémie est de 47%avec 2 g/j de probénécide, de 34%avec 1 g/j et de 28 % avec 0,5 g/j. Cependant, le
probénécide ne parvient à diminuer l’uricémie en dessous de 360 μmol/l que chez 60 % des goutteux et il est peu efficace en cas
d’insuffisance rénale [13–15]. La mise à disposition d’hypouricémiants plus puissants a fait tomber l’utilisation du probénécide en
désuétude en France, où il est cependant encore disponible dans les pharmacies hospitalières. Cet inhibiteur de la réabsorption
tubulaire d’acide urique a une demi-vie de 6 à 12 heures. Il est prescrit en commençant par la posologie de 250 mg × 2/j, si besoin
augmentée toutes les deux à trois semaines jusqu’à 2 g/j, que beaucoup d’auteurs recommandent de ne pas dépasser et qui sont
répartis en trois à quatre prises quotidiennes.Au dessus de cette posologie apparaît un risque de surdosage, qui peut conduire, du
fait d’une toxicité du médicament sur le système nerveux central, à des convulsion et à l’arrêt respiratoire [16]. Le probénécide a été
très
largement utilisé de 1951 à 1980 et ses intolérances sont bien connues : lithiase urique, que l’on doit prévenir par les mesures
classiques ; dyspepsie rencontrée dans 2 à 4 % des cas ; intolérances cutanées rares ; hépatite nécrosante et syndrome
néphrotique, exceptionnels. Le probénécide diminue l’excrétion rénale de nombreux médicaments, dont la pénicilline, le furosémide,
l’héparine, l’aspirine et d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’aspirine est théoriquement susceptible de bloquer l’effet
uricosurique du probénécide [16], mais une étude récente a montré que la prescription de doses antiagrégantes d’aspirine n’avait
pas d’effet significatif [17].
2.2.1.2. La benzbromarone [18–20] est un uricosurique plus puissant que le probénécide..
2.2.1.2. La benzbromarone [18–20] est un uricosurique plus puissant que le probénécide. À une posologie de 50 à 100 mg/j (76
mg/j en moyenne) elle a permis de réduire l’uricémie à des taux inférieurs à 360 μmol/l chez 37 goutteux hypoexcéteurs d’acide
urique, alors que dans la même étude, cela n’était obtenu que chez 50 % de 49 goutteux traités par 300 mg/j d’allopurinol [18].
Elle est efficace même en cas d’insuffisance rénale modérée, définie par une clairance de la créatinine de 20 à 80 ml/min [7]. Du fait
de la survenue d’hépatites mortelles [21], la benzbromarone a été récemment retirée du marché en Europe. Elle est cependant
disponible en France après acceptation par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) d’une demande
d’autorisation transitoire d’utilisation (ATU). Ces ATU sont transmises à l’agence par un pharmacien hospitalier et ne sont accordées
qu’après échec du probénécide dans des gouttes sévères où l’allopurinol est mal toléré, inefficace ou contre indiqué.
2.2.2. En cas d’uricurie élevée, l’utilisation des uricosuriques est contre indiquée
2.2.2.1. L’oxypurinol est un inhibiteur de la synthèse d’acide urique, qui a une structure proche de celle de l’allopurinol,
dont il est un métabolite incriminé dans la genèse des réactions d’intolérance.
Les réactions allergiques croisées sont fréquentes [22], ce qui empêche son utilisation dans cette situation. Il n’est d’ailleurs pas
actuellement commercialisé en France.
2.2.2.2. Si l’intolérance a été limitée à une éruption cutanée bénigne, une désensibilisation à l’allopurinol peut être
proposée [23].
Le protocole consiste à réintroduire une posologie de 50 μg/j, très progressivement augmentée tous les trois jours par paliers à 100,
200, 500 μg/j, puis 1, 5, 10, 25, 50 et 100 mg/j [23,24]. Ces faibles posologies peuvent être préparées par les pharmaciens, en
diluant des comprimés écrasés d’allopurinol dans un volume approprié d’une solution à 1 % de méthyl cellulose [24]. Le patient doit
être clairement informé des risques et bénéfices attendus de cette désensibilisation et celle-ci, qui est menée en externe, ne doit
être entreprise que sous surveillance rapprochée, après avoir acquis l’assurance d’une bonne compréhension du problème par le
patient et de ses capacités à suivre le protocole. La survenue d’un prurit, ou a fortiori d’une éruption, doit faire arrêter le
médicament. Selon l’expérience de A. Fam, 30 % des patients environ ont une manifestation mineure d’intolérance durant la
désensibilisation, et environ un quart d’entre eux après passage à une posologie pharmacologiquement efficace. Cet auteur
interrompt alors le traitement jusqu’à
disparition du signe d’intolérance, pour le reprendre au palier posologique inférieur. Il a ainsi obtenu une reprise de l’allopurinol chez
78 % des 32 goutteux intolérants à l’allopurinol qu’il a traités [24] et n’a pas observé d’accident allergique sévère. D’autres auteurs
ont cependant rapporté la survenue de complications sévères, ce qui souligne le risque potentiel de cette approche, qui n’est pas de
réalisation pratique simple [25,26]. Elle paraît en tout cas contre indiquée en cas de réaction sévère.
2.2.2.3. La prescription d’uricase est une autre possibilité [27].
L’uricase diminue très efficacement l’uricémie de la très grande majorité des êtres vivants en dégradant l’acide urique en allantoïne,
mais l’homme et le singe en sont dépourvus. Une uricase d’origine aspergillaire était disponible en France jusqu’à un passé récent.
Elle était principalement indiquée dans la prévention de l’hyperuricémie aiguë des lyses tumorales induites par les chimiothérapies,
et avait été occasionnellement utilisée dans le traitement de la goutte tophacée, pour laquelle ce médicament avait une AMM.
Rozemberg et al. l’ont ainsi utilisée pour le traitement de gouttes sévères chez des transplantés cardiaques [28]. Son principal
inconvénient était la survenue de réactions allergiques chez environ 5 % des patients traités [29]. Le médicament n’est actuellement
plus disponible. Il a été remplacé par la rasburicase qui est une uricase de A. flavus, produite par génie génétique et réputée moins
allergisante du fait de sa pureté [30,31]. La rasburicase, dont le coût est très élevé, n’a pas d’AMM dans la goutte. Elle reste
cependant une possibilité dans des gouttes très sévères, lorsque les autres thérapeutiques sont inefficaces ou contre indiquées, mais
elle s’administre par voie parentérale, sans schéma posologique validé. Des réactions allergiques restent possibles.
2.2.2.4. Le traitement des goutteux intolérants à l’allopurinol reste donc parfois diffıcile.
De nouveaux médicaments devraient prochainement apparaître, qui seront particulièrement utiles dans cette situation. Une uricase
extraite de C. utilis et couplée au polyéthylène glycol afin d’en diminuer le risque allergique, est en cours de développement [27].
Plusieurs inhibiteurs de la xanthine oxydase sont à l’étude, dont le febuxostat, qui est un inhibiteur non purinique, et un
phénylpyrazolé, leY 100 [27].
3. Inefficacité de l’allopurinol
Cette situation s’observe essentiellement chez l’insuffisant rénal, lorsque l’on respecte les limitations de posologie de l’allopurinol en
fonction de la valeur de la clairance de la créatinine. Dans cette situation, Perez-Ruiz et al. ont montré que l’uricémie pouvait être
correctement abaissée par remplacement de l’allopurinol par 100 à 200 mg de benzbromarone [7]. La conduite à tenir est donc de
prescrire la benzbromarone par ATU.
La benzbromarone était aussi parfois utilisée en association avec l’allopurinol, dans des gouttes sévères, dont l’uricémie ne pouvait
pas être suffisamment abaissée par l’allopurinolà sa posologie maximale habituellement recommandée, de 300 mg/j. Cette
association n’est plus possible. La solution pour la remplacer est sans doute, de renforcer les mesures diététiques, d’arrêter un
éventuel diurétique, d’introduire le losartan ou le fénofibrate en cas d’hypertension artérielle ou d’hyperlipémie associée, et
d’augmenter, si nécessaire, la posologie d’allopurinol au-delà de la dose de 300 mg/j, même si les fortes posologies augmentent le
risque d’intolérance.
4. Contre-indications à l’allopurinol : goutte des transplantés d’organe
Les gouttes des transplantés d’organe, dues à l’effet hyperuricémiant de la ciclosporine ou du tacrolimus, sont réputées difficiles à
traiter du fait du risque thérapeutique important induit par l’association de l’allopurinol à l’azathioprine ou à la 6-mercaptopurine que
prennent généralement ces patients. Une des modalités thérapeutiques consiste à utiliser malgré tout l’allopurinol en réduisant les
posologies de ces deux immunosuppresseurs, ce qui comporte un risque non négligeable de toxicité médullaire, mais aussi de rejet
du greffon. La benzbromarone était une solution alternative très efficace [32,33], qui peut être encore prise en obtenant un ATU.
L’amlodipine peut aussi être utilisé pour traiter une hypertension liée à la ciclosporine. Cet antagoniste calcique a, dans cette
circonstance, un effet hypo-uricémiant modéré [34]. Mais surtout l’enrichissement des traitements immunosuppresseur permet
actuellement de remplacer le tacrolimus ou la ciclosporine par le mycophénolate mofétil, ce qui fait baisser l’uricémie [35]. Une
autre solution est de remplacer l’azathioprine par le mycophénolate mofétil, ce qui permet de prescrire l’allopurinol sans danger
[36].
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© SFR - T. Bardin / Revue du Rhumatisme 71 (2004) 860–864