sa 1997 evolution_criminalite_organisee

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sa 1997 evolution_criminalite_organisee
Sommaire
Sommaire
Avant-propos
Marcel Leclerc
7
Allocution de la cérémonie d’ouverture
Jean-Louis Debré
– Summary
– Resumen
9
14
15
Intercenter
Claudio Zanghi
– Intercenter
– Intercenter
17
18
18
Présentation générale du XVIIIe Cours de haute spécialisation
pour les forces de police
Marcel Leclerc
– Summary
– Resumen
19
31
32
Présentation de la criminalité organisée
33
Essai de géopolitique de la criminalité organisée
Hervé Bolot
– Summary
– Resumen
35
44
45
Empirical Criminological Research on Organised Crime The State of Affairs in Europe
Cyrille Fijnaut
– Résumé
– Resumen
47
58
59
Sociological contributions to the study of organised crime
Michael Levi
– Résumé
– Resumen
61
69
70
Les dimensions juridiques de la criminalité organisée :
aspect transnational et coopération entre États
Michel De Salvia
– Summary
– Resumen
71
83
84
Le crime organisé : constat et stratégie de lutte en France
Bernard Gravet
– Summary
– Resumen
87
92
93
Les nouvelles formes de la criminalité organisée
95
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
Gilles Leclair
– Summary
– Resumen
97
119
120
Evolución del narcotráfico y nuevas tendencias
de la lucha contra esa plaga en Colombia
Luis Enrique Montenegro Rinco
– Résumé
– Summary
123
131
132
La coopération et la communication internationales dans la lutte
contre le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
Sven Thorstensen
– Summary
– Resumen
133
150
151
L’action de l’ICOM dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels
Elisabeth Des Portes
– Summary
– Resumen
153
161
162
Organized crime in the former USSR
Serguei Avdienko
– Résumé
– Resumen
163
171
172
Boryokudan, Japanese Organised Crime Groups
Katsushi Ikeda
– Résumé
– Resumen
173
189
190
Les nouveaux enjeux de la lutte contre la criminalité organisée
191
Terrorism and organised crime
Alan Brown
– Résumé
– Resumen
193
201
202
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
Wassyla Tamzali
– Summary
– Resumen
203
220
221
Table ronde – débat sur la coopération policière
en matière de criminalité organisée
223
Une criminalité fortement institutionnalisée
Raymond Kendall
– Summary
– Resumen
225
230
231
La création d’Europol et ses fonctions dans la lutte internationale
contre la criminalité organisée
Jürgen Storbeck
– Summary
– Resumen
233
239
240
La coopération policière en matière de lutte contre la criminalité organisée
Jean-Louis Sabathier
– Summary
– Resumen
241
251
252
La cooperazione di polizia nei confronti della criminalità organizzata
Maurizio Ludovici
– Summary
– Résumé
– Resumen
253
260
260
261
Les instances de coopération policière internationale en matière de crime organisé
Le Traité de Maastricht – Les accords de Schengen
Gérard Seroussi
263
– Summary
274
– Resumen
275
L’evoluzione della criminalita organizzata : la cooperazione di polizia
Arnaldo Grilli
– Summary
– Résumé
– Resumen
277
284
285
286
L’enjeu économique de la lutte contre la criminalité organisée
287
Nouvelles stratégies économiques de la criminalité organisée :
guérillas et mafias
Jean-Christophe Rufin
– Summary
– Resumen
289
294
294
L’enjeu économique de la lutte contre la criminalité organisée
Félix Baënziger
– Summary
– Resumen
295
303
304
Crime organisé et délinquance informatique
Philippe Rosé
– Références
– Summary
– Resumen
305
316
317
318
La criminalité informatique le rôle de la police judiciaire
Daniel Padoin
– Summary
– Resumen
319
325
326
Sciences et technologies mises au service de l’enquête
327
The analyst’s note book
Mario De Cocq
– Résumé
– Resumen
329
334
334
Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)
Eric Brendel
– Summary
– Resumen
335
342
342
Le Groupe d’action financière (GAFI) et la lutte
contre le blanchiment de capitaux
Jean Spreutels
– Summary
– Resumen
343
351
351
Operational police cooperation in the area of money laundering:
United States Customs Service
Paul Beaulieu
– Résumé
– Resumen
353
360
361
Les réponses judiciaires
363
La direction nationale anti-mafia : son rôle et ses expériences
dans la réalité judiciaire italienne
Bruno Siclari
– Summary
– Resumen
365
372
373
American witness protection programs against organized crime
Eugène L. Coon, Jr
– Résumé
– Resumen
375
385
386
Gestione penitenziaria della criminalita’organizzata
Salvatore Cianci
– Summary
– Résumé
– Resumen
387
397
397
398
United Nations and organised crime
399
The vulnerability of transition countries to drug trafficking,
drug abuse and organized crime
Bernard Frahi
– Résumé
– Resumen
401
415
416
The activity of United Nations against organised crime
Dimitris Vlassis
– Résumé
– Resumen
417
426
427
Synthèse finale du XVIIIe Cours international de haute spécialisation
pour les forces de police
Marcel Leclerc
– Summary
– Resumen
429
439
440
Allocution de clôture du XVIIIe Cours de haute spécialisation
pour les forces de police
Claude Guéant
– Summary
– Resumen
441
446
447
Avant-propos
Marcel Leclerc,
président du comité d’organisation du XVIIIe Cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
Le XVIIIe cours international de haute spécialisation pour les forces de
police s’est déroulé au centre des conférences internationales de Paris, du 17
au 24 septembre 1996.
Placé sous la coprésidence de Jean-Louis Debré, ministre de l’Intérieur
et de Claudio Zanghi, président du Centre international d’études sociologiques,
pénales et pénitentiaires de Messine (Intercenter), il a réuni plus de 250 experts
répartis en 82 délégations nationales en provenance des cinq continents.
L’originalité de sa thématique centrale intitulée «.L’évolution de la criminalité organisée.» est d’avoir abordé la criminalité transnationale sous un angle
transversal et non plus catégoriel (lutte contre telle mafia ou contre tel trafic).
Ces travaux ont été animés par des conférenciers avertis associant des
universitaires de renom et des praticiens représentant l’ensemble des forces
de sécurité engagées à travers le monde dans la lutte contre le crime organisé.
Toutes les organisations et les diverses instances internationales concernées
par ces questions étaient également présentes et représentées au plus haut
niveau.
Ce colloque a été l’occasion de dresser, avec lucidité, l’état des enjeux
de la lutte contre le crime organisé et d’identifier les principales causes rendant
son éradication difficile. Il a aussi et surtout permis de faire connaître un certain
nombre d’expériences prometteuses et de pistes à suivre par les acteurs
publics.
Le contenu de ces interventions est versé in extenso dans le présent
ouvrage. Chacune d’entre elles est suivie d’une synthèse rédigée dans les
autres langues officielles de ce symposium.
La France a été honorée d’avoir été choisie par le comité directeur
d’Intercenter pour organiser ce XVIIIe Cours. Le ministre de l’Intérieur lui-même
a tenu à inaugurer cette opération de prestige international pour les forces
françaises de sécurité.
Allocution
de la cérémonie d’ouverture
Jean-Louis Debré,
ministre français de l’IntérieurAllocution de la céromonie d’ouverture
La lutte contre la criminalité organisée constitue une préoccupation
sociale majeure, parce qu’elle menace l’équilibre de nos démocraties.
Cette lutte est une nécessité. L’ampleur du phénomène exige de la part
des États, réflexions et efforts permanents, dans le respect des droits et des
libertés fondamentales des personnes.
Le phénomène mafieux, pour utiliser un terme d’ordre générique, se
manifeste comme un ensemble d’organisations criminelles structurées qui
s’infiltrent dans l’économie légale d’un pays, dans les services publics comme
dans les entreprises privées. Par ce biais, le phénomène mafieux tend à créer
une sorte de culture visant à l’assujetissement et au contrôle des populations.
Il se caractérise par une activité criminelle intense et organisée, une
pluralité d’auteurs, un caractère transnational et le recours systématique à des
méthodes telles que la menace physique, le racket, l’enlèvement et le réglement de compte.
Ce phénomène ancien aux États-Unis, au Canada, en Europe et en Asie
reste actuel dans ces pays mais s’est récemment développé en Russie et en
Océanie, témoignant de la vivacité du phénomène mafieux.
Son développement, son intensité, sa dangerosité exigent nécessairement des États une réaction qui doit être considérée comme une priorité.
Parce qu’il s’agit d’une criminalité qui ignore depuis longtemps l’existence des frontières, seule une coopération active entre les États permettra de
lutter efficacement contre elle.
Au-delà de la vision traditionnelle que l’on pouvait avoir de la mafia
organisée autour de grandes familles, le phénomène mafieux a connu des
évolutions tant en termes d’implantations qu’en termes de structures.
Les organisations criminelles traditionnelles (italienne, japonaise, chinoise) se sont étendues à l’Amérique du Nord et du Sud et pénètrent actuellement d’autres zones dont l’Europe de l’Est.
Pour les pays qui, comme la France, ne connaissent pas ce type
d’organisations, certains trafics internationaux doivent cependant être appréhendés comme des phénomènes de caractère mafieux. Il en est ainsi du trafic
international de stupéfiants et du blanchiment de l’argent.
Organisés parfois par des mafias étrangères, ces trafics, en raison des
méthodes mises en œuvre, de l’origine des capitaux utilisés et de l’importance
des profits en résultant, sont proches de la criminalité mafieuse. Ils peuvent
constituer des «.têtes-de-pont.» pour des organisations internationales, voire
susciter des économies parallèles et souterraines propices à de tels développements.
Il importe donc, pour prévenir cette évolution, de prendre en compte,
outre les organisations mafieuses proprement dites, ses principaux vecteurs
que sont le trafic de stupéfiants et le blanchiment de l’argent.
Les problèmes particuliers liés à la lutte contre la criminalité organisée
internationale rendent également nécessaire un renforcement permanent et
une intensification des efforts aussi bien dans le cadre de la coopération
judiciaire que policière et douanière.
Ce sont les spécificités de cette criminalité organisée par rapport à la
criminalité courante qui peuvent expliquer son développement considérable.
Quelles en sont les caractéristiques.?
1) Une activité criminelle systématisée qui se manifeste par l’évasion
fiscale, l’extorsion de fonds, les jeux clandestins, les contrebandes et fraudes
en tout genre, les contrefaçons, les contrôles d’adjudications publiques.
2) Une implantation internationale fréquente lui permettant de s’intéresser où qu’elle se trouve à toutes les formes de criminalité rentable. Implantation qui facilite les possibilités de fuite et les obstacles aux poursuites.
3) Des méthodes modernes de gestion par le recrutement d’experts et
spécialistes en fiscalité, en finance, en droit, en informatique, afin d’être en
mesure de traiter les affaires au plus haut niveau sans oublier le recours
permanent aux méthodes expéditives de la violence et de l’intimidation garantissant le secret et la loi du silence.
4) Des profits considérables qui donnent à ces organisations une telle
surface financière qu’il devient difficile de mettre à jour les activités de blanchiment par des sociétés, la plupart du temps intégrées au tissu économique.
La France ne subit pas l’implantation de groupes structurés de type
mafia, yakusas, ou triades chinoises qui reposent sur un mode d’organisation
bien particulier :
– un enracinement sociologique traditionnel.;
– une structure hiérarchique.;
– un intérêt collectif.;
– une dimension économique, voire une stratégie politique.
En revanche, la France est utilisée comme base de repli ou pays de
transit, notamment dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Ce phénomène ne doit pas être confondu avec le banditisme classique
parfois régional même si certaines de ses manifestations peuvent faire penser
à la criminalité organisée.
La libre circulation des personnes et le développement des réseaux de
transmission des données ont favorisé la pénétration sur notre territoire de
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
10
criminels venant de l’étranger, pour y investir ou y créer des réseaux de
contacts utiles à leur activité.
En France, le ministère de l’Intérieur disposait déjà de moyens éprouvés
alliant notamment renseignement policier et répression pénale. Je citerai pour
mémoire, la création d’un Office Central pour la Répression de la Grande
Délinquance Financière destiné à lutter contre le blanchiment d’argent.
Face à l’apparition de ces phénomènes nouveaux très internationalisés,
notre pays a également développé un système de ripostes plus spécialisées.
Nous sommes ainsi depuis plus de vingt ans membre avec les ÉtatsUnis, le Canada, l’Italie, du comité chargé de suivre le trafic de stupéfiants et
des capitaux.
Nous avons mis en place, dans de nombreux pays et en accord avec
eux, des officiers de liaison spécialisés dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.
D’autres officiers de liaison couvrant des secteurs différents mais complémentaires ont également été installés souvent dans les mêmes pays.
Depuis 1992, pour répondre à la menace d’une pénétration mafieuse en
France et afin de coordonner l’ensemble des services impliqués dans la lutte
contre le crime organisé, a été créée l’Unité de coordination et de recherches
anti-mafias (UCRAM), à vocation interministérielle.
L’Italie nous avait montré la voie dans ce domaine.
D’évidence, cette lutte contre la criminalité organisée ne peut plus être
menée localement dans chaque pays. Elle exige des forces de police une
spécialisation renforcée et l’extension de la coopération internationale grâce à
des structures et des organisations permanentes. Ceci ne signifie pas toujours
mondialisation de la coopération.
Face aux réseaux régionaux des organisations criminelles qui couvrent
parfois tout un continent, il convient de développer une riposte géographiquement adaptée au moyen d’une coopération multilatérale, régionale dans les
domaines judiciaires et policiers, des instruments de coopération policière et
judiciaire régionalement compétents.
Ces deux niveaux de riposte existent d’ores et déjà sur le plan mondial
au travers d’institutions telles que :
– le Programme des Nations-unies pour le contrôle international des drogues
(PNUCID).;
– la Commission des Nations-Unies pour la prévention du crime et la justice
pénale.;
– l’Organisation internationale de police criminelle Interpol (OIPC) et l’Organisation mondiale des douanes (OMD) qui, toujours à l’échelle planétaire,
constituent un support à la coopération opérationnelle entre les États.
La volonté politique de faire face à cette menace s’est manifestée au
sein du G7 lors du sommet d’Halifax par la constitution d’un groupe d’experts
de haut niveau sur la criminalité transnationale organisée.
Il en est résulté 40 recommandations pratiques et opérationnelles que
les chefs d’État et de gouvernement ont adoptées en juin dernier à Lyon.
Allocution de la céromonie d’ouverture
11
Ce même sommet du G7-P8 a également décidé de placer ce groupe
d’experts auprès de l’OIPC Interpol sous le nom de groupe de Lyon.
À l’instar de ce qui est fait au sein des Nations-Unies ou du G7-P8, la
France conduit également à l’échelon régional une action européenne spécifique contre la criminalité organisée.
Celle-ci reste diversifiée et concerne :
– l’Union Européenne.;
– les Pays de l’Europe centrale et orientale (PECO).;
– la zone Caraïbes où la France est présente par ses départements des
Antilles, ce qui est aussi le cas de l’Amérique du Sud avec le département de
Guyane.
Cette présence géographique particulière conduit également notre pays
à participer au dialogue transatlantique.
L’une des plus récentes manifestations de la volonté d’une coopération
opérationnelle au niveau européen contre le crime organisé s’est traduite à
l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, par la conclusion
de la Convention Europol instituant un office européen de police criminelle.
Europol développera ainsi la coopération déjà entreprise depuis janvier
1994 à douze puis à quinze par l’Unité Drogues installée à La Haye.
Jusqu’à présent, la phénomène mafieux n’est pas parvenu à s’enraciner
mais la menace existe notamment au travers du trafic de stupéfiants et des
activités de blanchiment.
Nous devons être attentifs aussi à l’argent trop rapidement gagné, en
dehors de tout contrôle, par un ou plusieurs clans ou familles grâce à des
opérations d’investissement d’apparence légale.
Au fil des années, la distinction traditionnelle entre banditisme et délinquance financière s’est estompée.
C’est une évolution irréversible car les profits retirés d’activités criminelles classiques sont parfois d’une telle ampleur (trafics de stupéfiants,...) qu’ils
ne peuvent être réutilisés sans trop de risques qu’après avoir été blanchis.
Parce que ces investissements ont une façade légale, parce que les
mécanismes financiers sont extrêmement complexes, parce que les réseaux
s’étendent sur plusieurs pays et que les moyens juridiques pour établir la fraude
sont difficiles à mettre en œuvre, il est malaisé de prouver le caractère illicite
de la provenance de l’argent.
Seule une coopération étroite entre les pays concernés permettrait de
remonter jusqu’à l’origine des capitaux investis.
Enfin, nous assistons à une évolution et à une mutation du crime
organisé, qui se traduit par l’émergence de nouvelles activités criminelles de
profits : détournements d’aide humanitaire, fraudes aux subventions européennes, ventes de technologies nucléaires, etc.
Il est utile de renforcer l’action commune contre la criminalité organisée
internationale, en développant les échanges d’information et en harmonisant
les mécanismes de répression.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
12
Cela suppose de tenir compte également de la vulnérabilité des pays
d’Europe centrale et orientale à l’égard de ce phénomène, en raison des
transitions économiques et politiques qui y sont en cours.
La coopération internationale implique aussi une véritable solidarité avec
les États qui, en raison de leur situation géographique, économique et politique,
sont les plus fragiles face aux organisations criminelles internationales. C’est
pourquoi nous devons aussi les aider à concevoir leurs lois, à construire leurs
administrations et à former leurs cadres.
Les organisations criminelles internationales constituent une menace
grandissante pour la sécurité de nos États. Elles affaiblissent les nouvelles
démocraties partout dans le monde, elles ruinent l’intégrité des systèmes
financiers et nourrissent la corruption.
Lutter contre les organisations criminelles internationales c’est œuvrer
pour des systèmes économiques justes, c’est vouloir des citoyens libres et en
définitive, c’est défendre la démocratie.
Allocution de la céromonie d’ouverture
13
Summary
Official opening
Jean-Louis Debré
The fight against organised crime is a major concern for the reason that it threatens the
very foundations of our democratic states. Its violence and level of risk do call for attention
and require permanent efforts in the respect of basic rights and freedoms of the people.
The main characteristics of this type of crime are: systematic criminal activities, most
frequently an international network or support, the implementation of modern management
techniques generating huge profits. The main power lines of those activities are drug
trafficking and money laundering.
The situation of today France is not on line with the most targeted countries like Italy, Japan
or the USA The country is nevertheless a back stage area and a transit zone (this is
particularly true for the south-east provinces).
A effective fighting plan against organised crime and Mafia type organisations implies first
the creation of specialised central services. France made those steps in the nineties with
the creation of the Central major frauds and money laundering unit (OCRGDF) and the
Central anti-Mafia intelligence and co-ordination unit (UCRAM).
It proves then necessary to strengthen both the bi-lateral lines of communication (liaison
officers) and the multilateral international police co-operation structures.
For that reason the G7 Halifax summit charged a group of experts with the study of
transnational organised crime. As it is housed by the ICPO general secretariat, this is called
the Lyon group.
France also has a specific European regional policy against organised crime. This
concerns the European Union, the Central European and Eastern European countries
(PECO) and even the Caribbean regional sector.
Moreover, the Europol convention which created a European criminal police agency was
confirmed under French presidency.
This co-operation proves to be a prime tool in the fight against the financial resources of
organised crime.
To fight against international criminal organisations is contributing to right and proper
economic systems, is preserving the freedom of individuals and is fighting for democratic
rule.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
14
Resumen
Alocución de la ceremonia de apertura
Jean-Louis Debré
La lucha contra la criminalidad organizada constituye una preoccupación mayor porque
amenaza el equilibrio de nuestras democracias. Su intensidad y su peligrosidad requieren
hoy reflexiones y esfuerzos permanentes en el respeto de los derechos y libertades
fundamentales de las personas.
Las características esenciales de esta criminalidad son : una actividad criminal sistematizada, una implantación internacional frecuente, métodos modernos de gestión y provechos considerables. Los principales vectores de estas actividades son el tráfico de
estupefacientes y el blanqueo de dinero.
Actualmente, la situación de Francia no se puede comparar con la de países más
expuestos como ltalia, Japón o Estados Unidos. Sin embargo resulta una base de
repliegue, un pais de tránsito (región Provence – Alpes – Côte d’Azur principalmente).
Una lucha eficaz contra el fenómeno mafioso supone en primer lugar la instalación de
servicios nacionales especializados. Francia se metió en esta vía durante los años 90 con
la creación de OCRGDF y UCRAM.
Luego es conveniente reforzar los medios bilaterales (intercambio de oficiales de enlace)
y multilaterales de cooperación policial internacional.
Así durante la cumbre de Halifax, el G7 constituyó un grupo de expertos sobre la
criminalidad transnacional organizada ubicada en OIPC-Interpol (Grupo de Lyon).
Francia conduce también al nivel regional una acción europea específica contra la
criminalidad organizada, dentro de la Unión europea, con los Países de Europa Central y
Oriental (PECO) o en la zona Caribe.
Por otro lado, el convenio Europol que instituye un oficio europeo de policía criminal se
concluyó durante la presidencia francesa.
Esta cooperación se revela como el instrumento indispensable para una lucha eficaz
contra el dinero del crimen organizado.
Luchar contra las organizaciones criminales internacionales, es laborar par sistemas
económicos justos, es querer ciudadanos libres y finalmente, es defender la democracia.
Allocution de la céromonie d’ouverture
15
Intercenter
Claudio Zanghi,
président d’IntercenterIntercenter
M. Zanghi, président d’Intercenter, a rappelé que ce centre a été créé
en 1978, à Messine en Italie.
Etant une organisation non gouvernementale, ce centre international,
qui étudie les problèmes de droit pénal et sociologiques, peut agir sans
contrainte étatique ni politique.
La préoccupation majeure du «.Cours International.» a été de concevoir
son action, dans le respect des droits de l’homme.
C’est un cours de spécialisation ouvert à tous les pays du monde.
Intercenter
17
Intercenter
Claudio Zanghi
M. Zangui, chairman of Intercenter reminded the members that this centre was created in
1978 in Messina in Italy.
This international centre studies criminal Law and sociological problems and is in a position
to work outside of any state or political pressure as it is a non governmental organisation.
The main concern of the “International Course” was to round up its action within the respect
of human rights.
It is a specialisation course open to all the countries in the world.
Intercenter
Claudio Zanghi
El señor Zanghi, Presidente de Intercenter, recordó que este centro ha sido creado en
1978, en Mesina en Italia.
Este centro internacional, que es una organización no gubernamental, y que estudia los
poblemas de derecho penal y sociológicos, puede actuar sin molestia estatal ni política.
La preocupación mayor del «.Curso International.» fue concebir su acción, en el respeto
de los derechos del hombre.
Es un curso de especialización abierto a todos los países del mundo.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
18
Présentation générale du XVIIIe
Cours de haute spécialisation
pour les forces de police
Marcel Leclerc,
préfet, directeur de l’IHESI,
président du Comitée d’organisation du XVIIIe Cours
générale du XVIII Cours de haute spécialisation
pour les Présentation
forces de police
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,
Il m’est à nouveau très agréable d’avoir pour mission de vous présenter
le XVIIIe Cours international de haute spécialisation pour les forces de police.
J’avais déjà eu cet honneur en 1994, en ma qualité de Préfet délégué pour la
sécurité à Lyon, à l’occasion du XVIe Cours dont les travaux avaient été
consacrés à la gestion des crises de sécurité publique. Cet intérêt de la France
pour cette manifestation s’inscrit dans une longue tradition puisqu’en 1987 déjà,
notre pays avait accueilli une session régionale ouverte aux pays de la
communauté européenne et aux pays africains francophones.
Je tiens tout d’abord, après Monsieur le ministre de l’Intérieur et Monsieur
le président Zanghi, à vous remercier pour votre participation aussi importante
à ce colloque international. La présence de 80 pays constitue un record absolu
dans les annales du Cours et représente la plus belle des récompenses pour
mes collaborateurs et moi-même qui avons œuvré une année durant pour
préparer ce congrès.
Ce niveau de participation souligne l’étonnante intuition qu’avaient eue
les pères fondateurs d’Intercenter en prenant en 1978 l’initiative de réunir la
communauté policière internationale pour l’inviter à réfléchir sur les problèmes
essentiels de la sécurité et l’amélioration des moyens d’action. Cela me donne
l’occasion de saluer publiquement le président Zanghi et mes amis Giacomo
Barletta et Edouard Janssens avec lesquels j’entretiens des relations chaleureuses et confiantes depuis cette époque. Cette fois encore leur expérience et
leurs conseils nous ont été profitables.
Chers congressistes, vous êtes ici à Paris au cœur de la capitale
française qui est heureuse et fière de vous accueillir. Cette ville chargée
d’histoire a été le siège d’une multitude d’événements qui, très souvent,
n’étaient pas sans lien avec les problèmes de sécurité. Il n’est d’ailleurs pas
surprenant que ce soit à Paris qu’André Bertillon ait jeté les premiers fondements de l’anthropométrie criminelle moderne qui, avec la dactyloscopie développée par son confrère Galton, a révolutionné en son temps la science du
crime.
Je vous indique aussi que dans ce centre des congrès internationaux
que le ministre des Affaires étrangères a eu l’obligeance de mettre à notre
disposition, dans l’enceinte même où vous vous trouvez en ce moment, se sont
déroulées des rencontres historiques telles que :
– la conférence pour la paix au Vietnam de 1968 à 1973.;
– la conférence Nord-Sud en 1975 et 1976.;
– la conférence des chefs d’États de France et d’Afrique en 1978 et 1981.;
– le Conseil de l’OTAN en 1983.;
– la réunion de l’Union de l’Europe occidentale en 1984.;
– la conférence ministérielle des pays producteurs et consommateurs de
pétrole en 1991.
Je ne doute pas que l’esprit et la volonté d’aboutir qui ont imprégné ces
précédents historiques vont également souffler sur notre réunion pour lui
donner un contenu marquant.
Mais avant d’en venir au déroulement même de ces huit journées, je
souhaiterais m’attarder quelques instants sur les raisons qui ont présidé au
choix du thème retenu.
Choix et signification du thème central
du XVIIIe Cours
Pour en comprendre la genèse, il faut remonter à l’automne dernier.
C’est Jean-Louis Debré, lui-même qui a souhaité, en sa qualité de ministre de
l’Intérieur et en tant qu’ancien magistrat, que des praticiens et des experts
internationaux se réunissent pour faire l’état des menaces représentées par les
différentes formes de la criminalité organisée et pour dégager des voies
susceptibles de mieux ajuster la riposte.
Présentée par mes soins à Taormine, à l’occasion de la clôture du XVIIe
Cours, cette proposition a reçu l’agrément de l’assemblée générale d’Intercenter.
Qu’il me soit permis d’insister quelques instants sur le libellé adopté pour
la problématique centrale du XVIIIe Cours, à savoir «.L’évolution de la
criminalité organisée.». Chacun de ces termes a en effet largement guidé le
choix des conférences et la désignation des intervenants.
Pour nous, professionnels de la sécurité, l’étude de la criminalité organisée n’est pas un phénomène récent. On pourrait même dire qu’elle a justifié
la création d’une institution telle qu’Interpol il y a plus de 70 ans. Depuis
plusieurs années, elle a, en outre, servi de thème à de nombreux colloques
internationaux. Elle focalise les discussions des diverses enceintes de coopération policière internationale et de nombreux congrès lui ont été consacrés, de
sorte qu’on pourrait être tenté de penser que tout a déjà été dit en ce domaine.
Ce serait méconnaître gravement la réalité que d’imaginer le crime
organisé comme un phénomène figé. Il est au contraire éminemment évolutif
et ceci explique d’ailleurs pour une large part sa difficile éradication.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
20
Les organisations criminelles transnationales sont constamment à la
recherche de nouveaux vecteurs illicites lucratifs et de nouveaux modes
opératoires toujours plus efficaces.
C’est à cette formidable capacité d’innovation et d’adaptation aux ripostes les plus diverses, que nous allons consacrer l’essentiel de nos propos au
cours de ces huit journées de travail.
À titre liminaire, je tiens à souligner les deux axes principaux qui ont
présidé à la programmation du XVIIIe cours.
L’internationalisme tout d’abord.
Le crime organisé est, par essence, un phénomène transnational qui
ignore les frontières. Chacun de nos pays peut donc être considéré comme
partie prenante dans le bras de fer qui nous oppose au crime organisé. Certains
abritent sur leur territoire, contre leur gré, des organisations puissantes en
mesure de faire vaciller sur le plan économique et social les autorités étatiques
en place. D’autres ne sont que des pays de repli, des lieux de transit ou encore
des sites de placement financier pour ces mannes imposantes issues des
trafics en tout genre. Les règles de fonctionnement de ces sociétés du crime
tendent de plus en plus à être calquées sur celles des firmes multinationales
auxquelles elles empruntent leur logique économique. Aussi, toute activité,
licite ou illicite, mérite-t-elle d’être investie par leurs agents dès lors qu’elle
représente une rentabilité certaine.
Ce phénomène d’internationalisation a donc justifié le choix des conférenciers qui, en provenance des cinq continents, représentent d’un côté la
panoplie des services de sécurité impliqués dans la lutte contre ce fléau
criminel, de l’autre l’éventail des réflexions les plus pertinentes qui ont été
développées sur ces sujets.
Il explique également que de nombreuses interventions seront consacrées à la coopération policière internationale. Faute, en effet de disposer d’un
véritable droit pénal international intégré, celle-ci reste encore le meilleur
moyen d’opérer pour neutraliser à grande échelle de telles organisations. Il
sous-tend enfin le choix des thématiques abordées qui, par leur transversalité,
intéressent chacun d’entre nous. Je constate que l’objectif de mobilisation
recherché est en marche, si j’en juge par le nombre des délégations présentes
dans cette salle qui représentent près de la moitié des nations de la planète.
La recherche de l’interactivité est la seconde dominante de ce programme. Le comité d’organisation désire, en effet, vous donner le plus possible
la parole. À cette fin, la quasi totalité des interventions en assemblée plénière
laisseront place à un temps de débat que je souhaite le plus fructueux possible.
La traduction simultanée en quatre langues est de nature à faciliter cette prise
de parole. De plus, et comme il est de tradition pour ce Cours, il y aura des
travaux en groupes ayant trait à certains aspects actuels de l’activité criminelle
organisée, tels que :
– le proxénétisme international.;
– le tourisme sexuel, et les trafics d’enfants.;
– l’immigration clandestine.
Présentation générale du XVIIIe Cours de haute spécialisation
pour les forces de police
21
Structures et déroulement du XVIIIe Cours
Il me faut maintenant en venir au déroulement du congrès. Sa thématique centrale a été déclinée en quatre thèmes généraux d’inégale importance
mais servant de fil conducteur à la programmation des travaux.
Présentation du concept de criminalité organisée
Le premier sujet de réflexion concerne la définition même de la criminalité
organisée. Force est de constater, en effet, que cette matière est sujette à un
important paradoxe. Alors qu’il existe un éventail très large de vocables sociaux
pour la désigner, les praticiens se heurtent à une véritable sécheresse juridique
pour la qualifier.
Les pays anglo-saxons utilisent volontiers le concept d’«.organized
crime.». Les auteurs de cette terminologie éprouvent cependant des difficultés
à lui donner un contenu consensuel précis et à trouver la césure exacte avec
l’activité des gangs.
Ils insistent tous sur la nécessité d’appréhender ledit phénomène dans
sa globalité, à l’instar d’une véritable entreprise. Aussi, me contenterais-je de
livrer à votre sagacité une définition particulièrement topique de cet état d’esprit
nord-américain.
Pour le criminologue américain Howard Abadinski, «.le crime organisé
est une entreprise non idéologique impliquant un certain nombre de personnes
dans des rapports sociaux fermés, organisés sur une base hiérarchique avec
au moins trois niveaux ayant pour finalité de s’assurer des profits en s’engageant dans des activités légales ou illégales.» (in «.Organized Crime.», 3e édition, p. 5).
Les pays européens, et l’Italie en particulier, lui préfèrent le terme générique
de mafia. L’appellation précise dépend de l’origine géographique du groupe
mafieux. Chacun d’entre eux a son histoire, ses structures et ses modes de
fonctionnement propres. Leur point commun est cependant un fort enracinement
socioculturel car comme l’affirmait le célèbre juge Giovani Falcone assassiné à
Palerme avec son épouse en 1992 : «.la mafia n’est pas un cancer né par hasard
sur un tissu sain.» (in Causa nostra). Elle puise ses origines dans un contexte
socio-économique défavorisé et, surtout, elle prend appui sur une structure
familiale à laquelle sont systématiquement rattachés «.les hommes d’honneur.».
En Asie du Sud-Est, les organisations criminelles sont davantage identifiées par leur origine nationale que par leurs activités illégales. On parle ainsi
des triades chinoises ou des boryokudan japonais.
N’oublions pas non plus la terminologie des cartels ayant cours en
Amérique latine et centrale pour désigner des structures criminelles agissant
essentiellement dans les trafics de stupéfiants et dans le blanchiment de
l’argent en résultant.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
22
Devant une telle diversité d’appellations et de contenus, il n’est pas
étonnant que les différentes instances internationales ne soient pas encore
parvenues à élaborer une définition unique du crime organisé.
Dans le souci d’apporter notre contribution à cet important mouvement
de conceptualisation, nous consacrerons la première journée de nos travaux
à cerner la notion de crime organisé au moyen d’une approche pluridisciplinaire.
Ce n’est jamais chose facile que d’ouvrir les débats d’un colloque
international. J’ai donc confié cette délicate mission à M. Hervé Bolot, conseiller
diplomatique du ministre de l’Intérieur qui, en diplomate averti, se livrera devant
vous à un essai de géopolitique de la criminalité organisée. Cette vision
planétaire du phénomène devrait permettre d’ouvrir largement le champ
de la discussion.
Nous avons ensuite fait appel à deux universitaires de renom international pour vous présenter une approche criminologique empirique et une
approche sociologique du crime organisé. Ces conférences seront respectivement assurées par M. Cyrille Fijnaut, professeur de criminologie à l’Université catholique de Louvain (Belgique) et par M. Michael Levi, son confrère de
l’Université de Cardiff (Pays de Galles).
M. Michel De Salvia sera le premier d’une longue série d’intervenants
représentant les instances internationales impliquées dans une meilleure appréhension de ce phénomène. En tant que secrétaire général adjoint de la
commission européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, il nous
présentera, en juriste qualifié, les dimensions juridiques de la criminalité
organisée. Celle-ci génère, en effet, de multiples difficultés d’application des
textes répressifs tant du point de vue du fond que de la procédure. Elle impose,
en outre, un nécessaire encadrement juridique des activités des services
répressifs chargés de la combattre.
Nous terminerons cette première journée par une approche policière
de la criminalité organisée que M. Bernard Gravet, directeur central de la police
judiciaire française, m’a fait l’amitié de prendre à sa charge.
Les nouvelles formes de la criminalité organisée
La journée de demain sera dévolue au second thème majeur du XVIIIe
cours, à savoir : «.nouvelles formes de la criminalité organisée.».
Cette nouveauté est relative en fonction du secteur criminel concerné. Il
n’échappe pas cependant aux observateurs avisés que les structures criminelles transnationales investissent sans cesse des secteurs d’activités plus ou
moins récents mais toujours renouvelés.
Il ne saurait être question de consacrer un symposium au crime organisé
en éludant le sujet des trafics illicites de stupéfiants. L’actualité nous conduit à
constater que les itinéraires empruntés se diversifient tout autant que la gamme
des produits psychotropes proposés aux consommateurs.
Le commissaire divisionnaire Gilles Leclair, chef de l’Office central de
répression du trafic illicite des stupéfiants, nous exposera ces nouvelles voies
Présentation générale du XVIIIe Cours de haute spécialisation
pour les forces de police
23
du trafic qui viennent de conduire son service à procéder à la saisie record, à
Rouen, de 20 tonnes d’herbe de cannabis, qui était dissimulée dans un
conteneur expédié depuis la Colombie.
Phénomène encore plus préoccupant pour la sécurité de nos concitoyens, il semble que le crime organisé soit aujourd’hui en passe de s’impliquer
dans des trafics d’armes et les trafics de matières radioactives. L’effondrement des États membres du Pacte de Varsovie a conduit à la déshérence de
certains potentiels d’armements de destruction massive. Il peut dès lors être
tentant pour des organisations criminelles, soit de les acquérir, soit de servir
d’intermédiaire pour les proposer au plus offrant. Il incombe à la «.division
garanties.» de l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne de suivre
avec précision le devenir de ces armements. Nous bénéficierons de l’expertise
de l’un de ses responsables, en la personne de M. Svein Thorstensen, assistant
du directeur général de cette division.
Ce même esprit de lucre explique également pourquoi les organisations
criminelles participent activement à l’alimentation du marché parallèle des
œuvres d’art. Le Conseil international des musées (ICOM), organisation non
gouvernementale rattachée à l’Unesco, compte parmi les principales instances
dénonçant ce pillage systématique et cette mise en péril du patrimoine
artistique mondial. Mme Elisabeth Des Portes, son secrétaire général, viendra
nous présenter l’arsenal des mesures préventives et dissuasives que les
professionnels ont mis au point pour contrecarrer ce commerce illicite.
La dernière partie de la journée s’intéressera aux mafias nouvelles par
leurs formes ou leurs activités. Nous oscillerons en ce domaine entre actualité
et tradition.
Actualité dans la mesure où la décennie quatre-vingt-dix correspond à
l’émergence des mafias dans les pays de l’ex-CEI. L’émancipation de la mafia
russe est à cet égard riche d’enseignements. Elle constitue une réelle source
de préoccupation au niveau international, tant par la violence de ses méthodes
que par sa capacité à exporter ses activités en Europe et en Asie. M. Serguei
Avdienko, officier de liaison de la république de Russie, détaché à l’OIPC-Interpol, viendra nous faire le point sur ces nouveaux phénomènes.
Tradition enfin, dans la mesure où M. Katsushi Ikeda, sous-directeur
de la deuxième division de l’agence de police nationale japonaise, nous fera
un exposé sur les activités actuelles des boryokudan japonais. Qu’il me
soit permis de souligner le caractère assez exceptionnel d’une telle conférence dans une enceinte internationale. Hormis la légende selon laquelle
les yakusas puiseraient leurs origines chez les samouraïs et se soumettraient au rite de l’auto-ablation des phalanges en cas de manquement au
code de l’honneur, l’organisation, le fonctionnement et les moyens des
boryokudan restent encore peu connus. Je remercie donc tout particulièrement M. Ikeda, d’avoir accepté, en qualité d’expert, de lever pour nous le voile
de l’ignorance sur un groupe mafieux dont la nocivité sociale est sans nul doute
comparable à celle des triades.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
24
Les nouveaux enjeux de la lutte
contre la criminalité organisée
Les développements actuels du crime organisé entraînent un certain
nombre de risques de distribution, même pour les États les mieux établis et
ceux-ci doivent concevoir les ripostes en termes d’enjeu, qui, comme nous le
verrons, revêtent différents aspects.
À partir du jeudi 19 septembre, nous consacrerons donc une journée et
demie à l’étude de ces enjeux qui nous ont paru correspondre à cinq grandes
catégories de préoccupations.
L’enjeu de sécurité des populations tout d’abord. Dans le prolongement de la conférence sur les trafics d’armements nucléaires, nous donnerons
la parole au Chief Superintendent Alan Brown, directeur adjoint du groupe
«.crime organisé.» de Scotland Yard. Il s’agira, pour lui, d’évaluer quelles sont
les interconnexions supposées ou avérées entre les organisations criminelles et les mouvements terroristes. Indiscutablement, en effet, la multiplication des «.zones grises.» sur notre planète a favorisé la confusion des genres
et engendré le mélange terrorisme-banditisme qui est au cœur du phénomène
que certains ont baptisé «.guérillas dégénérées.».
Autre variante de cette menace : le trafic des êtres humains. Selon un
récent rapport des Nations Unies que je cite :
«.L’un des développements les plus graves de la criminalité transnationale est l’augmentation de la contrebande des personnes. Celle-ci revêt
plusieurs dimensions, la plus importante étant le trafic d’immigrants illégaux.
Selon une estimation bien fondée, les organisations criminelles s’efforcent
actuellement de transférer illégalement un million de personnes par an des
pays pauvres vers les pays plus riches. Non seulement ce trafic représente une
menace pour la souveraineté nationale, mais de plus il expose les immigrants
eux-mêmes à de graves dangers.» (rapport Conseil économique et social du
18/08/1994 69 p. 21).
Cette implication sans cesse croissante du crime organisé dans les
trafics d’êtres humains donne lieu à des comportements inacceptables du point
de vue de la défense de la dignité humaine. La lutte contre le crime organisé
prend de ce fait une dimension à la fois sociale et philosophique. C’est la
raison pour laquelle, nous avons souhaité consacrer nos travaux de groupes
aux trafics d’êtres humains.
Pour introduire efficacement ces réflexions, nous avons fait appel à Mme
Wassyla Tamzali. En qualité de chef de l’unité de coordination des activités
relatives aux femmes pour le compte de l’Unesco, Mme Tamzali bénéficie d’une
expertise avertie dont elle nous fera part en ce qui concerne les trafics de
prostitution internationale.
Cette thématique générale des trafics d’êtres humains sera déclinée en
sous-thèmes (proxénétisme international, tourisme sexuel et trafic d’enfants,
immigration clandestine). Chacun des huit groupes de travail abordera l’une de
ces problématiques.
Présentation générale du XVIIIe Cours de haute spécialisation
pour les forces de police
25
Vous trouverez dans la mallette qui vous a été remise la répartition des
groupes de travail. Je vous indique que cette répartition a été élaborée sur la
base d’affinités linguistiques puisque ces travaux de groupe ne bénéficieront
pas d’interprétariat.
Dans chacun de ces sous-groupes de travail, il sera procédé à la
désignation d’un rapporteur. Ce dernier sera chargé de faire, en fin de congrès,
un rapide compte rendu des discussions qui auront eu lieu au sein de son
groupe et des conclusions qui peuvent en être tirées.
Comme vous avez pu le noter, la programmation de ces ateliers est
réalisée en alternance avec la table ronde sur la coopération internationale.
Nous aborderons ensuite l’enjeu professionnel puisque le développement du crime organisé renvoie les praticiens à leur capacité à travailler
ensemble et à coopérer afin de démanteler des structures mafieuses d’envergure internationale.
L’activité des structures de coopération policière internationale sera
au cœur d’une table ronde-débat avec la salle. Cette table ronde sera organisée
en deux sessions, une le matin et l’autre l’après-midi. Comme je viens de le
préciser, ces sessions seront suivies par la moitié des congressistes en
alternance avec les travaux de groupes.
Nous aurons le privilège de bénéficier de la participation à ces tables
rondes, de deux personnalités de stature internationale, en la présence de M.
Raymond Kendall, secrétaire général d’OIPC-INTERPOL et de M. Jürgen
Storbeck, actuel coordonnateur d’UDE-Europol.
Pour les assister, nous avons fait appel à des spécialistes français de
ces questions qui s’attacheront à nous présenter les travaux des autres
enceintes de coopération, à l’instar de Schengen. Il s’agira pour la table ronde
matinale du commissaire divisionnaire Jean-Louis Sabathier, conseiller technique au cabinet du directeur général de la police nationale française, et pour
celle de l’après-midi de son collègue Gérard Seroussi, chef de la division des
relations internationales à la direction centrale de la police judiciaire française.
Deux personnalités italiennes participeront également en alternance à
ce débat :
– le préfet de police Maurizio Ludovici, directeur de la deuxième section de
l’école supérieure de police de Rome.;
– le général des carabiniers Arnaldo Grilli, qui a exercé d’importantes responsabilités en matière de lutte contre le terrorisme et la mafia.
Nous aborderons, au cours de la matinée du 20 septembre, les deux
autres enjeux actuels de la criminalité organisée :
a) Compte tenu du mercantilisme qui inspire ces organisations criminelles et de la rentabilité avérée de certains des trafics illicites auxquels elles
participent, nous ne saurions faire l’impasse sur l’enjeu économique du
combat à livrer. Les experts estiment en effet le chiffre d’affaires annuel
du crime organisé à quelques 500 milliards de dollars.
Deux conférences complémentaires vous apporteront un peu de lisibilité
sur les arcanes financières internationales empruntés par le crime organisé.
Spécialiste de l’économie des guérillas, M. Jean-Christophe Rufin, directeur de
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
26
recherches à l’Institut des relations internationales, nous présentera les nouvelles stratégies économiques de la criminalité organisée.
Il était difficile de prétendre accéder à la compréhension des circuits
financiers et bancaires mondiaux sans avoir l’éclairage d’un praticien helvétique. Aussi suivrons-nous avec beaucoup d’intérêt la présentation des techniques de blanchiment de l’argent auxquelles ces organisations criminelles ont
recours, par un magistrat rompu à ces mécanismes. Il s’agit de M. Félix
Bäenziger, substitut du procureur de la Confédération helvétique.
b) Nous clôturerons cette matinée avec la mise en relief de l’enjeu
technologique. Le XXe siècle est, en effet, celui de la communication. Des
progrès techniques substantiels ont été réalisés en ce domaine au cours des
dix dernières années. Des moyens de communication comme la téléphonie, la
télématique ou l’informatique nous permettent de procéder en temps réel à des
échanges d’informations ou de marchandises aux quatre coins de la planète.
Il était dès lors inévitable que le crime organisé, investisse ces vecteurs
performants pour les utiliser à son profit.
J’ai souhaité que deux conférenciers particulièrement informés des
aspects de la révolution informatique nous présentent les formes actuelles et
prévisibles d’implication de la criminalité organisée dans la délinquance
informatique et, notamment le détournement à des fins criminelles du réseau
Internet. Le premier, M. Philippe Rosé est un journaliste spécialisé dans ce
domaine. Le second est un policier averti puisqu’il s’agit du commissaire Daniel
Padoin, chef du service d’enquête sur les fraudes aux technologies de l’information à la police judiciaire de Paris.
Pour chacun de ces enjeux, il conviendra d’exposer la parade appropriée. Nous consacrerons donc la quatrième et dernière partie de nos travaux
à passer en revue les ripostes contemporaines efficaces qui sont mises en
œuvre, sur le plan national et international, par les autorités chargées de la lutte
contre la criminalité organisée.
Les réponses contemporaines des pouvoirs
publics à la criminalité organisée
Sans prétendre à l’exhaustivité, nous ferons état de certaines expériences récentes porteuses d’espoirs quant aux résultats de cette véritable guerre
livrée par la justice et les forces de sécurité. Nous avons mis en exergue trois
grandes catégories d’expériences. Chacune fera l’objet d’une demi-journée de
travail.
En ce qui concerne les réponses policières, nous avons souhaité
mettre l’accent sur deux orientations récentes de la lutte contre le crime
organisé.
Il faut savoir tout d’abord que les pouvoirs publics ont eux aussi entendu
mettre la science et les technologies au service de l’enquête de police.
L’expérience de l’analyse scientifique du crime et des enquêtes assistées
par ordinateur, mise en œuvre par INTERPOL, nous en fournit une première
Présentation générale du XVIIIe Cours de haute spécialisation
pour les forces de police
27
illustration que M. Mario De Cocq, chef de l’unité d’analyse criminelle de l’OIPC,
viendra nous exposer.
En second lieu, les polices techniques et scientifiques du monde entier
ont fait un effort considérable pour mettre au point des systèmes d’identification
formelle et recevable en justice des auteurs d’infractions. Si des méthodes
telles que l’identification génétique, vocale ou oculaire sont en plein développement, il n’en reste pas moins que l’empreinte dactyloscopique demeure un
outil quotidien d’investigation judiciaire. Cet outil est de plus en plus performant
grâce à l’informatisation. Le commissaire principal Eric Brendel, du service
central de l’identité judiciaire français, nous présentera le fichier automatisé
des empreintes digitales (FAED) en service à la direction centrale de la police
judiciaire. Cette technique sophistiquée a notamment permis d’identifier les
auteurs de la vague d’attentats commis en France durant l’été 1995.
Les autorités policières cherchent également à éradiquer sur le plan
international le phénomène du blanchiment de «.l’argent sale.» découlant
d’activités illicites. Pour ce faire, les sept pays les plus industrialisés ont mis en
place en 1990, le Groupe d’action financière internationale ou GAFI. Cet
organisme a reçu pour mandat d’étudier les circuits financiers internationaux,
d’y détecter les éventuelles prises de participation du crime organisé, d’en
informer les États concernés et d’élaborer des dispositifs de veille afin de
prévenir de tels agissements. M. Jean Spreutels, magistrat belge et représentant du royaume de Belgique au GAFI, nous fera part des résultats concrets
les plus récents obtenus par ce dispositif.
Par ailleurs, il s’avère que la coopération policière bilatérale ou
multilatérale reste souvent le moyen de lutte le plus efficace contre le
blanchiment. M. Paul Beaulieu, attaché de l’US CUSTOMS à l’ambassade
des États-Unis à Paris, nous en fera la démonstration à la faveur de certaines
affaires que son administration a eu à diligenter avec ses homologues étrangers.
Après le court intermède du week-end, nous reprendrons nos travaux le
lundi 23 septembre par la présentation en matinée des réponses judiciaires
au crime organisé. Etant confrontés depuis de longues années aux agissements du crime organisé, il n’est pas surprenant que les USA et l’Italie aient su
mettre en place un arsenal juridique et pénal achevé pour ce qui concerne le
traitement de cette catégorie d’auteurs. Outre l’élaboration d’une législation
dérogatoire du droit commun, ces pays se sont dotés de structures et de
dispositifs propres à endiguer le crime organisé. Nous avons retenu trois de
ces expériences les plus significatives :
1) La spécialisation des magistrats est sans nul doute une des raisons
expliquant les succès rencontrés ces dernières années par les autorités
italiennes dans la lutte sans merci qu’elles livrent à l’hydre mafieuse. Nous
aurons l’honneur d’accueillir un de ces hauts magistrats en la personne de M.
Bruno Siclari, procureur national anti-mafia, qui nous fera part de l’expérience
du parquet national anti-mafia dans la République transalpine.
2) Plus encore que dans d’autres domaines, une lutte efficace contre
le crime organisé suppose l’obtention d’informations précises et fiables sur son
mode de fonctionnement et sur ses activités. Réussir à détecter et à recruter
de tels informateurs implique en contrepartie l’obligation d’assurer leur sécurité.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
28
À cette fin, plusieurs pays ont mis en œuvre des programmes de
protection des témoins pour ces procès sensibles. M. Eugène Coon, assistant du directeur pour la sécurité judiciaire de l’US Marshall Service, nous
présentera le programme américain.
3) Enfin, mieux que des témoins indirects, il s’est agi ces dernières
années de susciter, via des réductions substantielles de peines, des «.repentis.» chez les acteurs mêmes du crime organisé. Cette collaboration avec les
services de police et de justice n’est pas sans poser de graves difficultés pour
la gestion carcérale de ces «.traîtres.» aux yeux de l’organisation du crime.
L’incarcération des responsables mafieux entraîne l’obligation pour les services
pénitentiaires de faire preuve d’une vigilance extrême afin d’empêcher que ces
détenus particuliers puissent continuer à gérer leurs activités criminelles de
l’intérieur même de leur lieu de détention. Le docteur Salvatore Cianci, actuel
procureur général de la Cour suprême de cassation italienne et ancien directeur
de l’administration pénitentiaire, nous présentera dans le détail les modalités
pratiques de la gestion pénitentiaire de la criminalité organisée.
L’après-midi sera entièrement dévolue aux réponses internationales
apportées au crime organisé à la faveur d’une double intervention spécifiquement consacrée à l’action des Nations Unies.
M. Bernard Frahi, commissaire divisionnaire de la police française
détaché à l’ONU à Vienne, traitera, lui, du Programme des Nations Unies
pour le contrôle international des drogues (PNUCID). Chef de la section
régionale pour l’Europe et le Moyen-Orient de cet organisme international, il
nous fera part de la vulnérabilité des pays en transition face aux trafics de
drogues internationaux.
Nous laisserons ensuite la parole à M. Dimitris Vlassis, expert auprès de
la commission pour la prévention du crime et pour la justice pénale du Conseil
économique et social de l’ONU à Vienne.
Comme vous le savez, les Nations Unies sont à l’origine d’un important
mouvement de réflexion sur le concept de crime organisé et sur les modalités
d’adoption d’une convention répressive internationale le concernant. L’organisme auquel appartient M. Vlassis a été l’initiateur de la conférence ministérielle mondiale tenue à Naples en novembre 1994, conférence dont il nous
présentera les conclusions et les développements actuels.
Synthèse et perspectives
Après qu’il aura été procédé à la restitution des travaux de groupes et à
l’examen de leurs propositions, je procéderai à la synthèse du XVIIIe cours.
Avant de nous séparer, et comme il est de tradition, le congrès sera clos
par M. le préfet Claude Guéant, directeur général de la police nationale
française. Ce dernier animera, en compagnie de M. Edouard Janssens, viceprésident d’Intercenter, la cérémonie de remise des diplômes.
***
Présentation générale du XVIIIe Cours de haute spécialisation
pour les forces de police
29
Pour achever cette présentation je vous rappellerai que dans la conclusion de son ouvrage consacré à la criminalité internationale, André Bossard,
alors secrétaire général d’OIPC-Interpol, s’interrogeait sur le point de savoir si
en définitive elle ne constituait pas «.le reflet malsain du monde dans lequel
nous vivons.» (in La criminalité internationale, «.Que sais-je.», PUF 1991).
Il est possible que les travaux qui vont nous occuper cette semaine nous
conduisent à confirmer cette appréciation. Quoiqu’il en soit, il ne saurait
cependant être question pour les forces de sécurité de se laisser aller à la
résignation et au renoncement.
«.Accepter une défaite, c’est déjà être vaincu.» affirmait péremptoirement le maréchal Foch, généralissime des forces alliées durant le premier
conflit mondial.
Si le crime organisé entend livrer à notre ordre social une véritable
guerre, nous devons chercher à mieux cerner l’adversaire et à parfaire une
stratégie d’ensemble de nature à éradiquer les racines du mal.
Comme vous l’a dit M. Jean-Louis Debré, la France souhaite que le XVIIIe
Cours international de haute spécialisation pour les forces de police participe
activement à l’élaboration de cette stratégie.
Je suis conscient que ce n’est pas chose aisée et qu’il nous faudra du
courage et de la pugnacité. Nous savons tous cependant que les batailles
perdues d’avance sont celles qu’on ne livre pas.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
30
Summary
General presentation of the
Marcel Leclerc
XVIIIth
course
The 18th police advanced specialisation course was oriented toward the changes in
organised crime. Its subject study had been determined in the fall of 1995 following a
proposal made by the minister of the interior Jean-Louis Debré to the managers of
Intercenter.
Truly, the transnational criminal organisations do show a major capacity of adaptation
linked to a profit seeking objective.
The main objective of the seminar has been to show that international character of the
activities of organised crime and the need for o-operation of all public agencies concerned.
An approach toward the changes in organised crime has been seen through the following
four questions:
–What is organised crime? The term is used very frequently but the concept of organised
crime covers a meaning that has no precise legal definition.
–What are the new shapes and forms of organised crime? There are the traditional
activities and organisations. But there are also new organisations and structures with
different targets and methods.
–What is now at stake in the fight against organised crime? This questions is obviously
linked to the previous one. Organised crime seeps into the economy and social network
of nations. It requires an overall thinking and response from governments.
–What are the modern responses that can be opposed to organised crime? The public
sector can only prove efficient under the condition of national and international co-operation
of all law enforcement agencies, whether judiciary of police.
In the end, only a truly strategic plan will prove of any use and value.
Présentation générale du XVIIIe Cours de haute spécialisation
pour les forces de police
31
Resumen
Presentación general del XVIII curso internacional
de alta especialización para las fuerzas de policía
Marcel Leclerc
La temática central del XVIII curso International de Alta Especialización para las Fuerzas
de Policía, dedicada a «.la evolución de la Criminalidad organizada.», ha sido determinada
durante el otoño de 1995 según la propuesta hecha en nombre del Señor Ministro
Jean-Louis Debré ante los dirigentes de Intercenter.
En efecto, las organizaciones criminales transnacionales se caracterizan por una estupenda capacidad de adaptación asociada con una finalidad de provecho.
En este marco, la programación de este coloquio se dedicó a tener en cuenta el
internacionalismo que guía las actividades del crimen organizado, y la necesaria actividad
concertada de todos los actores públicos empeñados para combatirlo.
El enfoque de la evolución de la criminalidad organizada ha sido efectuado con el
cuádruple cuestionario siguiente.
¿ Qué es el crimen organizado.? Vocablo muy empleado socialmente, el concepto de
crimen organizado es una noción cuyos contornos jurídicos quedan imprecisos.
¿ Qué son las nuevas formas del crimen organizado.? A1 lado de organizaciones y
actividades criminales tradicionales, se abren paso otras estrúcturas y otros vectores de
ingenuidad social comparable.
¿, Qué son las nuevas puestas de la lucha contra la criminalidad organizada.? Incontestablemente, este cuestionario es encadenado al anterior.
En efecto, la criminalidad organizada es un fenómeno que inviste de manera más o menos
difusa el conjunto de sectores económicos y socialcs de las naciones. Por consiguiente
provoca una reflexión global y múltiple de parte de los gobiernos.
¿ Qué son las respuestas contemporáneas alegadas en el crimen organizado.? La
eficiencia del despliegue de los poderes públicos exige una acción concertada en el terreno
nacional e internacional de todos los servicios represivos de orden policial o judicial.
Finalmente, es una verdadera estrategia que debe ser puesta en práctica.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
32
Présentation
de la criminalité organisée
Essai de géopolitique
de la criminalité organisée
Hervé Bolot,
diplomate et conseiller diplomatique du ministre français
de l’IntérieurEssai de géopolitique de la criminalité organisée
Introduction
La tentative de définir une géopolitique de la criminalité organisée est
incontestablement un héritage du géostratégique qui a dominé la réflexion dans
les relations internationales depuis la dernière guerre jusqu’à la chute du mur
de Berlin.
La géopolitique, c’est se livrer à l’étude d’un phénomène au regard de
son ou de ses aires géographiques et de son poids sur les structures et
les évolutions politiques régionales ou globales.
Très vite interviennent deux difficultés majeures. D’une part, la difficulté
de définir et de globaliser le phénomène de criminalité organisée. D’autre part,
la difficulté d’une identification statistique et géographique précise, peu
compatible avec une démarche de type scientifique.
Nous tenterons donc d’établir les liens et les rapports de force entre la
ou les criminalités organisées d’une part, et les États ou les ensembles d’États
d’autre part.
Cette réflexion nous mènera à nous poser deux questions :
– La criminalité organisée comporte-t-elle une dimension stratégique
avec une réelle capacité à affecter les relations régionales ou mondiales.?
– La CRI peut elle directement et notablement influencer la sécurité
collective des États.?
Il est certain, et c’est un truisme de le rappeler, que la criminalité
organisée (ou non) n’est pas un élément structurant de la vie sociale et
économique. Elle utilise les systèmes pour les détourner et, de ce fait, contribue
à déliter les systèmes politiques et économiques, même si ce n’est pas son
objectif premier.
Il est une évidence pour chacun de vous qui participez à la lutte contre
la criminalité que les menaces sur les ordres internes sont bel et bien réels.
Le sujet demandé n’est qu’une approche préliminaire, car peu de gens
se sont essayés à une géopolitique élaborée de la criminalité organisée.
Après avoir esquissé une typologie, nous tenterons d’en dégager ensuite
les traits communs des organisations criminelles et leurs conséquences à l’échelon
international, avant d’examiner les facteurs de développement et de s’essayer,
pour finir en conclusion, sur les dangers et aussi les obligations politiques auxquels
devront faire face les États individuellement et dans leur ensemble.
Essai de typologie de la criminalité organisée
La réflexion sur la criminalité est marquée par les phénomènes les plus
anciens, à caractère régional. Ils ont marqué les concepts et le vocabulaire.
Pour simplifier, il convient de distinguer deux types d’organisation criminelle.
Les organisations classiques ou historiques
Sans chercher à décrire ces organisations, ce que d’aucuns dans la salle
pourraient faire bien mieux que moi, je regrouperais dans cette catégorie, à tout
seigneur tout honneur, les mafias italiennes (mafia sicilienne, camorra, a
’Ndrangheta et plus récemment la sacra corona unita), les yakuzas japonaises,
les triades chinoises.
Toutes ces organisations ont comme point commun une forte assise
locale, voire régionale ou à l’échelle d’un pays. Elle comportent deux caractéristiques qui ont tendance à s’estomper dans d’autres organisations :
– au départ, rôle de protection et même de protection sociale.;
– rôle de régulation de la délinquance, la criminalité organisée contribuant à
contenir la délinquance occasionnelle ou de petite envergure.
Il convient, en terme de transition, de faire une mention particulière de
la «.cosa-nostra.» américaine qui, dans l’entre-deux guerres, avait les caractéristiques d’une organisation mafieuse de type traditionnel mais qui a été
l’instrument d’une dissémination mafieuse, avec un retour d’activité vers la
Sicile, et s’est montrée pionnière dans la modernisation des méthodes et de
l’extension des zones d’activités.
Les nouvelles formes de criminalité
transnationale organisée
Il convient de regrouper les organisations apparues plus récemment dont
les caractéristiques sont celles d’un plus grand éclatement géographique et
d’une très grande diversification des activités. Dans ce groupe, il convient de
classer :
– les cartels de la drogue (Cali, Medellin et les cartels mexicains).;
– Les mafias russes, néologisme commode et relativement journalistique,
permettant d’englober plus de 5.000 groupes réunis dans 150 à 160 organisa-
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
36
tions criminelles et regroupant, selon les estimations, environ 100.000 membres. C’est sans doute face au développement des mafias russes, qu’une prise
de conscience, en tout cas en Europe, sur la criminalité organisée s’est fait jour
depuis la chute du mur de Berlin. Pourtant, ce vocable est partiellement inexact
car sous l’adjectif se cachent à la fois des groupes ukrainiens, géorgiens,
azerbaodjanais, arméniens, lituaniens et tchétchènes.
C’est dire s’il faut se méfier des catégories et des analyses globalisantes
simplificatrices en matière de criminalité organisée.
Cela est encore plus vrai avec ce que d’aucuns ont baptisé les guérillas
dégénérées et les organisations des zones dites grises issues principalement
des grands bouleversements politiques récents tels que les suites de la guerre
d’Afghanistan, du conflit de l’ex-Yougoslavie et, d’une manière générale, toutes
les zones subissant le contrecoup de changements politiques, économiques et
militaires brutaux.
Dans cet essai de typologie brossé à grands traits, ne sont pas comprises les organisations qui apparaissent ça et là dans des pays émergeant à la
criminalité tels que l’Afrique du Sud.
À ce stade, l’on constate que l’on va vers une criminalité organisée très
diversifiée et de plus en plus éclatée, où il est difficile de distinguer des lignes
forces de stratégies politiques communes.
Autre trait, la caractérisation par la nationalité tend à s’estomper. Deux
groupes apparaissent alors entre eux pour lesquels une caractéristique géographique ne convient plus guère et ceux pour lesquels l’appartenance ethnique occulte complètement la dimension «.nationale.».
L’examen comparatif montre que la criminalité classique à structure
verticale, hiérarchisée qui avait, à sa manière, un rôle de régulation de la
délinquance tend à ne plus être le «.modèle.».
Les traits communs
Partant de ces premiers constats, il paraît important de dégager les
caractéristiques traditionnelles de la criminalité organisée, puis ensuite les
nouvelles tendances.
Les caractéristiques traditionnelles
Elles sont incluses dans le titre adopté sur le plan international, à savoir
criminalité transnationale organisée.
a – La taille et le niveau d’organisation qui permettent de distinguer
la criminalité organisée de la délinquance et même du grand banditisme en
introduisant l’idée de permanence des structures. L’axiome en est la durée
de l’organisation, notamment au-delà de la disparition souvent violente de ses
dirigeants, la hiérarchie et la continuité des méthodes.
Essai de géopolitique de la criminalité organisée
37
b – La transnationalité. Il est clair qu’au niveau international, même une
structure sophistiquée du grand banditisme à fortes implantations nationales a
peu d’intérêts en termes géopolitiques si elle n’a pas de ramifications ou
d’activités dans deux ou plusieurs pays.
Ceci est d’autant plus vrai que la criminalité, quelle que soit sa nature,
vit et prospère dans le refus du cadre juridique et de l’ordre public au sein d’un
pays et que, par extension, elle se moque des limites frontalières et des
compétences des différents systèmes juridiques comme des obstacles, bien
au contraire.
Les tendances récentes
Si, dans le passé, l’on a pu voir des accointances entre criminalité et
idéologies, une des caractéristiques de la criminalité est de ne pas avoir de
support ni idéologique, ni religieux. Elle les utilise parfois par plaquage, mais
ce n’est pas consubstantiel à l’activité criminelle.
Par ailleurs, s’il y a nouveauté dans le développement de la criminalité
organisée, ce n’est pas dans le type d’organisation et le type systémique, mais
c’est dans l’échelle, la vitesse d’exécution et d’action et les ramifications
internationales.
L’apparition d’un véritable danger sur le plan international vient de celle
de la naissance de stratégies plurinationales avec des alliances occasionnelles ou construites, voire de véritables contrats de prestations de services
de type entrepreneurial entre organisations.
Il y a également une tendance nouvelle très forte à la délocalisation
des spécialités criminelles, notamment dans le domaine de la drogue où les
terroirs de production traditionnels du cannabis, de la coca ou du pavot sont
en train de se disperser.
Quelques exemples : le cannabis à plus haute teneur au monde est
maintenant cultivé aux Pays-Bas. La saisie la plus importante de cannabis
réalisée en Europe a été faite en France d’une production venant de Colombie,
territoire traditionnel de trafic de coca et destinée au marché hollandais. De
même l’on note une très forte délocalisation de la production de pavot des aires
géographiques traditionnelles, l’éclatement étant à son maximum lorsqu’il s’agit
des productions de drogues chimiques (ecstasy).
Enfin, il y a atypisation des sources de profit. Alors que les groupes
criminels traditionnels avaient bâti leur fortune et leur réseaux sur une activité
dominante comme la prohibition (Cosa-Nostra), la drogue, le marché noir dans
les pays dits de la mafia russe, etc..., comme dans les grandes entreprises
transnationales, il y a une diversification des sources de profit dans tous les
domaines pouvant générer des gains très rapides et importants.
Enfin, le caractère national ou ethnique de certaines de ces activités
se prolonge par les diasporas de par le monde qui sont souvent d’ailleurs à
l’origine les premières victimes du chantage. Elles servent par la suite de relais
pour ces organisations. C’est le cas, par exemple, de la diaspora chinoise
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
38
comptant environ 60 millions d’individus de par le monde ou de la dissémination
en Europe occidentale des personnes originaires des pays d’Europe orientale.
Ces traits communs permettent une meilleure appréhension du phénomène afin de développer une analyse géopolitique. En elle-même, elle ne
servirait à rien si elle ne pouvait contribuer à la mise en commun d’éléments
pour développer moyens et structures de lutte au niveau international.
Essai de définition
Le problème majeur que je soulignais plus haut est que la criminalité ne
se trahit pas par ses structures, mais seulement par ses activités et que souvent
il est plus facile d’analyser certains secteurs criminels plutôt que les organisations. Cette difficulté d’appréhension sur le plan international se traduit par les
difficultés de parvenir à une définition communément admise.
La conférence de Naples sur la criminalité transnationale organisée en
1994, afin de se concentrer sur ses recommandations, a délibérément laissé
de côté le problème de la définition de la CTO et de ses caractéristiques.
Il en a été de même dans la conduite des travaux du groupe d’experts à
haut niveau contre la criminalité organisée du G7-P8.
Seuls deux organismes ont tenté de se livrer à cet exercice qui, bien sûr,
ne fait l’objet d’aucun consensus universel.
Je me permettrai simplement de rappeler ces deux définitions qui sont :
a) Celle de l’Union Européenne
Pour qu’une infraction ou un groupe criminel ressortisse à la criminalité
organisée, au moins six des caractéristiques énumérées ci-dessous doivent
être présentes, dont obligatoirement celles énoncées 1, 5 et 11.
1 – collaboration entre plus de deux personnes.;
2 – des tâches spécifiques étant attribuées à chacune d’elles.;
3 – sur une période de temps assez longue ou indéterminée.;
4 – avec une forme de discipline et de contrôle.;
5 – suspectées d’avoir commis des infractions pénales graves.;
6 – agissant au niveau international.;
7 – recourant à la violence ou à d’autres moyens d’intimidation.;
8 – utilisant des structures commerciales ou de type commercial.;
9 – se livrant au blanchiment d’argent.;
10 – exerçant une influence sur les milieux politiques, les médias, l’administration publique, le pouvoir judiciaire ou l’économie.;
11 – agissant pour le profit et/ou le pouvoir.
b) Celle d’Interpol
«.Toute association ou tout groupement de personnes se livrant à une
activité illicite continue, dont le premier but est de réaliser des profits sans
souci des frontières nationales.».
Essai de géopolitique de la criminalité organisée
39
Les facteurs d’évolution et de développement
Notre réflexion doit nous mener à présent à examiner le poids de la
criminalité organisée sur les équilibres mondiaux.
Il est clair qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle menace mais que la
nouveauté réside dans le volume, la vitesse et la transnationalité de plus
en plus grande des activités de ces organisations. Par rapport aux périodes
antérieures, en tout cas pour les organisations dites «.historiques.», où elles
se substituaient par certains côtés à un certain manque institutionnel et
organisationnel dans des territoires limités, les organisations criminelles transnationales jouent sur plusieurs ressorts de l’évolution récente des relations
internationales.
D’une certaine manière, elles réalisent sur une échelle souvent très large
ce que les sociétés multinationales ont mis de nombreuses années à réaliser
et à obtenir. Elles laissent les structures d’État souvent immobilisées et inefficaces par l’importance de leurs moyens, mais surtout par leur souplesse et leur
rapidité. Plusieurs facteurs se conjuguent pour faciliter leur tâche dans le
monde d’aujourd’hui.
Tout d’abord l’extension de la liberté des échanges des personnes et
des marchandises. La constitution en plusieurs régions du monde, d’ensembles et de sous-ensembles économiques et politiques, est exploitée par la
criminalité organisée qui profite de l’unification des marchés au même titre que
toute autre entreprise cherchant à s’exporter. C’est ainsi qu’est apparue une
nouvelle forme de criminalité aux subventions communautaires.
La deuxième révolution est celle des transmissions de l’information. La
révolution technologique, tant des transports aériens que de l’information (fax,
électronique, téléphonie sans fil, mais aussi de la monétique), est largement utilisée
par les organisations criminelles pour fluidifier l’ensemble de leurs communications. L’ensemble de ces technologies a permis à ces organisations, souvent
limitées à l’origine dans l’espace, de se rencontrer, de passer des alliances et de
se livrer à des activités internationales complémentaires sur différents trafics. Une
affaire récente de grande importance a conduit à l’arrestation en France des
membres d’une filière d’importation de drogue impliquant à la fois des Colombiens,
des Espagnols, des Roumains, des Bulgares et des Français, sur un parcours en
zigzags impliquant de nombreux intervenants dans 6 pays.
Face à cela, force est de constater la pesanteur et la rigidité mais aussi
l’hétérogénéité des systèmes de défense des pays cibles, de préférence
pays développés à revenus national et individuel élevés. C’est ainsi que sur le
plan législatif, des procédures judiciaires et pénales, les différentiels sont
utilisés par les organisations criminelles de façon à échapper le plus possible
à une éventuelle répression. Chaque point faible dans le dispositif répressif
international définit directement ou indirectement un espace d’impunité qui est
immédiatement utilisé par les organisations à leur profit. Cette hétérogénéité
des systèmes répressifs est le principal handicap de nos sociétés pour lutter
efficacement contre la criminalité organisée. Si chacun croit pouvoir espérer
échapper à certaines de ces manifestations en pactisant d’une certaine manière avec ces organisations, il se nuit à lui-même à long terme, mais contribue
également à désorganiser une lutte d’ensemble efficace.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
40
À cet égard, le cas des paradis fiscaux est à la fois révélateur de ces
situations différenciées et facteur du développement de la criminalité organisée. À partir du moment où des havres permettent aux organisations de placer
et de recycler les profits de leur crime, la lutte revêt un caractère inégal. Sur le
long terme, les paradis fiscaux qui encouragent ces pratiques contribuent à la
reproduction du phénomène.
Ces facteurs :
– zones de libre échange et de facilité de transports.;
– moyens de transmission de l’information et de l’échange des biens.;
– hétérogénéité des systèmes de défense.;
à quoi, il convient d’ajouter, l’affaiblissement des structures étatiques et judiciaires dans bon nombre d’États, vont permettre aux organisations
criminelles d’étendre d’une part les zones grises où elles sont plus à l’aise,
notamment dans la production des biens tels que la drogue, et pour le
recrutement de leurs personnes, tout en brouillant à loisir les pistes dans les
pays cibles.
Ces facteurs de développement vont conduire inévitablement à des
évolutions qui sont déjà largement en germe ou même entamées :
– sur le plan relationnel, dans des systèmes démocratiques et d’économie libérale reposant sur la confiance et dans des systèmes fiduciaires, le
fait que certaines de ces organisations œuvrent plus ou moins à visage
découvert, minent ces systèmes de confiance économiques et financiers, mais
aussi sociaux et politiques. Certaines des crises relationnelles des pays d’Amérique latine en sont en partie l’exemple.
– sur le plan régional, nous le voyons bien dans la construction
européenne, les conditions d’adhésion et de coopération entre pays membres
incluent maintenant un certain nombre de paramètres liés au développement
des activités de coopération policière et judiciaire qui n’étaient même pas
abordés au moment d’adhésions plus anciennes telles que celles de l’Espagne,
du Portugal ou de la Grèce. D’une certaine manière, ces questions ont
également pesé sur les rapports au sein de l’Alena.
Enfin, reste la question de savoir si les groupes criminels peuvent,
par le biais notamment du trafic de matières radioactives et/ou chimiques, parvenir à une maîtrise et un commerce d’armements de nature à
exercer un chantage et un déséquilibre sur les États ou groupe d’États. À
ce stade, il ne paraît pas vraisemblable dans l’immédiat que ce scénario se
déroule puisque la recherche d’un profit rapide et le plus large possible
constitue le premier objectif des organisations criminelles. Une pénétration,
qualifiée de douce et lente dans les appareils économiques et politiques,
s’avère sur le long terme plus «.payante.» que la possession beaucoup plus
conflictuelle et difficile à maîtriser des matières chimiques ou nucléaires
pouvant leur donner une dimension criminelle stratégique. Cela dit, il est
évident que l’intérêt commun des États que nous représentons, est d’être
très vigilant sur les éventuels développements de ce type de trafic, pour
éviter que cela ne dérape.
Essai de géopolitique de la criminalité organisée
41
Conclusions
À ce stade d’une analyse géopolitique, il ne semble pas que l’on puisse
se livrer à un exercice aussi développé et de nature quasi scientifique tel que
celui ayant eu cours dans le domaine stratégico-militaire. Les difficultés de
définition, d’analyse, d’appréciation statistique sur les volumes et les connexions de la criminalité rendent d’ailleurs ce travail délicat, voire impossible,
puisque ces activités échappent à une statistique même simpliste.
De plus, le morcellement, la diversité des mouvements s’ils ont des
conséquences semblables, parallèles, voire conjointes en termes de destruction des appareils économiques, politiques et sociaux, ne relèvent pas à ce
stade de stratégies unifiées ou coordonnées avec pour objectif de parvenir à
une sorte de directoire ou de pouvoir politique plus ou moins occulte.
Il faut donc nous méfier dans le développement de cette réflexion de
plusieurs éléments :
Le premier écueil est politique. Il faut éviter de faire de la CRI un nouveau
Léviathan, un ennemi commun de nos sociétés qui nous conduirait à rechercher des solidarités politiques potentielles plus ou moins artificielles au détriment de la recherche et de la coopération opérationnelle.
L’autre écueil politique est de systématiquement internationaliser les
causes et de rechercher artificiellement des racines et des solutions extérieures
pour, en partie, se défausser des responsabilités propres à chaque État face
au développement de la criminalité organisée sur son territoire d’une part, et
des contacts et des interactions recherchés par ces mouvements d’autre part.
Depuis que le géostratégique est devenu moins prééminent dans la
réflexion des relations internationales, il faut donc se garder de rechercher a
priori un ou plusieurs ennemis communs en vue de refaçonner une politique
d’alliances fondée sur ce seul thème ou critère.
Si cette recherche d’une coopération internationale est absolument
indispensable dans la lutte opérationnelle contre la criminalité organisée, mon
propos reste de mettre en garde de se tromper de finalité. Il est impératif
d’adopter une approche opérationnelle efficace dans chacun des domaines
d’activités criminelles et d’éviter de façon consciente ou non, de déplacer le
problème sur le terrain politique. En effet, la finalité de la criminalité organisée
telle que nous la connaissons, n’est pas essentiellement politique.
Il faut donc nous convaincre de la fragilité de nos modes de pensée face
aux modes d’action très diversifiés et éclatés des organisations criminelles et
de la fragilité de mise en place de critères d’analyses globales face à des gens
qui, certes sont organisés dans le but de profiter, voire de désorganiser les
systèmes économiques, politiques et sociaux, mais n’ont d’esprit de système dans leur essence même. En un sens, essayer de dégager une
géopolitique est en fait l’expression optimale d’une analyse rationnelle
alors que nous sommes face à des phénomènes qui jouent des failles de
nos systèmes politiques, judiciaires et économiques, plutôt que de bâtir des
systèmes alternatifs.
***
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
42
En prenant une image météorologique, nous tentons de faire une
analyse globale des grands courants cycloniques et anticycloniques et des
ouragans des guerres alors que la criminalité organisée, c’est de l’eau qui sourd
dans les fondations de nos maisons respectives.
Essai de géopolitique de la criminalité organisée
43
Summary
Essay of Geopolitics on organised crime
Hervé Bolot
Geopolitics consists in “studying a phenomenon regarding its geographical areas and its
weight on the structures and the regional or global political evolutions”. There are two
difficulties. First, the difficulty to define and globalise the phenomenon of organised crime.
Secondly, the difficulty to obtain precise statistical and geographical identification. Crime
does not betray itself by its structures but by its activities. The threats on internal orders
are still well and truly real.
1) Essay of typology on organised crime
First of all, there are the classical or historical organisations found in the Italian Mafias, the
Japanese Yakuzas and the Chinese Triads. The common feature of these organisations
is a strong local, regional or national implantation.
New forms of trans-national organised crime have appeared lately, and are characterised
by a wider geographical spread and a great diversification of activities. Among them are
the drug cartels (Cali, Medelin, and the Mexican cartels), Russian Mafias which mean over
5,000 groups gathered together, within between 150 to 160 organisations, and count,
according to reckonings, about 100,000 members.
The observation shows that we are moving towards a very diversified and more and more spread
out organised crime, where it is difficult to distinguish the main themes of the political strategies.
2) Common features
Traditional characteristics are the size, the level of organisation, the permanence of
structures and trans-nationality.
What are the tendencies? One of the characteristics of contempory crime is to be devoid
of ideological or religious medium. Novelty is within the scale, the rapidity of execution and
action, and the international ramifications. There is also a very strong new tendency
towards delocalisation of criminal specialisations, especially in the domain of drugs, where
the traditional areas for cannabis, coca or poppy are breaking up. Among these new
tendencies, it is also obvious that the sources of profit in all domains become atypical, and
can generate very rapid and important gains. Finally, it is noticeable that the national or
ethnic characteristic of certain of these activities prolongs itself via the different diaspora
scattered around the world.
Any attempt towards a definition? At the international level, difficulties arise to reach a
commonly accepted definition. The Naples Conference on organised crime in 1994 left
this problem on the side deliberately, in order to concentrate on recommendations. As for
the European Union, it adopted in 1995 a definition counting eleven characteristics (among
which a collaboration between more than two persons, suspected of having committed
serious criminal offences in order to gain profit and/or power).
In 1988, the ICPO-Interpol gave the following definition: “Any association or group of people
engaged in continuous illicit activities, the prime objective being to make profit without
concern for national boundaries.”
3) Factors of evolution and development
The new factor concerning the weight of organised crime on the world equilibrium does
not show through new threats, but in the volume, the rapidity and the trans-nationality of
these organisations’activities, which are facilitated by the free circulation of people and
goods and by the transmission of information thanks to technological progress.
It is noticed that facing this, there is a certain heaviness, and even the rigidity and the
heterogeneity of the defence systems of the targeted countries.
A strong international co-operation is indispensable in the organisational combat against
organised crime, according to an efficient operational approach. However, the problem
should not be shifted on a terrain which would be only political. We must guard against a
too globalising way of thinking.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
44
Resumen
Ensayo de geopolítica de la criminalidad organizada
Hervé Bolot
La geopolítica consiste en «.estudiar un fenómeno respecto a su o sus áreas geográficas
y de su peso en las estructuras y evoluciones políticas regionales o globales.». Dos
dificultades aparecen. Primero la dificultad de definir y globalizar el fenómeno de criminalidad organizada. Luego, la dificultad de identificación estatística y geográfica precisa. La
criminalidad no se traiciona por sus estructuras sino sólo por sus actividades. Sin embargo,
las amenazas sobre las organizaciones internas son muy reales.
1) Ensayo de tipología de la criminalidad organizada.
Primero hay las organizaciones clásicas o históricas que reagrupan las mafias italianas,
las yakuzas japonesas y las tríadas chinas. El punto común de estas organizaciones es
un fuerte asiento local, hasta regional o al nivel de un país.
Nuevas formas de criminalidad transnacional organizada aparecieron hace poco y se
caracterizan por una más grande fragmentación geográfica y una muy grande diversificación de las actividades. Figuran dentro los cárteles de la droga (Cali, Medelín y los cárteles
mejicanos), las mafias rusas que abarcan más de 5.000 grupos reunidos en 150 a 160
organizaciones y que reagrupan, según las estimaciones, poco más o menos 100.000
miembros.
El balance realizado es que vamos hacia una criminalidad organizada muy diversificada
y más y más diseminada, en la que es dificil distinguir los objetivos principales de
estrategías políticas.
2) Los rasgos comunes.
Las características tradicionales son la dimensión, el nivel de organización, la permanencia de las estructuras y la transnacionalidad.
¿ Qué son las tendencias.? Una de las características de la criminalidad contemporánea
es de ser desprovista de todo soporte ideológico o religioso. La novedad reside en la
escala, la velocidad de ejecución y de acción y las ramificaciones internacionales. Hay
también una nueva tendencia muy fuerte para deslocalizar las especialidades criminales,
especialmente en el campo de la droga donde las tierras tradicionales del cannabis, de la
coca o de la adormidera van dispersándose. En estas nuevas tendencias hay también
algo atípico de las fuentes de provecho en todos los dominios que pueden procurar
beneficios muy rápidos e importantes. Por fin, se nota que el carácter nacional o étnico
de ciertas de estas actividades se prolonga por las diasporas dispersadas en el mundo.
¿ Hay un intento de definición.? En el terreno internacional, se manifiestan dificultades
para llegar a una definición que todos admiten. La Conferencia de Nápoles de 1994 sobre
la criminalidad organizada había deliberadamente dejado a un lado el problema de la
definición para concentrarse en sus recomendaciones.
Por su parte, la Unión Europea adoptó, en l 995, una definición en once características
(de las cuales una colaboración entre más de dos personas, sospechadas de haber
cometido infracciones penales graves, actuando para el provecho y/o el poder).
En 1988, el OlPC-lnterpol había dado la definición siguiente : «.Toda asociasión o toda
agrupación de personas que se dedican a una actividad ilícita continua, cuya primera meta
es realizar provechos sin preocuparse de las fronteras nacionales.».
3) Los factures de evolución y de desarrollo.
La novedad que concierne el peso de la criminalidad organizada en los equilibrios
mundiales no reside en nuevas amenazas sino en el volumen, la velocidad y la transnacionalidad de las actividades de las organizaciones favorecidos por la libertad de los
Essai de géopolitique de la criminalité organisée
45
intercambios de personas, de mercancías y de la transmisión de las informaciones gracias
a los progresos tecnológicos.
Frente a esto, se observó cierta poca vivacidad, hasta la rigidez y la heterogeneidad de
los sistemas de defensa de los países tocados.
Una cooperación internacional fuerte es imprescindible en la organización de la lucha
contra la criminalidad organizada, según un acercamiento operativo eficaz. Sin embargo,
es conveniente no cambiar el problema hacia un terreno sólo político. Hay que evitar
modos de pensamiento demasiado generales.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
46
Empirical Criminological
Research on Organised Crime
The State of Affairs in Europe
Cyrille Fijnaut,
professor at the Catholic University of Leuven (Belgium)
Introduction
The StateEmpirical
of AffairsCriminological
in Europe
Research on Organised Crime
Organised crime and in particular the containment of organised crime
has become an important political issue in Europe. To substantiate this thesis
one could refer to a large number of transnational and national initiatives and
developments. In the framework of this exposé I shall confine myself to
mentioning just a few of them. At the level of the United Nations reference has
to be made to the important World Ministerial Conference on Organised
Transnational Crime in Naples, Italy, on 21-23 November 1994.1. The council
of Europe has made, up to this moment, great efforts to enhance the suitability
and applicability of the mutual legal assistance system of its member-states,
notably with a view to the repression of laundering the proceeds of (organised)
crime.2. Time and again the European Union, in all its different shapes, –so,
not only the European Council but also the European Parliament– has clearly
expressed the viewpoint that organised crime makes up a major threat, not only
for the member-states but also for the Union itself.3. The issue of organised
crime dominates most of the initiatives that are taken in the framework of justice
and home affairs co-operation (Chapter VI, Treaty of Maastricht), above all the
1. See the background document Problems and dangers posed by organised transnational crime in
the various regions of the world, United Nations, Economic and Social Council, E/Conf. 88/2, 18 August
1994.
2. W.C. Gilmore, Dirty money: the evolution of money laundering counter-measures, Strasbourg,
Council of Europe Press, 1995.
3. The European Council has always stressed in the conclusions of its summit that the containment of
organised crime and in particular the drugs trade is of vital interest for the Union and the member states
alike. In the conclusions of the recent Florence summit it states that in the context of the revision of the
treaties also the improvement of the means and instruments to fight terrorism, organised crime and drugs
trade should be considered (Cfr. Europese Raad van Florence, 21 en 22 juni 1996, “Conclusies van het
Voorzitterschap”, Europa van Morgen, 3.7.1996, pp. 55-56). The European Parliament already
established several committees of inquiry into the problems of organised crime. See e. g. the 1992 Report
drawn up by the committee of inquiry into the spread of organised crime linked to drugs trafficking in the
member states of the European Community, European Parliament, 1991-1992, Session Documents,
PE 152.380/fin.
establishment of Europol.1. The so-called fight against EC-fraud, via the special
co-ordination unit in the European Commission, has grown in importance since
the time when the relevant problems were phrased in terms of organised
crime.2. All over Europe at a national level we have seen the normalisation and
modernisation of undercover policing, the introduction of more intrusive investigative powers like tapping and bugging, the corresponding specialisation of
police forces and prosecution services at a local as well as a central level, the
adoption of new (penal and administrative) sanctions, the development of
preventive anti-corruption programmes, the use of administrative means to
keep away criminal groupings from the construction industry, etc. etc..3. In other
words: organised crime has become not only an important issue in itself, its
importance has as much to do with its great impact on criminal law, the
administration of criminal justice and, gradually, also the local, regional and
central public administration.
Against this background it is, indeed, absolutely justified to ask the
question in which way criminology in Europe or, perhaps better, European
criminologists has/have dealt with the issue of organised crime, particularly
–because that is the question of the organising committee– in the form of
empirical research. To answer this question I have divided it into three
sub-questions. First of all what is the actual state of affairs with respect to
empirical criminological research in this field? My answer to this question
that this research does not look promising, leads to the second one: which
factors may explain this negative state of affairs? The answer to this
question gives rise to the third question: what could be done to improve the
situation?
In conjunction with the foregoing it yet must be underlined that my
answers to these questions are not only based on reading and rereading the
most relevant European and American writings on organised crime and its
containment. They are also heavily founded on my experiences with academic
research on behalf of three successive (Belgian and Dutch) parliamentary
committees of inquiry into problems of serious (organised) crime and its
1. C. Fijnaut, “Intergovernmental co-operation on drug control: debates on Europol”, in: N. Dorn, J.
Jepsen and E. Savona (eds.), European drug policies and enforcement, London, MacMillan, 1996,
pp. 195-212. Cfr. also the second report of H. Nassauer on Europol on behalf of the Committee on Civil
Liberties and Internal Affairs of the European Parliament (European Parliament, 29 February 1996, PE
215.803/fin.).
2. C. Fijnaut, “De connecties tussen EG-fraude en georganiseerde misdaad”, in: H. de Doelder (red.),
Bestrijding van EEG-fraude, Arnhem, Gouda Quint, 1990, pp. 87-96.
3. An adequate overview of all of this is still missing, but reference can be made to: W. Gropp (Hrsg.),
Besondere Ermittlungsmassnahmen zur Bekämpfung der Organisierten Kriminalität, Freiburg,
Max-Plank Institut für ausländisches und internationales Strafrecht, 1993, P. Tak a. o., De normering
van bijzondere opsporingsmethoden in buitenlandse rechtsstelsels, Den Haag, Ministerie van Justitie,
1996; C. Fijnaut and G. Marx, Undercover, police surveillance in comparative perspective, The Hague,
Kluwer Law International, 1995.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
48
containment.1. It is important to note this because especially in Europe many
of the problems of empirical literature and government documents. As a
consequence of this the public debate on these problems is generally on a low
level. Let me see whether I can raise it a little bit now...
The actual state of empirical research
In order to present an assessment of the actual state of empirical
criminological research on organised crime in Europe it is of course necessary
to clarify the notion of organised crime that is used. To this end I want to refer
to the definition the criminological research group I headed for the Dutch
parliamentary committee of inquiry into undercover policing developed on the
basis of the international literature on organised crime.2. This definition goes
as follows: there is a question of organised crime in the case that groups which
primarily aim at illegal profits, in a systematic way commit crimes with serious
societal consequences, and are able to shield these crimes off in a rather
effective way, in particular by showing a willingness to use violence or to rule
people by means of corruption. In the presentation of this definition we put
forward the arguments why organised crime, at least in theory, from an
analytical viewpoint, should be distinguished from professional crime, terrorism
and white-collar crime or corporate crime. Equally we made clear that organised
crime, as it had been defined, may these days be composed of two essential
kinds of crime: on the one hand the provision of illicit goods and services (drugs,
weapons, gambling, prostitution) and on the other hand the infiltration of legitimate
businesses (construction, toxic waste disposal, garment industry, transportation).3.
1. The first committee of inquiry was a committee of the Belgian Parliament that made an inquiry into the
problem of white slavery (trade in women) in the years 1992-1994. Cfr. its report (also in French) in the
Documents of the Chamber, 1991-1992, nr. 673/7. I wrote two reports for this committee: one about a white
slavery case inthe city of Rotterdam, the Netherlands (Officier van Justitie versus Bende van de Miljardair,
Antwerpen, Kluwer Rechtswetenschappen, 1993), another one on white slavery, prostitution and police
corruption in the city of Antwerp, Belgium (Prostitutie; vrouwenhandel en (vermeende) politiecorruptie in
Antwerpen, Leuven, Acco, 1994). The second committee of inquiry was a committee of the Dutch Parliament
that made an inquiry into the problem of undercover policing in the years 1994-1996. Cfr. its general final
report, Inzake opsporing, in the Documents of the Second Chamber, 1995-1996, nr. 24072/10 (The Hague,
SDU-Uitgevers). The criminological research group I headed wrote all in all 7 reports for this committee on
the different kinds and aspects of organised crime in Netherlands at a national and local level (in the city of
Amsterdam), including the role of the liberal professions and the banking system. All these reports have also
been published by SDU-Uitgevers (The Hague) in the Documents of the Second Chamber (nr. 24072/16
(final report) – nr. 24072/23). The third committee is again a committee of the Belgian Parliament. It was
established last June in order to make an inquiry into the criminal investigations in the notorious and unsolved
case of the so-called “bandits of Nijvel” who in the years 1983-1985 killed some 30 people in the course of
hold-ups, raids on supermarkets etc. This committee has asked me and some colleagues to make an
empirical analysis of those investigations. An earlier attempt of the Minister of Justice to let such an analysis
be made by me and a colleague of mine, R. Verstraeten, broke down after several months (November
1995-March 1996) on the argument of the Court of Cassation that our mission was against the law and
particularly not in conformity with the doctrine of the separation of powers. The report we wrote for the Minister
of Justice on our experiences in that period of time was handed over the Parliament and provoked the
establishment of the named committee. Cfr. C. Fijnaut and R. Verstraeten, Over het onderzoek, in opdracht
van Minister van Justitie S. De Clerck, betreffende het gerechtelijk onderzoek inzake de “bende van Nijvel”,
K.U. Leuven, Instituut voor Strarecht, 1996..
2. C. Fijnaut, F. Bovenkerk, G. Bruinsma en H. van de Bunt, Einrapport Onderzoeksgroep Fijnaut,
Second Chamber, 1995-1996, Documents, 24072/16, pp. 22-28.
3. In this regard the design of the research project was heavily influenced by the contributions in C.
Fijnaut and J. Jacobs (eds), Organised crime; a transatlantic initiative, Deventer, Kluwer Law and
Taxation, 1991.
Empirical Criminological Research on Organised Crime
The State of Affairs in Europe
49
It is nearly self-evident that where in practice organise crime and professional
crime are easily linked in the first of crime, organised crime and corporate crime
may easily coincide with each other in the second kind of crime.1.
Looking through the glasses of this definition to the empirical criminological organised crime literature in Europe I can only show you a rather bare
landscape. On a transnational level no more or less original empirical research
has been done up to now. On this level only some sensible and useful writings
–predominantly articles in scientific and professional journals– have been
produced, most of the time based on government documents, unclear police
sources, other people’s research and press reports..2. This enormous gap has
to some extent been filled by journalistic books but their drawbacks are
well-known: a very alarmist line of reasoning without giving account of methods
and sources.3. The fact that these books nevertheless exert a lot of influence
on the public debate, including the political discussion, on organised crime
problems in Europe can for the rest not only be attributed to the lack of adequate
empirical criminological research. This is also a result of the inability of the
European institutions concerned –Council of Europe, European Union, Interpol
(European Secretariat– to prepare meaningful reports on organised crime in
Europe, or at least of their unwillingness to publish such reports, assuming that
they are capable of making them (as it is the case in some fields). Anyhow, one
way expect that in the future they will drastically change their policy in this regard.
The annual report of the UCLAF/European Commission on the fight against fraud
and the first general situation report of the Europol Drugs Unit on drug production
and drug trafficking are signs which hopefully do not deceive us.4.
At a national level the situation with respect to somewhat comprehensive
empirical research on organised crime is very uneven from one country to
another. Due to a lack of time it is impossible to discuss the differences and
similarities between them from a more qualitative point of view and to pay some
1. Cfr. a. o. H. Abadinsky, The criminal elite; professional and organised crime, W, estport, Connecticut,
Greenwood Press, 1983; J. Albanese, Where organised and white collar crime meet: predicting the
infiltration of legitimate business, Paper presented at the Annual Meeting of the American Society of
Criminology, Miami, Florida, November 1994; H. Edelhertz, “White-collar and professional crime”,
American Behavioral Scientist, 27, 1983, 1, pp. 109-128.
2. See e. g. Y-K. Chu, “The triad threat to Europe”, Policing, 10, 1994, 3, pp. 205-215; Crossland, J.,
“Trends krimineller Aktivitäten in Europa; Konsequenzen des britischen National Criminal Intelligence
Service”, Kriminalistik, 1994, 4, pp. 261-262; M. Joutsen, “The potential for the growth of organised crime
in Central and Eastern Europe”, European Journal on Criminal Policy and Research, 1, 1993, 3,
pp. 77-86; M. Levi, “The extent of cross-border crime in Europe: the view from Britain”, European Journal
on Criminal Policy and Research, 1, 1993, 3, pp. 57-76; V. Ruggiero, “War markets: corporate and
organised criminals in Europe”, Social and Legal Studies, 5, 1996, 1, pp. 5-20; G. Ulber,
“Europa-Paradies für Kriminelle”, Kriminalistik, 1992, 2, pp. 81-86; H. Zachert, “Organisierte Kriminalität
in einem Europa offener Grenzen”, Magazin für die Polizei, 24, 1993, 212, pp. 32-39. Nevertheless
already a few widely diverging attempts have been made to present a more comprehensive picture of
what is going on. See S. Flood (ed.), Illicit drugs and organised crime: issues for a Unified Europe,
Chicago, III., The University of Illinois at Chicago, Office of International Criminal Justice, 1992.
3. Cfr. F. Calvi, L’Europe des parrains; la mafia à l’assaut de l’Europe, Paris, 1993; E. Koch,
Grenzenlose Geschäfte; organisierte Wirtschaftskriminalität in Europa, München, Knesebeck und
Schuler, 1988; J. Roth and M. Frey, Die Verbrecher Holding; das vereinte Europa im Griff der Mafia,
München, Piper, 1992.
4. See European Commission, Protecting the Community-s financial interests; the fight against fraud;
annual report 1995, Brussels, 8 May 1996, COM (96) 173, and Europol Drugs Unit, European Union
general situation report on drug production and drug trafficking, The Hague, September 1995. For the
rest one should not lose sight of the fact that sometimes also other transnational institutions publish very
relevant reports, e. g. International Organisation for Migration, Trafficking and prostitution: the growing
exploitation of migrant women from Central and Eastern Europe, Budapest, 1995.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
50
attention to e. g. the methods and sources used, the basic image of organised
crime (an “alien conspiracy” or just another essential component of our society)
that is at the root of the research design, and the kinds and/or aspects of
organised crime which have been studied. I have to limit myself to a quantitatively oriented comparison, that for the rest also fits better in the lay-out of this
contribution in general. From such a perspective the European countries can
be divided in three categories.
The first category includes certainly Italy, Germany and the Netherlands.
In these countries and, for obvious reasons, especially in Italy a number of
important empirical criminological studies on organised crime have been
made.1. In addition to this it must be noted that –parallel to a long-standing
(Italy) or a yet evolving scientific research tradition (Germany and the Netherlands)– also in these countries on a regular basis the most qualified government
situation reports are prepared.2. This connection, that could easily be enlarged
by also including the journalistic books on this subject, is of course not
accidental. At least it shows that in the countries concerned organised crime
has become a public issue, how divergent the seriousness of the problem for
the rest may be.
The second category relates to countries like Spain, Portugal, the
Scandinavian countries, but also France and the United Kingdom. As far as I
know no empirical criminological research of any significance has been done
in those countries up to now. Parallel to this, it is in relation to this category of
countries equally not accidental that the governments –be it the ministries of
justice and/or home affairs, be it the police forces themselves– do not regularly
issue qualified reports on the situation. This, of course, raises the question
whether in the foregoing years these countries have not yet faced organised
crime problems an/or whether opinion leaders were not yet aware of such
problems or did not phrase them in terms of organised crime. My provisional
answer would be that the latter thesis is the most probable one. The reason for
this is that in some of these countries only recently e. g. the Parliament by
means of a special inquiry, has expressed its growing concern on organised
1. As far as Italy is concerned reference can be made to P. Arlacchi, Mafia business; the mafia ethic
and the spirit of capitalism, London, Verso, 1986; D. Gambetta, The Sicilian mafia; the business of private
protection, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1993; J. Walston, The mafia and clientelism;
roads to rome inpost-war Calabria, London, Routledge, 1988, and L. Paoli, Mafia associations as secret
societies; the case of Sicilian cosa nostra and Calabrian ’ndrangheta families, Firenze, European
University Institute, 1995 (Ph. D. thesis). Important publications on organised crime in Germany are E.
Rebscher and W. Vahlenkamp, Organisierte Kriminalität in der Bundesrepublik Deutschland,
Wiesbaden, Bundeskriminalamt, 1988; U. Dörmann, Organisierte Kriminalität – Wie gross ist die
Gefahr?, Wiesbaden, Bundeskriminalamt, 1990, and U. Sieber and M. Bögel, Logistik der Organisierten
Kriminalität, Wiesbaden, Bundeskriminalamt, 1993. The most comprehensive and extensive research
studies on organised crime in the Netherlands have been made by the criminological research group –
C. Fijnaut, F. Bovenkerk, G. Bruinsma and H. van de Bunt – for the Dutch Parliamentary committee of
inquiry into undercover policing (cfr. footnote 7). Apart from these reports mention can be made of P.
van Duyne, R.F. Kouwenberg and G. Romeijn, Misdaadondernemingen; ondernemende misdadigers
in Nederland, ’s-Gravenhage, Wetenschappelijk Onderzoek – en Documentatiecentrum, 1990. A revised
version of this report has been published in 1995 under the title: Het spook en de dreiging van de
georganiseerde misdaad (’s-Gravenhage, SDU-Uitgeverij).
2. The best reports are those which are published on a yearly basis by the Italian Ministry of Home
Affairs. See e. g. the English version of the report on 1993: Ministero dell’Interno, 1993 Report on
organised crime in Italy, Roma, 1994. The secret annual reports of the Bundeskriminalamt (Lagebild
organisierte Kriminalität Bundesrepublik Deutschland 1992, 1993 etc.), however, are also very important
to understand the situation in Germany. The statistical overviews of criminal groups which the Dutch
Central Criminal Intelligence Service prepares every 2, 3 years since 1988 contain in some respects
useful information, but can not bear any comparison with the Italian and the German reports.
Empirical Criminological Research on Organised Crime
The State of Affairs in Europe
51
crime issue.1. Moreover, in the case of the United Kingdom it has to be stressed
that not only the National Criminal Intelligence Service (NCIS) has started to
publish reports, but also that the academics world is taking some interest in the
issue.2.
Countries like Switzerland and Belgium belong, I would say, to the third
category, a transitional category between the two foregoing ones. In this
category of countries the government and the Parliament have already come
to the conclusion that organised crime is, indeed, a real social problem and
have ordered empirical criminological research projects. Under the pressure of
the Parliament in 1992-1993 the Swiss government spent some money on a
general overview of the situation in the country, whereas in the same period of
time the Belgian Parliament ordered empirical research on the issue of white
slavery.3. In addition it may be mentioned that the Belgian government –in the
framework of a recent action program against organised crime– has stated that
a comprehensive empirical study of organised crime in the country will be
made.4. For the rest it is said that the Belgian federal police (Gendarmerie) has
over the years prepared numerous reports on organise crime issues, but these
have never been published.
In conjunction with this third category of countries one could identify a
fourth one. This category contains the Middle and East European countries
whose governments and Parliaments are well aware of the organised crime
problems but are not willing or not capable, for all sorts of reasons, to further
empirical research and/or to assess on a regular basis the actual development
of those problems.5.
In short, the situation of empirical criminological research is
–notwithstanding the foregoing classification– indeed very different from
one country to another country. One of the consequences hereof it that the
great lack of research at a European level is not compensated by research at
a national level, and that e. g. a reasonable European picture of the situation
can not be constructed by putting the national pieces together. It is exactly this
1. In relation to France, see F. d’Aubert and B. gallet, Rapport de la commission d’enquête sur les
moyens de lutter contre les tentatives de pénétration de la mafia en France, Assemblée Nationale, 1993,
no 3251. As far as the United Kingdom is concerned one can refer to: Home Affairs Committee, Organised
crime, London, House of Commons, Session 1994-95, third report.
2. Cfr. D. Hoobs, “Professional and organised crime in Britain”, in: M. Maguire, R. Morgan and R. Reiner
(eds.), The Oxford handbook of criminology, Oxford, Clarenton Press, pp. 441-468. The NCIS has
published An outline assessment on the threat and impact by organised/enterprise crime upon United
Kingdom interests, London, National Criminal Intelligence Service, 1993.
3. With respect to Switzerland, see M. Pieth and D. Freiburghaus, Die Bedeutung des organisierten
Verbrechens in der Schweiz, Basel, 1993 (not published), M. Pieth, “Die bekämpfung des organisierten
Verbrechens in der Schweiz”, Schweizerische Zeitschrift für Strafrecht, 109, 1993, 3, pp. 257-271, andP.
Bernasconi, “Organisierte Kriminalität in der Schweiz; die Rolle der Schweizer und der Ausländer”, in:
Schweizerische Arbeitsgruppe für Kriminologie (hrsg), Ausländer, Kriminalität und Strafrechtspflege,
Chur-Zürich, Verlag Rüegger, 1993, pp. 266-286. In relation to Belgium, see footnote 7. Also B. de
Ruyver and F. Tulkens prepare some empirical studies for the parliamentary committee in question.
4. Cfr. the Actieplan van de regering tegen de georganiseerde criminaliteit, Brussels, June 1996,
pp. 2-5.
5. As far as I know only a few academics are doing research in this field, A. Marek (Torum, Poland)
and P. Gilinsky (St Petersburg, Russia). In relation to Russia it has to be said that most of the existing
(journalistic and academic) publications have been written by foreigners. See e. g. V. Coulloudon, La
mafia en Union Soviétique, Paris, Lattès, 1990; A. Waksberg, Die Sowjetische Mafia; organisiertes
Verbrechen in der Sowjetunion, München, Piper, 1991, and S. Handelman, Comrade criminal: Russia’s
new mafia, New Haven, 1995.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
52
finding that raises the question why empirical criminological research on
organised crime is that scarce in Europe.
Why such a paucity of original research?
In order to give a sensible answer to the last question I not only draw on
the relevant European literature and my own experiences as a researcher but
I have also taken advantage of many American writings in this field. Indeed,
one should not lose sight of the fact that although in European eyes American
research is far ahead of research in Europe, in American eyes the number of
really important empirical American studies can be counted on the fingers of
two hands.1. Therefore it makes sense to take into account the factors which
American researchers have listed to explain the paucity of original research on
organised crime in their country.
In conjunction with the remarks which were made in the last paragraph
with respect to the differences in empirical research between the European
countries, first of all, it must be stated that until the 1980s in most countries
organised crime was considered to be a foreign, not to say an exotic problem.
It was seen as a problem of (the southern part of) Italy (Mafia), of China and
Hong Kong (triads), of Japan (yakuza) and of the United States (cosa nostra),
but not as a challenge or threat in France, Germany, the United Kingdom,
Belgium, the Netherlands, et alone the Scandinavian countries. So, organised
crime was, for a long time, not a real, serious public issue in Europe. This
explains for a large part why governments and Parliaments did not stimulate
empirical research on organised crime or were in need of its results: it was just
a non-issue for them.2. In this regard the situation is rapidly changing these
days in some countries as was demonstrated in paragraph II.
On the other hand, however, and in the second place, one should at the
same time take into account the state of affairs in European criminology.
Particularly one may not lose sight of the fact:
–that in many European countries criminology has not yet developed into an
empirical discipline and, it is by far the case that criminologists dominantly view
criminality as an individual matter rather than as an organisational matter.3;
–that organised crime is not traditionally an important subject in criminology,
not even in American criminology as has been underlined already; this means
1. The best recent bibliography has been published by J. Jacobs in his book Busting the mob; United
States v. Cosa Nostra, New York, New York University Press, 1994, Part III, pp. 243-267. It relates to
books, articles and governmental reports since 1980. The hard core of the American empirical literature
on organised crime has been identified by M. Jones and P. J. Ryan in the journal Criminal Organisations,
10, 1996,2, pp. 4-5.
2. See in relation to the United Kingdom M. Anderson, “The United Kingdom and organised crime –
the international dimension”, European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice, 4, 1993, 1,
pp. 292-308, and F. Martens and F. Pulley, “Cross-cultural reflections of organised crime”, International
Journal of Comparative and Applied Criminal Justice, 8, 1984, 1, pp. 63-74. As far as the Netherlands
are concerned, see A. Block, “American criminals abroad”, in: A. Block (ed.), Perspectives on organising
crime; essays in opposition, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, 1991, pp. 228-242.
3. Cfr. the observations made by D. Cressey, “Methodological problems in the study of organised crime
as a social problem”, The Annals of the American Academy of Political and Social Science, 1967, 374,
pp. 105-106.
Empirical Criminological Research on Organised Crime
The State of Affairs in Europe
53
that a fixed and well-known body of empirical research does not exist, that
adequate theories have not been developed, and that research experience is
not transferred from one generation to another one.1;
–and that, given these circumstances and the fact that doing research on
organised crime also presupposes a lot of legal, financial, administrative and
economical insight, it is not that easy in many countries to quickly build up some
scientific potential for making valuable criminological studies on organised
crime problems.
But, thirdly, even in countries where there is some tradition in doing
empirical criminological research, qualified criminologists are not always very
willing to get involved in research on organised crime. This might be for various
reasons. The first reason is that they are of the opinion that “organised crime”
is not a real problem, but a fake problem, artificially created by the media and/or
police and justice authorities to secure their own interests: the increase of
viewing and reading figures and in this way the earnings from advertising, the
advancement of institutional interests: budgets, personnel and equipment,
investigative powers, etc. A second reason can be that renowned criminologists, although they are not that sceptical about the true nature of the problem
of organised crime, do not value research on this problem as an important
contribution to criminology in general and, in this way, not as a good means to
level up their status in the society of criminologists; on the contrary: such
research could bring their status into disrepute, e. g. because of the theoretical,
ethical and methodological problems which relate to the impossibility of always
creating full openness about the information that has been collected, or because of the fact that other criminologists will judge any involvement as support
for a bad (political, ideological) cause. The third and last reason I want to make
mention of in this framework, is that organised crime from a criminologist’s
perspective is in some respects a dirty problem, a problem with which one easily
can get his fingers burnt. Research on this problem not only entails that one
has to do his job in the midst of all sorts of power struggles (ideological,
institutional, financial), but also implicates the risk that one becomes the
controversial target of such struggles: political parties which do not like independent research on their alleged relationships with notorious criminal groups
and are willing to spread false rumours on the researchers in question,
important industries which come to the conclusion that organised-crime-related
criminological research would be in contradiction with their social and financial
interests and try to prevent or to stop it, defence lawyers who –in their own
interest or in the interest of their clients– start legal proceedings against
researchers, on the basis of the fact that their right to privacy has not been
sufficiently respected, etc..2.
1. See R. Aniskiewicz, “Meta-theoretical issues in the study of organised crime”, Journal of
Contemporary Criminal Justice, 10, 1994, 4, pp. 314-324; T. Bynum (ed.), Organised crime in America:
concepts and controversies, Monsey, N.Y., Willow Tree Press, 1987, pp. 3-12; G. Potter, Criminal
organisations; vice, racketeering, and politics in an American city, Prospect Heights, III., 1994, pp. 1-46;
P. Reuters, “Research on American organised crime”, in: R. Kelly, K-L. Chin and R. Schatzberg (eds.),
Handbook of organised crime in the United States, Westport, Conn., Greewood Press, 1994; pp. 91-120.
2. All the illustrations given here are to a greater or lesser extent based on my personal experiences
as an expert to the committees of inquiry mentioned in footnote 7. To get some understanding of the
problems raised here, see W. Chambliss, “State-organised crime”, Criminology, 27, 1989, 2,
pp. 183-208, and B. Leuthardt, Festung Europa; Asyl, Drogen, “Organisierte Kriminalität”: die “innere
Sicherheit” der 80er und 90er Jahre und ihre Feindbilder, Zürich, Rotpunkverlag, 1994.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
54
The presence, however, of criminologists who are not afraid of operating
in the public arena or are even willing to run the risk of becoming the victim of
a dirty tricks campaign, is a necessary, but not a sufficient condition for
successful criminological research on actual organised crime problems. To be
successful they have to get access to the relevant government institutions
–police forces, prosecution services, regulatory agencies, local and central
public administration, intelligence services– and in particular, of course, to the
information they dispose of. Here we have a fourth factor that helps to explain
the paucity of original empirical research. It goes nearly without saying that
doing scientific research on organised crime entails the making of compromises: the safety of informers, e. g., or the outcome of ongoing investigations will
–within limits– determine to some extent what information can be published at
a given moment. A greater problem, however, is that important institutions are
not willing to give access to their information because of the most diverging,
but illegitimate, reasons.1. They can refuse access because they are not willing
to lose the monopoly of (their) information and so their capability to present the
problem of organised crime in a way they like it most. Access may be refused
because institutions do not want outsiders to know that their information is not
that good and/or their capacity to analyse it in an adequate way, is rather limited:
particularly in the case that a “police war” is going on, such an insight by
outsiders can be very damaging. A reason why institutions may also refuse
access to their information, is that they fear that researchers will collect dirty
data about the ways criminal information is gathered or criminal investigations
are managed, e. g. data on debatable undercover operations or on the illegal
use of bugs. All these reasons explain for the rest why many of the most
valuable books and reports on organised crime have been written in the
framework of (governmental and parliamentary) committees of inquiry which
dispose of the power and legitimacy to overcome institutional resistance, or
could only be prepared thanks to the long-standing and intimate relationship of
researchers with police task forces, prosecutors, investigating judges and so
on, who are involved in the fight against organised crime.
The fifth and last factor relates to the much-heard observation that
criminologists should not draw that much on government sources but should
study organised crime straight away: by observing the perpetration of illegal
activities, by interviewing organised criminals and their supporters, and so on.
Indeed, such an approach can, in certain circumstances, lead to very good
results. William Chambliss’book On the take is the most-cited piece of evidence
for this argument.2. On the other hand, one may not overlook the important
limits of this approach: heavy criminals who just do not want to talk with
outsiders about their businesses or only want to tell them their version of the
facts; people, informers, who carry the risk of losing their life by telling the “truth”
to outsiders; the danger that participant observation of researchers ultimately
1. Cfr. Ch. Corns, “Inter-agency relations: some hidden obstacles to combating organised crime?”,
Australian Journal of Criminology, 25, 1992, 2, pp. 169-185; P. Reuters and J. Rubinstein, “Fact, fancy
and organised crime”, The Public Interest, 1978, 53, pp. 45-68, and G.T. Marx, “Notes on the discovery,
collection, and assessment of hidden and dirty data”, in: J. Schneider and J. Kitsuse (ed.), Studies in
the sociology of social problems, Norwood, N.J., Ablex Publishing Corp., 1984, pp. 78-111.
2. W. Chambliss, On the take; from petty crooks to criminals, Bloomington, Indiana University Press,
1988.
Empirical Criminological Research on Organised Crime
The State of Affairs in Europe
55
ends up in a disaster: they get blackmailed or get themselves involved in illegal
operations.1. It is not that wonderful that –apart from life histories– only a few
good studies on organised crime have been made without the support of
governmental institutions.2.
In conclusion: some observations on the future
of empirical organised crime research
The first question that with a view to the future of empirical criminological
research on organised crime has to be answered is the question whether it is
important to put much more energy in such research. My answer would be an
affirmative one. In line with the reasoning that has been developed in the
foregoing paragraphs I would, on the one hand, argue that more research in
this field would be of great interest for the criminological enterprise itself. It would
enhance the theoretical discussions, it would challenge the overvaluation of
quantitative research, it would further the social legitimacy of criminology and
in this way reinforce its institutional position in the universities. But on the other
hand I am eager to underline that –given the growing impact of the organised
crime issue on criminal law, the administration of criminal justice and public
administration– it has become the more important that policy-making in this field
is as far as possible based on realistic, well-informed views on the seriousness
of the problem: its nature, its proportions and the damage it causes to individual
persons, the social climate and economic life, and our society’s democratic
institutions.3.
In order to further empirical research on organised crime different, but
complementary things have to be done. First of all, the few criminologists in
Europe who are involved in this research, could build up a network and try –by
means of colloquia and publications– to convince the scientific community that
organised crime is a public issue that deserves much more attention in the
academic world, that solutions can be found for the political, ethical and
methodological dilemmas, and that it is worthwhile investing a lot of energy in
the schooling of young researchers. Those among them who do not like to do
research in the political arena, should be aware of the fact that the hundreds of
big cases which have been investigated in the foregoing years all over Europe,
offer tremendous opportunities for research in this area.4.
1. On the limits of a “direct approach”, see C. Fijnaut, “Researching organised crime”, in: R. Morgan
(ed.), Policing organised crime and crime prevention, Bristol, Bristol and Bath Centre for Criminal Justice,
1990, pp. 76-81, and, by the way of an example, D. Gambetta, The Sicilian mafia; the business of private
protection, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1993, p. 9.
2. Important recent examples of “life histories” in Europe are e. g. P. Arlacchi, Les hommes du
deshonneur; la stupéfiante confession du repenti Antonino Calderone, Paris, Albin Michel, 1993, and F.
Bovenkerk, La bella Bettien; het levensverhaal van een Nederlandse go-between voor de Columbiaanse
drugskartels, Amsterdam, Meulenhoff, 1995.
3. P. Reuter, Disorganised crime; illegal markets and the mafia, Cambridge, Mass., The MIT Press,
1983, pp. 174-187.
4. Cfr. J. Jacobs, Busting the mob; United States v. Cosa Nostra, New York, New York University Press,
1994, p. XI.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
56
But, these opportunities can only be exploited if the police, judicial
authorities, local administrations, regulatory agencies are willing to open their
files for criminological research. This leads to my second point: Parliaments,
governments and the named institutions should more and more try to overcome
the (unjustified) resistance in their circles to independent and impartial scientific
research in this field. They should come to see that not only general societal
interests would be well-served by academic research, but in the longer run also
their own interests. One of the reasons e. g. why even perfectly legitimate forms
of undercover policing and other more intrusive means of investigation are in
general viewed with great suspicion, is that police and justice authorities
themselves have not succeeded in convincing important sections of the population that the use of such means is sometimes necessary in order to contain
organised crime. So, also for them time has come to take the initiative and to
invite academic researchers to look at the problems. The Ad Hoc Working
Group on Organised Crime of the EU member-states could perhaps become a
suitable forum for the exchange of ideas between policy makers and academics
on the future of research on organised crime in this part of Europe.
Empirical Criminological Research on Organised Crime
The State of Affairs in Europe
57
Résumé
Approche criminologique empirique
de la criminalité organisée
Cyrille Fijnaut
1) Quelle est la situation de la criminologie empirique européenne concernant le crime
organisé.?
Il convient de distinguer la criminalité organisée, le crime professionnel, le terrorisme, la
criminalité en col blanc et les actes illégaux au bénéfice de grandes sociétés. Au niveau
transnational, aucune recherche empirique originale n’a été faite pour l’instant. Les
ouvrages journalistiques ont l’inconvénient d’être trop alarmistes. Les institutions européennes seraient dans l’impossibilité de préparer des rapports sur la criminalité organisée
ou du moins de les publier. Toutefois, la Commission européenne de lutte contre la fraude
et l’Unité drogue d’Europol ont fait des publications intéressantes.
Quatre catégories de pays peuvent être distingués :
1) L’Italie, l’Allemagne et la Hollande : dans ces pays, pour des raisons évidentes,
beaucoup d’études ont été faites. La criminalité organisée est devenue un thème d’ordre
public.
2) L’Espagne, le Portugal, les Pays scandinaves, la France et le Royaume-Uni : il n’y existe
aucune recherche criminologique empirique significative. Les leaders d’opinions n’y sont
pas conscients de ces problèmes ou ne se les représentent pas en terme de criminalité
organisée. Pour la France, les préoccupations sont récentes (exemple : le rapport d’Aubert
en 1993).
3) La Suisse et la Belgique : il s’agit ici d’une catégorie intermédiaire de pays dont les
gouvernements sont préoccupés par la criminalité organisée et où il existe des rapports.
4) Les pays d’Europe centrale et orientale : les gouvernements sont très conscients des
problèmes de criminalité organisée mais ne sont ni désireux, ni capables pour toutes sortes
de raison, de promouvoir une recherche empirique sur ces questions.
En conséquence, il existe très peu de recherches au niveau européen et peu au niveau
des nations.
2) Pourquoi une telle pauvreté des recherches originales.?
Jusqu’aux années 80, la plupart des pays considéraient le crime organisé comme un
problème étranger, voire exotique mais du tout comme une menace réelle. La criminologie
n’a pas constitué un véritable enjeu en Europe.
Dans beaucoup de pays européens la criminologie ne s’est pas développée en tant que
discipline empirique. En outre, la criminologie traditionnelle s’intéresse aux individus et
non aux groupes. Enfin, le crime organisé est un problème très complexe avec des aspects
légaux, financiers, administratifs et économiques.
Même des criminologues qualifiés ne sont pas disposés à effectuer des recherches sur le
crime organisé. Ils estiment que le crime organisé est un faux problème artificiellement
créé par les médias et la police, que la recherche sur ce sujet ne peut pas promouvoir leur
statut de criminologues. La criminalité organisée serait pour eux un sujet sensible car
débordant inévitablement sur la corruption dans la sphère politique. Les chercheurs
risquent alors d’être victimes de campagnes d’opinions ou de poursuites judiciaires pour
atteinte à la vie privée.
Les institutions officielles ne veulent pas céder leurs informations. Aussi, les meilleurs
rapports sont d’origine parlementaire parce qu’ils ont des sources d’informations auxquelles chercheurs indépendants ne peuvent accéder.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
58
Les criminologues devraient étudier le crime organisé directement mais cette approche
est très difficile.
3) Le futur ou l’avenir de la recherche empirique sur le crime organisé.
Il faut conduire davantage de recherches en ce domaine, car il y aurait entre autres avantages,
la possibilité d’enrichir les discussions théoriques, méthodologiques, éthiques, etc.
Les criminologues européens étudiant le crime organisé devraient mettre au point un
réseau et convaincre la communauté scientifique que de donner plus d’attention au crime
organisé.
Les institutions de la police, de la justice, les administrations locales devraient ouvrir leurs
dossiers aux chercheurs car, à long terme, la recherche universitaire va défendre leurs
intérêts.
Resumen
Enfoque criminologico empirico de la criminalidad
organizada
Cyrille Fijnaut
I. ¿ Cuál es la situación de la criminología empírica europea en lo que concierne el crimen
organizado.?
Es conveniente distinguir la criminalidad organizada, el crimen profesional, el terrarismo
la criminalidad de cuello blanco y los actos ilegales a beneficio de grandes sociedades.
Al nível transnacional. ninguna investigación empírica original ha sido hecha por el
momento. Las revistas periodísticas tienen como inconveniente de ser demasiado alarmistas Las instituciones europeas estarían en la imposibilidad de preparar informes sobre
la criminalidad organizada o por lo menos de publicarlos. Sin embargo, la Comisíon
Europea de lucha contra el fraude y la Unidad droga de Europol han hecho, publicaciones
interesantes.
Se pueden distinguir cuatro categorias de países :
1) Italia, Alemania, y Holanda : se hicieron muchos estudios en estos países, por razones
evidentes. La criminalidad organizada ha sido un tema de orden público.
2) España, Portugal, Países Escandinavos, Francia y E1 Reino Unido : no existe ninguna
investigación criminológica empírica significativa. Los líderes de opiniones no son conscientes de estos problemas o no se los representan en término de criminalidad organizada. Para Francia, las preocupaciones son recientes (ejemplo : el informe de Aubert en
1993).
3) Suiza y Bélgica : se trata de una categoría intermediaria de países cuyos gobiernos
están preocupados por la criminalidad organizada y donde existen informes.
4) Los Países de Europa Central y Oriental : los gobiernos son muy conscientes de los
problemas de criminalidad organizada pero no desean, ni son capaces por toda clase de
razón, de promover una investigación empírica sobre estas preguntas. Por consiguiente,
existen muy pocas investigaciones al nivel europeo y pocas al nivel de las naciones.
II. ¿ Por qué tal pobreza en las investigaciones originales.?
Empirical Criminological Research on Organised Crime
The State of Affairs in Europe
59
Hasta los años 80, la mayoría de los países consideraban el crimen organizado como un
problema extraño, hasta exótico pero no como una amenaza real. La criminalogia no
constituyó una verdadera apuesta en Europa.
En machos países europeos la criminología no se desarrolló como disciplina empírica.
Además, la criminolgía tradicional se interesa por los individuos y no por los grupos. Por
fin, el crimen organizado es un problema muy complejo con aspectos legales, financieros,
administrativos y económicos.
Hasta criminólogos cualificados no estan dispuestos a efectuar investigaciones sobre el
crimen organizado. Consideran que el crimen organizado es un falso problema artificialmente creado por los medias y la policía, que la investigación sobre este asunto no puede
promover su estatuto de criminólogos. La criminalidad organizada sería para ellos un
asunto sensible desbordante inevitablemente sobre la corrupción en la esfera política.
Entonces los investigadores corren peligro de ser víctimas de campañas de opiniones o
de persecuciones judiciales por delito en la intimidad.
Las instituciones oficiales no quieren dar sus informaciones. Así, los mejores informes son
de origen parlernentario porque tienen fuentes de informaciones que los investigadores
independientes no pueden obtener.
Los criminólogos tendrían que estudiar el crimen organizado directamente pero esto es
muy difícil.
III. El futuro o el porvenir de la investigación ernpírica sobre el crimen organizado.
Hay que dirigir más investigaciones es este terreno, porque hubiera coma ventajas la
posibilidad de enriquecer las discuciones teóricas, metodológicas, éticas, etc.
Los criminólogos europeos que estudian el crimen organizado tendrían que poner a punto
una red y convencer la comunidad científica de poner más cuidado en el crimen
organizado.
Las instituciones de la policía, de la justicia, las administraciones locales deberían abrir
sus informes a los investigadores, porque a largo plazo la inveshgación universitaria va a
defender sus intereses.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
60
Sociological contributions
to the study of organised crime
Michael Levi,
professor of criminology, University of Cardiff, Wales
The study of organised crime is a minority pursuit within criminology
and, a fortiori, within sociology. Most of the few of US criminologists who are
interested in it have a social commitment to reducing levels of social harm
and insecurity. However, as analysts of the subject that Sutherland and
Cressey (1940) once termed the analysis of “the making of laws, the
breaking of laws, and society’s reaction towards the breaking of laws”, we
laws are obliged also to stand back somewhat from the politics-driven pursuit
of criminal justice polices and ask what are the intended and unintended
consequences of social action including, for example, the criminalisation of
“vices” such as narcotics use and sexual services that are in popular
demand. Sociologists interested in organised crime have asked how subcultures of criminality are created and sustained; how those subcultures
interact with the rest of “society”.
–formal systems of social control such as police, courts, and electoral processes;
–less formal systems such as the economy and value systems.
And how and for what purposes we build up our images of criminal organisation.
In this sense, there is a considerable overlap between the substance of
Professor Fijnaut’s paper and my own : criminology, after all, is largely a
hybrid product of sociology, social and individual psychology, and law,
and the Anglo-Dutch traditions of criminology and sociology are fairly
empirical.
Sociological contributions to the study of organised crime
What have sociologists contributed to the study of organised crime? First,
until Santa Barbara professor Cressey’s 1969 book Theft of the Nation, they
displayed little explicit interest in it. What they had discussed was the effect of
social disorganisation and differential social organisation on the stability of cities
and upon the coherence of value systems as successive waves of immigrants
(mostly from Europe) arrived in the “melting pot” (no pun intended) of America.
Reflecting on this today, one could observe that the need of those immigrants
to find people who could sponsor and employ them, and who could communicate with them in their own language, acted to solidify ethnic groupings in the
short term and concentrate ethnic populations in particular parts of particular
cities (This has, of course, contemporary relevance for Europeans, whether
one is dealing with migrators who are Fukinese Chinese, Iraqi, Maghreb,
Russian-speakers, or Turks). Combined with the democratised and decentralised system in the US of electing police chiefs and judges directly, this gave
the politically powerful in the locality a chance to exert far greater control over
the criminal justice process than was the case in Britain, France or Germany,
for example. Thus, it was little surprise to sociologists that labour unions who
exerted considerable solidarity should be able to extort money from employers
(or that trusted senior officials should be able to divert many such payments to
their personal accounts). Corruption – the exchange of money for power – will
also tend to flow in the realpolitik of political economy towards those who have
the power to license (or not license) activities such as land development or the
safety of products or premises, especially where it is anticipated that there will
be no substantial downside risk from corrupt offers. The perception (as well as
the reality) that people take public positions not out of duty but for profit assists
in that judgement process, and sociological insights into value strains and
reactions to value conflicts, as well as the learning of corrupt values once they
have become established, have become common.
Cressey’s study Theft of the Nation was largely derived from FBI accounts and the testimony of one of the earlier American pentiti, Joseph Valachi.
Whether Cressey was the subject of deliberate disinformation or whether he,
Valachi (in his testimony designed to get him out of trouble), and the FBI itself
were largely reflecting the ideological beliefs of then FBI Director J. Edgar
Hoover is open to debate. However, sociologists would be interested not only.
• (i) in whether his version of the American Mafia as a sort of line
management national organisation organised on “Fordist” production lines fitted
the facts about the way that “crime” was organised, but also.
• (ii) an empirical question about whether our (mis) use of term “crime”
is too wide. For example, are we arguing that burglary, robbery, car theft, theft
from cars, insider trading, frauds or various types – all these domestic and
commercial crimes – are all “organised” by vertically and horizontally criminal
groups? If not, then we should be careful about what we mean by the economic
structure of criminal markets and the implication that they will become monopolistic. Furthermore, there is the question, for example, as to whether to classify
Nigerian of Zairian plastic card or “advance fee” fraudsters (or those Britons
and Germans who combine in pyramid selling “Ponzi” schemes) as “organised
criminals”. Also, in a different mode,
• (iii) about the explicit or implicit social objectives of the FBI itself in
promoting this view of organised crime : it is arguable, for example, that with
the decline of the Cold War, the FBI needed some federal moral panic to which
they might respond, thereby justifying themselves (Similar arguments might be
raised today about the need of the intelligence agencies to find a role in find a
role in fighting international organised crime).
It is tempting to demonise whole nations just because many of the
people Westerners encounter behave a criminal way. Perhaps, too, people
want to find some sinister conspiracy rather than cope with the messy,
complex reality. For my personal part, however, although the analysis of
bureaucratic motivation is an interesting and important academic discipline
which makes some commentators look sceptically at accounts of organised
crime by officials, it is too easy for academics and the media to become
distracted by this and to neglect the more difficult and, arguably, more socially
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
62
important task of examining how crime is organised and what factors
determine these modes of organisation.1.
In doing the latter task, we should not shrink from reviewing the close
links between business, politics and organised criminals. Chambliss (1978)
pointed out that organised crime in Seattle was more properly described as a
coalition (I would suggest, a shifting coalition between business people, local
politicians, union leaders, and gangsters (though he neglected the fact that
much extortion of business people by racketeers was unwanted). Similarly, the
conception of Italian organised crime as the defiance of the State by dangerous
ethnic and family groupings has been undermined (since tangentopoli and the
pentiti) and replaced by the understanding that organised crime represented
an alliance between criminal families, some business people, politicians, and
some sections of policing institutions (including tax and security services),
which remained unchallenged so long as the threat of communism gave them
a value as a bulwark against that ideology. (Of course, some business people
found that the unofficial taxation was an unreasonable burden, and complaints
about that and about improper awarding of contracts led eventually to tangentopoli : see Levi and Nelken, 1996).
Mc lntosh (1975) once defined the study of criminal organisation as the
study of the organisation of society in the way it bore upon crime (which one
might refine into) opportunities and motivation). Thus sociologists such as
Gambetta (1993) discuss the importance of trust in social relations, and the role
of the mafia in ensuring reciprocal dealings, using their reputations as violent
enforcers to ensure that both sides to transactions performed their roles. One
might develop those insights and use them to develop anti-crime strategies, for
example using the system of what in England were called “supergrasses” and
in Italy are “pentiti” (though the latter term should be treated ironically, since
penitence is rarely a feature of their lives) to destroy underworld trust. One the
trust has gone, stable relationships are manageable only via fear of reprisal,
and even that valuation of fear is limited where offenders face death or very
long prison sentences anyway. So knowledge of subcultural value systems is
important for optimising control measures : for some groups, stigma may be
enough, whereas for others it may be useless.
In North-western Europe organised crime as a criminal economy is
essentially a cross-border crime-trade, certainly as far as the Netherlands are
involved (Van Duyne, 1993). Whatever criminal trade is being carried out one
cannot avoid border crossing. An organised crime trade should be looked upon
as situated in an international market of supply and demand in which the
crime-entrepreneur operates as a criminal merchant. Though crime-entrepreneurs have to operate in an economic “underworld”, by which is meant all those
forms of trade and industry which are systematically on the wrong side of the
law, it is not an “other world” phenomenon. Some crime-entrepreneurs are
continually in search of establishing bridgeheads with the respectable “upperworld” through corruption or through the social mechanism of courting
1. This task is hard for policing agencies as well as for academics, and usually requires longer time
frames for research than funding agencies are keen to supply : it is seldom possible for academics to
provide in a few months ’correct’analyses of criminal organisation that professionals have spent decades
trying to build up.
Sociological contributions to the study of organised crime
63
friendship with the high and mighty. Some are operating directly within the
“respectable” circles of the legitimate trade and industry. Others simply meet in
prison, if fraudsters, lawyers or accountants have been jailed for fraud of
money-laundering offences. This many sided relation between the upper-and
underworld is an important though difficult and sensitive aspect of any research
on organised crime.
Crime-entrepreneurs (a) are in essence free traders and (b) do not start
their business in a cultural vacuum. As free tradesmen they are not primarily
oriented toward bureaucratic organisational development but rather are pragmatic “activists”, whose trading organisations develop bit by bit by selecting
(unconscious) models they find in their immediate environment. If the normal
(licit) business nucleus in Southern Italy, Turkey or Pakistan is the (extended)
family (Ianni and Reuss-Ianni, 1972), in Northern Europe there are no such
social-economic family units. Here legal and criminal business patterns develop
pragmatically along trusted networks of friends and connections (Rebscher and
Vahlenkamp, 1988; Weschke and Heine-HeiB, 1990). The exceptions are the
crime-enterprises of minorities in Europe whose businesses are family matters,
which should not be equated with impersonal “Syndicates” (Ianni, 1974). Given
the multi-ethnic composition of present day Europe it is clear that any static
definition of organised crime will not conform to any monolithic presentation of
organised crime. A West Indian crime family (matriarchate) differs widely from
a Turkish family (patriachate) in organising their (crime) businesses. The former
looks to the outsider a mere spectacle of organised chaos, while the latter
seems to operate along strict hierarchical principles.
After the French revolution modern strong nation states developed in
Western Europe where under the rule of law violence became a state monopoly.
The rural banditry shifted to other badly controlled regions like Southern Italy
and the Balkan area. In Italy where a traditionally corrupt state did little to unite
its citizens under the rule of law, the southern regions despised their wealthy
northern businesslike co-patriots and the government alike. The traditional
crime networks, The Camorra and “Ndrangheta survived and adapted to the
20th century circumstances (Albadinsky, 1991; Paoli 1994). The Mafia developed its own fateful momentum (Arlacchi, 1986). It is arguable that the present
abolition of the border controls between most of the Member States of the
European Union, the uncertain situation at the EU-east border and the undeniable flow of homeless fortune hunters and desperate refugees does not
contain similar constituent elements for criminal gang building, as a first stage
of organised crime development as is was before and during the French
revolution.
Contemporary Turkish crime-enterprises are in essence patriarchal family enterprises. The members of such family enterprises reside in other
European countries as well as in Turkey which accounts for the “integrated
trading line” between the supply in Turkey to the distribution points in the
consumer countries, while the transport is also being carried out by members
of the family or well known friends from the region of origin, often mutually
connected by family ties.
Such family-enterprises, headed by the senior member (s) of the family
should not be confused with western hierarchical line-organisations. According
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
64
to the police, the Turkish family crime-enterprises are characterised by a
“cell-structure”. The executive segments of these family-enterprises should be
considered independent “cells”, having insight into only a part of the trade flow
and organisation. According to the police such a cell structure accounts for the
strength of the Turkish organisations. However, notwithstanding such delegation mechanism as “cells”, the important leaders showed little inclination to
delegate the operation of segments to these alleged cells. Very often they
interfere with the business because that is their temperament, generating
confusion. Indeed, it is possible that the so-called “cell-structure” is no more
than a (western) police projection on culture where “men of respect” (in the
culture of machismo) do not delegate to cells, but – often risking their own
incrimination – give orders while standing in the front-line.
This classical family pattern is open to changes and adaptation to the
Western way of doing business, just as is the case with the development of the
Turkish minority in Europe. In van Duyne’s research, two heroin wholesalers
enterprises were observed who had developed Western European business
traits. They no longer only used their family members for the carrying out of the
transport and made use of Dutch and German front companies.
The German and Dutch organisations, comprising several Turkish crimefamilies, co-operated in the import and transit of heroin. The German branch
was quite remarkable. It was led by a woman : mother Kaba Arslan (the “hard
handed lioness”) who developed good relations with her Dutch counterpart
Yilmaz Manay (The “invincible greengrocer”), who had a vegetable shop. The
turnover of the families was approximately 1000 kilos of which 600 was seized.
The Arslan family was firmly ruled by the mother who shrewdly penetrated the
market place of other rival families.
Though the kernel of this business was formed by the two families many
tasks concerning the transport were carried out by non family-members : Turks,
but also Dutchmen and Germans. Against them discipline was more restrained
than could otherwise be observed in the Turkish heroin trade. These hauliers
were alert professionals who did not take chances. If they suspected police
action they dropped the cargo or left the expensive truck along the road. Such
objective failures were not punished. However, the failure to pay was heavily
corrected : friends and relatives of debtors were taken hostage or beaten up.
Mother Arslan was widely feared for her debt collection : “Kaba Arslan is looking
for you’was a well known unpleasant warning. Still the German police described
the little woman, who officially worked hard in her carpetshop, as a normal and
integrated resident. The same applies to the much more peaceful Manav who
bought his heroin from Arslan under his greengrocer’s cover, were on could not
even find a carrot. From the telephone taps on could learn that the families were
looking for better legal covers. They were integrated indeed, acting like most
of the Dutch or German crime-entrepreneurs.
Thus, we see the way that subcultures, patterns of social migration, and
forms of economic behaviour interact (a point that might be made also about
other migratory cultures such as the Chinese, especially the Fukinese).
Next in the sociological model comes the issues of money-laundering
and social integration into respectability. The American sociologist Daniel Bell
once described organised crime as “the queer ladder of social mobility”. In a
Sociological contributions to the study of organised crime
65
culture dominated by “new money”, where status is based upon what one
possesses rather than heredity (as it remains partly in some European countries
such as Britain), yesterday’s gangster is today’s leading community figure. In
more traditional societies, such reintegration is more difficult. The social divisions between underworld and upperworld thereby create barriers (which may
reduce the sophistication of criminal activities within the underworld, but which
also protects fraudsters from the stigma of association with “organised crime”
and from the heavier police interest from that association). But blackmail, vice
and greed can bring upperworld and underworld together. Problems arise
especially for those crime-entrepreneurs who have their economic homes in
Europe or North America. In a highly elaborate tax and banking control system,
one has to make really special money-laundering precautions to get away from
the patient painstaking analysis of one’s paper trail by the fiscal or “real” police.
Still, most detected laundering techniques of indigenous crime-entrepreneurs consist of crude loan-back constructions. If the loan back system is
sufficiently spread over many jurisdictions, preferably the Caribbean or
Dutch Indies, Panama and the Middle East, the fiscal authorities or the police
will have a really hard time to follow the paper trail. Surprisingly most of the
crime-entrepreneurs, especially the drug traffickers, only use “local” loanback loops over Luxembourg, and sometimes Austria, the Channel Islands
or Liechtenstein (though it may be hard to see how those countries can
subscribe to the FATF or other money-laundering conventions while continuing their practices, and unlike Turkey, they have not been formally by
FATF). Nevertheless, this crude summary serves to emphasise the linkages
between underworld, business and professional elites, and systems of social
detection and surveillance.
In conclusion, there are many varieties of sociologist, including some
very abstract theoreticians who yield little understanding of anything. However,
sociologists have made some contribution to helping us (including law enforcement) understand the complex interplay between legal repression and actual
behaviour. By tracing the forms of social and family organisation (including links
to the business world, for example among Asians), one should be able to predict
the forms of trust and co-operation and work out disruption strategies accordingly. The historical insight into the problems experienced through repressive
alcohol policies in high-demand cultures such as America should have enabled
us to predict the consequences of narcotics repression : but sometimes such
messages are unwanted. Besides, in Islamic societies, where demand is much
lower, the effect of formal prohibition may not be so negative (though they may
also be unnecessary). A more critical deconstruction of the term “crime” into
types of criminal activity ought also to induce greater caution into the of the
usage of the term “organised crime” : as the work of Reuters (1983) implies,
there was never any question of American crime syndicates dominating all
types of crime for gain in all American cities.
My own interests as a lawyer-sociologist specialising in criminology are
in understanding better the barriers to entry into serious crime for gain for
different people in terms of :
–ease of access to knowledge of how to commit crime;
–value systems about tolerance of crime (s);
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
66
–access to like-minded potential criminals (for those organised crimes that
require criminal co-operation, which some organised frauds may not do);
–realistic opportunities to commit crime (freedom from family, police, or victim
surveillance);
–perceptions of risks and consequences of committing crime occasionally or
regularly (applied to people at different levels, from petty blackmailers to
lawyers).
Understanding the way that such barriers and criminal markets function
combines economic and political sociology, and enables us to appreciate better
the chances of disruption and incapacitation strategies in dealing with “organised crime”, and also, in knowing when such strategies are unlikely to be fruitful
and it may be pragmatically better to deal with “crime problems” as “social and
health” problems, or to redesign bureaucratic systems (such as EU regulation
and social security) so as to reduce opportunities for organised fraud and
corruption. In conclusion, there are almost two separate strategic problems.
The first is to get the public, politicians, and policing colleagues to take
organised crime seriously. The second is the strategy for discovering how
crimes are organised and what factors influence their development. Sometimes, the imagery one develops in achieving the former objective may get in the
way of rational planning to act against the latter one.
Réferences
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Sociological contributions to the study of organised crime
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Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
68
Résumé
Les contributions sociologiques
à l’étude du crime organisé
Michael Levi
Comment le crime est-il organisé, et quels facteurs déterminent ces modes d’organisation.? Telles sont les deux problématiques centrales auxquelles sont confrontés les
sociologues.
Il faut souligner les liens étroits entre criminalité organisée, le monde des affaires, et monde
politique. Une étude de 1978 concernant la ville de Seattle a montré que ces liens
définissaient une coalition mouvante entre hommes d’affaires, politiciens locaux, leaders
syndicaux, et gangsters. De même, le crime organisé italien peut être conçu comme une
alliance entre des familles criminelles, certains hommes d’affaires, des politiciens, et
certaines sections des institutions policières (y compris les services des impôts).
M. Gambetta (The sicilian Mafia, 1993), a souligné le rôle de la Mafia dans l’établissement
de relations de confiance entre les parties d’une transaction économique. Ainsi, pour
combattre la Mafia, il faut ruiner les bases de cette confiance en faisant parler les
«.repentis.».
Les facteurs culturels ont un impact sur le crime organisé. Dans les pays où la famille
compte beaucoup dans la vie économique, le crime organisé se développe sur une base
familiale (Italie). Aussi, le crime n’est pas organisé de la même façon dans une famille
antillaise (matriarcale) que dans une famille turque (patriarcale).
Le crime organisé s’est développé, historiquement, sur les franges des États-nations
européens (sud de l’Italie, Balkans). On peut se demander si l’ouverture actuelle des
frontières entre les membres de l’Union européenne, combinée avec la situation instable
des pays de l’Europe centrale et orientale et avec un afflux d’immigrés économiques, ne
constitue pas la première étape d’un développement du crime tel qu’il a existé avant la
Révolution française.?
Les entreprises criminelles turques contemporaines sont des entreprises familiales. Il
existe des filières familiales qui effectuent le transit entre la Turquie et les autres pays où
la famille est implantée. Ces entreprises criminelles ont une structure de «.cellule.».?
Chaque segment de l’entreprise familiale est une «.cellule.» indépendante qui ne perçoit
qu’une partie du flux commercial et de l’organisation. Lorsqu’elles s’implantent en Europe,
ces cellules perdent certains traits qui les caractérisaient, elles ne font plus nécessairement
appel à des membres de la famille.
Les criminels organisés, en s’appuyant sur les activités clandestines qu’ils développent,
cherchent à créer des ponts avec le monde des activités légales (en employant par
exemple la corruption, ou en finançant des affaires respectables). Les sociologues se sont
intéressés à ce passage entre le monde de la criminalité organisée et le monde des affaires
respectables. Ce passage est plus facile dans les pays où le statut est défini par ce que
l’on possède plutôt que par ce que l’on hérite (États-Unis, Royaume Uni). Dans les sociétés
traditionnelles, ce type d’intégration est plus difficile.
En conclusion, les sociologues ont aidé à comprendre l’interaction complexe entre la
répression légale et les formes effectives de comportement. Connaissant les formes
d’organisation sociale et familiale, on peut prévoir les formes de confiance et de coopération sur lesquelles repose la criminalité organisée, et élaborer des stratégies de dissolution
de ces entreprises. L’étude du fonctionnement des marchés criminels et des barrières à
l’entrée de ces marchés constitue elle aussi un apport (savoir comment commettre des
crimes, systèmes de valeurs tolérant le crime, possibilité d’instaurer une coopération entre
criminels, occasions de commettre des crimes, perception des risques de l’activité
criminelle).
Sociological contributions to the study of organised crime
69
Resumen
Las contribuciones soclológicas
al estudio del crimen organizado
Michael Levi
¿ Cómo se organiza el crimen y cuáles son los factores que determinan los modos de
organización.? Así son los dos problemáticos centrales con que se confrontan los
sociólogos.
Hay que subrayar los lazos estrechos entre criminalidad organizada, el mundo de los
negocios y el mundo político. Un estudio de 1978 relativo a la ciudad de Seattle mostró
que estos lazos definían una coalición inestable entre hombres de negocios, políticos
locales, líderes sindicales y gángsters. Del mismo modo, el crimen organizado italiano
puede aparecer coma una unión entre familias criminales, ciertos hombres de negocios,
políticos y ciertas secciones de las instituciones policiales (incluso los servicios que se
ocupan de impuestos).
El señor Gambetta (The sicilien Mafia, 1993) subrayó el papal de la Mafia en la elaboración
de rclaciones de confianza entre las partes de una transacción económica. Así, para luchar
contra la Mafia, es necesario que arruinemos las bases de esta confianza tomando
declaraciones de los «.arrepentidos.».
Los factores culturales tienen un impacto sobre el crimen organizado. En los países donde
la familia tiene gran importancia en la vida económica, el crimen organizado se desarrolla
en una base familiar (Italia). También el crimen no se organiza del mismo modo en una
familia antillana (matriarcal) y en una familia turca (patriarcal).
El crimen organizado se desarrolló, históricamente, en los confines de los Estados-naciones europeos (sur de Italia, Balcanes). Podemos preguntarnos si la apertura actual de las
fronteras entre los miembros de la Unión europea, combinada con la situación inestable
de los países de la Europa central y oriental y con una afluencia de inmigrados económicos,
no constituye la primera etapa de un desarrollo del crimen tal como existió antes de la
Revolución francesa.
Las empresas criminales turcas contemporáneas son empresas familiares. Existen redes
familiares que efectúan el tránsito entre Turquía y los otros países donde vive la familia.
Estas empresas criminales tienen una estructura dc «.célula.». Cada segmento de la
empresa familiar es una «.célula.» independiente que sólo percibe una parte del flujo
mercantil y de la organización. Cuando se establecen en Europa, estas células pierden
algunas características y no recurren necesariamente a miembros de la familia.
Los criminales organizados, apoyándose en las actividades clandestinas que desarrollan,
se esfuerzan por crear puentes con el mundo de las actividades legales (utilizando par
ejemplo la corrupción o financiando negocios respetables). Los sociólogos se interesaron
por este traslado entre el mundo de la criminalidad organizada y el mundo de los negocios
respetables. Este traslado es más fácil en los países donde el estatuto se determina antes
por lo que se posee que por lo que se hereda (Estados Unidos, Reino Unido). En las
sociedades tradicionales, este tipo de integración es más difícil.
Como conclusión, los sociólogos ayudaron a entender la interacción compleja entre la
represión legal y las formas efectivas de comportamiento. Conociendo las formas de
organización social y familial, podemos prever las formas de confianza y cooperación en
que se fundamenta la criminalidad organizada, y establecer estrategias de disolución de
esas empresas. E1 estudio del funcionamiento de los mercados criminales y de las
barreras en la entrada de estos mercados también constituye un complemento (saber
cómo cometer crímenes, sistemas de valores que toleran el crimen, posibilidad de
instaurar una cooperación entre criminales, ocasiones de cometer crímenes, percepción
de los riesgos de la actividad criminal).
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
70
Les dimensions juridiques
de la criminalité organisée :
aspect transnational
et coopération entre États
Michel De Salvia,
secrétaire général adjoint de la Commission européenne
des Droits de l’Homme, Conseil de l’Europe
aspect transnational
Les dimensions
et coopération
juridiques entre
de la criminalité
États
organisée :
Dans les sociétés démocratiques, la défense efficace de l’ordre social
dépend de la capacité des pouvoirs publics a réagir de façon prompte et
adéquate, c’est-à-dire mesurée, aux atteintes à la légalité émanant de comportements réprimés par la loi pénale. Ainsi, il est un principe communément admis
en matière de politique criminelle suivant lequel le degré de riposte de la société
doit être proportionné à la gravité de l’infraction commise.
Les différents codes pénaux et les autres lois répressives indiquent quels
sont les comportements susceptibles d’entraîner des sanctions pénales. Avec
plus ou moins de différences quant à l’étendue des sanctions encourues, l’on
peut déceler une sorte de noyau commun de comportements sanctionnés de
façon similaire dans tous les systèmes juridiques : le meurtre, les coups et
blessures, le vol, l’abus de confiance (fraude, escroquerie), etc.
Toutefois, étroitement liée aux conceptions prévalant dans une société
donnée, la loi pénale revêt essentiellement un caractère national et territorial :
en principe, la sanction suit l’établissement d’une responsabilité pénale pour
un fait commis sur le territoire de l’État concerné.
Pour atteindre ses buts tendant à accroître les profits illicites et à
déstabiliser la société afin de mieux asseoir son emprise, la criminalité a de
tout temps cherché à opérer un saut qualitatif en s’organisant et en se
structurant. Tout cela a conduit et conduit à une division des tâches parmi les
personnes composant l’organisation criminelle (tâches de direction et tâches
d’exécution) ainsi qu’à une véritable hiérarchie reposant sur des règles propres
à l’organisation. L’«.association de malfaiteurs.» et les infractions dites «.collectives.» sont parmi les notions juridiques élaborées pour essayer de prendre
en compte et de combattre ce phénomène criminel dont l’ampleur dans certains
pays non seulement sape la crédibilité des pouvoirs publics, mais met en
danger également les institutions démocratiques du pays. Il n’est que de citer
la criminalité mafieuse qui s’étend désormais comme une gangrène à nombre
de pays européens.
Entre le crime, qui est le fait d’une ou plusieurs personnes agissant
pourrait-on dire de façon impromptue et impulsive, et le crime organisé, qui
s’inscrit dans un dessein délibéré et constitue un acte de révolte permamente
contre les règles établies par la société, il y a plus qu’un degré de gravité. Ce
sont les principes de légalité et de prééminence du droit qui sont atteints par le
crime organisé.; c’est la confiance elle-même des citoyens dans l’ordre social
qui se trouve menacée. Par «.crime organisé.», il faut entendre les formes les
plus évoluées, et donc les plus dangereuses, de l’illégalité érigée en système
de même que de la violence utilisée comme moyen de lutte.
À partir des années soixante, deux éléments ont contribué, me semblet-il, à modifier les données du problème auquel sont confrontées les sociétés
européennes et celles de la planète en général.
D’abord, au fur et à mesure des progrès économiques et techniques, la
«.criminalité organisée.» s’est dotée des moyens matériels les plus modernes,
qu’il s’agisse d’armes nouvelles que la miniaturisation rend redoutables, ou
d’explosifs de plus en plus meurtriers, ou, enfin, de moyens de détection et de
transmissions les plus sophistiqués.
Ensuite, en même temps que les pays s’ouvraient sur l’extérieur, tant
pour ce qui est des produits manufacturés qu’en ce qui concerne la possibilité
pour les citoyens de circuler librement et de s’établir ailleurs que dans leur
propre pays, en même temps que s’affirmait, dès lors, une véritable supranationalité des comportements individuels et collectifs en rendant perméables et
donc illusoires les frontières nationales, le crime organisé nouait des relations étroites dans différents pays. Il profitait en même temps du cloisonnement des systèmes juridiques pour ce qui est de la répression. À la
différence du droit pénal, le crime organisé ne connaît pas de frontière.; il
s’abrite souvent derrière l’écran opaque de la souveraineté nationale pour
déjouer poursuites et sanctions.
Ces deux éléments conjugués – des moyens techniques évolués et la
perméabilité des frontières – ont produit un décalage croissant entre le crime
organisé, désormais «.citoyen du monde.», et la riposte des sociétés soumises,
elles, aux sujétions de la loi nationale.
C’est donc le «.crime organisé.» à dimension internationale qui doit être
frappé si l’on veut éradiquer une criminalité, comme celle liée au trafic de drogue
et d’autres marchandises sources de profits importants (voitures, armes,
matériels radioactifs, etc.) que l’on croirait à tort réduite à des dimensions
nationales.
Certes, la coopération internationale et en particulier européenne s’est,
elle aussi, organisée. La Convention européenne d’extradition de 1957, la
Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale de 1959 ainsi
que, plus récemment, la Convention européenne pour la répression du terrorisme de 1977 – textes élaborés dans le cadre du Conseil de l’Europe –
témoignent de la volonté des États d’agir ensemble contre un danger commun.
Malgré les indéniables progrès accomplis en la matière, cette coopération reste
néanmoins fragile.
En effet, il faut bien prendre conscience qu’avec l’éclatement des barrières nationales, le crime organisé est devenu en grande partie et, pour ses
aspects les plus pernicieux, un phénomène transnational. Les dimensions
juridiques de ce phénomène doivent désormais intégrer un niveau international,
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
72
étranger en principe à la justice pénale. D’où la nécessité d’une coopération
entre États d’autant plus indispensable qu’elle se place à l’intérieur d’un réseau
d’intérêts communs : réalisation d’un espace économique unique, harmonisation des législations en matière économique et sociale, élaboration des grands
principes en matière de droits fondamentaux.
Le crime organisé : phénomène transnational
Il est hors de doute que la grande criminalité a tendance à calquer son
organisation et sa stratégie sur celles des regroupements qui s’opèrent au
niveau transnational, qu’il s’agisse de regroupements entre États ou dans le
cadre des relations économiques internationales. Deux raisons à cela. D’abord,
un espace économique plus important amplifie bien évidemment les profits, en
assurant du même coup une grande mobilité aux criminels qui peuvent multiplier leurs entreprises tout en variant de cible. Ensuite, le crime organisé
s’accomode très bien des clivages nationaux. Bien mieux, il essaie de bénéficier du cloisonnement du droit en tirant avantage des traditions juridiques et
des sensibilités nationales.
Malgré les efforts accomplis dans certains pays pour donner une épaisseur à un phénomène aux contours flous comme l’est celui du «.crime organisé.», il s’avère malaisé de donner une définition exhaustive de cette notion (la
notion d’association de malfaiteurs et, plus, encore celle d’association de type
mafieux du droit italien paraissent à cet égard les moins imprécises). Ceci est
d’autant plus vrai pour ce qui est de la notion de crime organisé dans un
contexte international car il manque à l’évidence, sur ce plan, une base juridique
qui pourrait servir à la circonscrire, si ce n’est quelques indications puisées
dans des textes internationaux.
En droit national et en règle générale, l’élément «.international.» ne
saurait, en tant que tel, être pris en considération pour définir une infraction,
voire une série d’infractions, ce qui à l’évidence affaiblit les poursuites et
empêche de bien comprendre ce phénomène délictueux. Il s’agit là d’un
véritable vide juridique pour ce qui est du déclenchement des poursuites et
de l’«.infliction.» de sanctions pénales commises dans un environnement
international. Seuls les crimes de guerre et ceux contre l’humanité, de même
que certains autres crimes particulièrement odieux, comme ceux ayant trait
à l’exploitation sexuelle des enfants, semblent échapper à la règle de la
territorialité.
À moins d’en arriver à un code pénal transnational ou international, ne
fût-ce que pour certaines catégories de crimes, ce qui semble toutefois pour
l’instant relever de vœux très pieux, le combat contre le fléau du crime organisé,
qui déborde par ses activités les frontières d’un seul pays, ne peut être mené
efficacement que moyennant une action internationale qui dépasserait le stade
d’une simple coopération.
Il faut s’entendre bien évidemment sur le contenu à donner à la notion
de «.crime organisé à dimension internationale.».
Les dimensions juridiques de la criminalité organisée :
aspect transnational et coopération entre États
73
Ce n’est qu’au début des années soixante-dix, avec les détournements
illégaux d’avions civils, que l’on semble avoir pris conscience de la dimension
internationale du crime, c’est-à-dire d’infractions pénales organisées, préparées et exécutées souvent sur le territoire de plusieurs pays. Une résolution du
Comité des ministres du Conseil de l’Europe du 29 juin 1970 (no 70/23) relative
à la piraterie aérienne invite les États membres à coopérer avec les organismes
internationaux compétents, «.en vue d’une action internationale rapide contre
la piraterie aérienne et le sabotage au sol et en vol des avions.».
Les actes de terrorisme perpétrés dans plusieurs pays européens dans
les années soixante-dix ont constitué un autre facteur de prise de conscience
de la dimension internationale du crime organisé. Par sa recommandation 703
de mai 1973, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe condamnait
«.les actes de terrorisme international qui, quelle qu’en soit la cause, devraient
faire l’objet de sanctions pénales en tant qu’actes criminels graves entraînant
le meurtre ou l’enlèvement de personnes innocentes ou mettant leur vie en
danger.». Comme nous le verrons, la Convention pour la répression du
terrorisme du 27 janvier 1977, élaborée dans le sillage de cette Recommandation, vise à circonscrire la notion d’«.infraction politique.» et à faciliter la
poursuite des auteurs d’actes criminels graves liés au terrorisme qui se trouvent
sur le territoire des parties contractrantes.
Les liens étroits qui peuvent se tisser entre le crime organisé et le monde
des affaires et de la finance internationale ont amené le Conseil de l’Europe à
étudier la mise en place de moyens pour faire face à un défi des plus subtils.
Par sa recommandation du 27 juin 198O (no R (80) 10) relative aux mesures
contre le transfert et la mise à l’abri des capitaux d’origine criminelle, le Comité
des ministres du Conseil de l’Europe a estimé que «.le transfert de capitaux
d’origine criminelle d’un pays à un autre et leur blanchissage par insertion
dans le circuit économique suscitent de graves problèmes, favorisent la commission de nouveaux actes criminels et étendent ainsi le phénomène aussi bien
sur le plan national qu’international.». Dans le même ordre d’idées, le Comité des
ministres du Conseil de l’Europe, par sa recommandation du 25 juin 1981 (no R
(81) 12) sur la criminalité des affaires, s’est déclaré convaincu que «.les États
membres du Conseil de l’Europe.» ont le plus grand intérêt à développer des lignes
de politique criminelle communes contre ce fléau et à améliorer rapidement leur
entraide dans ce domaine «.. Auparavant, il avait considéré que.» la croissance
considérable de l’activité économique dans les États membres du Conseil de
l’Europe et le développement des relations économiques internationales donnent
souvent lieu à la commission d’infractions pénales «.et que.» la criminalité des
affaires nuit à l’économie nationale et/ou internationale ».
Ainsi, par petites touches et presque de façon subreptice, a pris corps
une notion transnationale de «.crime.» d’une particulière gravité, nécessairement organisé, car il peut bénéficier du support logistique de réseaux criminels
ou terroristes ou peut s’appuyer sur des structures liées au monde économique
et financier, et qui opèrent indistinctement au niveau national et international.
Il serait vain de chercher une définition plus précise de cette notion dans les
textes nationaux ou internationaux. Toutefois, trois instruments élaborés dans
le cadre du Conseil de l’Europe fournissent plus qu’un éclairage sur ce que l’on
doit considérer comme relevant de la grave criminalité qui appelle, par ellemême, une coopération internationale.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
74
À l’évidence, les infractions terroristes se rangent dans cette catégorie
de crimes. La Convention européenne pour la répression du terrorisme du
27 janvier 1977 en fournit un exemple. En son article 1, cette Convention
précise que ne sont pas considérées comme infractions «.politiques.» ou
connexes à pareille infraction ou inspirées par des mobiles politiques, les
infractions suivantes :
«.a. les infractions comprises dans le champ d’application de la Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, signée à La Haye le
16 décembre 1970.;
b. les infractions comprises dans le champ d’application de la Convention
pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile,
signée à Montréal le 23 septembre 1971.;
c. les infractions graves constituées par une attaque contre la vie,
l’intégrité corporelle ou la liberté des personnes ayant droit à une protection
internationale, y compris les agents diplomatiques.;
d. les infractions comportant l’enlèvement, la prise d’otage ou la séquestration arbitraire.;
e. les infractions comportant l’utilisation de bombes, grenades, fusées,
armes à feu automatiques, ou de lettres ou colis piégés, dans la mesure où
cette utilisation présente un danger pour des personnes.;
f. la tentative de commettre une des infractions précitées ou la participation en tant que coauteur ou complice d’une personne qui commet ou tente de
commettre une telle infrcation. »
Un autre instrument élaboré dans le cadre du Conseil de l’Europe, la
Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation
des produits du crime du 8 novembre 1990, vise à combattre «.la criminalité
grave.» qui est, comme l’affirme son préambule, «.de plus en plus un problème
international.». L’idée maîtresse de cette Convention est qu’il importe de
«.priver le délinquant des produits du crime.». En principe, ce texte concerne
tout type de criminalité, mais l’accent est mis en particulier, comme le précise
le rapport explicatif, sur les «.crimes graves.», et en particulier «.les infractions
en matière de stupéfiants, le trafic d’armes, les infractions terroristes, le trafic
d’enfants et de jeunes femmes et d’autres infractions rapportant des profits
inportants.».
Enfin, l’Accord du 31 janvier 1995 relatif au trafic illicite par mer, mettant
en œuvre l’article 17 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite
de stupéfiants et de substances psychotropes, vise, ainsi qu’il ressort de son
préambule, la répression du trafic de stupéfiants comme faisant partie de la
«.lutte contre la grande criminalité, qui est de plus en plus un problème
international.».
Criminalité grave, grande criminalité, crimes graves, autant de notions
qui recouvrent la même réalité : un phénomène criminel d’envergure, et le plus
souvent structuré, qui, dans le monde ouvert des relations économiques, tend
à se fondre dans le tissu de la société, nationale et internationale. Pour accroître
ses profits, ce phénomène utilise les canaux les plus divers, dont les réseaux
Les dimensions juridiques de la criminalité organisée :
aspect transnational et coopération entre États
75
financiers et bancaires constituent les instruments de blanchiment des produits
du crime les plus performants.
Ce n’est pas un hasard, donc, si dans l’impossibilité de maîtriser le crime
organisé en amont, on ait voulu frapper les profits réalisés par ce dernier en
aval, en prévoyant une obligation à charge des États de criminaliser le blanchiment. Déjà la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants
et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 avait prévu cette obligation. La Convention du Conseil de l’Europe sur le blanchiment a étendu cette
obligation (article 6) à tout produit du crime, c’est-à-dire «.tout avantage
économique tiré d’infractions pénales.» au sens de l’article 1 de la Convention.
En particulier l’infraction de blanchiment doit viser tout acte commis intentionnellement à :
«.la conversion ou au transfert de biens dont celui qui s’y livre sait que
ces biens constituent des produits, dans le but de dissimuler ou de déguiser
l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute personne qui y est impliquée dans
la commission de l’infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes.;....».
Par «.bien.», il faut entendre au sens de l’article 1-b de la Convention
«.un bien de toute nature, qu’il soit corporel ou, incorporel, meuble ou immeuble, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant d’un titre ou d’un droit
sur le bien.».
La nature internationale du crime organisé et les liens existant entre
l’économie et la criminalité montrent à l’évidence qu’une lutte efficace passe
par une action concertée entre États. La coopération internationale dont il faut
renforcer les structures et les méthodes devient plus qu’indispensable. Sans
elle, la répression deviendrait un vain mot.
La coopération entre États : forces et faiblesses
Depuis des décennies déjà, la coopération entre États pour faire face à
la montée en puissance du crime organisé s’est développée, tant au niveau
des forces de police, qu’au niveau juridique et judiciaire proprement dit. Ce n’est
pas à vous que j’apprendrai qu’au niveau des relations entre les polices
nationales, Interpol est une réalité qui a permis et permet d’atteindre d’importants résultats. Mais bien évidemment, cette coopération policière doit s’inscrire
dans un cadre juridique précis et ne peut, à elle seule, résoudre les problèmes
qui se posent lorsqu’il faut adopter, au niveau national, des mesures spécifiques de contraintes sur les personnes et sur les biens. C’est la raison pour
laquelle la coopération juridique entre États revêt une importance primordiale.
Cette coopération s’est développée, surtout dans le cadre européen,
pour des raisons évidentes : des pays sur la voie d’une union plus étroite, pour
reprendre la formulation du statut du Conseil de l’Europe, se doivent de mettre
en place une ferme coopération en vue de poursuivre, comme l’indique le
préambule de la Convention de novembre 1990 concernant les mesures devant
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
76
frapper les produits du crime, «.une politique pénale commune tendant à la
protection de la société.».
Pour ce qui est de notre propos, cette coopération devrait revêtir deux
aspects.
Un aspect général s’isncrivant dans les rapports que les États entretiennent tout naturellement et qui ont trait aux formes classiques de collaboration :
l’extradition et l’entraide judiciaire notamment. Un aspect plus spécifique qui
vise les problèmes particuliers posés par les formes les plus graves de
criminalité.
En ce qui concerne le premier aspect, le Conseil de l’Europe a élaboré,
dès les années cinquante, une série d’instruments juridiques à caractère
multilatéral, tendant à harmoniser les matières de l’extradition et de l’entraide
judiciaire en favorisant ainsi une maîtrise plus efficace du phénomène criminel.
La Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, la plus
ancienne des conventions élaborées dans le domaine pénal par le Conseil de
l’Europe, pose le principe de l’obligation d’extrader. Elle constitue une sorte de
convention cadre car elle précise les principes généraux en matière d’extradition contenus dans bon nombre de traités d’extradition entre États (en matière
de faits donnant lieu à extradition, d’infractions politiques, de respect de la règle
de la spécialité, de procédures à suivre pour la remise de l’intéressé etc.). Cette
Convention a été complétée par deux protocoles additionnels, l’un du 15 octobre 1975 qui exclut du champ des infractions politiques notamment les crimes
contre l’humanité, et qui précise les modalités d’application du principe ne bis
in idem, l’autre du 17 mars 1978 qui concerne en particulier l’extradition pour
infractions fiscales et celle consécutive à un jugement par défaut dans l’État
requérant.
La Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du
20 avril 1959 constitue une autre pièce maîtresse de la coopération entre États
au sein du Conseil de l’Europe. Elle concerne, au sens très large, la coopération
en matière de commissions rogatoires et de remise d’actes de procédure et de
décisions judiciaires. Elle a été complétée par un protocole additionnel du
17 mars 1978 qui vise à restreindre le pouvoir des États de refuser une
extradition pour le seul motif que la demande se rapporte à une infraction que
la partie requise considère comme fiscale.
La Convention européenne sur la valeur internationale des jugements
répressifs du 28 mai 1970 est un instrument ambitieux de coopération en
matière pénale. Elle vise à dépasser le principe de territorialité pour ce qui est
des effets des décisions judiciaires et à proposer des solutions aux problèmes
de validité des jugements étrangers. Comme il ressort du rapport explicatif à
cette Convention, divers facteurs sont à l’origine de ce problème, parmi
lesquels la mobilité accrue des populations ainsi que le développement des
ressources économiques à la disposition du crime. Qu’il suffise de rappeler à
cet égard que le principe fondamental posé par cette Convention est l’assimilation d’un jugement étranger à un jugement émanant des tribunaux d’un autre
État contractant, mais que les modalités d’exécution de ce principe sont
soumises à de nombreuses contraintes.
Les dimensions juridiques de la criminalité organisée :
aspect transnational et coopération entre États
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Le domaine qui intéresse de manière plus spécifique la criminalité
organisée est traité par les deux textes dont on a déjà parlé : la Convention
relative au blanchiment des produits du crime et l’Accord relatif au trafic illicite
par mer de produits stupéfiants, ainsi que par la Convention sur les opérations
financières des «.initiés.» du 20 avril 1989.
Le premier instrument (Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime) est peut-être la
tentative la plus achevée dans ce domaine, car il tend à priver les délinquants
des instruments et des fruits de leurs activités illégales où que ces derniers
(biens meubles ou immeubles) se trouvent. Il s’agit d’un instrument qui, à la
différence d’autres instruments élaborés dans le cadre du Conseil de l’Europe,
est ouvert à d’autres États, même non européens, mais qui partagent les
mêmes conceptions que celles qui prévalent au sein de cette organisation.
Le principe général retenu par la Convention est celui de la coopération
la plus large possible «.aux fins d’investigations et de procédures visant à la
confiscation des instruments et produits.» (article 7 par. 1), de même que
l’entraide la plus large possible aux fins d’investigations «.pour identifier et
dépister les instruments, les produits et les autres biens susceptibles de
confiscation..» (article 8). La coopération peut revêtir trois formes : deux
concernent les décisions et procédures de confiscation, une les mesures
provisoires à adopter en vue d’une confiscation. Il est à souligner qu’il s’agit
d’obligations assumées par un État vis-à-vis d’autres États : la partie requise
doit en principe déférer, sauf refus dûment motivé, aux demandes de la partie
requérante. Ainsi, il existe une obligation de prendre des mesures provisoires
(article 11, par. 1), exécutées conformément au droit interne de la partie requise
(article 12) de même qu’une obligation de confiscation, suite à une demande
formulée par une partie à la Convention. À cet égard, l’article 13 paragraphe 1
dispose ce qui suit :
«.Une partie qui a reçu d’une autre partie une demande de confiscation
concernant des instruments ou des produits, situés sur son territoire, doit :
a. exécuter une décision de confiscation émanant d’un tribunal de la
partie requérante en ce qui concerne ces instruments ou ces produits.; ou
b. présenter cette demande à ses autorités compétentes pour obtenir
une décision de confiscation et, si celle-ci est accordée, l’exécuter ».
Les procédures permettant d’obtenir et d’exécuter la confiscation sont
régies par la loi de la partie requise (article 14).
Il est intéressant de noter qu’en ce qui concerne les biens confisqués, la
partie requise en dispose selon son droit interne, mais que des accords
particuliers peuvent régler le partage de ces biens entre les parties coopérantes
(article 15). Selon le rapport explicatif, «.ce partage international est destiné à
promouvoir l’esprit de coopération consacré par la convention.».
S’agissant du produit de l’infraction, la Convention a prévu que les parties
peuvent appliquer un autre système de confiscation, celui non du bien mais de
la valeur (article 13, par. 4). La confiscation de la valeur consiste dans
l’obligation, pour celui qui y est assujetti, de verser une somme d’argent
calculée d’après une estimation de la valeur des produits tirés directement des
infractions ou des biens de substitution.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
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Il est évident que le champ d’application de la Convention est limité à
des activités délictueuses et que la coloration pénale ressort sans ambigüité
du texte. Toutefois, il y a lieu de préciser que le fait que dans certains États la
confiscation ne soit pas considérée comme une sanction pénale n’est pas
pertinent, dans la mesure où la confiscation visée par cet instrument est liée à
une activité criminelle. Ce que l’on demande aux États est, en règle générale,
d’envisager l’adoption de techniques nouvelles qui, tout en sauvegardant
les droits fondamentaux, permettent de combattre efficacement la grande
criminalité.
Enfin, la Convention sur les opérations financières des «.initiés.» du
20 avril 1989 tend à développer l’échange d’informations entre États, en
matière de criminalité des affaires. Elle concerne un des aspects les plus
difficiles à maîtriser, lorsque les enquêtes portent sur des faits commis dans
un cadre international.
Si l’on envisage un cadre plus large de coopération internationale, l’on
constate que la communauté internationale a, dès 1988, fourni un instrument
dont l’efficacité dépend bien sûr de la bonne volonté des parties, et qui a le
grand mérite non seulement d’exister mais de poser les jalons d’une procédure
internationale comportant l’adoption de mesures et de comportements précis
de la part des États. Il s’agit de la Convention du 19 décembre 1988 contre le
trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes. Ce texte a d’ailleurs
inspiré non seulement l’Accord conclu dans le cadre du Conseil de l’Europe
pour réprimer le trafic illicite de ces substances par mer, mais également la
Convention relative au blanchiment et autres mesures frappant les produits du
crime. Les États membres du Conseil de l’Europe ont étendu le champ
d’application de la Convention des Nations Unies, en particulier en ce qui
concerne l’adoption de mesures de saisie et de confiscation, aux produits du
crime en général et non seulement de ceux issus du trafic illicite de stupéfiants.
Le préambule de la Convention des Nations Unies est on ne peut plus
explicite quant aux menaces que le trafic illicite de stupéfiants fait peser sur les
sociétés. Il s’agit là d’une «.activité criminelle internationale.» qui est la «.source
de gains financiers et de fortunes importantes qui permettent aux organisations
criminelles transnationales de pénétrer, contaminer et corrompre les structures
de l’État, les activités commerciales et financières légitimes et la société à tous
les niveaux.». Il importe donc de «.priver ceux qui se livrent au trafic illicite du
fruit de leurs activités criminelles.» en supprimant ainsi leur principal mobile.
Ces principes se traduisent dans la Convention par des obligations précises,
afin que les États puissent s’attaquer avec plus d’efficacité aux divers aspects
du trafic illicite de stupéfiants qui ont une dimension internationale (article 2,
par. 1).
Elles consistent, notamment, dans l’obligation de criminaliser, entre
autres, la production et la distribution de stupéfiants (article 3). Les tribunaux
nationaux devraient tenir compte, en particulier, de circonstances factuelles
conférant une particulière gravité à l’infraction, telles que la participation de
l’auteur à «.d’autres activités criminelles organisées internationales.» (article
3, par. 5 b). À cet égard, des mesures doivent être adoptées pour permettre à
un État de poursuivre l’auteur de l’infraction si celle-ci a été commise sur son
territoire (article 4, par. 1, a, i). Des poursuites peuvent être engagées égale-
Les dimensions juridiques de la criminalité organisée :
aspect transnational et coopération entre États
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ment contre l’auteur présumé de l’infraction si l’infraction a été commise par un
de ses nationaux ou par une personne résidant habituellement sur son territoire. L’obligation de confiscation des produits des infractions est prévue à
l’article 5 de la Convention. Cette confiscation peut revêtir la forme de confiscation de la valeur des produits. Enfin, la Convention prévoit l’obligation
d’extrader (article 6) ou, à défaut, de poursuivre l’auteur de l’infraction, ainsi
que l’obligation d’entraide judiciaire «.la plus étendue.» (article 7).
L’Accord du Conseil de l’Europe relatif au trafic illicite de stupéfiants par
mer se greffe sur la Convention des Nations Unies, car il est destiné à donner
application à l’article 17 de cet instrument qui prévoit l’adoption de mesures
dans un cadre régional pour mettre fin au trafic par mer. L’Accord du Conseil
de l’Europe prévoit certaines mesures précises pouvant être adoptées en haute
mer, c’est-à-dire au-delà des eaux territoriales. Ainsi, après avoir reçu l’autorisation de l’État du pavillon, un autre État – l’État intervenant – peut accomplir
diverses mesures : arraisonner le navire, fouiller la cargaison, saisir des objets,
contraindre le navire et les personnes à se faire escorter jusqu’au territoire de
l’État intervenant (article 9). Si des preuves de la commission d’une infraction
liée au trafic de stupéfiants sont rassemblées, les personnes concernées
peuvent être arrêtées (article 10, par. 1). Toutefois, l’État du pavillon peut
décider d’exercer sa compétence préferentielle à poursuivre les auteurs présumés d’infractions (article 14). Dans ce cas, les navires, cargaisons, les
personnes et les preuves lui sont remis par l’État intervenant (article 15).
Le contenu de ces instruments internationaux montre que l’une des
forces de la coopération réside, comme on le voit aisément, dans le fait que les
États ont pris conscience de la nécessité pour eux de coopérer activement à
la recherche de techniques nouvelles à la hauteur des défis auxquels ils sont
confrontés.
En ce qui concerne les États membres du Conseil de l’Europe, cette
prise de conscience – qui a permis d’aller de l’avant en de nombreux domaines
– a été favorisée par les solidarités qui se sont tissées entre ces États et qui
ont donné naissance à un espace judiciaire des droits de l’homme axé sur la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales.
Les résultats obtenus grâce à la coopération internationale ne doivent
pas faire passer sous silence les faiblesses, congénitales pourrait-on dire, de
cette coopération. Schématiquement, et pour ce qui est de notre propos, elles
peuvent être groupées sous trois chapitres.
D’abord, il ne faut pas surestimer la nature des obligations assumées
par les États, car elles sont souvent assorties de limitations qui en réduisent
singulièrement la portée. Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple récent
puisé dans la pratique européenne, la coopération internationale prévue par la
Convention relative au blanchiment du Conseil de l’Europe, peut être refusée
en particulier dans le cas où la mesure sollicitée serait contraire aux principes
fondamentaux de l’ordre juridique de la partie requise ou bien l’exécution de la
demande risque de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l’ordre
public ou à d’autres intérêts essentiels de la partie requise (article 18, par. 1).
Il s’agit là, comme on peut le constater, de motifs suffisamment amples pour
justifier un refus. Ce qu’il importe de préserver, ce sont donc des relations
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
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fondées sur la confiance et le respect mutuels entre États qui, seules, peuvent
garantir une coopération efficace.
Ensuite, une autre faiblesse réside dans la possibilité ouverte aux États
d’émettre des réserves, ce qui peut réduire d’une façon considérable parfois la
nature des obligations. Ainsi, et pour reprendre l’exemple de la Convention
relative au blanchiment déjà rappelée, des réserves ont été émises tant en ce
qui concerne la nature des infractions, objet des mesures de confiscation (article
2, par. 1), que pour ce qui est des infractions auxquelles s’applique l’obligation de
criminaliser le blanchiment des produits du crime (article 6, par. 1).
Enfin, et ceci constitue à l’évidence une des faiblesses les plus importantes, la non-ratification des instruments par plusieurs États fait peser une
sérieuse hypothèque sur l’efficacité de la coopération internationale. Toujours
pour ce qui est de la Convention sur le blanchiment du Conseil de l’Europe,
ouverte à la signature le 8 novembre 1990, elle n’est entrée en vigueur (trois
ratifications) que le 1er septembre 1993 et n’a été ratifiée à ce jour que par 9
des 39 États de l’Organisation.
***
Le constat auquel nous venons de nous livrer est loin d’être rassurant.
Face à l’internationalisation croissante des activités criminelles, toutefois, les
États ont pris la mesure du danger et la coopération qui s’établit entre eux, à
tous les niveaux et au niveau policier en premier lieu, témoigne de leur
détermination à adapter les méthodes d’enquête et de poursuite à la nouvelle
donne.
Par ailleurs, les principes de respect de la prééminence du droit et des
droits fondamentaux peuvent être considérés comme constituant autant de
butoirs qui retardent une coopération de plus en plus évidente. Mais, au niveau
européen, cette difficulté apparente constitue cependant un des aspects positifs de la coopération internationale et peut servir d’exemple à d’autres États,
groupés au sein d’organismes régionaux.
En effet, par son réseau d’accords et de conventions, le Conseil de
l’Europe constitue le fer de lance d’une coopération appelée à se développer
et à se recentrer. Le saut qualitatif qu’implique une coopération plus étroite
conduisant à l’établissement d’un véritable espace judiciaire européen, également en matière de poursuites pénales, est facilitée par les solidarités qui lient
déjà les États membres de cette Organisation et qui font qu’en matière de droits
de l’homme et de libertés fondamentales, il existe un véritable droit commun
auquel ils peuvent et doivent se référer.
La réglementation internationale, on l’a vu, présente des failles dues en
grande partie à une conception trop traditionnelle de la souveraineté nationale.
À y voir de plus près, toutefois, l’on s’aperçoit que les atermoiements, voire les
réticences des États, se fondent sur d’éventuels conflits, réels ou supposés,
entre la réglementation internationale et le respect des principes constitutionnels et des concepts fondamentaux des systèmes juridiques des différents
États. Or, dans les instruments élaborés au sein du Conseil de l’Europe, des
références explicites sont faites à la Convention européenne des droits de
Les dimensions juridiques de la criminalité organisée :
aspect transnational et coopération entre États
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l’homme ainsi qu’à la jurisprudence des organes de la Convention. Reconnaître
un jugement étranger, admettre le bien-fondé d’une demande (de collaboration
ou d’exécution d’une mesure) émanant d’une autorité étrangère présuppose à
l’évidence une certaine confiance dans la justice de même que dans les
autorités étrangères.
Une coopération plus étroite en vue de combattre efficacement les
formes les plus graves de criminalité et qui implique l’adoption de mesures
d’une particulière importance (arrestation de suspects, remise de prévenus,
saisies et confiscations de biens, reconnaissance de jugements étrangers) ne
peut être menée à bien que si la confiance s’est établie entre les différents
systèmes répressifs nationaux. En Europe, cela implique que les mêmes
principes (de prééminence du droit, de respect des droits de la défense et du
procès équitable) s’appliquent aux procédures diligentées au niveau national,
ce qui doit être le cas pour les États parties au système européen de protection
des droits de l’homme. Il ne faut pas oublier que le justiciable européen dispose,
avec le droit de recours individuel, d’un moyen judiciaire pour faire contrôler au
niveau supranational le respect de ces principes.
C’est donc en sauvegardant pleinement les droits fondamentaux que l’on
peut asseoir sur des bases solides, parce que fondées sur la confiance
mutuelle, une coopération internationale qui seule peut garantir une lutte
efficace contre une criminalité organisée pour qui les cloisonnements nationaux
représentent de plus en plus la meilleure arme de défense.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
82
Summary
Juridical dimensions of organised crime:
trans-national aspect and co-operation between States
Michel De Salvia
The extent of the activities set up by criminal organisations of the Mafia type, in some
countries, affects the authorities’credibility and puts democratic institutions at risk, and
transgresses the principle of lawfulness as well as the pre-eminence of Law. In the sixties’,
criminal organisations are believed to have provided themselves with the most modern
equipment, such as new arms, explosives, as well as the most sophisticated means of
detection and communication, taking advantage of the beginning of free circulation of
people and goods. It is believed that it is at that time that organised crime linked tightly
with several countries. In order to combat organised crime, which ignores boundaries,
international co-operation, and particularly European co-operation also organised itself,
even if it remains fragile. Nowadays, it is a trans-national phenomenon, which demands a
necessary co-operation between the States.
1) Organised crime: trans-national phenomenon
Organised crime knew how to take advantage of a large economic space and of the
compartmentalisation of the internal legislations. An exhaustive definition of this notion
does not exist at the international level. The wording of an international penal code, if only
for certain categories of crime, is only wishful thinking. The international dimension of
organised crime seems to have been apparent only in the 70’s with the hijacking of civil
planes, followed by terrorists acts in several European countries. Recommendations or
resolutions were adopted. For example, observing the narrow bonds between organised
crime and the world of business and international finance, a recommendation dated 27
June 1980 emphasised that “capital gained from crime was being transferred from one
country to another and laundered through being inserted into the economical circuits”.
Other instruments, such as the European Convention for the fight against terrorism dated
27 January 1977, the Convention concerning money laundering, detection, seizure and
confiscation of the proceeds of crime dated 8 November 1990, which were elaborated
within the European Council, give enlightenment and call for international co-operation.
2) Co-operation between states: strengths and weaknesses
This co-operation developed for decades in a very tight juridical framework, both at Police
forces level (ex. Interpol) and at judicial and the Judiciary level. It still has to take on a
general aspect relating to the classical forms of co-operation (ex. extradition) and a more
specific aspect concerning organised crime following the example of the Convention
concerning money laundering, detection, seizure and confiscation of the crime proceeds.
The general principle retained by this Convention is the widest co-operation possible,
addressing even non European States which would be willing to adhere to it, with the
condition that they share the notions prevailing within the Council of Europe.
The strength of these international instruments is the awareness of the necessity to
co-operate actively seeking new techniques within a judicial space of human rights, centred
on the European Convention of the safeguard of human rights and of fundamental liberties.
Their weaknesses stand in the possibility to insert limitations which reduce the import of
the text, the ability to express reserves which lighten the nature of obligations, and even
the non-ratification by several States which diminishes its international dimension. As an
example, the Convention on money laundering dated 8 November 1990 has only been
ratified by 9 out of the 39 States of the European organisation.
The aforesaid instruments show the States’determination to adapt investigating and
prosecuting methods modelled on the principle of parallelism with the forms of the
organised crime activities, within a European judicial space enabling criminal prosecution.
Still, flaws exist due to a too rigid notion of national sovereignty. A tighter co-operation
starts with the establishment of mutual confidence.
Les dimensions juridiques de la criminalité organisée :
aspect transnational et coopération entre États
83
Resumen
Las dimensiones juridicas de la criminalidad
organizada : aspecto transnacional y cooperacion
entre Estados
Michel De Salvia
La amplitud de las actividades llevadas a cabo por la criminalidad organizada de tipo
mafioso atenta, en algunos países, contra la credibilidad de los poderes públicos y pone
en peligro las instituciones democráticas, transgrediendo los principios de legalidad y de
preeminencia del derecho. Las organizaciones criminales, en los años 60, se equiparon
con los medios materiales más modernos, tanto en armas como en explosivos y en medios
de transmisión y de detección sofisticados, aprovechando los comienzos de la libre
circulación de personas y bienes. Durante este período que el crimen organizado habría
establecido relaciones estrechas en diferentes países.
Para luchar contra el crimen organizado, que no conoce fronteras, la cooperación
internacional, y en particular, la cooperación europea también se ha establecido, aunque
continúa siendo frágil. Hoy, el crimen organizado es un fenómeno transnacional (1) que
llama a una necesaria cooperación entre Estados (2).
1) El crimen organizado : fenómeno transnacional.
El crimen organizado ha sabido sacar provecho de la ampliación del espacio económico
y de la compartimentalización de las legislaciones internas. No existe una definición
exhaustiva de esta noción en el plano internacional.
La redacción de un código penal internacional, aunque sea para algunas categorías de
crímenes, no pasa de ser un deseo. La dimensión internacional del crimen organizado
sólo apareció a comienzos de los años 70 con los secuestros de aeronaves civiles,
seguidos de actos terroristas en varios países europeos. A raíz de esto fueron adoptadas
recomendaciones o resoluciones. Por ejemplo, constatando los estrechos lazos existentes
entre el crimen organizado y el mundo de los negocios y de las finanzas internacionales,
una recomendación del 27 de junio de 1980 hacía hincapié en «.la transferencia de
capitales de origen criminal de un país a otro y su blanqueo por inserción en el circuito
económico.». Otros instrumentos, como la Convención Europea para la Represión del
Terrorismo del 27 de enero de 1977, la convención relativa al blanqueo, a la detección, a
la detención y a la confiscación de los productos del crimen del 8 de noviembre de 1990,
elaborados en el marco del Consejo de Europa, suministran más que una aclaración y
llaman a una cooperación internacional.
2) La cooperación entre estados : fuerzas y debilidades
Esta cooperación es desarrollada desde hace decenas de años en un marco jurídico muy
estricto tanto a nivel de las fuerzas de policía (Ejemplo : Interpol) como a nivel jurídico y
judicial. Aún le falta revestir un aspecto general concerniendo la formas clásicas de
colaboración (Ejemplo : la extradición) y un aspecto más específico concerniendo la
criminalidad organizada, a la manera de la Convención relativa al blanqueo, a la detección,
a la incautación y a la confiscación de los productos del crimen. El principio general
retenido por esta Convención es el de una cooperación lo más amplia posible, dirigiéndose
incluso a los Estados no europeos que quieran adherir, con la condición de compartir las
concepciones del Consejo de Europa.
La fuerza de estos instrumentos internacionales es la toma de conciencia de la necesidad
de cooperar activamente en la búsqueda de nuevas técnicas en un espacio judicial de
derechos del hombre, basados en la Convención Europea de protección de los derechos
del hombre y de las libertades fundamentales.
Sus debilidades residen en la posibilidad de insertar limitaciones que reducen el alcance
del texto y en la facultad de emitir reservas que aligeren la naturaleza de las obligaciones,
llegando a una no ratificación por parte de varios Estados que reduciría la dimensión
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
84
internacional. Por ejemplo, la Convención sobre el blanqueo de capitales del 8 de
noviembre de 1990 sólo fue ratificada por 9 de los 39 Estados de la organización europea.
Los elementos citados anteriormente testimonian la determinación de los Estados a
adoptar métodos de investigación y de persecución calcados sobre el principio del
paralelismo con las formas de las actividades de la criminalidad organizada, en un espacio
judiciario europeo que autorice las persecuciones penales. Sin embargo, existen fallas
debidas a una concepción demasiado rígida de la soberanía nacional. Una cooperación
más estrecha supone la instalación de una confianza mutua.
Les dimensions juridiques de la criminalité organisée :
aspect transnational et coopération entre États
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Le crime organisé : constat
et stratégie de lutte en France
Bernard Gravet,
directeur central de la Police judiciaire française
Concept et réalitéLe crime organisé : constat et stratégie de lutte en France
C’est autour des années 1920, dans l’Amérique de la prohibition que naît
et se vulgarise l’expression «.organized crime.» pour désigner les gangs
mafieux qui sévissent alors outre-Atlantique, tenant en coupe réglée et à
grande échelle, par la violence et la corruption, l’essentiel des activités illicites
de l’époque (jeux, alcool, drogue, prostitution...).
En quelques soixante-dix années, ce terme de «.crime organisé.» s’est
étendu bien au-delà des limites du territoire nord-américain. Il est venu, en de
nombreux points du globe, tenter de traduire l’inquiétante réalité d’un phénomène criminel permanent, structuré et insidieux, ressenti à juste titre comme
une menace pour les démocraties.
Force est cependant de constater que si le vocable même de «.crime
organisé.» s’est assez largement répandu, le concept qui s’y rattache reste, lui,
d’une consistance plus empirique et intuitive que juridique.
Ni le code pénal, ni le code de procédure pénale français ne définissent
ce qu’est le crime organisé. C’est donc ailleurs, sous la plume des théoriciens
du droit et dans l’expérience des praticiens de la lutte contre la grande
criminalité, qu’il nous faut chercher à en esquisser les contours.
Ainsi, pour le professeur Raymond Gassin, le crime organisé est l’antithèse de la criminalité spontanée ou occasionnelle. Il s’entend «.du crime dont
la préparation et l’exécution se caractérisent par une organisation méthodique
et qui, le plus souvent, procure à ses auteurs leur moyen d’existence.».
Cette définition correspond assez bien à ce que l’on dénomme habituellement «.le crime professionnel.» et que le code pénal qualifie, suivant les
circonstances, d’«.association de malfaiteurs.» ou d’agissements en «.bande
organisée.». Elle ne rend toutefois qu’imparfaitement compte de cette autre
forme du crime organisé, forme plus complexe, plus élaborée oserait-on dire,
qu’est le «.crime syndiqué.».
Qu’il s’intitule «.Cosa Nostra.» a u x É t ats - U nis, «.Camorra.»,
«.N’Drangheta.» ou encore «.Sacra Corona Unita.» en Italie, «.Triades.» en
Chine, «.Boryokudans.» ou «.Yakusas.» au Japon, «.Cartels.» en terres colombiennes, le crime syndiqué ou de type mafieux se singularise par son très
haut degré d’organisation et par sa capacité à détenir de façon permanente le
monopole de la criminalité sur un territoire donné.
On parle avec lui d’«.empire.» ou d’«.industrie du crime.», et quoi que
ces formules soient quelque peu empreintes de sensationnalisme, elles n’en
expriment pas moins tout ce qu’il y a à redouter de ces sociétés parallèles,
brutales et corruptives dont les activités se placent en marge du contrôle des
citoyens et des gouvernements et s’inspirent, dans la recherche du profit illicite,
de toutes les techniques modernes de gestion économique.
Les études relatives au crime organisé, pris dans son acception la plus
large, sont relativement récentes et de ce fait, peu nombreuses. La plupart
d’entre elles insistent néanmoins sur deux paramètres majeurs à retenir dès
lors que l’on s’efforce aujourd’hui de cerner le phénomène. Il s’agit, d’une part,
du caractère transnational du crime organisé.; d’autre part, de sa propension
à infiltrer le tissu économique d’un grand nombre de pays.
C’est sur la base de tels constats qu’en 1988, l’Organisation Internationale de Police Criminelle, Interpol, a retenu pour définir le crime organisé
l’énoncé fédérateur suivant : «.Toute association ou regroupement de personnes se livrant à une activité illicite, dont le premier but est de réaliser des profits,
sans souci des frontières nationales.».
Le crime organisé dans l’hexagone
Les manifestations du crime organisé tel que nous venons d’en tracer
les lignes générales sont multiples et peuvent relever aussi bien de l’action
violente que des trafics illicites et de la délinquance financière. Aucun secteur
n’est à vrai dire épargné.
Qu’il s’agisse, par exemple, de traite des êtres humains, de trafic de
drogue ou bien encore de trafic d’armes, d’œuvres d’art ou de véhicules volés,
que l’on évoque le grand banditisme ou le faux-monnayage, et tout aussitôt se
discerne l’entreprise de groupes ou d’organisations criminelles structurés.
Depuis 1994, la statistique française de la criminalité et de la délinquance
établie par le ministère de l’Intérieur à partir des données collectées au plan
national par les services de police et les unités de gendarmerie, comporte un
agrégat spécifique de rubriques, une sorte de «.panier de valeurs.», destiné à
mieux mesurer, au sein de la criminalité globale du pays, la part des infractions
imputables d’ordinaire aux agissements du crime organisé.
En 1995, l’agrégat en question a permis de recenser 36.804 faits de cette
nature ce qui représente un peu plus de 1.% du total des crimes et délits
constatés cette année-là en France. Ce pourcentage peut à priori apparaître
faible, voire peu préoccupant, comparé à l’importance numérique des cambriolages, des vols de voiture et de toutes ces autres infractions de petite ou
moyenne délinquance qui affectent l’Hexagone comme elles affectent une
majorité de ses voisins.
Qu’on ne s’y trompe cependant pas. Pour qui sait lire derrière la
sécheresse des chiffres statistiques leur traduction à l’aune du quotidien, leur
signification en terme d’enquêtes judiciaires longues et complexes, l’activité du
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
88
crime organisé ne laisse pas d’inquiéter et d’exiger une mobilisation de chaque
instant.
Bien que régulièrement confrontée à des agissements de grande criminalité, la France n’est, pour l’heure, pas touchée par l’implantation sur son
territoire de «.sociétés criminelles.» participant d’un schéma mafieux. Elle n’en
a pas moins détecté et combattu à diverses reprises et avec succès ces
dernières années les manœuvres d’organisations internationales du crime
visant à faire de l’Hexagone, soit l’un des champs de passage ou d’extension
de leurs trafics, soit une nouvelle plate-forme de blanchiment et d’investissement pour les capitaux générés par leurs entreprises illicites.
Tel fut le cas en 1990, par exemple, lorsqu’en avançant derrière un
montage financier international particulièrement complexe, une branche de la
mafia italienne, issue de la région de San Remo, tenta de racheter le casino
de Menton, sur la Côte-d’Azur, afin de recycler par ce biais une partie de son
«.argent sale.».
De la même façon, il fallut à la police judiciaire française réagir au plus
vite en 1994 pour mettre à jour et démanteler, à l’issue d’une opération
d’envergure baptisée «.Margarita.», tout un réseau de trafic de drogue et de
blanchiment de fonds tissé dans le pays par les cartels colombiens. Les
desseins de ces derniers échouèrent comme avaient échoué, dans les années
1980-1984, ceux de la triade 14 K, l’une des plus actives associations criminelles d’origine asiatique présentes en Europe, lorsqu’à l’époque, elle chercha à
installer en France des filières étendues de distribution d’héroïne.
La menace constituée par ces tentatives d’infiltration, et d’autres encore,
doit être prise très au sérieux. Parce qu’il sait avec rapidité tirer parti de toutes
les failles ouvertes dans les systèmes de sécurité d’une société par la survenance de mutations technologiques, économiques et comportementales, le
crime organisé s’affirme comme un danger permanent, un danger qui requiert
de la part de ceux qui ont pour mission d’en empêcher l’essor, une forte et
continuelle capacité d’adaptation et de réaction.
Une stratégie d’évaluation et de riposte
La France ne dispose pas d’une législation spécifique visant à réprimer
le crime organisé en tant que tel comme le fait l’Organisation Crime Control Act
de 1970 aux États-Unis ou la loi no 646 du 13 septembre 1982 en Italie.
Les textes en vigueur, au plan pénal et procédural, lui permettent
néanmoins, grâce notamment à certains aménagements prévus dans les
conditions de la garde-à-vue et de la perquisition, de conduire une action
répressive efficace dans la lutte contre la criminalité organisée.
Cette lutte revient principalement, au sein de la Police Nationale française, à la direction centrale de la police judiciaire qui présente l’avantage
d’être, face à des malfaiteurs professionnels, une police criminelle centralisée,
fortement spécialisée et dotée d’une compétence territoriale étendue.
Le crime organisé : constat et stratégie de lutte en France
89
La police judiciaire traite 88.% des affaires comptabilisées chaque année
par la statistique officielle dans son agrégat relatif à la grande criminalité. Elle
le fait en s’appuyant sur vingt directions et services régionaux ainsi que sur des
divisions et des offices centraux.
Organismes à vocation interministérielle accueillant des gendarmes
dans leurs rangs, les offices centraux de police judiciaire sont au nombre de
sept. Le faux-monnayage, le trafic de stupéfiants, le banditisme, la grande
délinquance financière, le trafic d’œuvres d’art, celui des explosifs, des armes
et des matières nucléaires, la traite des êtres humains enfin, forment le champ
de leurs compétences respectives.
À l’intérieur de ce champ, les offices centraux de police judiciaire ont
pour mission de centraliser et de traiter toutes les informations disponibles à
l’échelon national, mais aussi d’animer, de coordonner et de soutenir, en liaison
avec les magistrats, l’activité opérationnelle des services d’enquête. Ils sont,
de ce point de vue, des pièces maîtresses dans le dispositif français de lutte
contre le crime organisé.
L’existence de telles structures est une chose. Faire en sorte qu’elles se
maintiennent à un haut niveau d’efficacité face, nous l’avons dit, à des organisations criminelles sans cesse en quête de brèches nouvelles à exploiter, en
est une autre.
C’est la raison pour laquelle la direction centrale de la police judiciaire
s’efforce d’adapter en permanence tous les moyens et les méthodes mis en
œuvre à l’occasion de cette lutte par les quelques huit mille hommes et femmes
qui travaillent dans ses rangs.
Ainsi, le développement de la police technique et scientifique, de son
identité judiciaire, de ses laboratoires, de sa documentation criminelle, autrement dit, de toutes ces composantes dont l’apport précieux au cours des
investigations n’est plus à démontrer, constitue l’une de ses priorités, une
priorité à ne jamais perdre de vue dès lors qu’il s’agit de rester efficient devant
le crime organisé comme d’ailleurs, pourrait-on ajouter, devant la délinquance
en général.
Les performances du fichier automatisé des empreintes digitales, les
résultats déjà enregistrés grâce aux progrès faits dans la recherche et le recueil
d’indices sur la scène de crime et leur exploitation en laboratoire suffiraient à
eux seuls, s’ils n’étaient associés à bien d’autres perfectionnements, à confirmer l’importance de la place qu’il convient d’accorder à la police technique et
scientifique dans une stratégie moderne de répression de la grande criminalité.
Une telle stratégie ne saurait pas non plus se concevoir en l’absence
d’outils de coopération opérationnelle internationale. C’est à travers eux en
effet, que se joue dans une large mesure la partie engagée dans chaque pays
par les services de sécurité contre des organisations et des malfaiteurs dont
les agissements, les trafics, les placements financiers ont de longue date
adopté une dimension transnationale.
Placé au sein de la direction centrale de la police judiciaire, le bureau
central national-France de l’OIPC-Interpol, le SIRENE-France pour Schengen
et l’unité nationale Europol sont les instruments actifs de cette coopération
devenue désormais essentielle.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
90
Dans son combat contre le crime organisé, la police judiciaire française
privilégie également la formation de ses personnels spécialisés, une formation
qui vise non seulement à une parfaite pratique des techniques opérationnelles,
comme par exemple les surveillances et les filatures reposant de plus en plus
sur des moyens sophistiqués, mais aussi à la maîtrise de ces technologies
récentes telles l’informatique ou la télématique que ne manquent pas d’utiliser
les malfaiteurs professionnels, via Internet ou d’autres réseaux.
À toute extension des domaines d’action du crime organisé doit correspondre une riposte rapide et appropriée des services répressifs. Il ne faut
laisser s’installer aucun «.no man’s land.».
C’est dans ce souci que la direction centrale de la police judiciaire a mis
en place en son sein une brigade nationale de répression de la criminalité
informatique de même qu’un groupe central de lutte contre les fraudes communautaires et une unité spécialisée dans la lutte anti-contrefaçons. Dans tous
ces secteurs, à des degrés plus ou moins forts, la grande criminalité a déjà
manifesté des velléités d’emprise.
Mieux connaître l’adversaire pour mieux le combattre, telle est l’exigence
première du développement de toute stratégie. Depuis sa création en 1907, la
police judiciaire française a acquis une profonde et large connaissance des
milieux du crime sévissant sur l’Hexagone, de leurs secteurs d’influence et de
leurs modes opératoires.
Fondé sur l’expérience et la pratique, alimenté par une documentation
rigoureuse, ce savoir s’est cependant vu mettre à rude épreuve en cette fin du
XXe siècle par l’évolution d’une criminalité de plus en plus transversale et diffuse
dans ses agissements, de plus en plus étendue dans son envergure.
Partant de ce constat, la direction centrale de la police judiciaire s’est
dotée en 1995 d’une centrale du renseignement et de l’analyse criminelle
chargée de faire converger vers elle et d’exploiter à des fins stratégiques et
opérationnelles tous les renseignements, parfois épars, touchant au crime
organisé et recueillis par les services de sécurité français et leurs correspondants étrangers.
Cette centrale qui travaille en liaison avec l’Unité de coordination et de
recherche anti-mafia (UCRAM) de la Police nationale s’intéresse à toutes les
formes de criminalité professionnelle détectées sur le sol français et en particulier à celles d’émergence récente.
Adaptation là encore, recherche incessante d’efficacité. C’est à ces
conditions et à elles seules, appliquées sur tous les plans, qu’ils soient
juridiques, techniques, opérationnels, qu’ils aient trait à la formation ou encore
à la coopération internationale, que devra se gagner notre lutte de tous les
jours, celle d’aujourd’hui et déjà celle de demain, contre les groupes et les
organisations criminelles.
Le crime organisé : constat et stratégie de lutte en France
91
Summary
Organised crime: acknowledgement and combat
strategy in France
Bernard Gravet
1) Concept and reality
The expression “organised crime” was born in the twenties, at the time of prohibition in
America, to refer to Mafia gangs using violence and corruption for the benefit of their illegal
activity such as gambling, selling alcohol, prostitution...
This term spread well above the limits of the northern American territory, and nowadays,
conveys a worrying reality in many countries. There is no common international definition,
since the forms of the organisations vary and their activities are complex. (because of the
various forms that the organisations take and the complexity of their activities.) Still, they
all have in common a high degree of organisation and the monopoly of crime on a territory.
Recent studies emphasise the trans-national characteristic of organised crime, also called
“empire” or “crime industry”, and its capacity to infiltrate the economic threads of several
countries.
It is on the basis of such an acknowledgement that ICPO-INTERPOL retained in 1988 the
following definition: “Any association or group of people engaged in illicit activities, the
prime objective being to make profit without concern for national boundaries.”
2) Organised crime in France
Since 1994, French statistics elaborated by the Ministry of the Interior, on a national scale,
integrates an aggregate of specific rubrics meant to measure more accurately, within crime,
the part imputable to organised crime. It represents slightly over 1% of the total criminal
offences committed in 1995, that is to say 36,804 offences, in fields such as human trade,
drug trafficking, trafficking in arms, in works of art and antiques, of stolen vehicles, forgery
and counterfeiting.
Although French territory is not affected by the implantation of “criminal society”, it may be
used as lines of communication for traffics in which the Mafia is taking part, and for financial
activities meant to launder “dirty money” (examples : the attempted buying out of the
Casino in Menton in 1990 or the “Margarita” operation in 1994).
The organised crime threat exists, it is a permanent danger which demands a continuous
capacity of adaptation and reaction.
3) A strategy for assessment and retaliation
Although, unlike the United States or Italy, France dœs not have a specific legislation, the
existing law provides means of combating this phenomenon.
This role is essentially given to the DCPJ (Serious Crime Investigation National Headquarters), as it deals with 88% of the recorded serious crime cases, which numbers 18,000
police officers, and to its 20 regional headquarters and services, its divisions and its 7
central offices, which liaise with other ministries and the Gendarmes.
Each office has a distinctive field of activity. They are master pieces in the combat disposal
against organised crime. With the judiciary, they lead, co-ordinate and support the
investigating departments’operations.
In order to carry out its combat strategy against organised crime, the DCPJ also
counts resource departments such as the Scientific and Forensic Police, the scene
of crime and identification departments, the criminal documentation and the computerised finger prints file.
It is within the DCPJ that the NCB-France from ICPO-Interpol, the SIRENE-France for
Schengen and the National Unit for Europol operate. Besides, the DCPJ is concerned not
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
92
to let any “no man’s land” set in, and favours the training of specialised personnel. In 1995,
it endowed itself with a central intelligence and criminal analysis bureau, liaising with the
“Unité de Coordination et de Recherche Anti-Mafia – UCRAM” (Anti-Mafia co-ordination
and Detection Unit), in its concern towards adaptation and ceaseless search for efficiency
in order to combat criminal groups and organisations.
Resumen
El crimen organizado : constatacion y estrategia
de lucha en Francia
Bernard Gravet
1) Concepto y realidad :
La expresión «.organized crime.» surgió en los años 20, en la América de la prohibición,
para designar a las bandas mafiosas que actuaban a través de la violencia y de la
corrupción, en actividades ilícitas como el juego, el alcohol, la prostitución...
Este término se extendió más allá de los límites del territorio norteamericano y traduce
actualmente una realidad inquietante en numerosos países. No existe una definición
común internacional ya que las formas de organización son variadas y sus actividades
complejas. Sin embargo, todas tienen en común un alto grado de organización y el
monopolio del crimen en un territorio determinado. Recientes estudios subrayan el
carácter internacional del crimen organizado, también llamado «.imperio.» o «.industria
del crimen.», y su capacidad para infiltrarse en el tejido económico de numerosos países.
Sobre la base de estas constataciones la OIPC-Interpol había retenido, en 1988, la
siguiente definición : «.Toda asociación o grupo de personas que ejercen una actividad
ilícita, cuyo principal objetivo es el de obtener beneficios, indiferentemente de las fronteras
nacionales.».
2) El crimen organizado en Francia :
À partir de 1994, las estadísticas francesas elaboradas por el Ministerio del Interior, a
escala nacional, incluyen un agregado específico de rúbricas destinado a medir mejor,
dentro de la criminalidad global, la parte correspondiente a actividades del crimen
organizado. Este último representa un poco más del 1.% del total de los crímenes y delitos
en 1995, es decir, 36.804 actos delictivos, en sectores como el tráfico de seres humanos,
de drogas, de armas, de obras de arte, de vehículos robados y de moneda falsa.
Si bien el territorio francés no ha sido objeto de la implantación de «.sociedades
criminales.», puede servir como vía de comunicación en tráficos donde la mafia toma parte
y en actividades financieras de blanqueo de «.dinero sucio.» (Por ejemplo, el intento de
compra del casino de Menton en 1990 o la operación «.Margarita.» en 1994).
La amenaza del crimen organizado existe. Es un peligro permanente que necesita una
continua capacidad de acción y de reacción.
3) Una estrategia de evaluación y de respuesta :
Si bien Francia no cuenta con una legislación específica, como existe en los Estados
Unidos o en Italia, para reprimir el crimen organizado, los textos en vigor le permiten luchar
contra este fenómeno.
Este rol es cumplido esencialmente por la DCPJ (88.% de los casos incluidos en la gran
criminalidad), que cuenta con más de dieciocho mil funcionarios en sus veinte direcciones
Le crime organisé : constat et stratégie de lutte en France
93
y servicios regionales, sus divisiones y sus siete oficinas centrales, con vocación interministerial y participación de gendarmes. Cada oficina tiene un campo de competencias
diferente. Constituyen las piezas claves en el dispositivo de lucha contra la criminalidad
organizada. Promueven, coordinan y apoyan, en relación con los magistrados, la actividad
operacional de los servicios de investigaciones.
Para llevar a cabo su estrategia de lucha contra la criminalidad organizada, la DCPJ
dispone también de la policía técnica y científica, de la identidad judiciaria, de su
documentación criminal y del registro automatizado de huellas digitales.
En su seno funcionan la «.Oficina Central Nacional Francia.» de la OIPC-Interpol, el
«.Sirene-Francia.» para Schengen y la «.Unidad Nacional Europol.». Además, la DCPJ
se preocupa por no dejar que se instale ninguna «.no mans land.» y privilegia la formación
de personal especializado. En 1995, fue dotada de una central de información y de análisis
criminal que trabaja en relación con la Unidad de Coordinación y de Investigación Antimafia
(UCRAM), con un objetivo de adaptación y de búsqueda incesante de eficiencia en la
lucha contra los grupos y los organismos criminales.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
94
Les nouvelles formes
de la criminalité organisée
Les nouvelles voies du trafic
de drogue international
Gilles Leclair,
commissaire divisionnaire, chef de l’Office central
pour la répression du trafic illicite des stupéfiants
de
la direction centrale de la police judiciaire française
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
Vouloir parler de nouvelles voies du trafic suppose qu’il en existait
d’anciennes.
Vouloir parler de nouvelles voies suppose-t-il pour autant que les anciennes
aient disparu.?
Pourquoi d’ailleurs parler de nouvelles routes de la drogue.?
Il faut à mon sens replacer le sujet dans le contexte du marché international de la drogue. Le trafic de drogue est un commerce. Il a toutes les
caractéristiques d’un commerce licite : culture, production, transformation,
importation, exportation, vente, achat, bénéfice...
Il n’est particulier que par son côté illicite.
Il est cependant fondé sur un certain nombre de règles liées à l’évolution
de la politique mondiale et à celles des États.
Des nouvelles routes se sont donc développées face aux anciennes en
fonction des transformations de l’échiquier mondial (guerre dans l’ex-Yougoslavie, chute du Mur de Berlin, éclatement du Bloc de l’Est, retour à la
démocratie de l’Afrique du Sud...).
Les trafiquants ont exploité les faiblesses de certains États (manque de
moyens, police et douanes faibles, facilitation des allées et venues dans les
pays démocratiques....).
Ces nouvelles routes sont issues également de l’ouverture de nouveaux
marchés. La mondialisation de la drogue, de la toxicomanie ont entraîné le
développement de ces nouvelles voies et ont, ainsi, bouleversé cet équilibre
relatif qui existait précédemment. Cette universalisation a amené une nouvelle
organisation des trafics.; conséquemment, on assiste à un enchevêtrement des
routes, les traditionnelles croisant les nouvelles ou se superposant.
Les trafiquants, les entreprises criminelles profitent ou utilisent les innovations technologiques.
En 5 ou 6 ans, l’ecstasy, les amphétamines ont conquis d’immenses
parts de marché. Les producteurs de cannabis n’échappent pas, non plus, à la
tentation productiviste : à côté des producteurs traditionnels, des nouveaux
trafiquants se développent. Ils manipulent les gênes des plants pour augmenter
la teneur en principe actif (cf Canada, Pays-Bas,...).
Dans ce meli-melo j’essaierai de vous montrer les grandes tendances
en me fondant sur les données dont nous disposons (celles de l’ONU, de
l’OIPC, de l’OMD, des grands services anti-drogues et des informations de nos
agences à l’étranger...).
Pour vous donner cette image, je crois que le plus simple est d’étudier
les voies du trafic par produit.
Nous verrons donc successivement les routes de l’héroïne, de la cocaïne, du cannabis et des drogues de synthèse.
Nous verrons d’ailleurs que parfois les réseaux constitués pour le trafic
de l’une de ces drogues utilisent les infrastructures existantes pour vendre
d’autres produits.
Nous verrons également que des échanges de produits existent (héroïne
contre cocaïne par exemple) pour éviter la circulation d’argent difficile à recycler.
Toutes ces tendances nouvelles constituent l’évolution du marché, il n’en
reste pas moins que les routes traditionnelles sont encore florissantes.
Toutes ces évolutions, toutes ces nouvelles tendances sont donc indissociables des voies classiques.
Elle ne peuvent donc être montrées qu’à partir de l’existant.
Le marché de l’heroïne
Dans les années 1970, la France figurait parmi les pays producteurs
d’héroïne. Ces fabrications, à en croire les analyses chimiques, étaient même
remarquables pour leur pureté. Elles s’opéraient quasi exclusivement dans la
région marseillaise et alimentaient presque uniquement à l’époque le marché
de consommation nord-américain. Il faut rappeler que cette situation avait
envenimé les relations franco-américaines et suscité du côté français des
mesures policières énergiques. Celles-ci devaient effectivement révéler l’ampleur du trafic (la production annuelle d’héroïne se situait, selon certaines
estimations de l’époque, entre sept et huit tonnes).
La matière première provenait principalement des régions situées dans
le Croissant d’or, la Turquie ou le Liban.
L’évolution allait se faire assez rapidement avec l’éclosion des filières du
Triangle d’Or.
Cette filière française allait ensuite être remplacée par les réseaux
asiatiques dont les passeurs arrivaient de Hong Kong, Bangkok, Kuala Lumpur,
mais aussi des Pays-Bas.
Au milieu des années 80 apparaissaient ensuite les filières nigérianes,
qui transportaient l’héroïne du «.croissant d’or.», en transitant très souvent par
Lagos et Abidjan. D’une manière plus éphémère, des filières tamoules et sri
lankaises ont également pris part à cette époque au trafic d’héroïne. Elles
semblent maintenant en sommeil pour ce qui concerne l’héroïne saisie en
France. Elles se caractérisaient par des itinéraires de transport beaucoup plus
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
98
variés : Bombay, Madras, Colombo, Moscou, Varsovie, les Emirats, la Tunisie,
l’Algérie ou encore Malte.
En vingt-cinq ans, les données du problème se sont totalement transformées, aussi bien pour la France que sur le plan international, les filières
traditionnelles se croisant avec de nouvelles zones de production et, conséquemment, engendrant de nouvelles routes.
Au plan international, la liste des pays impliqués dans la fabrication ou
le trafic des stupéfiants n’a fait que s’allonger et se diversifier sur tous les
continents. Rien n’indique que ce mouvement puisse se ralentir. Bien au
contraire, l’évolution récente nous révèle de nouveaux risques, favorisés par
la libéralisation croissante des échanges de marchandises, la libre circulation
des personnes, la disparition du bloc soviétique ou encore l’impossibilité
chronique de nombreux États à établir des situations politiques stables.
La situation, malgré les efforts qui sont accomplis partout dans le monde,
est réellement grave. L’OIPC, dans son document «.le défi global de l’héroïne.»
la décrit en ces termes :
«.Le trafic international de l’héroïne a été alimenté par les énormes
profits réalisés au cours des deux dernières décennies. Ce qui était au départ
une activité nécessitant une organisation complexe est devenu un véritable
commerce qui est allé bien au-delà des craintes et des prévisions de tous les
services de répression concernés, avec de graves conséquences pour l’avenir.
L’augmentation de la consommation des drogues dans le monde aura une
influence déterminante sur la production d’héroïne au cours de la décennie
actuelle, et le marché obéira à la loi de l’offre et de la demande....».
La grosse artère du trafic : la route des Balkans
qui s’abreuve aux sources du Croissant d’Or
Depuis plusieurs années, l’itinéraire des Balkans est utilisé pour acheminer en quantités de plus en plus importantes l’héroïne qui se déverse dans
les pays européens. Cette situation permet d’indiquer qu’environ 80.% de
l’héroïne saisie en Europe emprunte ce circuit et provient des mêmes
pays sources.
Si dans les années passées une route principale, d’ailleurs la plus directe
au plan routier, était bien cernée, celle-ci s’est désormais éclatée, sous la
pression des événements : déclenchement du conflit en Yougoslavie, fin de
l’isolationnisme de l’Albanie, éclatement du bloc soviétique avec pour conséquence l’apparition d’itinéraires moins surveillés dans ces pays dont la situation
économique, sociale, judiciaire totalement archaïque, inadaptée, est impropre
à mener la lutte contre le trafic des stupéfiants. Ces pays, qui s’ouvrent sur l’ère
moderne, deviennent, de plus, de nouveaux lieux de consommation, ce qui
rend le marché d’autant plus prospère.
La route traditionnelle des Balkans qui aboutissait au nord en Autriche
et au sud en Italie, était un axe commercial classique bien connu. Pour le trafic
d’héroïne, elle avait dans les années 70, servi à l’acheminement de la morphine
base vers les laboratoires marseillais. Dans les années 80, c’est l’héroïne
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
99
elle-même qui, venant du Pakistan, d’Afghanistan, d’Iran et du Liban, via la
Turquie (véritable gare de triage), suivait alors cet itinéraire. Une partie de cette
drogue poursuivait également sa route vers les États-Unis.
La route des Balkans s’est maintenant tellement diversifiée et a tellement
éclaté que l’on peut se demander si ce terme, mis au singulier, est encore
d’actualité. Les itinéraires passent aujourd’hui au nord par la Bulgarie, la
Roumanie, la République Tchèque, la République Slovaque, et au sud par la
Macédoine et l’Albanie. Fait nouveau également, des saisies de cocaïne
destinée à l’Europe sont désormais réalisées dans ces différents pays.!
Trois circuits se dessinent ainsi :
la route classique et directe qui, depuis la Turquie, remonte par la
Grèce, la Macédoine ou la Bulgarie vers Belgrade, Zagreb et Lubliana, puis
l’Autriche et l’Allemagne.
la route sud qui va vers la Grèce et l’Italie en partant de Turquie ou
encore du port roumain de Contenta sur la mer Noire.
la route centrale qui traverse la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, la
République Slovaque, la République Tchèque et aboutit en Autriche, ou en
Allemagne.
Les événements ont tantôt favorisé tel ou tel circuit mais il apparaît que,
depuis 1990, les saisies réalisées dans les pays de la route centrale ont
progressé de manière constante. Dans la très grande majorité des cas, elles
ont été opérées à l’encontre de camions TIR immatriculés en Turquie.
Depuis deux à trois ans des saisies d’héroïne sont également réalisées dans
des véhicules de tourisme, immatriculés ou conduits par des européens, ainsi
que dans des autobus.
La route est en effet de plus en plus utilisée par des trafiquants nigérians
pour les transports en petites quantités, mais lorsqu’il s’agit des poids lourds,
les quantités sont toujours considérables (395 kilogrammes en une seule
saisie) et les expéditions restent sous le contrôle direct de trafiquants turcs.
La tension latente entre la Macédoine et la Grèce a également dans un
premier temps favorisé, du fait du renforcement des contrôles aux frontières,
les saisies d’héroïne.
La Macédoine continue de jouer un rôle dans le trafic, non seulement en
raison de la situation géographique de ce pays mais aussi du fait de la présence
sur son territoire d’importantes communautés d’origine grecque, turque ou
albanaise.
Les pays du transit sur les routes des Balkans
L’Albanie compte 3,5 millions d’habitants et émerge de cinquante
années d’isolement communiste. Des Albanais sont régulièrement arrêtés en
Italie avec de l’héroïne.
La Roumanie et la Bulgarie sont désormais des lieux avérés de transit.
Les services de police de ces pays ont ainsi saisi en 1994 : 383 kilos d’héroïne
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
100
pour la Roumanie (dont 112 kilogrammes au cours d’une seule prise réalisée
à Bucarest dans un autobus) et 422 pour la Bulgarie.
La Drug Enforcement Autority estime qu’actuellement plus d’une tonne
d’héroïne turque transite chaque année sur le territoire roumain.
La Hongrie, depuis le début du conflit yougoslave, enregistre également
une progression alarmante des saisies en héroïne (le phénomène est d’ailleurs
flagrant pour les prises réalisées à l’aéroport de Budapest).
Saisies d’héroïne :
1990 : 9 kilos
1993 : 427 kilos
1991 : 8 kilos
1994 : 822 kilos
1992 : 78 kilos
Au débouché de ces itinéraires
Les pays européens
C’est par exemple la Grèce qui constitue l’un des premiers fusibles du
dispositif occidental. Les saisies d’héroïne ont considérablement évolué dans
le pays au cours des dernières années (42 kilos en 89, 283 en 1994).
Pour l’Italie, les chiffres des saisies montrent également le gonflement
du flux de trafic d’héroïne, malgré l’amorce apparente de tassement en 1993.
Il faut également mentionner les saisies réalisées en Allemagne qui se
situent elles aussi à un niveau très élevé :
1989 : 727 kilos
1992 : 1.426 kilos
1995 : 933 kilos
1990 : 844 kilos
1993 : 1.075 kilos
1991 : 1.594 kilos
1994 : 1.514 kilos
L’examen détaillé des saisies fait apparaître, dès 1994, le rôle de points
de transit pour les régions de l’ex-RDA et indique que des importations
d’héroïne s’opèrent désormais depuis la Pologne.
En remontant le courant du trafic
La Turquie
Ce pays est au cœur du problème. Passerelle entre l’Europe et l’Asie,
fort de ses 60 millions d’habitants, il est devenu la véritable gare de triage du
trafic d’héroïne venu d’Afghanistan et du Pakistan. Des laboratoires de
transformation de morphine base y opèrent depuis plusieurs années. Cette
implication de plus en plus profonde de la Turquie permet maintenant aux
spécialistes d’indiquer que 80.% voire, peut-être 90.%, de toute l’héroïne saisie
en Europe a transité (et pour partie a été transformée) dans ce seul pays.
De 1988 à 1995, 15 laboratoires d’héroïne y ont été détruits. Concentrés
plutôt vers les zones voisines de l’Iran, leurs implantations les plus récentes se
sont désormais disséminées vers le centre et l’ouest, ainsi que dans les
environs d’Istanbul. Il s’agirait souvent de laboratoires «.mobiles.», c’est-à
dire-susceptibles d’être installés, démontés et déplacés en peu de temps.
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
101
La majeure partie du trafic turc reste opérée au moyen des ensembles
routiers TIR. Le contrôle de ce flux s’avère particulièrement difficile, car, il faut
le rappeler, ce pays compte 8.000 kilomètres de frontières maritimes, quatre
ports internationaux, et plus de 400 entreprises de transport international sont
répertoriées. Selon l’OIPC une cinquantaine de ces sociétés seraient propriétaires de mille camions.
En dehors des poids lourds, et comme il l’a été indiqué plus haut, les
saisies opérées à l’encontre d’autres types de véhicules (véhicules de tourisme
ou autobus) se sont multipliées dans la période récente.
Ce phénomène n’a pas manqué de retenir l’attention d’Interpol qui relève
en effet que, dans la zone Europe, 112 véhicules particuliers qui ont été
contrôlés positivement transportaient au total 1.200 kilogrammes d’héroïne.
Les saisies réalisées en Turquie :
Héroïne :
1990 : 1.245 kilos
1991 : 1.446 kilos
1992 : 960 kilos
1993 : 2.001 kilos
1994 : 2.172 kilos
1995 : 2.500 kilos
Morphine base :
44 kilos
118 kilos
1.408 kilos
2.203 kilos
243 kilos
500 kilos
Il y a peu d’information disponible actuellement sur les saisies réalisées
dans les pays de l’ex-Yougoslavie, il est cependant toujours mentionné dans
les rapports de l’OIPC ou du PNUCID que les villes de Belgrade et de Zagreb
restent des points de passage obligés du trafic.
On peut d’ailleurs supposer que depuis la fin du conflit, cette route va
reprendre de la vigueur.
En 1992, l’OIPC avait par exemple recensé 72 cas de trafic d’héroïne qui
mettaient en cause près de 140 ressortissants ex-yougoslaves. Ceux-ci avaient
transporté en Europe 1.100 kilos d’héroïne.
En amont des routes des Balkans :
les pays sources, Pakistan, Afghanistan, Iran
Il s’agit du «.Croissant d’Or.»
Le Pakistan
C’est en quelque sorte l’une des deux racines principales du trafic. Ce
pays, dans lequel l’opium est cultivé illicitement, n’a interdit qu’en 1979 la
consommation de l’héroïne, et il rencontre maintenant, de l’aveu même de ses
autorités, un énorme problème d’usage dont le niveau retient l’attention.
Désormais les autorités pakistanaises recensent un million et demi d’usagers
d’héroïne et 250.000 fumeurs d’opium.
Ces chiffres sont souvent repris par les instances internationales spécialisées (PNUCID et OIPC). Ils conduisent à penser que chaque année les
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
102
usagers toxicomanes pakistanais consomment probablement dans le pays
cinquante tonnes d’héroïne.! Si l’on considère d’autre part que ce pays produit
illicitement environ 200 tonnes d’opium par an, il est alors probable que le
marché pakistanais «.importe.» 300 tonnes d’opium de chez son voisin afghan.
Pour l’OIPC, 80.% de l’héroïne saisie en Europe et 25.% de celle saisie
aux États-Unis sont fabriquées dans ces deux pays.
Pour illustrer parfaitement cette situation, il suffit d’indiquer qu’en 1979
un seul kilogramme d’héroïne pakistanaise avait été découvert en Europe, alors
qu’en 1993 ce chiffre a atteint 7.000 kilogrammes.!
Au Pakistan, les régions de transformation de la morphine base se situent
plus volontiers dans les zones frontalières et montagneuses qui bordent le nord
et l’ouest du Pakistan (Bajour, Khyber, Mohmand...). Il s’agit de régions sous
influence tribale que le gouvernement central ne contrôle qu’avec difficulté.
Les saisies réalisées en Iran lors des transits de drogue attestent elles
aussi de l’importance croissante de la zone :
Lors d’une cérémonie de destruction de stupéfiants qui eut lieu le 26 juin
1996, le ministre de l’Intérieur iranien, s’inquiétant de la constante augmentation des saisies d’héroïne dans son pays, citait pour 1995 les chiffres suivants :
135 tonnes d’opium, 12 tonnes de morphine base et 2 tonnes
d’héroïne.
Les données qui concernent l’Afghanistan sont très fragmentaires.
Toutes confirment cependant la dégradation de la situation et l’extension
considérable de la production d’opium.
Pour ce pays les indications chiffrées précises font défaut mais les
estimations habituelles suggèrent que la production annuelle d’opium serait
comprise en 1.500 et 3.000 tonnes par an.
Cependant l’étude la plus récente, qui résulte d’une enquête menée sur
place en avril 1995 par le PNUCID, indique que 68.000 à 76.000 hectares
seraient consacrés à la culture du pavot, notamment dans les provinces de
Helmand, de Kandahar et de Oruzgan au centre du pays.
Ainsi, en 1994, ce sont peut-être 3.000 à 3.600 tonnes d’opium qui ont
été récoltées. Il apparaît aussi que, depuis le départ des troupes soviétiques,
les zones de culture se sont étendues à d’autres régions d’Afghanistan, celles
qui entourent Kaboul (Lowgar, Paktia, Konar, Laghman, Pervan) mais aussi
aux provinces plus à l’ouest ou au nord (Bamian, Badakshan, Jowzian, Herat).
Pays charnière entre les pays d’Asie de l’ouest et de l’est, l’Inde est aussi
sur la route du trafic.
En 1993, 1,5 tonne d’opium est saisie et plusieurs laboratoires sont
détruits dans les États de Madhya Pradesh et du Rajasthan.
En 1994, 2,1 tonnes d’opium et 1 tonne d’héroïne y sont saisies.
Le phénomène s’étend également aux républiques méridionales de
la CEI ainsi qu’à celles du Caucase (Azerbaïdjan, Géorgie, province
Tchétchène).
Il semble que l’action des mafias locales s’est considérablement accrue
dans le domaine des stupéfiants. Il est ainsi mentionné qu’un très important
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
103
laboratoire de fabrication d’héroïne, sous le contrôle de mafieux tchétchènes
et d’anciens du KGB, s’est installé dans la ville de Chali dès la fin de l’année
1991.
S’il n’a pas survécu au bombardement russe de janvier 1995, il aurait
néanmoins produit au plus fort de son activité, en 1994, 30 tonnes d’héroïne.
La saisie, en Ouzbékistan, en août 1993, de 1.159 kilogrammes d’héroïne
afghane dans un conteneur frigorifique qui devait être expédié vers la Turquie puis
l’Europe, confirme elle aussi la gravité de la situation dans ce secteur.
Au Kirghizistan, la même année, 36 laboratoires d’amphétamines ayant
été détruits, il est permis de redouter que ce pays qui, apparemment dispose
de talents en matière de chimie, ne bascule à son tour dans le trafic d’héroïne.
L’étude des filières d’héroïne nécessite par ailleurs de s’interroger sur la
situation actuelle du Liban.
Ce petit pays, qui a longtemps figuré parmi les gros pourvoyeurs
d’héroïne et de cannabis dans le monde entier pendant les années 80, semble
désormais sorti du circuit.
En effet, depuis la «.reprise.» en main de la situation par les autorités
syriennes, des campagnes d’éradication du pavot de la plaine de la Bekaa ont
été menées sans discontinuer depuis 1991.
Les chiffres de l’OIPC confirment cette amélioration, mais il ne faut
pas négliger que dernièrement les autorités libanaises ont indiqué qu’environ deux tonnes d’opium seraient à nouveau ou encore transformées en
héroïne dans le pays.
Il est par ailleurs certain que les communautés libanaises, installées
dans de nombreux pays, apparaissent dans le trafic, et de plus en plus
maintenant, dans celui de la cocaïne.
La deuxième grosse racine du trafic
et de la production de l’héroïne
Le fameux Triangle d’Or
L’appellation «.Triangle d’Or.» correspond à trois pays d’Asie du SudEst qui sont le Myanmar (ex-Birmanie), la Thaïlande et le Laos. À eux trois ils
constituent, pour le moment, la deuxième grande région de production de
l’héroïne dans le monde. Bien qu’éloignée de l’Europe, elle fournit entre 20 et
30.% de l’héroïne qui y est consommée. D’après Interpol, ces trois pays
produiraient 3.000 tonnes d’opium par an, la part du roi revenant cependant
au Myanmar qui à lui seul produirait 2.500 tonnes, soit 250 tonnes d’héroïne.
Les trois quarts de celle-ci seraient destinés au marché nord-américain.
Bien que voisins ces pays ne sont donc pas dans des situations équivalentes. Depuis des lustres l’opium y a été cultivé et a alimenté la consommation
locale. Ancrée dans la tradition, cette pratique a été tolérée pendant longtemps
par les autorités. Ce n’est qu’en 1994 que le Laos a proclamé dans les instances
internationales qu’il allait interdire la consommation d’opium.
On observe cependant de nombreux changements dans la zone.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
104
Changements dans les régions de culture
de pavot à opium en Asie du Sud-Est
Myanmar
On estime aujourd’hui que le Myanmar (l’ex-Birmanie) produit environ
60.% de l’héroïne que l’on trouve dans le monde, soit le double environ de la
quantité produite en 1988, avant que le gouvernement des États-Unis ne mette
fin à l’aide fournie dans le cadre du programme de destruction des cultures de
pavot mis en œuvre par le Myanmar.
Thaïlande
Depuis la mise en œuvre, avec succès, en 1986 du programme d’arrachage à la main, le gouvernement thaïlandais a virtuellement réduit à néant
l’importante production de pavot. L’année dernière, la production d’opium a été
estimée à dix-sept tonnes, quantité inférieure à la consommation locale estimée. La Thaïlande est donc devenue un nouveau pays importateur d’opium.
Laos
Le Laos est considéré comme le plus grand producteur d’opium, après
le Myanmar et l’Afghanistan. Toutefois, on y a également observé une diminution progressive de la quantité de pavot à opium cultivée au cours des six
dernières années. Cependant, cette année, les conditions climatiques favorables ont permis une récolte sensiblement plus importante pour la première fois
depuis de nombreuses années.
Viet Nam
Le gouvernement vietnamien a signalé une petite production de pavot à
opium dans le nord-ouest du pays, le long de la frontière avec le Laos.
Changements observés dans la physionomie
du trafic d’héroïne
Auparavant, le trafic d’héroïne était considéré comme un problème
myanmaro-thaïlandais. Il est aujourd’hui manifeste que l’acheminement de
l’héroïne d’Asie du Sud-Est a pris une dimension véritablement régionale et
qu’il touche les pays avoisinants.
Thaïlande
La Thaïlande est, traditionnellement et historiquement, la porte de sortie
exclusive de l’héroïne d’Asie du Sud-Est mais la situation évolue rapidement. La
fermeté dont fait preuve le gouvernement thaïlandais et le renforcement des
moyens de répression de la Police Royale thaïlandaise et de l’Office Central de
Lutte Antidrogue ont amené les organisations de trafiquants à explorer des
itinéraires nouveaux et différents afin d’écouler sur le marché l’héroïne produite au
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
105
Myanmar. Ces itinéraires passent par la Chine, le Laos, le Cambodge et le
Viet-Nam.
Chine
La Chine est apparue comme un important pays de transit, derrière la
Thaïlande. La drogue est acheminée par la voie terrestre via le sud de la Chine
jusqu’à Guangshou, puis de là à Taïwan ou à Hong Kong. Le secrétariat général
d’Interpol a présenté, dans le message hebdomadaire no 21/96, un résumé de
la situation du trafic de drogues en Chine, où les autorités ont signalé la saisie
de 2.376 kg d’héroïne et de 1.110 kg d’opium en 1995.
Laos
Le Laos est devenu un important pays de transit. Les autorités laotiennes
ont enquêté sur les nombreux passeurs arrêtés à l’aéroport de Wattay avec
d’importantes quantités d’héroïne. En février 1996, les autorités laotiennes ont
signalé la saisie d’un laboratoire d’héroïne et d’amphétamine en activité, implanté
dans la province de Bokéo, près de la frontière avec le nord de la Thaïlande.
Cambodge
Le Cambodge est également de plus en plus utilisé. Un nombre croissant
de passeurs de drogues choisissent de partir de l’aéroport de Phnom Penh afin
de n’avoir qu’à transiter par Bangkok lorsqu’ils se rendent sur les marchés
internationaux, évitant ainsi d’avoir à franchir les contrôles de douane à
l’aéroport de Bangkok. Le Cambodge apparaît également comme un nouveau
producteur de feuilles de cannabis, qui sont exportées par la voie maritime.
Viet Nam
Comme on l’a indiqué précédemment, le Viet Nam est à la fois un pays
producteur d’opium et, de plus en plus, un pays de transit pour l’héroïne. Avec
la normalisation des relations politiques et économiques avec l’Occident, les
trafiquants d’héroïne auront de plus en plus de possibilités de se livrer au trafic
d’héroïne à destination de ces pays.
Succès en matière de lutte
Les succès remportés dans la lutte antidrogue ont contribué aux changements intervenus dans la physionomie du trafic de drogues, le plus connu
étant la reddition de Khun SA au Myanmar, et la mise en accusation de douze
de ses principaux lieutenants résidant en Thaïlande. Tous les douze ont été
placés en détention provisoire en attendant d’être extradés aux États-Unis (le
premier d’entre eux a d’ailleurs été extradé le 25 mai 1996).
Ces arrestations auraient mis hors de course plusieurs courtiers de
premier plan, chargés d’écouler l’héroïne pour le compte de Khun SA, et réduit
ses possibilités non seulement de vendre son héroïne, mais aussi de recueillir
les fonds provenant d’anciennes transactions.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
106
De nouveaux protagonistes du trafic d’héroïne
L’Amérique du Sud
Désormais, c’est un fait marquant du début des années 90, trois pays
déjà impliqués dans le trafic de cocaïne figurent parmi les sources de l’héroïne.
Il s’agit de la Colombie, du Mexique et du Guatemala.
Au Mexique, l’héroïne dénommée «.black tar.» est extraite à partir du
jus de l’opium. Une partie est consommée dans le pays, le reste est acheminé
vers l’ouest et le sud-ouest des États-Unis où l’on estime que ce produit
représente environ 25.% des saisies.
En 1992, les autorités mexicaines avaient signalé la destruction de
11.548 hectares de pavot.
Au Guatemala, le pavot est également cultivé illicitement dans les
provinces de Huehuetenenango et de San Marcos. Il n’y a pas d’indication
précise quant à l’importance de ces plantations.
La «.palme d’or.» revient une fois de plus à la Colombie.! Des cultures
de pavot sont localisées dans les départements de Cundinamarca, de Huila,
de Caqueta, de Cauca, de Tolima et les autorités du pays pensent qu’un peu
plus de 6.000 hectares sont encore plantés.
Les saisies suivantes ont ainsi été réalisées :
Héroïne
1994 : 95 kilos
1995 : 145 kilos (+52.%)
Morphine
1994 : 84 kilos
1995 : 290 kilos (+238.%)
Opium
1994 : 128 kilos
1995 : 144 kilos (+12.%)
ha. détruits
1994 : 5.314 ha
1995 : 5.074 ha
En dehors de la Colombie, les États-Unis sont le seul pays qui enregistre
officiellement depuis plusieurs années des saisies importantes d’héroïne colombienne.
D’autre pays semblent cependant connaître le même phénomène. Il
convient ainsi de signaler qu’en 1995, 53 kilogrammes d’héroïne ont été saisis
au Venezuela et qu’en 1994, 761 hectares de pavot y ont été détruits. Il peut
s’agir d’une production locale étant donné que des cultures ont été détectées
dans le pays, mais vu la quantité appréhendée il paraît probable qu’il s’agisse
d’héroïne colombienne.
Au Pérou, également, 579 kilos d’opium (sous forme liquide) ont été
découverts en décembre 1994 à Tarapoto, à 400 kilomètres au nord de Lima,
zone où sont implantés de nombreux trafiquants colombiens.
En février 1966, une saisie d’un kilogramme d’héroïne qui semble
d’origine colombienne a été réalisée dans l’île de Saint-Martin (France –
Guadeloupe). Le produit était en tout état de cause en possession d’un couple
de trafiquants colombiens.
Enfin, le Brésil indique avoir saisi, en 1994, 12,7 kilogrammes d’héroïne
dont la provenance paraît être la Colombie.
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
107
La situation de la cocaïne
Les zones principales de production
Alors que la production d’héroïne tend à se diffuser dans de nouveaux
pays, la cocaïne paraît de son côté demeurer l’apanage de l’Amérique latine.
Elle semble par contre conquérir de nouveaux marchés de consommation, en
corollaire du développement de nouvelles sphères de liberté...
Avant tout exportée vers les États-Unis, la cocaïne, au tournant des
années 80, s’est insinuée en Europe. À cette date, les saisies réalisées en
France ne représentaient que 57 kilogrammes et seuls 63 trafiquants avaient
été interpellés. Malgré les variations, la courbe est, depuis cette époque,
ascendante (864 kilos saisis en 1995) et a même, en 1994, enregistré, ce qui
semble être un record, un total national de 4.742 kilogrammes.
Selon les estimations des organisations internationales spécialisées, la
production mondiale de cocaïne se situerait à 1.300 tonnes par an et serait
concentrée sur trois pays qui sont la Colombie, le Pérou et la Bolivie.
C’est au Pérou que se situent les plus grandes surfaces de culture de
cocaïers. Elles atteignent probablement 200.000 hectares et existent dans le
pays depuis la civilisation Inca. Plus de 200.000 tonnes de feuilles seraient
récoltées chaque année. Les cultures occupent, dans la région centrale et
orientale du pays, des espaces situés entre 500 et 1.200 mètres d’altitude.
Celles de Bolivie ou de Colombie ne dépasseraient pas quant à elles 50.000
hectares.
Pour l’année 1995 les services péruviens ont d’autre part saisi :
14,9 tonnes de pâte de cocaïne et détruit 19 laboratoires, 193 cuves de
macération et 61 pistes d’atterrissage clandestines.
Au cours des six premiers mois de 1996, ces services ont saisi 9 tonnes
de pâte de cocaïne et procédé à l’arrestation de plus de 4.300 trafiquants (y
compris ceux se livrant au trafic de chanvre).
Selon la police péruvienne, les trafiquants ont produit en 1994 environ
640 tonnes de pâte de cocaïne.
La Bolivie figure aussi comme pays producteur de feuilles de coca et
arrive en deuxième position, heureusement assez loin derrière le Pérou. La
pâte de cocaïne qui est récoltée (principalement dans le Chapare) est également transformée sur place en produit fini, c’est-à dire-en chlorhydrate.
Ces activités de trafic semblent nombreuses et disséminées dans ce
pays où les services répressifs ont obtenu les résultats suivants :
en 1993 : destruction ou saisie de 938 laboratoires, 1.127 puits de macération,
9,5 tonnes de cocaïne, 21 pistes d’aviation.
en 1994 : 1.613 laboratoires, 2.753 puits de macération, 8,7 tonnes de cocaïne,
8 pistes d’aviation.
en 1995 : 2.064 laboratoires, 2.978 puits de macération, 9,5 tonnes de cocaïne,
3 pistes d’aviation.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
108
La Bolivie ne constitue pas une source d’approvisionnement régulière du trafic qui
s’est opéré vers la France au cours de l’année écoulée (2,4 kilos), à la différence
de ce qui a été observé avec le Brésil (293 kilogrammes). Cependant des quantités
significatives de cocaïne saisies sur le territoire national ont eu dans le passé une
provenance bolivienne directe : 133 kilos en 1993 et 81 kilos en 1992.
La Colombie. Il paraît à peine nécessaire de décrire la situation de ce
pays tant sa réputation ne semble plus à faire dans le monde et tellement son
nom est associé a celui de cocaïne et de cartel de la drogue. Comme les États
voisins, il connaît d’importants problèmes de violence et de terrorisme liés à la
pauvreté et au narco-trafic.
Selon les sources les plus sérieuses, les cultures de cocaïers occuperaient environ 40.000 hectares, mais la spécialité du pays reste la transformation de la pâte de cocaïne en produit fini et l’exportation de celui-ci partout dans
le monde.
Malgré le climat difficile qui est abondamment décrit dans tous les
médias et qui vise même la plus haute personnalité de Colombie en la personne
du chef de l’État, les services de répression mènent une lutte réelle et constante
contre les trafiquants. On l’a vu avec la chute des cartels de Medellin et de Cali.
Les résultats obtenus sont les suivants pour l’année 1995.1 :
Cocaïne : 27,9 tonnes
Feuilles de coca : 394,2 tonnes
Cocaïne base : 31 tonnes
Plantations détruites : 25.402 hectares
Laboratoires : 573
Pistes d’avions : 99
À l’occasion des actions entreprises, 22 agents des forces de l’ordre ont
été tués et 46 blessés.
Vivement critiqué outre-Atlantique, le Président colombien a présenté en
personne, à l’occasion d’une conférence de presse, les résultats obtenus dans
la lutte contre le trafic des stupéfiants au cours du premier semestre 1996.
Ils s’établissent comme suit :
18 tonnes de cocaïne.;
247 tonnes de feuilles.;
409 laboratoires.;
67 pistes d’atterrissage.
Les efforts paraissent donc plus que maintenus dans ce pays. Il est vrai
cependant que les cartels de Cali, de Bogota ou de la côte sont encore très
actifs et que les chefs des cartels emprisonnés continuent de gérer leurs
affaires en prison.
En ce qui concerne l’Europe, une grosse partie de la cocaïne saisie est
expédiée en utilisant la voie maritime. La voie aérienne traditionnelle, tout en
restant très active, semble en repli régulier.
1. Selon le bilan d’activité présenté par la police colombienne.
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
109
Dans le cas français en 1995, 416 kilogrammes de cocaïne de fabrication
colombienne qui ont été saisis (sur un total de 865) avaient été acheminés par
voie maritime soit 48.%. Dans le passé, les transports sur les vecteurs aériens
au moyen de «.mules.» étaient beaucoup plus nombreux.
À la fin des années 80, des expéditions importantes de cocaïne avaient
été réalisées au moyen de petits avions de tourisme dans toute la région
Caraïbe. Plusieurs saisies d’appareils de ce type ayant été effectuées par les
services répressifs, dont l’OCRTIS, les trafiquants colombiens ou brésiliens ont
depuis cette période changé de méthode et procèdent désormais au largage
de la drogue qui est ensuite récupérée en mer par ses destinataires.
Autre évolution, les «.mules.», en partance directe de Colombie, qui
presque toujours étaient de nationalité colombienne, ne représentent plus
maintenant que la moitié des individus interpellés en France, soit 22 sur 44, les
autres passeurs se trouvant être maintenant des européens (16 individus).
Quant à la destination de la cocaïne saisie en France en 1995, il apparaît
que, sur les 864 kilogrammes, seuls 276 venaient directement de Colombie,
soit 32.% du tout.
À noter que 34.% avaient le Brésil comme point de départ.
Pour l’ensemble des saisies opérées en France, la cocaïne était destinée :
à l’Espagne (36.% des cas).;
aux Pays-Bas (11.%).;
et à l’Italie (8.%).
Cette situation diffère sensiblement des années antérieures où de très
importantes quantités de cocaïne arrivaient en France via la péninsule ibérique.
Les pays voisins des sources de production
de la cocaïne et les nouvelles zones de transit
Comme pour l’héroïne, nous assistons là aussi à un réel phénomène de
contamination dans les pays de la zone. Certains, comme cela semble naturel,
ne jouent qu’un rôle de pays de transit vers les principales destinations de la
cocaïne dont, pour une large part les États-Unis.
Mais comme cela a été pointé plus haut, de nouvelles sphères de
consommation apparaissent et se développent en Europe occidentale, c’était
prévisible, mais aussi dans les pays de l’ex-Union soviétique.
Ceux-ci jouent maintenant un double rôle de pays de consommation
naissante et de plaque tournante du trafic. Une des illustrations les plus
flagrantes de ce phénomène a été la saisie d’un conteneur d’une tonne de
cocaïne sud-américaine à Saint Petersbourg.
Egalement des passeurs venant de l’ex-Empire soviétique sont interpellés avec des stupéfiants un peu partout en Europe.
En 1994, c’est un total de 550 kilogrammes de cocaïne qui ont été
découverts dans les pays d’Europe de l’Est (Bulgarie, Croatie, R. Tchèque,
Hongrie, Pologne, Russie, Slovénie, Ukraine).
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
110
En 1996, une enquête menée par l’OCRTIS, qui a permis de saisir au
Venezuela plusieurs centaines de kilogrammes de cocaïne, a révélé que cette
importante quantité de drogue était en partance pour la Roumanie où elle devait
être stockée.
L’Afrique du Sud, par l’intermédiaire des filières d’Afrique de l’Ouest, est
devenue une zone de transit importante dont il faut déjà se préoccuper.
De même, on assiste à des saisies de plus en plus fréquentes dans des
pays épargnés jusqu’à présent, le Maroc, le Liban ou les pays du Moyen Orient,
les nouveaux marchés sont donc ouverts.....
Quant aux autres pays d’Amérique latine, si certains d’entre eux signalent l’existence de cultures de cocaïers, la plupart ne fait que figurer comme
point de passage du chlorhydrate de cocaïne fabriqué en Colombie.
Parmi ces pays, le Brésil doit retenir l’attention tant il occupe une place
stratégique dans la région.
Avec ses 160 millions d’habitants et ses 8 millions et demi de kilomètres
carrés, il compte aussi plusieurs milliers de kilomètres de frontière amazonienne avec les pays sources. De plus, il s’ouvre largement par son immense
façade maritime, aussi bien vers les Caraïbes que le vieux continent, tout en
jouxtant le département français de Guyane.
Les efforts entrepris par les autorités portent visiblement leur fruits et
révèlent que des quantités croissantes de drogue transitent dans le pays. Une
seule saisies réalisée en juin 1994 a atteint 7,5 tonnes et, globalement pour
l’année, 11,8 tonnes de cocaïne ont été saisies.
Les saisies ont progressé comme suit :
1988 : 1,6 tonne 1989 : 1,2 tonne 1990 : 2,6 tonne 1991 : 4 tonnes
1992 : 2,3 tonnes 1993 : 7,9 tonnes 1994 : 11,8 tonnes
Pour l’année 1995, les statistiques de police fédérale brésilienne font
état des résultats suivants :
cocaïne : 5,2 tonnes.;
pâte de cocaïne : 590 kilogrammes.;
laboratoires : 2, qui étaient situés dans l’état du Mato Grosso,
c’est-à-dire à proximité de la frontière avec la Bolivie.
À côté du Brésil, nombre d’autre pays apparaissent ou se confirment
comme nouveaux axes du transit de la cocaïne.
Le Mexique et le Venezuela ont pris une place essentielle également
dans le transit.
Le Mexique et ses cartels semblent avoir pris une importance non
négligeable dans le trafic vers les USA et le Canada.
Quant au Venezuela, il est la première base vers l’Europe ou la Caraïbe,
nombre de malfaiteurs européens y étant très présents.
Il s’agit non seulement de l’Equateur, mais aussi de Cuba, de la
République Dominicaine, du Surinam, des Bahamas, du Nicaragua, de
l’Argentine, du Panama, de Porto Rico, etc..
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
111
Sans examiner la situation détaillée de chacun de ces pays, on peut
simplement indiquer par exemple qu’en 1990 en Argentine, 846 kilos de
cocaïne avaient été saisis mais qu’en 1995, la quantité a dépassé deux tonnes.
À Cuba, entre janvier et juillet de cette année, c’est 1 tonne qui a été
saisie. Les services américains (la DEA) pensent qu’effectivement ce pays est
devenu une véritable plaque tournante du trafic. Ils ont ainsi détecté l’an passé
28 vols aériens suspects au départ de ce territoire. Ceux-ci n’ont pas été
interceptés.
Au cours de l’année 1994, 2,6 tonnes de cocaïne ont été saisies en
République Dominicaine, 1,5 tonne en Equateur, 2,4 tonnes dans les Antilles
françaises, 3 tonnes au Panama, 4,5 tonnes à Porto Rico.
Dans les autres États qui ont été mentionnés, les saisies ont toutes
avoisiné ou légèrement dépassé 500 kilogrammes.
Les routes de cannabis
Les lieux de production de cannabis destiné à la consommation en tant
que drogue peuvent être regroupés en trois zones : américaine, africaine et
asiatique.
Dans les pays européens, qui sont essentiellement des zones de consommation, les grosses saisies effectuées ces dernières années et surtout en
1995, attestent de l’augmentation du trafic de cannabis.
En 1995, en a saisi :
Espagne : 181 tonnes.;
France : 42 tonnes.;
Pays-Bas : 308 tonnes.;
Royaume-Uni : 34 tonnes.;
Belgique : 24 tonnes.;
Pologne : 12 tonnes.;
Norvège : 22 tonnes.
Toujours en Europe, l’examen des pays de provenance du cannabis saisi
en 1995 montre que le Maroc et la Colombie (le premier pour la résine, le
second pour l’herbe), restent largement en tête, avec près de 250 tonnes, suivis
beaucoup plus loin par le Pakistan et le Nigeria. D’autres pays sont néanmoins
à signaler comme producteurs, tels le Liban, le Cambodge, la Jamaïque, le
Kenya, l’Amérique Centrale ou le Ghana.
La zone américaine
Le Mexique et la Colombie sont de toute évidence les plus gros producteurs,
mais les USA, le Canada et la Jamaïque sont aussi très présents. Les USA et le
Canada sont d’ailleurs très en pointe (comme les Pays-Bas en Europe) pour la
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
112
culture du cannabis en intérieur et pour l’utilisation de méthodes très élaborées
permettant d’obtenir du cannabis avec une teneur en THC plus élevée.
Au Mexique, le cannabis, qui pousse dans la plupart des États, est
souvent dissimulé dans des parcelles de cultures licites. La surface totale
cultivée est estimée entre 30.000 et 40.000 hectares. Ce cannabis alimente
essentiellement les deux grands États nord-américains que sont les États-Unis
et le Canada.
En Colombie, le cannabis cultivé sur près de 8.000 hectares, est lui aussi
exporté en grande partie vers l’Amérique du Nord mais aussi vers l’Europe,
comme en témoignent d’importantes saisies en Allemagne, aux Pays-Bas et
en France.
Ces saisies impressionnantes (20 tonnes en Allemagne, 22 en Norvège
et 25 en Colombie même destinées aux Pays-Bas) nous montrent que l’acheminement du cannabis colombien en Europe continue mais, très certainement
aussi, que la production colombienne a augmenté depuis deux à trois ans.
À propos des USA, gros marché potentiel de consommation, la plupart des
estimations laissent à penser que 20 à 25.% du cannabis consommé dans le pays
est cultivé sur le territoire même des États-Unis. Toutefois, il est très rare et donc
difficile de trouver des approximations sur l’étendue des surfaces cultivées.
S’agissant du Canada, la part de cannabis cultivé dans le pays, par
rapport à ce qui arrive de l’extérieur, est comparable à celle des USA. Néanmoins, il semble que le Canada bénéficie moins du cannabis mexicain que les
USA mais par contre, des saisies en provenance du Pakistan (surtout résine)
ne sont pas rares.
Enfin, dernier producteur, quelque peu emblématique de cette zone
américaine : la Jamaïque.
La «.Ganja.» jamaïcaine (herbe de cannabis) reste aux yeux des initiés
le «.must.» de la marijuana. Il n’est pas exagéré de parler pour certains de
pèlerinage en Jamaïque. Les surfaces cultivées sont importantes (1.000
hectares environ), elles peuvent sembler bien faibles par rapport à d’autres
pays producteurs. Cela tient pour l’essentiel à la taille du pays (1.000 ha en
Jamaïque pour un pays de 10.000 km2 et 30 à 40.000 ha au Mexique pour
2.000.000 de km2).
Malgré des campagnes de destructions, des saisies en Jamaïque même
(1,4 tonne à Kingston et 4 tonnes à Montéo Bay en 1994) et aussi aux USA et
au Canada, venant de ce pays, forcent à constater que l’implication de cette
île caribéenne dans le trafic de cannabis de la région est encore très importante.
La zone africaine
Dans cette région, on ne dispose que de peu de données fiables
permettant d’estimer les productions de cannabis.
Le côté ancestral de la culture du cannabis en Afrique a toutefois fait
place, aujourd’hui, à un côté beaucoup plus mercantile. Le cannabis, en raison
des profits élevés qu’il procure, tend parfois à remplacer des cultures vivrières.
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
113
C’est le cas de l’arachide au Sénégal, du millet au Tchad et du sorgho au Zaïre.
D’énormes saisies sont aussi réalisées dans divers pays d’Afrique.
1993
Afrique du Sud
Algérie
Kénia
Nigeria
Côte d’Ivoire
Malawi
Sénégal
Maroc
... /...
1,5
2,3
7,3
1,6
4,6
34.
1994 (en tonne)
20
1,2
4,2
19
1,6
5,2
1,5
130
À l’intérieur même de la région, le trafic n’est pas négligeable, mais peu
structuré. Au contraire au niveau international, existent des réseaux bien mieux
structurés et où sont souvent introduits des ressortissants des pays occidentaux.
Si l’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Ghana, Nigeria) reste une sous-région
productrice d’herbe de cannabis, elle est dépassée aujourd’hui par l’Afrique
Centrale (Zaïre, Congo, Centre-Afrique, Gabon) et aussi par l’Afrique de l’Est
et du Sud-Est (Kenya, Ouganda, Zambie, Malawi, Afrique du Sud et Madagascar), qui s’affirme de plus en plus comme en passe de devenir la principale
zone de production d’Afrique sub-saharienne. Les saisies indiquées précédemment en 1993 et 1994 en témoignent.
Mais de toute cette zone africaine, c’est évidemment le Maroc qui
intéresse surtout l’Europe de l’Ouest et la France. C’est un des tout premiers
pays producteurs au monde, à la fois dans l’estimation des surfaces cultivées
(proche de 50.000 ha), dans celle du rendement, et aussi par le pourcentage
d’occupation des cultures comparé à la superficie du pays.
Le Maroc est le principal pays de provenance du cannabis saisi en
Europe. Si les chiffres bruts donnent 60.% du cannabis saisi en Europe, la
réalité est d’au moins 80.%. En effet le pays de provenance est parfois
l’Espagne ou le Portugal alors qu’il ne s’agit en fait que d’un pays de transit.
Pour des raisons géographiques et historiques, la France est, avec
l’Espagne, le point d’entrée principal du cannabis marocain vers l’Europe.
Une majorité de trafiquants (79.% selon les chiffres d’Interpol) important le cannabis du Maroc sont des Européens (Français, Néerlandais,
Allemands, Espagnols et Britanniques), ce qui met donc en évidence l’intérêt
d’organisations européennes dans le trafic de cannabis du Maroc vers
l’Europe.
Les deux principaux pays de redistribution, en Europe, sont de loin
l’Espagne et les Pays-Bas. En ce qui concerne l’Espagne, il s’agit presque
uniquement de cannabis marocain, tandis que pour les Pays-Bas, il est fréquent
d’y trouver de la marijuana colombienne, de la résine afghane ou pakistanaise,
et aussi du «.nederwiet.» dont nous traiterons en fin d’exposé.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
114
La zone asiatique
En Asie du Sud-Est, du cannabis est encore cultivé illicitement, surtout
au Myanmar en Thaïlande, aux Philippines et en Indonésie.
La Thaïlande continue d’alimenter en herbe de cannabis, l’Amérique du
Nord et l’Australie. Le pays reçoit aussi du cannabis de ses voisins laotiens et
cambodgiens.
Les Philippines sont aussi un pays de production, alimentant les USA,
l’Australie et le Japon.
En Indonésie, les cultures répondent surtout à la demande intérieure.
Hong-Kong et le Japon reçoivent des chargements de cannabis de la
sous-région, le premier pour la réexportation vers l’Europe et les USA, le
second pour la consommation interne du pays, où les organisations criminelles
traditionnelles sont désormais impliquées.
En Asie du Sud-Ouest et au Moyen-Orient, l’on trouve ici les plus gros
producteurs de cannabis au monde (Pakistan, Afghanistan, Inde, Népal, Liban).
Le Pakistan, l’Afghanistan, mais aussi les républiques d’Asie Centrale
de l’ex-URSS, sont devenus la première sous-région productrice mondiale. Le
cannabis y pousse d’ailleurs à l’état sauvage, mais il est aussi cultivé à certains
endroits de manière plus intensive.
Une grande partie des récoltes est transformée en résine de cannabis,
reconnaissable à sa couleur très foncée, parfois même noire. C’est environ
2.000 tonnes qui sont fabriquées chaque année et certainement près de 10.000
tonnes d’herbe récoltées au total.
En Inde et au Népal, la culture est pratiquée à grande échelle, suivant
des pratiques séculaires. La majeure partie de la production est consommée
sur place. Nous ne disposons, là encore, que peu de chiffres en matière de
surfaces cultivées pourtant en 1994, les autorités ont saisi dans ces deux pays
plus de 200 tonnes de cannabis.
Le Liban reste un important cultivateur et donc fournisseur de cannabis
sur le marché mondial, malgré les campagnes d’éradication réalisées depuis
quelques années. La plupart des stocks constitués auparavant, étaient destinés à l’Amérique du Nord et à l’Europe. En 1993, 20 tonnes ont été saisies et
en 1994, près de 50 tonnes. Une part importante du trafic (80.%) s’effectue au
départ du Liban par voie maritime vers l’Europe. Quelques cas ont été signalés
à Interpol en Israël, en Jordanie, et en Syrie.
Le cas spécifique du cannabis hydroponique
Pour achever ce chapitre et conclure sur le cannabis, il convient toutefois
d’évoquer un nouveau phénomène, c’est-à-dire une nouvelle méthode de
culture du cannabis, celle de la culture en intérieur ou hydroponique.
Cette nouvelle méthode connaît un succès grandissant, elle concerne
l’Europe puisqu’elle prend des proportions inquiétantes aux Pays-Bas ou au
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
115
Canada. Elle permet de toute évidence d’obtenir des taux de THC (tétrahydrocannabinol) important (10.% au moins) et donc de dégager d’énormes profits.
De plus cette culture hydroponique permet plusieurs cycles végétatifs
annuels, donc plus de quantités récoltées et évite les risques liés au transport
(trafic).
À titre d’exemple, la production néerlandaise alimenterait aujourd’hui
plus de 50.% des Koffieshops du pays. De plus cette méthode semble faire des
émules, certains pays de l’est européen s’y emploieraient déjà.
La situation des drogues de synthèse
Il faut désormais prendre pleinement en considération la diffusion croissante de ces nouveaux produits, issus de synthèses chimiques connues depuis
le début du vingtième siècle. Cette nouvelle forme de trafic amène le développement de voies de trafic et la création de groupes de plus en plus structurés
qui le réalisent.
Cette évolution repose sur la combinaison de plusieurs facteurs dont
certains méritent d’être mentionnés :
– phénomène de mode caractéristique pour des produits qui sont souvent
perçus ou présentés comme valorisants pour l’individu (plus de joie, plus de
performances,...), et qui ne sont pas toujours immédiatement identifiés comme
stupéfiants, mais presque comme «.potions.» médicamenteuses.;
– effets détournés des campagnes d’information sur le Sida et les dangers de
la toxicomanie à l’héroïne.;
– mode de consommation de ces produits qui ne nécessitent pas de matériel
particulier.;
– prix de vente moindre que pour l’héroïne et la cocaïne, facilitant ainsi l’usage
par les jeunes consommateurs.
Il apparaît qu’en France les usagers sont effectivement 76.% de jeunes
âgés de moins de 26 ans.
– accessibilité des produits qui sont avant tout élaborés en Europe du Nord et
de l’Est.
Dans le cas français, 80.% des saisies avaient pour provenance les
Pays-Bas et la Belgique. Le LSD provenait quant à lui dans 96.% des cas des
seuls Pays-Bas.
– disponibilité assez grande des précurseurs chimiques nécessaires à leur
fabrication, surtout dans les pays immédiatement voisins de l’Union européenne et qui appartiennent à l’ex-empire soviétique.
– forte plus value dégagée à partir de matières premières peu coûteuses.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
116
Les produits dont il s’agit
Certains de ces produits appartiennent tout d’abord au groupe des
amphétamines dont les premiers usages pharmacologiques ont permis entre
autre le traitement des troubles nerveux.
Parallèlement aux fabrications licites qui ont été réglementées dans les
années 50, le trafic de ces produits a pris son essor à cette période en Amérique
du Nord et en Asie de l’Est.
Les principales amphétamines illicites connues sont les suivantes : MDA
(méthylène dioxy amphétamine), MMDA (méthyle méthylène dioxy amphétamine), MDMA (méthylène dioxy métamphétamine). Ce dernier produit est aussi
plus communément désigné sous le nom d’«.Ecstasy.».
Parmi les nombreux autres substances qui figurent comme perturbateurs du système nerveux central, le LSD est le plus diffusé et sera seul
envisagé ici.
Devant l’augmentation réelle et inquiétante de l’usage et de la fabrication
de ces types de drogues depuis quelques années, les instances spécialisées
(OICS et OIPC) ont focalisé l’attention des services répressifs et mené des
études pour mieux décrire et endiguer le phénomène.
À titre d’exemple, au plan européen, les données disponibles indiquent
en premier lieu une augmentation du nombre des trafiquants interpellés avec
des drogues de synthèse, soit en 1995, 1.756 individus contre 1.303 en 1994.
*** Les quantités d’amphétamines saisies sont ainsi en hausse, après
une accalmie observée au début des années 1990. Mais il faut le noter, que
cette progression moyenne de 18.% est observée dans la totalité des pays
européens.
Quant à leur provenance, trois pays apparaissent désormais comme
sources principales des amphétamines saisies en Europe :
– la Pologne pour 112 kilogrammes.;
– les Pays-Bas avec 625 kilogrammes saisis dans ce pays, contre 281 en
1994.;
– l’Allemagne pour 115 kilos.1.
• Le MDMA (Ecstasy) connaît lui aussi une progression en Europe, car seize
pays ont signalé des saisies et 720 trafiquants, contre 476 qui ont été arrêtés
en 1995.
Pour cette drogue, il est clairement établi que «.les Pays-Bas arrivent
en tête des pays de fabrication.» (Rapport Interpol 1995 sur les psychotropes, page 3). En effet, au cours de l’année de référence, 25 laboratoires
clandestins ont été démantelés par les services néerlandais.
Les axes du trafic révèlent actuellement des itinéraires orientés du nord
au sud, vers la Grande Bretagne, la France, l’Espagne et l’Italie.
1. L’OIPC, qui communique ce chiffre, indique qu’il correspond en fait à une saisie de 100 kilogrammes
réalisée en Grande-Bretagne, et précise que «.l’origine réelle de la drogue est de toute évidence les
Pays-Bas.».
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
117
• Le LSD parait connaître un tassement de sa diffusion en Europe où
onze pays seulement ont signalé des saisies à l’OIPC. Une augmentation n’est
enregistrée qu’en Allemagne. La raison résulte probablement de la montée en
«.prestige.» de l’ecstasy, mais des conclusions prématurées ne doivent pas
être faites.
Si les Pays-Bas sont là encore souvent mentionnés pour l’origine du
LSD, ce sont les services britanniques qui ont en 1995 démantelé un laboratoire
dans lequel des centaines de milliers de doses auraient pu être fabriqués, à
partir de matières premières venant des États-Unis. Les États-Unis constituent
en effet et probablement toujours la source principale du LSD saisi dans le
monde.
La situation en France
L’examen des données nationales révèle que l’usage des drogues de
synthèse se développe dans un mouvement régulier depuis 1990.
En effet, pour l’ensemble des produits concernés, même si les chiffres
paraissent modestes, 1.864 individus ont été interpellés en 1995 pour l’usage
et la revente de ces produits sur un total de 62.325 mis en cause.
Pour le trafic, il s’agit alors de 343 individus sur un total de 7.107.
Les quantités saisies connaissent la même évolution, malgré le repli
relatif du LSD, dont la courbe est en dent de scie, et peut passer du simple au
double en une opération :
– 70.217 doses de LSD 273.779 doses d’Ecstasy 103,6 kilos d’amphétamines.
La barre des 10 kilogrammes d’amphétamines est atteinte en 1989, et
cette même année le seuil des 10.000 doses de LSD est franchi. L’Ecstasy
quant à elle décolle dès 1988 puisqu’elle passe de 30 doses à 5.047 doses.
Quant à la destination des substances saisies en France, 39.% de
l’ecstasy devaient partir vers l’Espagne, 28.% devaient être consommés en
France, 13.% en Grande Bretagne, 11.% en Italie et 2.% au Portugal.
Pour les autres amphétamines, l’Espagne apparaît très nettement
comme la principale destination dans 85.% des cas (soit 85 kilos sur 103,6),
suivie de la Grande Bretagne (15 kilos) et de la France (2,6 kilos).
Au plan international, bien entendu, le développement de l’usage et du
trafic de ces substances est constant sur l’ensemble de la planète.
Les Pays d’Amérique du Nord ont ressenti la même hausse de consommation et des sources de production se sont développées au Mexique pour
alimenter le marché américain.
Le Japon est un grand consommateur de stimulants (amphétamines
notamment ou ice en provenance des Philippines).
On constate des prises de plus en plus fréquentes dans le Sud-Est
asiatique, ou en Orient, voire dans le Maghreb, ou au Liban.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
118
Summary
The new roads of international drug traffic
Gilles Leclair
Prohibition confers drug traffic its peculiarities. The modalities of its organization depend
of the evolution of international and national politics, and also of the emergence of new
markets. New roads take place today beside – and in relation with – traditional and still
flourishing roads.
1) Heroin market
Since the beginning of the 1970’s, the extension of production has modified the global
situation so far as heroin is concerned. In the new economic and political world order, there
is the risk to amplify a situation already worrying. 80.% of heroin seized in Europe has
come through the Balkans. This main axis branches out nowadays in three channels:
• a classic road from Turkey to East Europe, Austria, and Germany,
• the south road mainly from Turkey and irrigating Greece and Italy,
• the central road through East Europe to Austria and Germany.
The seizures of heroin happen essentially in international trucks immatriculated in Turkey.
This country, bridge between Europe and Asia, has become the marshalling yard of heroin
traffic. The two main roots of traffic and production of heroin are the “golden crescent”
(Pakistan, Afghanistan and Iran), and the “golden triangle” (Myanmar, Thailand and Laos).
However, new protagonists have appeared in the beginning of the 1990’s, especially
Colombia, Mexico and Guatemala, those three countries already highly involved in cocaine
traffic.
2) The situation of cocaine
Latin America seems to remain the exclusive cocaine producer. On the other hand, with
the emergence of new spheres of liberty, markets of consumers are diversifying. Colombia,
Peru and Bolivia share the world production of cocaine, estimated at 1,300 tons a year.
Among them, Peru is in possession of the largest areas of culture of cocaine, remains of
Inca civilization. Colombia, in spite of the struggle, maintains its particular branch of
transformation of cocaine into a consumable product. The seaway is more and more used
to bring cocaine to Europe, to the prejudice of travel by air. Another evolution : european
frontier runners seem to replace progressively colombian agents. The seizures prove that
recent consumer countries, for instance in East Europe, are agregated to the traffic. Brazil,
on account of its strategic situation in the production zone, is crossed by more and more
important quantities of drugs. Mexico and Venezuela are among the new axis of transit of
cocaine.
3) The roads of cannabis
The traffic of cannabis is rising, and its production seems to belong to three areas:
american, african and asian. In the american zone, Mexico and Colombia are the two
largest producers, beside which the USA, Canada and Jamaica play a non negligeable
part. If most of colombian and mexican cultures are intended to North America, huge
seizures of colombian cannabis prove a growing traffic towards Europe. However, insufficient data do not allow to have an estimation of cannabis production in the african zone.
In this area, Morocco must be noticed, since it is among the first world producers. For
geographical and historical reasons, the main entrance of moroccan cannabis in Europe
are France and Spain. According to Interpol, 79% of agents making the transit are
european. Redistribution is then mainly operated by Spain and the Netherlands. In South
East Asia, cannabis is cultivated mainly in Myanmar, Thailand, the Philippines, and
Indonesia. But the biggest world producers (Pakistan, Afghanistan, India, Nepal, Lebanon)
belong to South West Asia and Middle-West. A new way of cultivating this substance
deserves to be noticed: in-room culture, already currently carried out in the Netherlands
and Canada, and allowing to make huge profits and to avoid the risks of transit.
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
119
4) The situation of synthetic drugs
From now on, it is important to take account of the growing diffusion of products originating
in chemical synthesis, organized by groups better and better structured. Accessibility of
these products, an easy way to consume them, are among the factors that are favorable
to their development. Some of these substances belong to the family of amphetamines.
Traffic of these substances (“Exctasy”, etc.) began in the 1950’s in North America and East
Asia. Quantities of amphetamines seized are growing in the european countries. Countries
where they are fabricated are Poland, the Netherlands and Germany.
Resumen
Las nuevas vias del trafico internacional de drogas
Gilles Leclair
La prohibición confiere al tráfico de drogas toda su singularidad. Las modalidades de su
organización obedecen también a la evolución de las políticas nacionales e internacionales
así como a la emergencia de nuevos mercados. Junto a las todavía prósperas rutas
tradicionales, aparecen hoy las nuevas vías, indisociables de las anteriores.
1) El mercado de la heroína :
A partir de los años 70, la extensión de la producción modificó profundamente la
representación a escala universal de la heroína. Actualmente, el nuevo orden económico
y político mundial podría amplificar una situación de por sí inquietante. El 80.% de la
heroína incautada en Europa pasa por la ruta de los Balcanes. Este eje principal se ramifica
actualmente en tres circuitos :
La ruta clásica y directa que parte de Turquía y abastece Europa del Este, Austria y
Alemania.
La ruta sur que tiene su fuente principal en Turquía y abastece a Grecia e Italia.
La ruta central que atraviesa Europa del Este para terminar en Austria o Alemania.
Los secuestros de heroína realizados implican esencialmente convoys TIR inmatriculados
en Turquía. Este país, pasarela entre Europa y Asia, se ha convertido en el la estación de
separación del tráfico de heroína. Las dos raíces principales del tráfico y de la producción
de heroína son la «.medialuna de oro.» (Pakistán, Afganistán e Irán) y el «.triángulo de
oro.» (Myanmar, Tailandia y Laos). Sin embargo, a comienzos de los 90 aparecieron
nuevos protagonistas. Los principales son Colombia, México y Guatemala, tres países ya
fuertemente implicados en el tráfico de cocaína.
2) La situación de la cocaína :
América Latina conservaría la exclusividad de la producción de cocaína. Por el contrario,
junto con la emergencia de nuevas esferas de libertad, los mercados de consumidores se
diversifican. Colombia, Perú y Bolivia se dividen la producción mundial de cocaína,
estimada en mil trescientas toneladas por año. Entre ellos, Perú posee la mayor superficie
de cultivo, vestigio de la civilización Inca. Por su parte, Colombia, a pesar de la competencia, conserva su especialidad, que consiste en la transformación de la pasta de cocaína
en producto final.
La vía marítima es la más utilizada para llevar la cocaína a Europa, siendo cada vez menos
utilizada la clásica vía aérea. Otra evolución consiste en la sustitución de las «.mulas.»,
agentes generalmente colombianos, por pasadores europeos. Las incautaciones realizadas prueban que los países de consumo naciente, los países de Europa del Este, se
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
120
agregan al tráfico. Brasil, en virtud de su situación estratégica en la zona de producción,
ve cantidades crecientes de droga transitar por su territorio. México y Venezuela figuran
entre los nuevos ejes del tránsito de cocaína.
3) Las rutas del cannabis :
El tráfico de cannabis está en aumento y su producción parecería repartirse en tres zonas :
americana, africana y asiática. En la zona americana, México y Colombia son los dos
grandes productores, al lado de los cuales EE. UU, Canadá y Jamaica tienen un rol no
despreciable.
Si bien la mayor parte del cultivo colombiano y mexicano está destinado a América del
Norte, la confiscación de grandes cantidades de cannabis colombiano confirma el envío
creciente hacia Europa. Por el contrario, la insuficiencia de datos confiables no permite
estimar la producción de cannabis en la zona africana. En esta parte del globo, Marruecos
reviste un interés particular, figurando entre los primeros productores mundiales.
Por motivos geográficos e históricos, Francia, junto con España, es la principal puerta de
acceso del cannabis marroquí a Europa. Según Interpol, el 79.% de los agentes de tránsito
son europeos. La redistribución es luego realizada principalmente por España y Holanda.
En la zona asiática, Asia del sudeste presenta cultivos de cannabis sobre todo en
Myanmar, Tailandia, Filipinas e Indonesia. Pero los mayores productores mundiales están
en Asia del sudœste y en Medio Oriente (Pakistán, Afganistán, India, Nepal, Líbano).
Un nuevo modo de cultivo de esta substancia merece ser citado : se trata del cultivo de
interior o hidropónico. Esta forma ya es corrientemente utilizada en Holanda y Canadá, y
permite realizar enormes beneficios y evitar los riesgos del tránsito.
4) La situación de las drogas sintéticas :
De ahora en adelante, será necesario tomar en cuenta la creciente difusión de los
productos obtenidos de síntesis químicas, orquestada por grupos cada vez más estructurados. La accesibilidad a estos productos y su sencilla forma de consumo son factores,
entre otros, que condicionan el desarrollo de este fenómeno.
Una parte de estas substancias pertenece a la familia de las anfetaminas. El tráfico de
estos productos ilícitos (MDA, MMDA, MDMA O «.Éxtasis.») apareció en los años 50 en
América del Norte y en el sudeste asiático. La cantidad de anfetaminas confiscada va en
aumento en el conjunto de los países europeos. Los países de fabricación de las
substancias incautadas son Polonia, Holanda y Alemania.
Les nouvelles voies du trafic de drogue international
121
Evolución del narcotráfico
y nuevas tendencias de la lucha
contra esa plaga en Colombia
Luis Enrique Montenegro Rinco,
Brigadier
Général, subdirector de la Policià Nacional en Bogota
contra esa
Evolución
plaga endel
Colombia
narcotráfico y nuevas tendencias de la lucha
El trabajo a presentar pretende mostrar a Vds, dentro del tema «.Evolución de la criminalidad organizada.», el desmantelamiento de la cúpula del
cártel de Cali considerado como el mayor éxito de la policía colombiana ante
el mundo, bajo la dirección del Señor General Serrano.
El modelo o guía de operaciones tácticas y de inteligencia, lo voy a
exponer con las fallas y los aciertos, o sea con toda la sinceridad, para que
sirva de modelo a otros países que tienen problemas similares. Estos 45
minutos, la primera parte, la primera media hora es exponer estas inquietudes,
y el último cuarto de hora un vídeo que complementa mi exposición.
Como testigos de esta situación de nuestro país está el doctor Martinez
Neira, embajador de Columbia en París (Francia), quien fue, hace poco,
ministro de justicia, está el Señor Coronel Perdomo de la Fuerza aérea
colombiana, está mi amigo y amigo de Colombia el Coronel Michel Alcaraz,
quien estuvo durante cuatro años como delegato del servicio de cooperación
técnica internacional de policiá, también nuestro amigo Barletta y el señor
Leclair conocen muy bien la problemática de Colombia.
La primera instancia es mostrar cómo se desarticuló el cártel de Cali,
luego las incidencias de esa desarticulación : el problema de la coca, la
eradicación de cultivos, la interdicción del narcotráfico, los costossociales y de
vidas que ha costado esa lucha, y un problema que tenemos, las movilizaciones compesinas en zonas donde hay narcocultivos. Unas propuestas al final.
La siguiente ayuda muestra cómo se organizó un ente, una unidad como
bloque de búsqueda, dedicado a capturar a los «.capos.» de la droga, dependiendo ese bloque de búsqueda del director y subdirector de la policía exclusivamente. Ese bloque debía localizar a la cúpula del cártel de Cali. Estaba
compuesto por la parte de inteligencia, una parte táctica operativa, y un fiscal
para efecto de blamamiento. Estaba asesorado por un grupo similar a Intercenter Mesina o Altos estudios de seguridad del interior que nos daba ideas y
cómo fortalecer la persecusión de este cártel. Sin embargo, a la vez, toda la
policía de Colimbia estaba persiguiendo los narcocultivos, los laboratorios para
que fucra integral la acción contra el narcotráfico de manera que se debilitara
todos frentes, el económico, el social, hasta lograr la captura de los cabecillas.
Pienso que la lucha integral no es solamente capturar al «.capo.» y meterlo a
la cárcel porque, pronto con dinero, de pronto con poder, puede manejar mejor
el narcotráfico detrás de las rejas que fuera de ellas, Vds ven todos los frentes,
la estructura financiera, las comunicaciones, y debemos admitir que había
corrupción policial. Nosotros admitimos que había corrupción policial, y por eso
el Señor General tomó medidas para que la situación se solucionara. De resto,
no hubiera sido posible que hubiéramos podido capturar a esta gente. Se hizo
control de aeronaves, de vehículos, de armas que tenían las escoltas, el
comercio de químicos y también el tráfico de droga.
La primera estrategia era fortalecer la inteligencia, la contrainteligencia,
porque estos elementos del cártel de Cali nos interfectaban las líneas telefónicas a nosotros, a la fuerza pública, y sabían lo que hacíamos, cuando los
íbamos a perseguir. Pues, había que fortelecer nuestra inteligencia hacia la
inteligencia de ellos, sobre todo a nivel de sistemas electrónicos. Estando el
doctor Martinez Neira, aqué presente, como ministro de Justicia, pudimos tener
una ley para poder hacerlo. Anteriormente, cualquiera persona compraba un
equipo para interceptar teléfonos y lo hacía con libertad. Ahora ya no, en virtud
del artículo 128 que, en este momento, permite controlar esos sistemas.
Se necesitaba interceptar todos los sistemas celulares, todos los «.bipers.», porque la mafia colombiana utiliza todas esas tecnologías sofisticadas.
Lo que fue más duro ellos, es que más corría el tiempo y como no podíamos
capturarlos, pues decidimos enseñar por televisión los rostros de esos delincuentes y había una recompensa para los que los denunciaban. Estofue el
guantazo más fuerte que hayan recibido porque estaban publicados, sus
pueblos se veían por televisión con recompensas, y estos anuncios hechos
por televisión, por vía de prensa precisaban llamar a un número y que sepodía
así denunciar a las personas para que podamos localizarlas más fácilmente
luego.
Otro punto muy importante, señor Barletta, pienso que el objetivo
esencial de esta acción es que hemos logrado empobrecer el tráfico de
estupefacientes, arruinarbo porque, ahora, si esa gente estuviera en la cárcel,
con dinero, sería más peligrosa que si estuviera en libertad. Lo más importante
es desmantelartotalmente las estructuras financieras, impedir que inviertan en
el sector agrícola, en laboratorios, en actividades deportistas, en la construcción immobiliaria. En Cali, logramos reducir el peso que tenían en la contrucción
de un 10 a un 4.% porque unos edificios fueron decomisados, o destruidos,
ocupados por la fuerza pública, ya no se encontraban en el mercado de la venta
immobiliaria. Habían constituido activos immobiliarios y hemos lanzado acciones en contra de este estado de hecho.
Los aviones
Este control de los aviones, de las acronaves, es muy importante porque
estos, en contenedores, permiten transportar cantidades colosales de drogas.
Pedimos a la OAC que participara en el control de las licencias de los pilotes,
de los planes de vuelos, en particular en zonas externas a Colombia y a
Francia, y cuando se transporta droga. Ya lo saben Vdes, el control es muy
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
124
difícil. Tenemos otra cosa, hemos parado a más de cien aéronaves en
Colombia que iban a entregar droga a otros países.
Los vehículos, en Cali
Uttilizan los taxis. El cártel de Cali los pagaba para que ellos dieran
información sobre el movimiento de las tropas y de la policía. Tenían teléfonos
celulares, «.bipers.», radios, e informaban a los miembros del cártel de los
desplazamientos de las tropas. Un día, hemos paralizado más de mil taxis, es
exagerado quizás, pero tuvimos que hacerlo.; lo hicimos para lanzar una
operación y constatamos, efectivamente, que los taxis telecomunicación de los
mafiosos.
Las armas
Los secuaces utilizan armas de manera legal. También hemos lanzado
una acción, era un abuso, pero para saber quién era quién y saber quién tenía
esas armas. Detuvimos a esas personas y así supimos quiénes eran. Se
trataba de personas pagadas por el cártel para asegurar la seguridad. Vds
pueden imaginar todo lo tuvimos que hacer para llegar a los cabecillas. Hay
empresas privadas, que no son policías, sino guardas, que se encargan de la
seguridad de sus casas y hemos intervenido sus armas para establecer la
relación de estos guardas con los miembros del cártel. En el marco del
narcotráfico, uno no se puede únicamente satisfacer de detener a los «.peces
gordos.» pero se necesitaba identificar las rutas que seguía la droga y la lucha
se llevaba en todos los frentes.
El comercio de los productos químicos
Tratábamos de detener a los «.peces gordos.», pero al mismo tiempo,
tratábamos, al nivel nacional e internacional, de teprimir el comercio de los
productos químicos. Y como lo dijo el doctor Barletta, es muy importante que
haya un intercambio de informacíon para el contol de estos productos químicos
y especialmente con los países productores, de lo contrario esta histotia no se
terminará nuanca. También teníamos el apoyo del gobierno para lanzar esas
operaciones con la ayuda de las fuerzas armadas, de la Fiscalía que nos daba
las autorizaciones para intervenir líneas telefónicas y hacer grabaciones. Otra
cosa, la empresa de la telefónica estaba, de hecho, infiltrada por el cártel de
Cali. La situación era difícil. Se intervenían líneas, pero ellos llegaban a
anularlas porque infiltraban telecomunicaciones. Teníamos, por cierto, la ayuda del DAS, del Departamento administrativo de seguridad, con participacíon
Evolución del narcotráfico y nuevas tendencias de la lucha
contra esa plaga en Colombia
125
de la CIA, de la DEA, de Interpol, hablo de la cooperación internacional.; el
doctor Barletta participó con nosotros en una actividad en Buenos Aires con el
Secretario General, el señor Kendall, y hemos hablado detodas esas cuestiones y trabajamos efectivamente. Gracias a Interpol Paris y Lyon, pudimos
detener a un traficante de menores por ejemplo, gracias a esos intercambios
de información. También tenemos enlaces internacionales y de cooperción
encargados de controlar el blanqueo de activosporque puede haber estos
blanqueos en los Estados Unidos, en Francia.; entonces, esas personas tienen
contactos obligatoriamente. Pues, es necesario tener un enfoque muy crítico
y saber exactamente lo que ocurre.
Difusión
Es necesario poder difundir ciertas informaciones por vía de prensa
y no que la prensa pueda difundir algunas informaciones que ella quiere
lanzar. Dábamos información sobre nuestras operaciones pero, sabe Vd,
señor Barletta, que siempre es difícil manejar a la prensa, porque, después
de dos meses de operaciones, os dice : «.¿ Qué habéis hecho a nivel de
los capos, a nivel de los.» peces gardos «.?.», y, por supuesto, ejerce una
presión demasiado fuerte y, a veces, es bastante perjudicable para mantener la dinámica y lograr hacer nuestro trabajo sin tomar en cuenta la presión
de los periodistas. Nos reuníamos cada jueves con el presidente y el doctor
Neira para informarlos del avance de nuestras investigaciones, sobre todo,
lo concierniente a los capos de la droga. Saben Vds, no se trata únicamente
de un problema colombiano. Existen también otros cárteles fuera de Cali,
con rutas diferentes y este señor XXX, de nacionalidad columbiana, estaba
instalado en Panamá y, desde Buenaventura, gestionaba su tráfico, se trada
aquí de un puerto en el Pacífico. Se ha movilizado a los policías de Ecuador,
de Perú, de Bolovia y de Panamá con objetivo de arrestarlo. Es un ejemplo.
Si se unen todas las policías del mundo, podemos realizar este tipo de
detención. Pero, es necesario entrar verdaderamente en el problema,
conocerlo a fondo, si queremos poder llegar a alcanzar este tipo de objetivo.
Pero, como lo he dicho, lo más importante, es la divisa que tenemos, señor
Barletta, es hacerlo todo para empobrecer a los narcotraficantes, quitarles
el dinero, las propiedades immobiliarias, congelar las cuentas, es la única
manera de hacer fracasar el tráfico de droga en el mundo. Si no lo
hiciéramos así, podríamos seguir haciendo reuniones «.ad vitam eternam.»
sobre este punto sin poder acabar con esa plaga.
Otra operación que me gustaría enseñarles, es ésta. Es una operación
simultánea que hicimos con la DEA e Interpol, en Miami, New Jersey, en Swiza,
en España, en Bogota y en varias ciudades colombianas contra los activos. En
Miami, hay algo muy interesante, hay un banco que se llama Banco Atlántico
que trabaja, en el marco de operaciones al nivel de una dirección de Bogotá.
Hemos encontrado que había una empresa de transportes aéreos y, en el
recinto de esta empresa, detrás de esta facahda, no había ninguna empresa
de transportes aéros, sólo se trataba de una sucursal ficticia del Banco Atlántico
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
126
de Miami. La gente depositaba dólares sin control legal y la operación constaba
como si se hubiera hecho en el mostrador del Banco Atlántico. La vicepresidenta de este banco en Miami tenía contactos con el responsable de este
banco ficticio. Pudimos descubrir esta operación que puede producirse en
algunos de sus países, simplemente porque hay empresas ficticias que sirven
al blanqueo de los activos y eso puede ocurrir en cualquier país. Al cabo de
sis meses, neutralizamos el cártel de Cali, pero nos faltaba Pacho Herrera. Era
alguien quien conocía muy bien la ciutad de Cali y las demás ciudades. Era
impossible capturarlo. Henios ejercido una presión sobre los medios de comunicación, hemos dicho que era homosexual, que tenía vínculos con la guerilla,
que era el enemigo público no 1 para que haya una presión sobre él. Envió una
carta al general Serrano, le dijo que estaba harto, de dejar en paz a su familia
porque siempre la estábamos vigilando y porque hacíamos registros.; pues,
envió una carta diciendo : «.Me entregare entre sus manos en Cali, este
domingo, tal dia.». Fuimos a Younbo y Pacho Herrera se entregó en una iglesia.
Ahora está entre rejas.
Aquí, Vds pueden ver quehemos encarcelado a los capos del cártel de
Cali pero, antes, hemos desmantelado todas las estructuras de sus «.empresas.» : la parte financiera, las aeronaves, las cuentas bancarias, etc. Permítanme decir una anécdota que es bastante extraña. Ya lo saben Vds, hace tres
años, yo estaba aquí y pronuncié un discurso similar, pero hablaba de lo
íbamos a hacer, pues tres años después, les presento los resultados de una
acción internacional, de una acción llevada a cabo por la policía colombiana.
Como policías, debemos reflexionar sobre una cosa bastante extraña. Tenemos que conocer el perfil del mafioso : le gustan las mujeres guapas, siempre
belleza.; los mafiosos está con los reinas de belleza, finanza los concursos de
belleza.; los mafiosos están presentes en las actividades deportistas y, al lado
de esto, no les gusta que la fuerza pública hostigue a sus familias y que se
hagan registros en sus casas.; esto no les gusta. Les gustan mucho las
cartománticas, les gusta que se les echen la buenaventura, les gusta mucho
esto. En el caso de Gilberto Riguez Jolifuera, el anciano, el decano de los
cárteles de Cali, fue necesario efectuar verdaderamente muchas vigilancias
en Cali antes de detenerlo. Pero, lo denunció uno de sus secuaces finalmente
y esa persona utilizaba un perfume muy particular y no sabíamos en que planta
del edificio que vigilábamos se encontraba Don Gilberto. Este hombre de armas
entraba en el edificio, subía en ascensor pero perdíamos su pista. Sabíamos
que era uno de los grandes fieles del gran jefe. Gracias a las «.chicas.», luego,
que entraron con él, pudimos detectarlo... merced al perfume. Y el segundo
día, subieron para localizar el perfume, así pudieron descubrir que se encontraba a la séptima planta. La unidad de intervención que tenía caretas contra
gases, todo lo necesario para supervivir, pero era necesario saber que un botón
permitía que se desplazara una pared para esconderlo. Fue el perfume de su
hombre de armas que traicionó a Don Rodrigo. Era un hombre quien tenía
siempre una vela encendida pues tenía una gran devoción por la Virgen.
También lo seguimos gracias a la denuncia de un hombre de armas. Pero, ¿
qué ocurrió exactamente.? En general, a cierta hora, apagaba las luces de
todas las habitaciones pero la vela quedaba encendida y, a las dos, encontramos a Miguel Rodrigo. Intervinimos a las dos : estaba rezando efectivamente
Evolución del narcotráfico y nuevas tendencias de la lucha
contra esa plaga en Colombia
127
delante de la vela donde pedía que la policía no lo detuviera. Todas estas
molestais, después de mochos sacrificios, nos permitieron, por cierto, detener
a esos jefes del cartel.
Entonces, ¿ cuáles son las incidencias del desmantelamiento en el plan
internacional.?
En los países como Bolivia y Perú, disminuyó el tráfico. Los precios
incrementaron del 50.% al por mayor y, también, al por nienor. Hay una
tendencia en reducir la pureza de la droga mezclándola con productos similar.
es importante, por ejemplo, trabajar mano en la mano con Méjico, pues
pensamos que pueden volverse hacia Méjico. Pero, efectivamente, es muy
posible que otras organizaciones en países productores de pasta de coca
intenten ocupar los espacios dejados vacíos por el cártel.
El problema de la coca : los países, como decía el señor Leclair, que
tenien cultivos de hojas de coca son los siguientes : Perú, Colombia, Bolivia
con los cifras que Vds están viendo en esta diapositiva. No sólo hemos
neutralizado el cártel de Cali, hemos intervenido varias toneladas de drogas,
hemos congelado activos, hemos destruido laboratorios y pistas, y también
hemos embargado aeronaves. Entonces, hay un fenómeno en nuestro país,
es lo que llamamos la «.narcoguerrilla.». En realidad, la guerrilla en Colombia
tiene una imagen diferente. No tienen un negocio social o político, son simples
delincuentes que aprovechan que en ele sur del país hay cultivos de estupefacientes. ¿ Qué hacen.? Aseguran la protecciíon de estos cultivos y cobran
dinero así. Es uno de los problemas más graves que tenemos en Colombia. ¿
Cuál fue nuestra reacción.? Hemos intensificado la fumigación de los cultivos
en las zonas que Vds vieron en la diapositiva anterior. tenemos que tratar
cincuenta mil hectáres pero ya hemos fumigado más de veinte mil, sea con
aeronaves, sea manualmente. La movilización campesina en los zonas de
cultivos de estupefacientes es un verdadero rompecabezas.; yo hablaba de
esto con el señor Martinez, en los tres departamentos que Vds ven en esta
diapositiva, la economía de la coca existía hasta hace quince años, es decir
que era una actividad tradicional. Ahora, intervinimos, y más de cuarenta mil
campesinos se opusieron a la fuerza pública y, entre allos, los delincuentes de
los cuales hablé hace poco porque hemos afectado sus fuentes de financiacíon, y no quieren dejar esta producción, y tenemos un gran problema :
quieren impedir la fumigación aérea de los cultivos ilícitos. Y no vamos a
transigir. Iremos continuando, intensificando esto, tanto la fumigación como la
destrucción de los culitivos por vía aérea y manual. Hemos logrado controlar
la gasolina, porque saben Vds que la gasolina se utiliza también para el
tratamiento de las hojas de coca. todo ello para decirles nuestra situación
actual.
Ahora, si lo permiten, al punto no 8, las propuestas :
Es necesario, en el plan mundial, desarrollar estrategias de cooperación.
Hay que identificar los delitos que tienen un carácter internacional : los narcotráficos con aviones, también con pasadores, incluso por vía corporal, el tráfico
de niños, los tráficos de precursores químicos, contrabando de armas, el tráfico
ilegal, también, de vídeos pornográficos. Proponemos la adopción de un
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
128
mecanismo multilateral para montar operciones mundiales contra el crimen, en
general del tipo del convenio existente en Naciones Unidas. Es absolutamente
necesario que nos comprometamos, no podemos regresar a nuestro país sólo
con un documento, hay que participar verdaderamente, es preciso que lo que
se propone aquí, en el narco de esta reunión, sea eficaz en su país. Como ya
lo he dicho, tenemos que conocer el perfil del que blanquea los activos, de toda
la organización de los estupefacientes para poder alcanzar nuestros objectivos. Nos hace falta también una cooperación técnica, por ejemplo, tener los
medios de interceptar un móvil o un fax. Tenemos que estar al más alto nivel
de la tecnología porque el mafioso, íl, tiene la tecnología más moderna.
Entonces, se necesita la cooperación técnica que nos permita hacer esto. El
señor Barletta decía que, en Colombia, hay un centro de investigacíon que nos
da orientaciones, de tipo Intercenter, y que nos permite efectivamente acertar
en esta lucha contra los cárteles al nivel mundial. En su acción de lucha contra
el crimen organizado, la ONU organizó foros : hay el convenio de Nápoles
(contra la delincuencia organizada) de noviembre de 1984.; se trada del
documento más importante. Creo que, con la ayuda de los Estados Unidos,
hay que promover la lucha contra estos delitos transnacionales. El presidente
estaba en Cochabamba en Bolivia, y destacó la importancia que hay de tener
un seguimiento de esta cooperación contra los narcotráficos. Hace falta
también tener un conjunto legislativo que nos permita esto y, también, mejorar
las estructuras sociales.
Propuesta para una policía del año 2000 :
Hace falta una voluntad de los estados para modernizar las fuerzas
policiales, que haya un centro de formación internacional para luchar contra el
delito internacional y, también, integrar en íl las policías de los países en
desarrollo. hace poco tiempo, Francia y Colombia firmaron un convenio, un
acuerdo de alto nivel entre la formación del Centro de Estudios de Investigación
sobre la policía y el Instituto de estudios políticos y la Universidad de ciencias
sociales del Centro de Toulouse y la policía nacional. El objeto es establecer
reglas, normas de ayuda e intercambios en el plan universitario y en materia
de investigación entre las dos instituciones. El objetivo es tener una ayuda
mutua, una ayuda entre las entidades policiales. Con este fin, proponemos un
banco de datos sobre los delitos transnacionales para poder conocer los
«.modus operandi.» del blanqueo de activos, del tráfico de armas, del narcotráfico y dar información sobre las legislaciones para adelantar en este terreno
a los delincuentes.
¿ Cuál fue el coste de la lucha contra los traficantes.?
Destruyeron aviones cuando hacíamos fumigaciones, helicópteros, vehículos y, es la parte máS dolorosa, de 1986 a 1996, trrs mil quinientos policías
murieron cumpliendo sus deberes. Es un precio muy elevado para combatir
esa plaga nacional. Lo que pedimmos, es que no haya más indiferencia
internacional frente a este sacrificio inmenso. Señor Barletta, pido ahora un
minuto de silencio para los tres mil quinientos policías colombianos, para todas
las víctimas policiales del mundo, todos los miembros de la justicia que
murieron en la lucha contra esa plaga del narcotráfico frente a esa lucha al
nivel internacional. Pido un minuto de silencio para rendirles homenaje. Pido
al señor Martinez que cronometre ese minuto.
Evolución del narcotráfico y nuevas tendencias de la lucha
contra esa plaga en Colombia
129
Policía nacional de Colombia – La apocalipsis de los cárteles :
Desde la aparición del narcotráfico, hace más de dos decenios, el pueblo
colombiano luchó contra esa plaga y logró éxitos excepcionales. Sin embargo,
si no hemos acabado con esa plaga, hemos reducido mucho sus manifestaciones y, particularmente, la venta de la marijuana, la cocaína, y más recientemente, la heroína. Aunque el tráfico haya aumentado más que regresado,
hay que reconocer que si la Policía Nacional no hubiera realizado operaciones
muy importantes contra esa plaga, el problema resultaría más complejo, no
sólo para Colombia sino para el mundo entero.
Hemos capturado al jefe más importante de ese cártel. Así se pudo
neutralizar el período más dramático vivido por nuestro país. Saben Vds que
fue al final de los años 80 cuando el narcoterrorismo mató a personas públicas
y, tamblén, a policías y a miembros de la justicia. A partrir de 1985, la Policía
Nacional lanzó una estrategia particular pora identificar al cártel de Cali que
era impenetrable. Ese cártel tenía una estructura delictiva, de tipo «.negocio.»,,
y montamos operaciones para reducir su capacidad financiera controlando los
ingresos, las rutas de los aviones y montando operaciones especiales. También hemos utilizado el sistema de recompensas por vía de carteles, televisión
y prensa. estas tareas seguidas permitieron desmantelar ese cártel de que,
basándose en previsiones de las agencias antidrogas americanas, yo diría que
más del 90.% del mercado concernía la cocaína. Hemos capturado y llevado
ante la justicia a los principales jefes que representaban esa oganización.
Por asunto de tiempo, vamos a cortar la presentación y vamos a
presentar los tres últimos minutos de este vídeo.
Si hay alguna expresión que sintetiza con justicia cuál es el peor enemigo
y la mayor repercusión en la lucha contra el crimen internacional en la
cooperación mundial, termino diciendo que Vds son testigos de las condiciones
adversas por las que hemos tenido que pasar, los colombianos, pero repito
que no habrá claudicación.; así mismo, con el concurso de Vds, lograremos que
las noticias que el mundo sobre Colombia tengan que ver con la vida, con la
paz y no con la muerte. Muchas gracias por haberme escuchado.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
130
Résumé
L’évolution du narcotrafic et les nouvelles tendances
de la lutte contre ce fléau en Colombie
Luis Enrique Montenegro Rinco
1) Le démantèlement du Cartel de Cali
Au cours de ces trois dernières années, les forces de sécurité colombiennes ont focalisé
leurs efforts, en liaison avec de nombreux services étrangers (pays andins, DEA et CIA,
Interpol), sur le démantèlement du Cartel de Cali.
L’objectif avoué n’était pas uniquement l’arrestation de ses chefs, ce qui fut chose faite,
mais également la neutralisation de leurs principaux hommes de main (via un contrôle
sévère de la détention d’armes) et surtout l’éradication de la structure en elle-même.
Dans le cadre de la lutte intégrale mise en œuvre, la priorité essentielle était de démanteler
l’infrastructure économique. L’appauvrissement du Cartel s’est opéré à la faveur de saisies
immobilières et des actifs financiers mais aussi grâce au gel des comptes.
L’activité du Cartel a été neutralisée par une approche globale du trafic de cocaïne :
– la production par une fumigation systématique des cultures.;
– la transformation par un contrôle rigoureux des produits chimiques et de l’essence
nécessaires au traitement de la feuille de coca.;
– le transport via le contrôle des licences des pilotes et l’interception de plus de 100
aéronefs.;
– les réseaux de communication du Cartel. Ainsi plus de 1.000 chauffeurs de taxis, agents
de renseignement notoires des Cartels sur l’activité des forces de police, ont été immobilisés.
L’action de démantèlement fut combinée à une gestion des relations avec les médias.
Les incidences de cette action sont réelles. Le prix de la cocaïne, au gros comme au détail,
s’est accru de 50.%. Le coupage s’est généralisé.
Cependant, le coût payé par les forces de police est conséquent : 3.500 policiers sont
morts dans l’accomplissement de leur devoir.
2) Il convient d’adopter une stratégie de coopération mondiale pour faire face au crime
organisé transnational.
Cette stratégie comporte au moins quatre volets. D’une part, l’identification et l’adoption
de textes visant les délits internationaux. D’autre part, la mise en œuvre d’une coopération
mondiale contre le crime sous l’égide des Nations unies. Ensuite, le développement de la
coopération technique pour permettre aux forces de police d’utiliser en toute sécurité les
technologies de pointe, notamment en matière de communication. Enfin, la modernisation
de la formation grâce à l’établissement d’un centre international de formation pour
combattre les délits internationaux.
Evolución del narcotráfico y nuevas tendencias de la lucha
contra esa plaga en Colombia
131
Summary
The evolution of drug trafficking and the new
tendencies of the combat against this calamity
in colombia
Luis Enrique Montenegro Rinco
1) The dismantling of the Cali Cartel
During the last three years, the Colombian security forces have focused their efforts, liaising
with several foreign organisations (Andean authorities, DEA, CIA, Interpol), on the dismantling of the Cali Cartel.
The avowed objective was not only the arrest of its leaders, although this was achieved,
but also the neutralisation of their main hit-men (via a severe control of detention of arms)
and above all the eradication of the organisation itself.
Within the integral combat set in action, the essential priority was to dismantle the economic
infra-structure. The Cartel’s impoverishment was operated through the seizures of estates
and financial assets, as well as the freezing of accounts.
The Cartel’s activity was neutralised through a global approach of the trafficking in Cocaine:
–production, by systematic fumigation of the crops
–transformation, by a strict control of the chemical products and petrol needed for the
treatment of the coca leaf
–transport, via the control of the pilots’licences and the interception of over 100 planes
–the Cartel’s communication networks, through the immobilisation of over 1,000 taxi
drivers, who were notoriously acting as intelligence agents for the Cartels to feed them
with information on the Police forces’activity.
The dismantling operation was combined with the monitoring of relationship with the media.
The effects of this action are real. The wholesale price of cocaine as well as its retail price
have increase by 50%. Blending was generalised.
Still, the cost paid by the Police forces is sizeable: 3,500 police officers died in the course
of their duty.
2) A world-wide co-operation strategy must be adopted to face trans-national organised
crime.
This strategy counts at least four sections. On the one hand, to identify and adopt Law
aiming at international offences. On the other hand, to set up a world-wide co-operation
against crime under the aegis of the United Nations. Then, to develop technical co-operation, in order to enable the Police forces to use high technology safely, especially in
communication matters. Finally, to modernise training by creating an international training
centre in order to combat international offences.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
132
La coopération
et la communication
internationales dans la lutte
contre le trafic illicite
des matières nucléaires
et d’autres sources radioactives
Sven Thorstensen,
assistant du directeur général de la division garanties de l’agence
internationale
de l’énergie
atomique
(AIEA) de Vienne
le trafic illicite
La coopération
des matières
et la
nucléaires
communication
et d’autres
internationales
sources radioactives
dans la lutte contre
De par son statut, l’AIEA a une double tâche :
–aider les États membres en ce qui concerne les applications de la science et
des techniques nucléaires à des fins pacifiques, comme la production d’énergie
nucléaire, et à utiliser des sources radioactives (ou les isotopes radioactifs),
notamment dans la recherche, la médecine, l’industrie et l’agriculture.;
– prévenir ou détecter l’utilisation non autorisée de matières nucléaires dans
le but de fabriquer des armes nucléaires, activités qui entrent dans le cadre de
ce que l’on dénomme souvent la non-prolifération nucléaire ou les garanties.
Les activités concernant la non-prolifération découlent du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), dont 180 États sont signataires. Le rôle
que joue l’AIEA dans la lutte contre le trafic illicite est fondé sur sa compétence
et ses ressources en la matière, en particulier dans le domaine de la non-prolifération.
Introduction et généralités
Le trafic illicite est le mouvement non autorisé de matières nucléaires et
d’autres sources radioactives. Pour les besoins de l’exposé, il convient de
préciser que l’expression «.matières nucléaires.» désigne les matières radioactives qui peuvent contribuer principalement à la production d’armes nucléaires et qui peuvent avoir des effets nocifs sur la santé, tandis que l’expression
«.autres sources radioactives.» désigne les matières radioactives qui peuvent
avoir des effets nocifs sur la santé mais qui n’ont que peu ou pas d’intérêt pour
la prolifération des armes nucléaires. Les cas de trafic signalés concernent
aussi bien des matières nucléaires que des sources radioactives, et les craintes
qu’ils ont soulevées portent à la fois sur la menace de prolifération et les risques
pour la santé publique. Ils ont éveillé l’inquiétude du public et risquent de nuire
à la crédibilité des systèmes de contrôle établis tant pour les matières nucléaires que pour les sources radioactives.
Les échanges légitimes de matières nucléaires et de sources radioactives ont lieu en vertu de la réglementation de l’État et dans les limites qu’elle
trace. Les États sont directement responsables de la sécurité des matières
nucléaires et des sources radioactives ainsi que de leur manipulation, leur
contrôle et leur compatibilité. ces tâches exigent un cadre réglementaire solide.
Le directeur général a porté le problème du trafic illicite à l’attention de
la Conférence générale de l’AIEA à sa session de septembre 1994, pour lequel
elle a adopté une résolution engageant les États à «.prendre toutes les mesures
nécessaires pour empêcher le trafic illicite de matières nucléaires.». La conférence générale a confirmé que les gouvernements et les administrations
nationales continueront d’assumer au premier chef la responsabilité de ces
questions, mais a néanmoins souligné l’importance d’une coopération étroite
entre les États membres et a invité l’Agence à renforcer son soutien aux États
membres en ce domaine.
En mars 1995, le directeur général a présenté des propositions en vue
d’intensifier les activités de l’Agence, qui avaient été examinées par le Conseil
des gouverneurs à sa réunion de décembre 1994, et le Conseil a demandé que
l’on continue d’élaborer un programme dans le domaine du trafic illicite. Ainsi,
tant le Conseil des gouverneurs que la Conférence générale, ont donné mandat
à l’Agence d’aider les États membres dans un certain nombre d’activités
concernant :
– la prévention, qui consiste à aider les États à améliorer les infrastructures
nationales pertinentes dans les domaines de la législation, de la protection
physique, de la comptabilité et du contrôle des matières nucléaires, du contrôle
et de la sécurité des sources radioactives et du contrôle des exportations et
importations.;
– l’intervention, qui consiste à aider les États, sur demande, à détecter les
mouvements transfrontières et à y faire face ainsi qu’à analyser les matières
nucléaires et les sources radioactives confisquées et à exploiter la base de
données de l’Agence sur le trafic illicite pour fournir en temps voulu, aux États
et aux médias, des informations fiables et faisant autorité sur les incidents de
trafic.;
– la formation, qui consiste à mettre au point et à dispenser une formation en
matière de prévention et d’intervention.;
– l’échange d’informations, qui s’effectue dans le cadre de réunions et conférences internationales et interorganisations.
En avril 1996, lors du Sommet sur la sûreté et la sécurité nucléaire tenu
à Moscou, les participants ont réaffirmé la nécessité d’une gestion sûre des
matières fissiles en tant que garantie contre le risque de trafic illicite des
matières nucléaires. Ils ont également reconnu la nécessité pour les nations
de coopérer aux niveaux bilatéral et multilatéral et par l’intermédiaire de
l’Agence pour faire en sorte que les systèmes nationaux de contrôle des
matières nucléaires restent efficaces. Ce qui est particulièrement intéressant
pour l’Agence, c’est que les participants au sommet ont noté que les efforts
internationaux pour réprimer le trafic illicite devraient porter sur ce qui suit :
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
134
– le stockage sans danger et en sécurité des matières nucléaires et la
protection, le contrôle et la comptabilité efficaces de ces matières pour en
empêcher le détournement.;
– l’action concertée des services de renseignement, des douanes et de
répression pour empêcher le transport et la vente de matières détournées.;
– les efforts conjoints pour identifier et réprimer la fourniture et la demande
illicites de matières nucléaires et pour décourager les trafiquants en puissance.
Bien que l’AIEA n’ait ni le mandat ni les ressources voulues pour
moderniser les infrastructures nationales de réglementation, elle peut jouer et
joue effectivement un rôle utile en coordonnant les efforts de certains États
membres dans ce domaine, en cernant les divers problèmes et préoccupations,
en fournissant des services d’experts, en définissant des orientations qui font
l’objet d’un consensus international, en encourageant l’échange d’informations
et en favorisant et dispensant la formation nécessaire. Ces activités sont
conçues de manière à compléter l’important soutien bilatéral qu’apportent
actuellement un certain nombre d’États qui fournissent des ressources pour
lutter contre le trafic illicite de diverses matières.
Prévention
Pour pouvoir prévenir le trafic illicite, le plus important est de disposer
de systèmes nationaux de contrôle des matières nucléaires et des sources
radioactives qui soient efficaces. Le programme de l’Agence met donc l’accent
sur l’aide à apporter aux États pour qu’ils établissent et/ou renforcent leurs
systèmes nationaux de contrôle et appliquent les mesures qui préviendront ou
décourageront l’utilisation ou la manipulation non autorisée de ces matières et
sources.
Les systèmes nationaux de contrôle doivent reposer sur une législation
et une réglementation qui incorporent les normes modernes et répondent aux
obligations et aux engagements pris par l’État en vertu des conventions et
traités internationaux auxquels il est partie.
Les systèmes nationaux de contrôle doivent aussi comprendre des
mesures visant à prévenir, détecter et décourager les activités non autorisées
au niveau de l’État. Les matières nucléaires exigent des systèmes et procédures pour la protection physique, la comptabilité et le contrôle des exportations/importations, tandis que les mesures pertinentes de contrôle et de
sécurité des sources radioactives doivent comprendre, en plus du contrôle des
exportations/importations, une infrastructure pour 1) la déclaration des sources
radioactives, leur enregistrement, la délivrance des autorisations les concernant et leur inspection, et 2) la prévention des vols ou toute autre intervention
de tiers qui pourrait compromettre le contrôle des sources.
Un exemple de l’assistance de l’Agence en matière de lutte contre le
trafic illicite et de non-prolifération est celui de l’élaboration et de la mise en
œuvre de «.plans d’appui technique coordonné.» destinés aux États nouvellement indépendants issus de l’ex-Union Soviétique. Depuis 1992, des fonction-
La coopération et la communication internationales dans la lutte contre 135
le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
naires de l’AIEA ont effectué plusieurs missions d’enquête et des visites
techniques dans ces États, ce qui leur a permis de recueillir des informations
sur les besoins des divers États, qu’ils ont transmises aux donateurs potentiels.
Les États bénéficiaires ont ensuite, en collaboration avec les États donateurs
de l’Agence, formulé des plans, adoptés d’un commun accord, pour fournir un
appui technique coordonné dans le but d’aider les États nouvellement indépendants à contrôler et comptabiliser les matières nucléaires conformément à leurs
obligations en vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
(TNP). Des plans de ce type ont été établis pour tous les États nouvellement
indépendants dans le cadre du programme. Les pays donateurs sont l’Australie, les États-Unis, la Finlande, la Hongrie, le Japon, la Norvège, le RoyaumeUni et la Suède.
Législation et réglementation
Un système de contrôle national solide doit pouvoir reposer sur une
législation et une réglementation appropriée. Pour les États Membres de
l’Agence, les obligations internationales de base concernant les matières
nucléaires sont énoncées dans le Traité sur la non-prolifération des armes
nucléaires (TNP) et les accords de garantie conclus avec l’AIEA (INFCIRC/153
et 66). Dans les États qui ont un accord de garantie en vigueur avec l’Agence,
celle-ci est tenue de vérifier la présence des matières nucléaires soumises aux
garanties en vertu de l’accord, et l’État est tenu, entre autres, d’envoyer un
rapport à l’Agence s’il pense que des matières nucléaires ont été ou ont pu être
perdues.
Les systèmes législatifs antérieurs des États nouvellement indépendants étaient identiques à ceux du système soviétique ou s’en inspiraient. Cette
situation ainsi que l’adhésion graduelle de ces États aux conventions et traités
internationaux, en tant qu’États non dotés d’armes nucléaires, les a incités à
adopter des programmes pour améliorer leur législation en se fondant sur les
principes visant à définir les droits et devoirs des organes de réglementation,
des exploitants d’installations et des personnes physiques dans l’application
des mesures de non-prolifération et de sûreté, de manière à se conformer aux
normes et procédures internationales.
Les activités de soutien en matière législative, qui ont été demandées
par les États nouvellement indépendants et décidées d’un commun accord
avec eux, ont été définies et leur coordination entre les pays donateurs est
encouragée. Quatre pays donateurs ont établi un groupe international d’experts
juridiques où l’Agence est représentée.
Les activités d’appui dans le domaine de la législation et de la réglementation visent à aider à établir un cadre de lois et règlements qui réponde aux
normes internationales, compte tenu des engagements pris par les divers États
en vertu de conventions et d’accords internationaux comme le TNP, les accords
de garantie conclus avec l’Agence, la Convention sur la protection physique
des matières nucléaires, la Convention de Vienne relative à la responsabilité
civile en matière de dommages nucléaires et la Convention sur la sûreté
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
136
nucléaire. En ce qui concerne les lois fondamentales, les domaines couverts
par les activités d’appui comprennent la comptabilité et le contrôle des matières
nucléaires, la protection physique, le contrôle des exportations/importations, la
responsabilité, le transport des matières radioactives, la sûreté et la protection
radiologique.
Dans les États nouvellement indépendants, l’objectif fondamental est
d’établir une législation nucléaire complète, qui englobe à la fois la non-prolifération nucléaire et la sûreté nucléaire. Les lois, arrêtés et règlements doivent
comprendre des dispositions concernant a) l’autorisation de toutes les activités
nucléaires, y compris des sanctions et peines.; b) les responsabilités de la
direction et des personnes physiques au sein des organes de l’installation,
notamment les conditions à remplir par les systèmes et procédures des
exploitants de l’installation pour empêcher les défaillances et la prolifération.;
c) les fonctions et responsabilités d’un organisme public indépendant et compétent de réglementation, y compris les systèmes structurels et administratifs
qui doivent assurer la sûreté et la non-prolifération.
De grands progrès ont été faits dans ces efforts de soutien. Aujourd’hui,
des travaux sont en cours au Bélarus, en Lituanie, en Lettonie, au Kazakhstan
et en Ukraine, et un premier contact a été établi avec l’Arménie, la Géorgie, le
Kirghizistan, la Moldova et l’Ouzbékistan.
Protection physique
La protection physique contre le vol ou l’enlèvement non autorisé de
matières nucléaires et contre le sabotage des installations nucléaires par des
individus ou des groupes d’individus est une question dont on se préoccupe
beaucoup aux niveaux national et international. Bien que la responsabilité de
la mise en place et du fonctionnement d’un système général de protection
physique des matières et des installations nucléaires existant sur le territoire
d’un État incombe entièrement au gouvernement de cet État, l’Agence apporte
depuis longtemps son aide en ce domaine.
L’AIEA a pris part à l’élaboration, puis à la révision, de deux instruments
concernant la protection physique qui sont pertinents pour le problème du trafic
illicite : la Convention sur la protection physique des matières nucléaires
(INFCIRC/274/Rev. 1), dénommée ci-après «.la Convention.», et les «.recommandations relatives à la protection physique des matières nucléaires.» de
l’Agence (INFCIRC/225/Rev. 3) qui ont été élaborées par un groupe d’experts
réunis par le Directeur général et publiées pour la première fois en 1972.
La Convention, qui est entrée en vigueur en 1987 et à laquelle 54 États
sont aujourd’hui partie, définit les niveaux de protection physique applicables
aux transports internationaux de matières nucléaires employées à des fins
pacifiques. Les États partie sont tenus :
– de considérer certains actes (vol de matières nucléaires, menace d’utiliser
les matières nucléaires pour causer un dommage, par exemple) comme une
infraction punissable en vertu du droit international.;
– d’extrader ou de poursuivre l’auteur présumé d’un tel acte.;
La coopération et la communication internationales dans la lutte contre 137
le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
– de fournir une assistance aux autres parties à la Convention en cas d’incident.
Toutefois les parties à la Convention ne sont pas tenues d’assurer la
protection des matières nucléaires employées à des fins pacifiques en cours
d’utilisation, de stockage et de transport sur le territoire national. De plus, la
Convention ne s’applique pas 1) aux matières nucléaires utilisées à des fins
militaires, 2) aux installations nucléaires ou 3) aux autres sources radioactives.
Le document INFCIRC/225/Rev. 3 donne des indications et des recommandations concernant la protection physique des matières nucléaires en
cours d’utilisation, en magasin et en cours de transport, que ce soit à l’échelon
national ou international, et à des fins pacifiques aussi bien que militaires, et
contient des dispositions relatives au sabotage des installations. Ce document
décrit en détail les éléments d’un système national de protection physique. Il
traite des conséquences néfastes que peuvent avoir sur la santé et la sûreté
le vol de matières nucléaires et le sabotage des installations (avec dégagement
possible de radioactivité). La plupart des pays industrialisés et des pays en
développement se sont servis de ces recommandations pour établir et appliquer leurs propres systèmes de protection physique.
Pour qu’une protection physique suffisante soit assurée, les systèmes
nationaux doivent instaurer des conditions qui 1) réduisent au minimum les
possibilités d’enlèvement non autorisé de matières nucléaires ou de sabotage,
2) permettent de prendre rapidement des mesures étendues pour localiser et
récupérer les matières nucléaires manquantes, et 3) réduisent au minimum les
effets du sabotage. La réglementation en matière de protection physique et les
procédures connexes doivent donc être conçues de manière à mettre en échec
toute tentative de vol et à détecter rapidement tout vol commis.
Pendant un certain temps l’Agence a fourni un appui technique aux États
membres en mettant à leur disposition des experts, qui lors de leurs missions,
les conseillent en matière de protection physique. Aujourd’hui, l’AIEA est
disposée à élargir cet appui technique aux États qui connaissent des problèmes
particuliers de protection physique et à leur procurer du matériel spécialisé en
cas de nécessité urgente, lorsque les installations ne sont pas comprises dans
le programme en cours des donateurs.
L’appui technique peut revêtir la forme de service consultatif qui
portera le nom de Service consultatif international sur la protection physique.
Il mettra, sur demande, à la disposition des États membres une équipe
internationale d’experts qui examineront les programmes nationaux de
réglementation concernant la protection physique des matières nucléaires
et/ou la mise en œuvre de systèmes de protection physique dans des
installations nucléaires déterminées.
Les conseils techniques comprennent l’élaboration d’un manuel de
référence fondamental sur les principes et pratiques en matière de protection
physique, qui est en cours. L’AIEA formulera aussi des indications supplémentaires pour la mise en œuvre des dispositions du document INFCIRC/225/Rev.
3 dont l’interprétation serait difficile.
L’assistance des donateurs aux États membres dans le domaine de la
protection physique revêt une priorité particulièrement élevée lorsque de
l’uranium hautement enrichi et du plutonium sont en jeu. Cette assistance est
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
138
offerte pour établir une politique nationale en matière de protection physique
et pour répondre à ces besoins dans des installations déterminées. Un rapport,
qui sert de modèle pour les améliorations à apporter dans les installations
nucléaires en matière de protection physique, est élaboré d’ordinaire par des
experts de deux ou trois pays donateurs. La mise en place du matériel de
protection physique dans les installations est assurée et appuyée dans une
certaine mesure par l’État bénéficiaire. Fin 1995, l’installation de systèmes et
de matériels était plus ou moins avancée au Bélarus, en Géorgie, au Kazakhstan, en Lettonie, en Lituanie, en Ukraine et en Ouzbékistan.
Comptabilité et contrôle des matières nucléaires
Un système national de comptabilité et de contrôle des matières nucléaires (SNCC) solide qui tienne compte de la complémentarité entre la comptabilité et le contrôle des matières, d’une part, et la réglementation relative à leur
protection physique et les procédures connexes, d’autre part, est un facteur de
dissuasion capital contre le vol de matières nucléaires. La comptabilité et le
contrôle des matières sont destinés à assurer que l’emplacement de toutes les
matières nucléaires se trouvant dans un État est connu et confirmé par des
inventaires périodiques.
Les États signataires du TNP ont l’obligation de conclure des accords
de garanties avec l’AIEA. L’une des obligations fondamentales prévues par un
tel accord est de mettre sur pied un SNCC. En cas de besoin et sur demande,
l’Agence aide les États à définir les procédure et les tâches ordinaires du SNCC,
tant au niveau de l’État qu’à celui de l’installation. Cela se fait habituellement à
l’occasion de l’inspection initiale des bureaux de l’État et des installations
nucléaires dans le cadre des garanties.
Les États donateurs ont apporté aux États nouvellement indépendants
une assistance étendue pour la mise sur pied et le fonctionnement des SNCC
dans le cadre de plans d’appui technique coordonné. Cette assistance couvre
aussi d’autres éléments des activités menées au niveau de l’État et dans
l’installation, notamment ceux qui répondent aux exigences nationales et
bilatérales. Les besoins d’assistance des divers États en matière d’infrastructure et de matériel ont été définis.
L’assistance des donateurs a permis de fournir des services d’experts
et du savoir-faire, de même que du matériel et du logiciel, des équipements
spécialisés, du matériel de bureau et des moyens de communication, des
procédures pertinentes ainsi que des instruments qui sont utilisés par les
inspecteurs de l’État.
Des travaux sont en cours ou ont été menés à bien au Bélarus, en
Géorgie, au Kazakhstan, en Lettonie, en Lituanie, en Ukraine et en Ouzbékistan. Ils doivent encore démarrer dans les autres États nouvellement indépendants. Grâce à ces efforts, on a pu établir les fondements de la phase initiale
de mise en œuvre des garanties de l’AIEA dans les États nouvellement
indépendants.
La coopération et la communication internationales dans la lutte contre 139
le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
Contrôle et sécurité des sources radioactives
En ce qui concerne la législation applicable aux sources radioactives
autres que les matières nucléaires, il n’existe aucun instrument international
juridiquement contraignant par lequel les parties s’engageraient à assurer le
contrôle et la sécurité des sources radioactives et, en particulier, à signaler la
perte ou le vol de ces sources à l’AIEA et/ou à d’autres organisations internationales. Toutefois, la version révisée la plus récente des Normes fondamentales internationales.1 a été approuvée récemment par le Conseil des
gouverneurs de l’Agence et par cinq autres organisations de parrainages.2. Un
grand nombre d’États calquent leur système national de réglementation sur les
orientations générales données par ces normes.
L’adoption de normes par les États membres et par les organisations
internationales fait naître l’obligation générale de faire en sorte que les activités
impliquant l’utilisation de matières radioactives (y compris les matières nucléaires) soient menées conformément aux prescriptions des normes, à moins que
la radiœxposition causée ne soit exclue de l’application des normes ou que la
source n’en soit dispensée par l’organisme de réglementation. Les normes
prévoient de plus que le transport de sources radioactives soit soumis aux
dispositions du Règlement de transport des matières radioactives.3 de l’AIEA.
Ces dispositions peuvent être rendues obligatoires par les conventions internationales pertinentes ou par la législation nationale.
Les dispositions des normes qui s’appliquent au trafic illicite sont celles
de la déclaration et de l’autorisation par voie d’enregistrement ou de licence,
ainsi que celles qui concernent la sécurité des sources radioactives. Ces
dernières prévoient que les titulaires d’enregistrements et de licences doivent
garder les sources en sécurité de façon à empêcher le vol ou l’endommagement ou leur utilisation non autorisée. La vérification indépendante par un
organisme national de réglementation est une condition sine qua non du
respect des dispositions des normes. Ainsi, bien que ces dispositions concernent essentiellement les titulaires d’enregistrements et de licences, qui sont
responsables au premier chef de leur application, les gouvernements ont à les
faire respecter, généralement par l’intermédiaire d’une infrastructure nationale
qui comprend l’organisme de réglementation nécessaire.
En outre, dans le cadre de l’assistance générale apportée aux États pour
qu’ils mettent en place et maintiennent des systèmes solides et efficaces
d’enregistrement, de délivrance d’autorisations et de contrôle des sources
radioactives, un certain nombre d’États Membres reçoivent une aide pour
dresser un inventaire complet des sources sur leur territoire et veiller à ce
qu’elles soient contrôlées par un organisme compétent.
1. Normes fondamentales internationales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté
des sources de rayonnements, No 115 de la Collection Sécurité, AIEA, Vienne.
2. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Organisation internationale
du Travail (OIT), Agence pour l’Energie nucléaire de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDES/AEN), Organisation mondiale de la santé (OMS) et Organisation panaméricaine
de la santé (OPS).
3. La dernière édition du Règlement de transport des matières radioactives de l’AIEA a été publiée en
tant que No 6 de la Collection Sécurité, AIEA, Vienne (1991).
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
140
Contrôle des exportations/importations
Le contrôle des exportations et des importations des États vise à
empêcher les mouvements transfrontières non autorisés de matières nucléaires et de sources radioactives et est exercé dans chaque pays au moyen d’une
législation et de systèmes nationaux pour surveiller la manipulation et l’utilisation de ces matières. Les mesures décrites ci-dessus dans les chapitres portant
sur la législation, la protection physique, la comptabilité et le contrôle des
matières nucléaires et des sources radioactives sont toutes des maillons d’une
chaîne de contrôle efficace des importations et des exportations. Outre les
systèmes et procédures qui sont expressément utilisés dans le domaine des
activités nucléaires (comme le SNCC), il faut recourir aux éléments classiques
de l’infrastructure d’un État, comme la police et les douanes, pour assurer le
contrôle des importations et exportations nucléaires. La mesure dans laquelle
ces éléments sont utilisés et la façon dont ils sont organisés et coordonnés
dépend des conditions propres à chaque pays.
Dans le cadre des plans d’appui technique coordonné destinés aux États
nouvellement indépendants, les États donateurs s’engagent à aider ces derniers
à établir des dispositifs nationaux pour le contrôle des exportations/importations.
Intervention
Les autorités nationales ou les médias sont les premiers à détecter les
cas de trafic et à ouvrir une enquête à leur sujet. En vertu de son système de
garanties, l’AIEA reçoit des États des informations au sujet de la quantité et de
l’emplacement des matières nucléaires placées sous la juridiction de l’État
considéré ou se trouvant sur son territoire. La disparition de matières nucléaires
en particulier, par exemple à la suite d’un vol, dans un État ayant conclu un
accord de garanties généralisées doit être signalée à l’Agence.
De grands progrès ont été faits par l’AIEA, en collaboration avec l’Organisation mondiale des douanes, dans l’élaboration de conseils destinés aux
administrations nationales, plus particulièrement aux fonctionnaires en poste
aux frontières, quant aux procédures à utiliser pour détecter les mouvements
illicites de matières radioactives et aux mesures appropriées d’intervention en
pareil cas.
Analyse des matières confisquées
En cas de trafic illicite de matières nucléaires ou de sources radioactives,
ou de présomption d’un tel trafic, l’Agence peut fournir à un État, à sa demande,
le service consistant à analyser les matières confisquées. Ces analyses
peuvent être utilisées par l’État pour : 1) identifier ou confirmer la nature et les
La coopération et la communication internationales dans la lutte contre 141
le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
propriétés nucléaires des matières confisquées.; 2) évaluer les risques radiologiques qu’a pu entraîner leur manipulation illicite.; 3) fournir éventuellement
des indices sur l’origine des matières confisquées.
Les laboratoires de l’AIEA ont les moyens voulus et une longue pratique
dans le domaine de l’analyse des matières que l’on rencontre tout au long du
cycle de combustion nucléaire. Il est également possible de déterminer la
nature chimique des principaux composants, ainsi que la nature et la concentration de constituants mineurs ou d’éléments traces chimiques et radiochimiques. Ces dernières mesures permettent d’obtenir des informations génériques
sur le mode et la date de production des matières confisquées. Ces renseignements peuvent être utiles aux États dans leurs enquêtes visant à déterminer
l’origine des matières.
L’aide apportée par l’Agence aux États en matière d’analyse peut aussi
revêtir la forme d’analyses quantitatives et qualitatives effectuées directement sur
le terrain, au moyen d’instruments portatifs ou transportables tels que spectromètres gamma, compteurs de neutrons ou analyseurs de fluorescence X.
Base de données sur le trafic illicite
Avec l’augmentation du nombre de cas de trafic signalés, les États
membres de l’AIEA lui ont demandé d’élargir sa base de données existante
pour pouvoir donner une vue d’ensemble fiable de la situation en matière de
trafic illicite.
En août 1995, l’Agence a informé les États membres qu’elle avait
amélioré sa base de données intitulée «.Synthèse concernant les cas de trafic.»
pour créer la «.base de données sur le trafic illicite.», qu’elle était prête à
accepter des informations sur le trafic illicite et qu’elle commencerait à publier
périodiquement des rapports succincts. À l’époque, l’Agence a invité chaque
gouvernement à lui faire part de son désir de participer à ce programme et à
lui indiquer son correspondant pour la base de données. La base de données
actuelle de l’AIEA sur le trafic illicite contient les informations relatives aux
incidents signalés par les médias et par les autorités nationales.
Cette base a principalement pour fonction de fournir en temps voulu des
renseignements fiables et précis sur tous les cas de trafic à trois niveaux
d’utilisation : l’État, l’AIEA et le public. Elle aide les États à choisir parmi les faits
concernant des cas déterminés de trafic illicite ceux qui sont pertinents pour
eux. D’autre part, elle aide l’Agence à conserver en mémoire le détail des cas
de trafic en vue de dégager des tendances et thèmes communs qui puissent
servir à appuyer les programmes de lutte contre le trafic illicite de ses États
membres. Enfin, elle contribue à rassurer le public en fournissant en temps
voulu des renseignements fiables aux médias sur les cas de trafic illicite.
Depuis 1993, l’AIEA a enregistré dans sa base de données 168 cas de
trafic illicite de matières nucléaires et d’autres sources radioactives qui lui
avaient été signalés par les États ou rapportés par les médias. Les données
disponibles ne suffisent pas encore à dégager une tendance dans la fréquence
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
142
de ces faits. Toute diminution apparente pourrait tenir en partie au fait que les
trafiquants en puissance considèrent qu’il n’y a que peu de débouchés véritables pour les matières qui ont fait l’objet des incidents passés. Toutefois, aussi
longtemps que subsistent des risques de vol parce que la sécurité est mal
assurée, il est tout à fait possible que des groupes clandestins cherchent à
s’approprier ces matières à des fins illicites. Les faiblesses qui subsistent dans le
système de sécurité font du trafic illicite des substances nucléaires une possibilité
qui doit continuer de retenir l’attention de la communauté internationale.
Le tableau ci-après indique la répartition des 168 cas, en pourcentage
et par catégorie :
Matières Nucléaires
Matières Radioactives
U (fortement enrichi)
Plutonium
U (faiblement enrichi)
U (naturel)
U (appauvri)
Thorium
Sources radioactives et autres, par exemple :
- Source au 137 Cs pour jauges industrielles
- Feuille de 241Am pour détecteurs d’incendie
- Sources médicales au 60Co
9%
56 %
35 %
En 1996, l’AIEA commencera à fournir aux États des résumés trimestriels d’information sur les cas de trafic. Dans un premier temps, le résumé
comprendra tous les incidents enregistrés dans la base de données de
l’Agence qui répondent à la description générale ci-dessus du trafic. Par la
suite, ces résumés contiendront des renseignements sur les nouveaux incidents importants et une mise à jour des renseignements donnés précédemment.
Formation
Les activités de l’Agence qui contribuent à améliorer les systèmes
nationaux de contrôle et de sécurité des sources comprennent l’organisation
de stages de formation, soit assurés par l’Agence en général, soit offerts aux
États Membres pour leur permettre de dispenser eux-mêmes la formation.
Pour qu’un SNCC soit solide, il faut former son personnel et celui des
installations. L’Agence coordonne les programmes internationaux et régionaux
de formation des SNCC parrainés par un certain nombre d’États membres, à
savoir l’Argentine, l’Australie, le Brésil, les États-Unis, le Japon et la Russie.
Deux ou trois programmes sont offerts chaque année au personnel des
services de l’État et au personnel des installations, pour les aider à établir de
nouveaux SNCC ou à améliorer l’efficacité des systèmes nationaux existants.
Plus de 900 personnes au service des États membres ont bénéficié de ces
programmes au cours des 20 dernières années.
Par le biais de son programme de coopération technique, l’AIEA a
administré pendant les 20 dernières années un cours interrégional sur la
protection physique qui a été suivi par plus de 300 personnes originaires de
La coopération et la communication internationales dans la lutte contre 143
le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
divers États membres. ce cours vise à familiariser les spécialistes qui s’occupent de l’établissement de systèmes nationaux intégrés de protection physique
des installations nucléaires avec les principes et techniques modernes, aidant
ainsi les États membres à établir et appliquer leur système national dans les
domaines de l’ingénierie des systèmes, des techniques de pointe et de l’analyse des installations.
Avec l’intensification des activités en matière de protection physique,
l’AIEA offrira des possibilités de formation supplémentaires aux pays désireux
d’améliorer la sécurité des matières nucléaires. Elle a organisé en République
tchèque, en novembre 1995, un cours régional sur la protection physique des
installations et matières nucléaires pour 30 stagiaires de la Fédération de
Russie, des États nouvellement indépendants de l’ex-Union soviétique et des
États membres de l’Europe orientale. C’était la première fois que ce cours était
donné en Europe et la première fois aussi que des services d’interprétation
simultanée et le matériel pédagogique étaient disponibles en anglais et en
russe. Ce cours, ainsi que d’autres, sera organisé à nouveau en 1996 et dans
les années à venir.
Dans le cadre des plans d’appui technique coordonné aux États nouvellement indépendants, une formation étendue du personnel de ces États,
dispensée avec l’assistance des donateurs, est inscrite dans tous les domaines
des activités d’appui à ces pays, notamment en ce qui concerne les dispositifs,
les procédures et l’emploi du matériel.
En 1995, l’AIEA a organisé trois réunions de consultants sur divers
éléments de son programme relatif au mouvement illicite de sources radioactives auxquelles a assisté un consultant de l’Organisation mondiale des
douanes qui souhaitait vivement prendre part à l’élaboration des recommandations. Un groupe a rédigé des recommandations sur le renforcement des
Normes fondamentales et l’amélioration des programmes nationaux concernant la sécurité des sources radioactives. Plusieurs programmes de ce
genre qui ont déjà été réalisés par les États membres étaient décrits à titre
d’exemple dans le rapport. Les conclusions de ce rapport ont été examinées
lors d’une réunion de groupe consultatif tenue en janvier 1996. La deuxième
réunion de consultants tenue en 1995 a rédigé des recommandations sur la
surveillance du mouvement illicite de sources radioactives, spécialement
aux frontières et dans les aéroports. La troisième réunion a élaboré des
recommandations sur la formation du personnel qui est appelé à s’occuper
de la lutte contre le trafic illicite et n’est pas familiarisé avec les caractéristiques des matières d’intérêt national, comme les agents postés aux frontières et le personnel de sécurité des aéroports. Les rapports de ces deux
dernières réunions ont été examinés à la réunion du comité technique de
juillet 1996. Les résultats de certains de ces travaux seront particulièrement
utiles à l’Organisation mondiale des douanes pour la formation des douaniers à la détection du mouvement illicite de matières radioactives et aux
mesures d’intervention à prendre.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
144
Échange d’informations
L’AIEA procède aux travaux préparatoires à la première conférence
internationale sur la protection physique qu’elle organisera à Vienne du 10 au
14 novembre 1997. En outre, et conformément à son rôle important d’organe
de centralisation de l’information technique dans un certain nombre de domaines nucléaires, l’Agence coordonne activement ses activités de protection
physique avec un certain nombre d’États donateurs et d’organismes internationaux.
En juin 1995, l’AIEA a organisé à Vienne une réunion du comité technique sur le transport des matières radioactives. À cette réunion ont pris part les
représentants de 20 États membres ainsi que d’Europol et de l’Organisation
mondiale des douanes. Les participants ont examiné les mesures qui devraient
être prises pour lutter contre le mouvement illicite de ces matières. Plusieurs
recommandations ont été formulées à l’intention de l’AIEA au sujet de la mise
en commun de l’information, de la coordination des activités, de la détection
des matières aux frontières, de l’utilisation de la base de données de l’Agence
sur le trafic illicite et de la notification des incidents.
Pour étudier plus avant ces questions et d’autres qui concernent les
administrations nationales et les douaniers, le Secrétariat a organisé en septembre 1995 une réunion de coordination interorganisations avec la participation des organisations internationales qui s’occupent du mouvement
transfrontière de matières radioactives, y compris les matières nucléaires,
c’est-à-dire, l’ONU, l’Union Européenne (EU), Euratom, Interpol, l’Organisation
mondiale des douanes, Europol, l’Organisation maritime internationale et l’Organisation de l’aviation civile internationale. Cette première réunion devait
servir principalement à un échange d’informations sur les activités de chacune
des organisations dans ce domaine et à déterminer l’appui déjà apporté et à
apporter à l’avenir, aux États dans la lutte contre le mouvement illicite de ces
matières. Etant donné l’utilité de cette réunion, une deuxième réunion élargie
a eu lieu en août 1996.
L’AIEA se tient aussi en relation étroite avec l’Union européenne et
EURATOM. La Commission européenne et ses États membres ont collaboré
étroitement avec l’Agence et d’autres organisations spécialisées dans les
domaines d’intérêt commun de l’Union européenne, des pays d’Europe centrale et orientale et des ex-républiques soviétiques.
Au sujet des plans d’appui technique coordonné, l’AIEA a organisé en
juin 1995 à Vienne une réunion des donateurs pour examiner l’expérience
acquise et définir les domaines dans lesquels il faut apporter une assistance
supplémentaire aux États nouvellement indépendants qui en bénéficient. Les
participants ont encouragé l’Agence à poursuivre ses activités en assurant le
suivi des tâches d’appui par le biais de ses bases de données.
La coopération et la communication internationales dans la lutte contre 145
le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
Interaction entre l’AIEA
et l’Organisation mondiale des douanes
La coopération et la communication entre l’AIEA et l’Organisation mondiale des douanes ont déjà pris une ampleur considérable étant donné la
complémentarité des fonctions qu’elles assument. Les organisations douanières jouent un rôle prédominant pour ce qui est de la détection des mouvements
transfrontières illicites de matières nucléaires et d’autres sources radioactives ainsi
que des enquêtes à mener en la matière, car il est clair qu’elles sont en première
ligne dans la défense contre le trafic illicite. Elles reçoivent un appui des autorités
nationales compétentes, des organismes de réglementation nucléaire, de la police,
etc., selon les structures administratives et exécutives des pays concernés.
L’Organisation mondiale des douanes représente ceux qui, sur le terrain, sont les
principaux responsables de la détection des mouvements non autorisés de
matières radioactives et des interventions dans ce domaine.
L’AIEA sait par ailleurs que certains États fournissent une aide bilatérale
pour renforcer la capacité de certaines organisations douanières par le biais
de formations, de la fourniture de matériel de détection et d’un échange de
visites entre les services douaniers, et elle étudie les moyens d’élargir ce type
d’assistance directe en coopération avec l’Organisation mondiale des douanes.
Afin d’améliorer l’efficacité globale du contrôle et du suivi du trafic illicite
dans le monde, il importe que l’expérience et le savoir-faire acquis par les
services douaniers et par les autorités et les organismes connexes soient
diffusés et mis en commun à l’échelon international. Dans ce contexte, l’AIEA
joue le rôle qui lui revient dans le cadre des efforts internationaux déployés pour
lutter contre le trafic illicite. Par exemple, elle a recours à divers mécanismes
pour le dialogue entre les États et les organismes internationaux, comme
l’organisation de réunions et de conférences, l’élaboration de bulletins d’information et de principes directeurs ainsi que la gestion de la base de données.
Il est important de former toutes les catégories de personnel qui sont
susceptibles d’être confrontées à un mouvement illicite de matières nucléaires.
Dans ce domaine, l’AIEA peut offrir des compétences techniques importantes
en ce qui concerne l’utilisation d’appareils de détection de matières nucléaires
et des sources radioactives, ainsi que les pratiques de sûreté. Elle compte de
très nombreux scientifiques de talent qui peuvent fournir à l’Organisation
mondiale des douanes des avis et une assistance technique concernant tous
les aspects de la science nucléaire et de la protection radiologique. Elle a
directement accès aux connaissances scientifiques et techniques disponibles
dans les laboratoires et les industries de premier plan dans le monde, en
particulier dans le domaine des mesures relatives aux matières nucléaires et
aux sources radioactives. Les modalités pratiques en vue d’un échange d’informations et l’organisation de programmes de formation peuvent être définies
par un accord entre l’AIEA et l’Organisation mondiale des douanes.
L’AIEA est consciente de la nécessité d’harmoniser les travaux des
nombreuses organisations internationales qui s’occupent du trafic illicite.
C’est la raison principale pour laquelle elle a organisé en 1995 la réunion
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
146
de coordination interorganisations mentionnée précédemment sur le mouvement transfrontière illicite de matières nucléaires et de sources radioactives.
Le groupe qui, à la première réunion, se composait de dix organisations
internationales s’est élargi à 17 participants lors de la deuxième réunion
tenue en août 1996.
À l’évidence, il existe un réel besoin de renforcer la coopération entre les
services douaniers, d’autres organismes gouvernementaux et l’AIEA dans ce
domaine. Pour y faire face, l’AIEA collabore avec l’Organisation mondiale des
douanes de plusieurs manières. On citera parmi leurs activités conjointes :
– la mise au point d’un accord entre les deux organisations pour fixer formellement les domaines d’activité actuels et définir les relations de travail futures.;
– l’élaboration d’un document à paraître dans la collection sécurité de l’AIEA
intitulé «.Mesures de lutte contre le trafic illicite de sources radioactives.», qui
donnera aux autorités nationales des orientations générales sur la manière de
renforcer l’application des prescriptions pertinentes des Normes fondamentales internationales et sur l’amélioration des programmes de l’État et des
installations concernant la sécurité des sources radioactives. Ce document fait
actuellement l’objet d’une révision finale et d’une mise au point rédactionnelle
en vue de sa publication.
– l’élaboration d’un document dans la collection sécurité de l’AIEA, intitulé
«.Mesures concernant le suivi et la détection du trafic illicite des sources
radioactives.», qui donnera aux responsables nationaux d’utiles conseils pratiques pour le suivi du mouvement illicite des sources radioactives, spécialement aux frontières et dans les aéroports. Les États membres de l’AIEA ont
tenu une réunion d’examen finale en juillet 1996, en vue de la publication de
ce document au début de l’an prochain.
– la mise au point du matériel pédagogique destiné aux instructeurs nationaux,
qui a été approuvé en février 1996 par le Comité de l’Organisation mondiale
des douanes chargé des mesures d’application. Ce matériel donne des orientations pour la formation du personnel qui n’est pas familiarisé avec les
caractéristiques des matières radioactives, comme les agents postés aux
frontières et le personnel de sécurité des aéroports, mais qui pourrait être
appelé à participer à des actions de lutte contre le trafic illicite de ces matières.
L’Organisation mondiale des douanes cherche actuellement des fonds pour
lancer la mise en œuvre de ce module pédagogique.
Le parrainage conjoint d’un programme pilote comportant l’installation
de matériel ultramoderne de détection des rayonnements dans un ou plusieurs
postes frontières d’un pays donné. Pendant la période d’essai, des experts
donneront aux fonctionnaires nationaux des instructions précises sur le fonctionnement de ce matériel et sur la manière de l’utiliser dans le cadre d’opérations douanières de routine. Ce premier projet pilote fait actuellement l’objet
d’échanges de vues préliminaires.
Par ailleurs, il est prévu que l’AIEA fournira à l’Organisation mondiale
des douanes, à titre gracieux, 175 exemplaires d’une vidéo qu’elle a produite
sur la sûreté du transport des matières nucléaires et elle a accepté de lui fournir
un appui technique pour produire ses propres vidéo sur la contrebande de
matières nucléaires et de matières dangereuses.
On compte que la collaboration entre la communauté nucléaire et les
douanes pourra se développer dans de nombreux autres domaines.
La coopération et la communication internationales dans la lutte contre 147
le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
Regard sur l’avenir
En 1995, le Conseil des gouverneurs et le Secrétariat de l’AIEA ont
continué de définir le rôle que doit jouer l’Agence pour aider les États à
combattre le trafic illicite de matières nucléaires et de sources radioactives. Les
activités retenues par les États membres font intervenir plusieurs départements
de l’AIEA et sont conformes aux tâches qu’elle accomplit traditionnellement, à
savoir la formation, l’appui technique et les conseils, l’échange d’informations
et la coordination et l’identification des besoins.
En 1996, les activités déjà entreprises grâce aux contributions volontaires d’un certain nombre d’États membres concernent ce qui suit : accroissement du nombre de cours sur la protection physique et lancement du Service
consultatif international sur la protection physique.; établissement ou mise à
jour de l’inventaire des sources de rayonnements, avec les encouragements
et l’assistance de 53 États par le biais de projets de coopération technique.;
aider, en cas de besoin, à gérer les sources de rayonnements usées.; aider
certains États et certains postes douaniers aux frontières en leur donnant les
moyens de détecter les mouvements de matières radioactives.; encourager
activement un grand nombre d’États à désigner un correspondant national
chargé de coordonner les questions ayant trait à la prévention du trafic illicite
et aux mesures d’intervention dans ce domaine.
En ce qui concerne la prévention en général, il est à prévoir que l’AIEA,
comme d’autres organisations internationales et les États, augmentera l’assistance aux États ou aux organismes nationaux. En matière de législation et de
réglementation, il existe en général un régime international qui peut servir de
base pour appuyer les États dans leurs efforts de lutte contre le trafic illicite,
mais au niveau national il faut améliorer la situation. En l’occurrence, l’AIEA
appuiera l’appel lancé au sommet de Moscou sur la sûreté et la sécurité en
faveur d’une adhésion universelle à la Convention sur la protection physique
des matières nucléaires et de l’application des recommandations sur la protection physique figurant dans le document INFCIRC/225/Rev. 3. En outre,
l’Agence aidera les États à réaliser leurs programmes pour s’assurer que toutes
les sources radioactives soient réglementées de manière conforme aux normes
fondamentales internationales.
Pour ce qui est de l’appui aux États nouvellement indépendants, on
continue à encourager la fourniture d’une assistance par les États donateurs,
en la ciblant par l’intermédiaire du Groupe international d’experts juridiques, et
l’on prévoit que des programmes de coopération seront en place dans les États
nouvellement indépendants avant la fin de 1996. Ces États eux-mêmes soulignent l’urgente nécessité d’améliorer les structures en matière de législation
nucléaire, qui englobe tous les domaines de l’activité nucléaire, et les pays
donateurs offrent l’assistance demandée dans le cadre d’une coopération. La
nature particulière du travail de législation, dont l’objectif est d’établir les
fondements du contrôle par l’État des activités nucléaires, incite à coordonner
les moyens de soutien, tant entre États donateurs qu’avec l’AIEA. On cherche
aussi à harmoniser les lois et réglementations nucléaires en tenant compte des
dernières exigences en matière de sûreté et d’assurance de qualité.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
148
Dans le domaine de l’intervention, tout au moins pour les matières
nucléaires sensibles (c’est-à-dire l’uranium fortement enrichi et le plutonium
séparé), les autorités nationales devraient informer immédiatement les autres
États, les organisations internationales de répression et les services douaniers
du vol ou de la disparition de ces matières. En ce qui concerne la base de
données sur le trafic illicite, on a déjà commencé à appliquer les mesures visant
à améliorer la fiabilité et la rapidité de communication de l’information. Il est
demandé aux États membres de modifier ou de corriger les informations
recueillies auprès des sources publiques. De même, on examine le mécanisme
de communication entre l’AIEA et les États membres afin de pouvoir transmettre plus rapidement les informations.
L’AIEA continuera d’encourager une coopération internationale étroite
pour l’élaboration et l’application de mesures visant à prévenir et détecter les
cas de trafic illicite et à intervenir. Les activités de formation et d’amélioration
décrites ci-dessus devraient être menées à bien dès que possible et des
«.Pratiques de sûreté.» seront établies aux fins des cours et comme documents
de référence par tous les États membres qui souhaitent renforcer leurs programmes de lutte contre le trafic illicite.
Le succès du programme de lutte contre le trafic illicite de l’AIEA dépend
de la coopération et de la coordination entre les États et les organisations
internationales pour éviter les doubles emplois et les chevauchements dans
les activités. Le partenariat entre l’AIEA et les autorités nationales et internationales chargées des douanes et de la répression tient une place essentielle
dans ce programme.
La coopération et la communication internationales dans la lutte contre 149
le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
Summary
International cooperation in the struggle against traffic
of nuclear and other radioactive substances
Svein Thorstensen
The Nuclear Energy International Agency aims to help states to combat illicit trafficking of
nuclear substance and other radioactive substances. States, however, remain directly
responsible of security, manipulation, control, and accounting of these substances in a
strict legal framework. The Agency develops its own missions, plays a major role in
energizing inter-state cooperation, and harmonizes work of many international organizations coping with illicit trafficking.
Actions in favor of new independent countries from former Soviet Union are particularly
important, and are decided thanks to the opinion of an international council of legal experts.
The mandate given in 1995 to the Agency by the Council of governors and by the General
Conference in nuclear substance illicit traficking, is structured round four main themes:
–as far as prevention is concerned, the Nuclear Energy International Agency helps states
to conceive efficient legal norms, and provides advices for physical protection, accounting
and control of nuclear substances and their movement,
–the Agency intervenes to allow states to detect movements accross the borders, and
analyze seized nuclear or radioactive substances. New information is regularly provided
to the new database on illicit trafficking, so that states and medias could have an accurate
and reliable information at their disposal, in a short delay,
–thanks to those numerous contacts with first rate laboratories and industries, thanks to
its technical competency and to the support of its many talented scientists, the Agency
plays a major role in training. It organizes and conducts numerous training courses for all
kinds of personnel that might be concerned with illicit movements of nuclear substance,
–it also watches over the exchange of information in international and inter-organization
conferences. It must be emphasized that the cooperation between the Agency and world
customs organization was set according to the complementarity of their respective
functions.
The Agency intends to carry on and intensify its programs, and proceeds to the preliminary
work of the first international conference on physical protection, that will take place in
Vienna in november 1997.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
150
Resumen
La cooperacion internacional en la lucha contr el trafico
de materias nucleares y otras fuentes radioactivas
Svein Thorstensen
La Agencia Internacional de Energía Atómica tiene por misión ayudar a los estados a
combatir el tráfico ilícito de materias nucleares y de fuentes radioactivas. Los países, en
efecto, son directamente responsables de la seguridad, manipulación, control y compatibilidad de estos productos en un marco reglamentario estricto. La Agencia desarrolla
misiones propias y ocupa un rol preponderante en la promoción de la cooperación entre
organismos y países, y permitiendo la armonización de los trabajos de las numerosas
organizaciones internacionales que se ocupan del tráfico ilícito.
Las acciones desarrolladas, a su pedido, en favor de los nuevos países independientes
surgidos de la ex Unión Soviética son particularmente importantes y están bien orientadas
gracias a un grupo internacional de expertos jurídicos.
El mandato recibido por la Agencia en 1995 de parte del Consejo de Gobernadores y de
la Conferencia General en materia de tráfico ilícito de materias nucleares se articula
alrededor de cuatro ejes principales :
•En el marco de la prevención, la AIEA ayuda a los estados a establecer normas
legislativas eficaces y suministra asesoramiento en el dominio de la protección física, de
la contabilidad y del control de materia nucleares y de sus movimientos.
•La Agencia interviene para permitir a los estados una mejor detección de los movimientos
a través de sus fronteras y el análisis de las materias nucleares y de las fuentes
radioactivas confiscadas. La nueva base de datos sobre el tráfico ilícito es regularmente
actualizada a fin de poner a disposición de los estados y de los medios de comunicación
informaciones precisas y confiables sobre los incidentes de tráfico, lo más rápidamente
posible.
•Gracias a sus numerosos contactos dentro de los laboratorios y de las industrias de
primer nivel, gracias a sus competencias técnicas y apoyándose en sus numerosos
científicos talentosos, la AIEA ocupa un rol preponderante en materia de formación.
Asegura la organización y la animación de pasantías desatinadas a todas las categorías
de personal susceptibles de verse enfrentadas a movimientos ilícitos de materias nucleares.
•Se ocupa también del intercambio de información en el marco de reuniones y conferencias internacionales y entre organismos. Al respecto, se debe subrayar la cooperación
entre la AIEA y la Organización Mundial de Aduanas que ha sido puesta en funcionamiento
teniendo en cuenta la complementaridad de sus funciones.
La AIEA proyecta continuar e intensificar sus programas y procede actualmente a los
trabajos de preparación de la I Conferencia Internacional sobre la Protección Física, que
organizará en Viena en noviembre de 1997.
La coopération et la communication internationales dans la lutte contre 151
le trafic illicite des matières nucléaires et d’autres sources radioactives
L’action de l’ICOM
dans la lutte contre le trafic
illicite des biens culturels
Elisabeth Des Portes,
secrétaire général du Conseil international des musées (ICOM),
organisation
non gouvernementale rattachée à l’Unesco
des biensL’action
culturelsde l’ICOM dans la lutte contre le trafic illicite
Le Conseil international des musées est une organisation internationale
non gouvernementale (ONG) dont le siège est à Paris auprès de l’Unesco avec
lequel il entretient des relations formelles d’association.
Le Conseil international des musées regroupe plus de 14.000 professionnels sur les cinq continents travaillant dans les musées et les institutions
patrimoniales.
Son objectif est la promotion des musées et de la profession muséale,
dans une définition très large de l’institution, qui englobe patrimoine culturel et
naturel.
Les membres de l’ICOM travaillent depuis 50 ans à faire du musée
l’institution vivante qu’elle est désormais en échangeant de l’information, des
expériences, en élaborant des projets conjoints et des normes internationales.
Ils sont également attachés à préserver et à défendre le patrimoine de
l’humanité et, devant les menaces que le trafic croissant des biens culturels
leur fait courir, ils mènent depuis plusieurs années une politique active dans ce
domaine.
Un phénomène mondialement répandu
L’état de la situation démontre que le trafic illicite des biens culturels
atteint l’ensemble des pays de la planète. Contrairement aux idées reçues, ce
ne sont pas seulement les pays en voie de développement qui en sont les
victimes mais aussi l’ensemble des pays développés.
En Europe, ce sont les églises ou les châteaux qui sont les proies les
plus faciles pour les voleurs. Quelques grands musées (le Louvre à Paris
notamment) ont dû renforcer leurs mesures de sécurité après avoir subi
plusieurs vols. Les galeries et collections privées sont de plus en plus
souvent «.visitées.». La situation instable des pays de l’ex-URSS a amené
vers les antiquaires de l’Ouest nombre d’objets sortis de façon illicite. Des
manuscrits de grande valeur ont été volés à la Bibliothèque nationale de
Saint-Pétersbourg...
Mais la situation est plus grave encore dans les pays en voie de
développement.
Après avoir longtemps été dépouillés de leurs objets ethnographiques
par les visiteurs de passage, les missionnaires ou les résidents étrangers, les
pays de l’Afrique sub-saharienne sont désormais la proie des pilleurs de sites
archéologiques et connaissent la situation des sites égyptiens. La vallée du
Niger notamment est particulièrement atteinte, au point que certains archéologues ont pu dresser des cartes des pillages : au Mali par exemple, on estime
que plus de 70.% des sites archéologiques dans certaines régions ont été
détruits par des fouilles clandestines.1. Il en est de même d’autres sites
archéologiques importants comme les sites Sao du Tchad.
Des fouilles scientifiques parviennent cependant à se faire mais c’est
lorsque les archéologues prennent la précaution de les garder secrètes et de
n’en publier les résultats que lorsqu’ils estiment leur travail terminé. C’est le cas
des fouilles exemplaires menées au Niger, sur le site du Bura en 1983,.2 qui
ont dégagé sur plusieurs centaines de mètres carrés une vaste nécropole
datant du 2e au 11e siècle.
Dans les pays où le tourisme est développé, le trafic peut toucher
d’autres formes de patrimoine : au Kenya et en Tanzanie, le mobilier en bois,
les fameuses portes sculptées de la côte est de l’Afrique sont très prisés des
acheteurs occidentaux. Il en est de même des portes de greniers collectifs
marocaines ou des statues funéraires Sakalava de Madagascar.
Les musées eux-mêmes, garants de l’authenticité des objets, sont
désormais la proie des voleurs, du fait probablement de la circulation de
«.faux.» de meilleure qualité. En l’espace de dix-huit mois, en 1994 et 1995,
les trois grands musées du Nigéria, à Ife, à Jos et à Ibadan ont subi des vols
majeurs : 34 pièces volées à Ife en novembre 1994, 9 pièces volées à Jos en
janvier 1995.3 Le musée d’Ibadan a été entièrement vidé de ses collections –
mises en réserve lors du réaménagement du musée – au cours de deux vols
successifs.
En Amérique latine, les «.professionnels.» des pillages sont baptisés
«.vaqueros.» : pilleurs de tombes. Leurs méthodes sont bien connues : pioches
et dynamite. Ils recherchent essentiellement les objets en terre cuite, métal
précieux ou pierres semi-précieuses et sévissent dans toute l’Amérique Centrale.
L’ampleur de ce phénomène peut être illustrée par le cas de l’Equateur
qui récupéra, en 1983, 9.236 pièces archéologiques sorties illicitement du pays
et en possession d’un seul collectionneur italien.4
1. Prospections de sites archéologiques dans le delmta intérieur du Niger, Mamadi Dembele, Annette
M. Schmidt, G. Diderik Van Der Waals, in Vallées du Niger, catalogue de l’exposition présentée à Paris,
octobre 1993-janvier 1994, RMN 1993 ISBN 2-7118-2778-X – P. 218-232.
2. Un village des morts à Bura en République du Niger. Un site méthodiquement fouillé fournit
d’irremplaçables informations. Boubé Gado. in idem, p. 365-374.
3. «.Cent objets disparus. Pillage en Afrique.», ICOM/1994/SBN 92-9012-017-7 p. 96, 97, 101, 113.
4. «.Le trafic illicite des biens culturels en Afrique.». ICOM 1995. ISBN 92-9012-220-X.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
154
Les vols atteignent aussi les musées, particulièrement les petits musées
de sites comme le musée d’Inga Pirca, le seul site inca de l’Equateur, mais
aussi les musées situés dans des villes de moyenne ou grande importance :
le musée Nicolas Avelladana de Tucuman (Argentine), mais aussi le musée
anthropologique de Mexico.
Dans toute l’Amérique latine, par ailleurs, les églises sont systématiquement pillées : objets sacerdotaux, sculptures et peintures religieuses alimentent
le marché de l’art.
On retrouve la même situation en Asie où le pillage des sites archéologiques alimente lui aussi le marché de l’art à Hong Kong, au Japon puis en
Europe et aux États-Unis.
Au Cambodge, le Roi Norodom Sihanouk a souhaité interpeller la
communauté internationale car il considère que les temples d’Angkor ont été
davantage abîmés par le pillage au cours de ces dix dernières années que
pendant tout le reste de leur histoire.
Les objets archéologiques chinois, de leur côté, se retrouvent en si grand
nombre chez les antiquaires européens qu’Interpol a décidé d’envoyer une
mission sur place.
Les motivations scientifiques
et déontologiques de l’ICOM
Les raisons pour lesquelles l’ICOM s’est toujours engagé dans cette lutte
aux côtés de l’Unesco sont de plusieurs ordres.
Sur un plan scientifique tout d’abord, les pillages dont sont victimes le
sites archéologiques empêchent toute interprétation des objets. Hors de leur
contexte, ils sont incapables de livrer l’information qui permettra d’en dégager
une signification pour l’histoire.1. Dramatique pour de nombreux pays, ce
phénomène l’est plus encore pour l’Afrique qui possède peu d’archives écrites :
sans les découvertes issues des fouilles archéologiques, la mémoire du
continent va s’éteindre et il sera à tout jamais impossible de reconstituer son
histoire. C’est à ce titre que certains ont pu parler de «.génocide culturel.».
Sur le plan déontologique par ailleurs, l’ICOM a toujours souhaité avoir
une position claire. Son code de déontologie, adopté en 1986, dispose qu’«.un
musée ne doit acquérir aucun objet... sans que... le responsable du musée ne
soit assuré que le musée peut obtenir un titre de propriété en règle [et]... que
cet objet n’a pas été acquis dans, ou exporté de son pays d’origine... en
contrevenant aux lois de ce pays.». Les dispositions qui précèdent concernant
les acquisitions valent également pour les expositions. Chaque membre de
l’ICOM est invité à adopter ce code en devenant membre de l’Organisation.
Traduit en 16 langues, il sert désormais de référence internationale.
1. Ecuador, al rescate de su pasado. Hernan Crespo Toral. Cultura n 16, Banco Central del Ecuador,
p. 293-339.
L’action de l’ICOM dans la lutte contre le trafic illicite
des biens culturels
155
Le Code de déontologie rappelle également les règles de respect mutuel
qui doivent régir les relations des professionnels de musée entre eux. Elles
sont essentielles pour la collaboration internationale nécessaire à la lutte contre
le trafic illicite : les appels lancés à la communauté internationale par les
professionnels africains pour que cesse l’hémorragie de leur patrimoine hors
du continent.1 ou l’appel lancé à la tribune de l’ONU en 1991 par le Prince
Norodom Ranarridh.2 en sont les témoins. Le comité de l’ICOM pour la
déontologie a ainsi été saisi de plusieurs cas au cours des récentes années et
a rappelé à certains musées les principes du code. Ceci explique d’ailleurs la
position de l’ICOM vis-à-vis du marché de l’art dont nous souhaiterions qu’il se
moralise et adopte, lui aussi, un code de déontologie. Nous considérons en
effet que le marché de l’art constitue un complément à l’action culturelle des
musées puisque le particulier en devenant acquéreur – et qui sait.? collectionneur – contribue lui aussi à la préservation et à la promotion du patrimoine.
Mais pour qu’il continue à se porter acquéreur, il doit pouvoir le faire dans les
meilleures conditions de sécurité, alors que le marché de l’art constitue aujourd’hui le seul secteur de la vie économique où l’on a 90.% de chances de
devenir receleur.
L’action en faveur des législations
Depuis l’adoption de la Convention de l’Unesco de 1970, à l’élaboration
de laquelle il fut étroitement associé, l’ICOM est intervenu auprès de ses
comités nationaux pour qu’ils incitent leurs gouvernements à la ratifier. Les
professionnels de musée sont en effet les premiers intéressés à faire adopter
par les politiques et les législateurs de leurs pays les conventions internationales : leur action est déterminante dans ce domaine. Une pression particulière
s’est exercée plus récemment sur un certain nombre de pays européens dont
la majorité n’a pas ratifié la convention : le ministre français de la Culture s’est
engagé en 1995 à ce que la convention soit ratifiée dans les mois qui viennent,.3
plusieurs démarches ont été faites par la Suisse, preuve qu’après 25 ans, il
n’est toujours pas trop tard pour obtenir gain de cause sur ce sujet.
L’ICOM s’est attaché à mieux faire connaître le décret d’application pris
par les États-Unis, seul grand pays du marché de l’art à avoir ratifié la
Convention de l’Unesco. Ce décret permet aux pays qui ont eux-mêmes ratifié
la convention d’interdire sur le sol américain la vente d’objets de leur patrimoine,
en particulier issus de fouilles clandestines..4 Ce décret, insuffisamment connu
des pays «.exportateurs.» (et dont la gestion est confiée au Cultural Property
Advisory Committee qui dispose de trop peu de moyens pour le promouvoir de
1. Communications présentées lors de l’atelier Unesco-ICOM sur le trafic illicite des biens culturels en
Amérique latine, septembre 1995, Cuenca (Equateur).
2. Dillettantisme et pillage : trafic illicite d’objets d’art ancien au Mali. Roderick McIntosh. Museum n
149, 1986, p. 49-57.
3. Appels d’Arusha (1993) et de Bamako (1994), in «.Le trafic illicite des biens culturels en Afrique.»,
ICOM/EFEO 1993, ISBN 92-9012-220X.
4. Appel relayé par le Roi Norodom Sihanouk dans «.Cent objets disparus. Pillage à Angkor.» p. 6-7,
ICOM/EFEO 1993, ISBN 92-9012-015-0.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
156
façon satisfaisante) n’a donné lieu à des accords qu’avec quatre pays latinoaméricains, El Salvador, Bolivie, Pérou, Guatemala, et un pays africain, le Mali.
Par bonheur, l’évolution des mentalités ainsi que les règles posées par
les codes de déontologie ont amené ces dernières années une refonte des
législations qui tendent à renverser la charge de la preuve : l’acquéreur d’un
bien culturel ne pourra plus désormais être considéré de bonne foi (la notion
de bonne foi étant l’une des faiblesses reprochées à la Convention de l’Unesco)
s’il ne fait pas preuve de sa «.diligence.». La directive européenne de 1993 et
la Convention d’Unidroit de 1995 vont toutes deux dans ce sens : elles
représentent une avancée importante.
Comme pour la Convention de l’Unesco, l’ICOM s’est engagé à encourager
la ratification de la Convention d’Unidroit auprès de ses comités nationaux..1
Le travail des Comités internationaux
Les professionnels du patrimoine ont la charge du travail en amont
nécessaire à la protection des biens culturels. Au sein de l’ICOM, plusieurs
comités internationaux constituent un lieu d’échanges où l’information sur les
avancées de chaque discipline peut circuler. Quatre d’entre eux sont plus
spécifiquement destinés à assurer la protection des collections.
La sécurité des collections repose sur une formation appropriée de
l’ensemble des personnels de musée. Depuis sa création en 1946, l’ICOM a
œuvré en faveur d’une professionnalisation des personnels qui veillent sur le
patrimoine et le protègent.
Le comité de l’ICOM pour la formation du personnel dans les musées
(ICTOP) a publié un Syllabus détaillant les différentes formations à assurer
pour une bonne gestion du musée et de ses collections. Il recense les
différentes formations proposées aux niveaux national et international et en
assure la diffusion.
Les inventaires constituent une étape indispensable à la sécurité des
collections. Pour de trop nombreux musées encore, ces inventaires sont
inexistants ou lacunaires. Or, seule la fiche d’inventaire pourra à la fois prouver
l’appartenance d’un objet au musée et aider à son identification.
Le CIDOC (Comité international de l’ICOM pour la documentation) aide
les musées à établir leurs inventaires. Grâce à l’activité de ces groupes de
travail internationaux qui œuvrent à l’élaboration de normes professionnelles
internationales, une première liste de normes d’information minimales ou
«.champs.» a été établie en 1978 et publiée dans la revue de l’Unesco Museum
afin d’être diffusée à l’ensemble des professionnels. D’autres groupes de travail
coordonnent le vocabulaire et la terminologie, créent des listes de catégories
spécifiques d’objets et analysent l’information que les musées utilisent pour la
gestion, la recherche, l’exposition et la conservation des objets. Cette collabo1. Débat du 26 juillet 1995 à l’Assemblée Nationale, Paris, France.
L’action de l’ICOM dans la lutte contre le trafic illicite
des biens culturels
157
ration professionnelle est indispensable à l’échange d’information sur un plan
international, seule clef pour l’établissement d’un réseau efficace.
En plus de ce travail théorique, l’ICOM a entrepris, entre 1992 et 1995,
de répondre concrètement aux besoins exprimés par un certain nombre de
pays en matière de documentation et d’inventaires. Dans le cadre du programme AFRICOM, programme de l’ICOM pour l’Afrique, un projet pilote de
standardisation des inventaires de collections a été mis en place. Six musées
se sont portés candidats pour jouer un rôle régional d’incitation et de formation :
ils collaborent ensemble au projet commun de standardisation, reçoivent dans
ce cadre des équipements et une formation et s’engagent à disséminer le projet
dans les autres musées de leur pays et de la sous-région. Le même type de
projets devrait intervenir dans les prochains mois en Amérique latine et dans
les pays arabes.
La mise en place dans les musées de mesures de sécurité – qu’elles
fassent ou non appel à des technologies avancées – permet une protection
utile contre le vol.
Le Comité international de l’ICOM pour la sécurité dans les musées
(ICMS) se consacre à la publication de directives internationales de sécurité,
à des missions de formation des personnels d’encadrement. Au cours de ses
réunions annuelles, les mesures préventives et les systèmes de protection sont
analysés et les expériences partagées.
Dans de nombreux pays, le patrimoine culturel n’est pas présenté dans
un musée : il est encore conservé par les communautés qui l’ont produit. Il en
est de même du patrimoine naturel. Il convient donc de sensibiliser les populations à l’importance de ce patrimoine, gardien de leur identité culturelle. La
tâche consistera donc pour les professionnels à se rapprocher de ces communautés et à engager une collaboration.
C’est un des thèmes de travail du Comité international de l’ICOM pour
l’éducation et l’action culturelle (CECA) dont les membres constituent le personnel de musée spécialisé dans l’interprétation et la médiation des œuvres
auprès du public.
De la même manière, la protection des sites archéologiques déjà – ou
pas encore – fouillés par des archéologues professionnels requiert-elle la
mobilisation des populations locales, considérées comme les seuls gardiens
efficaces de ce type de patrimoine.
Les ateliers avec les policiers et les douaniers
Depuis quelques années, l’Unesco et INTERPOL, de façon à améliorer
l’application de la convention de 1970 sur les moyens d’interdire et d’empêcher
l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels,
réunissent les professionnels du patrimoine en ateliers régionaux. Un représentant
de l’ICOM fut aussi invité à participer aux ateliers organisés en Thaïlande en
février 1992, au Cambodge en juillet 1993, en Hongrie en mars 1993.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
158
En septembre 1993, l’ICOM a décidé de s’associer plus activement à
ces initiatives et de lever des fonds pour pouvoir réunir, à l’occasion de ces
ateliers, les professionnels de musée, ceux de la police et ceux des douanes.
De cette façon, une collaboration nationale peut s’instaurer entre les représentants de ces trois professions puis une collaboration régionale avec leurs
homologues des autres pays. Cette collaboration, en mettant en place des
équipes directement intéressées à la protection du patrimoine, permet d’améliorer considérablement la situation sur le terrain.
Le premier atelier de ce type jamais tenu en Afrique a eu lieu en Tanzanie
en septembre 1993. Le second s’est tenu au Mali en 1994, le troisième a eu
lieu au Zaïre en juin 1996.
Le premier atelier tenu en Amérique latine a eu lieu en septembre 1995.
Les publications
Un certain nombre d’organismes publient et diffusent des photos d’objets
volés : INTERPOL et l’Unesco en premier lieu, l’IFAR aux États-Unis, le
magazine Trace au Royaume-Uni, différentes revues scientifiques comme
Minerva aux États-Unis ou catalogues de ventes comme la Gazette de Drouot
à Paris.
Les Nouvelles de l’ICOM, bulletin trimestriel diffusé gratuitement aux
12.000 membres de l’ICOM dans le monde entier, reproduisent des photographies et des notices d’objets disparus ayant été répertoriés par INTERPOL.
Récemment, plusieurs objets d’art japonais volés en 1989 au Tikotin
Museum d’Haïfa (Israël) et une tête d’homme en bronze volée au Musée
national du Nigeria.1 ont été retrouvés grâce à la rubrique «.Patrimoine.» des
Nouvelles de l’ICOM.
Compte tenu de ces succès, l’ICOM a souhaité renforcer cette politique
en publiant une série intitulée «.Cent objets disparus.» qui serait largement
diffusée aux professionnels de musée, aux services de police et des douanes,
aux professionnels du marché de l’art, salles des ventes et galeries. Le premier
numéro, consacré à Angkor, est sorti en septembre 1993. Le second numéro,
paru en 1994, est consacré au pillage en Afrique. Quatre autres numéros sont
en préparation : pour l’Amérique latine, l’Europe, les pays arabes et l’Asie.
L’objectif de ces publications est de constituer à la fois un outil d’information et de sensibilisation, le titre de la série indiquant bien qu’au-delà des
objets publiés, c’est l’ensemble du patrimoine dont ils sont les représentants
sur lequel nous souhaitons attirer l’attention.
Outil d’information pour les professionnels de musée tout d’abord, dont
le premier devoir est d’exercer la plus grande vigilance sur les acquisitions ou
les donations faites à leur musée. Très vite, nous nous sommes aperçus que
ce travail n’était pas inutile puisque dans les musées les plus informés, notre
1. Convention on Cultural Property Implementation Act (P.L. 97-446).
L’action de l’ICOM dans la lutte contre le trafic illicite
des biens culturels
159
publication avait joué son rôle : ainsi au Métropolitain Muséum of Art de New
York – qui nous le fit savoir immédiatement – fut retrouvée une tête khmère
publiée dans «.Pillage à Angkor.». La demande de restitution faite par le
gouvernement du Cambodge a reçu une réponse favorable de ce musée,
conformément aux exigences du code de déontologie de l’ICOM.
Outil d’information pour le marché de l’art également. Deux mois après
notre première publication, un antiquaire parisien restituait une statue khmère.;
plus tard, deux autres objets vendus par Sotheby’s à Londres et à New York
étaient formellement identifiés et ont fait depuis l’objet de demandes de
restitution de la part du Cambodge. Malgré la collaboration reçue de Sotheby’s,
nous regrettons que leurs «.experts.» semblent si peu informés et laissent une
maison de renom proposer à la vente des objets qui sont notoirement victimes
de pillages systématiques.
Des succès semblables aux précédents ont été également enregistrés
depuis la publication de «.Pillage en Afrique.», deuxième numéro de la série.
Une statue malgache a été restituée par un antiquaire parisien, six autres ont
été saisies à Bruxelles. Une statue Bété volée au Musée national d’Abidjan a,
elle aussi, retrouvé le chemin de son musée. Une statue Bankoni du Mali a été
saisie à Paris. Un masque Nalindele volé au musée de Livingstone a été saisi
par la police belge.
Même symboliques, les restitutions parfois rapides obtenues des antiquaires montrent qu’un souci plus grand de transparence se fait jour. Il est vrai
que notre collaboration étroite avec INTERPOL et les polices nationales
contribuent à nous faciliter les contacts.
Ces publications nous ont également permis d’atteindre un public plus
large. La presse écrite, radio et télévision diffusée s’est fait l’écho de nos
préoccupations : elle nous permet de toucher l’opinion publique, seule capable
de pouvoir faire sensiblement évoluer certaines pratiques. Nous sommes de
plus en plus aidés dans cette démarche par les expositions des musées
eux-mêmes qui, lorsqu’elles présentent un patrimoine qu’elles savent menacé,
attirent l’attention des visiteurs sur ce phénomène. Ce fut le cas de l’exposition
«.Vallées du Niger.» présentée entre 1993 et 1994 à Paris (France), Leyde
(Pays-Bas), puis, pour la première fois dans l’histoire d’une exposition d’art
africain, dans les six pays africains concernés.
La politique de lutte contre le trafic illicite des biens culturels ne peut
porter ses fruits qu’à long terme. Ce n’est que par une action patiente auprès
des «.acteurs.» – musées, police, douanes, marché de l’art – que des résultats
pourront être obtenus.
Elle suppose un changement des mentalités qui ne pourra s’opérer que
par une sensibilisation de l’opinion publique.
La mobilisation réalisée autour de la vente de l’ivoire ou de la conservation de certaines espèces en danger devrait pouvoir être obtenue également
pour les biens culturels qui conservent la mémoire et l’identité des nations.
C’est en tout cas la profonde conviction de notre Organisation qui s’est
résolument engagée dans ce combat dont l’enjeu sera au XXIe siècle la survie
du patrimoine.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
160
Summary
The action of ICOM in the combat against illicit traffic
of cultural possessions
Elisabeth Des Portes
The International Council of Museums, created in 1946, gathers 14,000 professionals
working in museums and patrimonial institutions on the five continents; its objective is the
defence of the cultural and natural heritage of humanity, presented as a real issue of the
XXIth century. It is a non governmental organisation based in Paris near Unesco.
The illicit trafficking of cultural possessions is booming and affects every country on the
planet. Still, the most targeted countries are the most fragile, namely the developing
countries. Their museums, churches and archaeological sites are the object of systematic
pillage. Latin America and Asia show unfortunate examples. This situation which is
dramatic for many countries, is exacerbated as far as the African continent is concerned,
where it is described as “cultural genocide”.
Motivated by scientific and ethical considerations, the range of reprisals proposed by ICOM
is very wide. On one hand, to act on legislation trying to make them evoluate and to have
them implemented, even in the European countries of the Art Market. On the other hand,
to provide an appropriate training to the museums personnel, tending to aim at a
professionalisation of those who are in charge of keeping and protecting the patrimony.
ICOM is helping more and more museums in the realisation of inventories which are
indispensable to the security of collections, and is working towards the elaboration of
international professional norms.
In parallel to this indispensable theoretic work, ICOM gives concrete answers to the needs
expressed by several countries concerning documentation, inventory and the setting of
security measures, whether technological or nor.
It also follows a policy of raising awareness and mobilisation of local populations, as they
are the sole guardians of the archaeological sites and of the natural heritage.
ICOM assists and supports the generalisation of the partnership between the museum
staff and the Police and Customs, enabling a true collaboration on the terrain.
ICOM’s active policy of publication, which is complementary to those of INTERPOL and
Unesco, and which addresses the art professionals, the Police and Customs, answers the
same concern for awareness and information.
As a whole, this active long-term policy has already begun to be fruitful. Efforts still need
to be made towards transparency, awareness of public opinion, evolution of mentalities,
and leading of partnership policies, in order to limit this trafficking phenomenon.
Survival of the world patrimony depends on it.
L’action de l’ICOM dans la lutte contre le trafic illicite
des biens culturels
161
Resumen
Accion del ICOM en la lucha contra el trafico ilicito
de bienes culturales
Elisabeth Des Portes
Reagrupando catorce mil profesionales que trabajan en los museos y en las instituciones
patrimoniales de los cinco continentes, el ICOM (Consejo Internacional de Museos),
creado en 1946, tiene como objetivo la defensa del patrimonio cultural y natural de la
humanidad, presentada como una verdadera clave del siglo XXI. Se trata de una
organización no gubernamental con sede en la Unesco (París).
El tráfico ilícito de bienes culturales se encuentra en plena expansión y afecta al conjunto
de los países del planeta. Son sin embargo los países más frágiles, en vías de desarrollo,
los más afectados por este fenómeno. Sus museos, sus iglesias y sus sitios arqueológicos
son objeto de saqueos sistemáticos. América Latina y Asia han suministrado tristes
ejemplos. Dramática para numerosos países, esta situación es aún más grave en el
continente africano, donde se habla incluso de «.genocidio cultural.».
Motivado por consideraciones científicas y éticas, el abanico de respuestas puestas en
práctica por el ICOM es muy amplio. Por un lado, actuar sobre las legislaciones tratando
de hacerlas evolucionar y aplicar, incluso en los grandes países europeos del mercado
del arte. Por otro lado, asegurar una formación apropiada al conjunto del personal de los
museos, tendiendo hacia la profesionalización de los encargados de vigilar y proteger el
patrimonio. El ICOM ayuda además a los museos en la realización de sus inventarios,
indispensables para la seguridad de las colecciones, y trabaja en la elaboración de normas
profesionales internacionales.
Paralelamente a este indispensable trabajo teórico, el ICOM responde concretamente a
las necesidades expresadas por numerosos países en materia de documentación, inventario e implementación de reales medidas de seguridad, tecnológicas o no.
Una política de sensibilización y de movilización de las poblaciones locales, únicos
guardianes de los sitios arqueológicos y de patrimonio natural, también es llevada a cabo.
El ICOM apoya la generalización de la cooperación entre profesionales de los museos,
policía y aduanas, permitiendo así un verdadero trabajo sobre el terreno.
La activa política de publicación del ICOM, complementaria de la de INTERPOL y la
Unesco, dirigida a los profesionales del arte, de los servicios de policía y de la aduana,
responde a esta misma necesidad de sensibilización y de información.
El conjunto de esta política activa comprometida con el largo plazo ha rendido ya sus
frutos. Todavía quedan esfuerzos por realizar en favor de la transparencia, de la sensibilización de la opinión pública, de la evolución de las mentalidades y de la conducción de
políticas de cooperación, con el fin de limitar el fenómeno de tráfico. De esto depende la
supervivencia del patrimonio mundial.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
162
Organized crime
in the former USSR
Serguei Avdienko,
Russian liaison officer at OIPC-InterpolOrganized crime in the former USSR
Historical background of organized crime
in the ex-ussr
To start with, for no special reason at first glance, let me tell you a very
old joke (from communist times):
Two Soviets are talking: –One of them says– “I think we live in the richest
country in the world and you know why? Because over 70 years they pull apart
the country but there is still a lot to steal”.
Let’s try together to find out who and how and in which proportions took
part in the past and is taking part nowadays in this “pulling apart” of this biggest
in the world and seems to be really rich country. Further on, also with no special
reason, let me remind you of a definition of the organized crime well accepted
in the international criminological literature, but to remind it with two small
remarks: first, this definition is used in the scientific literature, and second, this
definition suits everybody.
“An organization or a group of persons involved in lasting outlaw activity
and having maximum profit as the primary goal of such activity, regardless of
its kind, is an organized criminal group and its activity, is a manifestation of
organized crime”.
To tell more, the disgraceful task of defining the phenomenon of organized crime has fed for many years numerous tribes of scientists-criminologists,
but as it seems has not yet been fulfilled and still will be a source for numerous
scientific debates between theoretical criminologists in the years to come.
But when it comes to the side of practical law enforcement, and police
at first hand, they simply do not have time for long researches in defining this
phenomenon because they are confronted by its manifestations in their daily
practice and sometimes even find themselves lagging behind the speed and
variety of its new developments. Needless to say also that legislative adjustment to its new forms always goes behind the practical law enforcement, which
is the case in almost all ex-USSR countries. In quite a few of them there is
existing law on organized crime, though in most of them drafts have been done
already from 3 to 5 years ago. One of the latest drafts submitted to the Russian
Parliament dates of 25th July 1995, has even passed the first hearing in both
its chambers, but has not yet become a law. It may have to do something with
the above mentioned scientific debates?
This is why law enforcement practitioners in that part of the world (in the
absence of relevant legislation) have to use a set of principal features defining
between common and organized crime and then apply the norms of existing
common criminal code and relevant Acts of executive power in the country. The
one accepted in Russia, and in the most of other ex-USSR countries, includes
the following main features:
existing stable group of criminals with:
–hierarchical structure with different levels of commandership;
–specific membership rules based on secrecy;
–management of group’s activities based on fixed rules and customs;
–possession of considerable financial means for criminal activity;
–sharing of spheres of influence and activity based on territory or a kind of
criminal activity;
–use of intelligence and counterintelligence methods while conspiring (preparing) and committing crime;
–use of violence and/or corruption to reach the goals of crime.
Let me now throw another ball, which again at first sight has not much
in common with the main topic I am going to cover. I refer to the semantics of
the word “Mafia”.
The spelling and pronunciation of this word is almost the same both in
Russian and English languages. This fact may lead a “westerner” to a meaning
of this word common in the Western hemisphere. A positive reply to the question
“whether a Soviet or Red or Russian Mafia exists” given by an average
ex-Soviet person may confuse a “westerner” even more. But further examination will show that the meaning of the Russian word Mafia considerably differs
from the one in English language and in the West in general.
If, for a person from the West, Mafia always means criminal entity, where
its members have blood or family relations and the entity itself roots from Italy,
for any ex-Soviet the meaning of the word Mafia could include:
–organized criminal groups;
–and clans controlling politics and economy in a particular region or even in the
whole Republic;
–and corrupted governmental employees (clerks in Ministries, Committees,
local administration, control bodies, law enforcement);
–and finally, according to the common public opinion in the past, “communist
party”, which was always a “leading power”.
The word Mafia in the Russian language has become so much commonly
used by the citizens of the ex-USSR, that one could hear it applied to anyone
and anything: to the state retail trade system with its always half-empty shelves
in the shops and queues, to the state health care system with its common lack
of place in hospital, to the diplomats profiting from their work abroad, to the
prostitutes and butchers and chess players, to the cities and regions and
Republics in general, etc.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
164
Such a meaning of the word Mafia did not necessarily have to include in its meaning
participation in criminal activities of persons or entities described by the word, and
definitely differed entirely from the meaning of this word in the West.
All I have said above you know quite well by yourselves. But there is a
common and misleading confusion in the above-mentioned term “Russian or
Red Mafia”. It might be effective, and to some extent convenient for the mass
media representatives, to identify all crooks originating from the ex-USSR
territory as Russians. Mostly due to that effect, the “Russian Mafia” has become
the popular bugbear, used to inflame public opinion in the Western countries,
when sensation seeking journalists could freely interview anybody in the country,
which was almost completely sealed for them for over 70 years. But for the law
enforcement professionals, such an approach could be crucial. Let me mention
that borders are drawn not only to divide territories, but also to create nations. As
you well know, after the dissolution of the USSR in December 1991, 15 independent and sovereign states were created within its former territory.
This is why citizens of those states cannot be regarded as Russians any
more, even if their original nationality is Russian and not of the root nationality
of their respective country. This misunderstanding causes problems for fellow
policemen dealing with investigation of criminals from such no more common
states as Ukraine, Belarus, Estonia, Latvia, Lithuania, Moldova, Azerbaïjan,
Georgia, Armenia, Uzbekistan, Turkmenia, Tadjikistan, Kirgizstan, Kazakhstan. People from those countries do speak Russian but they are not anymore
citizens of one country. Beyond it, Russian language is spoken or understood
from Vladivostok in the East to the Brandenburg Door in the West and from the
Arctic Ocean in the North to the borders of Afghanistan in the South, but no
one, even the least ignorant journalist, would consider peoples inhabiting these
territories as Russians.
And now let me get back to the main topic of this presentation.
The existence of organized crime in the former USSR has not received
much attention until a short time before its dismantling and was officially
accepted only in 1989 which was manifested in the setting up of the specialized
6th Main Department within the ministry of Internal affairs. The measures
implemented by the communist regime in over 70 years rule before prevented
organized crime from arising and spreading. However, was the former Soviet
Union an idyllic spot?
At about the beginning of the seventies, organized crime tended to be
fairly covert in nature, finding expression above all in organized forms of
professional criminal actions, the activities of the so called “professional thieves” or “vory v zakone” as they were known long before October 1917 revolution
and survived during Stalin’s Gulag system. This underlay of society with its own
ideology, its own structure and its own rules, which did not correlate with laws
and regulations established by the state managed to reform and consolidate at
that time due to already existing signs of weakness of the state power.
Approximately at the same time, the Soviet planned economy started already
to considerably spin in the sphere of redistribution of its output. This process
was often accelerated by extremely incompetent management at all levels by
the creatures of Brezhnev’s era of “common deep satisfaction” (a Soviet mass
media stamp of that time). This fact gave a rapid rise to the development of
Organized crime in the former USSR
165
covert “private businesses” better known as “shadow economy”, which managed, by using diverted state money, raw materials and machinery, to acquire
tremendously high “shadow” profits by filling some gaps in the state consumer
market, replacing it by self-created “shadow” or “black” market.
Those two above-mentioned phenomena, professional or organized
crime on one side and “shadow economy” on the other, did not exist for any
long time separately, because they both were antagonists to the state and
society and activity of both served to the strengthening of an underlay, which
was only parallel to the official society until it could not manifest openly against.
Convergence of traditional and economic crime have facilitated further development and integration of criminal groups, expansion of their influence and
multiple growth of their profits. In the very end of the eighties, this new amalgam
of organized crime received incomparable possibility to legalise its huge
criminal profits in the structure of official economy through allowed by the state
(during Gorbatchev’s rule) new forms of economic activities: co-operative
sector, private enterprises, foreign trade, privatisation of state sector. Unexpected and uncontrolled introduction of these new forms of economic activity by
Gorbatchev’s team just at the edge of disintegration of the USSR became a
strong catalyse for further strengthening organized crime in its former territories.
Post-Soviet Organized crime in the ex-USSR
As I have just said, official recognition of the phenomenon became
possible only several years before the disintegration of the USSR. However,
with its demise, the ongoing transition to a market economy and the opening
of borders to the West, organized crime in the East, and Russia especially, has
acquired increased prominence and influence and a new malevolent face.
Several characteristics of post-Soviet organized crime can be noted here.
First, criminal organisations now engage in a much wider range of illegal
activities. These include drugs and weapons dealing, extortion, kidnapping,
bank fraud, counterfeiting, contraband exports, contract murders, trafficking in
strategic and dangerous materials and components, etc. It should be added
that, according to the experts of the RF MVD, each sixth crime may be
considered as aggravated crime, and the average annual rate of growth of this
type of crimes is around 30% since 1991.
Second, Russian criminal associations are technically proficient and
have available an array of trained manpower. In the current unsettled environment, such groups can now acquire sophisticated weaponry, as well as
state-of-the-art computers, automobiles and communication equipment. Furthermore, reduced employment opportunities in Russia’s military-industrial
complex allow criminal gangs to recruit and exploit extraordinary combinations
of talent, including university-trained specialists, former KGB and police operatives, ex-military specialists, behavioural scientists and other professionals.
Third, criminal organisations are converting their illicit fortunes by buying
up a substantial proportion of the fledgling private economic sector, especially
in the real estate, commercial banking and retail trade spheres. Unfortunately,
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
166
the process of privatisation seems to benefit the criminal world disproportionately as well as some former Communist Party and Soviet power management
level functionaries, who control ample amounts of start-up capital in contrast to
the majority of ordinary citizens.
Fourth, organized criminality is trying (and apparently not without success) to convert its economic wealth to political influence at local and even
national levels. Intelligence suggests that up to 50% of the profits of organized
crime groups are spent for corruption purposes. In some small cities, such
groups constitute a mighty alternative to the state power. They capture the
control of key positions in the economic life of such cities. De facto, representatives of organized crime prowled the halls of the Russian Parliament
disbanded in October 93. Also, recent corruption scandals suggested that the
tentacles of organized crime have reached the topmost echelons of the
government bureaucracy.
Fifth, organized crime is moving westward. This westward march or drift
is reflected not only in smuggling of armaments, strategic metals or materials,
or in attempts (most of the time exaggerated by Western mass media) to take
over the underworlds in the major European countries, but also by Russian
criminal organisations under the cover of legitimate businesses, establishing
affiliates and franchises in Western Europe.
According to the intelligence information of the RF MVD, there are around
4000 organized criminal communities operating in the territory of the Russian
Federation with different degrees of organisation and the number of associates
varying from several dozens to several hundreds. There are three basic types
of organized criminal groups:
–some of them are drawn together by local loyalties, defining themselves by
their native districts or neighbourhoods (e. g. Liuberetskaya grupa, Dolgoprudnenskaya grupa, Kazanskaya grupa, etc.);
–others are small and dominated by strong leaders or families. These groups
tend to be short-lived in this form, either they lack the infrastructure and
resources to survive, or they grow to the point of establishing themselves as
neighbourhood-based groups (e. g. “Globus” – Valeryi Dlugatch group, “PetrikGeneral” group, “Rospis’” group, etc.);
–a third type identifies itself by ethnic origin (Azerbaijanies or “Azeris”, Armenians, Georgians, Chechens, Kalmyks, Tatars, etc.).
Most of the organized crime groups have their own areas of “expertise”
and spheres of activities. The range of “services” varies from traditional criminal
trades (racketeering, swindling, robbery, armed assaults, drug dealing, prostitution handling, gambling) to the newly emerged forms of criminality, such as
different types of criminal terrorism, illegal export of unlawfully obtained raw and
strategic materials, smuggling and illegal hard currency transactions, banking
and commercial fraud. Damages to the Russian economy, calculated in terms
of capital flight, extortion payments, illegal outflows of valuable and frequently
irreplaceable assets and increasingly circumscribed opportunities for legitimate
private business (including foreign investments) is, of course, enormous.
Hence, organized crime in the Russian Federation is hardly monolithic.
It is organized in the sense that it is built around a variety of clans, gangs and
Organized crime in the former USSR
167
ethnic groups, each of which has its own territory and its own interests and
relations between which are largely played out according to a rough set of rules.
As for the evidence of the presence of alien international criminal
organisations in the Russian Federation, intelligence suggests that a number
of contacts have been made by the representatives of the Russian organized
crime underworld with the Eastern European “counterparts” as well as with
bosses of criminal communities from the Western countries. An illustrative
feature is the large amount of hard currency casinos in Moscow and other major
cities in Russia, mostly run by Italians. Also numerous joint ventures and
representations of Western enterprises and banks, which often come to the
attention of the Organized Crime Control Main Department operatives in the
course of investigations. There is also a number of cases in the field of illicit
drug trafficking, which show the persistent intention of the international drug
dealing organisations to use Russia as a transit point for transfer of drugs in
various directions (transhipments of heroin and hashish from south-west Asia
to Europe and even to Australia). In some cases, citizens of Russia have been
used as contacts for facilitating smooth running f shipments.
Analysis of the criminal situation in general and of organized crime in
particular performed by the RF MVD suggests that the factors allowing dangerous expansion of criminality and its qualitative evolution in this country will
remain in the future. One of the main reasons of poor effectiveness in addressing the phenomenon of organized crime is that the measures implemented by
the State to arrange systematic approaches constantly lag behind the real
situation. And the efforts of the law enforcement alone to handle the enormous
phenomenon of organized crime are doomed to failure so long as they are not
supported by legislative instruments, no matter how innovative the efforts could
be. RF MVD initiated a number of legal drafts and plays an active part in the
working groups charged with elaborating the new laws. But at the same time,
it is well known in ant country how thorny in the path of converting a draft into
actual law. For a long period of time the following drafts were shelved in the
former Russian Parliament: State Service and Anti-Corruption Law, Organized
Crime Control Law and Amendments to the Drugs Control to the Penal and
Administrative Offences Codes, both including Money Laundering aspects.
Presently some of them were finally passed.
There are also objective difficulties in the investigation and prosecution
of cases involving several territories and hundreds of citizens of the ex-USSR,
because borders, sovereignty and political views do not hinder criminality, it
only benefits from the forces of disintegration. It was always seen that even in
the organized criminal groups dominated by ethnic affiliation, one could find
representatives of other ethnic groups and nationalities from the ex-USSR.
What are the solutions for handling this situation with organized crime in
the former USSR? They are as follows.
Law enforcement practices in the first year (1992) after disintegration of
USSR posed enormous problems at all levels. The so-called “transparent
borders” between newly independent countries presented no difficulties for
criminals still to move freely from country to country keeping investigation and
prosecution tightly bound by the absence of any interstate legislative base for
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
168
co-operation. At the very initial moment, former republics of the USSR concluded numerous bilateral agreements on various subjects of law enforcement.
That way of dealing with the problems led to an accumulation of dozens of
documents which made the practical daily work very difficult.
On the other hand, later in 1992, the Council of ministers of Internal affairs
of the CIS States was created. It works jointly to decide on the policing problems
arising in the long run of practical co-operation between countries in the area.
Its meetings normally follow the Meetings of the Leaders of States and the
Meetings of the Council of Heads of Governments of CIS (i. e. quarterly). Lately,
some of the Interior ministers of the three Baltic states started to participate as
observers. The Council has a permanent group of experts to examine arising
issues and to propose ways of solving them. By the end of 1992, the Council’s
experts drafted and submitted to the Council of Leaders of CIS a multilateral
document on mutual legal assistance.
On 22nd January 1993, the Convention on Legal Assistance and Legal
Relations in Civil, Criminal and Family Cases was signed by the leaders of 10
CIS states (Armenia, Belarus, Kazakhstan, Moldova, the Russian Federation,
Tadjikistan, Turkmenistan, Uzbekistan, Ukraine). Georgia and Azerbaijan,
which joined the Commonwealth of Independent States later, are still not parties
to that Convention. Judging from the title, this Convention covers all areas of
co-operation in the fields of criminal law enforcement and civil law.
Since 1992, the Council of Interior ministers of CIS accepted a number
of multilateral agreements as practical implementation of the Convention:
–“On co-operation between Interior ministries of CIS in combating criminality”;
–“On co-operation between Interior ministries of CIS in the sphere of information exchange”;
–“On co-operation between Interior ministries of CIS in the sphere of logistics
and specialized police equipment supplies”;
–“On co-operation between Interior ministries of CIS in combating economic
crime”;
–“On rules and procedures regulating presence and investigations carried out
by officials of law enforcement bodies on the territory of other CIS member
countries”.
On 12th march 1993, the Meeting of Council of Heads of CIS Governments adopted the “Programme of joint measures against organized crime and
other aggravated forms of criminality”, drafted also by the experts of the CIS
Interior ministers Council. The first article of that programme was to create a
permanent law enforcement body for co-ordination of activities against organized crime and other most dangerous forms of criminality. The main tasks of
such a body were stated:
–to form a specialized computerized data bank concerning the afore mentioned
kinds of criminality for further analysis and dissemination to the operational
services of Interior ministries – CIS members;
–to assist in interstate search for wanted members of organized criminal entities
and also persons wanted for aggravated crimes;
–to provide co-ordination in detective operations involving several states – CIS
members.
Organized crime in the former USSR
169
On 24th September 1993, a decision to set up a bureau for co-ordination
of activities against organized crime and other aggravated forms of criminality
within the territory of CIS was taken by the Council of Heads of CIS Governments. On 1st may 1994, the bureau became operational, with its site in
Moscow in the premises of the ministry of Internal affairs. It is staffed by
representatives of CIS members Interior ministries and technical staff provided
by the host country. The bureau’s activity is financed by share-contributions
from the participating countries.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
170
Résumé
Le crime organisé dans l’ex URSS
Serguei Avdienko
Bien avant l’effondrement de l’URSS, la terminologie de mafia russe était fort usitée en
langage courant. Pour les soviétiques, ce vocable n’était pas limité aux seules activités
des groupes criminels organisés. Il visait également l’action des clans contrôlant, via la
corruption de fonctionnaires, l’économie ou la politique dans une région ou dans une
république de l’Union. Par ailleurs, les médias occidentaux utilisant cette notion de façon
générique, en faisant fi de l’appartenance ethnique des criminels. Cependant ce n’est
qu’en 1989 que l’existence du crime organisé en URSS fut officiellement acceptée.
Depuis la chute de l’URSS (1991), l’activité du crime organisé est apparue dans toute son
ampleur. Il est le fait aujourd’hui d’environ 4.000 organisations rayonnant sur l’ensemble
de la fédération de Russie et exportant à l’étranger et notamment en Europe de l’Ouest
ses activités criminelles. Ses terrains d’action privilégiés sont le secteur économique
(immobilier, banque, commerce de détail) et le domaine politique. 50.% de ses produits
seraient investis à cette seule fin.
La riposte mise en œuvre pour lutter contre les phénomènes mafieux se heurte à la très
lente élaboration de textes législatifs en la matière. Le programme d’action arrêté par la
CEI en 1990 visait notamment à permettre l’échange d’information et la réalisation
d’enquêtes entre États membres. À cette fin, un bureau pour la coordination des activités
contre le crime organisé est opérationnel depuis 1994. Pour sa part, OIPC-Interpol gère
une banque de données spécifique au crime organisé dans les PECO appelé projet
«.go-west.».
Organized crime in the former USSR
171
Resumen
El crimen organizado en la ex URSS
Serguei Avdienko
Mucho entes de la caída de la URSS, la terminología de mafia rusa era muy utilizada en
lenguaje corriente. Para los soviéticos, este vocablo no era limitado a las solas actividades
de los grupos criminales organizados. También, no buscaba más que la acción de clanes
que controlaban, por la corrupción de funcionarios, la economía o la política en una región
o en una república de la Unión. Por otra parte, los medias occidentales que utilizan esta
noción de manera genérica, hacen poco caso de la pertenencia étnica de los criminales.
Sin embargo, sólo es en 1989 que la existencia del crimen organizado en la URSS fue
aceptada oficialmente.
Desde la caída de la URSS (1991), la actividad del crimen organizado se reveló con toda
su amplitud. Hoy es cosa de más o menos 4.000 organizaciones que tienen asciendente
en toda la federación de Rusia y exportan al extranjero y especialmente a Europa de Oeste
sus actividades criminales. Sus terrenos de acción privilegiados son el sector económico
(bienes inmuebles, banca, comercio al por menor) y el dominio político. 50.% de sus
productos serían invertidos a esta única finalidad.
La réplica empleada para luchar contra los fenómenos mafiosos se enfrenta a la muy lenta
elaboración de textos legislativos en este dominio. El programa de acción establecido por
la CEI en 1990 tendía principalmente a permitir el intercambio de información y la
realización de encuestas entre estados miembros. Con este fin, un oficio para la coordinación de las actividades contra el crimen organizado es operativo desde 1994. Por su parte,
OIPC-Interpol administra un banco de datos específico al crimen organizado cn los PECO
llamado proyecto «.gowest.».
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
172
Boryokudan, Japanese Organised
Crime Groups
Katsushi Ikeda,
Assistant manager of the second division of the japanese police
national agency, TokyoBoryokudan, Japanese Organised Crime Groups
What is boryokudan?
I think Boryokudan is equivalent to what you imagine for Yakusa. The
Japanese word “Boryokudan” means Violent Group or Violent Gang. Japanese
police define Boryokudan as a group which is likely to encourage its members
to perpetrate violent illegal acts collectively or chronically.
More plainly I can describe Boryokudan as a violent group which appeared in the socio-economic disorder just after the World War II, which mainly
consists of Japanese nationals, based on quasi-blood relationship, and has
relatively strong internal control on its members, and which utilises its intimidation and physical force to obtain profit legally or illegally.
There can be other organised crime groups which are not Boryokudan
in Japan. For example, motor cycle gangs, organised burglars or thieves,
Chinese gangs, Russian mafias are of course organised crime groups, but they
may not be Boryokudans. However in Japan the word “Boryokudan” has been
used as the synonym of an organised crime group and Boryokudans are
actually the largest organised crime groups in Japan.
By the way Boryokudan members call themselves Yakusa, not Boryokudan members, because they do not regard themselves as violent group
members.
The word “Boryokudan” is sometimes used to indicate all Boryokudan
groups and is sometimes used to call one Boryokudan group. A member of
Boryokudan is called Boryokudan-in.
Japanese police clarify Boryokudan members more strictly. If we do not
have enough evidence that one person belongs to Boryokudan, he is not
defined as a Boryokudan member. But he may be related to Boryokudan or he
may disguise to be out of Boryokudan. In that case he is regarded as a
Boryokudan associated person. We estimate there are as same Boryokudan
associated people as Boryokudan members in Japan, which are more than
80000 combined.
So there are many cases that a Japanese national is rumoured to be a
Boryokudan member in foreign countries since, for example, his hair is strongly
permed or he has enormous money without the proper job, but he is not defined
as a Boryokudan member. In these cases he may be or may not be related to
Boryokudan or he was once a Boryokudan member. It often happens that not until
a Boryokudan member is arrested do we find that he has been a Boryokudan
member for some years. Boryokudan members are increasing disguising their
nature, and it is difficult to see the whole figure of Boryokudans in Japan.
Features of boryokudan members
You may hear that Boryokudan members lack some of their fingers and
have tattoos on their skin. But it does not necessarily apply to all Boryokudan
members.
Tattoos
It is not certain why Boryokudan members have tattoos. More than
hundred years ago, construction workers and firemen as well as outlawed
people in Japan had tattoos to display the patience and bravery, since it is very
painful to be tattooed on the skin, and it takes a long time to finish a large and
colourful tattoo. So motives of tattoos were usually lively and animated ones,
such as heroes in novels. In the 1870s Japanese government prohibited having
tattoos because it was afraid that Japan were regarded as an uncivilised nation
by western countries. I think that after the prohibition the person with tattoos
might be seen as an outlawed person or a resistant. Boryokudan members
have tattoos possibly because they can show their patience, strength and
liveliness and possibly because they can gain the air of intimidation as the
outlawed. But I have to put emphasis on the fact that not all Boryokudan
members have tattoos now.
Lack of fingers
As for the lack of fingers, it is certainly a peculiarity of Boryokudans, but
it does not apply to all Boryokudan members. A Boryokudan member must cut
his finger off when he makes a mistake or breaks Boryokudan rules, or when
they want to resolve a trouble. Mistakes are, for example, extorting money from
prostitutes who are money sources of the group and consuming money of the
group. A typical trouble is a rivalry conflict. A responsible Boryokudan member
cut off his finger and bring it to the rival group to settle the conflict. He shows
his sincerity by cutting his finger off without anaesthesia. So a Boryokudan
member may cut his finger off not for his own mistake but for the mistake of his
subordinates. There said to be an order of cutting off fingers in each Boryokudan
group. For example, the little finger in the left hand must be cut off when a
member makes his personal mistake and the little finger in the right hand must
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
174
be cut off when he causes a trouble to his group such as consuming the money
of the group. And he must cut off the first joint of the little finger on the first time,
and he must cut off the second joint of the same finger on the second time. The
order depends on Boryokudan groups and Boryokudan members under the
same rule are able to know which kind of mistakes were made by watching
fingers of their colleagues. But usually little fingers are cut off. As you may know
a little finger works an important role when someone grasps the handle of a
sword. A man who lacks his little finger lacks a part of ability of fighting and
cutting off a little finger shows the obedience. So a person who lacks a forefinger
only is probably not a Boryokudan member.
Nowadays Boryokudan members tend not to cut off their fingers, because the lack of fingers shows he is a Boryokudan member and it is a
disadvantage for him to do legal business, and he can be rejected to enter
foreign countries. Some Boryokudan members have experienced the operation
of transplanting the little finger of their foot to the hand. Instead of cutting off
their fingers, Boryokudan members may pay certain amount money when they
make a mistake.
You may also think that Boryokudan members wear gang like cloth and
have their hair strongly permed. But it does not apply to all Boryokudan
members either.
To be honest it is difficult even for a Japanese policeman to distinguish
a Boryokudan related person including a Boryokudan member from an ordinary
citizen partly because Boryokudan related people disguise their real nature and
traditional stereotype of Japanese Yakusa does not apply to present Boryokudan members, partly because the relation to Boryokudan has a wide latitude,
from close friends to mere acquaintances.
We must monitor not only Boryokudan members but also people who
have close relation to Boryokudan. As I describe later, those who are not
Boryokudan members or associates but are operating with Boryokudans
closely have obtained money by intervening civil affairs and by using Boryokudan influence, and there is not much point in discriminating Boryokudans from
other Japanese criminals now.
Principles of boryokudan
Union by Quasi-Blood Relationship
In general, Boryokudans are formed by a quasi-blood relationship which
imitated the feudal family system. The boss is called Oyabun, which means a
parent, and a man under Oyabun is called Kobun, that means a child. In many
cases, the bosses form a quasi-blood relationship with one another, and the
bosses of subordinate groups become the men of the boss of the upper groups.
They form a large pyramidal organisation. And we regard this whole syndicate
as one big Boryokudan.
Boryokudan, Japanese Organised Crime Groups
175
Internal Control
In the world of Boryokudans, the vertical relationship of boss and
subordinates is an absolute one. It is the duty and virtue of the men to follow
the order of their boss, whether the order is right or not or whether it is good or
bad. If a man disturbs the rule by the boss and the unity of the group by
disobeying such duty and violating the rules of the underworld, he will be
severely punished within the organisation.
The most severe penalties include lynching, finger-cutting, expulsion and
severance of relations. expulsion and severance of relations are the banishment of a gang member from the underworld or the group to which he belongs,
and are the most severe forms of punishment in the world of gangsters. Those
who are arrested or sent to prison because they did not observe the gang’s
rules are usually punished by withholding from them such assistance as
sending them food and other things while they are in prison, and the celebration
are not held when they are released from prison.
On the other hand, those who comply with the orders of the boss and
other leaders, and contribute to the group will be given promotion and other
remuneration. For example, the organisation pays the lawyer’s fee for and living
expenses for the family of the member who attacks the office of a rival group
or the one who tries to serve another member’s time or the one who denies, in
police interview, his group’s involvement in the crime. When such a member is
released from prison, the organisation expresses admiration for and gives
proper reward to him.
Boryokudan forces
We estimate that there are about 47000 Boryokudan members and
33000 associates in Japan. The membership of Yamaguchi-gumi, Inagawa-kai
and Sumiyoshi-kai combined totalled about 31000 and this number accounts
for two thirds of all Boryokudan members in Japan.
The headquarters of Yamaguchi-gumi is located in Kobe city and it has
more than 100 secondary subordinate groups under its control and it has its
influence in almost all prefectures of Japan. It has about 19000 members and
is the largest group in Japan.
Its origin goes back to 1915 and during the period of 3rd boss from 1955
to 1975, Yamaguchi-gumi had extended its influence to all over Japan and it
caused a lot of fight with other local Boryokudans.
After third boss died in 1984, Yamaguchi-gumi was divided into two
because 4th boss was chosen without consensus of members. And in 1985,
the 4th boss was shot dead by a member of a opposing group and it lead to a
big conflict between two groups. In 1989, the opposing group disbanded and
5th boss of Yamaguchi-gumi was chosen and they strenghtened then the order
in the group and have expanded their power.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
176
Sumiyoshi-kai has about 6700 members and Inagawa-kai has about
5600 members and both syndicates are based in Tokyo.
Relation between a parent organisation
and subordinate ones
During the decade from 1955, some Boryokudans strengthened their
influence by absorbing other groups in the process of large scale rivalries and
conflicts. From 1965 on, the power of the entire gangs declined as a result of
the efforts of the police. But large syndicates continued expansion by diversifying their source of income and establishing the system of collecting money
from their affiliated groups and members, and also by absorbing smaller gangs.
Today the oligopoly of the underworld by a few Boryokudans advanced further.
Bosses and leaders, and parent groups collect money from their subordinates and subordinate groups for the management of the organisation and
the life and amusement of themselves. Thanks to this system, the boss and
other upper rank leaders do not need to perpetrate offences themselves,
running a risk of being arrested, to secure funds. Because of this, it is becoming
harder to book, levy taxes on and confiscate illegal profits from these top
gangsters.
One of the motives of groups for their attempts of expansion is to obtain
more tributary money for lower associates and members, and this system
increased efficiency in moneymaking and attainment of superiority over their
rivals.
On the other hand, there are some reasons why smaller groups join
larger ones. Since a large group has greater influence, the smaller groups can
enjoy stronger power, more stable territories and a higher efficiency in fund-raising and other activities. Organisations in a lower layer of a pyramidal system
have to pay money to their parent group and spend more for obligatory events
in their world. But most of the smaller groups believe that both saved the cost
of preparation for inter-gang rivalries due to increased stability of territories, and
that the more efficient moneymaking owing to the increased influence will
sufficiently make up for the money which they have to pay to the parent group.
The expansion and greater affiliation of Boryokudans are bringing more
threat to citizens and a wider influence. This enables Boryokudan members to
earn illegal and unjust profits from society more efficiently.
However the control of parent group is not strong in legal and illegal
business of subordinate groups and members. We estimate that about half of
subordinate groups run business on their own without the assistance of parent
groups. And upper members are less involved in the individual economic
activities of their subordinates, such as drug trafficking, while they intervene in
fundamental matters of their group, such as succession of the boss, dissolution
of the group, expansion of territories.
Boryokudan, Japanese Organised Crime Groups
177
Mutual relations among organisations
Friendly relations
The bosses and leaders of Boryokudans often conclude a quasi-blood
relationship among them, becoming fictitious brothers, in an attempt to protect
their mutual territories. Many groups also form friendship associations for
settling problems that occur daily among them and for jointly coping with the
entry of other large organisations into their territories.
Rival relations
The greatest objective of Boryokudan is to earn profits in an illegal and
unjust way, using their power. To expand or defend their territories, which are
the sources of their funds, these groups are often engaged in fierce rivalries.
Recently a senior member of Yamaguchi-gumi was shot by some members of
the opposing group in a barber shop near his house in Kyoto, and his bodyguard
shot 2 attackers dead. And rivalries may often happen for trifling matters. But
what Boryokudan members regard important is to save face, and they believe
if their honour is stained, they can not leave it alone.
Obligatory events
Boryokudans often hold a variety of obligatory events. Among them are
the ceremony of announcing the succession to the boss’s post, funeral service,
ceremony of brotherhood and celebration for members who are released from
prison. These obligatory events aim to show off the power of Boryokudans to
the public and other groups. The gathering of gangsters on these occasions
poses a great threat on citizens.
Obligatory events have another important purpose, fund raising. On
these occasions the sponsoring organisation collects a large amount of money
from their subordinate and friendly groups in the name of gift, money of
condolences and so on.
These events are anti-social deviations, even if they are ostensibly
ceremonies. Nowadays police strongly order Boryokudans not to hold these
obligatory events, and they are less and less apparent to public.
Fund raising activities of boryokudans
The ways Boryokudan gain money are roughly divided into two, traditional activities and newly emerged activities. The latter had appeared as the
Japanese economy has evolved.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
178
Traditional fund raising activities
Every Boryokudan has control over certain districts to exercise their
influence and secure a stable supply of funds. Such districts are known as
“territories”. And the size of territories is the most important element affecting
the power of the organisation and the authority of its boss. Because of this,
Borykudan attempt to expand and protect their territories, often causing rivalry
conflicts.
Stimulant trafficking
Smuggling and illicit sale of methamphetamine in Japan has been
controlled by Boryokudans. We estimate that it is still one of the largest funds
for their activities. In 1994, about 6300 Boryokudans members and associates
were arrested for the trafficking, possession and consuming of methamphetamine, and this figure accounts for more than 40 per cent of those who were
arrested for the violation of Stimulant Control Law.
Gambling and bookmaking
Boryokudans are operating gambling houses even today, and are also
involved in the operation of gambling game machines. Gambling is another
important revenue source for Boryokudans. Bookmaking at publicly sponsored
bicycle races, horse-racing, motorboat races offers Boryokudans a major
source of income too. As a result of police efforts to shut out bookmakers and
Boryokudans from public race establishments, bookmaking at these establishments is decreasing greatly, but off-track bookmaking is still rampant.
Protection money
Boryokudans collect money unjustly from the operators of entertainment
or amusement businesses under the name of “protection money” or “location
fee”, etc.
In some cases, they obtain money under the pretext of selling items used
by the entertainment and amusement business, such as towels or cosmetics,
with unreasonably high prices. While the sum of money collected from one
business is not so large, this protection money is a stable fund for them because
many people obey their demands in fear of harassment.
Newly emerged activities
Intervention in civil affairs
In recent years, more and more cases are found in which Boryokudan
members intervene in the daily life of ordinary citizens and economic transactions and attempt to get illegal or unjust profits by showing the intimidating
power of the group, although traditional fund raising activities have been the
dominating sources of income of Boryokudans. Boryokudan members try to
evade police control on these activities mentioned above involve a particular
Boryokudan, Japanese Organised Crime Groups
179
group of citizens only, intervention in civil affairs has the possibility of making
any citizens concerned victims.
Boryokudan’s intervention in civil affairs is promoted by the fact that some
people try to take advantage of Boryokudan’s influence for their own interests,
such as collection of loans.
Examples of intervention in civil affairs are lending money at high rate,
debt collecting, intervention in the dealing of bankrupt corporations, private
settlement of traffic accident.
JIAGE was one of the lucrative activities of Boryokudans during so called
“bubble economy” period. JIAGE is to buy up small plots of land for consolidation and resale, pressuring small landowners into selling their plots. In Japanese
law people living in a rented building have the right of leasing the land, and it
is not possible to demolish the building and sell it to a third party without the
consent f the leaseholder. This is the principle and there are more complicated
cases in fact. For example a leaseholder of the land let a building on it to another
person and this person opens his shop there. It is extremely difficult to buy small
plots of land with entangled rights for consolidation. However Boryokudans
persuade or force people who have the leasehold, tenant, and do business in
a building to move from the building, and make the land a vacant plot, which is
valued at high price. Boryokudans are attempting to sell the plot of land at high
rate and to have the commission of trade and consolidation. The commission
was said to be about 3 per cent of the selling price.
With the recent economic recession in Japan, Boryokudans have become active in intervening bankrupt companies and companies on the verge
of bankruptcy. They often attempt to make money by taking over these
companies or their assets, collecting credits by unjust means, or disturbing the
legal procedures concerning auctions of mortgaged assets.
Company racketeering
Because the profits generated by businesses are huge, crimes aimed at
companies are much more lucrative than those directed against individuals.
Recently, the tricks of company racketeers are growing more and more vicious
and skilful, and those racketeers who pretend to lead political or social movements are appearing in great numbers.
“Sokaiya”, etc.
Sokaiyas are those who attempt to earn profits in an unlawful and unjust
way, pretending to execute stockholders’rights or taking advantage of corporate
scandals. Generally managers of companies wish to keep annual stockholders
meeting quiet and safe without being bothered by naughty questions. There is
a chance for Sokaiyas to obtain money from companies by giving up making
questions on problems and scandals of the companies and making the meeting
dragged on for several hours. And Sokaiyas work as trouble-shooters to reject
a false charge on a corporation with their intimidation.
Traditionally these Sokaiyas have been distinguished from Boryokudan
members. But in recent years, as the control of Sokaiyas is strengthened, and
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
180
as Boryokudans are diversifying their sources of income, the relations between
the two are growing closer.
After the Commercial Law was amended in October 1981 and the
clauses for prohibiting companies from providing interests for Sokaiyas were
newly established, the power of Sokaiyas declined greatly. But there are still
quite a few companies which can not sever the relationship with Sokaiyas. This
year a Sokaiya was arrested for receiving about 800000 US dollars from
November 1994 to April 1995 from some of the directors of one of the largest
department stores in Japan. Of course these directors were arrested by police.
Ruffians claiming to lead social movements
Ruffians claiming to be engaged in social and political movements, such
as anti-communism, restoration of northern territories occupied by Russia or
anti social discrimination, demand money from businesses in the name of
subscription fees for newsletters or contributions to their activities.
In some cases, they use cars with speakers to demonstrate on streets, and
they are strengthening their ties with Boryokudans, just as Sokaiyas are. Because
company managers abhor scandals or disturbance and they fear being attacked
by Boryokudans, some of companies tend to pay money to these ruffians.
Legal sources of revenues
The ratio of legal sources of revenue to Boryokudans total income is
rising, suggesting that Boryokudan members and associates are penetrating
into society.
Their legitimate income sources are diverse too. They include financing,
construction and real estate businesses. But even when these businesses take
the form of legal corporations, their activities mostly have the power of Boryokudans behind them.
Current problems of boryokudans
Oligopoly of Boryokudan world
The number of Boryokudan members and associates in Japan is currently over 80000, less than half of the figure in around 1963 when it reached the
peak. Among them Yamaguchi-gumi has more than 30000 members and
associates, accounting for about 40 per cent of the total. The membership and
affiliationship of Yamaguchi-gumi, the second largest group Sumiyoshi-kai and
Inagawa-kai combined make up the two thirds of all the Boryokudan members
and associates in Japan. Therefore, what is the most important in examining
today’s Boryokudan problem is to make analyses on these three syndicates,
especially Yamaguchi-gumi, and on their current circumstances and movements including their relations with other organisations.
Boryokudan, Japanese Organised Crime Groups
181
At present Yamaguchi-gumi is smoothly managed and operated by some
top members. However some powerful leaders are attempting to expand the
sphere of influence of their own organisations in order to gain a foothold for the
future. This has caused troubles with other groups, although the rivalry conflicts
have been decreasing in recent years.
Yamaguchi-gumi based on western part of Japan is attempting to make
inroads into Tokyo. But they are advancing under the guise of corporate
businesses, not making themselves apparent to other Boryokudan syndicates
based on Tokyo, to avoid a total confrontation with them. It seems that
Yamaguchi-gumi is taking the policy of coexistence with Boryokudan syndicates in Tokyo, and small disputes will be solved by negotiation between senior
rank members of both organisations before they develop into serious conflicts.
However Boryokudans take to violence by nature and they must hide their
vulnerability for the survival.
Intervention in civil affairs (Bad debt problems)
Boryokudan members and associates have intervened in the daily life of
ordinary citizens and economic transactions and attempt to get illegal or unjust
profits. They try to evade police control on these activities by pretending to
follow legal civil transactions. Because of that, the anti-Boryokudan law was put
in force in 1992. When Boryokudan groups and their members are defined as
“the designated Boryokudan group and member”, they can be ordered by police
not to operate some activities which are not illegal. I will take an example.
Boryokudan members are engaged in collecting loans and they are not charged
with blackmailing in Penal Code. However this act is considered unjust because
the debtor knows he is a Boryokudan member and he shows the intimidation.
In a such case police can issue en administrative order to designate Boryokudan members not to make an unjust demand. If they do not obey the order,
they will be arrested.
But Boryokudans do business with corporations under the guise of other
names, such as their family name, companies or political organisations. More
and more cases have been found that Boryokudans are connected with
Sokaiyas and ruffians. And they worked as subcontractors for construction
companies and get the whole work in their hands as “protectors”.
The problem that Boryokudans are involved in collecting bad loans and
transactions of bankrupt companies is currently focused.
In the late 1980s Japanese economy experienced so called “Bubble
Economy period”. The bank of Japan took the easy-money policy, reducing the
official bank rate from 5 per cent to 2,5 per cent, which is the lowest ever from
1986 to 1987. With this policy stock price had increased and the boom of
investment on stocks began with other policies such as tax imposition on the
interest from savings in a small amount and the start of stock dealings in futures
as well. Corporations and ordinary citizens were absorbed in money games.
Land prices all over Japan grew rapidly, effected by this boom, and
enormous money of banks was poured into land market. As the land prices rise,
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
182
the value of securities increase. Corporations could borrow more money with
valued collateral and then purchased more lands. This circle formed so called
“Bubble Economy” in Japan in late 80s.
This bubble economy lasted for 5 years and finally burst in early
1990s. The bank of Japan raised the official bank rate five times from 1989
to 1990 and land prices reached the peak or tended to go down. Because
of that corporations which had invested too much money on lands could not
manage with the shortage of funds. At the same time careless finance by
banks on lands and scandals of securities companies were unveiled, which
kept individual investors off the stock market. With the burst of the Bubble
Economy, there appeared financial corporations which went bankrupt with
huge bad debt.
The bad debt problem has effected Japanese economy deeply and this
was an opportunity to provide money for underground world. Careless financing
in bubble economy period gave Boryokudan a chance of operating and huge
money, and some financial corporations have been deprived of money after the
burst of bubble, because they made use of Boryokudans and still have certain
relations.
I may show some ways money flowed to Boryokudans. The first is the
financing. In bubble economy period financial corporations lent money to
companies which had connections with Boryokudans under the pretext of
finance for the purchase of lands or investment on stock market. After the burst
of bubble, a certain portion of the finance has become bad debt.
The second is the reward of JIAGE, buying up small plots of land for
consolidation and resale, for Boryokudans. Financial corporations lent money
to real estate companies and they gave money to Boryokudans as payment for
the purchase of land and reward of the dealings. Boryokudans paid money to
landowners, sometimes using the intimidation and physical force to stubborn
landowners. The rest of the money was their income.
The third is the taking over of real estate companies. After the burst of
bubble, a lot of real estate companies have been on the verge of bankruptcy
and are not able to pay even the interest of their debt. Then a Boryokudan
member approaches the manager of a company of which almost all assets are
about to be taken over by creditors, and he tells the manager with all the
techniques that he will preserve the assets and help the manager to get the
company back on its feet. The manager leaves important documents with a
Boryokudan member, trusting that he will make it better. With these documents
a Boryokudan member forges a credit on the company and he claims that he
set his credit off the asset and stock of a company. He will be a manager of a
company or he will sell this company to another person at higher rate.
The fourth is the occupation of property, especially real estate, and
forgery of the leasehold of the real estate which is being at auction. When
corporations go bankrupt and their real estates are about to be auctioned,
Boryokudans promptly occupy the real estate or set the board showing Boryokudan’s name, or forge the leasehold on the real estate register. Even when
they occupy the land legally, they bought the leasehold right with small money.
It is unlikely that the real estate which seems to have relations with Boryokudans
Boryokudan, Japanese Organised Crime Groups
183
will be sold even at a bargain rate at auction, because potential buyers will have
difficulties to move Boryokudans and do not want to be in trouble. The purpose
of occupants is to obtain the money from creditors in exchange of leaving there,
and to buy the real estate at low price and sell it at higher rate.
Gun crimes and the spread of guns
to general public
Japanese police seized more than 1000 hand guns every year from
Boryokudan members and associates. The number of seized handguns is on
the rise.
Last year there occurred some shocking murders by handguns in Japan.
From these instances we see that guns have reached the hands of general
public, getting out of Boryokudan related people. Also the manner in which
handguns are used has become bold and brutal. Under these circumstances
Japanese people have come to feel anxious over their safety. And the public
debate is being focused on guns as a critical issue for maintaining the law and
order of Japanese society.
Various reasons have been cited to explain the situation. One is the internationalisation which led to the influx of guns into Japan from the countries where
gun regulation is not strict. The second reason is that Boryokudan members
sell excess handguns as the internal prohibition rule of their organisations of
selling guns have loosened. The third one is that Japanese people are getting
less abhorrent of handguns than we used to, because there have increased
amusements that make Japanese people curious about handguns, such as
shooting tours in foreign countries.
It is understandable that these factors are affecting the gun situation to
some extent. But I have to emphasise that Boryokudan members are always
involved in illicit traffic of handguns, directly or indirectly. In order to take
effective counter-measures upon handguns, we must carry out an intensive
crackdown against Boryokudans. When handguns are smuggled from overseas, even if people involved are not Boryokudan members, they never fail to
have contact with Boryokudan members, especially at the stage of illicit
trafficking.
A Boryokudan member does not need ten pieces of handguns, but
Boryokudan members should keep handguns of high capacity for emergencies
such as rivalry conflicts. That is to say that handguns with easy handling and
efficiency are still in need for Boryokudan. The poorly qualified handguns might
be sold off to ordinary citizens. But the sellers are Boryokudan related people
anyway.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
184
Overseas activities of boryokudans
It is since more than twenty years ago that Boryokudan members have
been trying to make money their way abroad, in order to conduct drug trafficking
and firearms and women smuggling, and to look for hideouts.
But during the “Bubble Economy” in 1980s, they became active also as
investors to overseas real estates.
Also during the 1980s the shortage of workers caused by economic
upturn led to the massive inflow of illegal immigrants from Asian countries.
Boryokudan members or associates have begun to act as “brokers” in these
illegal immigration attempts. For example, since 1993, Japanese police uncovered the involvement of Boryokudan members in connection with Chinese
Snake Head in some cases.
The overseas activities of Japanese Boryokudan may be clarified into 3
categories.
First, members or associates of Japanese Boryokudan buy guns,
methamphetamine and pornography in foreign countries and smuggle them to
Japan. And they arrange alien smuggling too.
Second, members or associates of Japanese Boryokudan establish legal
companies to operate clubs, bars and souvenir shops for Japanese tourists but
by using these companies they operate illegal businesses such as prostitute,
gambling, selling pornography. It is said that these kind of businesses can be
seen in Seoul, Manila, Hong Kong, Taipei and Hawaii. But because they often
use the name of a local person as the owner of these shops and because a
local person work as the chief of these shops, it is very difficult to see to what
extent Boryokudans penetrate in these areas.
Third, members or associates of Japanese Boryokudan do not have the
base in foreign cities, but with local organised crime groups or racketeers, they
arrange such events as gamble tour for Korea, Las Vegas, tour for gun shooting,
hunting and golf competition in Hawaii, Guam or Korea.
Although we have very little information on overseas activities of Boryokudans, I will tell you some points which are seen in Boryokudans’overseas
activities.
We suppose that Boryokudan members and associates are active mainly
in the region near Japan where certain number of Japanese have already
settled in. These are the regions where Japanese companies started business
earlier and they have the influence, particularly big cities where a lot of
Japanese live, and places where Japanese tourists visit for sightseeing, such
as Philippines, Thailand, Korea, Hong Kong, Hawaii, Guam or West Coast of
US. We have very little information that Boryokudan are active in European
countries or South America.
Boryokudan members and associates are generally less educated and
have little knowledge on foreign law and economic systems, and very few of
them can speak foreign language. They can not do anything in foreign countries
Boryokudan, Japanese Organised Crime Groups
185
without the help of Japanese nationals who know much about how things are
going, what is profitable or who have already settled in foreign countries. In
addition to that their intimidation has less effect on non-Japanese, because
foreign people have not heard of Yamaguchi-gumi and they do not fear that
they and their family may be harassed by Boryokudans in Japan. We are afraid
that the involvement of Boryokudan members and associates in foreign affairs
will be increasing as more ordinary citizens go abroad.
Boryokudan members and associates act mainly as individuals, and
there are not many organisational activities. Even in Japan Boryokudan members operate mainly individually or in a group of some people. A Boryokudan
member use the name of his group as the intimidation and powerful brand. It
is not usual that the boss orders the whole group to act in the same operation,
each member having each role. Some members are rich with their businesses
and some members are poor. Bosses do not usually intervene in the individual
economic activities of their subordinates.
Some Boryokudan associates are active in foreign countries, not because he is ordered by a boss to settle in foreign countries nor they are
operating organisational activities, but because they have skills such as knowledge on foreign systems or foreign language or because they escaped from
some troubles in Japan.
The point attention is to be paid is that in many cases Japanese
national who are suspected to operate illegal activities, such as investing
money which is obtained from fraudulent ways on real estates or settling a
suspicious corporation in foreign countries, are not Boryokudan members
and associates. They may be involved in organised crime, but they may not
be closely connected with Japanese Boryokudans. What I would like to say
is that Japanese police define Boryokudan member or Yakuza strictly, and
there are a lot of cases that Japanese nationals who are suspected to be
Yakuza by Japanese people and foreign law enforcement agencies are not
a Boryokudan member or a Boryokudan associate, but that they may be
committing a white-collar crime, money laundering or sending women as
prostitutes.
Japanese police regard it necessary to keep watch over the people who are
not Boryokudan members or associates but who have a certain connection with
Boryokudans. And I think that we need not overestimate or underestimate the
threat of Boryokudan in foreign countries, because Japanese criminals in
overseas countries are usually not Boryokudan members or associates. We
need a new approach against Japanese criminals concerning foreign countries,
not narrowing our interest into Boryokudans.
Measures against boryokudans
Japan has the National Police Agency in Tokyo and 47 local polices in
each prefectures. Organised Crime Control Department of the National Police
Agency and Organised Crime Control Sections of prefecture polices are taking
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
186
measures against Boryokudans. However National Police Agency does not
have competence to conduct investigation, and prefecture polices are in charge
of investigation, such as interviewing and arresting people. The function of the
National Police Agency may be similar to some of that of the US Department
of Justice or of the Home Office in the UK.
Three pillars
Japanese police work out three pillars of measures against Boryokudans. They are thoroughgoing control over crime committed by Boryokudans,
effective operation of the Anti-Boryokudan Law and promotion of Boryokudan
elimination movements.
With the legislation of the Anti-Boryokudan Law and the subsequent
surge of the public opinion to demand the elimination of Boryokudans, it is
important to arouse the public opinion against Boryokudans, with the co-operation of businesses. A lot of corporations are members of committee aiming
to eliminate Boryokudans from society and citizens promote the movement to
evict Boryokudan offices from residential areas.
Arrests and dissolution
In 1995, the police arrested about 12000 Boryokudan members, and a
total of members and associates who were arrested numbered about 33000.
As for the violations, about 7000 Boryokudan members and associates
were arrested for methamphetamine related crime and about 4600 people were
arrested for bodily injury, followed by blackmailing (about 2800) and gambling
(about 2700).
In 1995, 234 Boryokudan organisations dissolved or disintegrated and
they had contained about 1400 members. Around 200 organisations have been
forced to dissolve every year recently.
Legal measures Japanese police have
Generally Japanese police fall behind other industrialised countries in
combating organised crimes and Japanese police have limited measures on
law enforcement.
Japanese police investigators are aiming to arrest Boryokudan members
and associates, and they are not interested to grasp the money flow. Then a
lot of Boryokudan members are arrested every year for blackmailing or bodily
injury, but we could not take their money. On the other hand there are victims
of these kind of rough crimes and we could not leave them alone.
One of the reasons that Japanese police are not interested in money is
that we do not have laws which allow us to confiscate illicit proceeds and have
comprehensive predicate offences for money laundering. In Japan money
Boryokudan, Japanese Organised Crime Groups
187
laundering is the crime only when money comes from drug related crime. Then
if we grasp the money flow, we have few measure to take the money of
organised crime.
As for law enforcement measures Japanese police have less to collect
evidence and to investigate Boryokudan crimes, compared with foreign counterparts. We can not operate undercover investigations, and we do not have
law which permits electric surveillance or wire tapping. We need to consider
taking effective measures against organised crimes, consulting foreign ones.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
188
Résumé
Les activités des boryokudan japonais
Katsushi Ikeda
Le terme de «.boryokudan.» signifie groupe ou gang violent. Il se définit comme un gang
de japonais qui opère un contrôle étroit de ses membres et qui emploie la force et
l’intimidation pour obtenir des profits légaux ou illégaux. Les membres des boryokudans
s’appellent entre eux les Yakusa. Les caractéristiques traditionnelles d’appartenance aux
boryokudans (tatouage, ablation de phalanges, coiffure permanentée) tendent à disparaître aux fins de discrétion à l’égard des services de police.
Les boryokudans représentent aujourd’hui 47.000 membres et 33.000 membres associés.
Le gang le plus important est le Yamaguchi-Gumi (situé à Kobe, il compte 19.000 membres
et contrôle une centaine de groupes secondaires). Sumiyoshi-kai (Tokyo) : 6.700 membres. Inagawa-Kai (Tokyo) : 5.600 membres. Il y a aujourd’hui moitié moins de membres
qu’en 1963.
Les principes de fonctionnement des boryokudans sont ceux d’une organisation très
contrôlée à l’intérieur et ayant une politique relationnelle importante à l’égard de l’extérieur.
Les boryokudans sont une organisation pyramidale mimant les liens de parenté de sorte
que le devoir d’obéissance au chef est absolu et que la désobéissance est gravement
punie.
Il y a une tendance à la concentration des groupes Boryokudans, ce qui leur permet
d’augmenter leur efficacité et d’éviter les conflits entre gangs. Les chefs Boryokudans
collectent de l’argent des groupes subordonnés, et évitent ainsi de commettre eux-mêmes
des crimes (ce qui rend difficile leur arrestation). Cependant, le contrôle des groupes
parents sur les groupes subordonnés n’est pas très strict.
Les différentes organisations entretiennent des relations mutuelles d’ordre amical (accord
de protection), de rivalité mais également d’ordre cérémonial (en cas de funérailles par
exemple).
Pour ce qui concerne leurs activités, on voit apparaître, à côté des activités traditionnelles
(jeux, trafics d’amphétamines...), de nouveaux vecteurs utilisés par les boryokudans (prise
en main de mouvements sociaux). À cet égard, le phénomène préoccupant est que ces
organisations tendent à accroître leur influence sur le monde syndical et développent leurs
interventions dans la vie économique (secteur financier et immobilier).
Depuis une vingtaine d’années, ils ont pris l’habitude d’expatrier leurs activités (drogue,
armes, prostitution, jeux, investissements immobiliers) dans d’autres métropoles asiatiques (Hong-Kong, Séoul, et Manille notamment).
L’action anti-boryokudan mise en œuvre par les services de police japonais vise à contrôler
les crimes commis, faire appliquer la loi anti-boryokudan votée en 1992 et à promouvoir
les mouvements de réaction et de résistance de l’opinion publique.
Si les résultats obtenus sont spectaculaires (12.000 arrestations et 234 organisations
dissoutes en 1995), l’action de la police demeure légalement fragile puisqu’elle n’est pas
autorisée à confisquer l’argent sale, à infiltrer les organisations ni même à procéder à des
écoutes téléphoniques.
Boryokudan, Japanese Organised Crime Groups
189
Resumen
Las actividades de los boryokudan japoneses
Katsushi Ikeda
El término «.boryokudan.» significa grupo o banda violenta. Fue definido como una banda
japonesa que tiene un control estricto sobre sus miembros y que emplea la fuerza y la
intimidación para obtener beneficios legales o ilegales. Los miembros de los boryokudans
se llaman entre sí los «.Yakusa.». Las características tradicionales de pertenencia a los
boryokudans (tatuaje, amputación de falanges, peinado con permanente) tienden a
desaparecer con el fin de hacerse más discretos frente a los servicios de policía.
Los boryokudans cuentan actualmente con cuarenta y siete mil miembros y treinta y tres
mil miembros asociados. Las bandas más importantes son «.Yamaguchi-Gumi.» (Kobe),
que tiene diecinueve mil miembros y controla un centenar de grupos secundarios.;
«.Sumiyoshi-kai.» (Tokio), con seis mil setecientos miembros, y «.Inagawa-Kai.» (Tokio),
con cinco mil seiscientos. Hoy estas bandas cuentan con la mitad de los miembros que
tenían en 1963.
Los principios de funcionamiento de los boryokudans son los de una organización con un
fuerte control interior y con una política de relación importante con respecto al exterior.
Los boryokudans son una organización piramidal que imita los lazos de parentesco, de
manera tal que el deber de obediencia al jefe es absoluto y la desobediencia gravemente
castigada.
Hay una tendencia a la concentración de los grupos Boryokudans, lo que les permite
aumentar su eficacia y evitar los conflictos entre bandas. Los jefes Boryokudans recogen
el dinero de los grupos subordinados, y evitan de esta manera cometer ellos mismos los
crímenes (lo que dificulta su arresto). Sin embargo, el control de los grupos centrales sobre
los grupos subordinados no es muy estricto.
Las diferentes organizaciones mantienen relaciones mutuas de orden amistoso (acuerdos
de protección), de rivalidad, pero también de orden ceremonial (en caso de funerales, por
ejemplo).
En lo concerniente a sus actividades, al lado de las actividades tradicionales (juego, tráfico
de anfetaminas) aparecen nuevos vectores utilizados por los boryokudans (toma de
control de movimientos sociales). A este respecto, el fenómeno más inquietante es que
estas organizaciones tienden a aumentar su influencia sobre el mundo sindical y desarrollan su intervención en la vida económica (sector financiero e inmobiliario).
Desde hace unos veinte años, han comenzado a expatriar sus actividades (droga, armas,
prostitución, juego, inversiones inmobiliarias) hacia otras metrópolis asiáticas (especialmente Hong Kong, Seúl y Manila).
La acción anti-boryokudan puesta en marcha por los servicios de policía japoneses apunta
a controlar los crímenes cometidos, hacer aplicar la ley anti-boryokudan votada en 1992
y promover los movimientos de reacción y de resistencia de la opinión pública.
Si bien los resultados obtenidos son espectaculares (12.000 arrestos y 234 organizaciones
disueltas en 1995), la acción de la policía continúa siendo legalmente frágil, ya que no
está autorizada a confiscar el dinero sucio, a infiltrar las organizaciones ni a realizar
escuchas telefónicas.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
190
Les nouveaux enjeux
de la lutte contre
la criminalité organisée
Terrorism and organised crime
Alan Brown,
Chief superintendent, Organised crime group, New Scotland Yard
Terrorism and organised crime
My role within the Metropolitan Police is head of Intelligence Operations
within the Specialist Operations section based at New Scotland Yard, London.
The primary target of the Specialist Operations Group is organised crime
within London and the South East Area of England. My officers also provide
technical and traditional covert surveillance in support of operations conducted
against terrorist targets.
The video you are watching is of the damage caused by the Provisional
IRA on the 9th February this year, this explosion marked the end of a period
called a ’cease-fire’by the Provisional IRA this had lasted approximately 18
months during which time their had been no overt terrorist activity and their had
been talks aimed at resolving the problems in Northern Ireland.
You can see by the damage caused that the explosion was immense, 2
people died and in excess of 100 were injured. The commercial damage to the
City of London extended to millions of pounds.
From the head lines that followed it is quite easy to recognise this as a
deliberate act of terrorism, they are typical of what would be expected in any
country that had just been the target of a large terrorist act.
I would now like to show you a second set of headlines. These headlines refer
to other criminal acts that have occurred in the London Area, some of them
have resulted in traumatic consequences, yet there is only one of them that
could really be linked to Organised Crime, that being the kidnapping of a
Chinese national resident in London. All the others were of criminal acts
undertaken by individuals normally with a grudge against the intended victim.
They may indeed even have masqueraded as Organised Crime but the reality
is that they were not.
This brings me on to the first point that I would like to make with regard
to Organised Crime and that it is very hard to define and recognise.
You will have realised from earlier presentations and discussions that
“Organised Crime” is nebulous and hard to define.
Before moving on to examine the links between the two I will spend some
time looking at what Terrorism is and why it is fundamentally different to
Organised Crime and also why countries and police forces throughout the world
adopt different approaches to terrorism than they do to combating Organised
Crime.
Terrorism unlike organised crime has a very definite public face, at the
time of committing outrageous acts, it seeks publicity and indeed it is this
publicity that is part of the whole rationale of Terrorism i. e. kill 1 frighten 1000.
So who are terrorists and what are their motives? I would suggest that a
terrorist is a disaffected and radicalised politician who seeks an influence much
greater than he or she would be allowed or able to achieve if they conformed to
normal legal and legitimate means. A working definition of Terrorism would be:
Political Terrorism is the use or threat of use of violence by an individual
or group, whether acting for or in opposition to established authority, when such
action is designed to create extreme anxiety and or fear inducing effects in a
target group larger than the immediate victims, with the purpose of coercing
that group into acceding to the political demands of the perpetrators. (Wardlaw)
It can be seen from this definition that in essence Terrorist Acts are
political, they are a deliberate means to an end, Terrorism has objectives, a
point which is all to often obscured by the fact that what the public sees are acts
that are random and directed towards people whose injury or death can be of
no apparent value to the terrorist cause.
So if terror is directed at achieving a political goal, why should it be
regarded as a crime or a criminal act, without establishing this, it would not be
possible to show any links or connection with Organised Crime.
But it is precisely because terrorists by definition follow a systematic
policy of terror that their acts are analogous to crime.
Every legal system is based upon the principal that individuals hold the
moral responsibility for their actions and hence for any violation of the legal
code. Unless we are prepared to defer to terrorists because his act is ’political’the actions of the terrorist in committing his terrorist act brings him or her
into conflict with the law. Thus he is a criminal, perhaps with a different
motivation but nevertheless still a criminal and a very dangerous one at that.
The terrorist himself will often articulate loudly upon being captured that
what they have done should not be regarded as a crime, they claim to act
according to a higher ’revolutionary morality’which sits above the law. Consequently prior to trial they will almost invariably make statements refusing to
acknowledge the court or judicial process.
The terrorist speaks a different language one of justification, they place
themselves outside and above the law, a situation that means they are aligned
with the professional and habitual criminal.
This position has led to intimate, organisational, financial and logistic
links between terrorist movements and criminal subcultures.
As terrorism brutalises those who are involved and disaffection becomes
a reality the terrorist will quite probably resort to crime where he is still able to
practice those skills he has acquired during his time as a terrorist. The tools of
terror are to be found not only within terrorism but also extensively within
organised crime.
An example of this can be found most recently in Ireland, when during
the period of the ’Cease-fire’a number of the terrorists, particularly those at a
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
194
lower level felt that their position of power within the nationalist community had
been devalued, frustrated they sort to achieve the same level of power through
moving into Organised Crime and in particular the supply of drugs, using the
same tactics they had employed as terrorists. The result has seen a wave of
violence sweep through Dublin that has no precedent within that city.
If the major objective of terrorism revolves around a drive for political
power and it is important to keep that in mind, it would seem to have very little
in common with Organised Crime.
Organised Crime has been defined by a number of different groups, and
although I have not been present at your earlier discussions I am sure that they
have been lively, thought provoking and that during the course of them you will
have encountered some of the problems in defining exactly what ’Organised
Crime’is.
The reality is that it can mean a number of things, it can describe a variety
of different enterprises which have different organisational models. However I
would suggest that there is one common theme that runs through all the
definitions, and that is the obtaining of money, pecuniary advantage and
financial power.
The definition used by the Metropolitan police is deliberately wide specifically to recognise the wide ranging nature of the activities and criminality that
make up Organised Crime, it is:
“Organised Crime can involve any group of individuals, organised to
profit from the community by illegal means on a continuing basis.”
You will see immediately that for crime to be regarded as Organised there
must be a group/ or conspiracy and that it must be a continuing basis. In effect
what we are really looking at is a business enterprise that operates within both
illegal and legitimate markets and indeed it is this fact that attracts the terrorist.
Organised crime does not have the attainment of political power as its
objective, its primary purpose is to create money, it seeks financial power
however as I will example later financial power and political power are very
close bed fellows, and indeed organised crime may welcome the chance to
infiltrate and control governments but not from a basis of achieving ideological
ideas but simply as a way of achieving greater financial opportunity. To ensure
it is able to go undetected it sets about corrupting law enforcement officials.
A classic case in point is the International Commission Against Corruption established within Hong Kong, staffed initially by non Chinese its aim was
to investigate Triad corruption, which is still widespread throughout Hong Kong.
It has recently been discovered that the deputy head of this organisation
was himself a Triad member having been recruited whilst working for the
commission, which clearly shows the lengths to which Organised Crime will go
to ensure its own safety and prosperity.
The core of Organised Crime activity is the supplying of illegal goods and
services, gambling, extortion loan sharking, drugs and other forms of vice. From
these humble beginnings of street level crime, reinforced by terror, a power
base is constructed.
Terrorism and organised crime
195
Organised Crime groups realise that there is much to be learnt from the
legitimate business world, which when allied to the willingness to undertake
criminal acts ensures that they rapidly become formidable organisations.
Employing illegal methods such as monopolisation, terror, extortion, and tax
evasion to drive out or control lawful competition.
Like Terrorism Organised Crime is considered in its approach to crime it
does not commit ad hoc acts or undertake frivolous activities, it seeks financial
power whilst ensuring its own safety. It is willing to use extreme methods to
dominate its chosen market place.
One of the areas where the police service is particularly poorly sighted
is the extent of Organised Crime and its potential to corrupt economies.
By common agreement the twin forces of liberalisation and technological
innovation have made the global market dirtier at the same time as making it
larger. There are no accurate estimates of the amount of ill gotten gains now
finding there way into international capital markets, conservative estimates put
the amount of money laundered between $300 bn. – $500bn., other less
conservative estimates put the figure at $1,000 bn. which is considerably more
than the gross domestic product of many countries.
It does not take too much analytical ability to deduce two hypotheses:
1) That whoever has control of such money will weld considerable
political power and this can be seen to be the case in countries involved in the
production of Cocaine, Opium and Hashish.
2) That given that political power arrives in tandem with financial power
those groups intent in achieving political power as a primary objective may well
be attracted to organised crime as a way of achieving it.
These are of course hypotheses, or are they? How many central American or Asian states are inextricably linked to Organised Crime, with revolutionary or nationalist groups once regarded as terrorist forming governments,
sustained by the same methods that enabled them to take power in the first
place.
One area where Organised Crime has through political power sought to
increase there financial power is the former Soviet Union. Political instability
and terrorism stalk the very foundation of new sovereign states as they try to
establish themselves.
In Chechnya the Chechenskya Mafia started by Chechens during the
second world war is known for its deep internal loyalty and unbridled brutality.
Its numbers are large and spread not only throughout the former Soviet Union
but also other parts of Europe and America. It has embraced smaller groups of
Uzbeks and Ukrainians, it has started to diversify its activities from black
marketeering in Russia to seeking to control vice activities across Europe.
Consequently they have moved on, into extortion, loan sharking and
money laundering operations. They have committed murders within the UK
which is a clear indication of their intention to expand their activities across the
English channel.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
196
There are anecdotal reports that many Russian business men are paying
protection to this group who are closely linked to the struggle within Russia to
establish Chechen as a separate sovereign state.
Such struggles funded by the proceeds of organised crime blur the
distinction between the Terrorist and the Organised Criminal.
Let us consider what many in the past would have believed to have been
a pure work of fiction or an overactive imagination, that is the prospect of
Organised Crime groups acquiring nuclear material, yet it is already a matter
of fact that police operations in Germany and Poland have arrested people in
possession of Nuclear material which they have managed to smuggle out of
the former Soviet Union. Let your thoughts rest briefly on the prospect of a
nuclear device being in the hands of a terrorist group. Those people within
Organised Crime groups who attained this material may well just view this as
just another commodity, just another market place, the possible consequences
are almost to appalling to imagine.
It is the need to raise funds that provides a major attraction towards
Organised Crime for both Nationalist and Revolutionary terrorist groups, the
logistics of carrying out terrorist activities requires a ready supply of money,
there are few if any terrorist groups that could survive on the donations of
politically sympathetic supporters.
It is this need to provide logistical support that is one of the main
attractions for terrorist groups to enter the ’enterprise culture’of Organised
Crime.
It is possible to identify differences in the type of criminal activity undertaken by the two main types of terrorist groups, i. e. Nationalist and Revolutionary. Particularly in the West, Revolutionary groups tend to be very small in
number, they do not have the membership to be able to consider truly ’Organised Crime’as an option. A classic example of this were the activities of Bader
Meinhoff and Red Brigades which resorted to committing armed robberies to
finance their terrorist activities.
Far more closely aligned to Organised Crime are the fund raising
activities of Nationalist Groups, the PIRA has needed and continues to need to
raise funds to sustain its campaign within the UK and mainland Europe.
Contrary to a belief that vast sums of money flood out of the USA from Irish
American support the amount of money raised in this way is small.
The PIRA are great practitioners of extortion, not only in Ireland but also
Irish businesses within the UK particularly the construction industry. It is by this
taxing of ordinary members of the public that the PIRA have managed to fund
their terror campaign, this is reinforced by a willingness to kill, with the result
that the public are understandably unwilling to come forward. We have also
seen them enter the quasi legitimate world of business and it is known that the
PIRA are the moving force behind large-scale copyright violation involving
videos and audio tapes. Those who follow the international news will know that
this area of criminality receives little police attention but is capable of generating
large profit, and undermining legitimate business.
A little known middle eastern group called ASALA whose aim was to
establish an independent Armenia, showed quite clearly that such a group
Terrorism and organised crime
197
made up of dispossessed nationals has to resort to Organised Crime to support
their terrorist activities. Using links in Lebanon at the height of the Civil War in
that country they established drug trafficking routes into both Europe and North
America most notably Canada.
By liaising with established crime groups in those countries they were
able to generate sufficient funds to carry out an effective International Terrorist
Campaign across Europe and the Middle East..
It is of course highly unlikely that the Organised Crime groups in Sweden
and Canada whom they aligned themselves with had any interest in obtaining
political power in Armenia, nor to facilitate the attaining of power by anyone
else. They of course were only interested in generating ’financial power’through
the profit made from the sale of drugs.
For a final example of the links between Organised Crime and terrorism
I would like to take a look at a Kurdish group. The PKK a political group acting
to bring about a Kurdish independent state within the South East of Turkey.
They have a large widespread community base dispersed throughout
Europe, particularly Germany, France and the UK
They are politically active, using terrorist methods against established
Turkish targets both human and business and there have been a number of
incidents within the UK
In Turkey they have a considerable following in the South East of the
country and are well armed. For those of you who are unfamiliar with the
economy of south east Turkey it is an area that struggles economically. It is
however a vital leg in the Heroin supply route from Afghanistan and Pakistan,
into Europe..
Analysis of the Heroin seized in Britain identifies that with the exception
of a small percentage all heroin comes from the Afghanistan, Pakistan region
and undoubtedly travels across Turkey.
The PKK have not been slow to seize upon this as a fund raising initiative
and I have had a number of personal dealings of PKK members who have been
arrested for Heroin trafficking on a large scale within the UK all are invariably
armed, though so far they have not used their weapons against UK law
enforcement officials.
It would be no exaggeration to say that they are a prolific Organised
Crime Group. The profits however do not stay within the UK They are channelled back to the South East of Turkey to continue their terrorist campaign.
However not satisfied with being extremely successful drug importers,
they also run extensive extortion activities within the UK directed against the
Turkish community. This again raises considerable amounts of money to
finance Kurdish insurgency in the South East of Turkey.
Why, may you ask do the Turkish business men not come forward, simply
because they are terrified, they are aware of how violent and well armed such
groups are and as a consequence suffer the loss and sometimes humiliation
that paying such extortion brings.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
198
These same activities must be occurring in every country that has a
Turkish population, so it can be seen that Organised Crime on occasion makes
a very comfortable bed fellow for terrorist groups.
So what of the Police response?
I will talk in specifics about the UK but what I am about to say I am aware
is relevant to many places across the globe.
Within the UK there have been specific statutes brought into to deal with
Terrorism, most notable of these is the Prevention of Terrorism Act brought in
specifically to deal with the Irish terrorism on mainland UK It gives the police
powers far in excess of what the normal criminal law allows. Within the UK the
police can only detain a person suspected of committing ’normal crime’for a
period of 48 hours and even this has to be agreed by a Magistrate. There are
no exceptions even for murder cases, yet the Prevention of Terrorism Act allows
detention for 1 week. It allows British nationals to be refused entry to mainland
UK It prescribes certain organisations making it illegal to belong to them. At
other times Britain has had a policy of internment, it has had laws which have
prevented terrorist or their aligned political parties being able to speak on
television or have their views reported.
When looked at against the normal criminal code it can be seen that the
country allows far harder and more draconian policing against terrorist groups,
than any other criminal conspiracy.
Such actions are not limited solely to the UK, they are fairly representative of the reactions of most governments to a terrorist threat, the desire
to be seen as being able to do something positive ensures a proliferation of
laws directed against the terrorist.
What of the actual police response, again there are marked differences
between terrorism and organised crime. The UK response is fairly typical.
There is a large Special Branch, whose sole aim it is to gather information
and intelligence on political groups and personalities, with the aim of identifying
any current or perhaps more importantly any future terrorist. 15% of all CID
officers in London are members of the Special Branch, a colossal number of
officers. Within the UK there are 43 Police Forces all of whom have a ’Special
Branch’.
To provide the executive arm, is an Anti-Terrorist Squad, who respond
reactively to terrorist incidents and undertake proactive operations. The resources committed are enormous. They have over the years developed and honed
their skills and are quite rightly regarded as a centre of excellence.
They have however realised that to be truly effective they must be
intelligence led, intelligence may appear to be a costly product to achieve, but
over time it becomes cost effective providing information that produces results
and saves lives.
The response to Organised Crime by comparison is not co-ordinated and
to a large extent is not based upon intelligence, it is a piecemeal approach,
there is no strategic response as there is to terrorism.
Terrorism and organised crime
199
We know sufficient about ’Organised Crime’to know that it is a phenomenal problem, as large and probably more persistent than any terrorist group.
We know the types of activities that it carries out and we know from observing
Organised Crime in action i. e. Triads, and Mafia, that its objective is to achieve
financial power. To do so we know it must infiltrate and suborn legitimate market
places and business. We know also that it has the ability and will to cross
International borders to achieve its objective.
The Police Service must realise that to combat Organised Crime it has
to enrol the help of the communities against which they commit their crime.
They must form effective partnerships with large businesses, assisting them to
establish their own intelligence systems, to be able to identify the approach of
Organised Crime. They must be determined in dealing with those groups that
practice extortion against the vulnerable, whether they be street level businessmen or directors of multi-national companies.
The Police Service must become as determined in its approach to
Organised Crime as it is to Terrorism.
I hope that I have been able to illustrate some of the similarities,
differences, links and crossovers that exist between Organised Crime and
terrorism. They are both complex phenomenon’s presenting liberal democracies with difficult decisions and dilemmas.
Neither has an easy solution, but the police response to both should be
firm and committed, they are a fundamental attack upon the societies in which
we live, and indeed our very liberty.
We must therefore urge government and public alike to recognise the
problem and work together, by a determined response it is possible to achieve
success.
No liberal society will ever fully eradicate terrorism or Organised Crime,
but their is still much to be achieved.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
200
Résumé
Crime organisé et terrorisme
Alan Brown
À la différence du crime organisé, le terrorisme s’inscrit dans une logique publicitaire. Les
terroristes sont des politiques aux positions extrémistes qu’ils manifestent en empruntant
les voies illégales plus persuasives que les voies légitimes. Le terrorisme politique est
l’utilisation ou la menace d’utilisation de la violence par un individu ou un groupe agissant
pour ou contre une autorité établie. Cette action tend à déclencher une extrême anxiété
ou peur qui, elle-même, induit des effets dépassant largement le cadre des victimes.
De cette définition du terrorisme politique se dégage une analogie avec le crime organisé
dans le sens où les terroristes poursuivent une action systématique de terreur. Parallèlement, la «.Metropolitan Police.» considère que le crime organisé implique un groupe
structuré d’individus aspirant à réaliser des profits de façon continue par des moyens
illégaux. Or, cette entreprise lucrative intervenant concurremment sur des marchés légaux,
peut attirer les terroristes. Même si l’objectif politique n’est pas l’élément moteur de son
activité, le crime organisé ne dédaigne pas infiltrer et contrôler les secteurs politiques et
gouvernementaux en vue d’asseoir son pouvoir financier.
À l’instar du terrorisme, le crime organisé recourt à des méthodes extrêmes (violence,
terreur, corruption, etc) dans le souci de renforcer sa sécurité et son pouvoir financier. Les
innovations technologiques et la libéralisation des échanges ont contribué à l’accroissement de la masse d’argent sale présente dans les circuits financiers. Le trafic de matières
nucléaires, jadis pure fiction, est devenue une réalité illustrée par bon nombre d’affaires
internationales. De surcroît, l’impérieuse nécessité pour les groupes terroristes à collecter
des fonds les attire vers le crime organisé. En ce domaine deux tendances différentes se
font jour. Tout d’abord, les mouvements révolutionnaires des pays occidentaux n’impliquent qu’un petit noyau de membres, cette situation excluant le recours au crime organisé.
Tel fut le cas notamment de la Fraction Armée Rouge et des Brigades Rouges qui
finançaient leurs activités en opérant des vols à main armée. En revanche, les organisations terroristes nationalistes adoptent un mode de collecte de fonds qui les rapproche du
crime organisé. Ainsi l’IRA a considérablement infiltré le monde du bâtiment et de la finance
et le PKK finance ses activités au travers du trafic de stupéfiants.
Pour combattre cette nouvelle forme de crime organisé, il convient de privilégier le
renseignement et surtout de développer de véritables partenariats avec le monde des
affaires pour le sensibiliser et pour l’amener à mieux identifier les menaces susceptibles
de peser sur lui.
Terrorism and organised crime
201
Resumen
Crimen organizado y terrorismo
Alan Brown
A diferencia del crimen organizado, el terrorismo se inscribe en una lógica publicitaria. Los
terroristas son políticos con posiciones extremistas que manifiestan a través de vías
ilegales, más persuasivas que las legítimas. El terrorismo político es la utilización o la
amenaza de utilización de la violencia por un individuo o un grupo actuando a favor o en
contra de una autoridad establecida. Esta acción tiende a desencadenar un miedo o
ansiedad extremos, que, en sí mismos, inducen efectos que sobrepasan ampliamente el
marco de las víctimas.
De esta definición de terrorismo político se desprende una analogía con el crimen
organizado en el sentido de que los terroristas persiguen una acción sistemática de terror.
Paralelamente, la «.Metropolitan Police.» considera que el crimen organizado implica un
grupo estructurado de individuos que aspiran a realizar beneficios de manera continua
por medios ilegales. Así, esta empresa lucrativa interviniendo competitivamente sobre los
mercados legales puede atraer a los terroristas. Incluso si el objetivo político no es el
elemento motor de su actividad, el crimen organizado no desdeña la infiltración y el control
de sectores políticos y gubernamentales con el objeto de consolidar su poder financiero.
Del mismo modo que el terrorismo, el crimen organizado recurre a métodos extremos
(violencia, terror, corrupción, etc.) para reforzar su seguridad y su poder financiero. Las
innovaciones tecnológicas y la liberalización de los intercambios contribuyeron al aumento
de la masa de dinero sucio presente en los circuitos financieros.
El tráfico de materias nucleares, hasta hace poco pura ficción, se ha convertido en una
realidad ilustrada por buen número de casos internacionales. Además, la imperiosa
necesidad de fondos de los grupos terroristas los empuja hacia el crimen organizado. En
este dominio aparecen dos tendencias diferentes :
Por un lado, los movimientos revolucionarios de los países occidentales que sólo implican
un pequeño número de miembros, lo que excluye el recurso al crimen organizado. Es el
caso de la Fracción Ejército Rojo y de las Brigadas Rojas que financian sus actividades
a través del robo a mano armada.
Por el otro, las organizaciones nacionalistas terroristas que adoptan un modo de recolección de fondos que las aproxima al crimen organizado. Es el caso del IRA, que ha infiltrado
considerablemente el mundo de la construcción y de las finanzas, y del PKK que financia
sus actividades a través del tráfico de estupefacientes.
Para combatir esta nueva forma de crimen organizado, conviene privilegiar la información
y sobre todo desarrollar una verdadera cooperación con el mundo de los negocios para
sensibilizarlo y llevarlo a identificar mejor las amenazas que pesan sobre él.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
202
La criminalité organisée
et les trafics d’êtres humains
Wassyla Tamzali,
chef de l’Unité de coordination des activités
relatives aux femmes à l’UnescoLa criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
Monsieur le Préfet, je voudrais tout d’abord vous remercier de m’avoir
invitée. Même si j’ai beaucoup hésité à venir m’adresser à votre conférence, je
suis heureuse d’être ici ce matin. Pourtant, mes craintes étaient justifiées
compte tenu de la qualité des auditeurs comme des intervenants et leurs
responsabilités dans la lutte contre le crime organisé dans le monde. J’espère
que je saurai, moi aussi, apporter ma contribution pour une meilleure conduite
de vos travaux de police contre le crime organisé et tout particulièrement celui
qui organise la prostitution des femmes et des enfants : le trafic des êtres
humains.
Permettez-moi une remarque préalable. La question de la prostitution
est la seule avec celle du patrimoine national qui est traitée dans notre
Conférence par une personne extérieure aux filières de police et nous pourrions
penser que cette question n’a pas encore atteint le degré d’intérêt qu’elle mérite
au sein de cette profession. Mais, en écoutant les interventions précédentes
nous pouvons aussi dire que la prostitution, la traite des femmes, des enfants,
obéissent aux règles générales du crime organisé et qu’elles seront de cette
manière au cœur même des différentes expériences qui seront échangées
ici.... et je l’espère des différentes stratégies de lutte qui seront identifiées et
retenues.
Car faut-il le souligner.? Nous savons depuis longtemps que la prostitution est intégrée à la grande criminalité, aujourd’hui plus que jamais. Le
conférencier précédent nous a dit que la moitié des cambriolages se faisait
pour la drogue, on peut dire que maintenant une bonne partie de la prostitution
se fait pour la drogue et par la drogue. Le proxénète des villes, surtout dans
les pays développés, dans les grandes capitales européennes, n’est plus le
héros «.sympathique.» que nous ont montré les films sous les traits de Jean
Gabin et d’autres acteurs chers au cœur des Français. C’est souvent le
trafiquant de drogue organisé à un niveau transnational sans visage, sinon celui
que lui prête le dealer du quartier. C’est dire l’intérêt de traiter de cet aspect
particulier du crime organisé qu’est le trafic des êtres humains, car il participe
au renforcement des autres catégories de crimes organisés.
Vous m’avez invitée à exposer devant vous les résultats de mon travail
à l’Unesco sur la question de la prostitution. Depuis maintenant plus de dix ans,
nous avons, dans le cadre de la Division des droits de l’homme, développé un
programme de recherche et d’expertise sur les causes et les conséquences de
la prostitution des femmes ainsi que des activités en vue d’une meilleure
application des instruments juridiques internationaux sur cette question et en
particulier, la Convention de 1949 sur la traite des êtres humains et l’exploitation
de la prostitution d’autrui. De cette vaste et complexe question de la prostitution,
je ne retiendrai que quelques points particuliers en vue d’organiser notre débat.
Je commencerai donc par les liens particuliers de la police et de la
prostitution. Je le fais en priorité et avec d’autant plus de conviction devant votre
auditoire, que compte tenu de la diversité des nationalités présentes dans cette
salle, je dirai sans désigner de pays, que pour un grand nombre de pays
représentés ici, un aspect de votre problème reste encore entièrement posé,
celui du traitement inacceptable des femmes prostituées par la police. Si le
traitement par les pouvoirs publics de la prostitution connaît des progrès tout
à fait remarquables dans certains pays, dans d’autres pays, la prostitution
relève encore d’une analyse et d’un traitement archaïques, intolérables au seuil
du troisième millénaire. La question mérite d’être développée ici d’autant plus
que sous cet aspect des solutions sont possibles et dépendent d’une bonne
volonté politique et de sa mise en forme institutionnelle.
La prostitution et la police sont étroitement liées et cela dès l’adoption
des premiers réglements concernant le trafic du sexe et l’organisation de la vie
des prostituées. Dans les premières législations européennes qui remontent
aux guerres napoléoniennes, la prostitution est un problème de police et
d’hygiène. Le système réglementaire de la prostitution sera mis en forme en
1802, à l’époque même ou Bonaparte rétablissait l’esclavage aux Colonies.
Tout sera mis en œuvre par la société pour faire en sorte, non pas que la
prostitution disparaisse, mais pour que la prostitution soit canalisée dans des
quartiers bien particuliers et qu’elle soit soumise à des contrôles policiers et
médicaux. Les dispositions qui seront adoptées reposent sur le paradoxe que
la prostitution est acceptée et les prostituées rejetées. La prostitution est
considérée comme une pratique nécessaire, mais une pratique honteuse qu’il
faut cacher, comme la folie ou comme d’autres «.maladies.» de la société et
qu’il faut tolérer sur les frontières de la «.bonne.» société. Dans certains pays
dont les représentants sont dans cette salle, c’est encore la position officielle
et il faut dire également que c’est l’opinion généralement répandue dans
l’ensemble des pays du monde, même dans les pays où on note des avancées
au niveau des lois. La femme prostituée n’est pas considérée comme une
victime, mais comme un être de déchéance, inévitable dans notre société, qu’il
faut cacher, punir, emprisonner, contrôler médicalement, mettre en carte, et de
plus, et cela ne fait pas partie d’un scénario fantaisiste, qui est utilisé par la
police pour toutes sortes de tâches comme des tâches de renseignement,
d’information etc., contre des crimes considérés comme plus dangereux à la
société que la prostitution, tel par exemple, le braquage de banque, l’émigration
clandestine, etc.
Pendant longtemps la prostitution a été considérée comme cela dans
les pays européens, et elle l’est encore dans un certain nombre de pays, où il
est aujourd’hui encore, impensable d’avoir à un niveau officiel des informations
et des renseignements sur la prostitution des femmes. De cette conspiration
du silence, les premières victimes sont les femmes prostituées. La prostitution
est alors refoulée dans un ghetto, un microcosme qui dégagera ses lois, ses
règles, avec d’autant plus de force que cela se fera avec l’assentiment général
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
204
et au vu et su de la police et de toute la société. Ce sont là les clefs du système
mis en place par les sociétés qui permettent de développer un système
paradoxal, cruel qui conduit à l’exclusion totale des prostituées sans renoncer
aux services que procurent les femmes prostituées à la sexualité masculine
prédatrice.
Quelle est donc cette morale qui préside au traitement de la prostitution.?
Une double morale, pourrait-on dire, dans laquelle la police a joué un rôle
déterminant. Double morale qui de plus, enferme à vie, sauf exceptions, les
femmes et les enfants dans la prostitution. On peut dire sans se tromper que
les premières mesures à prendre sont celles qui visent à modifier l’attitude des
pouvoirs publics face à la prostitution et en priorité celle de la police. Il faut non
seulement dépénaliser la prostituée mais également la déculpabiliser et cesser
de la traiter en objet immoral d’une pratique que l’on trouve tout compte fait
moralement acceptable.
Après ce premier point sur les liens de la police et la prostitution, je
souhaiterais maintenant aborder celui de la séparation que l’on fait de plus en
plus entre la prostitution et la traite des êtres humains. Et cela jusque dans cette
salle, puisque les documents que vous m’avez remis ne parlent que de traite
des êtres humains et non de prostitution. Même si je sais que traditionnellement
la coopération entre les polices des différents pays porte sur le trafic des êtres
humains et non sur la prostitution, il me semble utile d’aborder ce point car il
permet de mieux comprendre les intérêts qui sont en jeu aujourd’hui dans les
débats sur cette question dans les enceintes internationales et régionales, et
peut-être plus particulièrement au sein des institutions de l’Union européenne
où ces dernières années, la question de la prostitution des femmes est inscrite
à l’ordre du jour. Je devrais d’ailleurs dire, le trafic de femmes puisque
justement, ici plus qu’ailleurs, on sépare volontairement les deux aspects de
ce fléau, les considérant comme indépendants l’un de l’autre.
Nous enregistrons avec satisfaction une condamnation générale de la
traite des êtres humains, mais nous remarquons également, que cette condamnation dans la majorité des cas est silencieuse, sinon ambiguè sur la prostitution elle-même. Cette tendance à séparer le problème de la prostitution de celui
de la traite des êtres humains est non seulement un choix de méthode mais
une orientation de fond. Vous aurez remarqué que jusqu’à ce point de mon
intervention, j’ai surtout parlé de prostitution. Et cela n’est pas un hasard. Car
depuis que nous avons inscrit le trafic des êtres humains au programme des
droits de l’homme de l’Unesco, nous avons été amenés à poser la question de
liens entre le trafic des êtres humains à proprement parler de la prostitution et
nous avons sur ce point répondu d’une manière très argumentée. Les experts
que l’Unesco a réunis dans le cadre de son programme sur l’élimination de
toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes ont dit très clairement en conclusion de leurs travaux, à Madrid en 1986, à Penn State en 1991,
à Bruxelles en 1992, à Séoul en 1995 et au Forum des ONG de la 4e Conférence
mondiale des femmes de Pékin en 1995, qu’il n’y aura pas d’éradication de la
traite des êtres humains sans envisager sérieusement la disparition de la
prostitution. C’est la prostitution tacitement acceptée et légalisée aujourd’hui
dans certains pays d’Europe qui est la cause du développement de la traite des
êtres humains. Voir en annexe le rapport de la réunion d’expert de Madrid de
mars 1986.
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
205
Cette analyse de la prostitution est d’ailleurs celle qui a été retenue par
la Convention pour la répression et l’abolition de la traite des êtres humains et
de la prévention de la prostitution d’autrui du 2 décembre 1949, dite Convention
de New York, qui condamne toutes formes d’exploitation de la prostitution
d’autrui. Cette Convention a été l’aboutissement d’un long cheminement de la
communauté internationale.
Il est bon de laisser aux minutes de votre conférence, un rappel de
l’évolution de cet aspect de la lutte contre la prostitution et le trafic des êtres
humains dans les traités et conventions internationaux. Cette évolution met en
perspective deux positions antagonistes : pour lutter contre ce fléau, fallait-il
lutter contre le trafic des êtres humains et organiser l’exercice libre de la
prostitution ou fallait-il lutter contre l’exploitation de la prostitution comme une
des sources principales du trafic des êtres humains.?
C’est en Angleterre que commence la lutte contre la prostitution à
l’initiative des militants réunis par et autour de Joséphine Butler à la fin du XIXe
siècle. Leur premier objectif était de faire abolir les lois anglaises qui règlementaient la prostitution. L’abolition des lois et règlements spécifiques qui est le
premier objectif de leur organisation donnera son nom à leur Mouvement : Le
Mouvement abolitionniste. Ils appelleront leur association «.l’Association abolitionniste.» (Londres 1876) qui deviendra en 1906 «.La Fédération internationale abolitionniste.» Ce Mouvement sera à l’origine de plusieurs traités et
conventions qui interdiront la traite des enfants, puis des adultes et enfin des
adultes même consentants par la Convention internationale pour la répression
du trafic des femmes majeures adoptée en 1933 par la Société des Nations et
qui dispose que devait être puni quiconque avait débauché, entraîné ou
détourné, même avec son consentement, une femme, une fille majeure en vue
de la débauche dans un autre pays.
La Convention de 1933 ne traitait que du trafic, cependant la Société des
Nations, grâce au rapport établi par la Commission consultative de la traite des
femmes et des enfants instituée par la conférence de la Société des Nations
de 1922, commençait à établir le lien entre l’exploitation à l’intérieur des
frontières et le trafic international. Le rapport de la Commission soulignait que
même s’il n’y avait pas de structure institutionnelle, les acteurs des divers pays
se connaissaient. C’était l’argent des gros souteneurs, des «.exploitants.» qui
aidait à organiser la traite des femmes et que si on voulait arrêter le trafic et la
traite des femmes et des enfants, il fallait s’attaquer à la source même de leur
puissance, à savoir l’exploitation au niveau national de la prostitution.
Dans le même temps que l’adoption de la Convention de 1933 sur la
traite des êtres humains, la Société des Nations a mis en chantier un instrument
plus complet qui devait également réprimer les formes diverses d’exploitation
de la prostitution et, en particulier, punir les souteneurs. La deuxième guerre
mondiale empêchera la convocation d’une Conférence internationale chargée
de conclure une convention. Les Nations Unies reprendront ce travail et à sa
17e session en 1948, le Conseil économique et social invitait le Secrétaire
général des Nations Unies à élaborer le projet d’une Convention nouvelle et de
portée générale, en vue de la répression de la traite des femmes et des enfants
et la prévention de la prostitution. Cette nouvelle Convention devait unifier les
quatre instruments en vigueur : l’Agrément international du 18 mai 1904 pour
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
206
la répression de la traite des blanches, la Convention internationale du 4 mai
1910 pour la répression de la traite des blanches, la Convention internationale
du 30 septembre 1921 pour la répression et la traite des femmes et des enfants
et la Convention internationale du 4 octobre 1933 pour la répression de la traite
des femmes majeures. Cette convention sera la Convention pour la répression
et l’abolition de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution
d’autrui adoptée le 2 décembre 1949.
De 1906, date de création de la Fédération abolitionniste internationale,
à 1949, date de la Convention de New York, les seuls engagements qu’avaient
obtenus les militants qui luttaient contre la prostitution étaient ceux portant sur
la condamnation de la traite des êtres humains, mineurs et majeurs même avec
leur consentement. Jusqu’en 1949 la communauté internationale avait séparé
le problème de la traite de celui de la prostitution, sans doute pour arriver à un
large consensus. Nous voyons resurgir cette volonté de séparer la traite de la
prostitution à la faveur d’une évolution paradoxale de la philosophie des droits
de la personne humaine concrétisée par certaines dispositions législatives
européennes. Les acquis de la Convention de New York de 1949, la première
à faire le lien entre l’exploitation de la prostitution à l’intérieur des États et le
trafic sont remis très sérieusement en question, au nom de la liberté de la
société, de la liberté des femmes à user de leur corps, ce qui au regard du bon
sens est un paradoxe.
Comment en est-on revenu à cette distinction entre prostitution et traite
des êtres humains après avoir atteint grâce à la Convention de 1949, un
consensus sur le point que la traite des êtres humains était la conséquence et
la cause de la prostitution d’autrui et qu’elle était consolidée et rendue invulnérable par l’exploitation même de la prostitution par toute une chaîne d’agents,
tels que l’aubergiste, le logeur, les éditeurs de pornographie, etc. Autre point
sur lequel il y avait un consensus était que la prostitution était incompatible avec
la dignité humaine. Cela était clairement énoncé dans le préambule de la
Convention. C’est sur ce point que l’évolution des esprits semble la plus
dangereuse car elle entraînerait une révision fondamentale de la définition
même de la condition humaine, cette définition au regard de laquelle se sont
construits les instruments normatifs internationaux à ce jour. Une évolution
surprenante et rapide puisque dans un document de travail du 25 mai 1988 du
Conseil de Strasbourg, on peut lire encore que «.l’exploitation de la prostitution
représente la négation radicale des valeurs spirituelles et morales qui sont le
patrimoine commun des pays dont les gouvernements ont constitué le Conseil
de l’Europe.». Il est d’autant plus utile de rappeler cette déclaration forte et
conforme à l’esprit de la Convention de l949 que c’est du Conseil de Strasbourg
lui-même que partiront les premières remises en question du bien fondé de la
Convention de 1949. Cette volonté de remettre en question la Convention de
1949 sera très fortement exprimée à la Quatrième Conférence des Nations
Unies pour les femmes qui s’est tenue à Pékin en septembre 1995. Le Groupe
européen insistera et obtiendra que l’on ne mentionne pas la Convention de
1949 au chapitre des instruments normatifs propres à lutter contre la violence
faite aux femmes du Programme d’action de la Quatrième Conférence mondiale pour les femmes.
Examinons pourtant cette Convention de 1949 qui est le seul instrument
normatif international traitant de cette question.
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
207
La Convention de 1949, outre qu’elle prohibe toutes les formes de trafics
à des fins de prostitution, exige donc des États, qu’ils luttent contre toutes les
formes d’exploitation de la prostitution d’autrui, ce qui vise tous les actes liés à
la vente du sexe et les personnes vivant des revenus de la prostitution d’autrui.
Ce dernier point est délicat car il interdit à la femme prostituée de vivre avec
un concubin ou un mari, ce qui induit que les femmes prostituées n’ont pas le
droit à des liens affectifs. Question difficile. Mais la prostitution est traversée
par un grand nombre de questions difficiles, ce qui en partie explique le silence
de l’opinion publique et son refus de poser le problème à plat et d’ouvrir un vrai
débat. À partir de la Convention de 1949, la lutte est portée à l’intérieur même
des pays. Si on s’en tenait à l’esprit du texte, non seulement les maisons closes
qui ont été fermées dans les pays qui ont ratifié la Convention.1, mais aussi
tous les commerces qui sont à la périphérie de la prostitution auraient dû être
interdits. Ceci reste encore bien loin de la réalité puisque prospèrent au cœur
de Paris et au cœur de Londres, au cœur de toutes les capitales des pays
mêmes qui ont ratifié la Convention, tant de commerces qui vivent de la
prostitution. Le laxisme et la tiédeur qui ont caractérisé l’application de la
Convention l’ont véritablement affaiblie et dévalorisée, et servent d’arguments
à ses détracteurs aujourd’hui.
Néanmoins, nous devons retenir que les pays qui l’ont ratifiée se sont
engagés à réprimer toutes les formes d’exploitation de la prostitution, et que
par là ils reconnaissent que la prostitution ne peut être définie comme l’exercice
normal, l’exercice légal d’un métier ou d’une profession. Ceci suffit aujourd’hui
à faire de la Convention de 1949 un document important et déterminant, et pour
cela, la cible des pro-prostitutionnels.
Autre disposition importante : l’abolition de la réglementation. La Convention de 1949 exige la suppression, l’abolition de toutes réglementations de
la prostitution. Cette disposition est au cœur de la Convention qui reprend ainsi
tout le travail des abolitionnistes et dont nous avons déjà montré l’importance
pratique dans notre premier point. Il s’agit de l’obligation pour les États
signataires, de supprimer toutes réglementations particulières s’appliquant aux
femmes prostituées comme les contrôles médicaux ou l’enregistrement par la
police ou par n’importe quel service. L’abolition de toutes règles spécifiques
était un argument majeur des abolitionnistes. Libérer la prostituée de toute
réglementation policière doit être considérée comme un progrès par rapport
aux pays où la prostituée est sous le contrôle non seulement du proxénète mais
également de la police qui la réprime et de la justice qui la punit. Elles sont
mises en prison et objet de toutes les brimades.
Outre ces relations très concrètes avec le vécu des femmes prostituées,
l’existence ou la non existence des lois réglementaires de la prostitution nous
renvoie à un autre type de réflexion qui sera développé au point suivant mais
qu’il est nécessaire d’exprimer ici. À ce propos, il faut rappeler les débats qui
ont eu lieu aux Nations Unies lors des travaux de rédaction et d’adoption de la
Convention du 2 décembre 1949 et d’un article en particulier.
1. En France la fermeture des maisons closes a été adoptée le 15 avril 1946. Les syndicats des
tenanciers ont organisé une manifestation de rue à Paris.
.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
208
Il s’agit de l’Article 6 de la Convention qui stipule :
«.Chacune des parties à la présente Convention convient de prendre
toutes les mesures nécessaires pour abroger ou abolir toute loi, tout règlement
et toute pratique administrative selon lesquels les personnes qui se livrent ou
sont soupçonnées de se livrer à la prostitution doivent se faire inscrire sur des
registres spéciaux, posséder des papiers spéciaux ou se conformer à des
conditions exceptionnelles de surveillance ou de. déclaration.».
Les auteurs de la Convention estimaient par là que toute mesure de
surveillance ou d’enregistrement des prostituées équivalait à reconnaître de
façon tacite l’existence du commerce du sexe. C’est sans doute l’article qui
occasionnait les discussions les plus longues et les plus difficiles et cela autour
de l’amendement français qui souhaitait voir maintenir les contrôles sanitaires
obligatoires des femmes prostituées. La France votera contre la Convention
mais l’Article 6 sera maintenu. Il représente l’idéal abolitionniste dont s’inspire
la Convention et il marque ainsi la position qui reconnaît que toute reconnaissance de la prostitution de la part des pouvoirs publics équivaut à l’accepter et
à l’encourager. L’Article 6 de la Convention a une portée morale très forte. En
cherchant à abolir les réglementations de la prostitution, il cherche à abolir la
prostitution reconnue par l’État.
Par rapport à certaines situations dans le monde, le régime abolitionniste
est un régime qui marque une amélioration de la condition et des situations des
femmes prostituées, ce qui nous conduit à introduire auprès de votre Conférence, une recommandation concrète et qui se situe dans le droit fil des
obligations de la communauté internationale et à laquelle l’Unesco apporte son
soutien : Il faut ratifier et appliquer la Convention des Nations Unies de 1949.
Elle contient assez d’éléments pour mettre en œuvre des politiques de lutte
contre le trafic et la prostitution des êtres humains et elle exprime très clairement les liens entre la prostitution et la défense de la dignité des êtres humains
et en particulier des femmes. Ceci sera mon troisième point : y a-t-il un lien
entre la prostitution des femmes et les droits de la personne humaine.?
Dans la longue et préoccupante liste des crimes organisés que vous
aurez à discuter ici – la drogue, le trafic d’armes, le trafic des armes nucléaires,
le terrorisme – il faut souligner la priorité du trafic des êtres humains à des fins
sexuelles parce qu’il est directement attentatoire à la dignité humaine. Si il y a
un crime organisé sur lequel nous devons de toute urgence nous interroger
tous, en tant qu’être humain, c’est celui de la prostitution. Que signifie la
prostitution sinon la vente d’un être humain, la vente d’une personne qui fait
partie de la famille humaine.? Et pour cela, je mettrais la traite des êtres
humains au premier rang des crimes organisés qui devrait intéresser la
communauté internationale, d’abord parce que sous plusieurs aspects, les
méthodes employées dans la prostitution que ce soit l’esclavage, la torture, le
viol, les mutilations, les amputations, les séquestrations, rejoignent les grands
actes criminels condamnés avec force par celle-ci, et aussi, et surtout, parce
que sur le plan éthique s’il y a un crime qui devrait nous mobiliser et nous
concerner en premier, c’est celui qui conduit à la vente des êtres humains qu’ils
soient adultes ou enfants. Nier cela, serait accepter une vision de l’humain qui
nierait que l’intégrité physique et morale de la personne est la base de notre
système de références.
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
209
On a l’habitude de distinguer la traite des femmes de la traite des enfants
en considérant que la traite des enfants est plus grave que la traite des femmes,
mais s’agissant d’un impératif moral catégorique, je ne ferai aucune différence
entre les deux puisque dans les deux cas il s’agit d’êtres humains que l’âge ne
suffit pas à différencier. Cette acception est largement répandue dans l’opinion
publique qui considère que la prostitution des adultes est le résultat d’une
décision, d’un choix. Raisonnement qui induit qu’un adulte a le choix de se
prostituer au regard d’un droit existant, abstrait le droit de se prostituer.
Cette notion de choix/droit est au cœur du débat sur la prostitution. Et
déjà, dans certains pays, on légifère pour institutionnaliser le droit de se
prostituer. Dans ces pays, la prostitution est légalisée et reconnue comme une
activité économique. En Espagne, à travers la réforme du Code pénal qui
dépénalise certaines formes d’exploitation de la prostitution, on tend à reconnaître la prostitution comme un métier et à banaliser cette pratique. Porté par
des groupes, associations et fondations basés en Europe, déjà s’amplifie un
mouvement que beaucoup de femmes et d’hommes considèrent comme une
régression sur le plan éthique. Dans cette Europe, porteuse de ce plus
d’humanité par rapport au problème affligeant de la prostitution des femmes et
des enfants, on remet en question le principe que la prostitution est incompatible avec la dignité des êtres humains, principe rappelé dans le préambule de
la Convention de 1949.
Ce problème de la légalisation de la prostitution est un problème complexe, qui charrie avec lui des éléments contradictoires qui rendent le jugement
difficile et qui conduisent à un amalgame. Pourquoi.? Parce que d’abord le
mouvement est porté sur le devant de la scène par des groupes de femmes,
des associations de femmes qui le font au nom de la défense des droits des
femmes prostituées. Quels sont leurs arguments.? Leur argumentation se base
sur le fait que, vivant dans la clandestinité, les femmes prostituées ne peuvent
pas s’organiser et qu’il faut donc leur permettre de s’organiser et leur reconnaître un statut légal. Ces groupes distinguent la prostitution forcée de la prostitution «.choisie.» et à partir de cet argument ils développent l’hypothèse qu’il
faudrait pouvoir distinguer la prostitution des femmes qui choisissent librement,
de celles qui sont contraintes à la prostitution et qui sont les victimes du trafic.
Que peut-on répondre à ces arguments puisqu’ils visent exclusivement à la
défense des femmes prostituées et qu’il est tout à fait important que les femmes
prostituées puissent se défendre. Mais peut-on penser que cette législation va
permettre aux femmes prostituées d’exercer libres de toutes contraintes leur
«.métier.», qu’elles vont pouvoir mieux «.récupérer leur force de travail.» pour
emprunter un vocabulaire désuet.
Il est difficile de répondre à ces questions. Pour cela, il nous faudrait une
évaluation des effets de l’application de ces nouvelles dispositions qui est
particulièrement difficile compte tenu du milieu concerné qui est défini par sa
clandestinité. Les participants de cette rencontre qui représentent les différents
services de police dans le monde sont peut-être ceux qui connaissent le mieux
ce milieu et peuvent nous aider à formuler un point de vue. En vrac, quelques
situations et quelques questions que vous aiderez peut-être à démêler.
Dès lors que l’on va avoir une catégorie de prostituées légalisées,
inscrites au registre du commerce il faudra bien qu’on se pose la question de
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
210
savoir où elles vont travailler, comment et d’où elles vont venir, quand on sait
que les femmes prostituées sont jusqu’à 75.% étrangères à la ville où elles se
prostituent. Qui va les faire venir.? Des agences de voyages spécialisées.? Le
trafiquant devra alors par cohérence être légalisé à son tour puisqu’il participe
à une activité légale. Les nouvelles législations proposent de distinguer le bon
du mauvais trafiquant. Elles conservent le concept de trafic quand les transactions sont basées sur la violence et la contrainte. Qui aura la charge de la
preuve.? Comme dans le Code espagnol, c’est à la prostituée d’apporter la
preuve qu’il y a eu violence. Est-ce raisonnablement possible.?
Comment va-t-on distinguer maintenant le bon du mauvais trafiquant.?
Va-t-on établir des codes de bonne conduite à l’usage des commerçants du
sexe.? Est-ce réaliste quand on sait que par nature la prostitution est le lieu de
la violence.?
Nous savons très bien que la preuve de la violence est difficile à apporter
par les victimes de la violence en général. La preuve de la contrainte est encore
plus difficile. Avant la légalisation, il y avait traite d’êtres humains quand on
apportait la preuve que le voyage d’une femme avait pour but le commerce du
sexe qu’elle soit ou non consentante. Il y avait toujours traite des êtres humains
même si les femmes étaient consentantes. Or si l’on suit les pays qui ont
légalisé la prostitution, il faudra apporter la preuve de l’illégalité du trafic. Cette
preuve doit être basée sur des éléments constitutifs du délit portant principalement sur la violence contre la femme et la volonté extorquée de la femme
prostituée. C’est un aspect qui s’adresse particulièrement à cet auditoire. Ceux
qui exercent les métiers de police, dans le milieu de la prostitution, reconnaissent eux-mêmes que c’est un milieu dominé et contrôlé par la violence et qu’il
sera difficile de distinguer le bon du mauvais trafiquant. On connaît déjà les
difficultés d’apporter la preuve de la prostitution et de cerner les réseaux du
proxénétisme. Le problème de la preuve sera alors au centre des démarches
anti-prostitution, anti-trafic, ce qui va alourdir le travail de la police et de la justice
et sans doute le rendre impossible. Dans la perspective de l’Europe et de la
libre circulation des personnes dans la mesure où certains pays européens
légalisent le commerce du sexe et où la prostitution s’exerce comme un métier
légal, cela va poser des problèmes au niveau de la répression du trafic entre
les pays européens et du traitement judiciaire de ces phénomènes qui sont,
rappelons-le, transfrontières.
Les prostituées pourront exercer dans des lieux autorisés. Le propriétaire des lieux sera tout à fait autorisé à louer à des prostituées, la loi du profit
et de la ghettorisation conduira vite à consacrer des immeubles entiers à la
prostitution, ce qui permettra et conduira à la concentration des femmes
prostituées et à la généralisation du contrôle. Pour les faire venir en Europe,
car il faudra les faire venir, on organisera des voyages, il y aura des agences.
Les techniques de «.management.» pourront alors se développer en toute
légalité et efficacité. La prostitution étant la source de revenus et de brassage
d’argent que l’on connaît, les méthodes artisanales que sous-tend l’image de
la prostituée «.libre.» ne résisteront pas au grand marché et alors disparaîtra
cette liberté de la prostituée que la légalisation était censée lui conférer. La
circulation des «.marchandises.» et des capitaux fera-t-elle exception pour ce
business particulier.?
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
211
Voilà une série de questions pratiques et dont les solutions relèvent
d’une connaissance du terrain. Ainsi, c’est avec intérêt que j’entamerai une
discussion avec vous, hommes et femmes de terrain, afin d’examiner les
difficultés nouvelles qui se présentent et se présenteront devant d’une part, les
formes nouvelles du trafic et de la prostitution et d’autre part, à l’intérieur de
l’Europe de la dysharmonie des textes et lois concernant la prostitution. Vous
avez beaucoup de choses à dire sur un problème qui préoccupe la communauté internationale et qui dépend plus que tout autre de son traitement sur le
terrain. Il est vrai que le niveau des conventions reste important et déterminant
car il indique le point de vue politique et philosophique des États sur cette
question. Et en cela, l’action sur le terrain et en particulier celle de la police
reste déterminée par ces grandes conventions, traités et déclarations politiques
qui ne manquent pas. Chaque année au moins une résolution de l’Assemblée
générale des Nations Unies rappelle que ce phénomène est une des priorités
de l’action du système onusien. Mais devant le développement constant du
trafic des êtres humains à des fins sexuelles, devant les formes toujours
renouvelées et accablantes de ce trafic, on ne peut que constater avec regret
que ces résolutions restent lettre morte. Avant de terminer mon intervention, je
ne saurais oublier de souligner que cette Convention dont je vous ai très
longuement présenté la défense, présente elle aussi des difficultés et qu’elle
demande à être améliorée et renforcée. Nous avons en la matière un seul
instrument normatif international, la Convention de 1949, qui est contraignante
mais inopérante dans la mesure où contrairement à tous les autres instruments
des droits de l’homme, la Convention n’est pas dotée d’un organe de contrôle.
La Convention de 1949 n’a pas de comité de suivi. La communauté internationale en acceptant un texte de cette nature a d’abord exprimé son ambiguïté
sur la question. Et le premier signe d’une volonté de la communauté internationale de lutter contre la prostitution des femmes et des enfants serait de
renforcer cet instrument et de lui donner des moyens d’application et de suivi.
Comme vous le voyez, la tâche est immense et multiple. Elle implique de se
battre sur le front des idées parallèlement à celui de l’amélioration de la vie des
sociétés et de l’application des lois. Elle implique plus que jamais une coopération internationale entre pays.
Réponses aux questions
L’Unesco n’a pas de point de vue officiel mais l’obligation de coopérer
avec les Nations Unies qui sont les dépositaires de la Convention de 1949.
Nous participons, dans le cadre de la coopération interagences aux efforts de
l’ensemble du système pour la mise en œuvre des instruments normatifs
internationaux. Chaque résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies
s’adresse à l’Unesco comme à l’OMS et au BIT, à l’Unicef, etc. L’Unesco a
posé le problème de la prostitution dans son programme sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Dès 1975, à la
Conférence mondiale des Nations Unies pour la femme, la déléguée de notre
Organisation a dénoncé la prostitution comme la forme extrême de la discrimination à l’égard des femmes et a appelé la communauté internationale à lutter
contre ce fléau.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
212
Les travaux que nous avons faits sont des travaux en amont des lois et
de leur amélioration. Nous avons fait des enquêtes de sociologie, des enquêtes
juridiques, nous avons organisé des rencontres et des débats. Vous verrez, en
particulier, que l’une des réunions les plus importantes a été organisée à Madrid
en coopération avec l’Institut des femmes de Madrid. Nous avons mené surtout
une action pour favoriser le débat et les échanges de vues sur cette question
pour une meilleure compréhension des mécanismes qui conduisent à la
prostitution et pour identifier des actions préventives. Et notre propos n’est ni
d’introduire des solutions normatives ou policières, mais de sensibiliser, d’informer des différentes violations des droits de la personne humaine. Sur le
chemin de notre travail qui est strictement basé sur les textes normatifs
internationaux, nous avons rencontré des positions antagonistes sur le fait
même de savoir si la prostitution était ou non compatible avec la dignité
humaine. De la réponse dépendait l’action de l’Unesco dans les domaines de
l’éducation et de la prévention. De plus elle était liée au travail plus global dans
lequel nous engageait l’Acte constitutif même de notre Organisation, à savoir,
la défense de la dignité et de la liberté de tous les êtres humains, à savoir
l’éradication de toutes formes de violence sexuelle et donc de prostitution. Sur
ce point il n’y a pas débat car quelle que soit la réponse que l’on donne
aujourd’hui à ce problème, légalisation ou non, quel que soit le parti auquel on
appartient, le désir de tous et de toutes est de voir disparaître la prostitution.
Quand on interroge une prostituée qui défend l’idée du droit de se prostituer
sur la possibilité pour son enfant de se prostituer, elle répond non. Le problème
qui se pose donc est celui de la meilleure voie pour faire disparaître la
prostitution et le trafic des êtres humains. C’est sur ce point qu’il y a convergence réellement. Comment venir à bout de la prostitution voilà la grande
question. Voilà une pratique inscrite dans l’histoire des sociétés, dans l’histoire
culturelle des sociétés, l’histoire des idées, de l’éthique et de la morale.
Aujourd’hui nous remarquons que la défense du droit de se prostituer
est formulée au nom de la liberté. N’est-ce pas là justement un abus de droit
prévu par la Déclaration universelle des droits de l’homme elle-même dans
son Article 30.1 qui limite une liberté au respect de l’ensemble des libertés.
Car c’est bien l’ensemble indivisible des libertés qui répond de la condition
humaine.
Arrivé à cet endroit du débat, ne peut-on pas poser la question de savoir
si un être humain a le droit de se prostituer.?
La question n’est pas absurde. Dans d’autres domaines, nous avons
répondu non à la liberté de mettre en jeu le corps humain. Dans celui de la
vente d’organes, celui de la procréation artificielle. Le 9 décembre 1947, le
Tribunal de Nuremberg limitait la «.liberté.» de savoir, au nom du respect de la
condition humaine en condamnant les médecins nazis pour l’utilisation du corps
humain à des fins de recherche. Les progrès de la biologie et ses pouvoirs
immenses ont rendu nécessaire la constitution de Comités d’éthique pour
contrôler cette liberté des scientifiques. Au nom de quoi.?
1. Art. 30 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : «.Aucune disposition de la présente
Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant par un État, un groupement, un individu, un droit
quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés
qui y sont énoncés..».
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
213
Cette volonté de maintenir la prostitution – du côté de la femme prostituée et du côté du client – dans le champ de la liberté sexuelle des individus
pèse lourd sur le débat. La liberté étant l’élément moteur des sociétés occidentales et la référence à toute construction idéologique de la modernité. Pour
reprendre l’exemple du nouveau Code pénal espagnol, le lien a été clairement
énoncé par les promoteurs de ce nouveau Code. C’est la volonté de modernité
qui a présidé à la rédaction des propositions concernant le commerce du sexe.
Je reviens sur ce pays parce que mon interlocuteur est espagnol, parce qu’il
vient d’être adopté en Espagne, une loi significative au regard de mon argumentation et parce que je connais ce pays, mais pas du tout pour le stigmatiser
ou le singulariser. Il existe dans ce pays par ailleurs, de véritables politiques
d’égalité en faveur des femmes et qui pour cela même aident à lutter efficacement contre les effets de la prostitution. Quand j’ai abordé la question avec les
membres de la Commission juridique du Parti socialiste, rapporteur de la loi
devant le Parlement, il est évident qu’il y avait dans leur démarche la volonté
d’échapper au vieux code du 19e siècle alourdi par la loi franquiste, la loi dite
Peligrosidad social et de proposer à la société espagnole, un code qui tienne
compte d’une sexualité libérée et moderne, ce qui est positif en soi. Mais, c’est
cette même volonté qui explique la dépénalisation de certaines formes de
trafics du sexe. Peut-on affirmer qu’il s’agit là de modernité et de progrès.? Ce
que nous savons, c’est que la prostitution n’a rien à voir avec la liberté sexuelle,
que prostituer une femme ou un enfant c’est exercer une forme de domination
sexuelle, une forme de violence sexuelle. Existerait-il une éthique sui generis
à la prostitution. Ce qui touche à la prostitution échapperait-il à l’analyse
reconnue par l’ensemble de la communauté internationale, reprise par le Plan
d’Action de la 4e Conférence mondiale des femmes des Nations Unies, analyse
qui a conduit dans de nombreux pays à une reconnaissance et une condamnation de la violence entre conjoints ou personnes vivant ensemble.? Et qu’il
soit rémunéré ou non, un acte de violence est un acte de violence. Peut-on
accepter la violence sexuelle parce qu’elle est pratiquée dans le cadre d’un
échange commercial.? Vous répondrez peut-être que cela est fait avec le
consentement de la femme prostituée elle-même. Peut-on être satisfait par
cette réponse.? Et quand bien même elle le faisait librement, cela évacuerait-il
le problème de fond, à savoir que ce droit de se prostituer lève un tabou, celui
de l’achat et la vente d’une personne humaine. Cette autorisation morale rejaillit
sur ceux et celles qui ne veulent pas se prostituer et dont la sexualité propre
est prise dans le jeu induit par le rapport sexuel client/prostitué. Et ne pourrait-on
pas avancer l’hypothèse que les crimes liés au sexe de plus en plus nombreux
dans nos sociétés sont d’une certaine manière liés au fait qu’à travers la
prostitution on «.chosifie.» le corps humain. Cette hypothèse qui prend le
contre-pied de la position populaire qui dit souvent que la prostitution de
certaines femmes protège les autres femmes du viol paraît-elle absurde.?
La réponse n’est pas uniquement juridique ou policière mais bien morale
et éthique. Et c’est cela que nous devons susciter : une réflexion à long terme
qui vise à renouveler le débat sur la prostitution dans ses relations avec la
dignité humaine et son rapport avec la sexualité afin de répondre aux questions
angoissées que nous pose le monde. Il faut prendre du recul et cesser de
considérer que notre tâche est uniquement le redressement moral et l’amélioration des conditions de vie des êtres humains prostitués. Rester sur cette ligne
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
214
c’est reproduire le discours des détracteurs de la Convention de 1949 et tout
le débat autour de son Article 6, c’est-à-dire, ceux qui voulaient réduire le
problème de la prostitution à un problème de sauvegarde de l’hygiène des
sociétés. Il faut savoir que c’est cette opinion qui malgré tout domine aujourd’hui
puisque la plus grande parties des aides publiques est affectée à l’aide des
femmes prostituées pour lutter contre le Sida.
Les militants autour de Joséphine Butler à la fin du XIXe siècle ont appelé
le trafic des femmes, la traite des blanches, en référence à l’esclavage et à la
traite des noirs. Ce n’est pas seulement un mimétisme linguistique, c’est que
la lutte contre la traite des êtres humains en Angleterre est née dans le même
terreau intellectuel et philosophique que la lutte contre l’esclavage, et ce sont
souvent les mêmes personnes qui ont lutté contre l’esclavage dans le monde
qui ont lutté contre la traite des êtres humains. Il faut souligner cette parenté,
car je suis convaincue que dans le cas de la prostitution, nous devons avoir
comme objectif la prise de conscience qui rejettera la prostitution des êtres
humains comme elle a rejeté l’esclavage. Sans cette prise de conscience, il n’y
a pas de chance d’espérer la disparition de la vente des êtres humains. Aucune
mesure sociale, juridique, policière ne fera disparaître cette pratique. Dans une
rencontre à Paris, un participant a fait remarquer fort à propos que «.la
réinsertion des femmes prostituées : c’est vouloir vider une baignoire avec une
cuillère à café, quand les robinets sont largement ouverts.». Et de plus, disait-il,
«.il faut savoir que ceux qui remplissent la baignoire sont généralement
considérés comme des honnêtes gens..» Il faut fermer les robinets, vous l’aurez
compris.
Est-ce une utopie de croire que les mentalités peuvent changer.? Qu’un
jour on refusera la prostitution avec la même énergie que l’on refuse l’esclavage.? Une Association française, le NID, a fait une enquête sur la prostitution
auprès des jeunes de 15 à 18 ans. Leurs réponses sur ce point sont encourageantes. Pour eux, la prostitution doit disparaître mais ne peut disparaître.
C’est sur ce désir des jeunes de voir disparaître la prostitution que nous fondons
notre action. Nous voulons par là les sortir de leur pessimisme et les aider à
concrétiser l’espoir qu’elle pourrait disparaître un jour. N’est-ce pas là notre
tâche pour le présent et notre tâche pour les générations futures.? Mettre dès
à présent en chantier l’utopie d’une société libre de toutes les formes de
prostitution.?
Nous devons ouvrir ce débat, et je crois qu’il est urgent de l’ouvrir et dans
certains pays c’est d’autant plus urgent que la prostitution est cachée. Les
femmes prostituées ont une vie d’esclave. Esclave du bordel, de la police, de
la rue, de la famille. C’est donc là un problème qu’il faut poser au niveau du
public. La première action est de rompre la fatalité qui pèse sur la prostitution
qui s’exprime dans cette pensée populaire qui dit qu’il y a toujours eu des
prostituées et qu’il y en aura toujours.
Dans l’action pour la défense des droits de la personne humaine, le
principe de base, le moteur, c’est qu’il ne faut pas «.faire avec.». Il ne faut pas
accepter des situations inacceptables et déduire leur conformité avec l’humain
du fait qu’elles existent. Je comprends très bien l’inquiétude de ceux qui
préfèrent rationaliser une situation dominante et donc s’y soumettre plutôt que
se lancer dans un combat dont on ne peut évaluer les résultats en termes
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
215
concrets. Il y a une situation de fait, il y a des femmes prostituées. Plutôt que
de lutter à perte de temps pour la disparition de la prostitution, donnons le droit
et les moyens aux femmes de se défendre, des droits pour s’organiser comme
à n’importe quelle minorité. Voilà les arguments et les prises de positions de
certains. Voilà ce qui préside à l’adoption de certaines lois sur la prostitution
comme sur la drogue d’ailleurs, à la faveur de l’amalgame de droit et de liberté.
Dans cette conception de donner des droits particuliers à chacun au lieu
d’œuvrer pour que chacun ait accès sans discrimination au droit commun à
tous, on peut, soit dit en passant, noter l’emprise de plus en plus grande de
cette démarche du politiquement correct qui est de donner des droits différents
à tout le monde, c’est-à-dire de donner des droits à toutes les minorités, qui
représente bien cette approche post-moderne en jeu dans la réponse des
néo-libéraux. Celle qui remet en cause l’universalité de la loi et qui conduit ainsi
à un fractionnement des sociétés sans pour autant augmenter le seuil de
respect des minorités. Aux États-Unis chaque minorité a des droits, les gros,
les homosexuels, les noirs, les féministes, les latino-américains etc. C’est dans
cette conception que s’inscrivent les législations qui visent à donner des droits
particuliers aux femmes prostituées.
Vous m’avez demandé si j’ai une position personnelle. En tant que
fonctionnaire internationale je n’ai pas de position personnelle. Comme je l’ai
déjà dit, notre action à l’Unesco, s’inscrit dans le cadre de la coopération
internationale et nous avons eu à réfléchir à cette question pour une meilleure
application de la Convention de 1949. Je vous ai présenté les deux positions
sur la question de savoir s’il faut ou non légaliser la prostitution. L’Unesco ne
situe pas son action dans le domaine normatif qui n’est pas de sa compétence
ici. Notre Organisation par l’éducation et l’information vise à la disparition de la
prostitution, et sur ce point, tout le monde est d’accord. Sur cette issue, les deux
courants, pour ou contre la légalisation, sont pour la disparition de la prostitution
qui est une des situations les plus difficiles et les plus humiliantes pour les êtres
humains non seulement pour la femme mais également pour le client aussi, –
le grand absent de nos discussions – dont on ne parle jamais sinon pas assez
dans les débats sur la prostitution.
Avant de terminer, je souhaiterais lever l’équivoque qui aurait pu s’installer par mes références constantes à la morale. Au mot de «.morale.», je
préfère d’ailleurs celui d’éthique afin de mieux situer notre action à long terme.
Il existe depuis toujours, un courant moraliste qui veut faire interdire la prostitution comme non conforme à une morale soit religieuse, soit sociale. Dan
certains pays, peu nombreux il est vrai, on punit de mort la prostituée par
lapidation ou pendaison. Ce que nous essayons de dégager n’est pas une
position moraliste mais éthique. Nous tentons de montrer que ce n’est pas
seulement la morale d’une culture, d’une classe sociale qui est touchée par la
prostitution. Il y va de l’intégrité des êtres humains et de notre définition de
l’Homme. Aujourd’hui dans la prostitution on sait qu’il existe des pratiques qui
sont proches de ce que l’on appelle le barbarisme. Le barbarisme est justement
ce qui met en péril les sociétés dans leur ensemble. Le commerce du sexe peut
mettre en péril l’espèce humaine parce qu’il est la voie ouverte à des pratiques
incompatibles avec notre définition de l’humain. Nous savons que l’on pratique
des exécutions sommaires de prostituées qui sont malades du Sida, nous
connaissons également l’existence de films pornographiques où sont filmés en
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
216
direct le suicide d’enfants poussés à cette extrémité par les pratiques insoutenables utilisées pour le tournage de ces films. On pourrait multiplier les
exemples. Nous ne sommes plus dans des catégories acceptables de pratiques humaines et c’est pour essayer de répondre à ces formes de barbarisme
qui naissent au sein des sociétés les plus riches qu’il faut ouvrir un débat sur
ce qui est compatible ou non avec la dignité humaine. Nous avons une histoire,
un bagage civilisationnel, à nous de le défendre. Que des femmes et des
enfants soient prostitués aux yeux et aux vues de tout le monde au cœur des
villes les plus développées pose à tous et toutes un problème de conscience
– si ce mot signifie encore quelque chose dans le paysage post-moderne qui
préside à la naissance de ces nouvelles lois dites modernes –.
Enfin, pour conclure ce rapide panorama sur les problèmes posés par
la prostitution, je souhaiterais profiter de la composition si spécifique de cet
auditoire, pour avancer une hypothèse qui concerne l’organisation et les
stratégies d’action dans le trafic des femmes et des enfants dans le monde.
Cette stratégie, dont je vais vous parler afin de recueillir vos commentaires, remonterait à une époque que je situerais approximativement aux
premières discussions des accords de Schengen. C’est dans la perspective de
l’harmonisation des législations européennes sur le trafic et la prostitution que
s’est organisé et développé le mouvement pro-prostitutionnel. Il existe en
Europe des régimes juridiques départagés par la ratification à la Convention
de 1949. Dans le cadre de la libre circulation des personnes qui est aujourd’hui
le régime commun européen, ne faudra-t-il pas harmoniser les législations.?
Comment concilier les politiques antagonistes sur la drogue d’une part, mais
peut-être davantage sur la prostitution puisque, en l’occurrence, les marchandises visées ici sont des personnes. Il fallait donc vite introduire au niveau
européen, l’idée de la liberté et de la légalité de la prostitution. Pour cela faire
porter l’idée par les «.intéressées.» elles-mêmes, par les femmes prostituées.
Cette stratégie consisterait à laisser survivre dans les grandes capitales,
quelques femmes prostituées, peu nombreuses, qui exercent «.librement.» la
prostitution, librement, c’est-à-dire libres de toutes formes de proxénétisme, et
qui sont la vitrine de cette prostitution dite libre. Ce sont des femmes qui sont
instruites, d’origine occidentale en général et qui se prostituent «.librement.».
Il me semble qu’elles servent d’écran à un trafic très dur dont on trouve parfois
les preuves sur les corps des prostituées de plus en plus souvent originaires
des pays de l’Europe de l’Est, tuées, abandonnées sur les places, dans les
décharges, sans papiers à Rome, Berlin, Budapest...
Pourquoi je pense cela.? En 1975 dans ce grand moment de la lutte des
femmes, lors de la manifestation à Paris du Mouvement de libération des
femmes, le MLF, le cortège était ouvert par un groupe des femmes prostituées.
Les femmes prostituées ont défilé à Paris en 1975 pour réclamer la liberté de
se prostituer. Elles avaient à leur tête, Ulla qui a été un porte-drapeau de la
liberté de se prostituer, 4 ans après, Ulla révélait que c’était les proxénètes qui
les avaient envoyées défiler. Ne sommes nous pas, de nouveau, devant une
stratégie une stratégie d’autant bien reçue qu’elle va au-devant d’une société
où les notions de morale et d’éthique sont mal vues où la notion de liberté a
pris le pas sur celles définies par la Déclaration des droits de l’homme, et où
l’idée de la prostitution libre conforte formidablement la sexualité masculine
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
217
dans ce qu’elle a de dominateur et de prédateur.? Aujourd’hui on peut penser
que nous sommes là devant une nouvelle stratégie du crime organisé qui
permet à une minorité de prostituées de s’exprimer, de défendre de bonne foi
une forme de vie que les femmes choisiraient.
Je ne voudrais pas que vous preniez ces propos pour un songe creux
qui repousserait à une société idéale et lointaine le règlement du vécu des
femmes prostituées. C’est ici et maintenant que nous devons agir. Il nous faut
mener de front une action concrète à court terme contre la prostitution et ouvrir
un débat sur le fond. Sur le court terme, maintenant et ici, il y a quelques
mesures à prendre, modestes mais utiles et sans doute qui entraîneraient un
changement ou du moins qui montreraient la volonté d’agir des États. Tout
d’abord, que la prostitution soit considérée, à l’instar de la drogue et du
terrorisme international, comme un véritable problème.
Je ne suis pas sûre qu’aujourd’hui au niveau des gouvernements, des
polices internationales, on considère la prostitution comme un véritable problème. Pourquoi ce laxisme et cette tolérance.? Parce qu’on considère que la
prostitution est inévitable. On peut voir ici comme le problème se mord la queue
et comme le silence sur les questions de fond a des conséquences sur les
questions ponctuelles et pratiques.
Relevons néanmoins au niveau de l’Union européenne une mobilisation
accrue par les scandales révélés en Belgique, notamment dans les réseaux de
pédophilie, et manifestée dans le discours du Commissaire à la Justice de
l’Union, au Congrès mondial de Stockholm contre l’exploitation sexuelle des
enfants (septembre 1996), son discours énergique, même s’il ne traite que des
enfants, est le signe d’une volonté nouvelle. Me Anita Gradin a informé la
Conférence que lors d’une réunion informelle à Dublin en septembre 1996, les
ministres de la Justice et des Affaires intérieures de l’Union Européenne se
sont mis d’accord sur l’élargissement du mandat de l’unité drogue d’Europol
qui assiste les forces de police dans les affaires de criminalité transfrontière à
la traite des enfants et des femmes. Les ministres ont également décidé de
créer un répertoire de tous les experts de l’Union spécialisés dans la lutte contre
le crime organisé, la criminalité liée à la drogue et la traite des êtres humains
dans tous les États membres.
Deuxièmement, savoir et prendre des dispositions sur le fait que le trafic
des êtres humains, des enfants et des femmes obéit à un schéma classique
d’entreprise et connaît des entreprises de tailles variables qui mettent en jeu
avec plus ou moins de force des relations de pouvoirs dans les pays concernés.
La taille supérieure met en jeu des partenaires qui souvent sont des partenaires
politiques, économiques de très haut niveau et qui touchent de très près les
pôles de décision dans le pays. La communauté internationale devrait mettre
devant leurs responsabilités et leurs engagements les États concernés. Je dis
engagements, et cela sans penser uniquement à la Convention de 1949, car
ainsi que je l’ai montré, les pratiques du trafic des êtres humains regroupent
des situations et des faits que les pays condamnent du fait même d’être
membres de l’Organisation des Nations Unies.
Autre proposition qui est une demande ancienne et constante des
militants des droits de la personne humaine : nous savons que majoritairement
les femmes prostituées étrangères à leur lieu de prostitution viennent de
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
218
l’immigration clandestine. Ne devrait-on pas donner un statut de «.réfugiées.»
aux femmes qui sont victimes du trafic des êtres humains.? Nous savons que
le fait d’être dans une situation irrégulière vis-à-vis des pays d’accueil maintient
et renforce les trafics au sein de l’immigration clandestine. Comment une
femme victime du trafic peut-elle s’adresser à la police alors qu’elle est
irrégulièrement rentrée dans le pays.? Le Canada vient d’adopter cette mesure.
Une femme qui a été l’objet d’un trafic pourra aller à la police et dire qu’elle est
l’objet d’un trafic sans prendre le risque d’être ramenée à la frontière. Voilà des
actions concrètes, de l’ordre du faisable, à la portée des pouvoirs publics et
propres à donner un début d’exécution aux déclarations si rhétoriques contre
le trafic des êtres humains. La nécessité d’un débat de fond sur cette question
qui aiderait à une prise de conscience de ce problème, n’exclut pas la nécessité
de la répression du trafic des femmes et de l’application de la loi telle qu’elle
est, même si nous pensons qu’elle n’est pas suffisante.
Enfin, et surtout, dans un grand nombre de pays qui sont représentés
dans cette salle, il y a, nous l’avons vu, des législations qui pèsent très
lourdement sur les femmes prostituées. Il faut dépénaliser la prostitution. Ne
savons-nous pas que dans les pays où la prostitution est un délit cela accroît
le pouvoir discrétionnaire de la police et des trafiquants, compte tenu très
souvent des liens entre la police et le milieu et soumet la prostituée à un
arbitraire sans limite. Mais aussi, il faut sortir la prostituée des formes humiliantes dans lesquelles elles se trouvent du fait même des lois et règlements en
vigueur. Cela est de l’ordre du faisable et plus aisé à gérer qu’un changement
des mentalités comme on le dit souvent devant des problèmes difficiles, ou que
la disparition des causes de la prostitution, c’est-à-dire la pauvreté et la
marginalité sociale comme on dit encore. Nous ne devons pas attendre
l’avènement d’une société idéale pour agir. Il y aura toujours de la pauvreté, de
la violence. Faut-il pour cela accepter la prostitution des femmes et des enfants
comme une forme économique acceptable de vivre.?
Notre action doit être inscrite dans la réalité et en même temps, avec
sérieux et conviction ouvrir un débat sur le fond, ce débat fait partie intégrante
de l’action que nous devons mener ensemble pour la répression du crime
organisé et le changement des mentalités. La répression seule ne permettra
pas d’éradiquer la prostitution. Et sa légalisation encore moins.
Je vous remercie.
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
219
Summary
Organised crime and human slavery
Wassyla Tamzali
The question of women prostitution remains to date in some countries. Too often,
prostitution still remains seen as a sin of society. The difference between prostitution and
human slavery is often made. This distinction appeared in the end of the 19th century with
the development of an abolitionist movement which was set up in order to fight against the
regulation of prostitution by the states.
This movement found its outcome with the signature or the United Nations Convention in
1949 concerning the fight against slavery of women and children. All shapes and forms of
activities consisting in living off the proceeds of prostitution and of hiring people for the
purpose of prostitution are made illegal by this international text. That intention of protection
of the prostitutes from legal charges could apparently by seen as an improvement. It
however appears that the convention makes a distinction between forced prostitution
(which is illegal) and voluntary prostitution (which is tolerated). In practice, this is a
distinction which is not so easily made.
The distinction may look artificial to some people or it may be seen as the source of
probationary problems. Whatever, it is the occasion of some thinking about possible
conciliatory measures between two concepts of prostitution. On one side there is the right
for women to use her own body as she thinks fit, and on the other side, the idea that
prostitution is always a form of torture or violence against the woman.
To lean on one or the other side means the adoption of totally different opinions on what
should the legislation be, or should prostitution be seen as a legitimate activity (Spain or
Holland). This distinction must be seen as food for thought on the right of the woman of
freedom of her own body.
Putting this social uncertainty about prostitution to use is an easy task for organised crime.
It’s only concern being profit, it can have an underground influence on one or the other idea.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
220
Resumen
La criminalidad organizada y el trafico de seres humanos
Wassyla Tamzali
El tema de la prostitución de mujeres continúa absolutamente abierto en algunos países.
En efecto, la prostitución es en demasiados casos considerada como un pecado de la
sociedad. La distinción entre prostitución y trata de seres humanos es comúnmente
aplicada. Su origen remonta a fines del siglo XIX con el desarrollo de un movimiento
abolicionista internacional organizado para combatir la reglamentación de la prostitución
por el Estado.
Esta corriente desembocará en la firma de la Convención de las Naciones Unidas en 1949
relativa a la lucha contra la trata de mujeres y de niños. Este texto internacional prohibe
todas las formas de proxenetismo y de contrato con fines de prostitución. A primera vista,
esta voluntad de evitar persecuciones penales a las prostitutas podría verse como un
progreso. Sin embargo, es forzoso constatar que la Convención realiza una distinción
entre la prostitución forzada (ilegal) y la prostitución voluntaria (tolerada), distinción que
es sin embargo difícil de establecer.
Esta diferenciación puede parecer artificial, capaz de suscitar reales dificultades de orden
probatorio. En todo caso, nos enfrenta al cuestionamiento relativo a la difícil conciliación
de las dos opiniones que se imponen en la historia de la reflexión sobre la prostitución.
Por un lado, estaría el derecho de la mujer a disponer libremente de su cuerpo, y por otro,
la consideración de que la prostitución constituye siempre una tortura o una violencia
contra la mujer.
Adoptar uno u otro de estos puntos de vista conduce a una juicio diametralmente opuesto
sobre las legislaciones que asimilan la prostitución libre a una actividad legítima (España,
Holanda). Esta distinción, más allá de la dificultad probatoria que contiene, nos interpela
sobre el derecho de la mujer a disponer libremente de su cuerpo.
En este contexto, el crimen organizado no tiene ninguna dificultad para sacar partido de
esta incertitud del posicionamiento social frente a la prostitución. En función de sus
intereses, puede llegar a ser un factor de influencia subrepticia sobra la adopción de tal o
tal postura.
La criminalité organisée et les trafics d’êtres humains
221
Table ronde – débat
sur la coopération policière
en matière de criminalité
organisée
Une criminalité
fortement institutionnalisée
Raymond Kendall,
secrétaire
général d’OIPC-Interpol
Une criminalité fortement institutionnalisée
L’évolution du niveau de vie montre un clivage en progression constante
entre les régions du centre et les régions périphériques, ce qui fait également
progresser le flux des trafics illicites entre ces mêmes régions en quête de
marchés : c’est le cas des stupéfiants, des armes interdites ou soumises à
embargo, des femmes et des mineurs commercialisés à des fins de prostitution
ou de pornographie, des marchandises de marque contrefaites, de l’argent
d’origine illicite.
En raison de l’ampleur colossale des profits tirés de ces commerces
illicites, le crime organisé a de plus en plus tendance à contrôler directement
sur place chaque étape de ces activités, jusqu’à s’installer sur les territoires du
transit de la «.marchandise.», de la vente au détail, ainsi que de la récolte et
du blanchiment du produit de ces commerces.
Le caractère international de ces trafics illicites, notamment celui de la
drogue, dont le crime organisé tire la grande majorité de ses profits, n’est plus
à démontrer : par exemple, le 20 septembre 1992, l’opération de police dénommée «.Green ice.» a démantelé un réseau de trafiquants installés dans plusieurs pays, issu d’une conspiration entre le cartel de Cali et la mafia sicilienne.
En outre, dans les régions périphériques de plus en plus exposées aux
conséquences d’une récession économique, le chômage fournit de nouvelles
ressources humaines aux organisations criminelles et, d’autre part, les troubles
sociaux et politiques engendrent des organisations extrémistes dont la stratégie comprend tant des actes de terrorisme souvent perpétrés en territoire
étranger que l’acquisition d’armes en liaison avec le commerce de stupéfiants.
En même temps, cette époque est marquée par des facteurs colossaux
de mobilité incontrôlée :
– d’une part, les pays de l’Est qui ont vécu la fin d’un contrôle policier à
caractère politique.;
– d’autre part, à l’Ouest, le grand marché européen permet la réalisation de la
liberté de circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des
services.
De ces libertés, la criminalité internationale en aura fait très large usage
bien avant le 1er janvier 1993.
La télévision, les films «.thrillers.» et les médias se sont à tel point
emparés du phénomène «.crime organisé.» que le citoyen se trouve en
difficulté lorsqu’il s’agit pour lui de tracer une limite entre la fiction et la réalité.
Voici quelques faits concrets qui peuvent donner une idée d’une réalité
en grande partie submergée et, donc, inconnue :
– depuis des années, les cartels de la cocaïne en Colombie offrent publiquement une prime de 1000 $ pour chaque policier tué.;
– entre le mois de mai et le mois de juin 1993, la mafia sicilienne a assassiné
à Palerme, en deux attentats différents, les deux juges d’instruction responsables des enquêtes les plus importantes contre le crime organisé international.
Ces éléments qui ne représentent que des épisodes isolés dans le cadre
de la lutte que le crime organisé livre à l’État, permettent au moins de fixer un
fait fondamental : celui de la toute-puissance des organisations criminelles
dans le monde moderne et sur tous les continents.
Les attentats systématiques contre les forces de police ou contre les
personnes les plus protégées de l’État, démontrent que les organisations
criminelles ont acquis une telle force qu’il leur est désormais consenti de
déclarer et de mener une guerre aux institutions.
D’où les organisations criminelles tiennent-elles leur pouvoir.? Simplement grâce à leur professionnalisme dans le contrôle des trafics criminels au
niveau international, notamment dans le cas du trafic des stupéfiants.
Il est évident qu’une organisation criminelle disposant d’une masse
d’argent si importante est désormais en mesure de s’emparer du contrôle de
territoires entiers, tout comme des secteurs de l’économie illégale et légale ainsi
que de secteurs de l’administration publique.
Le pouvoir corrupteur d’une telle masse d’argent dans les mains d’une
organisation criminelle est incommensurable : il permet à l’ensemble des
organisations criminelles de se mettre en guerre contre l’État.
Le crime organisé, comme cela a déjà été dit, est de plus en plus
concentré sur l’exploitation du trafic international de stupéfiants, ce qui a eu
pour effet d’accumuler dans les mains des organisations criminelles une masse
colossale de biens patrimoniaux acquis, dans une première phase, en espèces.
Ce phénomène constitue à la fois la force et le talon d’Achille de ces
organisations, dans la mesure où, cette masse d’argent peut être utilisée afin
de réaliser la mise en œuvre d’un pouvoir de coercition facilitant l’infiltration des
structures légales de l’économie et de l’administration publique, de même que
la corruption des personnes privées et des fonctionnaires publics exercée par
le biais du chantage ou de la pure violence. Le talon d’Achille du phénomène
cité ci-dessus est en revanche représenté par la nécessité de faire appel à des
services logistiques externes à l’organisation pour le déguisement, la gestion
et la légalisation de ces masses d’argent.
Voilà le terrain où se rencontrent les trois catégories traditionnelles de
la criminalité.
C’est dans l’économie souterraine que le crime organisé recherche ses
connivences et c’est bien là que les autorités judiciaires et de police peuvent
endiguer son expansion, à condition de s’assurer de la collaboration ouverte
de l’économie privée, notamment pour lutter contre l’anonymat.
En Europe, comme sur toute la planète, la criminalité organisée a été à
même de s’assurer de l’exercice des quatre libertés fondamentales de circulation :
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
226
– celle des personnes (boss et employés de l’organisation).;
– celle des marchandises (stupéfiants, papiers-valeurs falsifiés ou volés,
marchandises contrefaites, armes, femmes et enfants prostitués).;
– celle des capitaux (le produit des activités criminelles ainsi que les revenus
de leur légalisation).;
– celle des services (transport, armement, gestion de capitaux, etc.).
La mare protectrice dans laquelle se noie l’exercice de ces libertés de
circulation est constituée par l’anonymat dont jouissent également de vastes
secteurs de l’économie légale afin d’assurer l’impunité suite à la commission
d’infractions à caractère fiscal ou liées au droit de change.
Criminalité organisée, économie légale
et illégale
Pour mieux comprendre le phénomène de la «.criminalité organisée.»,
il ne suffit pas de l’examiner en fonction des milieux politiques, sociaux et
culturels dans lesquels il se développe, mais également en l’intégrant dans son
contexte économique.
L’analyse comparative peut être effectuée en adoptant plusieurs points
de vue : d’abord parce que les organisations criminelles essaient de s’infiltrer
dans les institutions de l’économie légale, ensuite parce que l’économie illégale
constitue un des terrains de manœuvre d’élection de la criminalité organisée,
soit pour l’accomplissement de ses infractions, soit pour en cacher les produits.
Liens entre la criminalité organisée
et la criminalité d’affaires
La criminalité organisée nécessite les services de délinquants économiques avant tout pour cacher les produits de ses infractions. En effet, aujourd’hui
encore, il est loisible de croire que la criminalité organisée traditionnelle ne
dispose pas de connaissances suffisantes en matière économique afin de lui
assurer une utilisation optimale des institutions économiques d’un pays, raison
pour laquelle, en général, elle a dû faire appel à des personnes agissant en
dehors de ses milieux traditionnels, en s’adressant aux milieux de la criminalité
d’affaires. Une telle pratique s’est vérifiée notamment afin de cacher les
produits des infractions en assurant le blanchiment d’argent.
Dans ce but, la criminalité organisée nécessite également de la collaboration afin d’établir de faux documents comptables susceptibles d’entraver
l’activité de recherche qui incombe aux services publics, notamment aux
services des autorités fiscales et douanières.
Une criminalité fortement institutionnalisée
227
Infiltrations dans l’économie légale
Les enquêtes judiciaires menées pour éclaircir les activités illicites
commises dans la gestion même des groupes bancaires internationaux ont
prouvé l’existence de liens entre le délinquant d’affaires et la criminalité
organisée traditionnelle.
Il suffit de rappeler le résultat des enquêtes judiciaires relatives aux
groupes bancaires italo-américains à la tête desquels se trouvait Michele
Sindona, ainsi qu’au groupe bancaire international de la Bank of credit and
commerce international (BCCI).
À côté de ces résultats judiciaires, on ne doit pas oublier le résultat des
enquêtes judiciaires conduites par le Ministère public de Milan en 1992/93 qui
ont révélé que des groupes d’entreprises de niveau national avaient payé des
sommes importantes aux organisations criminelles des régions méridionales
de l’Italie, dans le but de s’assurer l’attribution des grands travaux publics, ces
mêmes organisations criminelles ayant accaparé le contrôle du système d’offre
publique régi par le pouvoir public régional.
Les moyens de lutte
Le crime organisé agit sur le plan international et en fonction de la
situation économique et sociale d’une population bien déterminée.; il faut donc
en conclure qu’un phénomène global nécessite une réponse globale et qu’un
phénomène international nécessite une réponse d’envergure internationale.
Sur le plan policier, 176 pays ont décidé de mener cette lutte contre la
criminalité organisée en adhérant à l’organisation internationale de police
criminelle connue depuis 1956 sous le nom d’Interpol.
Le secrétariat général d’Interpol, conscient de la menace que constitue
la criminalité organisée, a pris l’initiative du premier colloque international sur
la criminalité organisée en mai 1988.
Il n’existait pas alors de définition universellement admise de la «.criminalité organisée.», et il n’en existe toujours pas. Les diverses définitions
proposées, à des moments différents et par des auteurs différents, ont toujours
soulevé des problèmes.
Au cours du premier colloque d’Interpol sur la criminalité organisée, les
participants ont finalement décidé d’adopter la définition suivante pour servir
de base à leurs travaux :
«.Toute association ou tout groupement de personnes se livrant à une
activité illicite continue dont le premier but est de réaliser des profits sans souci
des frontières nationales.».
Au secrétariat général d’Interpol, nous sommes pleinement conscients
que ces associations, traditionnelles ou non, représentent l’un des plus graves
défis lancés à la police.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
228
Nous avons donc réaffirmé notre capacité à fournir des outils aux 176
États membres et nous nous y sommes préparés en apportant la contribution
précieuse de nos ressources humaines et de nos moyens techniques.
Aujourd’hui, le pouvoir du crime organisé atteint chaque couche de notre
société. C’est une maladie qui contamine tout ce qui entre en contact avec elle.
C’est un affront fait à tout citoyen respectueux des lois.
Il est temps à présent pour nos gouvernements et nos services judiciaires
d’en prendre note et, plus encore, de passer à l’action.
Le secrétariat général d’Interpol est prêt à mettre en œuvre tous les
moyens dont il dispose pour y parvenir. Tout d’abord, il possède le matériel le
plus moderne en termes de télécommunications et d’informatique.
Nous sommes fiers de dire que le secrétariat général d’Interpol peut offrir
des communications directes, rapides et sûres entre les services de police des
pays membres et mettre à leur disposition une base de données internationale
informatisée.
Les éléments essentiels d’une coopération policière internationale efficace se trouvent dans le dispositif juridique et pratique qui assure la rapidité de
la réponse, la confiance (et donc la sécurité) et une bonne compréhension des
besoins et des capacités. Le dispositif juridique, dérivant de traités et de
conventions, est constamment amélioré par de nombreux États faisant preuve
de leur volonté de fournir les instruments législatifs permettant de traiter de
façon satisfaisante des affaires internationales.
Il est essentiel, cependant, d’établir de bonnes habitudes de travail dans
un esprit de coopération mutuelle.; on peut réaliser de grands progrès dans ce
domaine par une action au niveau de la police, sans que l’intervention des
gouvernements ne soit nécessaire.
Interpol est un lieu de dialogue où se rencontrent les chefs de police, les
hauts responsables, parfois les ministres, au cours des différentes réunions, et
notamment la session annuelle de l’assemblée générale.
La criminalité organisée ne se laissera jamais arrêter par les frontières
nationales. Les techniques et les moyens de transport modernes nous permettent de communiquer avec d’autres régions du monde et de nous y rendre. Les
organisations criminelles bénéficient du même avantage. Tout indique qu’elles
coopèrent par-delà les frontières nationales.
L’adoption d’une législation plus stricte et plus efficace, dans chaque
pays, et l’entraide et la coopération internationale sont les outils essentiels de
la lutte contre la criminalité organisée transnationale.
Une criminalité fortement institutionnalisée
229
Summary
An institutional criminality
Raymond Kendall
The threat that organised crime imposes on our societies may be assessed from two
acknowledgements.
First and foremost, the strong institutionalisation of crime. This traffic has a strong tendency
to spread internationally, all the more easily since the omnipresent police control no longer
exists in the eastern countries and that the perspective of a great European market, based
on the free circulation of people, goods and capital, is building up in the West. The criminal
organisations mean to make war on the States and their representatives, through violent
actions or an intense corruptive strength of persuasion.
Secondly, this traffic creates considerable masses of money providing a real underground
economy. This financial godsend helps to generate bonds between these criminal organisations and business crime, as it is so tempting for them to infiltrate the legal economy.
To try and face this very real threat, a global strategy must be elaborated. By its world-wide
foundation (176 countries), the ICPO can help implement such a strategy. Towards this
aim, it can provide the members States with direct and performant means of communication, as well as the access to an international computer database. It is willing to be a media
for dialogue to the benefit of the chiefs of police and the politicians responsible for security.
Still, the improvement of co-operation demands the adhesion of each country, which will
have to implement a severe legislation and participate actively to the mutual assistance in
criminal matters.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
230
Resumen
Una criminalidad muy organizada
Raymond Kendall
La estimación de la amenaza que el crimen organizado representa para nuestras
sociedades provocada por el crimen organizado puede articularse sobre dos constataciones :
En primer lugar, la alta institucionalización de la criminalidad. Los tráficos ilegales tienen
una gran propensión a internacionalizarse, cada vez con mayor facilidad gracias a la
desaparición del omnipresente control policial en el ex bloque del Este, y a la perspectiva
en Occidente de la puesta en marcha de un gran mercado europeo basado en la libre
circulación de personas, bienes y capitales. Las organizaciones criminales libran una
verdadera guerra a los Estados y a sus representantes, tanto a través de acciones
violentas como de una intensa fuerza de persuasión corruptora.
En segundo lugar, el hecho de que estos tráficos generen sumas de dinero considerables
alimenta una verdadera economía subterránea. Este maná financiero propicia las relaciones entre las organizaciones criminales y la criminalidad de negocios, ya que para las
primeras es muy tentador infiltrar la economía legal.
Para enfrentar esta amenaza real, es necesario elaborar una estrategia global. Al contar
con una representación planetaria (176 países), la OIPC puede ayudar a poner en práctica
tal estrategia. Con este fin, esta capacitada para suministrar medios de comunicación
directos y eficientes, así como para poner a disposición de los estados miembros una
base de datos internacional informatizada. Tiene por misión constituirse en un lugar de
diálogo para los jefes de policía y los responsables políticos de la seguridad.
Sin embargo, el desarrollo de la cooperación necesita la adhesión de cada país, que
deberá poner en práctica una legislación severa y bien adaptada, y participar activamente
en la ayuda mutua represiva internacional.
Une criminalité fortement institutionnalisée
231
La création d’Europol
et ses fonctions dans la lutte
internationale contre
la criminalité organisée
Jürgen Storbeck,
coordonateur
de l’UDE-Europol
contre la La
criminalité
créationorganisée
d’Europol et ses fonctions dans la lutte internationale
Introduction
La création d’Europol a été précédée de travaux dans le cadre du groupe
de Trevi.
La proposition du chancelier fédéral Helmut Kohl de créer un service européen
de police criminelle a accéléré ces travaux préparatoires et s’est concrétisée
par la décision, prise dans le cadre du traité de Maastricht, de créer Europol.
Europol doit être un office européen de police de l’Union Européenne
ayant pour but d’améliorer la coopération au sein de l’Union en matière de
répression de la criminalité organisée et internationale. Pour arriver à ce but,
nous avons d’abord identifié et évalué les problèmes et les déficits de la lutte
internationale contre la criminalité. Ce travail a été effectué lors des études
préparatoires susmentionnées desquelles il ressort les points suivants.
Dans le cadre d’enquêtes menées par les autorités des différents États,
l’échange d’informations entre la police compétente d’un pays et les autorités
chargées de l’action répressive à l’étranger est extrêmement lent – y compris
entre les États membres de l’Union Européenne – et ne correspond plus aux
besoins modernes de la lutte contre la criminalité. En outre, il est presque
impossible d’obtenir de la part des autres États l’ensemble des informations
pertinentes. Ceci est surtout vrai pour des informations à caractère confidentiel.
En outre, cet échange d’information ne fonctionne qu’entre les services de
police judiciaire, de gendarmerie ou de douanes des différents États.
La coopération internationale en matière de police et de douane et leurs
différents systèmes d’information internationaux comme Interpol, le SIS, le CIS,
Teledrug ne font pas l’objet d’une harmonisation suffisamment poussée tant
techniquement que dans leur contenu.
Bien qu’il existe dans tous les États membres de l’Union Européenne de
vastes fichiers recensant les crimes et les délits, leurs auteurs ainsi que leur
groupes criminels d’appartenance, ces recueils d’informations ne sont pas
utilisés de manière suffisamment efficace. En particulier, ils ne sont pas l’objet
d’une analyse de niveau international en vue de cerner les organisations
criminelles les plus importantes, leurs structures et leurs activités.
La police et les autres autorités chargées de la répression de la criminalité disposent de beaucoup moins de moyens, tant sur le plan financier,
technique ou des effectifs, en comparaison avec ceux des criminels organisés
à l’échelon international.
Le crime organisé ne fait pas suffisamment l’objet d’enquêtes menées à
l’échelon international. Les enquêtes sur les organisations criminelles internationales sont menées de manière parallèle au niveau national des différents
pays et ne sont pas coordonnées.
Il n’existe pas encore de base commune pour lutter contre la criminalité,
compte tenu des différences parfois importantes que présentent le droit pénal,
la procédure pénale ainsi que l’organisation et les pouvoirs de police des 15
États membres de l’Union Européenne. Dans certains cas, il n’existe pas
encore de dispositions pénales sanctionnant certaines formes nouvelles et
modernes de criminalité.
Outre ces problèmes de coopération internationale de police et les
besoins et attentes respectifs des services répressifs nationaux, il y a d’autres
principes qui doivent être pris en considération avant d’établir un office central
européen de police :
La souveraineté des pays membres et de leurs services répressifs doit
être respectée comme principe supérieur.
En outre, toute activité d’Europol est soumise au principe de la subsidiarité, c’est-à-dire que l’intervention d’Europol n’est prévue et autorisée que si les
pays membres ne sont pas en mesure d’accomplir les mêmes tâches.
Europol ayant pour mission première la collecte, la conservation, l’analyse et la transmission de données à caractère personnel, les systèmes
juridiques de presque tous les États membres exigent que soit adoptée la
convention Europol qui, après ratification, fera partie intégrante du droit interne.
Afin de pouvoir, dans certains domaines, lutter dès avant la ratification de la
convention contre la criminalité organisée au niveau international – notamment
en matière de drogue – il a été convenu d’adopter, en 1993, une solution
provisoire : l’Unité Drogue d’Europol (UDE).
L’unité drogue d’Europol (UDE)
Hormis la justice, les autorités nationales des États membres compétentes en matière d’action répressive – c’est-à-dire essentiellement, la police, la
gendarmerie et les douanes – disposent de bureaux de liaison auprès d’Europol, où des officiers de liaison ont accès aux différents – et nombreux –
systèmes nationaux d’information. En interrogeant ces systèmes ainsi que
d’autres sources d’information par le biais des unités nationales Europol, ces
officiers de liaison peuvent, dans le cadre d’enquêtes concrètes, répondre en
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
234
peu de temps à des démarches émanant des services nationaux des États
membres ainsi qu’à des demandes de nature générale.
À cet égard, les officiers de liaison doivent examiner dans chaque cas
particulier si, et dans quelle mesure, ils peuvent répondre à ces demandes,
compte tenu du droit interne de leur pays et des conventions et traités bilatéraux
existants. Cet échange d’informations aboutit de plus en plus à une coordination (ou au renforcement de la coordination) d’enquêtes nationales parallèles
ou d’interventions opérationnelles au niveau international, par exemple dans le
cas de surveillances transfrontalières et de trafics internationaux illicites.
Les analyses de l’UDE établissent des analyses stratégiques, tactiques
et opérationnelles, en s’appuyant toutefois sur des données non nominatives
ou des données dépersonnalisées. Enfin, l’UDE est devenue un centre de
conférences internationales des services de police et des douanes.
Depuis mars 1995, la compétence de l’UDE comprend non seulement
la lutte contre le trafic de drogue et le blanchiment de l’argent qui en est le
corollaire, mais également la lutte contre le trafic de matières nucléaires, le
trafic de véhicules volés, les filières d’immigration clandestine ainsi que les
activités connexes de blanchiment d’argent et les organisation criminelles
concernées.
Europol après la convention
Après la ratification de la convention, Europol aura de nouvelles compétences, aussi bien dans les domaines actuels de la criminalité que dans des
domaines nouveaux. Presque tous les aspects importants de la criminalité
organisée au niveau international pourraient à l’avenir être couverts par Europol, les compétences nécessaires pour les nouveaux domaines lui étant
progressivement dévolues.
Dans la lutte contre la criminalité organisée à l’échelon international, Europol
aura les fonctions principales suivantes :
– centre d’information pour la police, les douanes et les autres autorités
chargées de l’action répressive.;
– système propre de traitement du renseignement – y compris de l’information
sensible – dans le cadre de l’échange d’informations sur les enquêtes en cours
et les interventions opérationnelles.;
– travail d’enquête/analyse des renseignements.;
– coordination.;
– assistance technique et au personnel pour les enquêtes internationales et
les interventions opérationnelles.;
– prévention.;
– formation initiale/formation permanente/recherche/criminalistique.;
– centre de conférences/échange d’expériences.
Conformément aux principes de l’État de droit, les organes de contrôle
les plus divers veillent au respect de l’égalité par Europol. Le contrôle politique,
qui revient en principe au Conseil des ministres de l’Intérieur et de la Justice,
La création d’Europol et ses fonctions dans la lutte internationale
contre la criminalité organisée
235
ainsi que la tutelle et la surveillance administrative seront exercés par un conseil
d’administration. En ce qui concerne la protection des données, une commission de contrôle particulière, composée de représentants de l’ensemble des
États membres, sera prévue. Un comité de vérification des comptes ainsi qu’un
contrôleur financier surveilleront la gestion financière d’Europol.
Le Parlement Européen n’aura pas de droit de contrôle sur Europol, mais
seulement un droit d’information. De ce fait, le contrôle législatif revient aux
parlements nationaux, encore qu’aucune procédure n’ait été arrêtée en la matière
et qu’aucune décision n’ait été prise sur l’étendue de ce droit parlementaire.
Compétences d’Europol en matière d’enquêtes
Pour lutter contre la criminalité internationale, il est indispensable de
pouvoir mener des enquêtes qui soient, elles aussi, internationales. La convention ne prévoit pas de doter Europol d’une compétence propre en matière
d’enquêtes. Toutefois, la création d’Unités opérationnelles multinationales ou
de commissions spéciales agissant sur l’initiative d’Europol, sans en faire partie
intégrante, pourrait répondre, au moins pour quelques années, au besoin d’une
lutte efficace contre la criminalité internationale.
Unités nationales d’Europol
Conséquences de la création d’Europol
pour les États membres de l’Union européenne
L’UDE, et plus encore Europol, ont besoin, comme partenaires, d’autorités
nationales centrales fortes. En tout état de cause, le besoin existe, d’une manière
générale, de concentrer les ressources en vue d’une meilleure lutte contre la
criminalité, tant au plan national qu’international. Indirectement, la création de
l’UDE a eu dès à présent pour conséquence le fait que, dans de nombreux États,
des autorités nationales différentes chargées d’exercer une action répressive,
coopèrent pour la première fois et mettent même en place des bureaux et
commissions d’enquêtes communs. Du fait également de la création d’Europol,
les méthodes et techniques nationales différentes doivent être harmonisées, ou
tout au moins être rendues compatibles au niveau européen. Il est de ce fait
nécessaire d’arrêter des dispositions juridiques particulières.
Europol offre l’opportunité de mettre au point des stratégies communes
de lutte contre la criminalité. Dans la mesure où l’on donne à Europol de
nouvelles compétences pour lutter contre le crime, il est possible de rapprocher
les normes correspondantes du droit pénal ou de créer de nouvelles normes
communes. Une telle évolution est dès à présent en cours dans le domaine du
droit de la protection des données.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
236
Le stade actuel d’Europol
Retour au présent.! Qu’est-ce qu’il se passe à La Haye actuellement.?
L’échange d’informations et de renseignements (données personnelles
et non personnelles) par les officiers de liaison Europol (OLE) reste au cœur
des activités de l’EDU. Le soutien analytique occupe une place de plus en plus
grande et l’accent passe d’une approche stratégique à des activités plus axées
sur les investigations, en raison d’une augmentation de la fréquence de ce type
de requêtes.
D’un point de vue quantitatif, la plupart des activités de l’UDE ont trait à
la drogue. L’unité, cependant, a été en mesure d’apporter une valeur ajoutée
plus spécifique dans le domaine de la criminalité que constituent les filières
d’immigration clandestine et le trafic illicite de matières nucléaires et radioactives, en raison de la carence de la coopération multilatérale de l’action des
services de répression des pays de l’UE en la matière. Pour ce qui concerne
l’échange d’informations – parallèlement au soutien opérationnel – relatives au
trafic illicite de véhicules, il a été plus difficile de cerner le rôle et les responsabilités de l’UDE tout en évitant les doubles emplois avec l’OIPC-Interpol et
Schengen. Des difficultés similaires concernent les activités de blanchiment
d’argent, car différentes instances de la Commission ainsi que diverses organisations et «.task forces.» internationales travaillent déjà dans ce domaine.
En outre, les droits nationaux et méthodes de travail diffèrent d’un pays à l’autre,
ce qui pose de grands problèmes de coopération.
Au total, l’UDE est intervenue dans 1054 affaires soumises par les États
membres au cours du premier semestre 1996.
72.% des enquêtes et investigations conduitespar l’UDE concernaient la
drogue, 13.% le blanchiment d’argent, 7.% les filières d’immigration clandestine
et 8.% le trafic de véhicules volés.; cependant, les statistiques varient d’un État
membre à l’autre. Dans 12 cas, l’UDE et les OLE ont apporté un soutien à la
coordination de livraisons surveillées de stupéfiants.
L’année 1995 et le premier semestre 1996 ont vu un développement
spectaculaire de l’activité des analystes, en particulier pour ce qui concerne
l’assistance apportée aux unités nationales Europol sur la requête de leurs OLE
respectifs, à un point tel qu’il est désormais essentiel de classer les demandes
par ordre de priorité. Si l’on compare la charge de travail du premier semestre
1996 et celle du second semestre 1995, on s’aperçoit, pour le volet opérationnel, que les activités portant sur le court terme ont progressé de 597 demandes
à 1386, et que l’on est passé de 8 à 10 demandes portant sur le long terme. Il
convient de souligner, en outre, que la complexité et la durée du travail ont
également augmenté, et que 5 des 8 demandes reçues pour le long terme
pendant le second semestre 1995 sont toujours en cours.
Voici quelques exemples :
Cet été, l’UDE a préparé un deuxième rapport sur la situation de l’UE
relativement à la production et au trafic de drogue et, pour ce faire a collecté
des informations auprès des États membres et autres sources. Les statistiques
nationales des saisies ont été collectées et collationnées et font actuellement
La création d’Europol et ses fonctions dans la lutte internationale
contre la criminalité organisée
237
l’objet d’une évaluation interactive, de sorte que la distribution du rapport sur
l’état général de la situation dans le domaine de la drogue sera prête en
septembre 1996.
L’UDE a fait une synthèse des prix de la drogue, au niveau de la vente
en gros et au détail, dans la monnaie de chaque État membre ainsi qu’en ECU.;
elle a actualisé ces données et continue à les publier tous les six mois. Elle
devrait également définir un indicateur de pureté.
Le programme de caractérisation de l’ecstasy (Projet Logo) a permis la
constitution d’un registre standardisé contenant les caractéristiques externes
des pilules saisies. Par l’intermédiaire des unités nationales Europol, les
services de répression des États membres ont reçu le premier catalogue en
avril 1996. En outre, le développement d’une base de données de l’UDE,
contenant des précisions sur les saisies, est en cours, et peut-être le projet
sera-t-il étendu à d’autres types de drogues synthétiques ainsi qu’à un système
de caractérisation chimique.
Un projet portant sur les trafics de drogue par des groupes criminels
d’origine turque qui sévissent dans l’UE, comprenant un volet opérationnel et
stratégique est en cours de réalisation.
Depuis 1995, l’UDE élabore, avec les conseils et la coopération des
unités nationales, une stratégie concernant les techniques spéciales (surveillance transfrontalière, livraisons surveillées, etc.) et tenant compte des
ressources techniques déjà disponibles, y compris la technologie, les techniques et les études d’autres instances, pour éviter les doubles emplois.
En outre, l’unité effectue actuellement une étude des problèmes légaux,
juridiques, factuels, structurels et financiers à l’origine de difficultés opérationnelles, de manière à améliorer la coordination et la coopération dans le cadre
de livraisons surveillées internationales. Cette action est conforme aux principes exprimés dans le document Cordrogue 69, qui souligne la nécessité d’une
coopération Européenne en matière de livraisons surveillées.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
238
Summary
Europol against organised crime
Jürgen Storbeck
• The history of Europol
When we look at the criminal investigations which are carried out across different member
states of the European Union, the exchange of information between the appropriate law
enforcement organisation of one member state, and the prosecuting authorities of another
member state is extremely slow.
In addition, it is impossible to obtain from other countries the totality of the requested
information. The international police and customs cooperation with its various information
organisations like Interpol, the SIS, the CIS, the teledrug, are not harmonised, neither in
their contents, nor in their methods.
The police and the authorities have far less financial, technical and human resources than
the criminals operating on an international scale. Finally, there are many differences
between the 15 members states, whether in the legislation, in the criminal procedures or
in the organisation of the police forces.
Those are the reasons which contributed to the establishment of Europol, a European
police office, which aim is to enhance the police cooperation within the European Union in
order to combat organised international criminal activities. Europol has to be respectful of
the sovereignty of the member states, its area of competence must therefore be in
compliance to the principle of subsidiarity.
• The construction of Europol
As the Europol convention was not yet ratified, it was decided in 1993 to adopt a transitory
solution : the Europol drug unit. Liaison offices linked to Europol are available to the
authorities of the member states (police, gendarmerie, customs) except the judiciary. The
liaison officers have access to the files of their own countries and can, in case of an actual
investigation, pass on information on any prosecuted individual, this, in compliance with
their national legislation. Since 1995, the scope of the Europol Drug Unit (that is drug
trafficking and money laundering) has been extended to the smuggling of nuclear material,
car thefts, illegal immigration and facilitation with its subsequent money laundering.
• Performance
During the first half of 1996, Europol got involved in 1054 cases following the request of
the members states, 72% on drug trafficking, 13% on money laundering, 7% on facilitation
of illegal immigration, 8% on car thefts.
• Europol after the convention
After ratification by the member states of the Europol convention, Europol will be able to
deal with nearly all forms of organised crime, under the political control of the council of
Home and Justice ministers, and under the authority and supervision of a board of
directors. A commission will be responsible for the protection of data, while finance will be
looked at by an audit committee. Legislative review will be the sole responsibility of national
legislatures.
Under the convention, Europol will be a non operational team. However, the establishment
of operational units operating at Europol’s request, but not being part of it, can be
conceived.
La création d’Europol et ses fonctions dans la lutte internationale
contre la criminalité organisée
239
Resumen
Europol y la lucha contre la criminalidad organizada
Jürgen Storbeck
• Los fundamentos de Europol :
En el marco de las investigaciones llevadas a cabo por las autoridades de diferentes
Estados de la Unión Europea, el intercambio de información entre la policía competente
de una país y las autoridades responsables de la represión en el extranjero es extremadamente lento. Además, es imposible obtener de otros estados el conjunto de las
informaciones necesarias.
La cooperación internacional en materia de policía y aduanas y sus diferentes estructuras
de información internacionales, como INTERPOL, el SIS, la CIS, la TELEDRUG, no están
armonizadas ni en su contenido ni en sus técnicas. La policía y demás autoridades
disponen de medios financieros, técnicos y de efectivos mucho menores a los de los
criminales organizados a escala internacional. La acción represiva no está coordinada.
Para terminar, los quince Estados miembros presentan numerosas disparidades, tanto
con respecto a las leyes y procedimientos penales como en materia de la organización
de sus fuerzas policiales.
Estos motivos llevaron a la creación de Europol, Oficina Europea de Policía, que tiene
como objetivo el mejoramiento de la cooperación en el seno de la Unión en materia de
represión del crimen organizado e internacional. Europol debe preservar la soberanía de
los Estados, por lo que su actividad se mantiene subsidiaria.
• La construcción de Europol :
Como la Convención Europol aún no está ratificada, se adoptó, en 1993, una solución
provisoria : la Unidad Droga Europol (UDE). Excepto la justicia, las autoridades de los
Estados miembros (policía, gendarmería, aduanas) disponen de oficinas de enlace con
Europol. Los oficiales de enlace tienen acceso a los diferentes registros de sus respectivos
países y pueden, en el caso de investigaciones concretas, divulgar informaciones sobre las
personas investigadas, bajo reserva de compatibilidad con las legislaciones respectivas.
À partir de 1995, el campo de competencias de la UDE (tráfico de estupefacientes y
blanqueo de dinero) se extendió al combate del tráfico de materias nucleares, del de
vehículos robados, de las redes de inmigración clandestina y del blanqueo de dinero que
tenga que ver con estas actividades.
• Actividades :
En el transcurso del primer semestre de 1996, Europol intervino en 1.054 casos sometidos
por los Estados miembros, en el 72.% de los casos por tráfico de drogas, 13.% por
blanqueo de dinero, 7.% por redes de inmigración clandestina y 8.% por tráfico de
vehículos robados.
• Europol luego de la Convención :
Después de la ratificación por los Estados miembros de la convención relativa a Europol,
casi todos los aspectos de la criminalidad organizada entrarán dentro del campo de
competencias de Europol, bajo el control político del Consejo de Ministros del Interior y
de Justicia y la tutela y la vigilancia de un Consejo de Administración.
Una comisión de control especial será responsable de la protección de los datos, mientras
que el control financiero estará a cargo de un comité de verificación de cuentas. El control
legislativo será responsabilidad exclusiva de los parlamentos nacionales.
La convención no prevé competencia propia para Europol en materia de investigación.
Sin embargo, no se excluye la creación de unidades operacionales que actúen a iniciativa
de Europol, sin formar parte de ella.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
240
La coopération policière
en matière de lutte
contre la criminalité organisée
Jean-Louis Sabathier,
commissaire divisionnaire, conseiller technique,
cabinet
dupolicière
directeur
général de la police nationale
contre la La
criminalité
coopération
organisée
en matière de lutte
Longtemps négligée, parfois sous-estimée, la menace du crime organisé
international a désormais accédé à la reconnaissance mondiale au point d’être
devenue «.l’hydre nouveau encerclant la planète, envahissant les marchés
monétaires et boursiers, déformant les économies, corrompant les politiciens,
les policiers et les magistrats, mettant enfin en péril l’intégrité ou la survie des
régimes démocratiques du monde libre.» (Claire Sterling).
Certes, sans céder à une telle vision catastrophiste, la criminalité organisée se présente comme un des grands défis auxquels les démocraties
doivent faire face aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’une perspective lointaine, mais
bien d’une réalité concrète, en forte croissance et dangereuse.
Si la notion de criminalité organisée est souvent employée, sa définition
manque cependant de rigueur. Comme l’a écrit notre collègue Jean Claude
Monet à qui j’emprunte ces propos, «.on comprend intuitivement qu’elle désigne des formes d’activité derrière lesquelles agissent de puissantes organisations criminelles, fortement structurées, sur le modèle de la plus puissante ou
la plus célèbre d’entre elles, la Mafia.». En effet, les expressions de «.crime
organisé.» ou de «.mafia.» sont souvent utilisées pour désigner de façon
indifférenciée toute forme d’association qui tente de contrôler certains secteurs
d’activités économiques, légaux ou illégaux, en vue d’en retirer un profit
maximum.
Dans de nombreuses enceintes, des essais de définition de la «.criminalité transnationale organisée.», expression désormais la plus couramment
employée, ont été tentés. Aucune de ces définitions n’a fait l’objet d’un
consensus universel. Cela témoigne de la difficulté qu’il y a à regrouper sous
un même vocable un ensemble de phénomènes, certes liés, mais de nature
différente.
L’Union européenne a adopté un concept qui énumère en fait 11
caractéristiques dont 6 (et 3 obligatoirement) doivent être présentes pour qu’un
crime ou qu’un groupe de criminels puissent être considérés comme relevant
de la criminalité organisée.
L’OIPC-Interpol a retenu, depuis 1988, une définition plus simple et, de
fait, souvent citée en exemple : «.Toute association ou tout groupement de
personnes se livrant à une activité illicite continue, dont le premier but est de
réaliser des profits sans souci des frontières nationales.». À la fin de l’année
1995, un groupe de travail a été mis en place en vue de réactualiser cette
définition.
Plus récemment, ni la conférence mondiale de Naples en 1994, ni le IXe
Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants en 1995 n’ont adopté une définition de la criminalité transnationale
organisée.
Mais laissons ce débat, trop théorique, pour nous limiter aux questions
de coopération opérationnelle. De même, nous laisserons de côté toute tentative de description du phénomène.; de nombreux rapports existent déjà qui
décrivent et apprécient son ampleur, analysent ses causes, en dessinent les
contours. Là encore, nous savons qu’une liste exhaustive des formes de
criminalité est difficile à dresser car, a priori, aucune infraction n’est exclue de
leur champ d’activité. Rappelons simplement que la notion d’infraction économique est aujourd’hui en pleine expansion, favorisée par la révolution de
l’électronique et de l’informatique.
Revenant aux moyens d’y faire face, nous dirons également qu’à l’évidence, la lutte contre le crime organisé ne peut plus s’apprécier localement et
que la mobilisation policière exige à la fois une spécialisation renforcée et une
extension des réseaux de coopération internationale.
Plus encore, nous pouvons constater que ce combat est devenu une
question politique, voire de politique internationale et que la police n’agit plus
seule en ce domaine. Un authentique partenariat associant étroitement les
systèmes policiers, judiciaires, douaniers, bancaires et financiers, diplomatiques et politiques se met progressivement en place pour établir au niveau
international un véritable «.front uni.» déterminé à lutter contre la menace
criminelle. Comment s’organise aujourd’hui la riposte et quels sont les moyens
de coordination et de coopération dont disposent les États et leurs services de
répression.? C’est ce que nous tenterons de clarifier dans une première partie,
tandis que nous énumérerons ensuite les instruments ou les supports juridiques leur permettant d’unir leurs efforts, de surmonter les limites de leurs
capacités nationales et de mettre en œuvre une véritable action concertée au
niveau international.
Les moyens de la coopération
Pour prévenir et combattre de manière efficace la criminalité organisée,
il est essentiel que les systèmes judiciaires et policiers soient mieux organisés
et équipés. Dans ces conditions, l’amélioration et le renforcement des moyens
de lutte passent par une meilleure coordination et par une coopération internationale développée. Celle-ci s’organise à différents niveaux :
A) Au niveau mondial, l’action des Nations Unies qui, depuis une
quinzaine d’années, se préoccupe du phénomène de la criminalité organisée,
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
242
est complétée depuis une date plus récente par celle des dirigeants des 7 pays
les plus industrialisés (G7).
L’engagement des Nations Unies en faveur de la prévention et du
contrôle de la criminalité transnationale organisée date, en effet, de 1975. Le
cinquième congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et le traitement
des criminels, tenu à Genève en 1975, attirait en effet l’attention sur les dangers
de la criminalité transnationale.
Le septième congrès, tenu à Milan en 1985, mettait l’accent sur le fait
que les frontières nationales avaient cessé de constituer des barrières effectives contre la criminalité organisée. Un plan d’action soulignant les dimensions
internationales de la criminalité et le besoin d’une réponse concertée de la part
de la communauté des nations était adopté, puis ratifié par l’Assemblée
Générale.
En 1988, une conférence de haut niveau, réunie à Vienne, adoptait la
Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants, texte qui
représente aujourd’hui l’un des instruments juridiques internationaux les plus
importants pour lutter contre le crime organisé.
En 1990, le huitième Congrès tenu à La Havane, adoptait un ensemble
de recommandations spécifiques et proposait l’organisation d’une conférence
de niveau ministériel dont l’objectif serait l’établissement d’un Programme des
Nations Unies dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale.
Cette conférence a eu lieu à Versailles en novembre 1991 et a donné naissance
à la Commission et au service pour la prévention du crime et la justice pénale,
seule instance des Nations Unies à traiter de la criminalité transnationale
organisée. Elle sera d’ailleurs désignée comme responsable de la mise en
œuvre de la Déclaration politique et du Plan d’action adoptés à Naples, à l’issue
de la Conférence mondiale sur la criminalité organisée.
C’est dans cette ville, en effet, que se tient du 21 au 23 Novembre 1994,
la première Conférence mondiale consacrée à ce phénomène. Cent quarantedeux États y participent, ainsi que les représentants d’organisations non
gouvernementales et intergouvernementales. Un certain nombre de suggestions pratiques sont faites par les participants, comme l’harmonisation de la
législation, la mise en place de réformes institutionnelles, le renforcement des
accords de coopération ou la création de nouveaux instruments internationaux.
Au terme de cette conférence, sont adoptés :
– Une Déclaration politique qui recommande, entre autres, que priorité
soit donnée au renforcement de la coopération internationale contre le crime
transnational organisé dans le contexte de la Commission des Nations Unies
sur la prévention du crime et sur la justice pénale.; elle recommande également
que la capacité des États comme celle des Nations Unies soit accrue en
harmonisant les textes législatifs ayant trait au crime organisé, en renforçant
la coopération internationale au niveau judiciaire, en établissant des modèles
et des principes de base pour la coopération régionale et internationale, en
élaborant de nouveaux instruments internationaux.
– Un Plan d’action global qui identifie des mesures spécifiques à la
charge des États pour mettre en échec, à divers niveaux d’intervention, la
criminalité organisée.
La coopération policière en matière de lutte
contre la criminalité organisée
243
– Sur proposition de l’Italie, une résolution sera également adoptée,
prévoyant la mise en place d’un groupe d’étude sur la faisabilité de la création
d’un Centre international de formation sur les affaires criminelles.
Enfin, le neuvième congrès tenu au Caire en 1995 recense dans l’une
de ses recommandations les infractions pouvant entrer sous la rubrique «.criminalité transnationale organisée.».
Le système des Nations Unies regroupe un certain nombre d’organes
politiques, juridiques et d’assistance technique tels que :
– le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues
(PNUCID).;
– l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS).;
– la Commission des Nations Unies et le Service pour la prévention du crime
et la justice pénale (CNUPCJP).;
– le Fonds Monétaire International (FMI).;
– la Banque mondiale.
Ce système est complété par plusieurs organisations internationales à
vocation universelle, regroupant et organisant l’action des administrations
policières et douanières des États membres, dans les domaines de l’information, des poursuites ou de la coopération technique. Ce sont principalement :
– l’Organisation internationale de police criminelle (OIPC-Interpol).;
– l’Organisation mondiale des douanes (OMD).
Plus récemment, les chefs d’État et de gouvernement des 7 pays les
plus industrialisés, lors de leur Sommet d’Halifax (Juillet 1995), ont décidé de
constituer un groupe d’experts à haut niveau sur la criminalité transnationale
organisée, chargé d’examiner les moyens de faire obstacle au développement
rapide de la criminalité organisée et de «.recenser les options possibles pour
améliorer la coordination et proposer des mesures pratiques.». C’est ainsi que
40 recommandations, préparées par ce groupe d’experts, ont été adoptées lors
du Sommet de Lyon le 29 Juin 1996. De plus, face à l’insistance de certains
pays à créer une nouvelle instance du type GAFI, il a été convenu que ce groupe
d’experts serait baptisé «.Groupe de Lyon.» et devrait examiner le suivi et
l’application de ces recommandations. Il sera rattaché sur un plan matériel à
l’OIPC-Interpol, de la même façon que le GAFI a été rattaché et accueilli par
l’OCDE.
On ne saurait ignorer en effet le rôle du Groupe d’Action Financière
Internationale (GAFI), groupe informel sans statut particulier constitué en 1989
par les pays du G7, dont la mission, temporaire puisque son mandat s’achève
normalement en 1999, consiste à définir le cadre de la coopération internationale en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Structure légère dont
la composition est proche de celle de l’OCDE (moins le Mexique et le république
Tchèque, mais plus Hong-Kong et Singapour), le GAFI s’est fixé pour tâche de
définir un corps de doctrine et de procéder à l’évaluation mutuelle de l’action
entreprise par ses membres. Dès 1990, il a adopté 40 recommandations qui
servent de référence à la lutte internationale contre le blanchiment de capitaux.
La 7e session, placée sous présidence américaine, qui s’est achevée le
28 juin 1996, a permis de procéder principalement à deux initiatives :
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
244
– L’actualisation du corps de doctrine de la lutte internationale contre le
blanchiment (les 40 recommandations), à savoir l’extension de l’incrimination
au-delà du trafic des stupéfiants aux infractions graves, l’obligation (et non plus
la faculté) de déclaration des transactions suspectes par les institutions financières, l’application aux institutions non bancaires (bureaux de change notamment) des mesures anti-blanchiment, l’institution de mesures de détection des
mouvements transfrontaliers d’espèces.
– Le lancement du second cycle d’évaluation mutuelle des États-membres, destiné à évaluer l’efficacité opérationnelle des systèmes mis en place.
Enfin, il a été à nouveau souligné qu’un renforcement de la coopération
entre tous les services opérationnels chargés de la lutte contre le blanchiment
était de nature à améliorer l’efficacité du système.
B) Au niveau régional, plusieurs organisations interviennent également, le plus souvent pour traiter d’un ou plusieurs aspects de la criminalité
internationale. C’est le cas de :
– l’Organisation des États américains (OEA).;
– la Commission inter-américaine de lutte contre l’abus des drogues (CICAD).;
– le Conseil de l’Europe qui peut s’enorgueillir d’un impressionnant travail
conventionnel.
Seule l’Union européenne, qui fournit un exemple original d’action concertée au niveau régional en matière de lutte contre la criminalité, peut se
prévaloir d’une véritable stratégie de lutte contre l’ensemble des aspects de la
criminalité transnationale organisée.
En effet, soucieux de s’organiser face à l’accroissement rapide et à
l’internationalisation de plus en plus marquée des phénomènes criminels, ses
États-membres ont initié dès 1975 une coopération policière dans le cadre du
groupe TREVI. D’abord centré sur les problèmes de lutte contre le terrorisme,
Trevi s’est orienté à partir de 1986 sur les problèmes de drogue et de criminalité
tandis que, parallèlement, la coopération politique abordait régulièrement les
questions relatives à la drogue et au terrorisme.
L’entrée en vigueur du Traité sur l’Union européenne, en novembre
1993, a abouti à l’institutionnalisation de l’action de l’Union en matière d’affaires
intérieures et de justice. Un certain nombre de groupes de travail spécialisés
ont été ainsi mis en place dans les domaines de la coopération policière,
douanière ou judiciaire et la lutte contre la criminalité organisée internationale
a, de fait, pris une dimension véritablement européenne au point de devenir
l’un des volets majeurs de la coopération européenne.
Rappelons qu’à la suite des assassinats des juges Falcone et Borselino,
les ministres français et italien de la Justice avaient suscité une réunion à
Bruxelles, le 18 septembre 1992, comprenant leurs homologues et les ministres de l’Intérieur des Douze.
À l’issue de cette réunion, première du genre en Europe à réunir
l’ensemble des ministres disposant d’une compétence nationale en matière de
police et de justice sur un sujet intéressant leur sécurité, une déclaration avait
été publiée aux termes de laquelle les ministres avaient exprimé leur accord
sur la nécessité d’accroître la lutte contre la criminalité organisée internationale
par le développement de la coopération et par la prévention et la répression du
La coopération policière en matière de lutte
contre la criminalité organisée
245
trafic de stupéfiants et du blanchiment de capitaux y afférent. En outre, il avait
été convenu de mettre en place un groupe de travail chargé de présenter dans
les six mois un rapport sur l’organisation et les structures de la Mafia et d’autres
organisations criminelles internationales, et de faire des propositions concrètes
pour lutter contre ce type de criminalité.
Ce groupe avait notamment conclu à la nécessité de développer
l’échange de magistrats de liaison, de déterminer des points de contact
nationaux, de favoriser une connaissance mutuelle des législations internes
des États-membres. Par la suite, diverses recommandations avaient été faites :
– nécessité d’engager une réflexion sur l’élaboration d’une incrimination commune à l’égard de la criminalité organisée, pouvant servir de base à l’application
de mesures d’enquêtes particulières.;
– opportunité de prévoir des sanctions pénales adéquates à l’encontre des
personnes morales.; – ratification rapide de la Convention du Conseil de
l’Europe sur le blanchiment, le dépistage, la saisie et la confiscation des
produits du crime du 8 novembre 1990.;
– opportunité d’instaurer un système de confiscation indépendamment de la
condamnation éventuelle de l’auteur d’une infraction.;
– possibilité de prévoir des délais de prescription de l’action publique suffisamment longs pour les infractions relevant de la criminalité organisée.;
– faciliter les témoignages et garantir la sécurité et la protection des témoins.
Mais la structure qui symbolise le mieux cette volonté des pays de l’Union
européenne de coopérer en matière de lutte contre la criminalité organisée sera
l’Office européen de police (Europol) dont l’échelon précurseur, l’Unité drogue
Europol (UDE), a été mise en place à La Haye en janvier 1994.
Institué par le Traité de Maastricht, cet Office est chargé de favoriser et
d’organiser l’échange d’informations entre les institutions policières et douanières des 15 États-membres et de procéder à l’analyse des renseignements sur la criminalité afin de soutenir les opérations policières dans
chaque État-membre.
Cette Unité Drogue avait à l’origine compétence pour les seules questions de drogue et de blanchiment d’argent y afférent.; mais depuis le Conseil
d’Essen en décembre 1994, son mandat a été élargi au trafic illégal de matières
radioactives, aux filières d’immigration clandestine, au trafic illicite de véhicules
et au blanchiment de capitaux issus de ces activités.
La convention portant création d’Europol a été signée le 26 juillet 1995
et complétée récemment par un protocole relatif à la compétence de la Cour
de Justice. Elle est désormais soumise à la ratification des États-membres. Sa
mise en œuvre constituera la réponse opérationnelle de l’Union dans la lutte
contre les différentes formes de criminalité. Elle sera, à n’en pas douter, un pas
important et un instrument novateur dans la lutte et la prévention du crime.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
246
Les supports de la coopération
Depuis de nombreuses décennies, la communauté internationale a tenté
d’organiser la lutte contre les différentes formes de criminalité. L’accélération,
le développement, les ramifications croissantes de diverses formes de criminalité, notamment dans leur dimension internationale, ont amené la communauté internationale, à savoir l’ONU et les organisations régionales comme
l’Union européenne, le Conseil de l’Europe ou l’Organisation des États Américains, à élaborer une série de conventions.
La première constatation est qu’il n’existe pas de convention générale
ayant pour objet la lutte contre la criminalité transnationale organisée en tant
que telle. Les raisons en ont été maintes fois exposées :
– le phénomène criminel revêt des formes trop radicalement différentes et
changeantes.;
– les méthodes de lutte sont trop spécifiques à chaque forme de criminalité.;
– les fondements juridiques et les points de vue sont trop différenciés pour que
la criminalité transnationale organisée puisse faire l’objet d’une définition
communément admise (cf l’introduction) et pour qu’il soit possible d’englober
en un seul texte l’ensemble des dispositions correspondant aux diverses
ramifications de la criminalité transnationale organisée.
Devant l’impossibilité matérielle de dresser un inventaire exhaustif des
accords bilatéraux d’entraide judiciaire en matière pénale ou d’extradition, le
récapitulatif présenté ci-après concerne uniquement les instruments multilatéraux, en distinguant :
Les conventions concernant des formes
spécifiques de criminalité
Ces conventions ont généralement une portée universelle et portent sur
le faux monnayage, l’esclavage, le trafic des êtres humains, le travail forcé, les
stupéfiants, le transfert illicite de biens culturels :
1) Convention relative à l’esclavage adoptée à Genève le 25 septembre 1926,
plus le protocole de 1953 et les convention supplémentaire de 1956.;
2) Convention internationale pour la répression du faux monnayage adoptée à
Genève le 20 avril 1929.;
3) Convention internationale concernant le travail forcé adoptée à Genève le
28 juin 1930.;
4) Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, adoptée à New York le 2 décembre 1949.;
5) Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher
l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels
adoptée à Paris le 14 novembre 1970.;
6) Convention unique sur les stupéfiants adoptée à New York le 30 mars 1961
et le protocole du 25 mars 1972.;
7) Convention sur les substances psychotropes adoptée à Vienne le 21 février
1971.;
La coopération policière en matière de lutte
contre la criminalité organisée
247
8) Convention internationale d’entraide administrative et de répression des
infractions en matière de douanes adoptée à Nairobi le 9 juin 1977.;
9) Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes adoptée à Vienne le 19 décembre 1988.
Les conventions d’entraide judiciaire
en matière pénale
Ces textes, qui traitent plus spécialement de la lutte contre la criminalité
ont la particularité d’avoir, pour la plupart, été conçus dans un cadre régional
et sont ouverts à la signature de pays tiers. Ce sont :
1) La convention européenne d’extradition adoptée à Paris le 13 décembre
1957 et deux protocoles additionnels de 1974 et 1979.;
2) La convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale adoptée
à Strasbourg le 20 avril 1959 et son protocole additionnel du 17 mars 1978.;
3) La convention sur la valeur internationale des jugements répressifs adoptée
à Strasbourg le 28 mai 1970.;
4) La convention sur la transmission des procédures répressives adoptée à
Strasbourg le 15 mai 1972.;
5) La convention interaméricaine d’extradition adoptée au Venezuela en février
1981.;
6) La convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la
confiscation des produits du crime adoptée à Strasbourg le 8 novembre 1990.;
7) La convention interaméricaine d’entraide en matière pénale adoptée par
l’OEA en mai 1992.
Les autres textes
Des textes moins formels (recommandations, résolutions, déclarations,
plans d’action), adoptés dans différentes instances (ONU ou ses organes
subsidiaires, organisations spécialisées, OCDE, conférences spécifiques...),
au caractère moins contraignant que des instruments juridiques classiques,
témoignent aussi de la sensibilisation et de l’implication croissantes des États
dans la lutte contre toutes les formes de criminalité internationale. Citons :
1) Les 40 recommandations du GAFI adoptées en 1990.;
2) L’arrangement pour la remise des délinquants recherchés par la justice au
sein du Commonwealth adopté à Londres en 1966.;
3) Le programme d’entraide judiciaire en matière pénale au sein du Commonwealth adopté à Harare en 1986.;
4) La Déclaration et le Plan d’action de Naples.
Il convient de rappeler également que de nombreuses autres conventions, dont l’objet n’est pas en rapport direct avec la lutte contre la criminalité
transnationale organisée, comportent aussi des dispositions allant jusqu’à la
définition d’infractions que les États s’engagent à transposer dans leur droit
national, et peuvent donc être utilisées contre certaines formes de criminalité.;
on peut ainsi citer :
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
248
– les conventions de l’Organisation Internationale du Travail.;
– les conventions concernant la propriété intellectuelle et industrielle.;
– la convention relative aux droits de l’enfant (ONU, 1989).;
– les conventions sur la protection de l’environnement.;
– la convention sur la protection physique des matières nucléaires (AEIA,
1980).;
– la convention des Nations Unies sur les espèces menacées d’extinction..;
– de ce catalogue, on retiendra principalement qu’il existe un nombre réduit
de conventions à vocation universelle visant des formes spécifiques de criminalité organisée.
À l’exception des conventions sur la drogue (1961,1971,1988), ces
textes sont anciens et souvent peu adaptés aux formes plus récentes de
criminalité.
De nombreuses formes majeures de criminalité ne font l’objet d’aucun
texte, ou seulement de mentions très partielles dans des accords internationaux ayant un objet différent ou une application régionale limitée.
De nombreux instruments originaux sont conçus pour répondre à trois
objectifs principaux :
– empêcher les criminels d’échapper à la justice.;
– assécher les profits des criminels et des organisations criminelles.;
– simplifier les procédures de coopération.
Ils ont, pour les plus marquants d’entre eux, été adoptés sous une égide
régionale (Conseil de l’Europe, OCDE) mais peuvent avoir une vocation plus
large puisqu’ouverts à la signature de pays tiers.
Au terme de cet exposé, deux constatations s’imposent avec force :
– La légitimité du combat contre le crime organisé n’est nullement
remise en cause. La communauté internationale multiplie les occasions de
manifester et d’affirmer ses préoccupations vis-à-vis de la criminalité transnationale organisée.
– La mondialisation du crime joue en faveur d’une concentration des
efforts, d’une coordination accrue des politiques de lutte et d’un renforcement
de la coopération internationale que nul ne saurait aujourd’hui contester.
Quel jugement porter alors sur le dispositif ainsi présenté.?
Sur le plan institutionnel, de nombreuses organisations internationales
traitent de près ou de loin des déviances criminelles, chacune dans son
domaine d’activité. La communauté internationale dispose cependant d’organisations à vocation universelle que sont, au plan politique, les institutions des
Nations Unies et, sur un plan opérationnel, l’Organisation Internationale de
Police Criminelle-Interpol et l’Organisation Mondiale des Douanes. Leur efficacité ne saurait être remise en cause, même si d’aucuns s’interrogent parfois
sur leur légitimité et prônent la mise en place d’une nouvelle institution.
Le dernier Sommet du G7 à Lyon a d’ailleurs «.salué le travail réalisé
par ces deux organes.» et les a appelés à «.intensifier leur soutien aux activités
opérationnelles.» des services de répression des États-membres (Recommandation No 18)
La coopération policière en matière de lutte
contre la criminalité organisée
249
Il apparaît peu réaliste et peu sage de proposer la création de nouvelles
institutions, mais plus utile et efficace de développer et d’amplifier l’action des
organisations existantes.
Au niveau conventionnel, il n’apparaît pas non plus nécessaire de
s’engager dans un exercice long et périlleux de négociation d’une convention
générale contre la criminalité organisée. Certes, dans son discours introductif
de la Conférence mondiale de Naples, le Secrétaire général des Nations Unies
avait invité la communauté internationale à prendre en ce sens une initiative,
rappelant l’inexistence d’un instrument international de portée générale pour
lutter contre la criminalité transnationale et citant la Convention de 1988 sur les
drogues comme un modèle possible. Cette suggestion n’avait pas été retenue
et le dernier Sommet du G7, sur la base des réflexions de ses experts, ne l’a
pas non plus envisagée, préférant utiliser pleinement les conventions multilatérales existantes et étudier la possibilité de les compléter éventuellement en
fonction des besoins croissants de la lutte contre la criminalité transnationale
(Recommandations No 35 et 36).
Outre les difficultés de négociation prévisibles à l’échelle universelle, il
est admis que l’arsenal conventionnel et juridique en matière de criminalité et
d’association de malfaiteurs, d’appartenance à des organisations criminelles
ou de la «.conspirancy.» de la Common Law est vaste et que ce ne sont pas
tant les dispositifs conventionnels qui manquent que des interfaces harmonisées et efficaces entre les différents systèmes juridiques.
Enfin, s’il est vrai qu’en ce domaine, la coopération internationale doit se
développer dans un cadre multilatéral, il ne faut pas oublier qu’il existe aussi
entre de nombreux pays un niveau remarquable de coopération et d’échange
sur une base bilatérale. Des progrès extraordinaires ont été accomplis ces
dernières années dans la coordination entre les services (échanges d’informations et de fonctionnaires de liaison) et dans le développement de la coopération technique. On ne saurait oublier que, souvent, l’essentiel se réalise dans
le cadre d’accords ou d’échanges bilatéraux et qu’une meilleure efficience de
la lutte contre la criminalité transnationale organisée doit privilégier des mesures concrètes de coopération opérationnelle visant à favoriser le recueil du
renseignement et à faciliter sa bonne exploitation par les services compétents.
Ne perdons pas de vue que le cœur de la police est à l’intérieur même des pays
et que l’essentiel se joue d’abord dans la proximité.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
250
Summary
Police co-operation in organised crime
Jean Louis Sabathier
Combating organised crime can non longer be locally perceived. The response by the law
enforcement requires both reinforced specialisation and an extension of the international
co-operation networks.
• at the international level:
The action undertaken by the United Nations against transborder crimes have emerged
during the last fifteen years : the Geneva 5th congress 1975, the Milan 7th congress 1985,
the Vienna conference 1988, the Havana 8th congress 1990, the Versailles conference
1991, the Naples 21st and 23rd November 1994 world conference, the 9th Cairo congress
1995. During these conferences, a number of pragmatic suggestions have been put
forward by the 142 participating countries, like the harmonisation of legislation’s, the setting
up of structural reforms, the reinforcement of co-operation agreements or the creation of
new international device.
The United Nations comprise a number of political, legal, and technically supporting
organisations like the “United Nations program for the International Control of Drugs”, the
“International Organisation for the Control of Drugs”, the United Nations Commission and
the Crime Prevention and Criminal Justice department, the “International Monetary Fund”,
the World Bank. In addition to these, are several police or customs international organisations like “the International Criminal Police Organisation – Interpol” and the “World Customs
Organisation”.
More recently, the Heads of States of the 7 most industrialised countries (G7) have, during
the Halifax (July 1995) and Lyon (June 1996) summits, reinforced the co-operation
between the member countries of the International Financial Action Group.
• at a regional level:
Several organisations are involved, like the Organization of American States, the interAmerican commission against Drug abuses. A significant strategy to combat every form
of organised crime has been set up by the European Union, among which a police
assistance system initiated by the “Trevi Group” in 1975 with all the subsequent working
groups that have been created since.
The organisation that most symbolises the willingness to co-operate is the European Police
Office (Europol) whose precursor is the Europol Drug Unit created in The Hague in January
1994.
There are three means of support to police co-operation.
First, the conventions on specific forms of crime (counterfeit of currency, trade of human
beings, drug trafficking, slavery, forced labour, and illicit transfer of cultural assets).
You then have the conventions on mutual assistance on criminal matters.
Finally you have a set of other less formal papers (resolutions, recommendations,
statements,...). With the notable exception of the conventions on drugs (1961, 1971, 1988),
a lot of major forms of crime are not covered by any international agreement. The most
creative instruments have been designed and adopted at a regional level: The Council of
Europe, OECD. Their three main objectives are: to bring the criminals before justice, to
drain out the profits made by criminals and criminal organisations, to simplify the proceedings in police co-operation.
La coopération policière en matière de lutte
contre la criminalité organisée
251
Resumen
La cooperacion policial en materia de lucha contra la
criminalidad organizada
Jean-Louis Sabathier
La lucha contra el crimen organizado ya no puede ser apreciada localmente. La movilización policial exige a la vez un aumento de la especialización y una extensión de las redes
de cooperación internacional.
• A nivel mundial :
La acción de las Naciones Unidas contra la criminalidad inter-fronteras se manifiesta desde
hace unos quince años : V Congreso de Ginebra en 1975, VII Congreso de Milán en 1985,
Conferencia de Viena en 1988, VIII Congreso de la Habana en 1990, Conferencia de
Versailles en 1991, Conferencia Mundial de Nápoles el 21 y 23 de noviembre de 1994, IX
Congreso del Cairo en 1995. En el transcurso de estas conferencias, un cierto número de
sugerencias prácticas fueron hechas por los 142 países participantes, como la armonización de la legislación, la puesta en práctica de reformas institucionales, el refuerzo de los
acuerdos de cooperación o la creación de nuevos instrumentos internacionales.
Las Naciones Unidas reagrupan un cierto número de órganos políticos, jurídicos y de
asistencia técnica como el «.Programa de las Naciones Unidas para el Control Internacional de las Drogas.» (PNUCID), el «.Organo Internacional de Control de Estupefacientes.» (OICS), la «.Comisión de las Naciones Unidas y el Servicio para la Prevención del
Crimen y de la Justicia Penal.» (CNUPCJP), el «.Fondo Monetario Internacional.» (FMI),
el Banco Mundial. Este sistema se completa con varios organismos internacionales
policiales o aduaneros, como la «.Organización Internacional de Policía Criminal.» (OIPCInterpol) y la «.Organización Mundial de Aduanas.» (OMD).
Más recientemente, los jefes de Estado y de Gobierno de los 7 países industrializados
(G7), en ocasión de las cumbres de Halifax (julio 1995) y de Lyon (junio 1996), reforzaron
el esfuerzo de cooperación entre los países miembros del Grupo de Acción Financiera
internacional (GAFI).
• A nivel regional :
Intervienen varias organizaciones, como la «.Organización de Estados Americanos.»
(OEA) o la «.Comisión Interamericana de Lucha contra el Abuso de Drogas.» (CICAD).
La Unión Europea ha puesto en marcha una verdadera estrategia de lucha contra el
conjunto de los aspectos de la criminalidad organizada, especialmente a través de la
cooperación policial iniciada por el «.Grupo Trevi.» en 1975 y continuada por todos los
grupos de trabajo puestos en práctica consiguientemente. Pero la estructura que mejor
simboliza esta voluntad de cooperación será la Oficina Europea de Policía (Europol) cuyo
escalón precursor es la Unidad Droga Europol (UDE) puesta en marcha en La Haya en
enero de 1994.
La cooperación se apoya sobre tres puntos : por un lado, las convenciones que conciernen
las formas específicas de criminalidad (moneda falsa, tráfico de seres humanos, estupefacientes, esclavitud, trabajo forzado y transferencia ilícita de bienes culturales). Luego
están las convenciones de ayuda judicial en materia penal. Para terminar, un conjunto de
textos menos formales (resoluciones, recomendaciones, declaraciones, etc.).
Con la notable excepción de las convenciones sobre la droga (1961,1971,1988), las
formas de criminalidad que no son objeto de acuerdos internacionales son numerosas.
Los instrumentos más originales fueron concebidos y adoptados bajo una égida regional :
Consejo de Europa, OCDE. Persiguen tres objetivos principales : impedir que los criminales escapen a la justicia, neutralizar los beneficios de los criminales y de las organizaciones criminales y simplificar los procedimientos de cooperación.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
252
La cooperazione di polizia
nei confronti della
criminalità organizzata
Maurizio Ludovici,
Dirigeante superiore della Polizia di stato, direttore
della
2a sezione dell’instituto superiore di polizia, Roma
La cooperazione di polizia nei confronti della criminalità organizzata
L’organizzazione dell’immigrazione clandestina, il traffico di stupefacenti, di
armi, di materiali radioattivi, di tabacco, di alcool, ecc.. Per la criminalità originariamente attiva nei paesi occidentali il facilitato ingresso nei paesi dell’Europa Centrale
ed Orientale significa possibilità di investirvi i proventi di attività criminose commesse in Occidente, profittando della transizione da un’economia socialista al
mercato libero, di fatto un «.campo aperto.» poichè i Paesi ex socialisti sono
completamente privi di un sistema bancario di tipo capitalistico.
La situazione descritta è aggravata dalla scarsa preparazione delle
polizie di tali Paesi a contrastare la criminalità organizzata di tipo occidentale.
In quelle polizie infatti sono presenti sia elementi assunti in servizio dopo il
rovesciamento politico (e quindi con scarsa esperienza professionale) che operatori già appartenenti alle polizie dei passati regimi (ma non troppo compromessi
con essi), abituati perci a reprimere i «.reati politici.» nei confronti dei dissidenti
piuttosto che a contrastare la criminalità organizzata internazionale.
Ecco quindi la necessità che le polizie si adattino, per quanto possibile,
al mutato scenario operativo della delinquenza organizzata che riesce sempre
a stare al passo con i tempi, sfruttando tempestivamente eventi e situazioni
politiche ed adeguando ad essi structture organizzative e modus operandi.
***
L’iter operativo della criminalità organizzata si svolge in tre fasi. Prima,
l’accumulazione dei capitali mediante delitti quali estorsione, sequestro di
persona, rapina, struttamento della prostituzione, gioco d’azzardo, immigrazione clandestina, ecc...
Seconda, l’impiego dei capitali per lo svolgimento di attività criminali
altamente remunerative, in prevalenza acquisto di partite di stupefacenti,
investimento privilegiato dalla criminalità organizzata.
Terza, il riciclaggio dei proventi di attività criminose ed il reinvestimento
in attività lecite (acquisto di immobili, apertura di attività commerciali ed alberghiere, di villaggi turistici, ecc...
Quest’ultima fase mira a spezzare il filo rosso o (se si preferisce) il
cordone ombelicale che lega il denaro all’attività illecita svolta in precedenza,
avvalendosi anche del trasferimento telematico dei capitali nei cosiddetti paradisi fiscali e bancari (Paesi off shore), caratterizzati dall’assoluta mancanza di
trasparenza delle operazioni bancarie.
Al riguardo è interessante ricordare che, utilizzando operazioni telematiche ed approfittando della diversità dei fusi orari, è possibile effettuare ben 72
movimenti di capitali nell’arco delle ventiquattro ore, rendendo di fatto impossibile il rintraccio dei proventi di attività criminose.
Le risposte delle polizie alla internazionalizzazione del crimine organizzato si realizzano a tre livelli : normativo, informativo-operativo, formativo degli
operatori di polizia.
La legislazione di ciascun Paese, in particolare i codici penale e di
procedura penale, prevede istituti e principi tendenti ad agevolare la collaborazione giudiziaria e di polizia in caso di reati commessi all’estero o da cittadini
stranieri.
Si tratta dell’estradizione, della commissione rogatoria, dell’esecuzione
di sentenza straniera, del riconoscimento di sentenza straniera e del principio
dell’«.aut dedere aut judicare.».
Questo nucleo di norme è integrato da Convenzioni internazionali a
diversi livelli (universali, regionali e sopranazionali) e da accordi multilaterali e
bilaterali, generalmente in matéria di traffico di droga e di criminalità organizzata, ma talvolta anche per il contrasto del terrorismo.
Essi prevedono, in linea di massima, scambi informativi sui gruppi
criminali, sul modus operandi, sull’addestramento degli operatori di polizia e
meccanismi di agevolazione nella collaborazione penale.
Da un punto di vista informativo-operativo, si privilegiano l’attività di
«.intelligence.» o, ancor meglio, di scambio di «.intelligence.» su fenomeni
criminali o su singoli reati che non possono prescindere da essa che si avvale
di principi già ampiamente collaudati nel campo aziendale : la ripartizione del
lavoro e l’individuazione di sfere di competenza. I reati in questione sono, ad
esempio : traffico di stupefacenti, di armi, di opere d’arte, sequestro di persona,
gioco d’azzardo, sfruttamento della prostituzione.
La collaborazione operativa si verifica mediante l’intervento contestuale di operatori di polizie di più paesi in operazioni finalizzate alla disarticolazione di bande di criminali operanti in più paesi e dedite alle attivà dianzi
ricordate.
Altro tipo di collaborazione operativa si opera mediante le consegne
controllate in materia di lotta al traffico di stupefacenti.
Le strategie fondamentali della cooperazione internationale di polizia
nella lotta alla criminalità organizzata sono costituite da :
– scambio di «.intelligence.» sulla criminalità organizzata.;
– costituzione di una efficente cooperazione di polizia a livello operativo.;
– assistenza giudiziaria reciproca al fine di congelare e confiscare i capitali di
provenienza criminale.;
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
254
– contribuzione alla formazione ed all’assistenza delle forze di polizia dei paesi
in cui la droga transita o è prodotta.;
– identificazione e neutralizzazione delle aziende multinazionali del crimine.
L’azione di contrasto internazionale si svolge a diversi livelli (mondiale,
regionale, sovrannazionale).
Cercheró ora di passare rapidamente in rassegna la collaborazione ai
diversi livelli, escludendo deliberatamente di trattare le attività svolte a livello
OIPC – Interpol ed Europol, sulle quali ci hanno già intrattenuti, con estrema
competenza, rispettivamente il Sig. Kendall, Segretario Generale dell’OIPC –
Interpol ed il Sig. Storbeck, Direttore dell’UDE Europol.
A livello mondiale la collaborazione si articola su una serie di strumenti
internazionali (Convenzioni, dichiarazioni) e di fori di discussione.
Tra gli strumenti internazionali è opportuno ricordare :
– la Convenzione unica sugli stupefacenti (New York, 30 marzo 1961) e
relativo protocollo di emendamento (Ginevra, 25 marzo 1972).;
– la Convenzione sulle sostanze psicotrope (Ginevra, 21 febbraio 1971).;
– la Dichiarazione della Conferenza internazionale sull’abuso ed il traffico
illecito di droga (17-26 giugno 1987).;
– la Convenzione contro il traffico illecito di sostanze stupefacenti e psicotrope
(Vienna, 19-20 dicembre 1998).;
– la Dichiarazione politica e Programma di Azione adottati dall’Assemblea
Generale nel corso della 66° Sessione straordinaria sul problema della cooperazione internazionale contro la produzione, l’offerta, la domanda, il traffico e
la distribuzione illecita di droghe e di sostanze psicotrope (19 marzo 1990).
Tra le riunioni periodiche organizzate dalle Nazioni Unite particolare
rilievo assumono :
– il Congresso Annuale sulla prevenzione del crimine.;
– la Sessione Annuale della Commissione Stupefacenti.;
– la Commissione per la prevenzione del crimine e la giustizia penale.
***
Nella lotta al crimine organizzato si inserisce anche la Dichiarazione di
principio del Comitato per le regolamentazioni Bancarie e le pratiche di vigilanza
di Basilea sulla prevenzione dell’utilizzo del sistema bancario ai fini del riciclaggio di fondi derivanti da attività illegali (12 dicembre 1988).
***
A livello regionale il Consiglio d’Europa è stato particolarmente attivo nei
confronti del riciclaggio promuovendo :
– la Raccomandazione relativa alle misure contro il trasferimento e l’impiego
di capitali d’origine criminale (27 giugno 1980).;
– la Convenzione relativa al riciclaggio, alla identificazione, al sequestro ed
alla confisca dei prodotti del crimine (8 novembre 1990).
***
La cooperazione di polizia nei confronti della criminalità organizzata
255
Iniziative di cooperazione a livello CEE – Unione Europea.
Gruppo Trevi : organismo intergovernativo istituito a Roma nel 1970 per
realizzare una cooperazione politica ed operativa nella lotta al terrorismo, al
traffico di droga, al crimine organizzato e ad altre forme criminali di particolare
gravità.
Nell’ambito del Gruppo di Lavoro III, costituito a Roma nel giugno 1985
per l’analisi dei gravi atti di violenza e del crimine organizzato in genere, nel
1991 è stato istituito il sottogruppo EDU/Europol per la creazione di un organismo di polizia europea.
L’attività del Gruppo Trevi è terminata con l’entrata in vigore del Trattato
di Maastricht.
Direttiva del Consiglio delle Comunità Europee sulla prevenzione
dell’uso del sistema finanziario a scopo di riciclaggio dei proventi di attività
illegali (10 giugno 1991)
***
Nel Trattato di Maastricht la cooperazione di polizia è prevista nel Terzo
Pilastro (cooperazione nei settori della giustizia e degli affari interni, articoli da
K1 a K9).
In particolare nell’ambito del Gruppo Direttore 2 opera il Gruppo Droga
e Criminalità Organizzata.
Tra le attività di tale Gruppo assumono particolare rilievo :
– la lotta alla criminalità nel settore degli stupefacenti da attuare mediante un
un piano Europeo di lotta alla droga, in stretto coordinamento con il parallelo
Gruppo Cooperazione Doganale.
Tra le priorità di intervento figurano quelle relative a :
– scambio telematico di informazioni sul traffico di droga.;
– misure di contrasto dei traffici di stupefacenti gestiti da organizzazioni
criminali turche.
E’stato anche elaborato un Manuale comune sulla droga che è sottoposto a periodico aggiornamento :
– il Rapporto annuale sulla criminalità organizzata che focalizza l’attenzione
sull’attività dei gruppi criminali (e non sui singoli reati), nel quale è inserita, tra
le caratteristiche essenziali della criminalità organizzata, «.la continuità temporale dell’azione.». I dati riferentisi ai Paesi dell «.Unione Europea sono integrati
con quelli forniti dai Paesi dell’Europa Centrale ed Orientale e Baltici e dai
Partners Euromediterranei.;
– modifica dei profili strutturali degli ufficiali di collegamento, originariamente
con competenza limitata al contrasto del traffico internazionale di sostanze
stupefacenti, che tendono a divenire la figura centrale della lotta alla criminalità
organizzata internazionale.
Tale circostanza comporta la necessità di iniziative comuni in materia di
formazione degli ufficiali :
– scambio di «.intelligence.» informatizzato sia nell’ambito dell’Unione che nei
confronti dei Paesi Terzi.;
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
256
– sviluppo di relazioni con i Paesi Terzi, non solo con i più prossimi all’Unione
(PECO, Paesi Baltici e Bacino del Mediterraneo), ma anche con quelli che
presentano particolari aspetti di intreccio macro-criminale per i grandi traffici
illeciti (Dialogo Transatlantico e Paesi del Patto Andino).;
– lotta al riciclaggio mediante l’organizzazione (a cura del parallelo Gruppo
Cooperazione di Polizia, anch’esso operante nell’ambito del Gruppo Direttore
2) di seminari riservati agli operatori di polizia dei Paesi membri dell’Unione
Europea, dei PECO e Baltici. Da un punto di vista operativo si intensifica il
sequestro dei beni e si rileva il modus operandi delle organizzazioni criminali.;
– lotta al traffico illecito di opere d’arte ed alle contraffazioni anche attraverso
unità nazionali specializzate in grado di consentire diretti contatti tra i diversi
Paesi dell’Unione e con l’ausilio di sistemi informatizzati tra loro compatibili.
***
L’accordo di Schengen del 18 giugno 1985, integrato dalla Convenzione
di Applicazione del 19 giugno 1990, prevede agli artt. Da 39 a 47 la cooperazione tra le forze di polizia dei diversi Paesi che si realizza mediante :
– scambi di informazioni (art. 39 e 46).;
– scambio di funzionari di collegamento (art. 47).;
– sorveglianza oltre frontiera (art. 40).;
– inseguimento oltre frontiera (art. 41).;
Esso contiene inoltre norme sull’assistenza giudiziaria in materia penale
(art. 48 -53), sull’estradizione (art. 59 -66), sul trasferimento dell’esecuzione
delle sentenze penali (art. 67 -69), sugli stupefacenti (art. 70 -76).
***
Nella mia qualità di rappresentante dell’Istituto Superiore di Polizia
italiano vorrei sottolineare che la formazione costituisce un adeguamento
culturale e professionale degli operatori di polizia ai nuovi scenari internazionali
nei quali opera la criminalità organizzata. I risultati positivi dell’attività operativa
sono in funzione della formazione che costituisce, ogni giorno di più, un’interfaccia con l’attività operativa.
Già nell’ambito della collaborazione Trevi si era previsto, sin dal 1976,
tra le competenze del Gruppo di Lavaro 2 lo sviluppo della formazione degli
operatori di polizia. Dall’entrata in vigore del Trattato istitutivo dell’Unione
Europea (30.11.1993) la formazione costituisce una delle attività del Gruppo
Cooperazione di polizia, che opera in seno al Gruppo Direttore 2.
Vi è poi una serie di iniziative, pubbliche e private, che si occupano di
formazione ed aggiornamento degli operatori di polizia con l’obiettivo del
contrasto alla criminalità organizzata.
• Europa 2000, associazione internazionale non governativa e apolitica,
fondata in Belgio nel 1989 e finalizzata «.alla tutela della società costituzionale
e democratica nei paesi membri del Consiglio d’Europa contro le minacce del
terrorismo e della criminalità organizzata a livello internazionale.», ha promosso
conferenze internazionali sulla lotta a vari tipi di criminalità organizzata.
La cooperazione di polizia nei confronti della criminalità organizzata
257
• MEPA (Mitteleuropäische Polizeiakademie). Accademia di Polizia
dell’Europa Centrale, costituita nel 1991, per la formazione congiunta di operatori di polizia austriaci ed ungheresi, e dal 1994 anche per operatori della
Repubblica Federale di Germania, della Repubblica Ceca, della Republica di
Polonia, della Repubblica Slovacca e della Repubblica di Slovenia.
Il programma dei corsi privilegia il contrasto e la prevenzione della criminalità
organizzata, i metodi e le forme di cooperazione internazionale di polizia.
• ELEC ’European Law Enforcement College), organizzazione non
governativa fondata nella primavera 1995 con il sostegno del Consiglio d’Europa e con sede a Bruxelles. Ha lo scopo di sviluppare e sostenere la
cooperazione di giustizia criminale nella grande Europa, soprattutto nell’ambito
di polizia. Il suo programma Joint Action Crime Prevention (JACP) mira a
stabilire stretti legami con forze di polizia, identificando aree nelle quali intervenire con tattiche operative, strategie di prevenzione del crimine, progetti pilota,
corsi di formazione mirati per appartenenti a forze di polizia e magistrati,
seminari e ricerche.
• ILEA (International Law Enforcement Academy) è stata costituita a
Budapest nell’aprile 1995 con un accordo tra i governi della Rèpubblica di
Ungheria e degli Stati Uniti d’America per la formazione di funzionari a livello
medio delle forze di polizia dei paesi dell’ex blocco comunista. Nell’ambito
dell’Unione Europea si è a lungo discusso, senza peraltro giungere ad una
decisione unanime, sull’opportunità che l’Unione partecipi all’attività dell’Accademia, mediante una europeizzazione dei programmi anche in vista della
prossima adesione dell’Ungheria all’Unione Europea.
• Accademia di polizia dei paesi nordici per i paesi baltici.
Si tratta di un programma di formazione per operatori di polizia dei paesi
baltici, organizzato da un gruppo di lavoro dei paesi nordici (Svezia, Norvegia,
Danimarca e Finlandia) ed articolato in seminari. L’Accademia non dispone
attualmente nè di una sede nè di formatori a tempo pieno.
• Centro Internazionale di formazione per personale addetto ai settori
delle investigazioni e della giustizia. Con una risoluzione, adottata in occasione
della Conferenza Mondiale Ministeriale delle Nazioni Unite sul Crimine Organizzato, tenutasi a Napoli il 21-23 novembre 1994, è stata costituita una «.task
force.» incaricata di esaminare la possibilità di istituire il Centro in Italia.
Esso avrà sede a Roma ed organizzerà corsi, seminari e gruppi di studio
per funzionari di polizia e magistrati in tema di criminalità organizzata transnazionale. Il governo italiano sta predisponendo gli strumenti legislativi ed amministrativi per la costituzione del Centro.
• Corsi vari organizzati da paesi dell’Unione Europea per la formazione
di operatori di Polizia dei PECO.; programmi di formazione organizzati dal
Consiglio d’Europa di concerto con la CEE/Unione Europea per la formazione
di operatori di polizia di paesi europei che vivono la transizione da regimi
totalitari a società democratiche (Task Force Albania, Themis Plan per la
Crozia, ecc.), programmi nei quali la formazione sulle stratégie e le tecniche di
contrasto del crimine organizzato è affiancata dall’insegnamento dei diritti
umani nell’attivà di polizia.
***
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
258
Quali sono le strategie vincenti per il futuro.?
A mio parere, esistono alcune priorità assolute :
• armonizzazione delle legislazioni e processuali penali.
Occorre evitare la mancanza di uniformità legislativa.
Ad esempio, oggi un’adeguata misura di contrasto della criminalità
organizzata è costituita da un reato associativo, l’associazione a delinquere di
stampo mafioso, prevista soltanto dal codice penale italiano.;
• evitare che la collaborazione sia frammentata in diversi fori, privilegiando gli accordi bilaterali. Si tratta di una soluzione più spedita che non la
ricerca di un’unanimità di consenti, spesso di difficile realizzazione.;
• intensificare e razionalizzare la rete dei funzionari di collegamento sia
tra i Paesi dell’Unione Europea che presso i Paesi Terzi.
• Intensificare gli scambi di funzionari di polizia nella fase di formazione.
Essi rendono possibile l’acquisizione delle metodologie investigative di altri
Paesi e la conoscenza personale di funzionari stranieri da considerare sicuri
elementi di riferimento per la futura attività operativa.
Ritengo che, una volta realizzate tali priorità, l’internazionalizzazione
della criminalità organizzata potrà trovare un più efficiente contrasto in un’effettiva e razionale internazionalizzazione dell’attività di polizia.
La cooperazione di polizia nei confronti della criminalità organizzata
259
Summary
Police co-operation versus organised crime
Maurizio Ludovici
Among others, there has been two factors aggravating transborder organised crime in the
90s, that is free circulation within the European Union and the fall of the Berlin wall.
The modus operandi of organised crime is played on three successive steps: the accumulation of funds, the investment of these funds into more profitable activities, the laundering
of these funds and their investment into legal activities.
International co-operation is articulated around a series of international legal instruments
like the Vienna convention on spychotropic products and drugs trafficking (1988).
At a regional level, one must remember the useful operations conducted in Europe, for
example those run by three structures:
–the council of Europe which had a very active normative drive including the 1990
Convention on research, identification, seizure and forfeiture of assets of crime..;
–the European Union with the Maastricht treaty that drove traditional intergoverment Trevi
co-operation forward in the direction of an institutional co-operation and the creation of the
working group on “drugs and organised crime” within managerial group no 2;
–the Schengen agreement which includes the project of stronger police powers at the
borders.
In order to continue in that direction, in the next few year it will be necessary to work toward
a better harmonisation of criminal law and police procedure or criminal codes of practice
as well as on the exchange of police officers, in particular for training purposes.
Résumé
La coopération de la police confrontée
à la criminalité organisée
Maurizio Ludovici
Le principe de la libre circulation à l’intérieur de l’Union européenne cumulé à la chute du
mur de Berlin ont été autant de facteurs d’aggravation favorisant la criminalité organisée
transfrontière dans les années 90.
Le modus operandi du crime organisé se décompose en 3 étapes successives : l’accumulation de capitaux.; leur investissement dans les activités les plus rentables.; leur
blanchiment et leur introduction dans les activités légales.
Au plan mondial, la collaboration s’articule autour d’une série d’instruments juridiques
internationaux (ex : Convention contre le trafic de stupéfiants et de produits psychotropes,
Vienne 1988).
Au plan régional, il convient de souligner les actions dynamiques conduites sur le continent
européen. On peut citer à cet égard l’activité déployée par trois instances :
– le Conseil de l’Europe qui a connu une forte activité normative (ex : Convention 1990
sur la recherche, l’identification, la saisie et la confiscation des produits du crime).;
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
260
– l’Union européenne ensuite. Le traité de Maastricht a symboliquement fait évoluer cette
coopération de tradition intergouvernementale (Trevi) vers une coopération institutionnalisée par la mise en place du groupe de travail «.drogue et crime organisé.» au sein du
groupe directeur no 2.;
– l’accord de Schengen qui prévoit un renforcement des prérogatives transfrontières
mises à la disposition des services de police.
Afin de parfaire l’œuvre entreprise, il conviendra de mettre l’accent dans les années futures
sur l’harmonisation des législations pénales et de procédure pénale ainsi que sur l’échange
de fonctionnaires de police, notamment à des fins de formation.
Resumen
La cooperacion policial confrontada
a la criminalidad organizada
Maurizio Ludovici
El principio de la libre circulación dentro de la Unión Europea sumado a la caída del Muro
de Berlín han sido factores agravantes que favorecieron la criminalidad organizada
inter-fronteras en los años 90.
El modus operandi del crimen organizado se divide en tres etapas sucesivas : acumulación
de capitales, inversión de los mismos en las actividades más lucrativas, blanqueo e
introducción en actividades legales.
En el plano mundial, la colaboración policial se articula alrededor de una serie de
instrumentos jurídicos internacionales (por ejemplo, la Convención contra el Tráfico de
Estupefacientes y de Productos Psicotrópicos, Viena 1988).
A nivel regional, es importante subrayar las dinámicas acciones llevadas a cabo dentro
del continente europeo. En este sentido se puede citar la actividad desarrollada por tres
instancias :
• El Consejo de Europa, que tuvo una fuerte actividad normativa (por ejemplo, la
Convención 1990 sobre investigación, identificación, incautación y confiscación de los
productos del crimen).
• La Unión Europea, a través del tratado de Maastricht que hizo evolucionar simbólicamente esta cooperación de tradición intergubernamental (Trevi) hacia una cooperación
institucionalizada por la puesta en marcha del grupo de trabajo «.Droga y Crimen
organizado.» dentro del Grupo Director No 2.
• El acuerdo de Schengen que prevé un refuerzo de las prerrogativas inter-fronteras
puestas a disposición de los servicios de policía.
Con el fin de perfeccionar la obra emprendida, en los próximos años será conveniente
hacer hincapié en la armonización de las legislaciones penales y de procedimiento penal
y en el intercambio de funcionarios policiales, especialmente con fines de formación.
La cooperazione di polizia nei confronti della criminalità organizzata
261
Les instances de coopération
policière internationale en
matière de crime organisé
Le Traité de Maastricht –
Les accords de Schengen
Gérard Seroussi,
commissaire divisionnaire, chef de la division des relations
internationales
à la direction centrale de la police judiciaire
en matière
Les
deinstances
crime organisé
de coopération policière internationale
La nécessité de s’adapter continuellement aux formes nouvelles de
criminalité organisée transfrontalière liées au développement des moyens de
communication modernes, à l’assouplissement des règles régissant les contrôles aux frontières, a conduit les États à organiser des rencontres entre
policiers.
Informelles et conviviales à l’origine, ces rencontres se sont peu à peu
structurées, le cadre national dans lequel s’exerçait la lutte contre la criminalité
n’étant plus adapté à la réalité.
L’idée de la coopération policière internationale est née en Europe. En
1888, l’Autriche, la Belgique et les Pays-Bas conviennent de l’échange de
renseignements sur les criminels opérant dans plusieurs pays.
En 1898, la conférence de Rome réunit les pays européens autour du
thème de la lutte contre la mouvance anarchique.
La Commission Internationale de Police Criminelle, instituée en 1924,
est restructurée en 1956 et devient l’Organisation Internationale de Police
Criminelle-Interpol.
Plus récemment, certaines dispositions du Traité du Bénélux prévoient
un droitde poursuite transfrontalière pour les policiers des États signataires et
portent ainsi en germe un certain abandon d’une parcelle de souveraineté
nationale.
En 1975, les ministres de la Justice et de l’Intérieur des pays de la
Communauté Européenne instituent le groupe Trevi informel, non fondé sur
une convention, pour renforcer la coopération intergouvernementale dans les
domaines de la Justice et de la Police.
L’objectif premier de Trevi était de lutter plus efficacement contre les
actes de terrorisme, le canal d’Interpol qui exclut de son champ de compétence
les questions politiques, religieuses ou raciales n’étant pas compatible avec la
coopération policière dans ce domaine.
Les travaux Trevi ont été par la suite étendus à d’autres domaines dela
criminalité organisée et notamment au trafic de stupéfiants.
Le bilan des 16 ans d’expérience Trevi, présenté dans le programme
d’action relatif au renforcement de la coopération en matière de terrorisme et
autres formes de criminalité organisée, a abouti à la mise en place :
– d’un réseau protégé de communication.;
– d’officiers de liaison dans les États partenaires.;
– d’unités centrales de renseignements en matière de stupéfiants.;
– d’échanges fréquents de fonctionnaires de police dans le cadre d’actions de
formation.;
– de dispositifs de renforcement de la coopération dans les régions frontalières.;
– de moyens de prévention.
Force est de constater que l’acquis Trevi est loin d’être négligeable au
moment où il passe le relais aux nouvelles structures et dispositions instituées
par le Traitéde Maastricht.
Parallèlement aux travaux Trevi, une autre enceinte allait traiter également de coopération policière. Il s’agit des accords Schengen.
Outre les relations bilatérales, l’Europe Occidentale, et tout particulièrement les pays membres de l’Union Européenne disposent donc de trois canaux
institutionnels de coopération policière internationale : Interpol – le Traité de
Maastricht – Schengen.
Le présent exposé se propose d’évoquer les dispositions de coopération
policière internationale prévues par le Traité de l’Union Européenne (à l’exclusion d’Europol) et par les accords de Schengen.
Le Traité de l’Union européenne
Une coopération trop informelle ayant montré ses limites, le Traité de
l’Union Européenne (TUE) dans son titre VI (Art. K1 à K9) a expressément
inclus la coopération policière et judiciaire. Signé le 7 février 1992 à Maastricht,
le TUE est entré en vigueurle 1er novembre 1993.
Connues plus communément sous (l’appellation) IIIe pilier, ces dispositions définissent un cadre formel de coopération intergouvernementale bénéficiant du support logistique de l’Union Européenne mais excluant tout droit
d’initiative au bénéfice de la Commission.
Le principe de la compétence exclusive des États-membres a pour
conséquence essentielle que les engagements, fruits de cette coopération,
doivent prendre la forme de conventions internationales soumises à ratification.
L’article K1.9 du TUE définit le cadre dans lequel s’exerce la coopération
policière : «.La prévention et la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite de
drogue et d’autres formes graves de criminalité internationale, y compris si
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
264
nécessaire, certains aspects de coopération douanière, en liaison avec l’organisation à l’échelle de l’Union d’un Système d’Information au sein d’un office
européen de police, Europol.».
Les travaux en matière de lutte
contre le terrorisme
La coopération internationale superpose des échanges bilatéraux traditionnelset au niveau européen un dispositif plus complet.
Ainsi, au niveau de l’Union, le groupe de travail terrorisme a été chargé
de l’inventaire permanent et de l’actualisation de l’état de la menace dans ce
domaine particulièrement sensible.
Dans ce contexte, l’échange permanent d’informations s’exerce par
l’intermédiaire du réseau de communication institué sous Trevi, entre les
bureaux de liaison des quinze États membres.
Toutefois, au sein de l’Union, c’est dans un cadre bilatéral, par l’intermédiaire d’officiers spécialisés, que la coopération européenne s’avère plus
efficace.
Les travaux en matière de lutte contre le trafic
illicite de stupéfiants et les autres formes graves
de criminalité internationale
Toutes les présidences successives et l’actuelle présidence irlandaise,
ont essentiellement axé leurs travaux sur la lutte contre le trafic de drogue.
Dans ce domaine, les études initiales ont débouché sur l’élaboration d’un
plan d’action de l’Union Européenne (1994-1999), approuvé par le Conseil
européen de Cannes (Juin 1995). Celui de Madrid (décembre 1995) a pris acte
des mesures concrètes décidées, sur la base des recommandations de ce plan
d’action, relatives à la réduction de la demande, à l’action internationale et aux
dispositifs de la lutte contre le trafic.
En concertation avec les groupes «.Coopération Policière.», «.Coopération Douanière.» et «.Europol.», le groupe de travail «.Drogue et Criminalité
organisée «.a élaboré un échéancier de 66 mesures.
La liste par trop exhaustive des actions proposées n’a pour l’instant pas
permis de dégager un consensus sur les priorités.
La France, pour sa part, considère comme essentiels les domaines
suivants :
– réduction du tourisme de la drogue.;
– coopération en matière de livraisons surveillées.;
– amélioration des contrôles aux frontières extérieures.;
– étude de la nécessité d’un système de caractéristiques chimiques et d’un
réseau européen de laboratoires médico-légaux.;
Les instances de coopération policière internationale
en matière de crime organisé
265
– définition des critères de sélection pour la collecte des informations policières
et douanières.
Outre l’organisation de séminaires sur la drogue, des concertations ou
des actions concrètes ont été réalisées au bénéfice de pays tiers.
Ainsi, les changements intervenus dans les pays d’Europe centrale et
orientale (PECO) ont permis la mise en œuvre d’un dialogue structuré et
continu avec les pays associés de la région et les États baltes, conformément
à la «.Déclaration de Berlin.» de septembre 1994.
Les rencontres organisées par les dernières présidences avaient pour
objet de recenser les besoins exprimés par ces pays et de jeter les bases d’une
coopération renforcée, en évitant les doubles emplois avec les travaux conduits
dans d’autres enceintes.
Certaines avancées ont été enregistrées en matière de formation, de
rationalisation du réseau d’officiers de liaison et de renforcement d’échanges
d’informations.
Pour faire suite à une initiative franco-britannique (décembre 1995), le
Comité Exécutif de Madrid a décidé une action de l’Union dans la zone
«.Amérique Latine-Caraïbe.», pour unir les moyens mis en place pour lutter
efficacement contre le trafic de stupéfiants et principalement le trafic de
cocaïne. Une première réunion d’experts a procédé à une analyse du phénomène dans la Caraïbe et a tiré un premier bilan des mécanismes de coopération
existants avec des propositions d’actions concrètes.
L’Union Européenne a également noué des contacts étroits avec les
Pays Andins (Bolivie – Colombie – Equateur – Venezuela – Pérou).
Les travaux portent principalement sur la situation de chacun de ces
pays, ainsi que la coopération policière en matière de stupéfiants et de
blanchiment d’argent.
–
–
–
–
Des actions prioritaires ont été définies autour des thèmes suivants :
l’échange d’informations.;
les contacts directs, notamment via les officiers de liaisons.;
la formation.;
le développement de la coopération interrégionale.
Enfin, la lutte contre le blanchiment d’argent, la traite des êtres humains,
les différents trafics importants (biens culturels – véhicules volés) et la criminalité écologique constituent une part non négligeable des travaux au travers de
questionnaires, de synthèses actualisées et de propositions de résolutions.
***
Dans le cadre du groupe «.coopération policière.» chargé des dossiers
relatifs aux domaines de la formation, de l’ordre public, des violences urbaines
et des violences racistes et xénophobes, d’importants travaux sont menés en
matière de police techniqueet scientifique, outil primordial de nos jours dans la
lutte contre la criminalité organisée.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
266
Les champs de coopération explorés sont multiples et concernent notamment :
– les techniques en matière d’ADN.;
– l’inspection technique des lieux et l’analyse des scènes de crime.;
– l’identification des voix et analyses acoustiques.;
– les systèmes d’identification automatisés des empreintes digitales.
La coopération policière dans l’espace Schengen
Le 14 juin 1985, les gouvernements des États de l’Union économique
(Bénélux, la République Fédérale d’Allemagne et la République française)
signent à Schengen, village viticole de la Moselle luxembourgeoise, l’accord
de Schengen relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières
communes.
Cet accord officialise l’engagement des États signataires à adopter des
mesures aptes à réaliser la libre circulation des personnes au sein de l’espace
Schengen. Cinq ans plus tard, soit le 19 juin 1990, la Convention d’application
de l’accord est signée. L’Italie, en novembre 1990, l’Espagne et le Portugal en
juin 1991, la Grèce en novembre 1992et l’Autriche en avril 1995 rejoignent les
cinq pays d’origine.
Entrée en vigueur le 1er septembre 1993, la Convention d’application est
mise en œuvre le 26 mars 1995 entre sept pays – Allemagne, Belgique,
Espagne, France, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal.
***
La Convention d’application de l’accord de Schengen a organisé la
coopération policière entre les parties contractantes autour de trois axes
principaux :
– la confirmation de la nécessité de développer les échanges d’informations
et le réseau de fonctionnaires de liaison.;
– la création d’un droit d’observation et d’un droit de poursuite reconnus aux
fonctionnaires de police au-delà de leur frontières nationales sous certaines
conditions juridiques et techniques.;
– la réalisation d’un système automatisé d’information permettant un échange
de données opérationnelles en temps réel concernant des personnes ou des
objets signalés.
L’aspect traditionnel de la coopération
Les échanges d’information entre services de police sont expressément
prévus et formalisés par deux articles de la Convention de Schengen. Ainsi,
l’article 39 autorise les services de police des États Schengen à s’accorder une
assistance aux fins de la prévention et de la recherche des infractions.
Les instances de coopération policière internationale
en matière de crime organisé
267
Toutefois, cette assistance doit répondre aux conditions suivantes :
– être autorisé par le droit national.;
– rester dans les limites de compétences des services concernés.;
– ne pas relever de la compétence des autorités judiciaires.;
– ne pas entraîner des mesures de contraintes.;
– transiter par un organe central (la Direction centrale de la police judiciaire
pour la France), sauf urgence.;
– être autorisé par les autorités judiciaires dans le cas où des informations
écrites transmises doivent apporter la preuve des faits incriminés.
Aux termes de l’article 46, les services de police peuvent d’initiative échanger des informations dans le but de réprimer ou de prévenir des infractions futures,
ainsi que pour prévenir des menaces pour la sécurité et l’ordre public.
Les fonctionnaires de liaison participent activement à cet échange
d’informations et leur mission générale d’assistance policière s’inscrit également dans l’exécution de demandes d’entraide policière et judiciaire.
Le terrorisme, les stupéfiants, le crime organisé et les problèmes d’immigration illicite constituent leurs principaux domaines de compétence.
Véritable phénomène de société, la consommation et le trafic de stupéfiants qui n’ont cessé de croître ces dernières décennies ont été pris en compte
par les rédacteurs de la Convention et font l’objet d’un chapitre particulier.
Le groupe de travail permanent prévu à l’article 70 a pour mission de
concrétiser et faciliter la mise en œuvre des engagements liant les parties
contractantes. Un certain nombre de tâches assignées à ce groupe ont été
réalisées. Elles concernent notamment :
– l’élaboration d’un manuel complet sur les dispositions légales et pratiques
existant dans chaque État en matière de livraisons surveillées.;
– une liste de mesures visant à empêcher l’exportation illégale de stupéfiants
à partir des territoires Schengen.;
– la liste des produits psycho-actifs.
À l’initiative de la France, une nouvelle impulsion devrait être donnée aux
travaux de ce groupe. Ainsi, elle a proposé à ces partenaires de procéder, à
l’intérieur de l’espace Schengen, à une évaluation de la situation des drogues
dans chaque État (production des drogues licites et contrôle – cultures illicites
et contrôle – provenance des drogues et destinations – profil des trafiquants
ou des groupes criminels – profil des toxicomanes...).
Cette évaluation élaborée pour l’année 1995 à partir de paramètres
communs doit déboucher sur une synthèse globale comparative afin de déterminer les mesures éventuelles à prendre.
L’aspect novateur de la coopération
«.La libre circulation des policiers.» et la mise en place d’un système
d’information commun et opérationnel constituent les deux outils réellement
nouveaux pour les policiers des pays Schengen habitués jusque-là à n’évoluer
que dans les limites territoriales de leur État d’origine.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
268
En créant deux droits nouveaux, le droit d’observation et le droit de
poursuite, la Convention a élargi le champ de l’action de police sur le plan
international.
Le droit d’observation, défini à l’article 40, donne la possibilité à des
agents de la force publique de poursuivre la surveillance d’une personne sur
le territoire d’un autre État Schengen si certaines conditions de fond et de forme
sont réunies :
Conditions de fond :
– une enquête judiciaire préexiste.;
– la personne surveillée est présumée avoir participé à un fait punissable
susceptible d’extradition.
Conditions de forme :
– l’observation en urgence sans autorisation préalable ne peut avoir lieu que
dans les cas d’infractions graves, limitativement énumérées par l’article 40 et
relatives aux atteintes graves aux personnes ou aux biens et au trafic de
stupéfiants. Elle cesse sur demande du pays requis en cas d’absence d’autorisation dans un délai de cinq heures après le franchissement de la frontière.
– l’autorisation préalable de la partie sur le territoire de laquelle se poursuit
l’observation est, sauf urgence, nécessaire.
Conditions générales d’exercice :
–
–
–
–
Les agents poursuivants sont tenus de :
se conformer au droit du pays dans lequel l’observation se poursuit.;
obtempérer aux injonctions des autorités localement compétentes.;
disposer d’un document attestant de l’existence de l’autorisation.;
justifier de leur qualité officielle.
Ils peuvent porter leur armes de service, sauf décision expresse contraire
du pays où se déroule l’observation. L’utilisation des armes n’est possible que
dans le cadre de la légitime défense.
Ils ne peuvent ni procéder à l’interpellation de la personne surveillée ni
pénétrer dans les domiciles et lieux non accessibles au public.
À la fin de l’observation, les agents poursuivants peuvent être requis
personnellement pour apporter leur concours aux enquêtes et procédures liées
à la surveillance.
Enfin, un rapport complet doit être transmis aux autorités du pays où
s’est déroulée l’observation.
Si le droit d’observation s’exerce au travers de toutes les frontières des
États Schengen (terrestres, aériennes, maritimes), sans limitation d’espace ou
de durée, le droit de poursuite s’inscrit dans un cadre plus restreint.
Il donne la possibilité aux agents de la force publique qui sont à la
poursuite d’un ou plusieurs individus, de continuer cette poursuite sur le
territoire d’un autre État Schengen avec lequel il existe une frontière commune.
Les conditions suivantes doivent être respectées :
– la personne poursuivie en état d’arrestation provisoire ou purgeant une peine
privative de liberté, s’est évadée.;
Les instances de coopération policière internationale
en matière de crime organisé
269
– les agents poursuivants agissent en flagrant délit, dans le cas d’infractions
pouvant donner lieu à extradition ou énumérées par l’article 41 de la Convention
(les mêmes que celles prévues par l’article 40, plus le délit de fuite dans le cas
d’un accident ayant entraîné la mort ou des blessures graves).
Les modalités de l’exécution de la poursuite sont identiques à celles de
l’observation avec les spécificités suivantes :
– les autorités du pays dans lequel s’exerce la poursuite n’ont pu être avisées
ou si elles l’ont été n’ont pas pu prendre le relais de la poursuite.;
– elle s’exerce exclusivement par les frontières terrestres.;
– après chaque opération, les agents poursuivants doivent se présenter aux
autorités localement compétentes.;
– la personne poursuivie peut être menottée et faire l’objet d’une fouille de
sécurité.;
– la poursuite est limitée dans le temps et dans l’espace selon des modalités
définies par des accords bilatéraux. Ainsi les agents français peuvent exercer
leur droit de poursuite comme suit :
– en Allemagne : pas de limitation kilométrique et droit d’interpellation accordé,
– en Belgique : pas de limitation dans l’espace, mais pas de droit d’interpellation.
– au Luxembourg, droit de poursuite limité à dix kilomètres et pas de droit
d’interpellation.
– en Italie, d°
– en Espagne, d° :
Selon le principe retenu par la France, aucun agent étranger ne bénéficie
du droit d’interpellation. Les policiers allemands et belges peuvent étendre leur
poursuite sur l’ensemble du territoire national, alors que leurs collègues luxembourgeois, italiens et espagnols sont limités à dix kilomètres au-delà de la
frontière.
Pour pallier l’éventuel déficit de sécurité entraîné par la suppression des
contrôles systématiques aux frontières intérieures, les États signataires ont
convenu de réaliser en commun un système permettant l’échange de données
informatisées.
Ainsi, grâce à une procédure d’interrogation automatisée, les autorités
désignées par les parties contractantes disposent de signalements de personnes et d’objets à l’occasion :
– des contrôles aux frontières.;
– des vérifications et autres contrôles de police et de douanes exercés à
l’intérieur du pays.;
– des procédures de délivrance des visas, de la délivrance des titres de séjour
et de l’administration des étrangers.
Les règles de la coopération policière et judiciaire conçues dans le cadre
de Schengen ont imposé la mise en place d’un tel système dont la finalité va
au-delà d’un simple fichier de renseignements. Le système d’information
Schengen (SIS) est avant tout un fichier opérationnel et de recherche.
Basé sur le principe de la réponse «.positive ou négative.», le SIS permet
à l’utilisateur d’agir immédiatement sur le terrain selon la conduite à tenir qui
lui est indiquée.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
270
Aux côtés de la «.machine.» proprement dite et de façon quasi concomitante, une structure humaine, les bureaux Sirene soutiennent l’action de
l’utilisateur du SIS pour l’exécution de sa mission.
Composé d’un système central situé à Strasbourg (C. SIS) et d’un
système national (N. SIS) dans chaque pays, le fonctionnement du SIS repose
sur le principe d’un réseau en étoile rendant impossible l’interconnexion des
systèmes nationaux. Les informations sont obligatoirement échangées par
l’intermédiaire du système central chargé d’assurer la gestion, la mise à jour,
la conformité des données et leur acheminement vers les systèmes nationaux.
Ce rôle de «.notaire.» dévolu au C. SIS garantit que tous les États Schengen
disposent d’une base de données identique en rendant les échanges transparents et en facilitant les contrôles en matière de protection des données (ces
contrôles s’effectuent à la fois sur le plan national et au niveau central).
Les contraintes pesant sur le SIS sont très rigides. Outre la sécurité des
données (intégrité, disponibilité, confidentialité) le système doit fournir une
réponse aux utilisateurs qui disposent ainsi en temps réel, entre autres éléments, du motif de la recherche et d’une première conduite à tenir.
La Convention d’application a défini les catégories de données, personnes ou objets, susceptibles d’être intégrées dans le SIS. Les recherches
concernant les personnes peuvent se faire dans les cadres suivants :
– individus recherchés aux fins d’arrestation en vue de leur extradition.;
– étrangers non admissibles sur le territoire Schengen.;
– personnes disparues ou à placer en sécurité.;
– personnes recherchées dans le cadre de l’entraide judiciaire (témoins,
personnes citées à comparaître...).;
– individus placés sous surveillance discrète ou devant faire l’objet de contrôle
spécifiques.
Les véhicules et certains objets (documents d’identité, armes à feu,
billets de banque) sont recherchés aux fins de saisie ou de preuve dans une
procédure pénale. Il convient en outre de préciser que les véhicules peuvent
être signalés pour surveillance discrète ou contrôle spécifique.
Les éléments intégrés dans le système étant limités, toutes les informations complémentaires nécessaires au policier du terrain pour le traitement de
son dossier passeront par les bureaux Sirene (Supplément d’Information
Requis à l’Entrée Nationale). Structure opérationnelle, elle sert d’intermédiaire
obligatoire entre les services opérationnels et leurs homologues dans les autres
États Schengen.
Ce bureau qui fonctionne 24h/24 tout au long de l’année apporte un
soutien juridique, technique et logistique aux utilisateurs finaux pour l’exécution
des conduites à tenir liées aux signalements et pour la mise en route dans les
délais impartis par la Convention des procédures judiciaires et administratives.
Dépendant en France du ministère de l’Intérieur, il est implanté à la
DCPJ. Il est composé de représentants des services de police, de gendarmerie
et du ministère de la Justice. Il est en rapport très étroit avec les autorités
chargées de l’administration des étrangers et doit recevoir prochainement un
représentant des douanes.
Les instances de coopération policière internationale
en matière de crime organisé
271
Depuis le 26 mars 1995, date de son entrée en service, le SIS a
progressivement montré son efficacité. L’intérêt que porte les États européens
non adhérents à la Convention de Schengen à cet outil est certain. Le SIS doit
à terme devenir le Système d’Information Européen (SIE) dans le cadre de
l’Union Européenne.
***
Les canaux institutionnels de coopération policière internationale sont
complétés par des accords bilatéraux notamment entre les pays de l’Union
Européenne. Les accords bilatéraux de coopération opérationnelle couvrent
ainsi les domaines du terrorisme, du crime organisé, du trafic de stupéfiant et
de l’immigration, en prévoyant notamment des échanges d’information réguliers entre des points de contact désignés dans chaque pays et par l’intermédiaire des officiers de liaison. Ils organisent également la coopération aux
frontières et dans les zones limitrophes.
Sur le plan technique, des accords en matière de formation, de police
scientifique et d’application professionnelle lient les États de l’Union.
Une des réalisations novatrices en matière de coopération internationale
est celle de la coordination, de la coopération technique au profit d’États tiers.
Ainsi, trois séminaires conjoints franco-allemands au profit de la Hongrie, de la
Pologne et de la République Tchèque ont été organisé en 1995 sur la criminalité
organisée et ses dimensions économiques et financières. Ce type d’action
contribue directement à la sécurité des États organisateurs et des pays
bénéficaires.
***
La définition de la criminalité organisée internationale, qu’elle soit à
dominante criminelle ou financière, quoique difficile à établir, peut s’entendre
comme toute activité illicite continue de plusieurs personnes sans souci des
frontières nationales.
Les travaux menés en Europe occidentale pour déterminer les caractéristiques du crime organisé sur la base de références communes ont permis
d’aboutir à une première approche. Onze critères ont été retenus. Toute activité
illicite réunissant six de ces onze critères dont trois sont obligatoires entrent
dans le cadre de la criminalité organisée.
Critères obligatoires :
– collaboration de plus de 2 personnes.;
– suspectées d’infractions graves.;
– motivées par la recherche du profit et/ou du pouvoir.
–
–
–
–
–
Complémentaires :
chacun a un rôle dans l’organisation.;
pour une durée prolongée ou indéfine.;
utilisant une quelconque forme de discipline ou de contrôle.;
opérant sur un plan international.;
usant de violence ou d’autres moyens adéquats à des fins d’intimidation.;
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
272
– utilisant des structures à vocation commerciale et d’affaires.;
– impliqués dans le blanchiment d’argent.;
– exerçant une influence dans les domaines de la politique, des médias, de
l’administration publique, de la Justice ou de l’économie.
***
La multiplication des canaux de coopération internationale, plus particulièrement européens, conduit à une réflexion indispensable, sur la nécessité
d’une interface entre les différents systèmes qu’elle crée. Il est en effet
important d’aboutir à une complémentarité et non à une superposition des
structures.
En France, la Direction Centrale de la Police Judiciaire a la charge de
cette question. Ainsi, la Division des Relations Internationales, au sein de la
DCPJ, intègre les trois systèmes, Interpol, Europol et Schengen. Elle a donc
pour mission d’optimaliser la coopération policière dans ces trois enceintes de
façon cohérente. Cette intégration prend également en compte le caractère
interministériel de cette tâche. La douane, la gendarmerie et la justice participent activement au sein de ce service à ses missions.
Les mutations récentes de la criminalité organisée et les changements
des normes juridiques européennes ont généré une évolution de la coopération
internationale, s’exprimant notamment par un accroissement du nombre des
structures. Il semble nécessaire, afin de permettre aux services enquêteurs
d’aujourd’hui et de demain d’utiliser des outils fiables et reconnus, de progresser dans l’harmonisation des éléments nationaux dela coopération policière
internationale.
Les instances de coopération policière internationale
en matière de crime organisé
273
Summary
The international authorities of police cooperation on
organised crime, the maastricht treaty, the Schengen
agreement
Gérard Seroussi
1) The treaty of European Union
In its title VI, the Treaty of European Union formally introduces police and justice
cooperation. Signed on the 7th February 1992 in Maastricht, it came into force on 1st
November, 1993.
Article K1.9 of the treaty set out the scope of police cooperation: “the prevention of and
combat against terrorism, drug trafficking and other forms of serious transborder crimes,
including if necessary some forms of customs cooperation, in relation with the organisation,
on a Union scale, of an information system within a European police office, Europol.”
• Work against terrorism is done through specialised officers, on a bilateral basis.
• Work against controlled drug trafficking and other forms of serious transborder crimes.
Together with the “police cooperation” group, the “customs cooperation” group and
Europol, the “drug and organised crime” working group has worked out an agenda of 66
measures. Among these, France regards as essential: the reduction of drug excursions,
the cooperation on controlled delivery, the improvement of external border checks, the
research on the need for a system of chemical standards and a European network of
forensic laboratories, the definition of standard formats for the collect of police and customs
information.
2 – The police cooperation in the Schengen territory
On the 14th June 1985, the governments of the European Union member states from
Benelux, Germany and France signed an agreement in Schengen (Luxembourg) on the
gradual removal of controls at the common borders. The convention of execution was
signed by seven countries (those of 1985 +Spain and Portugal) and came into force on
the 26th March 1995.
This convention makes provisions for police cooperation in three directions : the development of exchange of information through liaison officers, a possibility to conduct surveillance and pursuit beyond national borders at some conditions, the setting up of a
computerised information system, providing for the exchange of operational data in real
time about marked individuals or property.
• the traditional aspect of cooperation : article 39 of the convention makes it possible for
the police organisations of the Schengen States to assist one another in order to prevent
and to detect crime. Under the terms of article 46, the police forces can, on their own
initiative, exchange information in order to prevent or to detect crime, or to prevent public
disorder.
• what is new in the field of cooperation: “Schengen consists in the free movement of
police officers” and the establishment of a shared operational information system.
The policing and judicial rules of cooperation under Schengen have led to the creation of
a central computerised information system (SIS) based in Strasbourg.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
274
Resumen
Las instancias de cooperacion policial internacional en
materia de crimen organizado, el tratado de maastricht,
los acuerdos de Schengen
Gérard Seroussi
• El Tratado de la Unión Europea :
El Tratado de la Unión Europea (TUE), en su título VI, incluyó expresamente la cooperación
policial y judicial. Firmado el 7 de febrero de 1992 en Maastricht, entró en vigor el 1 de
noviembre de 1993. El artículo K 1.9 del TUE describe el marco dentro del cual se ejerce
la cooperación policial : «.La prevención y la lucha contra el terrorismo, el tráfico ilícito de
drogas y otras formas graves de criminalidad internacional, incluyendo, si fuera necesario,
ciertos aspectos de cooperación aduanera, en relación con la organización a escala de la
Unión Europea de un sistema de información dentro de una oficina de policía europea,
Europol.».
Los trabajos en materia de lucha contra el terrorismo son practicados en un marco bilateral,
a través de agentes especializados. En materia de lucha contra el tráfico ilícito de
estupefacientes y otras formas graves de criminalidad internacional el grupo de trabajo
«.Droga y Criminalidad Organizada.», en concertación con los grupos «.Cooperación
Policial.», «.Cooperación Aduanera.» y «.Europol.», elaboró un tablero conteniendo
sesenta y seis medidas. Dentro de las mismas, Francia considera esenciales la reducción
del turismo de la droga, la cooperación en materia de entregas vigiladas, la mejora de los
controles de las fronteras exteriores, el estudio de la necesidad de un sistema de
características químicas y de una red europea de laboratorios médico-legales y la
definición de los criterios de selección para la recolección de información policial y
aduanera.
• La cooperación policial dentro del espacio Schengen :
El 14 de junio de 1985, los gobiernos de los Estados de la Unión Europea de Bénélux, de
la RFA y de Francia firmaron en Schengen (Luxemburgo) el acuerdo del mismo nombre,
relativo a la supresión gradual de los controles en las fronteras comunes. La Convención
de aplicación, firmada por siete países (los de 1985 más España y Portugal) entró en vigor
el 26 de marzo de 1995.
Esta convención organiza la cooperación policial alrededor de tres ejes : el desarrollo de
los intercambios de información a través de los funcionarios de enlace, la creación de un
derecho de observación y de un derecho de seguimiento reconocidos más allá de las
fronteras nacionales bajo ciertas condiciones, y la realización de un sistema informatizado
de información permitiendo un intercambio de datos operacionales en tiempo real concerniendo personas u objetos buscados.
En el aspecto tradicional de la cooperación, el artículo 39 de la Convención autoriza a los
servicio de policía de los Estados Schengen a prestar asistencia con fines de prevención
y de investigación de infracciones. Según los términos del artículo 46, los servicios de
policía pueden, por iniciativa propia, intercambiar información con el objetivo de reprimir
o prevenir infracciones y amenazas al orden público. El aspecto más innovador de la
cooperación Schengen consiste «.en la libre circulación de policías.» y en la puesta en
práctica de un sistema de información común y operacional. Las reglas de cooperación
policial y judicial, concebidas en el marco de Schengen, impusieron la puesta den marcha
de un Registro Central Informatizado (SIS) instalado en Estrasburgo.
Les instances de coopération policière internationale
en matière de crime organisé
275
L’evoluzione della criminalita
organizzata :
la cooperazione di polizia
Arnaldo Grilli,
Generale
dei Carabinieri italiani
L’evoluzione della criminalita organizzata : la cooperazione di polizia
Premessa
La definizione delle modalità per realizzare la cooperazione di polizia a
livello sovrannazionale (Union Europea) e internazionale, impone di precisare,
prima di tutto, le «.diversità.» che caratterizzano e distinguono le polizie
nazionali, le «.legislazioni.» di riferimento dei singoli Stati, nonché i «.fattori.»
dei sistemi criminali e delle società nelle quali operano.
Le coordinate di riferimento e i «.contenuti.»
di maggiore rilevanza per definire le difficolta
per la cooperazione tra polizie
I caratteri della criminalita organizzata
alle soglie del terzo millennio
I legislatori dei vari Paesi non sembrano avere preso coscienza del fatto
che la criminalità organizzata ha sviluppato un processo di modernizzazione
e di sviluppo, peraltro in continua evoluzione, che ne ha mutato sostanzialmente le caratteristiche :
a. Da una criminalità d’assalto (dedita a rapine, furti, aggressioni
fisiche, incursioni truffaldine nei sistemi economici e finanziari) si è trasformata
in criminalità che offre servizi richiesti dal mercato sociale (droga, prostituzione, pornografia, armi, immigrati clandestini, gioco d’azzardo, opere d’arte,
sofisticazioni alimentari, gestione illegale rifiuti, evasione fiscale, investimenti
«.sicuri.» all’ombra del terrore mafioso, usura, etc.).
Considerazione : si è cosi realizzata una vera e propria saldatura
culturale tra criminali che forniscono servizi e ampie aree sociali che li
richiedono.
In tale la polizia non puo risolvere il problema «.culturale.», cioè impedire
la richiesta di merce proibita.
E’necessario togliere l’acqua, cioè annullare o ridurre le richieste.
La polizia si trova sempre più a cozzare contro un muro di omertà, di
compiacenze, di affari finanziari sempre più protetti.
b. Previsioni : in Italia «.non tutta la mafia militare dei corleonesi è stata
battuta.
Sono liberi Provenzano e Aglieri e non si sa di preciso in quali rapporti
organizzativi fossero con Riina. Sono liberi Massimo Denaro, Salvatore Grigioni
e altri mafiosi di relievo. E poi c’è la mafia di sempre praticamente intatta ad
Agrigento, Trapani, Marsala, Termini Imerese... la mafia ci sarà dopo Riina e i
corleonesi, una mafia preesistente e permanente che non ha perso il controllo
del territorio e che dispone di enormi quantità di denaro. Questa mafia sta
certamente preparando delle nuove politiche...
L’ipotesi più credibile è quella dell’insabbiamento.
Non è la prima volta che la mafia si è nascosta nel suo territorio, nella
sua cultura, inabissata e indivisible. Non più presenzialista e visible ma
nascosta nel reticolo delle piccole cosche, degli aloni amici... «. (intervista
a G. Caselli, Procuratore della Repubblica di Palermo, del 24.6.1996).
Considerazione in conseguenza dell’azione di «.pentiti.», le mafie
saranno sempre più invisibili e con una organizzazione a compartimenti
stagni.
In tale contesto, contro le organizzazioni mafiose dovranno operare
organismi istituzionali parimenti invisibili e ad hoc privilegiando la tecnica di
contattare pentiti che pero continuino ad operare nell’interno dell’organizzazione criminale.
c. l’insicurezza generalizzata tra le popolazioni si stà accentuando. Cio
è la conseguenza di certe scelte di politica criminale che hanno privilegiato la
lotta alla grossa criminalità, cioè alle organizzazioni criminali, dedicandovi la
quasi totalità delle Forze di polizia e della magistratura. In tale ottica sono state
trascurate altre forme di devianza come : la violenza diffusa, il teppismo e
soprattutto quelle azioni delittuose erroneamente definite come microcriminalità o criminalità di quartiere. Cio rappresenta un grave errore : poiché più si
diffonde il senso di insicurezza più aumentano le reclute per la criminalità
organizzata.
Non solo, ma il terrorismo diffuso dalle organizzazioni criminali minori,
agevola le attività delle mafie nei loro movimenti, nel trovare i sostegni di cui
hanno bisogno per il controllo assoluto del territorio.
L’insicurezza generalizzata allontana il cittadino dallo Stato e, in particolare, da ogni forma di collaborazione con le Forze di polizia.
Considerazione Perché una polizia possa operare deve fare affidamento sulla collaborazione delle popolazioni. Se questa viene a mancare la polizia
si troverà sempre più isolata dal contesto sociale. Pertanto IL Legislatore deve
ripristinare il Principio Di Autorita attraverso La Sanzione di ogni forma di
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
278
asocialità e di delitto, attaccando contemporaneamente Tutte Le Parti che
costituiscono un sistema criminale (vedasi, schema ALL. 1).
Insomma, non è conceptibile né accettabile che in uno Stato civile ben
l’81 per cento dei delitti commessi in un anno resti A Opera Di Ignoti.
Sempre ad opera di ignoti :
– il 97,3 per cento dei Furti.;
– il 60,4 degli Omicidi Consumati e Tentati.;
– l’85 delle Rapine.;
– il 72,3 dei Sequestri Di Persona.
Senza contare che migliaia di delitti non vengono denunziati per manifesta
sfiducia nelle istituzioni dello Stato preposte alla sicurezza dei cittadini.
A tale situazione si aggiungono Certe Legislazioni che sembrano create
per favorire il criminale anziché tutelare le Forze di polizia e i cittadini.
Al riguardo vengono citali : gli eccessi di garantismo, la tendenza al
perdonismo e alle riduzioni di pena.;
alle forme di libertà, di permessi e altro per soggetti di efferati delitti,
nonché alle limitazioni delle possibilità di azione investigativa.
Considerazione Gli aspetti indicati demotivano le Forze di polizia a tutto
svantaggio delle organizzazioni criminali, sia grandi che piccole.
Altre considerazioni si aggiungono allorché si tratterà dei Quadri legislativi ed operativi riguardanti la cooperazione tra polizie.
Caratteri delle forze di polizia che rendono
difficoltosa la cooperazione
–
–
–
–
–
a/ La cultura dei Quadri, a seconda che si tratti di.;
polizie nazionali-centralizzate e locali.;
a struttura civile e a struttura militaire.;
con dipendenza da organi centrali e dai sindaci.;
con o senza organi per la direzione unitaria e per il coordinamento.;
con diversa competenza sul territorio : per materia o per territorio.
In sintesi : ogni Stato ha strutture di sicurezza diverse, con differenti
ordinamenti e funzioni.;
b/ la frantumazione di polizie diverse nello stesso Stato.
In tale contesto si possono immaginare le difficoltà per il funzionamento
operativo di Europol
L’evoluzione della criminalita organizzata : la cooperazione di polizia
279
I caratteri delle legislazioni che rendono
difficoltosa la cooperazione tra polizie a livello
unione europea e internazionale
a/ogni Stato ha una propria legislazione penale e differenti forme di
procedura.
Vedasi, per quanto attiene le diversità legislative, le normative non
concordi in materia di stupefacenti (diversi livelli di punibilità), di reati con forme
«.organizzative.» (come il 416 bis, dell’antimafia del Codice penale Italiano),
l’obbligatorietà o meno della azione penale, il segreto bancario, la sicurezza
dei dati personali, l’estradizione, le norme in materie ambientali e dello smaltimento dei rifiuti, le sofisticazioni alimentari e tanti altri settori nel campo della
Polizia Giudiziaria e delle Procedure Penali.
Per quanto riguarda La Lotta Al Riciclaggio le normative nazionali e
internazionali non risolvono il problema. Al riguardo, peraltro, si considera quanto
segue :
– i flussi finanziari internazionali crescono al ritmo del 20-25 per cento l’anno.
Già nel ’92 i movimenti di capitali finanziari toccarono gli 800 miliardi di
dollari/giorno e le transazioni commerciali erano a 3.600 miliardi di dollari.;
– in un solo giorno possono essere fatte ben 72 operazioni bancarie, in tutto
il mondo, sullo stesso denaro.;
– le ispezioni da parte della banca centrale agli sportelli bancari sono a livelli
minimi e, in genere, provocano poche procedure sanzionatorie.;
– infine, la libera circolazione dei capitali è ammessa dagli Accordi CEE.;
– le communicazioni attraverso Internet renderà sempre più facile il trasferimento finanziario e le transazioni economiche illegali.
Considerazione Gli interventi investigativi della polizia giudiziaria, nel
settore dell’antiriciclaggio, si faranno sempre più difficili se non addirittura
impossibili grazie anche al favoreggiamento legale da parte dei paradisi
bancari e fiscali.
Viene inoltre evidenziato che le holding della criminalità Resistono Alle
Attivita Di Indagine Della Legislazione Italiana (che è tra le più severe).
Infatti, supponendo un fatturato annuo del crimine organizzato di 70 mila
miliardi, dal 1982 al 1993 si sono registrati i dati seguenti :
– 0,5 per cento Sequestrati.;
– di questi soltanto lo 0 09 per cento è stato Confiscato.
Considerazioni :
– i sequestri colpiscono in misura troppo ridotta rispetto agli sforzi legislativi e
con effetti conseguenti sul territorio molto minimi e trascurabili (tutte le società
sequestrate sono state chiuse senza problemi di disoccupazione : erano «.scatole vuote.»).;
– forme e strumenti con cui le varie mafie del mondo partecipano all’economia
legale, sono più sofisticate e meno visibili del passato.;
– i sistemi bancari legali non esprimono la necessaria collaborazione (ogni
Stato ha una propria legislazione finanziaria di cui sono particolarmente
«.gelosi.»).!
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
280
– in sostanza :il riciclaggio del denaro del crimine viene «.mosso.» e «.investito.»
da persone (tante.!) ad elevato livello di specializzazione che, inoltre, si muovono
in ogni settore economico-finanziario del mondo come «.pesci nell’acqua.»
Professionalità e libertà di movimento che non sempre trovano
adeguata corrispondenza nelle varie polizie e magistrature.
Ia cooperazione di polizia
Dopo le considerazioni espresse sulle principali Difficolta che la polizia
giudiziaria incontra nella lotta contro i Sistemi Criminali, esprimo soltanto Due
Linee per la soluzione del problema :
1) la prima linea (che possiamo definire «.Ideale.» con chiaro riferimento
a Platone) è quella di realizzare, almeno in ambito Unione Europea, uno Spazio
Giuridico Europeo
Il concetto di un «.espace judiciaire européen.» venne lanciato per la
prima volta nel 1978 dal Presidente francese Giscard d’Estaing, che avrebbe
comportato, secondo le interpretazioni di alcune personalità, un Sistema
Comune comprendente : istituzione di una giurisdizione commune, di codici
comuni, di un comune processo legale, la creazione di un Tribunale europeo
e di una Polizia Europea e di Penitenziari europei.
Insomma, un sistema unitario compatto e articolato sul modello dell’FBI statunitense.
Non sembra che il modello Europol, previsto dai Trattati di Maastricht,
avrà i caratteri indicati e, rischia di diventare un polo di incontro di desideri a
cui mancano pero le gambe e le braccia necessarie per una concreta azione
operativa, libera di estrinsecarsi nel tempo e nello spazio.
A fronte delle resistenze a un siffatto sistema, si poteva almeno crearne
uno con gli stessi criteri, con esclusive funzioni per determinate materie, come
ad esempio : droga, terrorismo, armi immigrazione clandestina, ecologia-ambiente e sofisticazioni alimentari che, almeno al momento attuale, costituiscono
i Principali Delitti Contro l’Umanita.!
2) la seconda ipotesi è molto più modesta ma forse è il massimo che si
possa ottenere dalle forze che non vogliono una incisiva cooperazione di polizia.
La possiamo definire Sistema Della Nuova Cultura Delle Polizie, che
si fonda sugli Accordi Bilaterali i quali favoriscono le conoscenze personali
da cui nascono le amicizie tra camerati che sanno di combattere per la libertà
e la giustizia contro il terrorismo delle mafie. I Rapporti Diretti tra investigatori
dei vari Paesi, sono gli unici momenti di umanità e di una Nuova Cultura, capaci
di superare gli ostacoli della burocrazia.; capaci di elimare le gelosie tra
istituzioni e tra persone.; capaci di trovare nei tempi brevi le soluzioni ai problemi
più difficili da superare e realizzando, un domani, quel Sistema Di Sicurezza
Europeo e forse Mondiale, fondato su uno Spirito Comune
Come quello che univano, in una ferrea cœsione, i Monaci-Soldati, i
Soldati «.Ideali.» come sicuramente li avrebbe definiti Platone.
L’evoluzione della criminalita organizzata : la cooperazione di polizia
281
Se anche questo modesto modello operativo dovesse fallire, significa
che nel mondo di domani, i nostri figli vivranno l’Età Oscura del dominio dei
sistemi criminali. Loro si, veramente uniti, compatti e decisi a realizzare gli
obiettivi del male ad ogni costo.!
Ma fintanto che uomini e donne come voi presenti, rifiuterete di arrendervi, l’umanità civile puo ancora sperare di prevalere.
Con questa speranza auguro buon lavoro nel nome della nuova
cultura per la cooperazione tra forze di polizia.!
Sintesi e conclusioni
La cooperazione non costituirebbe un problema se si realizzasse l’utopia
di Napoleone Bonaparte, naturalmente riferita al mondo intero.
Cioè : «.l’Europa deve avere un solo codice di leggi, una sola corte
d’appello, una sola moneta.».
Quindi, un solo organismo di polizia.
La questione «.cooperazione tra polizie.» nell’attuale momento storico, ed in quello futuro deve considerare molte realtà normative nazionali e
internazionali, che, purtroppo, favoriscono oggettivamente i sistemi criminali, il
cui mondo operativo, a confronto di quello «.legale.» e «.garantista.», non
conosce nessuna forma di frontiera.
Ricordiamo : diversità di legislazioni.; differenti sistemi giudiziari, articolazioni non unitarie delle polizie nazionali e accentuate limitazioni delle iniziative
nel campo investigativo e quasi nulle le loro possibilità nel settore della azione
informativa preventiva.
In sintesi, i principali ostacoli ad una cooperazione che consenta.;
– rapporti diretti tra investigatori sia nel contesto nazionale che di altri Stati.;
– risposte immediate.;
– e la massima riservatezza,
Sono :
1 la sempre più vincolante dipendenza della polizia giudiziaria dalla
Magistratura inquirente, che ha sostanzialmente annullato la fase dell’attivita’conoscitiva da parte della stessa polizia giudiziaria.
Tale fase è, invece, fondamentale per la elaborazione di un quadro di
riferimento o di situazione dal quale si puo sviluppare una razionale e
concreta investigazione giudiziaria.;
2 altro ostacolo è la sempre più complessa e articolata rete delle
garanzie individuali che, pur se necessarie per la salvaguardia dei diritti
dell’uomo, nella sostanza vincolano e limitano sia la fase degli accertamenti
informativi per l’individuazione del crimine sia la fase dell’azione penale
vera e propria.
Cio premesso : rimando alla lettura della mia relazione per il riferimento
agli altri fattori che non soltanto impediscono una cooperazione diretta-immediata nelle risposte e riservata tra polizie dei vari stati, ma la frantumano
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
282
nel labirinto dei diversi gradi ordinativi, interni e internazionali, e la rallentano
a fronte della ricezione di autorizzazioni o nulla-osta di varia natura, anche
non necessariamente di organi della magistratura (si pensi, al riguardo, ad
accertamenti preventivi e, poi, giudiziari, nel caso di indagini nel settore
bancario-economico-finanziario.!).
Pertanto, in relazione a quanto esposto, Indico una linea di modalità
pratica per una efficace cooperazione a livello internazionale contro i sistemi
della criminalità organizzata, peraltro caratterizzati dalla massima segretezza
sia a livello modalita’operative sia nei vari livelli di comando e in quelli della
gestione finanziaria.
La linea indicata non presuppone l’istituzione di nuovi istituti, bensì una
certa forma di coordinamento di quelli già esistenti.
Inoltre, la stessa linea propone di riconsiderare la validità e i vantaggi di
una certa separatezza tra la fase informativa preliminare e la fase delle
indagini giudiziarie.
In tale contesto :
1) La polizia giudiziaria nazionale richiede informazioni di carattere
generale (se riferite a determinati fenomeni criminali) o di carattere specifico
(se riguarda uno o più soggetti oppure certe situazioni economoco-finanziarie)
ai servizi di sicurezza (si consideri che le forme di criminalità internazionale,
sono vere e proprie attività di eversione dei sistemi democratici.;
2) i servizi di sicurezza, ritrasmettono la richiesta ai servizi di intelligence collegati.; elabora poi le risposte con una prima analisi di intelligence,
che invia alla polizia giudiziaria nazionale.;
3) La polizia giudiziaria nazionale può così disporre di un quadro di
situazione complesso e articolato nonchè supportato da una serie di dati
raccolti a vasto raggio.
Tali dati, integrati da quanto recepito attraverso i normali canali interpol
ed europol, consentono l’élaborazione del quadro informativo da sottoporre
al magistrato inquirente che, dopo ulteriori azioni «.mirate.» integrative, puo
così procedere all’azione investigativa avendo a disposizione una vasta
gamma di dati di riferimento.
Concludendo : con la linea concreta indicata, purchè non mortificata da
pregiudizi di varia natura, è possibile realizzare un sistema unitario di cooperazione, quindi più efficace, per lottare contro i sistemi criminali sempre più
«.segreti.» e per scoprire le loro casseforti internazionali (sino ad oggi poco o
per nulla toccate) nonchè il riciclaggio nell’economia legale dei vari Paesi.
La linea puo essere cosi sintetizzata :
1) Polizia Giudiziaria rivolge richiesta, con ogni possibile dato di riferimento, ai :
2) Servizi di Sicurezza Nazionali che attivano, con proprie reti-comunicazioni i :
3) Servizi di Sicurezza di altri Paesi, che raccolgono i dati, li elaborano e
rispondono.
4) Analisi di intelligence da parte dei Servizi di Sicurezza Nazionali, sulla cui
base :
5) la Polizia Giudiziaria puo inviare alla Magistratura inquirente un quadro
informativo per l’avvio della ricerca dei dati di prova.
L’evoluzione della criminalita organizzata : la cooperazione di polizia
283
Summary
Police co-operation in relation to organised crime
Arnaldo Grilli
At the brink of the 21st century we must be aware that organised crime has radically
changed and has now turned into a sort of holding of services with the means to propose
to the people what the community is not always in a the same position to give.
National members of parliament have not appreciated this new deal early enough and has
not voted the laws which would have helped law enforcement agencies to win that battle
against organised crime.
Each country should implement a methodology of common efforts of:
–the legislative branch whose job it is to propose a conception of the world as it should be
and to write the laws that make it possible to enforce it.
–the criminal police and the security forces.
–the judiciary and the prosecution system.
The fact that in Europe each country has its own different police structure (centralised
national police force – local or county police forces – civilian organisations – military
organisations) that are limited to the enforcement of their own laws (sections of the criminal
code and codes of practice related to the treatment criminal evidenc) makes it difficult to
reach an effective level of police co-operation.
So, in order to reach a better level of co-operation, it is necessary to follow one of two
possible tracks:
–the ideal direction to follow within the European Union is to build up a judicial European
territory with common structures and common judicial districts as well as common rules of
criminal legal practice. In this framework, it becomes possible to conceive the existence
of an operational European police force structured around unified operational European
command.
–the more modest alternative would be based on a system build around the new police
culture of bilateral agreements.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
284
Résumé
La coopération de la police en matière de criminalité
organisée
Général Arnaldo Grilli
À l’aube du IIIe millénaire, il doit être pris conscience que la criminalité organisée s’est
profondément transformée, pour devenir aujourd’hui une sorte de holding de services en
mesure de satisfaire les demandes des citoyens que la société traditionnelle n’est pas en
mesure de pourvoir.
Faute d’avoir pris acte suffisamment tôt de cette révolution culturelle, le législateur national
n’a pas mis les forces de sécurité en mesure de lutter efficacement contre les mafias.
Au plan national, il convient d’adopter une démarche méthodique conjuguant les efforts :
– du législateur à qui il appartient de proposer une vision du monde et d’être prêt à la
défendre, y compris par la force en redonnant un sens au concept de sanction.;
– la police judiciaire et les forces de sécurité.;
– la magistrature et le ministère public.
Les difficultés entravant le bon fonctionnement de la coopération policière au niveau
européen et international sont que chaque État dispose de sa propre structure de police
(police nationale centralisée – police locale.; structure civile – structure militaire), agissant
en fonction d’une législation (droit pénal et procédure pénale) elle-même spécifique.
Aussi pour améliorer cette coopération, est-il possible d’emprunter une des deux voies
suivantes.
La voie idéale consiste à réaliser au sein de l’Union européenne un espace juridique
européen comprenant des institutions et des juridictions communes, un code et un
processus légal communs. Dans ce cadre, il est concevable de consacrer l’existence d’une
police européenne opérationnelle organisée via un commandement opérationnel européen unifié.
L’alternative plus modeste tend à définir le système de la nouvelle culture policière fondée
sur des accords bilatéraux.
L’evoluzione della criminalita organizzata : la cooperazione di polizia
285
Resumen
La cooperacion policial en materia de criminalidad
organizada
Arnaldo Grilli
En las puertas del III milenio, debe tomarse conciencia de la profunda transformación de
la criminalidad organizada, que se ha convertido en la actualidad en una especie de
holding de servicios capaz de satisfacer las demandas de los ciudadanos a las que la
sociedad tradicional no puede dar una respuesta.
Por no haber tomado en cuenta esta revolución con la suficiente anterioridad, el legislador
nacional no puso a disposición de las fuerzas de seguridad las herramientas necesarias
para luchar eficazmente contra las mafias.
En el plano nacional, es necesario adoptar una metodología sistemática conjugando los
esfuerzos :
– del legislador, a quien corresponde proponer una visión del mundo y de estar dispuesto
a defenderla, incluso por la fuerza, dando nueva importancia al concepto de sanción.
– la policía judicial y las fuerzas de seguridad.;
– la Magistratura y la Fiscalía.
Las mayor dificultad para el buen funcionamiento de la cooperación policial a nivel europeo
e internacional es que cada Estado dispone de su propia estructura de policía (policía
nacional centralizada – policía local, estructura civil – estructura militar), que actúa en
función de un legislación (derecho y procedimiento penal) también específica.
Para mejorar esta cooperación, es necesario tomar uno de los dos caminos siguientes :
La vía ideal consiste en crear dentro de la Unión Europea un espacio jurídico europeo que
comprenda instituciones y jurisdicciones comunes, un código y un procedimiento legal
comunes. En este marco, se podría consagrar la existencia de una policía europea
operacional organizada a través de una dirección operacional europea unificada.
La alternativa más modesta tiende a definir el sistema de la nueva cultura policial fundada
en acuerdos bilaterales.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
286
L’enjeu économique
de la lutte contre
la criminalité organisée
Nouvelles stratégies économiques
de la criminalité organisée :
guérillas et mafias
Jean-Christophe Rufin,
universitaire français, directeur de recherches à l’Institut
de relations internationales et stratégies (IRIS),
ancien
conseiller auprès du ministre de la Défense
guérillas et
Nouvelles
mafias stratégies économiques de la criminalité organisée :
Précisons tout d’abord le sujet : il s’agira pour nous dans cette communication de cerner (schématiquement) la stratégie économique des nouveaux
acteurs apparus sur la scène de la criminalité organisée ces dernières années,
particulièrement depuis la fin de la guerre froide, avec l’éclatement et l’affaiblissement de nombreuses entités étatiques et la multiplication des conflits civils.
Notre ambition ne sera ni de démonter les circuits financiers de la
criminalité organisée (sujet qui demanderait d’autres compétences : douanières, bancaires, financières), ni de chiffrer les différentes masses de profits
criminels.
Ce qui nous intéresse est ailleurs et nous pourrions le résumer brièvement : c’est l’entrée récente sur la scène du crime organisé d’acteurs nouveaux
qui appartenaient jusqu’ici à un domaine différent, celui de la lutte politique.
Ces acteurs étaient en général étudiés par les spécialistes de politique étrangère qui se penchaient sur des conflits lointains, parfois très exotiques.
Or du fait des bouleversements stratégiques récents, ces acteurs lointains, tamouls, kurdes, chinois ou péruviens font irruption au sein des pays
développés et concernent désormais tout autant le policier chargé des questions de sécurité intérieure que les spécialistes de défense et de politique
étrangère.
Depuis la fin de la première guerre mondiale, nous étions habitués à une
dichotomie entre groupes mafieux dont la logique était le profit et mouvements
politiques dont la logique était politique. On savait qu’il pouvait exister des liens
(cf. par exemple : A. Mc Coy.; la politique de l’héroïne). On connaissait des
exemples d’empiétement d’un domaine sur l’autre : tel chef de cartel qui se
présentait aux élections ou telle milice libanaise naissant d’une caste d’entrepreneurs expatriés (chiites Amal).
Mais le phénomène était relativement clair : la finalité des mafias restait le
profit et elles ne cherchaient pas à acheter une influence politique que pour servir
leurs intérêts économiques. Les mouvements armés, quant à eux, se fixaient des
objectifs «.nobles.» (libération nationale, décolonisation, révolution politique) et
leur activité économique relevait de l’intendance (ou de la corruption).
Qu’est-ce qui a changé et quand : certains prétendent que les mouvements armés auraient désormais «.dégénéré.» dans le crime et perdu, avec la
chute des idéologies, toute ambition politique. Nous assisterions à une évolution vers le «.tout-mafia.», l’activité de profit englobant et annulant toute autre
préoccupation. Nous ne le pensons pas.
Le distinguo entre mouvements politiques armés et mafias reste encore
pertinent, et même essentiel. Ce qui a changé ces dernières années, c’est le
mode de relations des deux entités qui, pour des raisons que nous allons
examiner, sont amenées à collaborer, à échanger des méthodes, de l’argent,
des hommes.
La raison principale de ce changement est la transformation des économies de guerre des mouvements politiques armés.
Par ce terme d’économie de guerre, on désigne l’ensemble des opérations économiques par lesquelles un mouvement politique armé pourvoit aux
besoins matériels de ses combattants (pour leur nourriture, leur transport et
leur armement) et des populations qu’il contrôle. Les économies de guerre
peuvent être très frustres dans le cas de rébellions éphémères plus ou moins
spontanées. Dans le cas de mouvements menant des luttes armées depuis
plusieurs années, et étendant leur pouvoir à de vastes territoires et à des
populations entières, les économies de guerre sont d’une grande complexité.
Leur étendue est récente. Nous avons coordonné récemment pour le compte
du ministère français de la Défense, une recherche d’ensemble dont vous
trouverez l’essentiel dans un ouvrage paru ce mois-ci.
Au cours des années de l’après guerre, les forces pratiquant la violence
politique n’ont cessé de se multiplier dans le monde et en particulier dans le
tiers monde. Dans un premier temps, les mouvements armés se fixaient
principalement pour ambition la décolonisation et trouvaient des sympathies
tant aux États-Unis que dans le monde soviétique.
Au tournant des années soixante, après l’édification du mur de Berlin et
de la crise des fusées, le statu quo en Europe sera à peu près assuré et les
deux grands vont éviter toute confrontation directe. Leur affrontement se
déplace vers le tiers monde, où la Chine joue, de plus, son propre rôle. Ceci
va entraîner la politisation et la multiplication des mouvements de guérilla
pendant cette période. Après 1975, une vague de révolutions marxistes va
déstabiliser de nombreux États et les occidentaux auront recours, pendant les
années 80, au soutien (indirect) des mouvements armés en lutte contre les
nouveaux régimes radicaux.
Pour toutes ces raisons, les guerres civiles du tiers-monde ont été
pendant trente ans l’une des scènes d’affrontement de la guerre froide et il
n’était guère difficile pour ceux qui pratiquaient la violence politique de rencontrer des bailleurs de fonds disposés à encourager leur action en vertu de l’adage
«.l’ennemi de mon ennemi est mon ami.».
Retenons donc ceci : pendant les trente dernières années, les mouvements armés dans le monde ont bénéficié largement de soutiens extérieurs,
accordés pour des raisons politiques, en vertu d’un jeu d’intérêt diplomatique
et stratégique relié à la guerre froide.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
290
Ces soutiens se manifestaient principalement par le biais de relations de
proximité. L’instrument essentiel en était les sanctuaires militaires et humanitaires dont les pays armés pouvaient disposer sur le territoire d’un pays voisin
et ami. Le type du sanctuaire militaire est par exemple celui dont disposait le
Viêt-minh en Chine à partir de 1949 pendant la première guerre d’Indochine.
Le type de sanctuaire humanitaire était par exemple celui dont les mujahiddins
afghans disposaient au Pakistan le long de la frontière. Or aujourd’hui, pour de
nombreuses raisons, les économies de guerre fondées sur des soutiens
politiques et des relations de proximité sont en voie de rapide disparition.
L’ordre bipolaire s’est effondré, les stratégies de déstabilisation indirectes n’ont plus guère de pertinence et les mouvements armés, comme d’ailleurs
nombre de gouvernements légaux auxquels ils s’opposaient, ont perdu leurs
soutiens politiques extérieurs.
De même, la tendance n’est plus guère aujourd’hui à tolérer les vastes
exodes de réfugiés qui constituent l’une des bases du système des sanctuaires
frontaliers (même si l’exemple du Rwanda l’a prouvé, il n’est pas toujours
possible de l’éviter).
Les optimistes ont cru, au début des années 90, que le tarissement de
ces financements extérieurs entraînerait mécaniquement un retour à la paix et
une démobilisation des belligérants dans les conflits locaux. Toutes les observations récentes montrent le contraire : les conflits prolifèrent, les mouvements
armés se multiplient, accroissant le nombre de leurs combattants et ne sont en
rien calmés par l’absence des incitations extérieures.
C’est donc que leurs économies de guerre reposent sur d’autres bases.
En effet, dans la période actuelle, il faut mettre l’accent sur de nouveaux
modes de financement des conflits. Pour rester schématique, nous dirons que
les ressources des belligérants ne sont plus l’expression de soutiens politiques
mais de plus en plus le fruit d’une activité économique et d’une inscription dans
une logique de marché. L’instrument n’en est plus seulement l’échange transfrontalier régional comme au temps des sanctuaires mais le réseau international.
L’activité criminelle des belligérants et leur intérêt pour les activités
lucratives ne sont pas nouveaux mais ils prennent une importance croissante,
notamment du fait du recul des capacités de contrôle des États, notamment en
Afrique. De vastes ensembles de territoires, peu ou pas contrôlés par le pouvoir
central, s’offrent à l’activité économique des mouvements de rébellion. Au
Cambodge, on estime à un million de $ par mois le revenu que les Khmers
rouges tirent de l’abattage des bois tropicaux dans les régions qu’ils contrôlent.
En Afghanistan, la substitution de l’économie de production à l’économie
d’assistance étrangère est perceptible et chiffrable. Les revenus de l’opium
représentaient 20 millions de $ par an dans les années 80, soit 10.% de l’aide
perçue par les Mujahiddins. au cours de ces dernières années, l’opium a pris
une place bien plus importante.; l’Afghanistan est devenu le premier producteur
mondial avec plus de 3000 tonnes par an et les profits de la drogue sont venus
compenser le tarissement des autres formes d’aide internationale.
Nouvelles stratégies économiques de la criminalité organisée :
guérillas et mafias
291
L’activité économique des mouvements armés n’est pas toujours fondée
sur la production.; ils s’insèrent plus souvent au niveau du contrôle ou de la
taxation des ressources locales exploitées par d’autres agents. Dans ce
domaine, l’instrument privilégié des mouvements armés, qui leur confère un
avantage comparatif, est la force. L’inscription économique des guérillas est
donc très particulière : elle implique quasiment toujours une prééminence de
la force sur le droit, qu’il s’agisse d’exploiter illégalement des produits licites
(caoutchouc, pierres précieuses, diamant) ou d’exploiter des produits illicites
(drogues, ivoire, antiquités protégées). Les mouvements armés tirent profit de
l’insécurité des zones où ils opèrent et de leur capacité à manier la force.
On peut distinguer deux types extrêmes dans ces formes d’activité économique : la prédation, qui répond à une logique de pillage, et la criminalisation ou
exploitation criminelle qui préserve l’outil et le gère en ponctionnant une part
destinée à alimenter l’effort de guerre. En Afghanistan de nouveau, deux impôts
prélevés par la guérilla, le zakât et l’ushr portent l’un sur les marchandises, l’autre
sur les récoltes. Aux Philippines, les combattants communistes du MNLF (Midanao) touchent environ 20.% des produits de la vente de marijuana. Cette proportion
atteint 40.% dans le cas de Khun Sa, dans le triangle d’or.
C’est par le biais de ces activités économiques que les mouvements
politiques armés entrent en contact avec les groupes mafieux plus classiques.
Ce contact peut avoir lieu à différents niveaux : sur place, tout d’abord,
lorsque les groupes armés taxent et «.protègent.» l’activité de groupes criminels (ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne le trafic de drogue).;
régionalement dans le cas où un mouvement armé exploite directement des
ressources et les commercialise par le biais d’un débouché régional (cas des
Kmers rouges en Thaïlande, par exemple).; à grande distance, dans les pays
développés, pour la commercialisation finale. Beaucoup de groupes armés (les
FARC colombiens, le Sentier Lumineux, les factions afghanes, les guérillas
philippines, indiennes ou casamançaises par exemple) ne sont pas en mesure
d’intervenir en dehors de leur zone d’influence locale.
Les relations entre mouvements armés et organisations mafieuses
peuvent prendre plusieurs formes : taxation, joint-ventures commerciales, revente de produits, troc (drogue contre armes par exemple).
Beaucoup de choses, en la matière, dépendent de la capacité ou non
des mouvements armés à disposer dans les pays développés de relais
autonomes. Ceci pose le problème des diasporas actives. Ces diasporas
peuvent dans certains cas avoir été développées à l’instigation des mouvements armés eux-mêmes (cas des Tamouls en Europe occidentale). Dans le
cas des Tamouls du LTTE, comme du PKK, on estime que l’intégration
économique est totale : ces mouvements armés politiques, à travers leurs
diasporas, contrôlent toute la chaîne des intermédiaires et donc des profits, de
la production jusqu’à la revente de rue. Celle-ci s’effectue dans des pays, en
particulier en Europe occidentale qui ne souhaitent nullement encourager ces
mouvements. Nous ne sommes plus dans une logique de soutien diplomatique
mais dans une logique d’accès au libre marché.
Une éventualité particulière : le cas de l’ex-Yougoslavie où on a vu
confluer au sein d’une diaspora ancienne les activités criminelles d’une pègre
traditionnelle et les enjeux politiques et ethniques nouveaux-nés du conflit.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
292
Dans les relations souples et particulières à chaque terrain entre organisations criminelles et organisations politiques armées, la proximité peut
donner une fausse impression de confusion, voire de communauté d’enjeux.
L’analyse peut être d’autant plus délicate dans certains cas que certains
délinquants, une fois appréhendés, peuvent faire valoir, à tort, des motivations
politiques. C’est ainsi que plusieurs Kossovars albanais interpellés en Suisse
pour trafic d’héroïne ont prétendu être des combattants nationalistes.; cependant le gouvernement kossovar en exil affirme qu’il n’en est rien et que ce sont
de simples trafiquants mafieux. Qui croire.? En vérité, même s’il est exact que
certains chefs politico-militaires ont pu, dans certains cas, évoluer vers la
corruption et le banditisme, et si, inversement, des délinquants ont pu être saisis
par la grâce d’un engagement politique, force est de constater que derrière ces
cas d’espèce, une règle demeure : la logique politique continue d’être différente
de la logique du profit.
Il est important de démêler, dans l’activité de ces différents groupes, ce
qui ressortit à l’une et à l’autre de ces finalités.
Le déploiement et la diversification des deux groupes se feront dans un
sens différent selon qu’ils se rattacheront ou non à un conflit local et à un enjeu
politique. Pour les groupes à finalité politique, on assistera souvent à une
diversification d’activité, centrée sur le même objectif politique. C’est ainsi qu’un
réseau de soutien et d’encadrement d’une diaspora (cas des kurdes de
Turquie) peut être utilisé pour des activités économiques (collecte des fonds
destinés au PKK), pour une activité de lobbying auprès des instances internationales en faveur de la cause kurde, et pour des actions violentes, au besoin,
aller jusqu’aux assassinats politiques et au terrorisme.
Les groupes mafieux à finalité économique auront, eux, une diversification plus large et indépendante d’un cadre géographique. Une même organisation criminelle peut vendre ou trafiquer drogues ou armements avec des
mouvements armés issus de régions du monde très différentes. La police
italienne a ainsi démantelé ces dernières années des réseaux criminels mixtes : échange drogues-armes concernant le couple Colombie-ex-Yougoslavie
dans un cas (affaire de Vérone, juin 1994) et le couple Camorra napolitaine-Algérie dans un autre cas (affaire Djamel Loucini, militant du FIS arrêté à Milan
en novembre 1994 et engagé dans des tractations avec des groupes criminels).
L’essentiel, dans ce bref résumé, est de retenir que les nouvelles
conditions de survie des mouvements armés dans le monde, y compris ceux
qui sont originaires de régions lointaines et sans interface avec nous, les
conduisent à faire irruption sur la scène de nos sociétés. Ils viennent y chercher
par la seule loi du marché les ressources qu’ils n’obtiennent plus par solidarité
idéologique. Leurs interlocuteurs naturels, dans ces domaines illégaux, sont
évidemment les organisations criminelles qui complètent et leur fournissent des
produits illicites (armes) dont ils ont besoin.
À la faveur des nouveaux conflits, l’économie informelle en général et
l’économie criminelle en particulier donnent naissance à de nouveaux entrepreneurs politico-économiques dont la puissance est décuplée par les occasions d’enrichissement rapide que leur fournit la situation de guerre.
Nouvelles stratégies économiques de la criminalité organisée :
guérillas et mafias
293
Summary
Organised crime new economic strategies
Jean-Christophe Rufin
The world wide trends lean toward the appearance on the international stage of organised
crime executives who up to now were concerned with political fighting. Up to now there
has been no linking between criminal financial networks and political activist financial
networks. It must nevertheless be kept in mind that the nature of their relations has
changed. in depth.
As external support tends to dry up, the guerrilla group are getting into a logic of
criminalisation in order to gather the financial resources which are necessary to maintain
their combat activities and they progressively tend to get away from policies of local
mediation which do not prove sufficiently effective in the long term.
This criminalisation of the guerrillas is growing through a systematic military exploitation
of local resources (levying of local taxes), or through the involvement in the trafficking of
illegal goods.
When this happens, they necessarily make financial links with organised crime which
provides them with adapted and corresponding trade networks.
Resumen
Las nuevas estrategias economicas de la criminalidad
organizada
Jean-Christophe Rufin
La situación planetaria actual conduce a la emergencia, en la escena internacional del
crimen organizado, de nuevos actores que pertenecían hasta hoy al dominio de la lucha
política. Si no hay todavía fusión entre las redes económicas ilegales bajo obediencia
criminal y las redes de activismo político, es conveniente notar que sus relaciones han
profundamente cambiado.
Como los apoyos exteriores están desapareciendo, las guerrillas entran en una lógica de
criminalisación para encontrar los recursos para su combate y tienden a abandonar un
poco la lógica de mediación local que se revela ser poco eficaz a su fin.
Esta criminalisación de las guerrillas se electúa sea par la explotación manu militari de las
riquezas locales (tasación), sea por el compromiso en el tráfico de bienes ilícitos.
Con este motivo, no dejan de trabar lazos a fnalidad económica con la criminalidad
organizada que es capaz proporcionarles redes de comercialisación adaptados y experimentados.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
294
L’enjeu économique de la lutte
contre la criminalité organisée
Félix Baënziger,
substitut du procureur général
de
la Confédération helvétique à Berne
L’enjeu économique de la lutte contre la criminalité organisée
Introduction
L’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure a jugé opportun
d’inviter également un rapporteur suisse pour parler de «.L’enjeu économique
de la lutte contre la criminalité organisée.». Je remercie l’Institut de l’honneur
qu’il me fait par son invitation, laquelle – je tiens à le relever – ne va pas de soi
dans la mesure où la Suisse est encore absente de nombreuses organisations
internationales. La direction du Cours est apparemment partie de l’idée que la
Suisse avait quelque expérience en matière de criminalité organisée vue sous
l’angle économique. Peut-être pense-t-elle aussi que c’est là l’unique secteur
du crime organisé auquel la Suisse est confrontée et que celle-ci n’a pas été
touchée directement, jusqu’ici, par le phénomène proprement dit de la criminalité organisée.
Ces deux points de vue renferment une part de vérité. Il n’y a en fait
aucun élément pertinent donnant à penser qu’en Suisse la criminalité organisée
exercerait une influence systématique sur l’État et l’économie, comme – vous
ne l’ignorez pas – c’est déjà le cas dans d’autres pays. Cela ne signifie toutefois
pas que la criminalité de base organisée ne soit pas présente en Suisse. Chez
nous aussi, des réseaux criminels pratiquent systématiquement le trafic illégal
de stupéfiants. Mais il est exact aussi que la Suisse joue un rôle important dans
le secteur économique de la criminalité organisée, notamment en ce qui
concerne le blanchissage d’argent. On se gardera toutefois de croire que seule
la Suisse, ou elle principalement, lave de l’argent sale. Il est vrai que des
organisations criminelles abusent des ressources typiques qu’offre mon pays
en tirant profit, en particulier, de sa forte position économique, des connexions
internationales de son système bancaire et économique, de sa situation
centrale en Europe et de son secteur des services performant. À cela s’ajoute
la caractéristique que la Suisse abrite une société ouverte, libérale et pluraliste.;
elle connaît peu de contrôles étatiques et accorde une grande liberté de
mouvement à ses citoyens et aux étrangers qui y vivent.
Relevons cependant que d’autres places financières offrent également
ces avantages, qui peuvent parfois même être meilleurs. Nous avons aussi des
raisons de penser que la part suisse aux transactions globales de blanchissage
d’argent a plutôt diminué ces dernières années, ce qui demeure une maigre
consolation en regard des sommes énormes qui sont blanchies. Les experts
estiment le chiffre d’affaires annuel du crime organisé à quelques 500 milliards
de dollars.
L’organisation criminelle
en tant qu’entreprise économique
Permettez-moi maintenant, dans une première partie de mon exposé,
d’esquisser l’exemple d’une entreprise économique se livrant à la production
et à la diffusion d’un bien illégal. Cette entreprise entend exploiter le potentiel
d’un produit dit d’agrément qui pousse dans certaines régions du monde où les
autochtones le consomment sous sa forme naturelle. Les conditions internationales du marché pour ce produit agricole se révèlent plutôt défavorables du
fait que l’alcaloïde contenu dans la plante constitue l’une des principales
drogues en circulation sur le marché mondial. Tant la production que la diffusion
représentent des activités à risques : une fois découverts, les champs de
production sont détruits et, en matière de diffusion dans les pays de consommation, on risque constamment la confiscation par les services douaniers ou
par les organes de sécurité. Or, les importantes marges bénéficiaires en
perspective incitent à prendre ces risques. Reconstituons, à ce stade, le
cheminement de pensée de l’entrepreneur :
Une fois prise la décision de principe de s’engager dans l’affaire, il va se
pencher, comme tout producteur normal d’un bien légal, sur les questions
concernant l’approvisionnement en matières de base et sur celles regardant
les débouchés. La fabrication d’un bien consommable est une entreprise
onéreuse car elle nécessite une infrastructure à l’exemple de celle requise
habituellement pour une industrie chimique. Les matières de base entrant dans
la fabrication doivent pouvoir être préparées en grandes quantités, ce qui
réclame la mise sur pied d’une division spéciale que l’on pourrait appeler
«.Logistique d’approvisionnement.». La commercialisation du produit fini
s’avère encore plus difficile. La logistique des ventes implique la création d’un
réseau de transport et de distribution capable de résister à des interventions
étatiques.
Les problèmes d’approvisionnement et d’écoulement réglés, la production peut démarrer et, grâce aux marges bénéficiaires élevées, l’affaire se
développe très bien. Rapidement pourtant, de grosses difficultés apparaissent
dans le domaine de la logistique financière, difficultés auxquelles l’entrepreneur
qui agit dans la légalité est moins confronté. La vente du produit provoque
l’accumulation d’importantes sommes d’argent en petites coupures. Cette
situation crée des complications à l’entreprise car l’argent ne peut être que
difficilement utilisé sous cette forme. L’entreprise doit pourtant continuer de
financer la production et la commercialisation de son produit et, pour ce faire,
a régulièrement besoin de disposer sous une forme adéquate d’une partie des
profits réalisés. En outre, l’entrepreneur veut naturellement aussi rentabiliser
le solde de ses bénéfices étant donné que sa motivation, tout comme pour celui
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
296
qui fait commerce de produits légaux, est de nature financière. Si l’argent est
le nerf de la guerre, il est aussi celui des activités d’une entreprise. L’interruption
du flux d’argent représente donc aux yeux d’une entreprise illégale l’un des plus
grands dangers pour son existence.
Une entreprise de la nature de celle que nous venons de décrire, laquelle
se livre bien sûr au commerce de la cocaïne, doit donc résoudre quelques
«.petits.» problèmes qui ne se posent pas tous de la même manière ou avec
la même acuité : En logistique d’approvisionnement, la difficulté réside dans le
fait que l’achat de matières de base éveille les soupçons des instances
étatiques qui n’ignorent pas les propriétés particulières de ces substances à
servir à des fins illégales et qui ne sont pas sans savoir que de grosses quantités
doivent être mises en réserve. Le problème est important mais pas insoluble.
Quand bien même la logistique de commercialisation est onéreuse, les profits
élevés réalisés autorisent le financement de moyens de transport élaborés qui
permettent largement de contourner les contrôles. Reste la logistique financière
qui est pour moi le véritable talon d’Achille de notre entrepreneur trafiquant de
drogue. S’il n’est pas en mesure de réinvestir ses gains, c’est que l’affaire a
échoué.
Je ne prétends pas que chaque structure du crime organisé soit comparable dans cette mesure avec une entreprise légale. Toujours est-il que
beaucoup d’argent est régulièrement en jeu, ce qui implique dans notre travail
de criminalistes une approche financière. Si je vais dès maintenant délaisser
les problèmes de l’acquisition d’argent pour des projets d’organisations
criminelles pour aborder davantage la question de la destination des produits
du crime, cela tient, vous vous en doutez, à mes origines suisses.
Les formes du blanchissage de l’argent
J’en arrive ainsi au véritable sujet de mon exposé, à savoir le blanchissage de l’argent qui, ainsi que je l’ai déjà relevé, occupe, en Suisse, la première
place dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée. Permettez-moi
de vous exposer brièvement comment ce blanchissage peut s’effectuer. Vous
voudrez bien aussi faire preuve de quelque indulgence si mes propos vous
paraissent incomplets et ne vous semblent pas toujours correspondre à vos
expériences. Ces dissimilitudes proviennent du fait que les formes du blanchissage d’argent dépendent fortement du régime juridique en vigueur dans les
différents pays. C’est par exemple le cas de l’exportation et de l’importation de
fonds qui peuvent être soumises ou non à déclaration.
Il existe plusieurs possibilités d’agencer et de définir les subdivisions du
sujet sur le blanchiment d’argent. Les hommes de terrain et les auteurs
d’ouvrage qui écrivent sur le thème proposent chaque fois des éléments de
réflexion différents. Personnellement, je m’en tiens à la systématique adoptée
dans l’ouvrage suisse de référence intitulé «.Geldwäscherei : Motive – Formen
– Abwehr / Eine betriebswirtschaftliche Analyse.» (ouvrage non traduit en
français, mais dont le titre pourrait être «.Blanchissage : Motifs – Formes –
Répression / Une analyse de gestion d’entreprise.») de Christof Müller, professeur à l’Université de St-Gall, institution réputée pour ses travaux précisément
L’enjeu économique de la lutte contre la criminalité organisée
297
sur la gestion d’entreprise. Je trouve plausible la systématique qu’il utilise,
quand bien même on lui trouvera le désavantage de recourir souvent à des
expressions anglaises, comme on le fait couramment dans les ouvrages
d’économie publiés en allemand, précisément ma langue maternelle.
Comme on le sait, les objets du blanchissage d’argent sont l’argent en
espèces, la monnaie scripturale ou les autres valeurs patrimoniales qui proviennent directement ou indirectement d’un délit. Le but du blanchissage est
de donner à ces valeurs une forme d’utilisation légale. Les capitaux doivent,
dans la mesure évidemment où ils ne servent pas au financement d’activités
illégales, être reconnus comme des revenus légaux imposables dans le pays
de destination. Composés de petites coupures qui remplissent souvent des
valises entières, les profits extraordinaires provenant des délits doivent devenir
des comptes d’affaires de bon ton munis d’une légende propre. Quelle est la
manière de procéder en la circonstance.?
Dans une première phase, les pistes susceptibles de révéler l’origine
illégale des fonds sont brouillées et effacées par la transformation en d’autres
formes de valeurs et par des transferts dans d’autres pays.; ces opérations
s’effectuent tout au long d’un processus de plusieurs étapes qui, au besoin,
peut être répété. Suit une deuxième phase au cours de laquelle sont développées des affaires légales qui serviront de justificatifs pour l’autorité fiscale. Le
but est atteint lorsque l’origine des valeurs patrimoniales créées paraît plausible
à tout expert fiduciaire ou réviseur fiscal.
Le degré de blanchissage d’argent dépend en premier lieu de l’affectation ultérieure des capitaux. Ainsi, le financement d’autres activités illégales
n’exige pas un degré élevé, pourrait-on dire, de «.propreté.».; la méthode de
blanchiment est moins onéreuse que pour d’autres buts d’utilisation, comme
celle d’investir les fonds dans des entreprises légales. Quoi qu’il en soit, il
n’existe pas de déroulement obligatoirement uniforme des différents procédés.
En fait, il y a dans chaque cas une foule d’éléments à prendre en considération,
lesquels influent sur les choix tactiques du blanchisseur : le régime juridique du
pays où a été commis le délit et celui en place dans le pays de destination.; la
forme des bénéfices dégagés du délit.; l’utilisation finale prévue de ces fonds.
L’ouvrage de référence que j’ai cité distingue quatre catégories de
formes de blanchiment d’argent qui sont les suivantes :
– le franchissement des frontières nationales.;
– le placement.;
– le brouillage (en anglais «.layering.»).;
– l’intégration.
Il existe dans chaque catégorie ce que j’appellerais des variantes de jeu
qui sont appliquées seules ou combinées en fonction de la situation et des
besoins.
Tout délinquant et tout criminaliste sait que le franchissement des
frontières nationales est source d’avantages comme d’inconvénients. Cette
remarque est valable non seulement pour le délinquant qui fuit à l’étranger,
mais aussi pour les bénéfices provenant d’activités délictueuses. C’est pourquoi le franchissement des frontières nationales est aussi utilisé dans le
processus du blanchissage de capitaux, avant tout des billets de banque.
L’argent liquide peut, sous certaines conditions, circuler tout à fait légalement
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
298
d’un pays dans un autre, en particulier lorsqu’aucune restriction n’est mise à
l’exportation ou à l’importation de capitaux. Tout le monde connaît l’image du
courrier qui apporte des valises de numéraires dans des banques à l’étranger.
S’il est un problème à ne pas sous-estimer en matière de transport d’argent,
c’est celui du volume des billets de banque qui, par exemple, est beaucoup
plus important que celui de la valeur équivalente en drogue. Ce volume devient
plus encombrant encore lorsque le blanchisseur doit passer l’argent en contrebande pour contourner les prescriptions légales. De ce point de vue, le transfert
électronique est moins coûteux, mais il nécessite un «.placement.» préalable
dans le pays où les profits sont réalisés. Les opérations de compensation et
les transactions d’«.underground banking.»sont d’autres formes de franchissement des frontières nationales.
Les modes de blanchissage dits de «.placement.» servent à contourner
l’obligation de déclaration et d’identification lors du versement d’argent comptant sur des comptes bancaires. L’entrée dans le système financier légal par le
«.placement.» est considérée comme une des phases délicates du recyclage
d’argent sale. La méthode la plus simple consiste à utiliser un homme de paille
crédule. Relevons comme autres possibilités : la corruption active ou le chantage
exercé plus précisément contre l’employé qui, dans un établissement financier,
est chargé de vérifier l’identité des ayants droit économiques. Autre méthode
encore, les fonds à laver peuvent être répartis sur une multitude de petites
transactions non touchées par l’obligation de déclaration et de vérification de
l’identité, ce qui permet d’échapper aux mesures de contrôle. Il va de soi que cette
rapide énumération de formes de placement ne prétend nullement à l’exhaustivité.
Selon l’utilisation visée, les capitaux acquis de manière délictueuse
doivent subir un processus de blanchiment au terme duquel l’argent apparaît
comme acquis légalement. Le «.layering.» permet de brouiller les pistes dans
l’éventualité d’une tentative de déterminer l’origine des fonds. Toute la palette
des prestations offertes par une place financière moderne peuvent être utilisées
en l’occurrence. Il est possible de semer une totale confusion en édifiant un
réseau de comptes complexe, régulièrement ouverts sous des noms différents.
Le blanchisseur obtient une sécurité accrue s’il parvient à dissimuler les capitaux
derrière le paravent du secret bancaire, d’autres secrets commerciaux ou professionnels, mais surtout du secret auquel est tenu l’avocat. Une astuce fort prisée
consiste à élever en quelque sorte un mur de brouillard en transférant le pouvoir
de disposition à des sociétés, et en particulier, à des sociétés de domicile.
Une fois les traces de l’origine de l’argent sale effacées par l’opération
de brouillage, il s’agit de trouver une nouvelle origine pour les capitaux, légale
celle-ci. C’est alors le travail de «.l’intégration.». Toute une panoplie de
méthodes et procédés sont disponibles dans ce domaine également, avec une
prédilection toutefois pour le montage d’affaires fictives qui, soit n’ont absolument pas lieu, soit n’ont pas l’importance qu’on leur prête. Ce n’est que dans
la phase finale du blanchiment d’argent qu’il est possible de procéder à des
investissements directs dans des entreprises légales.
Une proportion importante des affaires de blanchissage découvertes
jusqu’ici, et dans lesquelles on a relevé une implication suisse, touchent à
l’importation physique de billets de banque. Il serait par trop simple d’en déduire
que c’est avant tout de l’argent liquide qui est lavé en Suisse. Tous les signes
L’enjeu économique de la lutte contre la criminalité organisée
299
portent à croire que les syndicats du crime transfèrent leurs capitaux déjà sous
la forme de monnaie scripturale et qu’ils recourent aux services du secteur
financier : la place financière suisse revêt une importance particulière dans les
phases du brouillage («.layering.») et de l’intégration. La position géographique
centrale de la Suisse, l’efficacité de son secteur financier, la présence d’étatsmajors spécialisés de financiers et d’autres conseillers, et notamment les
usages traditionnels de la discrétion constituent des avantages appréciés non
seulement par la clientèle opérant légalement mais aussi par les blanchisseurs.
Mesures contre le blanchissage d’argent
(à la lumière de l’exemple suisse)
Quels sont les enjeux économiques de la lutte contre la criminalité
organisée et contre le blanchissage.? Quelle est la parade que l’État peut
trouver.? Les possibilités peuvent être d’ordres très divers. Je me propose, pour
ma part, de vous présenter ce que la Suisse a entrepris à ce jour et ce qu’elle
envisage encore de faire. En réalité, il faut reconnaître que la panacée n’existe
pas en ce domaine. Les mesures déployées en Suisse ne sauraient être
appliquées telles quelles dans un autre pays.
Au cours des six dernières années, la Suisse a édicté de nombreuses
prescriptions pour lutter contre le blanchissage de capitaux. Le premier train
de mesures, datant du 1er août 1990, porte sur le droit pénal. La Suisse dispose
en effet depuis cette date d’une norme pénale visant le blanchissage d’argent et
d’une disposition sur le défaut de vigilance en matière d’opérations financières.
La disposition sur le blanchissage d’argent (art. 305bis CPS) sanctionne
tout acte propre à entraver l’identification de l’origine, la découverte ou la
confiscation de valeurs patrimoniales d’origine criminelle. La dissimulation du
butin constitue déjà une infraction. Le blanchiment d’argent implique nécessairement l’existence d’un acte antérieur constituant un délit réprimé par la
réclusion. En droit suisse, sont notamment considérés comme des actes
antérieurs les cas graves de trafic de stupéfiants ou de commerce illicite
d’armes, les affaires d’escroquerie, de brigandage, les prises d’otages, les cas
d’extorsion et chantage. Seul le blanchissage intentionnel est poursuivi pénalement. La disposition de base prévoit une peine d’emprisonnement de trois
ans au plus. Dans les cas graves, par exemple lorsque le délinquant agit en
tant que membre d’une organisation criminelle ou qu’il réalise un chiffre
d’affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l’argent, la
peine est alors la réclusion pour cinq ans au plus.
La norme relative au défaut de vigilance en matière d’opérations financières (art. 305ter CPS) est conçue différemment. L’infraction ne peut être
imputée qu’à des personnes travaillant dans le secteur financier telles que les
banquiers, les agents fiduciaires, les conseillers en placement ou les avocats
d’affaires. Ces catégories professionnelles encourent des sanctions pénales si
elles négligent de vérifier l’identité des ayants droit économiques conformément à
la vigilance que requièrent les circonstances. La pénalisation d’un tel compor-
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
300
tement constitue une mesure qui complète la punissabilité du blanchiment en
soi.
Un second train de mesures est entré en vigueur le 1er août 1994. Il
contient principalement le droit de communication du financier qui est maintenant expressément habilité à communiquer aux autorités de poursuite pénale
les indices lui permettant de conclure que des valeurs patrimoniales proviennent d’un crime, sans pour cela devoir s’attendre à des suites pénales pour
violation de secrets. Ce paquet de mesures comprend également l’introduction
d’une norme pénale sur l’organisation criminelle (art. 260ter CPS) et l’amélioration du droit de la confiscation. Les nouvelles dispositions concernant la
confiscation permettent aux autorités de poursuite pénale de confisquer toutes
les valeurs patrimoniales sur lesquelles une organisation criminelle exerce un
pouvoir de disposition. Dans ce domaine, la loi prévoit un renversement du
fardeau de la preuve : en effet, un membre d’une organisation criminelle dont
les biens ont été bloqués doit désormais prouver au juge que les valeurs
patrimoniales séquestrées ne sont pas issues du pouvoir de disposition de
l’organisation. Ce pouvoir est supposé exister jusqu’au moment où la preuve
du contraire aura pu être fournie.
En Suisse, les mesures de droit pénal que je viens de vous exposer ont
été renforcées de manière très efficace par des efforts déployés dans d’autres
domaines.
Relevons en premier lieu les directives de la Commission fédérale des
banques relatives à la prévention et à la lutte contre le blanchiment de capitaux,
qui ont été arrêtées en 1991. Ces instructions émises par l’autorité de surveillance des banques fournissent notamment des éléments aux personnes
soumises à la loi qui régit le secteur bancaire suisse pour interpréter les
dispositions légales sur le blanchissage. Elles énumèrent également une série
d’indices de blanchissage d’argent et proposent des mesures à prendre en cas
de soupçons. Les directives de la Commission fédérale des banques n’ont pas
force obligatoire, c’est-à-dire que leur violation n’entraîne pas de suites pénales. Mais elles peuvent cependant être utilisées par le juge pour interprétation
en cas d’application de la norme pénale sur le blanchissage.
Par ailleurs, les banques dans leur quasi-totalité se sont obligées, à
l’égard de l’Association suisse des banquiers, à observer des règles de
diligence. La Convention relative à l’obligation de diligence des banques fixe
en effet, d’une part, les règles en vue de la vérification de l’identité du
cocontractant et de l’identification de l’ayant droit économique et prévoit, d’autre
part, dans le cadre de l’Association suisse des banquiers, des sanctions en cas
de violation de ces règles. En 1993, la Chambre fiduciaire suisse a également
déclaré ces dispositions applicables par analogie à ses membres.
Cela dit, le concept actuel de lutte contre le recyclage d’argent sale recèle
encore une faille majeure qui se situe dans le domaine parabancaire. Cette
lacune devrait être comblée par l’adoption d’une loi fédérale relative à la lutte
contre le blanchissage qui prévoit d’étendre les mêmes mesures de lutte
appliquées aujourd’hui par les banques au secteur non bancaire. Le projet de
loi comporte des dispositions concernant :
la vérification de l’identité du client.;
L’enjeu économique de la lutte contre la criminalité organisée
301
la conservation des documents permettant de suivre le cheminement des
valeurs, ce que les banquiers appellent le «.paper trail.».;
les devoirs particuliers de vérification de l’intermédiaire financier qui est en
présence d’indices de blanchissage ou d’éléments similaires.
De nombreux points contenus dans cette proposition de loi sont l’objet
de controverse. L’une des divergences majeures réside dans la question de la
nécessité ou non d’introduire une obligation de communiquer en cas de
soupçons concrets de blanchissage, telle qu’elle existe déjà, sous des formes
différentes, dans plusieurs pays européens. Aujourd’hui, la Suisse connaît en
effet uniquement un droit de communication.
Il existerait bien sûr d’autres mesures susceptibles d’entraver les mouvements internationaux de capitaux, celle par exemple qui consisterait à
introduire déjà à la frontière une obligation de déclaration stricte. Mais il n’est
toutefois guère possible d’envisager de telles mesures pour la place financière
suisse qui, à ce titre, fait en premier lieu office de plaque tournante pour les
capitaux d’origine légale. Ce serait entraver les activités légales du secteur des
services dans une mesure trop importante du point de vue helvétique.
Conclusions
Vous le voyez bien, Mesdames et Messieurs, il existe des ébauches de
moyens pour lutter contre le crime organisé, qui consistent à interrompre ou à
ralentir les mouvements de capitaux. Les organes de l’État ne doivent pas
rester là les bras ballants, comme contraints et forcés d’assister au spectacle
de l’accumulation des profits par les acteurs du trafic de drogue, du commerce
illégal d’armes ou de la criminalité transnationale. Certes, les États ne sont pas
en mesure d’éradiquer le crime organisé en tant que tel en prenant des mesures
contre le blanchissage.; mais ils peuvent, en revanche, contribuer à ce que ce
phénomène ne prenne pas une ampleur démesurée.
Ces diverses possibilités de lutte doivent être introduites sur le plan légal
et complétées par des mesures de procédure pénale. Je pense notamment,
en l’occurrence, aux agents infiltrés ou à une future réglementation concernant
certaines catégories de témoins, comme les «.pentiti.», en Italie. Dans tous les
pays, les autorités policières et judiciaires doivent donc appliquer ces mesures
sans consentir à des compromissions. Cette attitude implique, à tous les
échelons, une coopération internationale renforcée qui soit moins complexe et
plus efficace. Les cours tels que celui d’aujourd’hui, organisés au niveau
international pour les forces de police, peuvent dans une certaine mesure aider
à la réalisation d’une telle ambition, que ce soit par la transmission des
connaissances ou par la formation de réseaux de relations qui s’étendent
au-delà des frontières nationales.
Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, chers Collègues, de votre
attention. Enfin, je réitère mes remerciements à l’Institut des Hautes Etudes de
la Sécurité Intérieure pour son invitation et la qualité de son accueil.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
302
Summary
The financial implications of organised crime
Félix Baënziger
By its central geographic situation, its liberal policy, the strength of its Stock Exchange,
and of its banking and financial systems, Switzerland appears as having an important role
in the economic sector of organised crime.
Organised criminals are appearing to be increasingly respectful of the rules specific to any
businesses. In order to develop, a such venture needs supply, trade and financial logistics.
The real Achilles’heel of our drug trafficking businessman is financial logistics.
There are many money laundering methods, one reason being just the different legal
systems of each country. However, to a certain extent, they all go through the four following
steps :
–the “crossing of national borders” either in a very simple way (suitcase of banknotes) or
in a more sophisticated one (electronic transfer).
–the “invest” of funds in legal activities through a third credited party or a third party of
convenience in order to bypass the possible requirements of notification or identification
of the genuine holder.
–the “layering” which is the setting up of a complex financial network that makes use of
various professional secrecy in order to reinforce the concealment of the funds’origin.
–the “integration”, that is to provide the funds a legal position.
The response to this by the authorities is to undermine the course of this financial process,
to “stop or delay the flow of funds”. To do so, the Swiss authorities have taken, since 1990,
a number of measures to penalise money laundering acts and to make the official financial
organisations more responsible.
For the moment, the financial organisations are free to give or not to give information about
money laundering. The question now is: should this freedom be turned into an obligation.
A proposed law in this direction is currently discussed. The financial organisations have
taken into account the aspiration to have money laundering restrained. For that purpose,
rules of more expeditious practice have been adopted.
L’enjeu économique de la lutte contre la criminalité organisée
303
Resumen
El sector economico de la lucha
contra la criminalidad organizada
Felix Baënziger
Por su posición geográfica central, el liberalismo de su sistema político y la potencia de
su sistema bursátil, bancario y económico, Suiza juega un importante rol dentro del sector
económico de la criminalidad organizada.
Esta última obedece cada vez en mayor medida a las reglas de funcionamiento propias
a cualquier empresa económica. Esta empresa necesita para su desarrollo una logística
de abastecimiento, una logística de ventas y una logística financiera. La logística financiera
es el verdadero talón de Aquiles del empresario traficante de drogas.
Existe una gran diversidad en los métodos de blanqueo de dinero, aunque más no sea
por el diferente régimen jurídico en vigor en los distintos países. Sin embargo, todos
incluyen las cuatro etapas siguientes :
– El «.cruce de las fronteras nacionales.» que puede tener lugar de manera básica (valijas
con billetes) o bajo formas más sofisticadas (transferencia electrónica).;
– El «.depósito.» de los fondos en actividades legales por utilización de terceros reales
o ficticios con el fin de esquivar las eventuales obligaciones de declaración o de identificación de los interesados económicos.;
– El «.loyering.» o borrado de rastros que consiste en la puesta en práctica de una
compleja red financiera que recurre a múltiples secretos profesionales para reforzar el
secreto del origen de los fondos.;
– La «.integración.», operación que consiste en conferir un origen legal a los fondos.
Frente a este panorama, la acción del poder público consiste en dificultar el buen desarrollo
del proceso financiero, «.interrumpiendo o retardando los movimientos de capitales.». Con
este objetivo, las autoridades suizas, a partir de 1990, tomaron una serie de medidas que
apuntan a penalizar las acciones de blanqueo de dinero sucio y a responsabilizar a los
actores financieros internacionales.
Estos últimos benefician actualmente de un libre derecho de comunicación de las
informaciones relacionadas con el blanqueo. Está en discusión si este derecho debe ser
transformado en obligación. Una propuesta de ley en este sentido es examinada en la
actualidad. Las instituciones financieras han tomado en cuenta el deseo de ver limitado
el blanqueo, por lo que han sido dictadas reglas de diligencia profesional.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
304
Crime organisé
et délinquance informatique
Philippe Rosé,
journaliste au journal Le Monde informatique, ancien président
de
l’Institut de recherche international sur le crime informatique
Crime organisé et délinquance informatique
En 1992, dans le cadre d’une étude réalisée pour le compte de l’IHESI
concernant l’évolution de la criminalité informatique à l’horizon 2005, nous
écrivions : «.de nouveaux acteurs apparaîtront, en particulier le crime organisé,
pour des raisons d’opportunité et de nécessité de diversifier ses activités.».1.
À l’époque, une telle analyse pouvait paraître pour le moins incongrue. En
particulier parce que l’on ne disposait guère d’éléments tangibles prouvant
l’implication du crime organisé en matière de délinquance informatique.
Mais, aujourd’hui, force est de reconnaître que certaines tendances se
dessinent. Le crime organisé (notion qui n’englobe pas seulement les mafias
mais aussi les gangs et autres groupes de plusieurs personnes associées pour
commettre des délits en commun) s’intéressent de près aux hautes technologies. Celles-ci ne se résument pas à l’informatique mais incluent également les
télécommunications, les composants électroniques et les cartes de crédit.
On peut identifier quatre catégories de raisons pour lesquelles le crime
organisé et la technologie vont converger :
– l’évolution «.naturelle.» des délits informatiques, qui augmentent fortement,
– des raisons économiques, liées à la baisse des profits générés par les
activités traditionnelles du crime organisé (trafic de drogue, racket, prostitution....), – des raisons politiques, à la fois sur le plan national (par exemple en
Italie) et au niveau international (CF les initiatives du sommet du G7 contre le
terrorisme et le crime organisé),
– des raisons sociologiques, liées à l’émergence de nouvelles générations de
criminels et de mafias, de plus en plus implantées dans les entreprises.
Les tendances du crime informatique
Actuellement, deux tendances sont significatives. Et si l’on se place dans
la perspective des autorou-tes de l’information et du réseau Internet, elles
apparaissent même fondamentales. La première concerne la structure des
menaces internes et externes à l’entreprise. On considère depuis longtemps
1. Rosé (Ph.) : La criminalité informatique à l’horizon 2005, analyse prospective, L’Harmattan, 1992.
que, en moyenne, 70 à 80.% des fraudes informatiques sont d’origine interne.
Mais aujourd’hui, on observe un certain rééquilibrage au profit d’une menace
externe de plus en plus visible. En particulier, l’ordinateur apparaît de moins en
moins comme l’objet même de la délinquance informatique et, de plus en plus,
comme son instrument. Autrement dit, on vole moins un PC pour sa technologie
que pour les informations qu’il contient ou celles auxquelles il permet d’accéder.
On ne compte plus les managers américains dont les micros «.disparaissent.»
lorsqu’ils viennent en visite en Europe. Outre la valeur intrinsèque de l’information contenue dans les machines, les voleurs de micro-ordinateurs portables
peuvent utiliser des accès réseaux dont les mots de passe sont souvent
pré-programmés.
En matière de délinquance informatique, quatre postulats s’appliquent :
1 – toute entreprise détient des informations stratégiques stoc-kées sur
des ordinateurs et qui intéressent ne serait-ce que ses concurrents.;
2 – tout système informatique et de télécommunications comporte au
moins une faille, de même que l’on trouvera tou-jours des bogues dans les
logiciels et l’on trouvera toujours un moyen de contourner un système de
sécurité.;
3 – quiconque a accès à un système d’information est susceptible de
découvrir ces failles. C’est ce qui explique la forte proportion de fraudes
internes. Selon une enquête réalisée en Grande-Bretagne en octobre 1994
auprès de 1.000 entreprises, 75.% des frau-des étaient d’origine interne, dont
15.% commises par des cadres.;
4 – plus les risques de se faire prendre sont faibles et plus la probabilité
d’utilisation malveillante est élevée. Il s’agit d’un postulat classique que l’on
retrouve dans toutes les formes de délinquance.
Les années 1980 : l’informatique se banalise
La seconde tendance de fond de l’évolution des risques concerne le
poids de plus en plus important des détournements d’information et de fonds.
Cet aspect constitue la «.troisième vague.» de la délinquance informatique (voir
tableau ci-après). La première est liée à l’apparition des micro-ordinateurs et à
leur banalisation dans les entreprises. Le problème essentiel, dont on a
abondamment parlé au milieu des années 1980, était le pira-tage de logiciels.
Ceux-ci étaient en effet encore très coûteux et l’offre beaucoup moins étoffée
qu’aujourd’hui. Les entreprises ou plus exactement les éditeurs de logiciels,
puisque ce sont eux qui supportent les préjudices, avaient avant tout affaire à
une menace interne à l’entreprise, de la part d’amateurs dont la motivation
essentielle consistait à voler un bien, fut-il immatériel, pour son usage propre
ou pour l’échanger contre un autre.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
306
Les années 1990 : le hacker-roi
La seconde vague, qui démarre au milieu des années 1980, correspond
à l’émergence des réseaux locaux et étendus, ainsi que des ponts qui les
relient. C’est l’époque des grandes affaires de détournements de fonds et des
«.exploits.» des hackers qui pira-tent la NASA, le Pentagone et toute cible qui
représente un symbole «.politico-technologique.». Dans ce cas, les menaces
ne sont plus simplement internes, mais deviennent également externes, le
hacker étant le plus souvent étranger à l’entreprise dont il pénètre de façon
illicite les systèmes d’information. Les motivations sont à la fois d’ordre économique (par exemple : détourner de l’argent) et ludique (montrer sa supériorité
sur la machine). Les victimes ont affaire à des spécialistes dont le mot d’ordre
est «.voler ou pirater sans être vu.».
Les années 2000 :
les professionnels du cyber-crime
À l’heure de la prolifération des systèmes d’information, de l’informatique
distribuée et des réseaux, bref des futures autoroutes de l’information, apparaissent de véritables «.professionnels.». Le problème est que de moins en
moins d’entreprises se trouvent réellement à l’abri. On peut resituer cette
tendance à l’accroissement de la malveillance dans une perspective historique.
Selon les chiffres du Clusif (Club de la Sécurité Informatique Français), la
malveillance représentait 40.% des pertes totales dues à l’informatique en
1984. Dix ans plus tard, ce poids atteignait 60.% et devrait dépasser largement
les 70.% en l’an 2000.1.
Le problème de l’insécurité des systèmes d’information s’aggrave avec le
développement d’Internet. Internet, c’est l’anonymat, et l’anonymat profite aux
criminels. Lors de la conférence sur la guerre de l’information («.Information
Warfare.»), qui s’est tenue en septembre 1995 à Washington, il fut révélé que 60.%
des plus grandes entreprises sont connectées à Internet sans protection particulière. Et seulement une entreprise américaine sur cinq a défini une politique
vis-à-vis d’Internet, y compris pour protéger leurs informations confidentielles.
Le CERT (Computer Emergency Response Team) a répertorié une
augmentation de 500.% dans le nombre d’intrusions informatiques et une
progression de 710.% dans le nombre de sites piratés, entre 1991 et 1995.
Pour la seule année 1994, 40.000 ordinateurs reliés à Internet ont été attaqués
lors de 2.460 incidents.2. En Grande-Bretagne, les ordinateurs de la mairie de
Londres (City of London) connaissent 1.500 attaques chaque semaine.3. Selon
le FBI, 90.% des affaires de délinquance informatique qui sont traitées concernent directement ou indirectement Internet.4. En février 1994, le CERT avertit
1. Rosé (Ph) : La criminalité informatique l’horizon 2005, op. cit.
2. Sikorovsky (E) : «.New Hacking Penalties to Protect Federal Sites.», Federal Computer Week,
5 juillet 1995.
3. Boyle (B) : «.From Russia with bugs.», Computer Weekly, 26 octobre 1995.
4. Rendleman (J) : «.It’s a Crime, And it Happens On-Line.», Communications Week, 28 mars 1994.
Crime organisé et délinquance informatique
307
les utilisateurs d’Internet d’un vol de plusieurs dizaines de milliers de mots de
passe, dont 6.000 pour l’université de Berkeley.1. Sur l’ensemble de l’année 1994,
le CERT a dénombré pas moins de 2.341 fraudes sur Internet, contre seulement
six en 1988.2. En outre, des réseaux comme Internet favorisent le piratage de
logiciels. Avec un modem rapide, il suffit de quelques minutes pour télécharger
des logiciels stockés sur des serveurs.3. On estime qu’en 1994, sur les trois mille
accès illicites perpétrés via Internet, seulement 3 à 15.% sont reportés.4.
Avec la tendance à «.l’externalisation.» du crime infor-mati-que, il est
logique de voir surgir des nouveaux acteurs. Le crime organisé ne peut que
s’intéresser au crime informatique. Comme le souligne Louis Freeh, directeur
du FBI, «.nos ennemis sont loin d’être stupides. Ils comprennent comment
atteindre leurs objectifs en acquérant des parts de marché.».5.
La vulnérabilité des entreprises
demeure préoccupante
Le problème est que le niveau de sécurité des entreprises n’a guère
évolué. Les entreprises doivent donc se battre sur plusieurs fronts car il leur
faut à la fois éviter :
– de perdre de l’argent (par exemple avec un détournement de fonds par
ordinateur).;
– de perdre leur image.;
– de perdre leur savoir-faire (cas d’accès à des fichiers des centres de
recherche-développement).;
– enfin, de perdre leur patrimoine. Selon les assureurs américains, les vols de
matériels ont occasionné, en 1993, un préjudice d’un milliard de dollars aux
entreprises. Et seulement 7.% des maté-riels sont retrouvés, selon les statistiques du FBI.
Plusieurs affaires récentes montrent que les failles sont toujours là. Par
exemple, en novembre 1994, le piratage des bases de données de l’opérateur
britannique British Telecom eut pour effet de mettre sur la place publique les
numéros de télé-phone privés de la famille royale, ainsi que la localisa-tion de
certaines antennes des services secrets.6. En novembre 1994 également, des
escrocs ont profité du chan-gement de version de logiciel d’une banque pour
voler 340.000 dollars dans des distri-buteurs automatiques de billets, avec une
seule carte de crédit.7.
1. Kehœ (L) : «.Internet.» break-ins «.add to fears on computer security.», Financial Times, 5 février
1994.
2. Cheswick (W) : «.Internet bad Guys Ruin Your Competitive Edge.», Computerworld, 31 mai 1995.
3. Mizio (F) : «.Copies non conformes.», Libération, 19 mai 1995.
4. Rendleman (J) : «.The New Internet Intruders.», Communications Week, 30 janvier 1995.
5. Discours de Louis Freeh à l’International Association Of Chiefs of Police, Albuquerque, 18 octobre
1994.
6. Cf. Fleming (S) : «.The BT Hacker Scandal : How I hacked into security files.», The Independent,
24 novembre 1994, Kelsey (T) : «.Unvetted BT staff can still access database secrets.», The
Independent, 25 novem-bre 1994, Evans (D) : «.Crime and Punishement.», Computer Weekly, 1er
décembre 1994.
7. Sur cette affaire, voir Anderson (D) : «.Wild Ride with Hot Card.», The Oregonian, 8 février 1995.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
308
Plusieurs études montrent également que le niveau de sécurité n’a guère
évolué. Une étude publiée en juin 1995 par Olsten Corp.1 a montré que les
problèmes de sécurité sont les plus criants lorsque les entreprises étendent
et/ou modernisent leurs systèmes d’information. En un an, la proportion d’entreprises qui placent la sécurité comme priorité numéro un est passée de 50.%
à 75.%. En 1994, la priorité était l’intégration de systèmes, avant la sécurité.
Aux États-Unis, une analyse portant sur 35.000 utili-sateurs publiée en août
1994.2 révèle que 11.% des mots de passe n’étaient jamais changés pour les
accès aux réseaux locaux, que 22.% des utilisateurs disposaient de privilèges
équivalents à ceux de l’administrateur de réseaux, que 90.% des mots de passe
n’étaient pas modi-fiés périodiquement et, enfin, qu’un quart des mots de passe
étaient triviaux, c’est-à-dire relativement faciles à deviner, d’autant qu’il existe
des outils de recherche de mots de passe utilisés par les hackers du monde
entier.3. Une autre étude, publiée par le cabinet Ernst & Young en décembre
1994 portant sur 1.271 entreprises montre que 60.% de celles-ci ont déjà été
attaquées par des virus informatiques, que, pour 82.% des directeurs informatiques, les risques ont crû au moins autant que l’informatisation. La moitié des
entreprises interrogées ont subi des pertes, dont certaines à plus de un million
de dollars. Il est intéressant de noter qu’un tiers des entreprises qui ont subi
des préjudices n’ont pas été capables d’en évaluer le montant.
Une enquête, menée par l’université du Michigan auprès de 500 entreprises américaines et révélée en octobre 1995, a montré que, sur 150 entreprises ayant répondu, 98,6.% (soit 148 sur 150), ont avoué avoir été victimes
d’actes de malveillance informatique. Pire, 43.% ont reconnu avoir été attaquées plus de 25 fois. Parmi les actes identifiés figurent les fraudes sur les
cartes de crédit, sur les télécommunications, des accès non autorisés aux
fichiers informatiques et le piratage de logiciels. L’étude conclut également que
75 à 80.% des cas proviennent de l’inté-rieur de l’entreprise.4.
En 1996, un tiers des 428 responsables informatiques interrogés par
l’Institut pour la Sécurité Informatique (CSI) et le FBI ont avoué : leurs ordinateurs ont été piratés au moins une fois au cours des douze derniers mois. Et
dans la moitié des cas, les auteurs étaient salariés de l’entreprise. Vingt-deux
entreprises et organisations ayant répondu à l’enquête ont même été attaquées
plus de dix fois. Les responsables informatiques interrogés ont eu ainsi affaire
à des attaques aussi diverses que des altérations de données, notamment
financières et médicales, de l’espionnage de la part de concurrents et du
piratage de hackers. Mais les entreprises restent très discrètes : seulement
17.% ont informé la police des actes dont elles ont été victimes.
En Grande-Bretagne, le rapport de l’Audit Commission, rendu public en
octobre 1994.5 révèle que, sur mille entreprises, 36.% ont été victimes de
1. Managing Today’s Automated Workplace, Olsten Forum Information Management, 1995.
2. Citée dans Infoworld, août 1994 et dans Computer Weekly : «.Users Lax on Lan Security.», 28 avril
1994.
3. Voir Secrets of a super hacker, Loompanics Unlimited, Port Townsend, Washington, 1994, 205
pages. Cet ouvrage divulgue plusieurs listes des mots de passe les plus courants utilisés dans le monde
anglo-saxon.
4. Anthes (G) : «.Security plans lag computer crime rate.», Computerworld, 6 novembre 1995.
5. HMSO : Opportunity makes a thief, 1994. Cane (A) : «.Computer fraud shows sharp increase.»,
Financial Times, 13 octobre 1994.
Crime organisé et délinquance informatique
309
fraudes informati-ques en 1993 (la pro-portion n’était «.que.» de 12.% deux ans
plus tôt), pour un coût moyen de 300.000 francs. L’étude montre également
qu’un quart des entreprises ne disposent d’aucune procédure d’audit, que 60.%
n’ont jamais formé leurs salariés à la sécurité et que 80.% n’ont jamais procédé
à une étude de risques. Dans le secteur gouvernemental, l’Audit Office a
calculé, en mars 1995, que les systèmes d’information publics ont fait l’objet
de 655 cas de pénétration illicite, dont 17.% ont réussi. De même, les vols de
matériels et de logiciels ont été estimés à cinquante millions de francs.1.
L’association britannique des banques estime que la fraude informatique, au
niveau mondial, s’élève à au moins 8 milliards de dollars par an. Une enquête
menée par PA Consul-ting Group en août 1995 a montré que les fraudes
informatiques coûtaient au moins 300 millions de francs (40 millions de livres)
par jour. Une autre étude, menée par le cabinet Coopers & Lybrand en
Grande-Bretagne et publiée en septembre 1995.2, a conclu que 60.% des
grandes entreprises britanniques ont connu des problèmes liés à l’interruption
de leurs systèmes informati-ques. Ainsi, 67.% ont enregistré des attaques par
virus, 32.% des problèmes de sécurité interne, 32.% ont constaté des erreurs
dans les informations générées par les ordinateurs.; dans 31.% des cas,
l’informatique s’est complètement arrêtée, 12.% ont connu des fraudes informatiques et 8.% des tentatives de péné-tration externes de leurs systèmes.
Parmi les causes de cette situation, les entreprises interrogées ont mentionné
l’inadéquation des procédures de sécurité (56.%) et le manque de tests (47.%).
En France, on ne dispose malheureusement pas de chiffres aussi précis,
mais il y a fort à parier que la situation des entrepri-ses n’est guère différente
par rapport au monde anglo-saxon. On pourrait même craindre qu’elle soit pire,
dans la mesure où les américains et les anglais ont une culture sécurité et audit
beau-coup plus prononcée que dans les pays latins, phénomène que l’on a
déjà mis en évidence.3.
On discerne donc des possibilités accrues pour des menaces terroristes,
qui auraient des effets dévastateurs. Lorsque que, en septembre 1991, un
simple central téléphonique d’ATT tombe en panne, 5,5 millions de communications téléphoniques furent perdues et plus de 500 vols annulés, du fait de la
paralysie du contrôle aérien. De même, en février 1995, le système de télécommunications en fibre optique de l’aéroport de Francfort fut saboté, entraînant l’arrêt d’un système de réservation de Lufthansa (et accessoirement le
système de communication d’un hôpital voisin).
La menace d’une catastrophe informatique est loin d’être hypothétique.
En juin 1995, un groupe de pirates informatiques projetait, en France, une
opération d’envergure contre des objectifs précis, tels que Dassault, l’Aérospatiale et le système informatique de la RATP.4. On le voit par exemple lors
d’attentats physiques. Quand, le 23 février 1993, le World Trade Center,
1. Notons à cet égard une recrudescence très forte du vol de puces, notam-ment en Europe du Nord,
à cause de l’inversion de cycle offre/demande que l’on connaît depuis un an (en liaison avec le sinistre
de Kobe, la sortie de Pentium et de Windows 95). Nombre de micro-ordinateurs sont volés en vue de
récupérer les microprocesseurs et les mémoires.
2. Riley (J) : «.Majority of top users suffer system failure.», Computer Weekly, 21 septembre 1995.
3. Rosé (Ph) : La criminalité informatique, PUF, Que Sais-Je, 1988, 128 pages, chapitre II.
4. Astor (Ph), Tavoillot (P-A) : «.Piratage : la menace d’un.» Tchnernobyl «.informatique.», La Tribune
Desfossés, 11 octobre 1995, p. 34.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
310
immense building du sud de Manhattan, à New York, est la cible de terroristes
islamistes, ce n’est pas tant la facture concernant la reconstruction de l’immeuble qui est importante, que les pertes immatérielles : les ordinateurs détruits,
les liaisons de télécommunications compromises, les données perdues, qui ont
coûté, au total, plus de 700 millions de dollars.1.
En mai 1996, le GAO (General Accounting Office) américain a publié un
rapport.2montrant l’extrême vulnérabilité des ordinateurs du Pentagone à des
attaques externes. Le GAO a dressé un bilan guère reluisant de la sécurité des
ordinateurs du Département de la Défense des États-Unis. Le rapport, remis
aux sénateurs dans le cadre d’une audition sur «.l’Information Warfare.» (la
guerre de l’information) évalue ainsi à 250.000 le nombre de pénétrations des
systèmes informatiques par des pirates au cours des douze derniers mois. Un
chiffre qui paraît important, mais le Département de la Défense ne contrôle pas
moins de 2,1 millions d’ordinateurs, 10.000 réseaux locaux, 100 réseaux
longue distance. Les deux tiers de ces attaques ont réussi et seulement 1.% a
été détecté à temps, estime le GAO.
Selon son rapport «.les pirates ont pu prendre le contrôle de systèmes
entiers de défense, dont beaucoup concernent des fonctions critiques telles
que la recherche et développement sur les systèmes d’armement. Ils ont
également modifié des données, détruit des informations et volé des logiciels.».
Parmi les exemples cités par le GAO : deux hackers ont pénétré les ordinateurs
d’un laboratoire de l’Armée de l’air, dans l’État de New York, et ont mis la main
sur les ordres de missions en temps de guerre destinés aux pilotes, ainsi que
sur les messages électroniques sur des projets de recherche en intelligence
artificielle. En outre, les ordinateurs du laboratoire ont été utilisés pour télécharger des données stockées dans un centre de recherches atomiques situé en
Corée du Sud. Une affaire qui a coûté au moins un demi-million de dollars aux
militaires américains. «.Au mieux, ces attaques coûtent plusieurs millions de
dollars au département de la Défense. Au pire, elles constituent une menace
sérieuse pour la sécurité nationale.», précise le rapport du GAO.
Les raisons économiques
La criminalité organisée doit faire face à une érosion de la rentabilité de
ses activités traditionnelles. Comme les gouvernements, le crime organisé est
confronté à un déficit de son budget. Certes, les gains réalisés par les activités
occultes est encore énorme.
Le chiffre d’affaires de la mafia italienne est estimé entre 75 et 90
milliards de francs chaque année, avec de confortables bénéfices avoisinant
les trente milliards de francs. Mais aujourd’hui, les profits s’effondrent. Selon le
quotidien milanais Il Mondo, ils ont fondu de 17.% au cours des quatre premiers
mois de 1995.3. Notamment parce que le marché des travaux publics s’effon1. Astor (Ph), Tavoillot (P-A), ibid.
2. United States General Accounting Office : Information Security : Computer Attacks at Department
of Defense Pose Increasing Risks, may 1996, 44 pages.
3. D’Antona (E) : «.Cosa Nostra and Co ne font plus recette.», Il Mondo, in Courrier International,
29 septembre 1995.
Crime organisé et délinquance informatique
311
dre, le trafic de drogue est moins facile et les saisies de biens par la police se
multiplient. Sans compter l’opération «.Mains Propres.», qui a fragilisé les
organisations mafieuses. Comment se recon-vertir.? Nul doute que, les criminels de la mafia étant générale-ment intelligents et astucieux, ils verront tôt ou
tard les énormes potentialités offertes par l’informatique, les réseaux et Internet.
Par exemple pour faciliter le blanchiment de l’argent de la drogue.
La mafia ne renoncera pas à un formidable outil de criminalité immatérielle.
Que rêver de mieux pour blanchir de l’argent, sous des façades respectables.?
Lorsque les polices française et américaine ont engagé au cours de l’été 1994
l’opération «.Margarita.» contre les cartels colombiens, parmi la centaine de
suspects interpellés figurait un ingé-nieur informaticien. Mais on a jamais su son
rôle exact. Les organisations mafieuses sont plus puissantes que jamais et prêtes
à explorer les nouvelles possibili-tés offertes par la finance internationale.1. Et, de
ce point de vue, la mafia italienne ne sera pas plus redoutable que la mafia russe,
d’autant qu’un récent rapport de l’OCDE a dénoncé les rapports étroits qui unissent
les organisations criminelles et les entreprises.2.
Selon les statistiques du FBI pour 1995, le gain moyen d’un criminel qui
perpétue un vol a été de 1248 dollars, de 4940 dollars pour un vol de voiture.
Pour le trafic de drogues, ce gain est évidemment encore très élevé, en fonction
du prix du gramme, mais, à long terme, le risque de dépénalisation n’est pas
exclu dans la plupart des pays industrialisés, les plus gros consommateurs de
ces substances. En comparaison, un détournement de fonds assisté par
ordinateur peut rapporter plusieurs dizaines ou centaines de millions de dollars.
Les raisons politiques
Les organisations criminelles organisées sont de plus en plus sous le
feu des polices. Non seulement au niveau des discours (par exemple ceux de
Louis Freeh, le directeur du FBI, qui fustige régulièrement les activités des
mafias), mais également sur le plan des actes. Le Président Clinton vient ainsi
de créer une unité spéciale chargé du contre-terrorisme, dont les compétences
couvrent les actes de terrorisme informatique, dont on verra par la suite que
c’est l’un des objectifs possibles du crime organisé. En Italie, les mafias sont
de plus en plus mises à rude épreuve. Citons les quelques dernières affaires :
– en janvier 1996, à Palerme, des biens immobiliers, d’une valeur de 1,2
milliard de francs, apppartenant à des mafieux ont été confisqués.;
– en janvier 1996, l’opération «.terre brûlée.» aboutit à l’arrestation, à Naples,
de 88 personnes appartenant à la mafia.;
– en février 1996, 23 mafieux sont arrêtés à Messine.;
– en mai 1996, des biens immobiliers d’une valeur de trois milliards de francs
ont été confisqués.;
– en juin 1996, à New york, dix-neuf membres du clan Genovese sont arrêtés.;
– en juillet 1996, vingt mafieux sont arrêtés à Rome.
1. Voir, Waller (L) : Mafia Wars, Ed. Mandarin Paperbacks, 1992, 502 pages.
2. «.L’OCDE critique les liens mafia-entreprises russes.», Les Echos, 4 octobre 1995.
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de haute spécialisation pour les forces de police
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Les raisons sociologiques :
de la «.low-tech.» vers la «.high-tech.»
De nouvelles générations de criminels sont apparues. Plus jeunes, il sont
également plus «.modernes.» que la traditionnelle mafia italienne. On connaît
par exemple le problème croissant des gangs asiatiques qui sévissent sur la
côte ouest des États-Unis, ou celui de la mafia russe. Celle-ci contrôle près de
4000 banques, dont dix des vingt-cinq plus importantes. Les actifs contrôlés
par les organisations criminelles sont estimés à 60-70 milliards de dollars. La
mafia russe contrôle également environ 40000 entreprises... la plupart équipées d’ordinateurs. En janvier 1995, Louis Freeh, le directeur du FBI, a fait le
voyage de Washinton jusqu’à Londres pour rencontrer les responsables du
contre-espionnage britannique. À l’ordre du jour de la réunion : comment lutter
contre les pirates informatiques russes qui menacent l’économie des ÉtatsUnis. Le détournement de 11 millions de dollars des comptes de la Citibank
par un pirate russe, probablement lié à la mafia de Saint Petersbourg et utilisant
un simple ordinateur portable et un modem constitue une illustration de ce
problème. Ce hacker a réussi à pénétrer dans le système informatique de la
banque américaine, à voler 400000 dollars et à effectuer un virement électronique de près de douze millions de dollars avant d’être appréhendé par la police
britannique au début de cette année. La Citicorp a réussi, avec l’aide de la
police et de l’opérateur de télécommunications russe, à remonter la filière
jusqu’à un jeune programmeur de 28 ans, Vladimir Levin, qui travaillait dans
une société commerciale à Saint-Pétersbourg. Il a simplement utilisé un
ordinateur portable pour commettre son acte. Le hacker russe avait au moins
un complice aux États-Unis, qui contrôlait deux sociétés en Californie et sur les
comptes desquelles ont été transférés une partie des fonds, le reste ayant été
versé sur des divers comptes bancaires dans six autres pays, dont la Suisse
et Israël.
Deux tendances caractérisent le crime organisé. D’une, on assiste à une
reconversion vers une meilleure maîtrise des potentialités criminelles de la
technologie. On passe ainsi d’activités plutôt traditionnelles, la Low-Tech, vers
la High-Tech.
La Low-Tech regroupe, du point de vue criminel, des activités technologiques à base matérielle (ou faiblement logicielle), par exemple les vols de
puces ou la fraude sur les cartes. C’est un domaine où, déjà, les gangs
organisés sont à l’œuvre : en 1995, quatre cents entreprises de la Silicon
Valley, la région du sud de San Francisco qui concentre la plupart des
entreprises de hautes-technologies, ont été victimes de voleurs de puces
informatiques, dont la valeur, au poids, est supérieur à celle de l’or et, dans
certains cas, de leur équivalent en drogue. Le record a été battu en 1995, avec
un vol de 10 millions de dollars dans les locaux de la société Centon Electronics,
à Irvine, en Californie. Entre janvier et mai 1996, 45 entreprises de la Silicon
Valley ont été victimes de vols de puces.
La High-Tech (fraude informatique, espionnage et terrorisme). L’étape
intermédiaire étant le transfert de fonds utilisé pour le blanchiment de l’argent
de la drogue. Selon les banques suisses, la mafia des pays de l’Est y a transféré
Crime organisé et délinquance informatique
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quatre milliards de dollars en 1994, contre 2,2 en 1992. Mais on discerne déjà
les premiers jalons de l’implication criminelle des mafias dans l’informatique :
selon le FBI, il existe 25 gangs russes aux États-Unis qui sont spécialisés dans
la fraude informatique, implantés dans 17 villes et comptant près de 2000
membres. Autre exemple : le quotidien britannique Sunday Times a révélé en
juin 1996 que les ordinateurs de sociétés financières de la City de Londres
étaient sous la coupe d’organisations mafieuses.
Au total, 400 millions de livres ont été extorqués, en trois ans, à des
institutions financières. Par exemple, en 1993, une société de banque a versé
10 millions de livres sur un compte en Suisse, une banque a payé 12,5 millions
de livres. La technique est toujours la même : les gangs se procurent de
l’information sur les ordinateurs de leurs victimes puis démontrent leurs capacités à saboter ces systèmes.
L’autre caractéristique est la globalisation/transnationalisation des mafias. On passe ainsi d’une implantation locale à une implantation planétaire.
«.Les organisations criminelles étendent leurs territoires. Elles concluent des
partenariats à une échelle sans précédent, des cartels, des accords qui les
aident a gagner toujours plus d’argent, tuent leurs opposants, neutralisent la
police et commencent à détruire les gouvernements.».1, souligne Louis Freeh,
directeur du FBI.
La mafia russe (5700 gangs regroupant 250000 criminels.2), de même
que les triades asiatiques sont très actives aux États-Unis. «.Nous savons que
les gangs asiatiques constituent un problème dans seize États.», indique le
directeur du FBI.3.
Au total, les mafias se globalisent (vers la sphère économique) et
deviennent transnationales (exportation du savoir-faire). On passe de l’influence essentiellement locale (jusqu’aux années 70) à une influence économique (maintenant) et on s’oriente vers la recherche d’une influence politique
(d’où des risques de terrorisme).
L’étape suivante sera vraisemblablement le cyber-terrorisme : «.les
attaques terroristes du futur ne seront pas limitées aux bombes et autres armes
conventionnelles. C’est un fait que les entreprises, les gouvernements et les
individus utilisent de plus en plus des ordinateurs.; les terroristes utiliseront eux
aussi les cyber-attaques pour viser les infrastructures critiques du pays.»,
soulignait le 14 juillet 1996 Janet Reno, l’Attorney General de Bill Clinton,
lorsque ce dernier annonça la création d’une unité spéciale anti-terroriste,
entres autres pour lutter contre ce type de menaces.
Le cyber-terrorisme est d’ailleurs l’un des scénarios étudiés par la Rand
Corporation dans son étude prospective sur «.l’Information Warfare.».4 : «.la
Russie est confrontée à un accroissement de ses problèmes internes, notam1. Louis Freeh, directeur du FBI, discours de Berlin, 28 juin 1994.
2. «.Russian computer hacker alarm FBI.», Sunday Times, 12 février 1995.
3. Discours de Louis Freeh, Annual International Asian Organized Crime Conference, Boston, 6 mars
1995. Voir également : Russian Organized Crime, California’s Newest Threat, Office of the Attorney
General, mars 1996. «.Asian gangs growing influence.», San Jose Mercury News, 4 janvier 1994.
4. Molander R., Riddile A., Wilson P. : Strategic Information Warfare, a New face of War, National
Defense Research Institute, Rand, 1996, 90 pages.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
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ment le banditisme du cyberspace, techniques employées par les mafias
russes. Ces groupes obtiennent certains succès en attaquant les banques
européennes et américaines, dont les pertes ont atteint deux milliards de dollars
en 1999. Les occidentaux soupçonnent le crime organisé russe d’avoir recruté
des pirates informatiques, dont certains sont passés sous le contrôle des
services secrets russes..»
Face à de telles menaces, actuelles et futures, l’enjeu auquel sont
confrontées les forces de police est triple :
– Instaurer de nouvelles lois, par exemple pour contrôler Internet ou
l’usage de technologies complexes (par exemple les systèmes de chiffrement
des données informatiques) par le crime organisé. «.Nous devons lutter contre
des organisations qui, comme le cartel de Cali, utilisent un système de
positionnement par satellite et qui recrutent des programmeurs informatiques
pour écrire des programmes codés de sorte que les forces de police ne peuvent
intercepter leurs conversations.».1.
– Utiliser de nouvelles compétences : «.les nouveaux agents formés à
Quantico, à l’Académie du FBI, sont désormais dotés d’un ordinateur portable,
en plus de leur badge et de leur arme.».2. Louis Freeh, directeur du FBI estime
que «.si les forces de police perdaient leur capacités techniques à intercepter
les conversations des criminels avec les nouveaux systèmes numériques, les
conséquences seraient tragiques et, peut-être, irréparables.».3.
– développer la coopération internationale.
1. Discours de Louis Freeh, American Bar Association, Washington D.C., 6 mars 1996.
2. Ibid.
3. Discours de Louis Feeh, Conference of Mayors, Washington D.C., 26 janvier 1996.
Crime organisé et délinquance informatique
315
Références
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– Bischoff (D), Hackers, Harper Paperbacks, 1995
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français, Addison-Wesley, 1995.
– Branscomb (A-W), Who owns Information.?, Harper & Collins, 1994.
– Clough (B), Mungo (P), La délinquance assistée par ordinateur,
Dunod 1993.
– Cohen (F), Protection and Security on the Information Superhighway,
Wiley & sons, 1995.
– Guisnel (J), Guerres dans le cyberespace, services secrets et Internet,
La découverte, 1995.
– Lamère (J-M), Rosé (Ph), Menaces sur les autoroutes de l’information,
L’Harmattan, 1996.
– Le Doran (S), Rosé (Ph), Cyber-thrillers, 35 histoires vraies de délinquance informatique, Albin Michel, 1996.
– National Research Council : Computer at Risks, Safe Computing in
the Information Age, National Academy Press, 1991.
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– Rosé (Ph), La criminalité informatique à l’horizon 2005, analyse
prospective, L’Harmattan, 1992.
– Secrets of a Super hacker, Loompanics Unlimited, 1994.
– Slatalla (M), Quittner (J), Masters of Doom, the Gang that ruled
Cyberspace, Harper & Collins, 1994.
– Schwartau (W), Information Warfare, Chaos on the Electronic Superhighway, First Trade Paperback, 1994.
– Sterling (B), The Hacker Crackdown, Law and Disorder on The
Electronic Frontier, Bantam Books, 1992.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
316
Summary
The trends of computer crime
Philippe Rosé
One hundred per cent computer security is non existent. No system is perfectly secure
and the risk for the hacker is minimal.
The history of computer crime doesn’t reach far back in time. It can however be split into
three eras. In the 80s the trend was dishonest appropriation of funds or of items of
intelligence (it was the period of the theft of software). The 90s is the hackers’era (illegal
entry into computer systems). We came out of the low technology era (thefts of chips) into
the high technology era (computer crime). The computer had become the vehicle of
computer crime instead of being its mere target. In the 2,000s the dangers to come are
going to be cyber crime professionals, insecurity of computer systems and misuse of the
internet. The FBI estimates are that 90% of computer crime cases are related to the web.
Risks of cyber terrorism and computer pirating are not excluded.
The interest that organised crime finds in computerised high technology is based on at
least four reasons:
–One is the corporations low level of protection. Private corporations or companies are
poorly protected and once they’ve been victimised, they tend not to report the crime.
–Another is the progressively reduced profit that organised crime gets from its traditional
activities. (building companies for instance). This makes it necessary to develop a
substitution economy. Misappropriation of funds through computer crime can be part of it.
–Another is political. The awareness of computer risks is only very new among political
executives.
–Finally, sociological reasons. The executives of organised crime have gown up from a
new generation. They are younger and with a better knowledge of the computer tool.
Moreover, the global transnationalisation of organised crime organisations make it necessary to adopt operational systems adapted to planetary action.
In order to fight against it, we must insist on a normative activity : the vote of sections of
the law which should make it possible to have an overview of what happens on the internet,
the use of new operative skills (training of specialists) and the development of international
co-operation.
Crime organisé et délinquance informatique
317
Resumen
Las tendencias del crimen informatico
Philippe Rosé
La informática segura en un 100.% no existe. Todo sistema tiene sus fallas y los riesgos
de ser descubierto son mínimos.
La historia del crimen informático es reciente, pudiendo ser dividida en tres etapas :
– En los años 80, malversación de fondos o de información (período de piratería de
programas).
– Los años 90 marcan la etapa de los «.hackers.» o piratas informáticos (penetración
ilícita). La computadora tiende a convertirse en el instrumento más que en el objetivo de
la delincuencia informática. Pasamos de la era de la «.low technology.» (robo de chips) a
la high technology (fraude informático).
– Para el año 2.000 se prevén los siguientes peligros : profesionales del cyber-crimen,
inseguridad de los sistemas de información, utilización delictiva de la red Internet. En
efecto, el FBI estima que el 90.% de los casos de delincuencia informática conciernen
esta red. No deben excluirse tampoco los riesgos de cyber-terrorismo y de piratería
informática.
El interés del crimen organizado en la alta tecnología está fundado en al menos cuatro
razones :
– La inquietante vulnerabilidad de las empresas. Poco protegidas, estas últimas hacen
rara vez una denuncia una vez descubiertos los hechos.
– La erosión de la rentabilidad de las actividades tradicionales del crimen organizado (la
construcción, por ejemplo) hace necesario el desarrollo de una economía de sustitución.
La malversación de fondos por computadora puede formar parte.
– Las razones políticas, ya que la toma de conciencia del peligro informático por parte de
las autoridades públicas es muy reciente.
– Las razones sociológicas, por la renovación de los dirigentes del crimen organizado.
Estos nuevos dirigentes, más jóvenes, se ven atraídos por la informática. Además, la
globalización y la internacionalización de las mafias hacen necesaria la adopción de un
procedimiento de acción de dimensión planetaria.
Para enfrentar el crimen informático, debe ponerse el acento sobre la actividad normativa
(votando leyes que den un marco jurídico a Internet), la utilización de nuevas competencias
(formación de especialistas) y el desarrollo de la cooperación internacional.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
318
La criminalité informatique
le rôle de la police judiciaire
Daniel Padoin,
commissaire principal de police, chef du service d’enquêtes
sur les fraudes aux technologies de l’information (SEFTI)
àla la
préfecture
de police de Paris
le rôle deLa
police
criminalité
judiciaire
informatique
Le développement considérable des systèmes de traitement automatisé
d’informations place les utilisateurs dans un état de dépendance à l’égard de
leur système et s’est accompagné, ces dernières années, d’une nouvelle forme
de délinquance visant à s’introduire, à des fins frauduleuses dans les systèmes
en vue de détruire, de modifier ou de s’emparer des informations qu’ils
contiennent.
Cette menace nouvelle ne doit pas être occultée ou minimisée.
Centre vital, outil stratégique, le système informatique d’une entreprise
est en même temps son point le plus sensible, son talon d’Achille.
Moins de dix ans auront suffi pour que la malveillance informatique soit
en passe de devenir le risque industriel et économique numéro 1.
Selon les estimations communiquées par le Centre de Documentation
et d’Information de l’Assurance (CDIA), les pertes provoquées par des accidents ou des malveillances intervenus dans l’exploitation des moyens informatiques par rapport aux pertes globales sont passées de 37.% en 1985 à 58.%
en 1995 et ceci pour un montant évalué à environ 6,4 milliards de francs.
Un chiffre noir très important
Le nombre de fraudes informatiques signalées aux services de police
judiciaires est très inférieur à celui connu des sociétés d’assurance et représente environ 10.% des cas rapportés chaque année par le CDIA
Cette répugnance des victimes à dévoiler les défaillances de leurs
systèmes informatiques, s’explique par des raisons d’image commerciale et
par une rétention de l’information à chaque niveau dans l’entreprise victime
d’une malveillance.
Cet aspect se retrouve dans tous les pays touchés par ces nouvelles
infractions.
Le premier délit informatique signalé aurait eu lieu aux États-Unis en
1958 mais la première infraction liée à l’informatique identifiée comme telle et
poursuivie au niveau fédéral, une altération d’états bancaires à Minneapolis,
n’est intervenue qu’en 1966. dans les pays nordiques, le premier délit informatique poursuivi, un cas de contrefaçon de logiciel caractérisé, a été commis en
février 1968 en Finlande.
L’Assemblée Plénière des Sociétés d’Assurances Dommages (APSAD),
puis le Club de Sécurité Informatique Français (CLUSIF) ont mis en place
depuis 1983 un observatoire de la sinistralité des risques informatiques,
permettant d’évaluer l’impact économique et plus encore son évolution dans le
temps (à méthode d’évaluation constante).
La présentation de ces chiffres démontre l’accroissement considérable
des malveillances au cours des six dernières années. ces atteintes volontaires
sont à l’origine de 59.% des sinistres informatiques en 1995, pour un total de
près de 7 milliards de francs de pertes pour les entreprises françaises. Sur ce
volume total de malveillances, ce sont les fraudes qui ont coûté le plus cher
(1,67 milliards).
La France, avec la loi du 5 janvier 1988 qui incrimine les comportements
délictueux contre les traitements automatisés d’informations dont la répression
s’était révélée aléatoire dans le passé, s’est dotée d’un arsenal juridique
complet et cohérent.
Ce texte s’ajoute à la loi du 6 janvier 1978, «.Informatique, Fichiers et
Libertés.» et à celle du 3 juillet 1985 relative à la protection des logiciels.
Le rôle de la police judiciaire
La police judiciaire n’a pas attendu la construction européenne pour
prendre conscience de la nécessité d’une coopération internationale. Créé dès
avant la dernière guerre mondiale, plus connu sous le nom D’interpol mais plus
justement dénommée «.Organisation Internationale de Police Criminelle.», un
organisme réunissant des représentants des polices de la plupart des pays du
monde, échange des informations générales et particulières sur toutes les
nouvelles formes de délinquance parmi lesquelles figure la délinquance informatique qui ne connaît pas les frontières étatiques.
De même, a été créé Europol en vue de gérer les bases de données
communes indispensables à toute action policière coordonnée dans une
structure qui tend chaque jour davantage vers le fédéralisme.
Pour mettre en application ces différents textes et lutter contre cette
nouvelle forme de délinquance, la Police Nationale a réalisé un effort d’adaptation nécessaire pour mener, avec un niveau technique suffisant, les enquêtes
dont elle est saisie en ce domaine. Deux nouveaux services de police judiciaire
ont ainsi été créés. Au plan national et rattaché à la Direction Centrale de la
Police Judiciaire, la Brigade Centrale de Répression de la Criminalité Informatique (BCRCI) est chargée de mener des enquêtes ayant des aspects nationaux ou internationaux, d’assister les Services Régionaux de Police Judiciaire
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
320
et d’assurer l’interface avec les services internationaux (Interpol et Groupe de
Travail européen sur la Fraude Informatique).
Le Préfet de Police de Paris, M. Philippe Massoni, a créé au sein de la
Sous-Direction des Affaires Economiques et Financières de la Direction de la
Police Judiciaire parisienne, le Service d’Enquêtes sur les Fraudes aux Technologies de l’Information (SEFTI) qui mène lui aussi ses enquêtes avec une
compétence territoriale étendue à la capitale et aux trois départements de la
petite couronne. Le SEFTI assure également un soutien technique aux autres
services ainsi que des actions d’information sur ces nouvelles formes de
délinquance.
Répartition des pertes dues à des malveillances informatiques
en France en 1995
Attaque logique
18 %
Autres
42 %
Divulgation
13 %
Vol
3%
Fraude (non physique)
24 %
Source : CLUSIF
Les enquêtes judiciaires
Le droit pénal ne peut constituer la seule réaction face à la fraude
informatique. En revanche, son usage devrait être beaucoup mieux intégré par
les responsables de systèmes de traitement automatisé d’informations.
Il ne doit venir, en effet, qu’en appui des indispensables mesures de
sécurité mises en place de façon préventive et dont la violation éventuelle
établira la trace et la preuve nécessaires à la caractérisation des délits.
Contrairement aux habitudes actuelles consistant, la plupart du temps,
à régler de façon interne et sans faire appel à la justice, les victimes devraient,
dès la fraude décelée, se tourner vers les services de police spécialisés pour
effectuer, sous forme contradictoire, les constatations et surveillances indispensables à un bon établissement de la preuve.
La criminalité informatique
le rôle de la police judiciaire
321
Le nombre d’affaires de fraudes informatiques traitées en France entre
1981 et 1995 reste limité. Après une brutale augmentation entre 1983 et 1986,
où a été constaté un doublement annuel des saisines, le phénomène s’est
quelque peu stabilisé, puis a de nouveau crû de 1989 à 1994. L’augmentation
la plus importante s’est produite au cours de l’année 1995, puisque les
procédures pénales qui étaient au nombre de 72 en 1994 sont passées à 149
en 1995. Il est cependant difficile de dire s’il s’agit d’une augmentation réelle
du phénomène ou d’une diminution du chiffre noir.
Il convient de remarquer également que dans de nombreux cas, l’informatique est utilisée comme moyen de commission d’une infraction dont la
qualification est d’ordre général et, en particulier, dans les affaires de faux et
d’escroqueries.
De plus, une étude analytique des secteurs victimes montre que le
secteur tertiaire est largement dominant, les secteurs primaire et secondaire
semblant moins concernés. Si l’on examine à présent les modes opératoires,
la tendance actuelle est à une forte augmentation des accès frauduleux sur des
systèmes d’information ainsi qu’aux vols de matériels ou de composants
informatiques.
Cet aspect nouveau, apparu en France depuis deux ans environ, est de
plus en plus préoccupant. De véritables vols à main armée sont organisés dans
des sociétés pour emporter des microprocesseurs ou des barrettes de mémoire
vive et ceci avec des préjudices considérables de plusieurs millions de francs.
De tels agissements peuvent avoir des conséquences graves et mettre
en péril l’équilibre des entreprises victimes et parfois même leur survie. Si l’on
s’intéresse aux seules fraudes financières, on constate que l’intervention d’un
traitement automatisé d’informations en aggrave le coût qui s’établit, en
moyenne, à environ un million sept cent mille francs. De même, la plupart des
infractions ont une origine interne : dans 84.% des cas, en effet, l’auteur ou le
complice a ou a eu une relation contractuelle avec la victime.
En matière de fraude sur le ssystèmes d’information, on distingue les
affaires dans lesquelles l’informatique est le moyen de la fraude de celles où
elle est l’objet même du délit.
Les premières ont trait à ce qu’on peut appeler la «.délinquance assistée
par ordinateur.» et leur qualification pénale se rattache à des infractions
classiques : escroqueries, abus de confiance, faux, atteintes aux libertés
individuelles par la tenue illégale de fichiers nominatifs comme le prévoit la loi
du 6 janvier 1978.
Les secondes portent essentiellement aujourd’hui sur une atteinte à la
confidentialité et (ou) à l’intégrité des données après accès frauduleux sur les
systèmes selon les articles 323-1 à 323-7 du Code Pénal.
Il convient de citer également, pour ce second aspect, l’article 335-2 du
Code de la Propriété Intellectuelle qui pose en principe que toute contrefaçon
est un délit. Ce texte trouve bien évidemment son application en matière de
reproduction de logiciels en violation des droits de son auteur. L’intention
coupable du contrefacteur étant présumée, il appartiendra à ce dernier de faire
la preuve de sa bonne foi pour ne pas risquer de se voir condamné.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
322
Le déroulement d’une enquête
Pour qu’une enquête judiciaire puisse être effectuée après la constatation d’une fraude ou d’actes de malveillance, il est nécessaire que la victime
dépose plainte, soit directement auprès d’un service de police ou de gendarmerie, soit en saisissant le Procureur de la République.
Les faits rapportés par le plaignant ne recevront peut-être pas toujours
une qualification pénale, la première démarche réalisée par les enquêteurs à
qui on les expose étant bien sûr de déterminer le modus operandi et d’évaluer
l’affaire d’un point de vue juridique.
La poursuite de l’enquête s’effectue dans le cadre d’actes classiques de
la procédure pénale policière : constatations, auditions, perquisitions, etc., puis,
si les circonstances le justifient et afin de disposer de pouvoirs plus étendus,
sous le contrôle d’un magistrat instructeur et par le biais de commissions
rogatoires.
L’assistance d’experts désignés par ce magistrat se révèle souvent
indispensable dans les affaires techniques plus complexes.
Citons quelques exemples d’enquêtes judiciaires relatives à des fraudes
sur des systèmes d’information.
• En 1981, une des premières enquêtes policières réalisées dans ce
domaine par la Brigade Financière permet d’interpeller un homme ayant tenter
de détourner une somme de 20 millions de francs au préjudice d’une grande
banque française, par modification des numéros de comptes mentionnés sur
une bande informatique.
• En 1989, une employée d’un centre de gestion de prestations sociales
constitue de faux dossiers d’allocataires et détourne ainsi 200.000 francs à son
profit.
• En 1991, à la suite de son licenciement, un responsable informatique
d’une grande société place dans l’un des programmes informatiques de gestion
une bombe logique qui, en se déclenchant trois mois après son départ, bloque
l’activité de la société qui l’employait pendant une semaine et cause un
préjudice financier considérable.
• En 1994, la mise en place d’une fonctionnalité sur un autocommutateur (central téléphonique) de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et à
son insu permet à plusieurs centaines d’individus d’utiliser cet appareil pour
passer de très nombreuses communications téléphoniques longue distance en
faisant supporter le prix de ces communications à la Caisse et en occasionnant
des dysfonctionnement internes. Le préjudice subi par cet organisme a été
évalué à 2.500.000 francs.
Ces cas montrent que l’appât du gain et les risques relativement faibles
d’être identifiés sont le smotivations principales des fraudeurs.
Néanmoins la démarche des délinquants de l’informatique procède
également d’autres mobiles :
– le passionné d’informatique : animé d’un esprit ludique, il agit essentiellement par curiosité intellectuelle.;
La criminalité informatique
le rôle de la police judiciaire
323
– le frustré agit par vengeance à la suite d’une déception personnelle ou
professionnelle, ou afin d’obtenir une reconnaissance sociale ou un moyen de
pression.;
– l’espion opère pour le compte d’un concurrent économique ou d’une puissance étrangère.;
– l’extrémiste ou l’idéaliste : son seul but est souvent le sabotage.
Les enquêtes montrent cependant que très souvent ces diverses menaces peuvent s’interpénétrer.
Les réseaux et Internet
La multiplication des réseaux informatiques a bien évidemment accru les
risques d’accès frauduleux sur les systèmes d’information. Cet aspect avait été
illustré, il y a quelques années par l’affaire du Chaos Computer Club (CCC)
Parmi les membres du club informatique de Hambourg en Allemagne, certains
hackers avaient réussi à «.visiter.» plus de cent trente-cinq réseaux de neuf
pays industrialisés, récupérant ainsi certaines informations confidentielles afin
de les revendre.
Le développement considérable du réseau Internet va sans aucun doute
poser de nombreux problèmes de sécurité dans les années à venir. Il faut
cependant préciser que l’ensemble des textes répressifs cités précédemment
s’applique parfaitement dans notre pays à l’usage de ce nouveau moyen de
communication. Il est toutefois indispensable que l’insouciance manifestée par
trop de sociétés ou d’entreprises fasse place à une véritable prise de conscience des risques engendrés par l’usage de ces technologies.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
324
Summary
Service d’enquêtes sur les fraudes aux technologies
de l’information (SEFTI) (Information Technology Fraud
Investigation Department)
Daniel Padoin
The SEFTI has been created by the Paris Police Prefect in 1994, with as for duties: to carry
out investigations on offences against computer systems or for which computer systems
are being used, to provide technical assistance to other police departments, to deliver
training and information.
It counts at the moment 14 police officers from the Fraud Sub-Headquarters, and is the
regional counterpart of the “Brigade centrale de répression de la criminalité informatique
– BCRCI” (National Computer Crime Squad) of the DCPJ (Serious Crime Investigation
National Headquarters).
The essential characteristics of computer misuse are:
–low detection risk;
–an important raise in 1995 with a loss of 6.4 million Francs;
–84% of detected offences have an internal origin (employees or ex-employees)
France has a complete and coherent Law and two specialised detecting police departments (SEFTI and BCRCI).
Despite the fairly small numbers of cases dealt with (195 in 1995), two distinctive situations
have been encountered in practise:
ither computing is used to commit the offence, and then the offence is regarded as a
traditional offence;
–or computing is the object of the commission of the offence, therefore the offence is dealt
with by the specific provision of Law (Art. 323-1 to 323-7 of the New Penal Code).
It is possible to classify the computer misusers whom the police departments are facing,
according to their motivation for their wrongdoings (the frustrated, the spy, the computer
fanatic, the fundamentalist, the idealist).
If at the moment, organised crime does not seem to have been detected as operating
computer crime, the criminal potential related to this technology encourages us to be
vigilant.
La criminalité informatique
le rôle de la police judiciaire
325
Resumen
El servicio de investigaciones sobre los fraudes a las
tecnologias de informacion (SEFTI)
Daniel Padoin
El SEFTI fue creado por el Prefecto de Policía de París en 1994 con el objetivo de acelerar
las investigaciones relativas a las infracciones que apunten o utilicen sistemas informáticos, suministrar apoyo técnico a los otros servicios y llevar a cabo acciones de formación
y de información.
Reúne actualmente catorce funcionarios pertenecientes a la subdirección de asuntos
económicos y financieros y constituye la contrapartida regional de la Brigada Central de
Represión de la Criminalidad Informática (BCRCI) de la DCPJ.
Las principales características de la delincuencia informática son :
– el bajo riesgo de ser descubierto.;
– un fuerte progreso en 1995 representando un costo de 6,4 MF.;
– que el 84.% de los casos son de origen interno (empleados o ex empleados).
Por su parte, Francia dispone de un arsenal jurídico completo y coherente y de dos
estructuras policiales de represión especializadas (SEFTI y BCRCI).
Si bien el número de procedimientos llevados a cabo es relativamente modesto (195 en
1995), en la práctica se distinguen dos situaciones diferentes :
– La informática es utilizada como medio de realización de la infracción, en este caso se
retiene la calificación de derecho común.;
– La informática es utilizada como objetivo de la realización del delito. En este caso se
pone en marcha la calificación específica (Art. 323-7 a 323-7 NCP).
En todos los casos, es posible realizar una cierta clasificación de los diferentes delincuentes informáticos a los cuales se ven enfrentados los servicios, en función de los motivos
de sus acciones (el frustrado, el espía, el fanático, el extremista o el idealista).
Si bien por el momento el crimen organizado no aparece como un actor confirmado del
fraude informático, el potencial criminológico de esta tecnología nos empuja a la vigilancia.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
326
Sciences et technologies
mises au service de l’enquête
The analyst’s note book
Mario De Cocq,
Chief
of the Criminal analyst’s Unit into the OIPC-Interpol
The analyst’s note book
Ladies and gentlemen, I will try to keep my presentation, although a little
bit theoretical, to a short insight of a technique, and although I am aware that
some of you definitely know this technique very well, I am also convinced that
other people are not that aware of my presentation.
Quickly I want to first show you an insight of this technique that we call
crime analysis, after that I want to show you how the Interpol organisation,
especially the General Secretariat has implemented this technique into a unit,
the ACIU which I am heading. Finally, I want to give you a short insight on how
automation and how computers play a role and how we have used them at the
General Secretariat.
But first, in the unit we use the technique of crime analysis. We like to
define it as the identification of and the insight into the relations between crime
data and other potentially relevant data, always with a view to police or judicial
practice. I know that sounds may be a little bit theoretical so that’s why, may
be more simply, we can just say: it is relating a wide range of data, connected
with a specific offence or crime in general. When you look at this definition and
also at the aim of this conference on organised crime, I think this technique
could help us all fighting this type of crime.
When you are talking about crime analysis, I think it is also good to
mention four simple key words. First of all, what I think is important is uniformed
technique. That is something when on one part of the world, when we talk about
crime analysis, that they know what it is and that there are no differences.
Furthermore we use a standard package of definitions, so it is also a standard
methodology. Very important, it should be seen as a support of tool, so not as
a tool that can replace police work. And furthermore and finally the computers
really play an important role.
I could also mention that this technique is definitely not new and that’s
why I already started my small introduction by mentioning that some of you are
highly aware of this technique. We could see here that it originated from North
America and Canada, was more or less invented in the seventies and approximately ten years later you see that it gœs also to the continent where it is well
implemented in the UK.
At present I think it’s not overdone to say that in America, Canada and
the UK, any huge large investigation doesn’t do without this technique.
A few years later new development went further in other European
countries like Belgium and the Netherlands, where I was confronted with in
1986. And also, one of the reasons is that Dutch officers working at the Interpol
General Secretariat who knew this technique thought it would have been an
interest for the Interpol organisation. So that’s why I was transferred, detached
to the Interpol General Secretariat where I also try to promote this technique.
You see that it is spreading further on to countries such as Norway, you see
that it is used now in the EDU at Europol and also many new countries show
their interest: and I just want to mention Sweden, Switzerland, Poland and also
France.
After this theoretical bit, I’m sure you want to know when this technique
can be used. Basically, I use these three categories when in my opinion it is
good to; of course when you are dealing with a major or complicated case. And
when dealing with organised crime, I’m sure that many of you know enormous
piles of files, telephone records, observation reports... I think then, crime
analyses can assist you. Further more, a good example: when an investigation
has reached a dead end, you can think of a murder case which has been
investigated for many months, there is no solution, no further clues, I think that’s
also a very good thing to let the analyst work with this methodology on such a
case and try to investigate really all ins and outs. And finally, I think the last
point in order to obtain insights into several cases which may be linked in or
connected is very much important for my work at the General Secretariat.
You know we hold a lot of criminal data, I’ll try to give you an insight later
and I think an analyst can look into this data, compare it and try to find similarities
in those cases and try to link or connect cases.
My last part is to give you a very short insight on how we work. Crime
analysts normally work on a fixed process of steps to be taken that what we
call intelligence process. He or she always starts with collecting all the data
available concerning a certain topic, then the evaluation of the data has to be
looked in, what is the source of the information and also the information itself.
After that step, the information has to be processed, and for this we use
computers. You can think of processing like forming tables, making charts,
using diagrams.
After that processing step, we come to our actual analysis which is also
the integration of the information into other forms that can mean more, also to
interpret the information.
And the last step is always the dissemination. The findings are made
known to the people who are interested in it.
I am aware that it is a very brief insight of this technique, however I think
it is still good to have an idea of what it is.
I want to come back to the analytical unit at Interpol, created in March
1993 and it was established following a decision of one of our important body::
the Interpol European Committee which has taken in a way the lead and said
that this technique is good for Interpol and we should have you too like that.
We got a system from the source countries that I mentioned already on
my former chart when you saw all the flags; like we got a system from the
Netherlands, from America, from the UK and from Canada. Furthermore, we
apply in the unit this uniformed crime analysis methodology and we like to use
special techniques.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
330
Finally, I could mention that we are a very small section, we are only
working with three crime analysts and myself, that makes only four, but we are
willing to expand the unit in the coming years. What is new is that we work with
different nationalities, two French analysts, I’m from the Netherlands and we
have an American analyst, and importantly, we are dealing with all sorts of
crime. So that means that we can work on a drug case, we can also work on
money laundering investigations. And like every other unit, I think it’s important
to have a mission statement which is for us to develop free operational crime
analysis unit, using the standard techniques again. It will support all the police
staff working at the General Secretariat and also the 176 member countries.
You can imagine that is quite a task because with only a group of four it is quite
difficult. The unit is also the first of its kind operating with this technique in a
multi-national environment. From this little mission statement, you can derive
two goals: we want to provide professional systems to those 176 countries, but
we also want to further spread this technique and you could see my participation
here is an example of this.
To add something more, this assistance is always based on the priorities
that are given by our management. And it’s always dealt with in close co-operation with the specialised groups of officers. We have at the General Secretariat a police division which holds specialists coming from 17 countries, so you
can imagine that it is always very good to have the specialists, let’s say one
floor above you. So when we want to work on a specific topic and you had from
the former presenters that crime is getting sometimes very complicated, with
new techniques, new phenomena, I think it’s very good to see that we have
everything in one house and that we can ask your colleagues for advice.
And last but not least, our results are always disseminated in a reported
form, which is also again a structured form, which we call ACIU project.
May be you know the kinds of projects we are dealing. I’ll just mention
four of the ones that we have dealt with in the past, in the last few years. On
top of the list you see the project circular file which deals with the actual
phenomena of child pornography, it provided an overview of the level of
organisations that were active in Europe at that time. The second one is project
Nuclear. We try to give a kind of strategic overview on assessment of the
trafficking and dealing in radio active substances. We did also a project on
cannabis smuggling that we call project Romeo: to give you another example,
this project was chosen because it appeared that in many places in the world,
large shipments of cannabis were seized and they were all stamped with the
word Romeo. So I think it is also a good task for an international organisation
to look into cases and that’s exactly what we did world-wide. We had those
seizures which were all stamped with Romeo and we tried to find any links or
connections.
And the last project which was just recently finished was the project Noa
and we looked into the trade of endangered reptiles. You might ask why reptiles.
Because we first wanted to focus on animals like parrots and monkeys, but it
was a too huge project and we had to shrink it into reptiles. But I just mentioned
these projects to also show you that we are not working into one specific type
of crime, but we are more a general unit.
The analyst’s note book
331
I come back to our second part of our mission statement, the spreading
of the technique. Of course, the first point is the ACIU project which we normally
spread towards our member countries. I think that’s already a good thing that
the countries could recognise this technique could be also in use by us.
Furthermore, we organise Interpol Crime conferences, crime analysis conferences. The first was held in 1985, the second could be next year. A very
important body is the Crime Analysis Working Group which also is an initiative
from our organisation, to have a small working group with experts coming from
the countries that have an interest in crime analysis. The delegates are partly
coming from the source country and on the other side the participants are
coming from the countries that are developing it. So you already get the idea,
you have a very good body to discuss how we should approach the crime
analysis development.
The last thing I would like to mention is the crime analysis booklet.
Together with this working group, we made a comprehensive booklet which is
now available in three of the Interpol languages and which includes all the
techniques, all the insights with examples and so on.
For the last part of my presentation I want to show you how we use our
big data base. We have a relational data base which we call the CIS Criminal
Information System, which holds all the data sent to us by our member states.
Basically we have six huge data bases which hold details concerning the
persons, details concerning cases or when the case is more specifically a drug
case, a counterfeit case or a stolen work of art case. The last thing I would like
to mention is the property data base. Somebody is arrested in a car which has
a license plate. The information concerning license plate are stored here, and
so are telephone numbers and so on. To give you an idea on how big this data
base is, we have approximately 170.000 nominal files, they are linked with
90,000 names, 50,000 case files, 80,000 property files, 40,000 drug cases and
20,000 other files. A file can contain a hundred or more pages, so it is a huge
database. And because it is so big, it brings me back to the chart I had before.
Those data bases are really linked, so when we want to start a study on drug
trafficking coming from a country X, we have to take into account all the data
which is stored in all the different data bases. And our ideal situation when we
have this, and at the moment this is working, when I or someone from the team
switch the computer on, you have an actual picture of this relational database.
We can then write our report based on the data or we can also use a new
analysis to draw a nice chart.
I hope it won’t be too technical but I want to show you how we import
data from our database. So you have a computer screen. Let’s say we want to
make a chart concerning a person X. You see on the screen all the possibilities
where I can search on. You see certain batons. These are in a way different
representations of the six databases. But let’s say we want to search if we hold
data concerning person X. I just go to the coin person, I click it and automatically,
a new form opens. This form is what we call the person’s form. You see details
concerning a file number when we import the data, details concerning the name,
first name and so on, and some additional data that could be of some interest
for us. Here of course I can search. I can say give me only the people of
nationality X or I want only the persons who are higher that 1.70 meter, and
who are born in Amsterdam. When I have found the person I want to visualise,
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
332
to represent on my chart, I just click this small button here and then it opens
another form which looks like this. Normally, the name of the person I have
selected is shown here on top and automatically, it is mentioned to which other
categories of the database this person has links. Let’s say I want to know in
what case he is involved or what car he drives or where he was born, I select
them to the right and push again the expand button and a second later I have
a nice comprehensive chart with all the details that we have concerning the
person. So you see in the middle the person himself, where he was born, in
what case he was involved and so on. This tool works nicely. It’s not completely
operational, we are still working on it but the results are there, we can really
use this for our actual work.
I want to conclude by mentioning this chart once more. We are using
more science and technique in a uniformed way which is intended to support
and not replace police work.
Thank you.
The analyst’s note book
333
Résumé
L’analyse du crime et les enquêtes
assistées par ordinateur
Mario De Cocq
L’unité d’Analyse Criminelle (ACIU) a été créée en mars 1993, à l’initiative du Comité
Européen d’Interpol. Il s’agit d’une petite structure (4 fonctionnaires détachés de différentes nationalités) chargée de deux missions essentielles.
Elle a tout d’abord en charge l’analyse criminelle pour le compte d’OIPC-Interpol. Dans ce
cadre, elle traite de tous types de crimes et d’affaires criminelles analysés à l’aide d’une
technique déjà expérimentée dans différents pays (USA, Grande-Bretagne, Canada,
Pays-Bas) mais menée pour la première fois à l’échelle multinationale. Cette technique a
recours à l’informatique afin de mettre au point des fichiers d’analyse pouvant étayer des
recoupements entre diverses affaires criminelles. Elle fonctionne à l’aide de six grosses
bases de données (fichiers nominatifs, fichiers affaires, fichiers biens, fichiers stupéfiants,
autres fichiers). Dans ce cadre, l’AICU fonctionne comme un outil d’assistance professionnelle au service des polices des pays membres de l’OIPC-Interpol.
Elle a ensuite pour rôle de diffuser et d’étendre cette technique. L’AICU diffuse en effet ses
projets aux États membres. Elle constitue et anime les réunions de groupes de travail en
matière d’analyse criminelle. Elle a réalisé une brochure multilingue sur l’analyse criminelle.
Cette technique de science moderne s’avère être d’ores et déjà un excellent outil
opérationnel, outil qu’il convient sans cesse de faire évoluer et d’adapter aux situations
criminelles rencontrées.
Resumen
El analisis del crimen y las investigaciones
asistidas por computadora
Mario De Cocq
La Unidad de Análisis Criminal (ACIU) fue creada en marzo de 1993, por iniciativa del
Comité Europeo de Interpol. Se trata de una pequeña estructura (cuatro funcionarios de
diferentes nacionalidades) responsable de dos actividades principales.
En primer lugar, está encargada del análisis criminal para la OIPC-Interpol. En este marco,
se ocupa de todo tipo de crímenes y asuntos criminales analizados con la ayuda de una
técnica ya experimentada en diferentes países (USA, Gran Bretaña, Canadá, Holanda)
pero llevada por primera vez a escala multinacional. Esta técnica recurre a la informática
con el fin de poner a punto ficheros de análisis que puedan apuntalar las verificaciones
de diversos casos criminales. Funciona con seis grandes bases de datos (registros
nominativos, registros de casos, registros de bienes, registros de estupefacientes, otros
registros). En este marco, la AICU funciona como una herramienta de asistencia profesional al servicio de las policías de los países miembros de la OIPC-Interpol.
También tiene por misión difundir y promover esta técnica. La AICU, en efecto, difunde sus
proyectos a los Estados miembros. Constituye y promueve las reuniones de trabajo en
materia de análisis criminal y ha editado una publicación multilingüe sobre análisis criminal.
Esta técnica de ciencia moderna demuestra ser una excelente herramienta operativa,
herramienta que debe hacerse evolucionar permanentemente para adaptarla a las
situaciones criminales encontradas.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
334
Le fichier automatisé
des empreintes digitales (FAED)
Eric Brendel,
Commissaire principal de police, adjoint au chef du service
central de l’identité judiciaire de la direction centrale
de police judiciaire française
Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)
Lorsque j’ai été informé qu’il me revenait de vous présenter le fichier
automatisé des empreintes digitales, que nous appelons FAED pour simplifier,
je me suis interrogé sur la place exacte que pouvait prendre le FAED dans ce
cours consacré à la lutte contre la criminalité organisée. Il est vrai, en effet, que
la réponse à la question de prime abord, n’est pas très favorable au FAED, dans
la mesure où vous allez le voir, il s’agit d’un fichier très généraliste qui n’a pas été
conçu pour prendre en compte les spécificités de la criminalité organisée.
Néanmoins, il a des résultats, c’est incontestable et je pense pour ma
part que bien servi par un contexte aujourd’hui très favorable à la modernisation
de la police technique et scientifique, la part qu’il prendra dans la lutte contre
la criminalité sera de plus en plus importante dans les prochaines années.
Tout d’abord, le fichier automatisé des empreintes digitales n’a pas été
conçu pour viser une délinquance spécifique. Bien au contraire, c’est un outil
généraliste qui avait pour objectif de moderniser les fichiers tenus manuellement.
Le FAED : instrument de la modernisation
des fichiers dactyloscopiques
Le FAED a été conçu par et pour les services de l’identité judiciaire avec le
support technique de la direction des transmissions et de l’informatique (DTI), afin
d’améliorer la gestion des grands fichiers décadactylaires et monodactylaires.
Ce sont des fichiers qui étaient très anciens. Nous avions, en France,
trois répertoires décadactylaires dont deux à vocation nationale. Le premier
tenu par la Police Nationale, à l’époque c’était la Sûreté Nationale, était confié
au service central d’identité judiciaire. Le second était tenu par la Gendarmerie
Nationale et le troisième enfin qui avait une compétence géographique plus
limitée puisqu’il était tenu par la Préfecture de Police était néanmoins d’une très
grande richesse et donc très utile pour les enquêteurs.
Lorsqu’en 1984-85, les premières études techniques du FAED ont
commencé, il était clair qu’il s’agissait de concevoir un système qui, pour la
première fois, permette d’unifier, de rassembler l’ensemble du matériel signalétique collecté par les services de police française quelle que soit leur appartenance, qu’il s’agisse de la Gendarmerie ou de la Police nationale. C’était pour
nous un projet très ambitieux. Les trois répertoires que je viens d’évoquer
connaissaient chacun les difficultés de gestion propres aux fichiers manuels ce
qui ne les rendaient guère performants. Unifier ces répertoires, cela signifiait
unifier l’ensemble des documents dactyloscopiques avec comme objectif l’identification des individus mis en cause dans les affaires judiciaires, évidemment
les récidivistes à partir d’un relevé décadactylaire ou d’une trace papillaire
découverte sur les lieux d’un crime ou d’un délit.
Quatre principes directeurs ont présidé à l’élaboration du FAED.
Le premier, création d’un fonds documentaire unique et cohérent sur
l’ensemble du territoire national.
Second principe, assurer la meilleure accessibilité possible à ce fichier
centralisé pour que, au niveau des services locaux de l’identité judiciaire de la
Police Nationale ou de la Gendarmerie, on puisse accéder à l’ensemble des
informations contenues dans la base de données.
Troisième principe, une direction d’application à laquelle serait confiée
la charge d’administrer ce fichier et d’en assurer la pérennité technique en
liaison avec la direction des transmissions et de l’informatique (DTI).
Quatrième principe, mettre en place les conditions nécessaires pour
assurer un strict respect à la légalité en édictant des règles claires en matière
de gestion et l’archivage de l’information sous le contrôle de la Commission
Nationale Informatique et Libertés (CNIL).
À aucun moment il n’a été prévu de privilégier une forme de délinquance
plutôt qu’une autre. Tout, au contraire, revient à privilégier le caractère généraliste de l’application ce que montrent l’architecture du FAED, la nature et les
modalités techniques du traitement des informations tout comme le cadre
réglementaire du FAED.
Une architecture pyramidale
à vocation nationale
L’architecture du FAED comportera quatre niveaux :
Le premier niveau : Niveau technique appelé site central et dont la
responsabilité incombe à la DTI, c’est là qu’est localisé l’ensemble du matériel
informatique qui assure les comparaisons et archive les informations gérées
par le système.
Le deuxième niveau : Ce sont les sites de saisies où sont opérées les
mises à jour de la base de données. Il y a trois sites de saisies : le service
central d’identité judiciaire pour la direction centrale de la police judiciaire, la
préfecture de police (PP/IJ) et enfin la Gendarmerie Nationale.
Pourquoi trois sites.?
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
336
Comme je vous l’ai indiqué précédemment, la tradition étant forte,
aucune de ces trois entités n’a souhaité déléguer au service central d’identité
judiciaire qui est responsable du projet, le soin de traiter la documentation
dactyloscopique établie par les unités opérationnelles relevant de ces grands
services, et d’alimenter le fonds documentaire de ce fichier. Par conséquent,
nous avons une saisie sur ces trois sites. La Gendarmerie, sur son site à
Rosny-sous-Bois, insère l’ensemble des fiches relevées par les brigades de
gendarmerie.; la Préfecture de Police fait de même pour celles relevées sur
Paris et la petite couronne et enfin, le Service Central d’Identité Judiciaire
assure la saisie des fiches établies par tous les services de la police nationale
hors Paris.
Troisième niveau : Les sites de consultation implantés dans les SRPJ
dont huit sont déjà opérationnels : Lille, Lyon, Marseille, Rennes, Rouen,
Strasbourg, Toulouse et Versailles. L’ambition est d’avoir un site par service
régional de police judiciaire, soit 19 sites régionaux de consultation.
Enfin, un dernier niveau qui est en cours de développement, le niveau
local qui permettra à des postes, non pas d’avoir la totalité des fonctionnalités
permises par l’application mais une partie seulement, celle permettant d’identifier les individus. Le traitement des traces papillaires relevées sur les lieux de
crimes et délits restera confié vraisemblablement au niveau régional.
Un traitement indifférencié
du materiel dactyloscopique
Quelles sont maintenant les informations qui sont gérées par ce fichier.?
Vous avez tout d’abord celles qui vont constituer le fonds documentaire,
essentielles pour l’efficacité du fichier et qui portent sur les empreintes décadactylaires relevées sur les individus mis en cause dans le cadre des enquêtes
judiciaires. Ces fiches comportent l’identité, la date et le motif pour lequel la
personne a été mise en cause. Cette notion de mise en cause est importante,
nous le verrons un peu plus loin, parce qu’elle est directement rattachée à la
notion d’enquête judiciaire et la réglementation du FAED telle qu’elle existe
aujourd’hui ne permet de prendre en compte que les informations qui sont
obtenues dans le cadre d’une procédure judiciaire. Ces fiches décadactylaires
sont acheminées par voie postale sur chacun des sites de saisie et viennent
alimenter le fonds documentaire qui aujourd’hui, compte à peu près 750.000
individus.
Nous estimons qu’en France, le chiffre optimum permettant de couvrir
la délinquance récidivante telle qu’elle existe actuellement est d’environ un
million et demi à deux millions d’individus (1,5 million -2 millions). Nous sommes
donc en bonne voie mais nous avons encore une route assez longue à
parcourir. Il est évident que le FAED ne peut pas encore avoir des résultats
optimisés dans la mesure où il lui échappe à peu près la moitié des individus
ayant un potentiel important de récidive.
Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)
337
Deuxième catégorie d’information, celle qui a trait aux traces papillaires
relevées sur les lieux des crimes et des délits. Elle prend la forme de fiches
traces. Ces dernières sont établies par les services locaux de l’identité judiciaire
qui sont amenés à intervenir à la demande des services d’enquêtes. Elles
comportent des informations d’ordre alphanumérique permettant leur gestion
administrative et la photographie au rapport un de la ou des traces papillaires
qu’il conviendra d’identifier.
Lorsque la recherche initiale s’avère négative, l’opérateur a la possibilité
de placer ces fiches traces dans ce qu’il est appelé «.la base des traces non
résolues.» (TNR), base à laquelle sera confrontée chaque nouvelle fiche
décadactylaire avant son archivage dans le fonds documentaire. Cette fonctionnalité permet d’identifier des personnes qui, interpellées et signalisées pour
une affaire bénigne, éventuellement ce peut être pour un vol de voiture, seront
finalement mises en cause pour des faits beaucoup plus graves qui avaient
donné lieu à un relevé de traces papillaires archivé en «.TNR.».
Tout dernièrement, la signalisation d’un très banal voleur à l’étalage a
permis de résoudre un meurtre commis trois ans auparavant par cet individu
dont la trace du pouce droit avait été relevée sur les lieux du crime.
Non identifié à l’époque, puisque l’auteur n’avait jamais été signalisé par
un service de police ou de gendarmerie, cette trace avait été placée en TNR.
Le FAED a traité environ 33.000 fiches-trace en 1995 (contre ~ 20.000
en 1994), avec des identifications qui régulièrement, d’année en année, augmentent d’environ 50.% pour atteindre en 95 plus de 2.000 personnes. Cette
progression sera vraisemblablement maintenue jusqu’à ce que le fonds documentaire ait atteint le seuil d’au moins un million d’individus.
Ces résultats sont à plus de 80.% en relation avec ce que nous appelons
la petite et moyenne délinquance. La part prise par la criminalité organisée reste
assez faible, entre 10 et 15.% à peu près, ce qui montre bien que quantitativement, le FAED n’est pas dédié à ce type de répression.
Nous allons également retrouver, dans le mode de fonctionnement et de
gestion des informations, cette approche «.généraliste.» qui écarte toute
possibilité d’axer une recherche sur tel ou tel type d’infractions. Il était concevable de répartir la base de données en fonction des types d’infractions. Nous
aurions pu ainsi la réserver, la spécialiser pour certaines infractions, telles que
les attentats, ou les vols à main armée, ou d’autres encore. Dès l’origine, cette
solution a été écartée au bénéfice de critères purement techniques.
Ainsi la base de donnée a été partitionnée en main gauche/main droite,
chacune de ces catégories étant elle-même subdivisée en autant de doigts,
l’opérateur a donc la possibilité d’orienter une recherche vers l’une de ces
parties de la base améliorant ainsi les performances globales du système.
Deuxième critère important, la localisation géographique. La France,
territoire national, a été répartie en onze régions.; chaque fiche décadactylaire
est archivée dans celle de ces onze régions correspondant à l’endroit où la
fiche décadactylaire aura été établie. À partir de ce critère, les opérateurs ont
la possibilité de faire trois types de recherches.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
338
Le premier type porte sur une région déterminée. C’est par exemple, une
trace relevée en région parisienne qui va faire l’objet d’une recherche sur la
partie de la base donnée rassemblant les personnes qui ont été signalisées
dans la région parisienne.
Deuxième type de recherches : une région déterminée ainsi que les
régions qui lui sont adjacentes.
Enfin, l’opérateur peut opter pour une recherche couvrant l’ensemble du
territoire national. Ceci est particulièrement intéressant pour lutter contre les
types de délinquance très mobile et pour les infractions extrêmement graves
qui peuvent être le fait de bandes organisées dont la mobilité constitue un des
moyens de défense.
Dans la mesure où la plupart des recherches au FAED concernent des
affaires de petite et de moyenne délinquance, la plupart des résultats sont
obtenus avec une recherche purement locale. Mais chaque fois que cela est
nécessaire, les consultations sont étendues à l’ensemble de la base de
données.
Enfin, dernier élément technique, il faut souligner que la puissance
informatique mise à la disposition de l’opérateur, est rigoureusement la même,
quel que soit le type d’infraction. Ainsi, qu’il s’agisse d’une trace relevée à la
suite d’un vol de voiture ou d’un attentat meurtrier, les ressources informatiques
qui seront mobilisées pour l’identification de ces traces seront identiques à
qualité de trace équivalente. Là encore, pas de «.plus.» pour la criminalité
organisée, la vocation généraliste du FAED en imprègne intimement tout le
fonctionnement.
Autre point de vue, et non des moindres, le cadre réglementaire du
FAED.
Un cadre réglementaire rigide
Il est régi par un décret de 1987 qui a pris soin de réserver l’utilisation
du FAED aux services de police judiciaire à l’exclusion de tout autre.
Qu’il s’agisse des informations alimentant la base de données ou de
simples consultations, toutes doivent nécessairement avoir pour origine une
enquête judiciaire diligentée, sous le contrôle d’un magistrat français.
Ainsi par exemple, le décret de 87 proscrit l’insertion en base de données
de la fiche décadactylaire d’un citoyen français interpellé pour crime en Allemagne, jugé et condamné en Allemagne quand bien même cette fiche aurait
été officiellement transmise en France dans le cadre de relations bilatérales.
Cette contrainte est extrêmement lourde dans le cas de la lutte contre la
criminalité organisée, et il est vrai qu’elle limite beaucoup les possibilités
d’alimentation du fonds documentaire du FAED.
De même, seront proscrites toutes les informations de nature administrative très fréquentes en matière de terrorisme où de nombreux renseignements ne sont pas recueillis dans le cadre d’une enquête judiciaire classique.
Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)
339
Deuxième sorte de restrictions, elles concernent cette fois les possibilités
de connexion du FAED avec d’autres systèmes informatiques. Le décret de
1987, là aussi, l’interdit formellement. Toutes possibilités de connexion avec
des fichiers français, tels que le STIC par exemple (qui est un fichier de
traitement de l’information criminelle) ou avec des fichiers transfrontaliers qui
permettraient d’enrichir, dans des conditions intéressantes, la base documentaire du FAED, sont exclues.
Enfin : vocation généraliste du FAED qui va se concrétiser dans les
résultats obtenus par l’application.
Des résultats significatifs
Alimenté essentiellement à partir de la criminalité moyenne (petite et
moyenne délinquance), il est évident que l’essentiel des identifications va se
rapporter à cette forme de délinquance. C’est, heureusement pour notre pays,
l’essentiel de la délinquance, mais il est sûr que par rapport au thème de ce
cours, le FAED ne peut pas présenter statistiquement des arguments déterminants quant à son efficacité en matière de lutte contre la criminalité organisée.
Prenons par exemple la ville de Lyon. Le service d’identité judiciaire
identifie à peu près 550 traces papillaires par an, ce qui aboutit à la mise en
cause de 600 personnes environ. Sur ces 550 traces élucidées, 217 le sont
directement par le fichier automatisé des empreintes digitales et 270 le sont,
suite à l’examen dans les fichiers manuels qui sont toujours tenus localement
et aux recoupements qui peuvent être effectués à cette occasion. La plupart
de ces affaires se rapportent évidemment à des vols de voitures, cambriolages,
vols à la roulotte. Les 10.% restants ont trait à des affaires plus importantes
telles que, crimes, meurtres, vols à main armée, viols, etc.. Cela correspond
néanmoins à une vingtaine d’affaires véritablement sensibles, se rapportant
directement à la criminalité organisée.
On ne peut pas dire, par conséquent, que, sans être déterminant, l’apport
du FAED soit moindre ou secondaire. Le FAED, outil généraliste par excellence, appréhende l’ensemble de la criminalité, y compris bien sûr ses formes
les plus sophistiquées.
J’en veux pour preuve ce qui s’est passé en fin d’année 1995 lors de la
vague d’attentats à Paris. À partir d’une trace identifiée sur une bombe non
explosée, placée sur la ligne ferroviaire Paris/Lyon, un des auteurs a été
identifié par le SCIJ grâce au FAED, cela a permis à la police judiciaire d’initier
des enquêtes dans des axes qui se sont révélés extrêmement porteurs, et qui
ont été à l’origine des interpellations qui ont eu lieu à partir de la fin de l’année
1995. La fiche décadactylaire de l’individu ainsi identifié avait été placée en
base permanente en 1990 suite à un vol de voitures commis par l’intéressé.
Nous sommes donc dans le cadre d’un fonctionnement très typique du FAED.
On part d’un petit fait de délinquance, de petite criminalité : vol de voiture, pour
aboutir à l’identification d’un individu dont l’évolution et le parcours criminel le
rattachent directement à la criminalité organisée.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
340
Ce type de procédé assez exceptionnel en matière de terrorisme, encore
qu’il y ait plusieurs affaires du même genre se rapportant au terrorisme basque,
se rencontre plus fréquemment en matière de vol à mains armées ou lors de
séquestrations de personnes. Ce qui limite évidemment statistiquement les
résultats pour ce type d’affaires, c’est la difficulté qu’auront les spécialistes de
l’identité judiciaire à identifier des traces papillaires exploitables.
À l’inverse, la petite et moyenne délinquance est le plus souvent le fait
d’individus peu expérimentés qui, en commettant de nombreuses erreurs
techniques, vont laisser les traces que la police pourra éventuellement relever
et exploiter.
Former des spécialistes de la scène de crime et les répartir sur le
territoire national de manière à ce que chaque lieu de crime et de délit fasse
l’objet d’une recherche de traces papillaires avec des moyens et des techniques
en rapport avec la gravité de l’infraction.
C’est là tout l’enjeu de la police technique de proximité que le ministre
de l’Intérieur met en place depuis 1995.
Le maillage actuel de la police technique et scientifique à travers ses
spécialistes en matière de scène de crime, n’est pas encore suffisant pour
couvrir parfaitement tous les délits qui sont commis sur l’ensemble du territoire.
Par conséquent, nous constatons une perte d’informations qui n’est pas
négligeable et qui pour partie, avec l’insuffisance actuelle du fonds documentaire, explique les résultats du FAED qui statistiquement ne sont pas encore à
la hauteur de ce qu’ils pourraient être.
L’évolution de la police technique et scientifique et les efforts qui sont
actuellement déployés pour améliorer les matériels et les formations des
techniciens de scène de crime devraient permettre, dans les prochaines
années, d’augmenter considérablement cette collecte de traces.
De même l’évolution du fonds documentaire, 750.000 aujourd’hui, bientôt je l’espère un million, amènera des résultats plus significatifs. Voilà, ce que
je voulais vous indiquer pour l’essentiel. Je vais vous montrer, pour conclure,
une trace qui a été relevée sur l’un des lieux d’attentat en 1995. C’est une trace
qui a été trouvée sur un ruban adhésif. Vous voyez une photo qui montre la
totalité du ruban adhésif. Le hasard, qui parfois sert les policiers, a voulu que
sur ce fragment soit localisée une très belle empreinte papillaire. Cette trace a
été identifiée sur le FAED en quelques heures, ce qui était impensable à
l’époque des fichiers manuels. Voilà ce que peut permettre le FAED dès lors
que les conditions de sa mise en œuvre, tant en ce qui concerne l’alimentation
du fonds documentaire que la collecte des traces papillaires, sont parfaitement
réalisées.
Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)
341
Summary
The FAED, Automatic fingerprint retrieving system
Eric Brendel
The FAED is a national computer data system operated by the Central Criminal Police
Department on behalf of the Ministry of the Interior. It was created by the Morpho-system
company, and it started being operational in 1992. It now contains the fingerprints of
700,000 people.
The FAED has double functions :
It’s purpose is first to identify the persons who are fingerprinted as suspects in a criminal
case or as sentenced prisoners.
The other purpose is to identify latent prints lifted on crime scenes.
The use of computers allows for the build up of reference data files as complete and well
organised as possible. Above all, this allows for considerable gain of time while researching
and comparing prints and in this sense it helps comparisons.
To sum it all, it makes identification of prints easier and more effective while the work is
more open and accessible to control (in conformity with the regulations of the computer
control mission, CNIL).
Its use tends to get decentralised even if data entry is still being done at central level. There
are in fact three data entry centres (the scene of crime central office, the Paris Police scene
of crime unit and the gendarmerie central fingerprint office) as well as eight regional data
access centres. In the short term, all 19 regional criminal investigation department and a
few units of the central criminal investigation department will obtain reading access.
Resumen
El FAED, registro automatizado de huellas digitales
Eric Brendel
El FAED es un registro nacional puesto en marcha y operado por la Dirección Central de
la Policía Judicial por cuenta del Ministerio del Interior. Creado por la sociedad «.MorphoSystème.», es operacional desde 1992. Actualmente, contiene 700.000 individuos.
El FAED cumple un doble rol : por un lado, identificar a las personas involucradas en un
caso judicial o detenidas. Por otro, identificar las huellas dejadas en el lugar del crimen o
delito.
La informática permite constituir fondos de referencia voluminosos pero exhaustivos y bien
organizados. Permite sobre todo ganar un tiempo precioso en la búsqueda y comparación
de las huellas.
En resumen, facilita la coherencia y la eficiencia en la identificación de huellas digitales
asegurando su transparencia (conforme a las exigencias de la CNIL).
Su utilización tiende a diversificarse, aún cuando el tratamiento de la información sigue
siendo centralizado. En efecto, existen tres centros de acopio (SCIJ, IJ/PP y STRID de la
Gendarmería) y ocho centros regionales de consulta. A corto plazo, todos los servicios
regionales y algunos servicios centrales de la Policía Judicial se convertirán en nuevos
centros de consulta.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
342
Le Groupe d’action financière
(GAFI) et la lutte contre
le blanchiment de capitaux
Jean Spreutels,
magistrat, président de la CTIF belge
représentant
dedelacapitaux
Belgique
au GAFI
et la lutte Le
contre
Groupe
le blanchiment
d’action financière
(GAFI)
Historique
Après l’adoption de la Déclaration de principe du Comité des règles et
pratiques de contrôle des opérations bancaires, dite Déclaration de Bâle du
12 décembre 1988, qui vise la prévention de l’utilisation du secteur bancaire
aux fins du blanchiment de capitaux, et celle de la Convention des Nations
Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes
(Vienne, 20 décembre 1988), qui incrimine le blanchiment provenant du trafic
de stupéfiants, les sept pays les plus industrialisés du monde.1 décidèrent de
mettre en place un groupe d’action dont la préoccupation première serait le
phénomène du blanchiment de l’argent sale.
C’est à l’occasion du sommet des sept pays les plus industrialisés, qui
s’est tenu à Paris en juillet 1989, désormais connu sous le nom de «.Sommet
de l’Arche.», qu’a été constitué le Groupe d’action financière (GAFI) ou Financial Action Task Force (FATF).
Cette initiative répondait aux inquiétudes des chefs d’État ou de gouvernement nées de la rapidité avec laquelle se développaient le trafic de stupéfiants et les opérations de blanchiment qui en découlent.
Le GAFI se vit assigner une triple tâche : analyser le phénomène du
recyclage de l’argent sale, faire une évaluation des instruments internationaux
et des programmes nationaux mis en œuvre dans ce domaine et présenter des
recommandations d’intervention.
Dans les mois qui suivirent sa constitution, huit États se joignirent au
sept pays fondateurs.2. La Commission des Communautés européennes participa également aux travaux. Le groupe de travail, comprenant pas moins de
130 experts, déposa son premier rapport en avril 1990. Celui-ci énonçait 40
recommandations.
1. Les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et le Canada.
2. L’Australie, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse.
Alors que la mission du GAFI aurait dû normalement prendre fin, les
chefs d’État et de gouvernement décidèrent de la prolonger pour une durée
d’un an. Dix membres supplémentaires vinrent élargir le groupe.1. À l’issue de
la deuxième année, la continuation des travaux fut décidée pour un terme
supplémentaire de cinq ans. Ce délai a encore été prolongé jusqu’en 1998-99.
Le GAFI comprend aujourd’hui vingt-huit membres (26 gouvernements
et deux organisations régionales internationales).2 qui représentent les centres
financiers les plus importants de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique du Nord.
En outre, les réunions du GAFI accueillent une très grande variété d’experts :
des représentants des ministères des Finances et des banques centrales ou
d’autres autorités de surveillance du secteur financier, des experts juridiques
et des magistrats ainsi que des membres des services opérationnels (police,
douanes, unités spécialisées,...). Cette approche multidisciplinaire est essentielle pour les travaux du GAFI et constitue une garantie indispensable à
l’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux.
L’action du GAFI a été confortée par d’autres initiatives internationales
importantes, notamment la Directive no 91/308 du Conseil des Communautés
européennes du 10 juin 1991 relative à la prévention de l’utilisation du système
financier aux fins du blanchiment de capitaux et la Convention du Conseil de
l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation
des produits du crime, faite à Strasbourg, le 8 novembre 1990.
Les quarante recommandations
La première action d’envergure du GAFI fut d’adopter quarante recommandations couvrant tous les aspects de la lutte contre le blanchiment, à savoir
le système juridique et répressif, la réglementation du système financier et la
coopération internationale. L’objectif est de pouvoir reconstituer la trace de
l’argent sale dans le système financier, de saisir ces fonds et de les confisquer
de façon à, d’une part, assainir le système financier et, d’autre part, priver les
criminels du produit de leurs activités illicites.
Chacun des membres du GAFI a pris l’engagement politique ferme, au
moins au niveau ministériel, de transposer les quarante recommandations dans
son droit interne. Toutefois, les recommandations constituent des principes
d’action que les pays mettent en œuvre en fonction de leurs spécificités et de
leurs cadres constitutionnels, en leur laissant une certaine marge de souplesse.
Ces quarante recommandations, rédigées à l’origine en 1990, ont été
révisées en 1996 pour prendre en compte l’expérience des six dernières
années et refléter l’évolution du phénomène.
1. Le Danemark, la Finlande, la Grèce, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Portugal, la
Turquie, Hong-Kong et le Conseil de coopération du Golfe.
2. Les gouvernements déjà cités auxquels il faut ajouter ceux de l’Islande et de Singapour et les deux
organisations régionales internationales déjà mentionnées, à savoir la Commission européenne et le
Conseil de coopération du Golfe.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
344
Sur le plan répressif, les recommandations invitent les membres à
incriminer le blanchiment des fonds provenant du trafic de stupéfiants et à
étendre cette incrimination au blanchiment de capitaux de toute infraction
grave. Dans leur nouvelle formulation, les recommandations insistent sur
l’extension de l’incrimination au blanchiment de capitaux issus d’infractions
graves, chaque État devant déterminer quelles infractions graves doivent être
considérées comme des infractions sous-jacentes du blanchiment de capitaux.
Elles leur demandent également de prendre des mesures effectives pour
identifier, saisir et confisquer les biens blanchis. La responsabilité pénale des
sociétés devrait pouvoir être mise en cause.
Sur le plan préventif, les recommandations préconisent que les institutions financières :
– identifient leurs clients. Les recommandations ont été modifiées de façon à
y faire figurer des dispositions plus concrètes concernant l’identification des
personnes morales.;
– déclarent les transactions suspectes aux autorités compétentes. Le système
de déclaration des transactions suspectes, autrefois volontaire, est désormais
obligatoire.;
– instaurent des programmes internes de lutte contre le blanchiment de
capitaux.
Dans leur nouvelle version, les recommandations insistent sur l’application identique de ces mesures aux institutions financières non bancaires
(notamment les bureaux de change), ainsi que sur une application adaptée de
ces mesures aux professions et aux entreprises non financières exerçant
certaines activités financières.
Trois autres recommandations, la première sur le développement de
technologies nouvelles qui risquent de favoriser l’anonymat des opérations, la
deuxième sur les transports physiques transfrontaliers d’espèces et la troisième sur l’utilisation de sociétés-écrans, ont été insérées dans le corpus des
quarante recommandations invitant les États à porter leur attention sur ces
pratiques et à envisager éventuellement l’adoption de mesures supplémentaires à cet égard.
Enfin, sur le plan de la coopération internationale, le GAFI incite à
l’échange des informations, notamment celles concernant les transactions
suspectes, et à l’adoption de conventions multilatérales ou bilatérales pour
faciliter l’entraide judiciaire, l’extradition et la confiscation. Il faut signaler que
la recommandation invitant les autorités compétentes des différents pays à
coopérer dans le cadre d’enquêtes a été complétée pour encourager les pays
à recourir à la technique de la livraison surveillée des actifs connus ou
présumés être le produit du crime.
Le GAFI ne s’est pas contenté d’élaborer les quarante recommandations
et de les adapter aux nouvelles tendances. Il a prolongé son existence pour
vérifier l’adoption et l’application des mesures nécessaires par ses membres.
Pour ce faire, le GAFI recourt à trois procédés :
– un exercice annuel d’auto-évaluation au moyen de questionnaires relatifs
aux aspects financiers et juridiques.;
– un exercice plus détaillé d’évaluation mutuelle dans le cadre duquel chaque
membre fait l’objet d’un examen sur place. Le GAFI a entamé en 1995-96 la
Le Groupe d’action financière (GAFI)
et la lutte contre le blanchiment de capitaux
345
seconde série d’évaluation mutuelle. La deuxième évaluation mutuelle de la
France a déjà été réalisée.;
– des évaluations horizontales des mesures prises par les membres en vue
de l’application de recommandations spécifiques. En 1995-96, le GAFI a
commencé une étude sur les recommandations relatives à la confiscation des
biens et aux mesures provisoires.
Tous les membres sauf un ont désormais promulgué des lois incriminant
le blanchiment de capitaux issus du trafic de stupéfiants, tandis que dix-neuf
pays ont adopté une définition du délit pénal qui couvre le blanchiment du
produit, outre du trafic de stupéfiants, d’un large éventail d’activités criminelles.
Tous les membres sauf un ont pris des dispositions juridiques permettant des
enquêtes en coopération avec d’autres États. Le GAFI constate des avancées
significatives dans la mise en place des instruments juridiques concernant
l’entraide judiciaire en matière pénale, y compris en matière de saisie et de
confiscation. La très grande majorité des membres est en totale conformité
avec les obligations concernant l’identification de la clientèle. Des progrès majeurs
ont également été accomplis au niveau des mesures de vigilance et de prévention.
Le GAFI observe encore une certaine résistance en ce qui concerne l’application
des mesures anti-blanchiment au secteur financier non bancaire.
Les relations extérieures
L’objectif ultime du GAFI consiste à faire prendre conscience à tous les
pays possédant des centres financiers importants de la nécessité de lutter
contre le blanchiment de capitaux et de les persuader d’adopter et de mettre
en œuvre ses recommandations.
A cette fin, le GAFI, d’une part, coopère et coordonne son action, dans
toute la mesure du possible, avec l’ensemble des organisations internationales
et régionales concernées par la lutte contre le blanchiment de capitaux. D’autre
part, il développe des relations avec les pays non membres pour éviter
notamment le déplacement du blanchiment de capitaux vers d’autres zones
géographiques.
La coopération avec des organisations
internationales et régionales
Au cours de la première année d’existence du GAFI, seules trois
organisations internationales ont assisté à ses réunions : le Fonds monétaire
international (FMI), le Banques des règlements internationaux (BRI) et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). En 199091, le GAFI a décidé que des organisations internationales compétentes
pourraient être invitées à participer aux réunions du Groupe en tant qu’observateurs. Jusqu’à la réunion plénière de janvier-février 1996, la participation des
organisations internationales en qualité d’observateurs était limitée à des points
spécifiques de l’ordre du jour comme les relations extérieures. Désormais, il a
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
346
été convenu que les organisations internationales participent en qualité d’observateurs au plus grand nombre possible de discussions en sessions plénières. C’est ainsi qu’en 1995-96, ont participé aux réunions du GAFI des
représentants du Groupe d’action financière des Caraïbes (GAFIC), du Conseil
de l’Europe, du Secrétariat du Commonwealth, du Fonds monétaire international, de la Commission interaméricaine de lutte contre l’abus des drogues
(CICAD), d’Interpol, de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), du Groupe des autorités de contrôle bancaire des centres
extra-territoriaux, de la Division de la prévention du crime et de la justice pénale
des Nations Unies, du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID), de la Banque mondiale et de l’Organisation
mondiale des douanes.
Par ailleurs, pour coordonner les activités des organismes régionaux et
internationaux préoccupés par le blanchiment de capitaux, le GAFI organise
des réunions régulières des diverses organisations.
Enfin, le GAFI participe également à différentes réunions à l’initiative de
ces organismes. C’est ainsi que des représentants du Groupe ont assisté, en
1995-96, à des réunions du Groupe des autorités de contrôle bancaire des
centres extra-territoriaux, du groupe «.Fonds provenant d’activités criminelles.»
(FOPAC) d’Interpol et de l’Organisation mondiale des douanes.
Les relations avec les pays non membres
De nombreux pays et organisations non membres ont accepté les
recommandations du GAFI et consentent des efforts pour les mettre en œuvre.
Le GAFI a mis au point une méthodologie des évaluations mutuelles qui pourrait
s’appliquer à des pays non membres. Le Groupe devrait être prêt à valider les
processus d’évaluation par d’autres organismes internationaux pour autant
qu’ils répondent à certains critères convenus. L’une des conditions est notamment que les membres du GAFI participent à tous les organismes internationaux ou régionaux qui sont susceptibles de réaliser une évaluation sur la lutte
contre le blanchiment.
Si cela s’avère nécessaire, le GAFI peut également apporter une formation et fournir une assistance technique régulière dans le but de promouvoir les
recommandations. Ainsi dans la région des Caraïbes, le GAFI continue de
fournir au GAFIC tout l’appui nécessaire plutôt que de lancer de nouvelles
initiatives. En tout état de cause, la démarche doit être souple et s’adapter à la
situation de la région ou des pays concernés.
Le GAFI ne peut pas couvrir en même temps tous les pays qui représentent
un intérêt.; il a dû fixer des priorités dans la mise en œuvre de ses initiatives en
matière de relations extérieures. Il a décidé d’accorder la priorité à sa stratégie de
contact avec les pays d’Asie, d’Europe orientale et des Caraïbes.
Outre l’organisation de symposiums passant en revue les progrès réalisés dans l’adoption de législations anti-blanchiment, l’étape la plus significative
consiste dans la réalisation d’un consensus en faveur de la création d’un
Groupe de direction Asie/Pacifique sur le blanchiment de capitaux.
Le Groupe d’action financière (GAFI)
et la lutte contre le blanchiment de capitaux
347
À l’intention des pays de la zone de Coopération économique de la mer
Noire.1, le GAFI a organisé un séminaire sur le blanchiment de capitaux. Les
pays de cette zone qui ne sont pas membres du GAFI ont convenu d’envisager
l’adoption et l’application des recommandations du GAFI.
Enfin, on ne peut manquer de signaler la condamnation des Seychelles
par le GAFI. Le 27 novembre 1995, les Seychelles ont adopté la loi de
développement économique. Certaines dispositions de ce texte en matière
d’immunité risquaient de toute évidence d’attirer l’attention des entreprises
criminelles internationales qui viendraient chercher refuge aux Seychelles et y
mettre à l’abri leurs richesses acquises de façon illicite contre les poursuites
des autorités judiciaires. En conséquence, le 1er février 1996, conformément à
la recommandation 21 et à la suite d’initiatives diplomatiques, le GAFI a décidé
de publier un communiqué de presse condamnant l’adoption de cette loi et
appelant ses membres, comme les autres gouvernements, à exercer toutes
les pressions possibles sur le gouvernement des Seychelles, afin qu’il abroge
les dispositions susmentionnées de la loi de développement économique. À la
suite de ce communiqué de presse, le GAFI et le gouvernement des Seychelles
ont entamé un dialogue afin de trouver des moyens de mettre en œuvre une
loi significative sur la lutte contre le blanchiment de capitaux de nature à éliminer
les effets pratiques des dispositions de la loi de développement économique
en matière d’immunité. Cet exemple montre le pouvoir de pression et de
dissuasion dont dispose, dans une certaine mesure, le GAFI.
Les typologies des techniques de blanchiment
Le GAFI tente également de suivre les évolutions des techniques de
blanchiment pour cibler les nouvelles menaces et élaborer des contre-mesures
efficaces. Les experts du GAFI ont mis en commun les informations dont ils
disposent sur les procédés de blanchiment les plus courants dans les pays ou
régions tant membres que non membres. À cet égard, les opérations auxquelles donnent lieu les fonds illicites provenant de l’ex-Union soviétique et de
l’ex-bloc de l’Est ont fait l’objet d’une attention particulière.
La dernière réunion du groupe d’experts sur les typologies a eu lieu, sous
ma présidence, en novembre 1995.
Premièrement, il faut reconnaître qu’il est quasi impossible de déterminer
l’importance du phénomène du blanchiment des capitaux. La grande majorité
des États membres ne disposent pas de données suffisantes pour étayer des
estimations crédibles. Néanmoins, le GAFI invite les États membres à poursuivre des tentatives dans ce sens.2.
Pour ce qui est des principales sources de revenus illicites, le trafic de
stupéfiants reste la source la plus fréquemment mentionnée. Vient ensuite la
1. Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bulgarie, Géorgie, Grèce, Moldova, Fédération de Russie,
Roumanie, Turquie et Ukraine.
2. M. Quirk, dans un document de travail du FMI, cite intuitivement le chiffre de 500 milliards de dollars,
soit 2.% du PIB mondial. Cfr P.J. Quirk, Macrœconomic Implications of Money Laundering, FMI, avril
1996.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
348
criminalité financière. La criminalité organisée continue d’être à l’origine d’une
importante proportion d’argent sale circulant dans les circuits financiers.
En ce qui concerne l’utilisation du système financier, les banques demeurent un mécanisme important pour l’écoulement des revenus de la criminalité, notamment grâce à l’utilisation de comptes au nom de personnes
opérant pour d’autres bénéficiaires ou encore au nom de sociétés-écrans. Les
transferts électroniques restent un instrument essentiel à toutes les étapes du
processus de blanchiment. Les «.cyberpaiements.» constituent une menace
potentielle de taille, dans la mesure où ils permettent de réaliser d’importantes
transactions de façon anonyme et parfois entièrement en dehors du système
bancaire.
Les institutions financières non bancaires et les entreprises non financières sont encore des moyens commodes d’introduire des revenus obtenus
de façon illégale dans les circuits financiers normaux. À cet égard, les bureaux
de change représentent un risque toujours plus important dans le domaine du
blanchiment.
On constate aussi une augmentation du nombre de membres des
professions juridiques, de comptables, de conseillers financiers et d’administrateurs de biens, dont les services sont utilisés pour faciliter l’écoulement des
fonds provenant d’activités criminelles.
Un important volume des gains provenant d’activités illicites sont également investis dans l’immobilier.
Plus étonnant, la contrebande, l’une des techniques les plus anciennes
de blanchiment des capitaux, semble connaître un regain d’intérêt. La contrebande peut se faire en transportant matériellement les espèces ou les instruments monétaires, ou en cachant les espèces dans des expéditions de
marchandises destinées à l’étranger.
Par ailleurs, on a constaté que le secteur des casinos restait particulièrement propice au blanchiment de capitaux. Les casinos conciliants ne peuvent
qu’attirer les blanchisseurs de capitaux car ils offrent souvent les mêmes
services que les banques, y compris des possibilités de crédit, des facilités de
change et des services de transfert de fonds.
Le secteur de l’assurance ou de la réassurance est aussi touché,
notamment en raison de l’utilisation de contrats d’assurances à prime unique.
Les marchés de valeurs mobilières peuvent également être très propices
à l’infiltration par les blanchisseurs. Ces marchés sont très liquides. Les achats
et les ventes peuvent être réalisés en un temps très bref. Les courtiers en
valeurs mobilières pourraient être incités, en raison de la forte compétitivité, à
ne pas trop se préoccuper de l’origine des fonds de leurs clients.
Il a déjà été souligné plus haut que ces constats avaient amené le GAFI
à procéder à la révision de certaines recommandations pour les adapter aux
évolutions des techniques de blanchiment. Désormais, les recommandations
applicables au secteur financier doivent aussi couvrir des entreprises ou des
professions non financières proposant des services financiers.
Les États membres ont aussi réagi en adoptant un certain nombre de
contre-mesures. La plupart ont étendu le délit de blanchiment à des infractions
Le Groupe d’action financière (GAFI)
et la lutte contre le blanchiment de capitaux
349
autres que celles liées à la drogue. Un certain nombre a étendu la portée des
mesures à de nouvelles institutions financières, voire à des professions non
financières susceptibles néanmoins d’être utilisées à des fins de blanchiment.
En ce qui concerne les pays non membres du GAFI, les informations
typologiques disponibles sont très rares sauf en ce qui concerne l’ex-Union
soviétique et l’ex-bloc de l’Est. Ainsi les experts ont pu rassembler des éléments
d’information convaincants montrant que le crime organisé dans ces régions
était impliqué dans plus ou moins tous les types d’activités criminelles. Les
groupes criminels russes se montrent extrêmement organisés avec un réseau
de contacts internationaux s’étendant dans les organisations criminelles internationales. Les techniques de blanchiment détectées sont l’ouverture de
comptes dans des institutions financières où d’importantes sommes sont
déposées pour être ensuite transférées à l’étranger et l’établissement de
sociétés-écrans dans les pays membres du GAFI. Le plus souvent, les fonds
sont ensuite rapatriés en Russie.
Conclusion
Si des progrès considérables ont déjà été accomplis, l’action du GAFI
dans la lutte contre le blanchiment de capitaux doit se poursuivre.
L’analyse typologique met en lumière le risque engendré par les failles,
tant en ce qui concerne le type d’opération ou le type d’institution utilisé qu’en
ce qui concerne la faiblesse réglementaire de certains États, d’un système de
lutte contre le blanchiment de capitaux et la nécessité de parvenir à une mise
en œuvre complète des quarante recommandations, non seulement au sein
des pays membres du GAFI mais aussi auprès des pays non membres.
D’autre part, le caractère transnational de ce type de criminalité exige
une approche internationale du phénomène qui suppose une coopération de
tous les États et une collaboration entre toutes les organisations internationales
et régionales concernées.
C’est pourquoi le GAFI s’est donné les priorités suivantes pour la session
qui a commencé le 1er juillet 1996 sous la présidence de l’Italie : renforcer sa
coopération avec le secteur des services financiers, faire face aux éventuelles
menaces de blanchiment de capitaux que font peser les nouvelles technologies
de paiement et développer la dynamique des efforts anti-blanchiment de
capitaux à l’échelle mondiale en coopération avec d’autres organismes internationaux.
Le blanchiment des capitaux d’origine criminelle demeure un phénomène particulièrement inquiétant qui risque, à terme, de déstabiliser l’économie
mondiale. La vigilance de tous ceux que concerne le système de lutte mis en
place est donc plus que jamais nécessaire.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
350
Summary
The achievements of the Financial working group
Jean Spreutels
The GAFI (Groupe d’Action Financière, or Financial Working group) was created in 1995
at the occasion of the Paris Arch summit, following the Bale declaration and the United
Nations Convention against drugs trafficking.
This group counts now 28 members including 26 countries, the European Commission
and the Gulf co-operation council.
It has three main duties: – to analyse instances of money laundering – to assess the tools
and the national programmes related to money laundering – to make operational recommendations.
In order to do so, it has adopted 40 recommendations including all the aspects of the fight
against laundering activities. The member countries agreed to import those recommendations into their national legislation.
These recommendations go toward more adequate repressive measures (they insist on
money laundering being listed within the criminal offences) and better preventive measures
to be used by financial or banking institutions (identification of customers, declaration of
suspect financial transactions, etc.)
The GAFI maintains co-operation relations with other international structures (for instance
PNUCID) and regional structures. It also has links with non-member countries as it provides
them with assessment methods and precious technical assistance.
Resumen
Los trabajos del grupo de accion financiera
Jean Spreutels
El GAFI (Grupo de Acción Financiera) fue creado en 1995 en ocasión de la cumbre del
Arco, en la prolongación de la Declaración de Bâle y de la Convención de las Naciones
Unidas contra el tráfico de estupefacientes. Actualmente reúne veintiocho miembros :
veintiséis Estados, la Comisión Europea y el Consejo de Cooperación del Golfo.
Tiene tres misiones esenciales : analizar el fenómeno de reciclaje de dinero sucio, evaluar
los instrumentos y los programas nacionales en la materia, y proponer recomendaciones
de intervención.
En este marco, ha adoptado cuarenta recomendaciones que engloban todos los aspectos
de la lucha contra el blanqueo. Los Estados miembros se comprometieron a volcarlas al
Derecho Interno. Estas recomendaciones apuntan a la vez a una mejor represión (pedido
de que el blanqueo sea objeto de una incriminación) y a mejorar la prevención en relación
con las instituciones financieras (identificación de los clientes, declaración de transacciones sospechosas...).
El GAFI mantiene relaciones de cooperación con organismos internacionales (por ejemplo, el PNUCID) y regionales. También desarrolla lazos con los Estados no miembros a
los cuales suministra métodos de evaluación y una preciosa asistencia técnica.
Le Groupe d’action financière (GAFI)
et la lutte contre le blanchiment de capitaux
351
Operational police cooperation
in the area of money laundering:
United States Customs Service
Paul Beaulieu,
US
Customs
assistant in Paris
United States
Operational
Customs
police
Service
cooperation in the area of money laundering:
Good afternoon ladies and gentlemen
To begin, I want to thank the director and staff of the institute for their
gracious invitation to the US customs service to speak to this distinguished
group. It is always a pleasure and an honor to be involved in conferences such
as these, which are essential for effective police work.
For the past three years, I have been the attaché of the United States
customs service at the American embassy here in Paris. My career has
spanned 27 years, including 18 years with customs and 9 years with the drug
enforcement administration (DEA) Most of the time, I was stationed in Los
Angeles, California, and before coming to Paris I was stationed at our headquarters in Washington, D. C.
The institute has asked that I discuss the role of the US customs service
in combating organized crime, in particular in the area of money laundering.
Before doing that, I would like to give you a brief explanation of the structure
and powers of US customs and how we interact with other police services.
The United States does not have a national police service as most
countries do. Instead, because the founders of the US were opposed to a
concentration of power in a central authority, it was decided that the original
colonies in America would be autonomous. Even in such matters as defense,
each colony had its own militia. Obviously, times have changed, with our central
government in Washington now having much more power than the individual
50 states. However, instead of a national police, we have, by some estimations,
some 20.000 different police services: each town, each county, and each state
has a police agency. Then, there are other quasi-police agencies for many
airports, railroads, parks, and even school districts. Finally, at the national level,
there are some 50 different agencies such as customs, the FBI, the drug
enforcement administration (DEA), and the bureau of alcohol, tobacco, and
firearms that are charged with enforcing criminal laws. So, as you can see, we
are far from centralized. That is probably our biggest obstacle to efficiency. I
will further discuss that later.
US customs has about 18.000 employees. Of that total, we have about
6.000 uniformed officers along the land borders and at the air and sea ports
and we deploy an extensive fleet of aircraft for patrolling and surveillance. In
addition, we have about 2.500 investigators such as myself. As for our powers,
we have the authority to enforce any national criminal law, and in many states
we have been given the authority to enforce state laws, which are often quite
different. Add to that our unique authorities as customs officers and it can be
said that we have the widest authority of any police service in America.
The investigative branch of customs has offices in every major city and
many smaller cities in the US Naturally, our offices are concentrated along the
borders. In addition, we have 22 offices in 18 foreign countries, as well as a
permanent representative at Interpol in Lyon. We were the first US law
enforcement agency to be represented in China, and we recently opened an
office in Moscow. We began stationing agents overseas over 30 years ago. At
first, our function was primarily focused on traditional customs matters such as
fraud. Today, we are still concerned with fraud, but we are equally involved in
the areas of arms trafficking, illegal transfer of technology, money laundering,
stolen patrimony, stolen cars, and illegal movement of hazardous waste.
I mentioned that one of our biggest problems of efficiency is that there
are so many different police services, each with its own director and autonomous powers. It is human nature, I suppose, that if someone has power, he is
reluctant to share that power. Perhaps in another area, this was not as
counterproductive as it is today. Nearly every country in the world has experienced an explosion in rate of crime. The United States has the questionable
distinction of having the highest percentage of its population in prison.
However, the point is that many of us in the police services have
concluded that no single service, or town, or even the national government,
acting alone, can have more than a superficial impact on the problem of
criminality. That is why there are hundred of so-called police “task forces” in the
US, which are comprised of officers from different services, whether they be at
local, regional or national levels. The reasons are many: sharing of information
and resources; to avoid duplication of effort; officer safety; pooling of evidence
for more successful prosecution; to mention just a few. This has not necessarily
eliminated the inter-agency distrusts or rivalries, but overall it has made us much
more effective. For example, along our border with Mexico, we have a task
force called “operation alliance”, which is comprised of some 30 different
agencies, from small local police departments to the military. We have seriously
tried to overcome our differences, toward the common goal of stopping drug
smuggling. We try to exploit individual strengths so that the whole is greater
than the sum of the parts.
The main advantage to the task force concept is the sharing of information. We used to find that the same criminals were being investigated by several
agencies, none of which was able to make an arrest or seizure, and none of
which knew that the others were also interested. Sometimes the results were
even tragic, when one service stumbled into an operation being conducted by
another service. Once the resources were combined, however, it was a totality
different story.
Today, this sharing of information is done not only from person to person,
but electronically. For example, from my desk here in Paris, I can send to and
receive data from many computer data bases in the US and in other countries.
Thus, if my office in Bangkok, for example, receives information on a drug
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
354
courier en route to the US via France, they can send me the information and a
photograph, by computer, in a matter of seconds. This I can then share with
French authorities, and at the same time the information and photograph are
accessible to any US customs officer in the world. Instantly, I can check for the
suspects previous travel to the US, if is known to other agencies, has a criminal
record anywhere in the US, etc.
I am reminded of a cartoon I once saw in a magazine in which two
criminals were talking. One said to the other, “what’s all this talk about organized
crime? Law enforcement is organized isn’t it? Why shouldn’t we be organized?”
In fact, we have talked about “organized crime” for years, while at the same
time we were often rather disorganized ourselves. I see that changing everywhere now: not only are there task forces, there is Interpol; Europol; the
Schengen accord provides for shared computer data; passports are being
made with encoded magnetic strips; the world customs organization has
regional liaison offices; the French and Spanish police cooperate against the
Basque terrorists, and so on. I’m sure each of you could name many other
similar cooperative efforts in your own areas.
When we in the US used to talk about organized crime, we thought of
the Mafia, the Italian crime families. They were sometimes immortalized in films,
sometimes admired, and frequently were prominent, if not “legitimate”, members of the community. Today, the Italian mob while still existent, is being
replaced by other groups, usually ethnic in nature, that are frighteningly more
powerful, vicious, and organized. “Russian organized crime” has become a kind
of “mot à la mode”. I recently attended a lecture by a noted expert in this field,
who said that organized crime in Russia is not controlled by a few families or
groups, but is in fact thousands of groups that are not necessarily interconnected. For the police, this presents a much more difficult situation, a situation which
is compounded, by the Russian government’s own admission, by the weakened
governmental infra-structure. I do not mean to diminish the threat posed by
“Russian organized crime”, but we are also confronted by the Chinese triads, the
Nigerian/west African groups, and of course by the Colombian drug cartels.
So, what are we doing in the US against organized crime? To give you
a few examples, I must go back to my main points, sharing of information and
resources, and mutual support. For some years now, we have had laws that
allow us to seize profits derived from crime, whether money, cars, houses,
stocks, in fact, any tangible good. It does not matter that the profit may have
changed form, for example, from cash to a car, as long as the source of the
profit can be established. We can also seize profits from crimes committed
outside the United States, that are located inside the United States. This has
had the effect of rendering the US a much less desirable financial haven, and
enabling other governments to repatriate stolen goods or profits of crime.
One case that we were involved in recently was that of a bank fraud in
France that netted several million dollars. Some of that money found its way to
California, where it was used to buy a house. We seized the house, which cost
the criminals several hundred thousand dollars. The irony is that, even if we
had not seized the house, if they had tried to sell it, they would have been victim
of the falling real estate values in California.! Well, let the buyer beware.!
Operational police cooperation in the area of money laundering:
United States Customs Service
355
In addition to our authority to seize and forfeit assets, we can also share
those assets with other agencies that participate in case with us. As a result,
we have shared millions of dollars with many, many services in the United
States and some foreign governments. Those monies are then used to improve
equipment, salaries, or training. In the well-known BCCI case, we shared about
$ 2 million with France, based on the participation of French customs. We can
be very good neighbors.!
We continue to upgrade and expand our data collection and sharing
programs. This is not always criminal information, but is often public information.
Going back to the assent sharing authority for a moment, locating different kinds
of assets is made much more efficient by electronic access to property records,
for example. Instead of having to personally go to each state or county records
office, I can now access the same information from my personal computer. These
computer systems can be expensive to buy and set out, but over the years prove
to be well worth the investment. I don’t think we can afford the alternative.
Since the 1980’s, we have had laws requiring the reporting of the import
or export of more than $ 10.000 in cash and any cash transaction in a financial
institution of the same amount. These reporting requirements include cash
transactions between individuals and businesses, such as automobile dealers,
real estate companies, stock brokerages, and casinos. Financial institutions
are required to report unusual transactions, regardless of the amount. We have
established a financial information center to analyze these reports for targeting
purposes. Most importantly, this information is available to any police service.
In the foreign arena, one of the most frustrating problems concerns the
exchange of judicial information and the extradition of fugitives. With the speed
and ease with criminals can travel, better ways to address these problems are
essential. The United States has signed mutual legal assistance treaties and
extradition treaties with many countries, and we are in negotiation with several
others. US customs has over 20 customs-to-customs agreements. These
greatly reduce the government formalities and particularly the length of the time
associated with such things as sharing if information, collection of evidence,
and rendering of fugitives.
Well, much of what I have said has undoubtedly been said before and
will be said again. To demonstrate that we can do more than philosophize, I’d
like to give you an example of the kind of investigation that we conduct and the
result that are achievable through the cooperation that I was discussing. I could
call this: the role of the US customs service in money laundering and against
money laundering, because as you will see, we do both.
Police services in America use many techniques which are familiar to all
of you: surveillance, interviews, document and forensic evidence collection,
wire taps, and so forth. One technique that we use extensively is the undercover
agent approach, where our agents assume the role of criminals. In many other
countries, this approach, is prohibited by legal codes, or is considered as too
provocative. Several year ago, a prosecutor told me she thought that it wasn’t
“fair play”, as though this was some kind of a game.! Whereas criminals do not
have to abide by laws, we do. That means that we have to compensate by being
inventive. Its not enough to be reactive, we have to be proactive, to try to
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
356
anticipate. And, we must be more organized than organized crime. Otherwise,
we will too often finish second in a two horse race.
In the area of money laundering investigations, then, our agents will play
an undercover role, representing themselves as money launderers. In other
words, as individuals who can successful deposit cash into the banking system
and then transfer it without any scrutiny by authorities. As you know, it is
becoming increasingly difficult for criminals of all kinds to convert their cash
profits into bank balances, houses, businesses, cars, etc., because of money
laundering laws being passed and because of more pressure being applied by
the police and customs authorities.
In one such case that began in 1991, we had an undercover operation
in the US where our undercover agents were picking up cash from drug
traffickers, depositing in into our undercover bank account, and then transferring the funds for the traffickers. The case had begun as a routine interview of
a suspected drug trafficker, who later decided to become an informant. He did
this because he wanted to avenge something that one of the Colombian cartels
had done. I think that revenge may be the best motivation of informants.
The informant had been for years an accountant for the cartel, so he
knew how they laundered their money, where it went, and how it was handled,
from collections on the street to off-shore bank accounts. This information was
extremely valuable in that it gave us insight into how the cartel worked. But, as
a friend of mine used to say, “it would make a good story. Interesting to read,
but it would never put anyone in jail”. What we needed was evidence, something
to show a judge and jury. Thus, the undercover approach.
The informant introduced our undercover agent to cartel members whose
responsibility was to collect cash and deposit it into the banking system for later
transfer to Colombia or elsewhere. Since this “placement” stage is the most
difficult and risky in the laundering process, the cartels are constantly looking
for persons with, shall we say, “friendly” bankers, or businesses that handle
cash. In this case, the undercover agent said he could filter the cash through
his business with no questions asked. Now, the cartel members are certainly
not stupid. They demand assurance and have to be convinced. For a start, they
agreed to give our agent a relatively small amount of cash, which he of course
was able to transfer rapidly according to the cartel’s instructions. As the cartel
became more comfortable with the agent, the amounts and frequencies increased, until the agent was given amounts of up to one million dollars. One irony
is that we were the most reliable and honest criminals the cartel ever met.! We
never stole their money, we always kept appointments, we never used violence,
and we were always available.
This undercover approach has been criticized as helping the cartel to
carry on its trafficking business, which is why we begin with a clear plan and a
target. The object is to gather evidence against as many criminals as possible,
and this sometimes requires a long term operation. We have tried many other
approaches, and have found that, within our legal and operational limits, this
approach has been very effective.
As this particular case progressed, our undercover agent learned that
the cartel was in need of contacts in Europe to pickup and deposit drug receipts.
Operational police cooperation in the area of money laundering:
United States Customs Service
357
In late 1993, I was called by our office in Atlanta, Georgia, with a simple, yet
complicated question. Simple, because I was asked if the French authorities
would like to introduce their own undercover agent and start a similar operation
in France. Complicated, because this kind of operation has never before been
done here, for legal and other reasons. This then would be a radical departure
from their traditional methods.
I met with commissaire divisionnaire Rene Wack, then in charge of the
office of the police judiciaire charged with the investigation of major financial
crimes (office central de répression de la grande délinquance financière) and
explained the background of our investigation in the United-States. Mr. Wack
was already familiar with the police methods in the US He readily agreed to
break new ground. He and I both clearly wanted the case in France to be a
French case, not an extension of the American case, but with the obvious need
to continually coordinate.
In retrospect, commissaire Wack and I both joked that had he known
how exhausting the case would be, he might not have so quick to say “yes”.!
In my service there is the expression “big cases, big problems; little cases, little
problems; no cases, no problems.” In order to succeed in this business, I
sometimes think we must be partly fanatical, partly masochistic, and perhaps
a little crazy. I think I found the perfect partner in Rene Wack. It was he who
named the French case “operation margarita” after the popular Latin American
cocktail.
After preliminary arrangements were made between our undercover agent in
Georgia and his cartel contacts, Mr. Wack’s “spy” was successfully introduced
to a cartel representative in France, and a meeting was held. Watching the
meeting, I was reminded of two poker players, whose slightest mistake, the
wrong word, a hesitation, could have set off alarms and finished the deal before
it had even started. I thought about the first few times I worked undercover. I
was convinced that I had “police” written on my forehead for the whole world to
see.
Fortunately, the first meeting went very well. After additional meetings
and negotiations, the cartel man agreed to bring the undercover agent some
money to be transferred. But it was far from simple: beepers, public telephones,
counter-surveillance, meetings in remote places, changing metros at every
stop, all designed to ensure that the undercover agent was “for real”. The cartel
has learned never to trust anyone... and with good reason.
However, Rene Wack’s team was up to the challenge. With some luck,
but mostly good police work, they were able to find out where the cartel man
lived. Then, the spider’s web began to take shape. There were telephone taps,
surveillance, background checks, airline passenger lists, vehicle records, and
so on. For our part, based on the French investigation, we were able to identify
telephone subscribers in Colombia and Mexico that led us to an American living
in the Caribbean, a convicted drug smuggler whose specialty was transporting
drugs on yachts.
Mr. Wack’s team grew quickly, from 4 to 10, then to 20. Every day brought
more information, and more questions. Where was the money coming from?
Who were the other cartels members? As the days, weeks, and months went
by, the French police were able to identify separate and district cells that had
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
358
been set up by their adversaries. One cell for handling the cash generated by
the sales of cocaine. Another for arranging the logistics involved in the smuggling, such as renting apartments, buying vehicles, boats, and telephones.
Another for arranging the actual handling of the cocaine from the time it arrived
until it was sold. The members of one cell did not know the identifies of those
of the other cells, often not even those of their own cell. Limit the exposure.
Know and repeat only what you have to. A war mentality. Eventually, several
dozen suspects were identified and located.
Cases such as these can be nearly endless. Suspects join the operation,
others leave; drug markets are expanded; many groups are interconnected.
But eventually, after enough evidence is collected, it is time to make arrests
and seizures. In this case, that time came in June 1994.
By then, police services in the US, France, Italy, Spain, and Great Britain
were involved. In order to spring the trap and capture as many suspects as
possible, everything was closely coordinated. The majority of the suspects
being in France, it was Mr. Wack who had the most coordinating to do. Well
over 100 officers throughout France and the Caribbean were assembled and,
one morning at dawn, searches and arrests were carried out. Some 60 persons
were arrested, 45 kilograms of cocaine, several cars, trucks, and boats seized,
two money exchange houses closed. In the US, three major money laundered
were arrested. In all, US customs seized $ 11 million.
It seems that you never get it all, though. We knew at the time that a
yacht loaded with one half ton of cocaine was enroute to Europe, but it was
never found. However, during the summer of 1994, several bales of cocaine
washed up on shores from England to Spain. We can only speculate if it was
“our” cocaine.
Recently, 28 persons from operation margaria in France were convicted
and sentenced to up to 10 years in prison, mostly for money laundering. One
of them was the yacht sailing American smuggler from the Caribbean.
Yet, even if you don’t get it all, had it not been for the willingness of the
services to work together, the cartel operations in France may have never been
exposed, and our case in the US would not have been as complete.
If I can indulge in a bit of commercial promotion, French author Philippe
Madelin wrote a book on operation Margarita, entitled “La filière cocaïne en
France”, published earlier this year. I know there are those who say that we
should not discuss how we operate, especially undercover. I agree with that up
to a point, but I also think that we have to keep adding elements of the unknown.
That is, until recently, the cartel was reasonably sure that they did not have to
worry about operations such as this one. Now, they have to worry. Their next
“money launderer” could be a police officer.
Ladies and gentlemen, everything I have said here today is to stress one
point: that cooperation, whether between individuals, between services, or
between countries, is the only choice we have if we hope to have an impact on
global criminality. We are on the right track. Let us keep the momentum going.
I thank you very much for your attention and again I would like to thank
the institute for allowing me this time. I would at this time be happy to answer
any questions you may have.
Operational police cooperation in the area of money laundering:
United States Customs Service
359
Résumé
La coopération opérationnelle en matière
de blanchiment : le service des douanes
des États-Unis d’Amérique
Paul Beaulieu
Le service des douanes des États-Unis a davantage de compétences que n’importe quel
autre service de police. Il compte 18.000 employés, dont 6.000 officiers en uniforme aux
frontières terrestres, aéroports et ports, et dont 2.500 enquêteurs. Les membres du service
des douanes ont la possibilité de faire respecter toutes les lois pénales fédérales ainsi que
certaines lois propres aux États. On trouve des bureaux d’enquête des douanes dans
toutes les grandes villes américaines, 22 bureaux dans 18 pays étrangers (dont la Chine
et la Russie) et un représentant à Interpol à Lyon. L’action de ce service concerne les
fraudes, le trafic d’armes, les transferts illégaux de technologie, le blanchiment d’argent,
le vol de patrimoine, les vols de voitures, et les déplacements illégaux de déchets toxiques.
Le crime organisé a évolué aux États-Unis. La Mafia d’origine italienne tend aujourd’hui à
être remplacée par d’autres groupes, généralement à base ethnique, qui sont encore plus
puissants, plus violents, et mieux organisés : les mafias russes (très difficiles à contrôler
car elles sont très nombreuses et bénéficient de la faiblesse de l’État russe), les triades
chinoises, les groupes nigérians, les cartels de la drogue colombiens.
Or pour y faire face, les services de police américains sont très fortement décentralisés.
Chaque service a son propre directeur et des pouvoirs autonomes. Pour combattre
efficacement la criminalité, il s’est donc avéré nécessaire d’opérer en «.task forces.», avec
des membres de différents services à divers niveaux (local, régional, fédéral). Ceci permet
de partager les informations, de ne pas dupliquer inutilement les efforts, de mettre en
commun les preuves qui vont servir lors du procès. L’organisation en «.task force.» n’est
qu’un aspect du mouvement d’organisation plus général qui s’opère par exemple entre les
services de police de différents pays (Interpol, Europol, Schengen, etc.).
Plusieurs actions contre le crime organisé ont été conduites aux États-Unis. La police a le
droit de saisir les profits obtenus de façon criminelle, ce qui a rendu les États-Unis
beaucoup moins attractifs pour le crime organisé.; les sommes confisquées (millions de
dollars) restent à la disposition de la police, qui peut les partager entre les services ou
avec les pays qui ont participé à l’action. Des programmes informatisés de données
criminelles et économiques ont été mis au point. De nombreux traités de coopération
judiciaire et d’extradition ont été signés. La police ne peut se contenter d’être réactive, elle
doit être proactive, d’où l’utilisation d’agents infiltrés dans les groupes criminels.; cette
méthode d’infiltration, bien qu’elle soit contestée, s’avère à l’usage très efficace. Elle est
usitée en matière de lutte contre le blanchiment. Des agents infiltrés reçoivent de l’argent
de trafiquants de drogue, le déposent dans des comptes en banque (opération devenue
délicate pour les trafiquants du fait des lois contre le blanchiment), puis le reversent aux
trafiquants. Ceci permet en quelques mois de repérer, puis d’arrêter, une grande partie
du réseau criminel.
La coopération internationale. La méthode des agents infiltrés – employée à l’occasion de
l’opération Margarita par la police française – a rendu possible le succès de cette vaste
opération qui s’est déroulée en 1994, grâce à la collaboration des polices américaine,
française, italienne, espagnole et britannique.
La coopération, entre individus, entre services et entre pays, est en effet la condition
indispensable pour faire diminuer la criminalité globale.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
360
Resumen
La cooperación operacional en materia de blanqueo :
el servicio de las adouanas de los Estados Unidos
Paul Beaulieu
El servicio de aduanas de los Estados Unidos tiene mayores competencias que cualquier
otro servicio de policía. Cuenta con 18.000 empleados, de los cuales 6.000 son oficiales
uniformados de las fronteras terrestres, aeropuertos y puertos y 2.500 investigadores. Los
miembros del servicio de aduanas tienen la facultad de hacer respetar todas las leyes
penales federales así como ciertas leyes propias a cada Estado. Todas las grandes
ciudades americanas cuentan con oficinas de investigación de la aduana, y existen
veintidós oficinas en dieciocho países extranjeros (incluyendo China y Rusia), y un
representante de Interpol en Lyon. La acción de este servicio concierne el fraude, el tráfico
de armas, la transferencia ilegal de tecnología, el blanqueo de dinero, el robo de
patrimonio, el robo de autos y los desplazamientos ilegales de residuos tóxicos.
El crimen organizado ha evolucionado en los Estados Unidos. La Mafia de origen italiano
tiende a ser reemplazada por otros grupos, generalmente de base étnica, que son todavía
más poderosos, más violentos y están mejor organizados : las mafias rusas (muy difíciles
de controlar porque son muy numerosas y se ven beneficiadas por la debilidad del Estado
ruso), las tríadas chinas, los grupos nigerianos y los carteles de la droga colombianos.
Para enfrentarlos, los servicios de policía americanos están altamente descentralizados.
Cada servicio tiene su propio director y poderes autónomos. Para combatir eficazmente
la criminalidad, es necesario operar a través de «.task forces.», con miembros de
diferentes servicios a diversos niveles (local, regional, federal). Esto permite compartir la
información y no duplicar inútilmente los esfuerzos, así como la puesta en común de las
pruebas que van a ser presentadas durante el juicio. La organización en «.task forces.»
es sólo un aspecto del movimiento de organización más general que se está operando,
por ejemplo, entre los servicios de policía de diferentes países (Interpol, Europol, Schengen, etc.).
En Estados Unidos se llevaron a cabo varias acciones contra el crimen organizado. La
policía tiene derecho a incautar los beneficios obtenidos de manera criminal, lo que a
convertido a los Estados Unidos en un país mucho menos atractivo para el crimen
organizado. Las sumas confiscadas (millones de dólares) quedan a disposición de la
policía, que puede compartirlas con los servicios o países que participaron en la acción.
Se han puesto en marcha programas informatizados de datos criminales y económicos,
y fueron firmados numerosos tratados de cooperación judicial o de extradición.
La policía no puede permanecer en al campo de la reacción, debe ser proactiva, de allí
la utilización de agentes infiltrados en los grupos criminales. Este método de infiltración,
aunque muy discutido, ha demostrado ser altamente eficaz, siendo utilizado en la lucha
contra el blanqueo. Los agentes infiltrados reciben dinero de los traficantes de droga y lo
depositan en cuentas bancarias (operación que se ha vuelto difícil para los traficantes en
virtud de las leyes contra el blanqueo) y luego vuelven a transferirlo a los traficantes. Esto
permite en algunos meses identificar y luego detener una gran parte de la red criminal.
La cooperación internacional :
El método de los agentes infiltrados (utilizado en ocasión de la operación Margarita por la
policía francesa) hizo posible el éxito de la vasta operación que se desarrolló en 1994,
gracias a la colaboración de las policías americana, francesa, italiana, española y británica.
La cooperación entre individuos, entre servicios y entre países es en efecto la condición
indispensable para hacer disminuir la criminalidad global.
Operational police cooperation in the area of money laundering:
United States Customs Service
361
Les réponses judiciaires
La direction nationale anti-mafia :
son rôle et ses expériences
dans la réalité judiciaire italienne
Bruno Siclari,
procureur national anti-mafia
de
laexpériences
direction
nationale
anti-mafia à Rome
son rôle et
Lases
direction
nationale
dans
anti-mafia
la réalité: judiciaire italienne
Une période d’environ quatre ans n’est pas assez longue pour établir un
bilan complet d’une innovation aussi considérable dans l’organisation judiciaire
italienne que peut l’être la direction nationale Antimafia.; mais elle est de toute
façon suffisante pour dresser un premier bilan significatif d’expériences, de
résultats, de perspectives.
Au début de la décennie en cours, l’Italie a dû se mesurer à une
criminalité organisée toujours plus virulente, plus ramifiée, plus farouche : une
criminalité organisée originellement constituée par la «.mafia.» sicilienne, la
«.camorra.» napolitaine, la «.n’drangheta.» calabraise, la «.sacrée couronne
unie.» née dans la région d’Apulia.
Evidemment ces organisations criminelles ont leurs bases dans leurs
régions d’origine, mais elles sont actives sur tout le territoire national et aussi
à l’étranger. D’ailleurs, la criminalité organisée moderne est inévitablement
dans tous les pays un phénomène transnational, caractéristique sur laquelle
on n’insistera jamais assez. Et les synergies internationales entre les différentes formes de criminalité organisée des divers États ne sont pas des exceptions
isolées. Ainsi, les criminels organisés de l’ensemble du monde sont susceptibles d’agir de concert : Turcs, Calabrais, Napolitains, Marseillais, Colombiens,
Russes, Siciliens, Chinois, etc.
Face à l’urgence constituée par la criminalité organisée, le législateur
italien, dans les premières années de la décennie 90, a profondément rénové
l’appareil investigateur et judiciaire destiné à combattre les organisations
criminelles. Dans toutes les villes où siège une cour d’appel (vingt-six), près
des parquets de la République ont été créées les directions de circonscription
Antimafia, constituées par des équipes de magistrats instructeurs spécialisés
dans les enquêtes relatives à la criminalité organisée.
Au niveau central, une direction nationale Antimafia, dirigée par le procureur
national et composée de vingt substituts, a été instaurée pour coordonner l’action
judiciaire contre la criminalité organisée sur tout le territoire national.
L’article 371 bis du Code de procédure pénale définit les fonctions
principales du procureur national Antimafia comme étant des fonctions de
coordination et d’impulsion dans les enquêtes de criminalité organisée.
En particulier, le deuxième alinéa de l’article cité établit que, pour
l’exercice de ses fonctions, le procureur national Antimafia :
– en accord avec les procureurs de circonscription Antimafia, garantit la liaison
des enquêtes, notamment par l’entremise des magistrats de la direction nationale Antimafia.;
– permet la nomination temporaire des magistrats de la direction nationale ou
des directions de circonscription Antimafia pour garantir la flexibilité et la
mobilité nécessaires à la satisfaction des exigences spécifiques de l’enquête
et du procès.;
– s’occupe de l’acquisition et du traitement des notices, des informations, des
données relatives à la criminalité organisée aux fins de coordination des
investigations et de répression des crimes.
Le même alinéa ajoute encore que le procureur national Antimafia :
– donne aux procureurs de circonscription Antimafia les instructions particulières visant à prévenir ou à résoudre les difficultés liées à la coordination des
enquêtes.;
– réunit les procureurs de circonscription Antimafia afin de résoudre les
divergences qui, malgré les directions données, peuvent apparaître.;
– dispose, sur la base d’un décret motivé du procureur général de la Cour de
cassation, de la prérogative des investigations préliminaires en matière de
criminalité organisée, dans le cas où les réunions de coordination n’ont donné
aucun résultat, ou si cette coordination n’a pas abouti du fait de la persistance
injustifiée d’une inertie dans l’activité d’investigation.
Aux termes du premier alinéa de l’article 371 bis du Code de procédure
pénale, le procureur national Antimafia, pour l’exercice de ses fonctions,
dispose de la direction investigatrice Antimafia, corps de police spécialisé, et
des services centraux et interprovinciaux des forces de police. Et il donne les
instructions quant à leur relative implication dans l’activité d’investigation.
La fonction de coordination du procureur national ne se borne pas à la
prévention, ni à la résolution des divergences entre les procureurs de circonscription Antimafia dans le cadre des investigations en cours. Une telle fonction
ne se limite pas non plus à l’élimination des situations d’inertie de l’activité
d’investigation d’un procureur ou de plusieurs procureurs de circonscription.
La fonction de coordination comporte, en effet, aussi une activité constante d’encadrement et de suivi général du phénomène de la criminalité
organisée : activité de compréhension réelle du phénomène à laquelle contribuent la connaissance des actes de poursuites pénales des directions de
circonscription Antimafia, l’acquisition et le traitement des notices, informations,
données concernant la criminalité organisée.
En ce qui concerne la fonction d’impulsion de la direction nationale
Antimafia, on doit préciser que cette fonction a pour finalité de garantir le
caractère exhaustif et la célérité des investigations, mais aussi une utilisation
de la police judiciaire la plus rationnelle et la plus productive possible. Il faut
ajouter qu’à la fonction d’impulsion se rattache la faculté du procureur national
de déplacer sur tout le territoire national les magistrats de la direction nationale
Antimafia et des directions de circonscription, afin de satisfaire les exigences
particulières d’enquête et de procès.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
366
À l’exercice des fonctions de coordination et d’impulsion du procureur
national, on doit ajouter le pouvoir dont dispose le procureur (et ses substituts
bien sûr) d’interroger des détenus ou des internés. Ainsi le procureur peut
effectuer ces entretiens personnels à chaque fois qu’il est nécessaire de
prévenir ou de résoudre une divergence d’appréciation entre deux ou plusieurs
directions de circonscription. Ceci entre dans le cadre de sa fonction de
coordination. Le procureur national peut également procéder à des auditions
dans tous les cas où cet acte s’avère utile à la répression de la criminalité
organisée ou à l’approfondissement d’enquêtes déjà ouvertes.
Le rôle du procureur national Antimafia, et de la direction qu’il anime,
dans le cadre de la stratégie de lutte contre la criminalité organisée, suppose
évidemment une attention particulière face à la nécessité pour les enquêteurs
de disposer d’une banque de données exhaustive : une banque de données,
cela va sans dire, complètement informatisée et surtout mise à jour en temps
réel. En effet, dès l’instauration de la direction nationale, mes substituts et
moi-même avons compris la nécessité de réaliser un système informatique
apte à assurer non seulement le développement d’un réseau local de la
direction nationale, mais aussi des réseaux des directions de circonscription,
et d’assurer évidemment une parfaite liaison entre la banque centrale et les
banques périphériques : un système informatique capable aussi de se connecter avec les banques de données externes (par exemple, de l’Administration
pénitentiaire, de l’Administration financière, du ministère de l’Intérieur, du
bureau de l’état-civil, etc.). La création d’une banque de données informatique
comme celle-ci n’a pas été simple. Elle a d’abord demandé un choix de
caractère général, relatif à l’architecture même du système. Le choix s’est porté
sur un système constitué par plusieurs unités autonomes liées entre elles (une
banque de données centrale, une banque de données pour chaque direction
de circonscription et une liaison continue). Dans chaque direction de circonscription, a été en définitive prévue la création, laquelle avait déjà été réalisée
dans des cas semblables, d’une banque de données pensée comme une unité
autonome se suffisant à elle-même, liée avec la banque de la direction
nationale et les banques des autres directions de circonscription dans un
réseau organiquement intégré. Puisqu’il m’est difficile de donner ici une illustration technique et pratique des caractéristiques spécifiques de nos banques
de données informatiques, la direction nationale que j’anime est, bien entendu,
disposée à délivrer toute information utile à ce propos.
Je n’ai pas l’intention d’ennuyer mon auditoire avec un exposé trop
détaillé des problèmes d’organisation et d’interprétation juridique que la restructuration, visible surtout au travers de la création de la direction nationale, de
l’appareil antimafia italien a engendrés et auxquels elle a dû faire face. Elle a
dû aborder des problèmes complexes et souvent de vraies difficultés d’ordre
culturel liées à la prise en compte de la nouveauté. «.Cela n’a pas été une partie
de plaisir.» pourrait-on dire si la matière n’était pas aussi sérieuse. Par bonheur
l’important travail que nous avons réalisé a d’ores et déjà donné des résultats,
lesquels, j’en suis fermement convaincu, nous récompensent amplement et
surtout nous permettent d’envisager l’avenir sereinement. Je consacrerai donc
la deuxième partie de mon discours à l’indication de ces résultats et aux
nouveaux instruments qui, à mon avis, les ont rendus possibles. D’abord, il faut
dire, sans triomphalisme mais aussi sans aucun excès de précaution, qu’ac-
La direction nationale anti-mafia :
son rôle et ses expériences dans la réalité judiciaire italienne
367
tuellement la lutte contre la criminalité organisée en Italie est indéniablement
positive. Elle est même, j’ajouterai sans hésitation, la plus positive dans
l’histoire de cette lutte. Bien sûr nous avons devant nous encore un long chemin
à parcourir, mais nous pouvons tirer quelques satisfactions des résultats dèjà
obtenus. Aujourd’hui, il est possible de dire, sans aucune figure de rhétorique,
que le sang des magistrats, souvenez-vous de Giovanni Falcone et de Paolo
Borsellino, des hommes de la police et des institutions n’a pas coulé en vain.
Ce sang a consolidé les résolutions de l’État de droit, il a fortifié les hommes
engagés dans l’activité antimafia, il a donné une nouvelle conscience et une
nouvelle détermination aux acteurs.
Quels sont alors les principaux éléments qui ont permis concrètement
cette évolution positive de la lutte contre la criminalité organisée.?
La nouvelle organisation, que je viens d’expliquer, des bureaux des
enquêteurs et, en particulier, la spécialisation de magistrats du Ministère public,
répartis sur l’ensemble du territoire national et systématiquement reliés et
coordonnés entre eux par la direction nationale Antimafia qui opère au niveau
central, doués d’un grand professionnalisme et d’une large expérience en
matière de criminalité organisée, est sans doute l’une des premières causes
de l’évolution positive de la lutte contre le crime organisé. En particulier, un
bénéfice très important dans cette direction est dû au fait qu’un bon nombre
des magistrats instructeurs se consacrent systématiquement et exclusivement
aux investigations relatives à la criminalité organisée. Et l’activité de la direction
nationale consacrée, comme on l’a dit, à la coordination et à l’impulsion, permet
la rationalisation dans l’utilisation des ressources et, surtout, garantit une
approche unique et unificatrice, laquelle a bien souvent fait défaut par le passé.
Un exemple concret, très significatif, de l’importance de cette approche
est constitué par l’évolution des enquêtes concernant les attentats aux explosifs
visant des monuments historiques, perpétrés en 1993 par les criminels maffieux dans plusieurs villes d’Italie (Milan, Rome, Florence), et aussi par l’évolution des enquêtes concernant les massacres barbares en 1992 du procureur
Giovanni Falcone et de son escorte, de Paolo Borsellino et de ses officiers de
sécurité. La liaison constante entre les directions de circonscription engagées
dans les enquêtes et la coordination de ces directions, telle qu’elle est effectuée
par la direction nationale Antimafia, ont permis d’obtenir des résultats très
importants, que ce soit dans la compréhension approfondie de l’origine de ces
crimes ou dans la localisation précise des coupables. Les investigations ne
sont pas encore terminées, mais les résultats obtenus jusqu’à présent sont dèjà
très satisfaisants : des résultats qui sont incontestablement meilleurs que ceux
enregistrés il y a cinq ou six ans.
L’une des causes les plus importantes de l’actuelle évolution positive
observée en Italie en matière de lutte contre le crime organisé est, comme il
faut le souligner, l’introduction, dans les règles pénales, de dispositions de loi
qu’on appelle chez nous «.récompensantes.». Ces dispositions portent sur
l’échelle des sanctions applicables à ceux qui décident de collaborer activement
avec la justice pénale. En particulier, le criminel qui, après un militantisme dans
les organisations de type maffieux, décide de collaborer activement avec les
enquêteurs en révélant les crimes commis et en fournissant des indications
concrètes et vérifiables établissant la preuve de la culpabilité des auteurs de
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
368
crimes ou orientant la recherche de ceux qui ont pris la fuite, peut obtenir des
avantages considérables. Par exemple, il a la possibilité de jouir d’importantes
réductions de peine à l’occasion de son procès et de purger sa peine dans le
cadre d’un régime alternatif, indépendamment des limites imposées par la loi
dans ce domaine. De plus, il est possible de prendre des mesures appropriées
dont le changement d’identité, la protection de l’informateur et de ses parents.
Il peut en outre bénéficier d’une aide économique permanente si les conditions
l’exigent.
Grâce à cette législation qu’on appelle «.récompensante.», les enquêteurs italiens disposent à présent de plus de 1200 «.collaborateurs de justice.».
Les aveux et les révélations de ces «.collaborateurs.» ont permis d’infliger des
coups très durs aux organisations criminelles.
À ce propos, il faut rappeler que la justice pénale italienne, à l’époque
de la longue et sanglante période du terrorisme, a reçu une contribution
déterminante des «.collaborateurs de justice.». Ce terrorisme, qui a été complètement vaincu après de nombreux événements douloureux et funestes, était
sans doute un phénomène bien différent, sous plusieurs aspects, de la criminalité organisée d’aujourd’hui. Néanmoins, les très précieuses expériences
positives, acquises dans ce cadre, présentent le plus grand intérêt pour la lutte
contre la criminalité organisée. En effet, la législation relative au terrorisme, la
spécialisation des magistrats instructeurs, la législation que l’on appelle «.récompensante.», la contribution des «.collaborateurs de justice.» ont été des
éléments très importants de l’action qui conduisit à la défaite du terrorisme en
Italie. Elles vont se révéler comme étant des instruments d’égale importance
dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, cadre qui est aujourd’hui, comme je l’ai déjà souligné, très prometteur et riche d’initiatives et de
résultats.
À propos du phénomène des «.collaborateurs de justice.», il faut avoir à
l’esprit la complexité de cet instrument et la nécessité du professionnalisme le plus
grand dans la gestion et l’évaluation de ces «.collaborateurs.» car cet élément
humain est très composite et souvent bien compliqué et tortueux. Personne ne
doit jamais oublier cela. Cependant, personne ne pourra nier l’importance absolue
de cette arme de lutte contre le crime organisé de type maffieux.
Au plan juridique, dans le cadre du procès pénal, le législateur italien a
introduit, ces dernières années, une série de dispositions visant à adapter la
conduite du procès en fonction des particularités de la criminalité organisée.
Ainsi, il est intervenu en matière de détention préventive. Il a rendu obligatoire
l’incarcération dans les cas de crimes typiques de la criminalité organisée
lorsqu’on dispose, bien entendu, de graves indices de culpabilité. Dans la
même optique, ont été introduites des modifications à la réglementation concernant les délais maximaux de durée des investigations préliminaires et leurs
prorogations. On a potentialisé l’activité d’investigation et on a prévu pour la
police judiciaire et pour le Ministère public des attributions élargies en matière
d’enquête. On a établi pour le procès des dispositions visant à introduire durant
les débats des informations issues d’autres procès. On a modifié le régime des
notifications. On est intervenu plusieurs fois en matière de mesures conservatoires «.in re.» pour permettre la saisie des ressources économiques liées à
l’activité maffieuse.
La direction nationale anti-mafia :
son rôle et ses expériences dans la réalité judiciaire italienne
369
En matière donc de criminalité organisée, le législateur italien a opté pour
une plus grande rigueur du procès pénal. Et cette orientation a trouvé une
réalisation significative dans l’introduction de la norme 41 bis des règles
pénitentiaires : cette disposition établit un régime de détention à la fois spécifique et organisé pour les mis en cause dans des affaires de criminalité
organisée. La motivation du législateur a résidé non seulement dans le choix
d’imposer une plus grande sévérité, mais aussi dans l’exigence d’interdire les
relations entre les organisations criminelles à l’intérieur des prisons. Cette
disposition de loi va se révéler comme étant un instrument d’extraordinaire
vigueur dans la lutte contre la criminalité organisée. La manifeste réticence des
détenus qui sont soumis à ce régime confirme entièrement cette évaluation.
Je ne voudrais pas prendre congé de mon auditoire en lui laissant la
sensation que tout va parfaitement en matière de lutte contre la criminalité
organisée et qu’il faut simplement attendre la fin victorieuse de cette lutte. Je
veux tout d’abord déclarer que j’ai l’entière conviction que nous pouvons
remporter cette guerre. Je suis en même temps convaincu que nous avons fait
ces dernières années en Italie des progrès de la plus grande importance.
Cependant, la partie la plus longue du chemin, comme je l’ai déjà dit, reste
encore à parcourir. Nous sommes enfin dans la bonne voie, mais il faut encore
beaucoup marcher et surtout, il faut absolument éviter de changer de route.
Pour conclure sur ce sujet, les expériences italiennes en matière de
criminalité organisée peuvent être ainsi schématisées :
– projets de loi relatifs aux crimes organisés. Ceux-ci doivent être constamment affinés en fonction de notre meilleure connaissance acquise en matière
de crime organisé.;
– adaptation du procès pénal à la particularité de ce type de criminalité.;
– redéfinition des crimes de société, des crimes bancaires ou financiers.
Définition d’instruments de loi aptes à contrecarrer l’activité des organisations
de type maffieux dans le secteur.;
– introduction d’une législation appropriée destinée aux «.collaborateurs de
justice.» afin d’encourager cette contribution.;
– repérage des nouveaux secteurs d’activité de la criminalité organisée (par
exemple, le trafic de matériaux stratégiques et de substances nucléaires,
l’organisation de puissants flux d’immigration clandestine, etc.) et des nouvelles
formes de cette criminalité dans les pays caractérisés par d’importants changements politiques, économiques et sociaux (Europe de l’Est, zone Caraïbe,
Afrique, Amérique du Sud).;
– création de structures judiciaires d’instruction (surtout de bureaux du ministère public) hautement spécialisées, coordonnées de façon adéquate et destinées, systématiquement et en exclusivité, aux enquêtes en matière de
criminalité organisée.;
– promotion d’un système stable, basé sur un bureau central du type de la
direction nationale Antimafia italienne, permettant l’échange international en temps
réel des informations à caractère judiciaire ayant une valeur transnationale.
De propos délibéré, j’ai laissé pour la fin de mon discours un problème
que j’estime très important dans le cadre de la lutte contre la criminalité
organisée. Je l’ai laissé à la fin parce que je désire en souligner l’importance
particulière. En même temps, je désire ainsi souligner qu’il s’agit du problème
le plus difficile à résoudre et pour lequel le chemin parcouru est encore trop
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
370
court. Je me réfère au problème du blanchiment d’argent sale. La matière est
évidemment tellement complexe qu’elle exigerait, pour une approche sérieuse,
qu’on y consacre un exposé entier. Donc je ne devrais pas me pencher sur
cette question à cette occasion parce que l’objet de mon discours est autre.
Mais il n’est pas possible de clôturer un exposé sur les expériences italiennes
en matière de criminalité organisée sans souligner que le blanchiment d’argent
sale constitue le problème le plus ardu à résoudre : celui pour lequel la
contribution des «.collaborateurs de justice.» n’a pas été jusqu’à présent
efficace, celui pour lequel le niveau de collaboration entre les États reste encore
bien insuffisant.
Bien sûr la convention de Strasbourg, adoptée voici quelques années,
a représenté un important progrès, mais beaucoup d’États ne l’ont pas encore
ratifiée. Bien sûr, aujourd’hui il y a une appréhension du phénomène inconnue
il y a peu de temps. Toutefois, les conditions nécessaires pour une lutte efficace
contre le blanchiment d’argent ne sont malheureusement pas encore réunies.
Il y a encore peu de professionnalisme, mais il manque surtout une synergie
suffisante entre les États, «.conditio sine qua non.» pour affronter sérieusement
le phénomène.
Est-ce que les exigences de la lutte contre la criminalité organisée associée à
la conscience que cette lutte pour être définitivement gagnée doit vaincre le
blanchiment d’argent sale, pourront enfin créer les conditions d’une volonté
internationale effective commune à tous les États pour combattre sur le champ
ce phénomène.? Voilà une question bien difficile.
Je suis personnellement convaincu que la finance criminelle est toxique
non seulement parce qu’elle est intoxiquée, mais aussi parce qu’elle est
intoxicante, vérité terriblement difficile à reconnaître pour les communautés
financières. Mais c’est une vérité et c’est pour cela que mes services et
moi-même allons favoriser, dans cette phase de notre activité, la lutte contre
le blanchiment d’argent. Si j’en ai l’occasion dans un proche avenir, bien
volontiers je vous parlerai aussi (peut-être en Italie) de ce thème spécifique.
La direction nationale anti-mafia :
son rôle et ses expériences dans la réalité judiciaire italienne
371
Summary
The Italian answer to the Mafia Phenomenon: the role
and experience of the national anti-Mafia prosecution
service
Bruno Siclari
In order to combat organised crime, which is extremely virulent and has international
connections (Mafia, Camorra, Ndrangheta, etc.), the Italian legislature deeply remodelled
the criminal investigation apparatus at the beginning of the 1990’s.
1) It set up new institutions to combat the Mafia
In each of the 26 Courts of Appeal, Anti-Mafia District Headquarters have been created.
They are constituted of teams of investigating-prosecutors specialised in organised crime
cases.
The Anti-Mafia National Headquarters was also formed, headed by the National Prosecutor, and composed of 20 Deputy Prosecutors. It co-ordinates the judicial action lead against
organised crime nation-wide.
According to the Penal Procedures Code, the Anti-Mafia National Prosecutor’s main duties
are :
–to co-ordinate regional investigations (avoiding contradictions during the course of
inquiries);
–to charge Prosecutors of the National Headquarters or of the District Headquarters with
this or that inquiry, according to the necessity at the time;
–to gather and analyse intelligence on organised crime.
The National Prosecutor is assisted by a specialised police body (the Anti-Mafia Investigations Headquarters), as well as by the national and inter-provincial departments of the
police forces. He directs the deployment of these forces according to the needs of the
investigations.
2) The results obtained thanks to these new institutions are already very satisfactory.
The main reasons of this success are numerous. The creation of specialised Prosecutors,
who are very professional, very experienced, and who dedicate all their time to the combat
against organised crime. The rationalisation of investigations by the National Headquarters. The introduction of legal “compensatory” provisions, which reduce the sentences for
former Mafiosi who decide to collaborate with Justice. These provisions are combined with
protection measures for these witnesses and their families (change of identity, financial
assistance, etc.). There are at the moment over 1,200 such “Justice collaborators”. Other
provisions which adapt the trial organisation to organised crime: compulsory custody
remands, increase of the legal maximum length of time given for preliminary investigations,
etc. Finally, specific penitentiary provisions for inmates accused of organised crime, to
prevent them from associating in prison.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
372
Resumen
La respuesta italiana al fenómeno mafioso : el papel y la
experiencia del Ministerio fiscal nacional anti-mafia
Bruno Siclari
Para luchar contra una criminalidad organizada muy virulenta y que tiene ramificaciones
internacionales (Mafia, Camorra, Ndrangheta...) el legislador italiano ha renovado en
profundidad el aparato de investigación judicial de los años 90.
1) Ha creado nuevas instituciones para luchar contra la Mafia. En cada una de las 26
Cortes de Apelación, se han creado Direcciones de Circunscripción Anti-mafia constituidas
por équipos de magistrados-investigadores especializados en las investigaciones de
criminalidad organizada. Al nivel central se ha creado una Dirección National Anti-mafia.
Está dirigida por el Fiscal nacional y se compone de 20 substitutos. Coordina la acción
judicial contra la criminalidad organizada en todo el territorio.
Las principales funciones del Fiscal nacional anti-mafia previstas en la Ley de enjuiciamiento criminal son :
– coordinar las investigaciones regionales (evitar las contradicciones en las investigaciones).;
– decidir desigrar magistrados de la Dirección National o de las Direcciones de Circunscripcion o tal o tal investigación segun las necesidades del momento.;
– recabar y tratar informaciones relativas a la criminalidad organizada. El Fiscal nacional
dispone de un cuerpo de policia especializado (la Direction Investigadora Anti-mafia) así
como servicios centrales e interprovinciales de fuerzas de policía. Da directrices sobre la
utilización relativa de esas diferentes fuerzas en las investigaciones.
Los investigadores nacionales y regionales disponen de un banco de datos exaustivo,
informatizado y puesto al día en tiempo real a los niveles regionales y nacional.
2) Los resultados obtenidos gracias a esas nuevas instituciones son ya muy satisfactorios
Las principales razones de este éxito son multiples. La creación de équipos de magistrados
especializados, muy profesionalizados, muy experimentados, que se dedican a todo
tiempo a la lucha contra el crimen organizado. La racionalización de las investigaciones
por la Dirección Nacional. La introducción de disposiciones de ley «.que compensan.» y
reducen las sanciones penales para los antiguos mafiosos que deciden colaborar con la
justicia. Estas disposiciones se combinan con medidas de protección para estos testigos
(protección de sus familias, cambio de identidad, ayuda financiera, etc...) Hay actualmente
mas de 1200 de esos «.colaboradores de justicia.». Disposiciones que adaptan la
organización de los procesos a la criminalidad organizada : detención preventiva obligatoria, aumento de la duración máxima de las investigaciones previas, etc. Enfin, disposiciones penitenciarias particulares para los detenidos acusados de crimen organizado, para
impedirles que puedan asociarse en prisión.
La direction nationale anti-mafia :
son rôle et ses expériences dans la réalité judiciaire italienne
373
American witness protection
programs against organized crime
Eugène L. Coon, Jr,
Assistant Director for judicial security,
US
Marshall Service, Wasshington
American witness protection programs against organized crime
I am both pleased and honored to have the opportunity to address such
a distinguished group of international legal and law enforcement professionals
at the 18th International Conference of Security for Police. I want to thank the
French Minister of the Interior, and the Institute of Higher Studies of Interior
Security for inviting me to join you in what I hope will be the ground work for
our mutual future endeavors.
I have been asked to speak to you about the United States’Witness Security
Program. In addition, I also want to draw your attention to the need for exchanging
critical information and important ideas regarding international criminal elements.
During the past decade, we have seen many changes in governments,
and in world politics. We have also seen international organized crime groups
take advantage of the political changes to expand their spheres of influence
and to continue to attempt to corrupt the lawful order of society. Such groups
have no regard for jurisdiction or borders... they have but one goal, to enhance
their personal gain. However, we have an opportunity to join together, to
strengthen communication between us, and thereby reduce the constraints of
our individual systems that allow organized thugs and gangsters to conduct
their illegal international activities.
I believe that it is clear from this forum’s willingness to discuss this topic,
that there is no dispute that a witness protection program is necessary for
effective law enforcement and the successful prosecution of organized crime.
There simply is no other investigative technique as effective as first-hand
information, which only an insider can provide, about the inner-most workings
of a criminal conspiracy or act. Electronic surveillance, while valuable, provides
limited information. And, oftentimes the receipt of the information is thwarted
by the criminal groups own use of sophisticated electronics or by other means.
The best way to combat these groups – and it has proven to be the best
way – is to have a witness, preferably one involved in the crime, take the stand in
a court of law and point the accusing finger and testify against his confederates.
Disclosing this secret information about a successful criminal enterprise carries a
penalty of death for the informer. He is understandably reluctant to take the witness
stand without some assurance that he and his family will be protected from
retribution. This is not a phenomenon unique to the United States.
The Witness Security Program administered by the United States
Marshals Service.
(USMS) is a multi-faceted program. Not only do we remove the witness
and his family from the immediate danger area, but we also resettle him
permanently in a new, safe area, where he knows no one, and perhaps more
important, no one knows him. We provide the witness and his family with
authentic documentation papers for a new identity, housing assistance, employment placement or job training, counseling, medical treatment, and a
sufficient stipend until the witness is financially self-sufficient. When, it is
necessary to return to the danger area to testify, he is provided 24 hour
protection.
One thing that I wish to make very clear to his distinguished body, is that
although we consider the Witness Security Program to be one of the most
effective tools in the United States in combating organized crime, we had a very
slow and tumultuous beginning. Our efforts go back to 1929 when President
Hoover established a National Commission of Law Observance and Enforcement to conduct an inquiry into organized crime. Those efforts where not
successful and gangsters in the United States, except for the efforts of local
law enforcement, went about their illegal activities with impunity.
In 1950, a special United States Senate Committee began making inquiries
into reports of organized crime and racketeering. As was the case with federal
prosecutions, this initiative was unsuccessful due to the simple fact that witnesses
would not come forward to testify and when they did, they didn’t live long.
Another decade passed before then Attorney General Robert Kennedy
began monitoring organized crime activities and in September 1963 his efforts
were rewarded when organized crime member Joseph Valachi came forward
and testified before Congress. As a result of Valachi’s cooperation, Attorney
General Kennedy told Congress that the Department of Justice was taking
steps to protect witnesses by moving them out of the country, providing them
with work, and changing their names. Although these efforts weren’t very
successful, it marked the recognition of the need for a formal program and most
significant to this assemblage, the need for international cooperation.
Again, we found that for varying reasons, actions to fight organized crime
were slow and arduous. President Johnson took up the banner, and, in 1966,
commissioned yet another committee to investigate organized crime. Among
other things the President’s Crime Commission recommended that the federal
government establish residential facilities for the protection of witnesses. Bases
on the Commission’s findings, Congress passed legislation entitled the Omnibus Crime Control Act of 1970, which formally established the Witness Security
Program. In 1971, the United States, Marshals Service was designated to
operate and administer the Program.
As you can see, even with Presidential and Congressional recognition
of a monumental problem, it took more than four decades to implement laws
and develop policies to bring about a change which has proven to be an
effective tool in our modern arsenal to fight the war against crime. I say modern,
because when the United States’first experienced organized crime, it wasn’t a
stranger to European countries. We did, however, find the pirates who attemp-
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
376
ted to control our coastal waterways an omnipotent fœ at the time. During the
late 19th and early 20th centuries, we saw a number of criminal organized
groups from a wide variety of ethnic backgrounds emerge. All indications are
that the end of the 20th and the beginning of the 21st centuries will be no
different, except that criminals, who will continue to expand where possible, will
cultivate multi-ethnic and cross organizational ties.
Recognizing these trends, Attorney General Janet Reno urged Congress
to support legislation that, for the first time in the history of the Witness Security
Program, will grant permanent resident status to foreign national witnesses.
Congress supported these goals and passed legislation as part of a crime bill.
This international recognition of crime is, however, not a new phenomenon.
Louis Freeh, the Director of the Federal Bureau of Investigation, during a visit
to Italy in December 1993, discussed mutual cooperation and the sharing of
information and witnesses for the purpose of breaking down law enforcement
barriers that seem to be such a stimulant or organized crime. And in April 1994,
the European Committee on Crime Problems, met in Strasbourg, and discussed witness intimidation and the state’s responsibility to provide protection
before and after trial. At the foundation of all of these concepts and discussions,
we find common threads; Because the criminals we seek know no borders, neither
should our efforts in bringing them to justice be limited in such a manner. Witness
Security Programs based on mutual cooperation will benefit each of us.
Allow me now, to share with you, information that will provide with a better
understanding of the United States Witness Security Program.
Development of the Program
In 1971, the Marshals Service established the Witness Security Program,
a program committed to keeping witnesses for the prosecution alive. I currently
hold the position of Assistant Director for Judicial Security, overseeing both the
Witness security and Court Security Programs.
The Program is centrally managed by a headquarters’staff located in
Arlington, Virginia. This staff consists of a traditional organizational structure –
a program Chief, Section Chiefs, Case Managers, Resource Analysts, and
administrative, fiscal and ADP support personnel. The total full time complement is 192 positions -158 are operational Inspectors and 34 are non operational, or administrative support personnel.
The field presence is geographically divided between 12 Regional Offices, each headed by a Chief Inspector, who reports to headquarters. These 12
Regional Offices provide the field management for 47 sub-offices located from
Maine to Florida to Hawaii and in nearly every federal judicial district in between.
The total field staffing consists of 146 Inspectors and 17 administrative support
personnel.
To enhance protective services to Program participants, we have built 9
safe sites, and currently have 3 safe sites under construction. In 1987, we
opened our Witness Security Safe Site and Orientation Center, which provides a
safe and secure place to interview protected witnesses and their families and initiate
American witness protection programs against organized crime
377
them into the Program. The Center has full-service apartments and holding
cells, medical and dental facilities, indoor exercise areas, and interview rooms.
As you have heard, the predominant personnel (approximately 80%) of
the staff involved in running this program for the USMS are Witness Security
Specialists. These men and women... and there are women.... must be prepared to risk their lives to protect each witness. Specialists are highly trained in
personal security and use a wide range of sophisticated equipment and
specialized weaponry to ensure the safety of the witnesses and their families.
Specialists must also be well versed in all aspects of social services. They are
highly trained in assisting people with serious emotional, family, and personal
problems. They must be skilled at providing guidance to the children of
protected witnesses who face a new life with a new name and a new identity
and no past that they are allowed to talk about. They must also be skilled job
counselors to help place the witness in a new job. Frequently, the witness’s
new career is far less lucrative than his previous criminal activities.
Design of the Program
In the early years, most Program participants were organized crime
members or associates, connected in some manner with La Cosa Nostra
(LCN). Today, many Program participants are affiliated with new forms of
organized crime, such as motorcycle, street, or prison gangs; international and
narco-terrorists, as well as other emerging groups.
There are a host of difficulties inherent in providing a structured program
of protection for gang members and terrorists. In many respects, these individuals are more brutal, violent, and ruthless than traditional organized crime
members. Many of them do not possess even rudimentary values or ethics.
There are ethnic and cultural barriers and many have minimal education, limited
job skills, and little, if any, desire for legitimate employment. They typically have
no family structure, and are accustomed to “living on the streets”.
By contrast, the traditional organized crime member has a family, some
education, some job skills, and some respect for the criminal justice system.
Their more traditional lifestyle enables the Marshals Service to relocate them
to another city, and place them in some type of employment under an assumed
name with significantly less difficulty.
Gaining Admission into the Program
Remember, this is a program of last resort and requires prospective participants to sever all ties with past friends, family, and associates. This is a difficult
sacrifice initially and can lead to even further disenchantment in the long term.
Ordinarily, a federal investigative agency such as the Drug Enforcement
Administration, the Bureau of Alcohol, Tobacco, and Firearms, or the Federal
Bureau of Investigation will recommend a witness for participation to the United
States Attorney for the district in which that case is pending. The underlying
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
378
threat to the prospective witness must be verified by the investigative agency
since they have first-hand knowledge of the case.
Prior to approval by the Department of Justice’s Office of Enforcement
Operations (OEO) the USMS conducts a preliminary interview to determine the
witness’s suitability. Additionally, during this process, Program guidelines and
services offered are explained in detail by a Witness Security Specialist. The
Witness Security Specialist by training and experience determines if the witness
will be suitable, that is, capable of following Program Guidelines.
The common reasons for rejection from the program are violent proclivities,
adverse psychological evaluation, uncooperative attitude, unreasonable demands extensive medical problems or unemployability.
If OEO authorizes a witness’s participation, the nest step is the execution
of a Memorandum of Understanding (MOU). This is not designed to be a binding
contract, but an instrument to ensure that all participants have been familiarized
with the governing guidelines of the program. A witness Security Specialist reviews
this document with the witness and all adult family members. Each adult family
member must initial every page and sign the document. The USMS encourages
witnesses to seek legal counsel before signing the MOU, and at a minimum must
have counsel appointed to accept service of process on their behalf.
Services Offered by the Program
Security Assistance -24 hour protective details are established for the
witness or a family member when they are required and authorized to enter a
danger area.
New Identity Assistance – all program participants, with the exception of
prisoner witnesses, are required to undergo a court-ordered name change. A
system has been established to ensure the confidentiality of the petitioner, and
the sealing of the records. Following the name change, the following types of
authentic documentation are secured by the Marshals Service for the participant: proof of birth (birth certificate, US passport, Certificate of Citizenship or
Naturalization); social security card; drivers license; school registration and
immunization records for school-age children and adults, as required; medical
records, professional licenses; and religious certificates. If a witness elects to
terminate participation in the program, the Marshals Service will assist him or
her in reverting back to their original identity.
Special Agreement
with the Social Security Administration
In cooperation with the Social Security Administration, the Marshals
Service Establishes a new account, and obtains a new card and number for
each adult family member.
American witness protection programs against organized crime
379
Relocation Assistance
Witnesses and family members are relocated as soon as possible to a
safe area. Interim quarters are provided on an emergency basis. Relocation
areas are selected based upon proximity to danger areas, job skills, occupational marketability, ethnic background, medical needs, special schooling requirements, and availability of USMS manpower to provide protection.
Participants receive a monthly allowance to cover living expenses. Funds
are also available for medical treatment, employment training, moving expenses,
and the purchase of an automobile. Witnesses cannot move their personal vehicle
to the relocation area because it can be traced through the identification number.
Movement of Household Goods
The Marshals Service can, on a limited basis arrange for relocation of
household goods through a carefully established and secure procedure with a
commercial carrier.
Movement of household goods is probably the weakest link in the
program network: often requiring the witness and/or their spouse to return to
the danger area for several days. USMS has because of that, implemented
guidelines providing for the monetary replacement of household goods in lieu
of movement to the new location.
Temporary Financial Assistance
Until a witness becomes financially self-sufficient, the program provides a
monthly living stipend. This allowance is based on family size and relocation area.
Employment Assistance
The MOU specifies the USM will attempt to locate one reasonable job
opportunity for a witness. In practice, we ordinarily attempt to locate at least two.
The MOU clearly states that the Marshals Service cannot guarantee that
these opportunities will be equal to the witness’s last job, in either type, prestige
or pay. If an able-bodied witness refuses to work he or she can be terminated
from further financial assistance. The Witness Security Program has a professional vocational guidance program to assist with individual cases.
The vocational and psychological evaluations program is run by a team of
vocational psychologists. All witnesses entering the program are given a battery
of vocational and attitudinal inventories designed to assist in identifying the types
of employment for which they are best suited. Bases upon the results of these
tests, the psychologists prepare a vocational report which suggests specific jobs
as well as general areas of employment which is provided to the witness.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
380
The Marshals Service requires that all recently released prisoners, and
any individual with a history of violence or suicide be personally interviewed by
one of our psychologists prior to participation in the Program.
Each field inspector is required to develop and maintain local employment contacts for ready placement. Prospective employers may, if necessary, be advised of an applicant’s criminal history; this is particularly true if a
witness obtains employment in an unsuitable or sensitive field, such as a prison
guard or security officer if a witness establishes stable employment, his funding
is normally continued for three (3) additional month. If a witness loses a position
through no fault of his own, the Service will resume financial assistance and
assist him in locating another job.
Medical Assistance
During the period that a witness and his family are receiving financial
assistance, all of their medical and dental expenses are defrayed by the
program. When financial assistance is terminated if the witness’s employer
does not offer medical coverage, the Marshals Service will provide funds for
medical insurance for a one year period.
Mail Assistance and Forwarding
Participants may not correspond directly with anyone in the danger area.
Correspondence with non-program family members is accomplished through
the use of cover mail boxes and mail drops throughout the country. The Service
also assists witnesses in communicating with family members securely over
the telephone.
Prisoner Witnesses
With respect to prisoner witnesses, the Marshals Service provides only
secure transportation between institutions and physical protection during court
appearances, and assists prisoner witnesses in communicating with relocated
members while incarcerated. The Bureau of Prisons (BOP) is responsible for
all other aspects of a prisoner witness’s security. When prisoner witnesses are
released from custody and if authorized into the full program, the Marshals
Service the assumes responsibility. Former prisoner witnesses present an
entirely new host of challenges for field inspectors.
Probationers and parolees
Persons on federal probation or parole participating in the Program
remain in that status and are supervised under ordinary terms and conditions.
A specially trained probation officer in the relocation area is aware of all aspects
American witness protection programs against organized crime
381
of the participant’s background and is authorized to assist the inspector in
locating suitable employment and social services. Government agents and
attorneys are not authorized to make representations concerning assistance
which will be provided by the Witness Security Program.
Fingerprints
The witness and all adults over 16 years of age must voluntarily provide
their fingerprint records to the Federal Bureau of Investigation (FBI). A specific
designation is placed on their names in the system so that if they are arrested,
or if an inquiry is made concerning them, the Marshals Service is notified.
Debts and Civil Judgments
The Witness Security Program will not shield witnesses from legitimate
creditors. Witnesses are required to make appropriate arrangements for the
immediate settlement of all debts. If a judgment in a civil action is entered against
a protected witness or their authorized dependent, the Attorney General will
determine if reasonable efforts have been made by the witness to comply with
the judgment. If it is determined that reasonable efforts have not been made the
Attorney General may disclose the new identity and location of the witness to
the persons entitles to recover the judgment, or may remove the participant from
the Program.
Statement of Outstanding Debts, Liens,
Encumbrances, Source of Income
and Court Orders
Program guidelines require that witnesses and their authorized dependents disclose to representatives of the Marshals Service any and all outstanding
debts, liens, encumbrances, and court orders upon entering the program.
Child Custody Arrangement
The Marshals Service must ensure that no minor children are relocated
contrary to a court order and that proper parentage is established before entry
into the Witness Security Program. The Service provides a secure, relaxed
environment for visits between children and parents when one of them is not o
Program participant. In certain cases where the child is a non-Program participant, arrangements must be made to have the child accompanied to a neutral
area by the non-Program parent, who then turns over temporary custody of the
child to the Program parent.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
382
The Marshals Service works with child support enforcement authorities
when a Program participant fails to respond to a valid court order, and also
provides secure means when they do. The program provides funds for payment
of child support requirements until such time as the witness is self-sustaining.
Termination
Program participation may continue as long as the witness and their
family complies with Program guidelines. The decision to cease funding is
dependent upon the individual’s ability to provide for himself and his family and
is unrelated to the fulfillment of his testimonial obligations. When a witness
becomes self-sufficient, the Service notifies the witness in writing 45 days prior
to termination of subsistence funding. In this communication, the witness is also
advised of any other services to be provided to him, such as further documentation, vocational training. etc. The witness has an opportunity, at that point, to
apply for an extension of funding. Even though funding is terminated, an active
participant may avail himself or herself of other available services.
This is a voluntary program – termination may also be at the witness’s
discretion. In cases of termination for breach or cause, if a witness willfully
violates the security guidelines of the Program, he and his family are subject to
termination of all services. Typical grounds for termination would be: disclosing
new identity or location disclosing their status as a protected witness, visiting
a danger area without permission from the service, engaging in further criminal
activities: or refusing to accept reasonable employment. When a witness is
terminated for not abiding by the MOU, they are generally provided with one
month’s funding.
Immigration legislation
The United States Marshals Service on behalf of the Attorney General
drafted legislation which Congress has passed which permits the Attorney
General to grant permanent resident status to foreign nationals who are
participants in the Witness Security Program. Other participants are granted
parole status.
Statistics
During its 25 year existence, the Witness Security Program has processed over 14,600 people including over 6,600 witnesses. There are currently
1,075 active witnesses in the program. The average witness is funded for 18
months before they become self-sustaining. There are currently 661 prisoners
in the program 640 men and 21 women. In FY 1995 we received 141 new
participants. Budgetary history FY 1979 $ 7,603,000; FY 1989 $ 18,723,000;
FY 1995 $ 36,337,000.
American witness protection programs against organized crime
383
The Marshals Service has shared its experience with the Witness
Security Program, both good and bad, with law enforcement officials throughout
the world. We have had officers from six countries attend our Witness Security
Specialist basic training. I would like to extend and invitation to any representative to participate in more through briefings or in our next training session.
In closing I want to once again thank this distinguished body for your
openness and willingness to face a challenge that must be met collectively. I
look forward to working with you in the near future.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
384
Résumé
Les programmes américains de protection de témoins
contre la criminalité organisée
Eugene L. Coon
La meilleure façon de combattre la criminalité organisée est de disposer de témoins qui
ont participé de l’intérieur à ces activités criminelles, et qui révèlent à la justice les noms
de leurs complices et leur façon de procéder. Mais en témoignant, ces individus risquent
leur vie (et celle de leur famille). Il est donc nécessaire de veiller à leur protection.
Le programme américain de protection des témoins remonte à 1971. Il présente de
multiples facettes : placer le témoin et sa famille dans un lieu nouveau et sûr où il ne connaît
personne et où personne ne le connaît, lui fournir (ainsi qu’à sa famille) des papiers
authentiques qui lui forgent une nouvelle identité, l’aider à se loger, lui trouver un emploi
ou une formation, le conseiller, l’aider financièrement jusqu’à ce qu’il soit autonome, le
protéger quand il revient témoigner.
L’organisation du programme repose sur un état-major (en Virginie) qui compte 192
personnes. Il y a également 12 Bureaux régionaux, et 47 Sous-bureaux, qui représentent
en tout 146 inspecteurs et 17 administratifs. Il y a également 9 sites de sécurité (plus 3 en
construction) où les témoins et leur famille peuvent commencer à participer au programme.
Les membres opérationnels sont des spécialistes de la protection, très bien équipés, et
formés pour aider et guider les témoins et leur famille dans leur nouvelle vie.
Le programme concerne la mafia, mais aussi les nouvelles formes du crime organisé
(gangs de motards, gangs de rue, gangs de prisonniers, terroristes, narco-trafiquants).
Les membres de ces nouvelles formes de criminalité sont très difficiles à replacer lorsqu’ils
témoignent, car ils n’ont ni éducation, ni valeurs, ni formation professionnelle.
Le feu vert du ministère de la Justice est la première condition pour se faire admettre dans
le programme. La personne doit être très coopérative, sans problèmes médicaux ou
psychologiques, et employable. Le sacrifice qu’on lui demande est très lourd (couper tous
les liens avec ses anciennes relations). On l’informe très précisément sur le programme
et on lui fait signer un mémorandum.
Services offerts par le programme. Protection particulière de 24 heures sur 24 quand le
témoin va dans une zone risquée pour lui (procès, etc.). Assistance pour créer sa nouvelle
identité, avec mise en œuvre de tout un système de confidentialité. Assistance pour un
retour éventuel à l’ancienne identité. Accord avec l’administration de la sécurité sociale.
Assistance au déménagement et au relogement. Assistance financière temporaire (jusqu’à
trois mois après que le témoin ait retrouvé un emploi). Aide pour retrouver un emploi.
Assistance médicale temporaire. Le témoin reste responsable du remboursement de ses
dettes. Des témoins de nationalité étrangère qui participent au programme se voient
attribuer une carte de résident.
Le programme de protection est volontaire. Il peut se poursuivre aussi longtemps que le
témoin le souhaite, à condition qu’il se plie aux règles édictées. S’il enfreint les règles du
programme, tous les services lui sont retirés, ainsi qu’à sa famille.
Statistiques. En 25 ans d’existence, le programme de protection des témoins a traité plus
de 14.600 personnes, dont plus de 6.600 témoins. Il y a actuellement 1.075 témoins actifs
dans le programme. En moyenne, l’aide financière dure 18 mois. 661 prisonniers font partie
du programme (dont 640 hommes). En 1995, il y eu 141 nouveaux participants. Le budget
évolue de façon exponentielle (7 millions $.; 1989 : 18 millions $.; 1995 : 36 millions $).
American witness protection programs against organized crime
385
Resumen
Los programas americanos de protección de los
testigos contra la criminalidad organizada
Eugene L. Coon
La mejor manera de luchar contra la criminalidad organizada es tener testigos que han
participado del interior a esas actividades criminales, y que revelan a la justicia los apellidos
de sus cómp] ices y sus modos de operar. Pero, testimoniando, estes indivíduos arriesgan
sus vidas (y la de sus familias). Pues es necesario protegerlos.
E1 programa americano de protección de testigos remonta a 197l. Presenta multiples
facetas : instalar el testigo y a su familia en un lugar nuevo y seguro en donde no conoce
a nadie y en donde nadie le conoce, darle (así coma a su familia) documentos auténticos
con una nueva identidad, ayudarle a alojarse, encontrarle un empleo o una formación,
aconsejarle, ayudarle financiariamente hasta que sea autónomo, protegerle cuando
vuelve a testimoniar.
La organización del programa rebasa en una plana mayor (en Virginia) de 192 personas.
Hay tambien 12 oficinas regionales, y 47 negociados, que representan en todo 146
inspectores y 17 administrativos. Hay tambien 9 sitios de seguridad (más 3 que se estan
construyendo) en donde los testigos y sus familias pueden empezar a participar al
programa. Los miembros operativos son especialistas de la protección, muy bien dotados,
y formados para ayudar y guiar a los testigos y a sus familias en sus nuevas vidas.
El programa concierne la mafia, pero tambien las nuevas formas del crimen organizado
(bandas de motoristas, de calle, de prisioneros, terroristas, narcotraficantes). Los miembros de estas nuevas formas de criminalidad son muy difíciles de colocar cuando
testimonian porque no tienen ninguna educación, valores, ni formación profesional.
La autorización del Ministerio de la Justicia es la primera condición para ser admitido en
el programa. La persona debe ser muy cooperativa, sin problemas medicales o psicológicos, y que pueda trabajar. El sacrificio que se le pide es muy importante (romper todos
los lazos con sus antiguas relaciones.) Se le informa muy detalladamente sobre el
programa y tiene que firmar un memorandum.
Servicios ofertados par el programa. Protección particular de 24 horas par 24 cuando el
testigo va en una zona con riesgos para el (proceso, etc...). Asistencia para crear su nueva
identidad, con puesta en obra de todo un sistema de confidencialidad. Asistencia para un
retorno eventual a su primera identidad. Acuerdo con la administración de la seguridad
social. Asistencia para la mudanza y para alojarse de nuevo. Asistencia financiera
temporaria, (hasta 3 meses despues que el testigo haya encontrado un empleo). Ayuda
para encontrar un nuevo empleo. Asistencia médica temporaria. El testigo queda responsable del page de sus deudas. Testigos de nacionalidad extranjera que participan al
programa obtienen una tarjeta de residente.
El programa de protección es voluntario. Puede durar el tiempo deseado por el testigo a
condición que cumpla con las reglas dictadas. Si no las respeta pierde todos los servicios
y su familia tambien.
Estadísticas. En 25 años de existencia, el programa de protección de los testigos ha
tratado mas de 14600 personas, de las cuales 6600 testigos. Hay actualmente 1075
testigos activos en el programa. En la media, la ayuda financiera dura 18 meses. 661
prisioneros hacen parte del programa (de los cuales 640 hombres). En 1995, ha habido
141 nuevos participantes. El presupuesto evoluciona de manera exponencial. (7 millones
de dolares : 1989.; 18 millones de dolares : 1995 : 36 millonnes de dolares).
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
386
Gestione penitenziaria
della criminalita’organizzata
Salvatore Cianci,
Procuratore Generale della Corte di Cassazione italiana,
ex
direttore generale dell’Admministrazione penitenziaria italiana
Gestione penitenziaria della criminalita’organizzata
Definizione della criminalità organizzata
La trattazione del tema che mi è stato assegnato richiede una preliminare
definizione della criminalità organizzata alla quale si farà riferimento.
E’noto, infatti, che i modelli di criminalità organizzata variano a seconda
delle aree geografiche, delle condizioni sociali ed economiche, dei momenti e
avvenimenti storici e di altri fattori. Indubbiamente le connotazioni della criminalità organizzata si riscontrano tanto nelle associazoni delinquenziali di tipo
mafioso, quanto nelle associazioni con finalità di terrorismo o di eversione, nelle
associazioni finalizzate al traffico di stupefacenti, al traffico di sostanze nucleari,
al traffico di esseri umani, al gangsterismo urbano e in molte altre organizzazioni
delittuose.
In Italia, esauritasi la stagione del terrorismo, il fenomeno di criminalità
organizzata più grave e più pericoloso è stato ed è tuttora quello mafioso. E di
esso si occupa specificamente questa relazione, la quale ha prevalentemente
un taglio espositivo e uno scopo informativo dell’esperienza penitenziaria
italiana nell’azione di contrasto a tale tipo di criminalità.
L’ipotesi delittuosa dell’associazione per delinquere di tipo mafioso è
stata legislativamente creata e descritta dall’art. 416 bis del codice penale,
introdotto nell’ordinamento giuridico con la legge n. 646 del 13 settembre 1982.
Essa si realizza quando coloro che fanno parte dell’associazione «.si
avvalgono della forza di intimidazione del vincolo associativo e della condizione
di assoggettamento e di omertà che ne deriva per commettere delitti, per acquisire
in modo diretto o indiretto la gestione o comunque il controllo di attività economiche,
di concessioni, di autorizzazioni, appalti e servizi pubblici o per realizzare profitti o
vantaggi ingiusti per sé o per altri.» (comme 3° dell’art. 416 bis).
Gli elementi caratterizzanti del reato sono costituiti dalla utilizzazione
della coartazione psicologica derivante dal vincolo associativo e dalle condizioni di assoggettamento e di omertà, mentre lo scopo è costituito dal conseguimento di un profitto mediante un’attività criminosa.
L’ultimo comma dell’art. 416 bis considera di tipo mafioso le altre
associazioni, comunque localmente denominate, che valendosi della forza
intimidatrice del vincolo associativo perseguono scopi corrispondenti a quelli
delle associazioni di tipo mafioso. Ne fanno, quindi, parte la «.camorra.», la
«.ndrangheta.» e altre associazioni meno note.
Ne consegue che attualmente in Italia per criminalità organizzata deve
intendersi l’attività delittuosa rivolta a perseguire le finalità dell’associazione di cui
all’art. 416 bis del codice penale con gli stessi metodi previsti dalla suddetta norma.
Sviluppo e trasformazione
della criminalità mafiosa
Con la citata legge n. 646 del 1982, che innovava incisivamente anche
in tema di misure di prevenzione di carattere patrimoniale nei confronti della
mafia, e con l’altra legge n. 726 dello stesso anno 1982, la quale istituì l’Alto
Commissario, con i poteri attribuiti all’autorità di pubblica sicurezza, al fine del
coordinamento della lotta contro la delinquenza mafiosa sul piano locale e sul
piano nazionale, si hanno i segni inequivocabili di una maggiore attenzione da
parte degli Organi dello Stato al fenomeno mafioso e un più decisivo impegno
dei medesimi Organi per l’adozione di stategie di contrasto sia sotto il profilo
normativo che operativo.
In verità, negli anni precedenti, per un lungo periodo, l’attenzione delle
Istituzioni sugli sviluppi della mafia era stata sviata dal gravissimo fenomeno
criminale del terrorismo, che aveva dal 1967 al 1982 particolarmente e strenuamente impegnato le forze di polizia e la magistratura.
Di ciò avevano approfittato le associazioni mafiose per espandersi e per
operare una profonda trasformazione.
Mantenendo i tradizionali collegamenti politici, compivano il primo salto
di qualità inserendosi nella speculazione edilizia. Operavano la radicale trasformazione inserendosi nella lavorazione e commercializzazione della droga,
di cui riuscivano ad acquisire il monopolio, trovandosi così a gestire enormi
quantità di denaro. Da qui la necessità di riciclare il denaro sporco, di investirlo
in attività apparentemente lecite, di trasferirlo all’estero.
La mafia artigianale si era, pertanto, trasformata in mafia imprenditrice,
in una multinazionale del crimine, la quale assumeva moduli operativi e
organizzativi della criminalità degli affari.
Altra novità delle varie organizzazioni criminali è stata costituita dalla
adozione di cruenti metodi di lotta nei confronti delle autorità dello Stato.; metodi
mutuati dai terroristi, con i quali – sembra ormai accertato – la criminalità
mafiosa ha avuto episodiche collaborazioni contro comuni obiettivi.
Numerose sono state le vittime di questi nuovi metodi tra magistrati, forze
dell’ordine, personalità politiche, operatori penitenziari, funzionari dello Stato e
persone senza incarichi pubblici casualmente trovatesi nei luoghi degli agguati
e delle stragi.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
388
Il pentimento e la normativa premiale
E’bene premettere che nei testi legislativi italiani non è mai usato il
sostantivo «.pentimento.» per indicare una condotta antagonista all’offesa del
reato o di collaborazione processuale con l’autorità. Ma tale termine si è imposto
nel linguaggio giornalistico, in quello comune e nello stesso gergo giudiziario,
venendo riferito ad atteggiamenti soggetivi eterogenei e soprattutto non riconducibili a sentimenti di dolore o rimorso.
L’uso della parola «.pentimento.» è cominciato con le prime collaborazioni dei terroristi e il contemporaneo profilarsi della legislazione premiale. Le
motivazioni soggettive della collaborazione sono indifferenti nè, tanto meno, si
richiede che esse siano di carattere morale ovvero il frutto di una reale
resipiscenza.
Impropriamente, pertanto, viene definito «.pentito.» l’imputato già appartenente ad una organizzazione criminale che collabora con la giustizia.
Ad indurre il legislatore ad accordare benefici penali e penitenziari sono
esclusivamente ragioni di politica criminale, ravvisabili nell’interesse a propiziare una condotta antagonista all’offesa del reato o di collaborazione processuale, mentre le ragioni della collaborazione del c. d. «.pentito.» sono
normalmente di natura utilitaristica.
Considerati i risultati largamente positivi della legislazione premiale nella
lotta al terrorismo, si apriva e proseguiva per diversi anni un acceso dibattito
sulla opportunità di emanare, in una prospettiva pratica e utilitaristica, una
normativa premiale per la collaborazione processuale di appartenenti alla
criminalità organizzata di tipo mafioso.
Sulla emanazione della legislazione premiale si registrarono due posizioni opposte ed estreme : l’una contraria, l’altra favorevole.
Gli oppositori riproponevano anzitutto le medesime obiezioni con le quali
era stata osteggiata la legislazione nei confronti dei terroristi.
Le principali erano :
1) L’impunità e la mitezza della pena nei confronti di autori di gravi ed
efferati delitti sono, sul piano etico, riprovevoli, mentre, sul piano giuridico,
violano il principio retributivo.
2) La collaborazione del coimputato non disinteressato, anzichè contribuire all’accertamento della verità, può comportare un inquinamento del materiale probatorio.
3) Un disvalore, qual’è la delazione, non può assurgere a istituto giuridico.
Con speficico riferimento alla criminalità mafiosa si obiettava inoltre :
4) Le delazioni dei mafiosi genererebbero incertezze ed equivocità
probatorie perchè, mentre per i terroristi, dato il loro impianto culturale e
ideologico, il pericolo di uno straripamento dall’alveo della verità era ipotetico
e quantitativamente limitato, tale pericolo sarebbe reale ed esteso nella colla-
Gestione penitenziaria della criminalita’organizzata
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borazione mafiosa, considerate la subcultura degli appartenenti e le motivazioni
prevalentemente egoistiche e utilitaristiche della collaborazione.
Dagli assertori della legislazione premiale si evidenziavano soprattutto
ragioni pratiche, nelle quali si trovavano anche alcune risposte confutatorie alle
considerazioni dei fautori dell’opposta tendenza.
Si rilevava che :
a) il punto debole della nuova mafia risiede in quegli adepti provenienti
dalla criminalità comune e minorile, che non hanno ancora assimilato la
subcultura mafiosa, sui quali la legislazione premiale potrebbe fare breccia.;
b) poichè il vasto aggregazionismo ha generato cruenti guerre tra cosche
rivali, deve ragionevolmente presumersi, anche sulla base di alcune esperienze
collaborazioniste, che la legislazione premiale propizierebbe la collaborazione
degli appartenenti alla cosca perdente, se non altro, per un personale interesse
alla sopravvivenza.
Il legislatore, forse perchè consapevole che alcune delle considerazioni
prospettate dai fautori delle opposte posizioni non fossero prive di un fondamento di verità, è stato per lungo tempo titubante.
Solo con il decreto-legge 13 maggio 1991, n. 152 (convertito in legge 12
luglio 1991, n. 203) sceglie decisamente la strategia premiale per contrastare
la criminalità mafiosa. Cœvamente, con la legge n. 82 del 1991, vengono
emesse nuove norme per la protezione dei collaboratori della giustizia.
La disciplina premiale tiene conto sia del collaboratore imputato sia di
quello condannato ed incide nel momento sanzionatorio, in quello processuale
e in quello penitenziario, tra i quali c’è una stretta interdipendenza. Assicura
inoltre la più ampia protezione alle persone esposte a pericolo per effeto della
loro collaborazione.
Sul piano sanzionatorio la legge n. 203 del 1991 stabilisce che la pena
dell’ergastolo è sostituita da quella della reclusione da 12 a 20 anni e che le
altre pene sono diminuite da un terzo alla metà nei confronti dell’imputato del
delitto di associazione di tipo mafioso o di altro commesso avvalendosi delle
condizioni previste dall’art. 416 bis del codice penale ovvero al fine di agevolare
l’attività delle associazioni di tipo mafioso, che, dissociandosi dagli altri, si
adopera per evitare che l’attività delittuosa sia portata a conseguenze ulteriori
anche aiutando concretamente l’autorità di polizia o l’autorità giudiziaria nella
raccolta di elementi decisivi per la ricostruzione dei fatti e per l’individuazione
o la cattura degli autori dei reati.
Il legislatore, inaugurando un trattamento decisamente differenziato tra
il mafioso collaboratore e quello irremovibile, prevede per quest’ultimo, con la
stessa legge n. 203 del 1991, inasprimenti di pena.
Sul versante processuale, il legislatore ha, da un lato, compiuto, con la
citata legge n. 203/1991, interventi in materia di custodia cautelare, rendendola
più rigorosa (sostanzialmente obbligatoria in carcere) nei confronti degli imputati di mafia, e, dall’altro, con l’art. 13 della legge n. 82 del 1991, prevedendo
la possibilità per i collaboratori, su autorizzazione dell’Autorità giudiziaria, di
fruire di custodia extracarceraria.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
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Regime penitenziario
Particolarmente sul trattamento penitenziario il legislatore ha voluto fare
leva per incentivare la collaborazione non solo degli imputati di reati di mafia,
ma anche dei condannati. Contrapponendo anche in questo versante benefici
penitenziari per i collaboratori a rigorosi divieti di concessione di misure diverse
dalla custodia in carcere per chi non intende collaborare con la giustizia.
L’art. 4 bis dell’ordinamento penitenziario, introdotto dalla legge n.
203/1991 e modificato dalla legge n. 356 del 1992, stabilisce che per i detenuti
per reati di mafia (e di altri gravissimi reati) possono essere concessi l’assegnazione al lavoro all’esterno, i permessi premio e le misure alternative alla
detenzione (affidamento in prova al servizio sociale, semilibertà, detenzione
domiciliare) solo in caso di collaborazione con la giustizia. L’art. 58 ter dell’ordinamento penitenziario, anch’esso introdotto dalla legge n. 203/91, consente
l’ulteriore beneficio di potere fruire dell’assegnazione al lavoro all’esterno, dei
permessi premio e delle già indicate misure alternative, con esclusione dei limiti
di pena stabiliti dall’ordinamento penitenziario, alle persone condannate per
taluno dei delitti indicati nell’art. 4 bis che, anche dopo la condanna, si siano
adoperati per evitare che l’attività delittuosa sia portata a conseguenze ulteriori
ovvero abbiano aiutato concretamente l’autorità di polizia o l’autorità giudiziaria
nella raccolta di elementi decisivi per la ricostruzione dei fatti e per l’individuazione o la cattura degli autori dei reati (si ripete il contenuto dell’attenuante
dell’art. 8 della legge n. 203/91).
Tra le misure premiali di natura penitenziaria non si possono non
includere quelle derivanti dalla legge n. 82/1991 per la protezione dei collaboratori di giustizia.
La possibilità di disporre, per gravi ed urgenti motivi di sicurezza, da parte
dell’Autorità giudiziaria che le persone arrestate, fermate o imputate siano
custodite in locali diversi dal carcere è prevista dall’art. 13 della predetta legge.
A questa forma di custodia extracarceraria si è già sommariamente
accennato in riferimento agli interventi legislativi sul versante processuale. Ma,
sempre per gravi ed urgenti motivi di sicurezza, l’Autorità giudiziaria, in base
all’art. 13 bis della citata legge (introdotto dalla legge n. 356/1992), può
autorizzare che le persone detenute per espiazione di pena, e anche prima
dell’inizio dell’esecuzione, siano custodite in luoghi diversi dagli istituti penitenziari, per il tempo strettamente necessario alla definizione dello speciale
programma di protezione.
Anche in questo modo si introduce una nuova forma di detenzione
extracarceraria in deroga alle norme del codice di procedura penale e dell’ordinamento penitenziario.
Sulla base di una esatta interpretazione degli art. 13, 13 bis e 13 ter della
legge n. 82/1991 la detenzione extracarceraria dovrebbe perdere efficacia non
appena il collaboratore venga ammesso allo speciale programma di protezione
e da quel momento dovrebbe subentrare la competenza della magistratura di
sorveglianza per la concessione delle misure alternative con le procedure e i
benefici previsti dal citato art. 13 ter.
Gestione penitenziaria della criminalita’organizzata
391
Deve essere pertanto constatata la tendenza a fare proseguire la detenzione extracarceraria anche in pendenza di un programma di protezione.
D’altra parte solo in un circuito carcerario appositamente destinato ai
collaboratori di giustizia e adeguatamente strutturato si possono coniugare le
esigenze della massima sicurezza e quelle del recupero sociale attraverso un
trattamento rieducativo.
Il regime speciale dell’art. 41 bis
dell’ordinamento penitenziario
L’escalation degli attachi della criminalità organizzata agli apparati dello
Stato toccò il suo punto più drammatico con la strage di Capaci, nel maggio
1992, in cui trovarono la morte il magistrato Giovanni Falcone, sua moglie, e
gli uomini della scorta e con la strage di Via d’Amelio in Palermo, nel successivo
mese di luglio, nella quale furono uccisi il magistrato Paolo Borsellino ed altre
persone, tra cui gli uomini della scorta.
Falcone e Borsallino erano stati particolarmente impegnati nell’istruire il
primo maxiprocesso contro la mafia, ottenendo la preziosa collaborazione dei
primi boss di grosso calibro, quali Buscetta e Contorno, ed avevano preparato
la ponderosa ordinanza di rinvio a giudizio di ben 707 imputati di associazione
per delinquere di tipo mafioso, di omicidio e di altri gravi reati.
L’impegno di Falcone era continuato nelle funzioni di Direttore generale
degli affari penali al Ministero di Giustizia : egli era stato l’ispiratore di una serie
di provvedimenti legislativi antimafia del 1991 e il materiale estensore del
decreto legge 20 novembre 1991, n. 367 (convertito nella legge 20 gennaio
1992, n. 8) istitutivo della Direzione nazionale e delle Direzioni distrettuali
antimafia.
Borsellino aveva continuato l’attività giudiziaria e, per la sua esperienza
specifica, era in predicato per la nomina a Direttore nazionale antimafia.
Se le stragi di Capaci e di Via D’Amelio e la concomitante espansione di
gravi delitti fecero comprendere, con estrema chiarezza, che il fenomeno
mafioso poteva essere contrastato efficacemente anche attraverso un’azione
mirata ad impedire che gli appartenenti alla criminalità organizzata mantenessero, durante lo stato di detenzione, rapporti organici con gli altri associati
esterni, diramando direttive, ricevendo notizie di contenuto illecito e magari
ordinando o commissionando delitti (Pietro Marchese e Vincenzo Puccio erano
stati ammazzati dentro il carcere e l’omicidio di Carmelo lanni era stato eseguito
all’esterno, ma ordinato dal carcere).
Per conseguire le predette finalità a partire dal 20 luglio 1992 veniva
attuato il regime speciale previsto dal 2° comma dell’art. 41 bis dell’ordinamento
penitenziario, introdotto dal decreto legge 8 giugno 1992, n. 306 (convertito
nella legge 7 agosto 1992, n. 356). Tale regime consiste nella sospensione, in
tutto o in parte, dell’applicazione delle normali regole di trattamento o degli
istituti previsti dall’ordinamento penitenziario.
Actes du XVIIIe cours international
de haute spécialisation pour les forces de police
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Le regole di trattamento si riferiscono alla vita carceraria interna e ai
contatti dei detenuti con l’esterno.
Per «.istituti.» si intendono : l’assegnazione al lavoro esterno, i permessi
premio e le misure alternat