EST-IL UN HOMME FRANC QUI BAISSE LES YEUX POUR
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EST-IL UN HOMME FRANC QUI BAISSE LES YEUX POUR
EST-IL UN HOMME FRANC QUI BAISSE LES YEUX POUR QUELQUES FLOCONS DE NEIGE? Pour passer le pont il faut: manteau, chapeau, chaussures. Marcher les mains dans les poches, la tête haute, le regard pas peu fière. Aller d ´un bord à l´autre. Sans hésitations, sans arrière-pensées. Coupable ou non, on a rien à craindre. Rien à attendre non plus. Passer le pont. L´homme au képi, non. La tete baissée, le regard discret mais attentif, il avance comme quelqu´un qui cherche les traces de ses propres pas. Il ne cherche pas à cacher ses mains dans les poches. Il va sans armes. Sans savoir pourquoi marcher, il cherche à passer inaperçu pour une destination archiconnue. Passser le pont n´a rien d´héroique. C´est marcher comme plus tard on devrait regarder la télé. C´est à dire: habillé tout en noir, devenir blanc de neige, disparaître dans le brouillard. Ou bien: disparaître tout court. L´homme au képi refuse de retourner par le même pont: toujours il fait le tour. Toujours il revient. Pour traverser l´anonymat des hivers à venir? Il tient un message dans une de ses poches. Une lettre à personne? Toujours la même? Baisser ou pas baisser les yeux. Certains pensées sont trop lourds à porter. Certains épaules pas faits pour porter des manteaux. Souvent c´est l´un des deux. Pour l´homme au képi c´est les deux. Il n´y pas que l´humilité du buveur qui évite les scènes. L´homme au képi déteste les chansons des Hussites et autres. A quoi bon détester les chansons? Nul le sait. L´homme au képi non plus. Il marche comme quelqu´un qui est né dans un manteau qui lui va bien, mais qui ne l´appartient pas. Il passe le pont, les statues lui pointent du doigt. Un jour viendront les pickpockets, les touristes, les masses. Tout cela, c´est l´histoire d´une autre époque. Mais l´homme au képi est toujours là.