BAL DE L`X 31 MARS 2006
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BAL DE L`X 31 MARS 2006
FÉVRIER 2006 • N° 612 • 8 € 00_Couv-1 8/02/06 16:42 Page 1 BAL DE L’X 31 MARS 2006 COLLOQUE ENA-HEC-X 30 MARS 2006 00_Couv-2 6/02/06 14:05 Page 1 01_Pub CNP 6/02/06 14:07 Page 1 02-03_Sommaire 6/02/06 14:07 Page 2 LA JAUNE ET LA ROUGE REVUE MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ AMICALE DES ANCIENS ÉLÈVES DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE 5 LA FRANCE ET SES VINS Dessin de Claude GONDARD La Jaune et la Rouge, revue mensuelle de la Société amicale des anciens élèves de l’École polytechnique Directeur de la publication : Pierre-Henri GOURGEON (65) Rédacteur en chef : Jean DUQUESNE (52) Rédacteur conseil : Alain THOMAZEAU (56) Secrétaire de rédaction : Michèle LACROIX Éditeur : SOCIÉTÉ AMICALE DES ANCIENS ÉLÈVES DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE 5, rue Descartes, 75005 Paris Tél. : 01.56.81.11.00 Mél : [email protected] Fax : 01.56.81.11.01 Abonnements, Annuaire, Cotisations : 01.56.81.11.05 ou 01.56.81.11.15 Annonces immobilières : 01.56.81.11.11 Fax : 01.56.81.11.01 Bureau des Carrières : 01.56.81.11.14 Fax : 01.56.81.11.03 Rédaction : 5, rue Descartes, 75005 Paris Tél. : 01.56.81.11.13 Mél : [email protected] Fax : 01.56.81.11.02 Tarif 2006 Prix du numéro : 8 € Abonnements : 10 numéros par an : 33 € Promos 1996 à 1999 : 25 € Promos 2000 à 2002 : 17 € 5 Éditorial de Claude GONDARD (65), président du Groupe X-Vinicole 7 La crise de la filière vitivinicole par Thierry BRULÉ 9 Table ronde avec Hubert de BOÜARD, Pierre-Henri GAGEY, Marcel GUIGAL, Jean-Claude ROUZAUD et Laurens DELPECH 11 La nouvelle géographie des vins français par Jean-Robert PITTE 16 Trop d’intelligence tue l’intelligence – le système Inao en question par Alexandre LAZAREFF 20 Table ronde de membres du Groupe X-Vinicole avec Sophie de PORCARO, Christophe LANSON (86), Jean-François ARRIVET (57), Jean-Daniel DOR (80), Jean PERRIN (50) et Claude GONDARD (65) 25 De vigne en cave, réflexions d’un exploitant par Claude GONDARD (65) 28 Claude GONDARD (65), dessinateur, graveur et médailleur 29 Fondation de l’École polytechnique – FX La formation de spécialisation à l’étranger 30 Hadi MOUSSAVI (95), lauréat du prix Pierre Faurre 2005 FORUM SOCIAL Impression : EURO CONSEIL ÉDITION LOIRE OFFSET PLUS Commission paritaire n° 0109 G 84221 ISSN n° 0021-5554 Tirage : 11 900 exemplaires N° 612 • FÉVRIER 2006 31 31 S’attaquer aux causes profondes de la ségrégation sociale par Éric MAURIN (81) LIBRES PROPOS Publicité : FFE, 18, AVENUE PARMENTIER BP 169, 75523 PARIS CEDEX 11 TÉLÉPHONE : 01.53.36.20.40 29 V I E D E L’ É C O L E 33 33 Développement agricole inégal et sous-alimentation paysanne par Marcel MAZOYER IN MEMORIAM 41 Pierre STROH (31), 1912-2005, par Jacques PIRAUD (31) 42 André GEMPP (39), 1920-2005, par Jean TOUFFAIT (44) 44 Olegh BILOUS (1948), 1927-2004, par André LUC (48) 41 02-03_Sommaire 6/02/06 14:08 Page 3 46 ARTS, LETTRES ET SCIENCES 46 Les livres 48 Bridge par François DELLACHERIE (88), Récréations scientifiques par Jean MOREAU DE SAINT-MARTIN (56), Allons au théâtre par Philippe OBLIN (46) 49 Œnologie par Jean-Pierre TINGAUD (61) 51 Discographie par Jean SALMONA (56) 53 V I E D E L’ A S S O C I A T I O N 53 16e Salon des vignerons polytechniciens le 19 mars 2006 54 GPX 55 Groupes X Prix de l’ingénieur de l’année 2005 56 Cotisation 2006 57 Vie des promotions, Carnet professionnel 58 Rencontres avec des hommes remarquables, Le retour de l’ambition politique, Passer de la démocratie à la responsabilité Entretien avec Jacques Attali, jeudi 23 mars 2006 au Palais des Congrès, 75017 Paris 59 7e colloque international des anciens élèves de l’ENA, HEC et Polytechnique, jeudi 30 mars 2006, Centre de conférences Pierre Mendès-France (ministère de l’Économie) 60 Le 115e Bal de l’X aura lieu le vendredi 31 mars 2006 à l’Opéra Garnier Carnet polytechnicien ANNONCES 62 62 Bureau des carrières 64 Autres annonces Comité éditorial de La Jaune et la Rouge : Pierre LASZLO, Gérard PILÉ (41), Maurice BERNARD (48), Michel HENRY (53), Michel GÉRARD (55), Alain MATHIEU (57), Jean-Marc CHABANAS (58), Jacques-Charles FLANDIN (59), Jacques PARENT (61), Gérard BLANC (68), Jacques DUQUESNE (69), Nicolas CURIEN (70), Alexandre MOATTI (78), Hélène TONCHIA (83), Jean-Philippe PAPILLON (90), Bruno BENSASSON (92). 04_Pub EIM 6/02/06 14:08 Page 4 05-06_Editorial 6/02/06 14:08 Page 5 Lorsque Claude Gondard (65), président du groupe X-Vinicole, nous a proposé de consacrer un numéro spécial de La Jaune et la Rouge au thème du vin, nous avons été reconnaissants à Laurens Delpech qui anime depuis bien des années notre rubrique œnologie, de s’intéresser à notre projet. Il préparait de son côté un numéro de l’Ena hors les murs, le magazine des anciens élèves de l’Ena, sur un thème voisin : le vin et la gastronomie. C’est avec l’accord de l’AAEENA, Association des anciens élèves de l’Ena, et celui des auteurs que nous empruntons à cette revue trois articles remarquables et une interview de personnalités éminentes du monde du vin. Grâce leur soit rendue. L’article de Thierry Brulé explique avec lucidité la situation dans laquelle se trouve actuellement le vin français, face à la concurrence internationale. Alexandre Lazareff, dans le prolongement de cet article, montre comment le système des appellations contrôlées qui a sous-tendu le succès des vins français se retourne aujourd’hui contre eux. Prenant un recul étudié, Jean-Robert Pitte, géographe de renom, met en évidence les points forts de la viticulture française, insistant pour qu’ils soient consolidés, de manière à servir de points d’appui à un redéploiement de notre offre. De son côté, Claude Gondard nous fait part de ses réflexions d’exploitant sur l’état de la science dans le domaine vitivinicole, et quelques membres du Groupe X-Vinicole nous livrent leurs propres points de vue. Nous avons enfin demandé à Claude Gondard, par ailleurs artiste médailleur travaillant pour la Monnaie de Paris et auteur d’une remarquable série de médailles sur les grands vins français, d’illustrer le présent numéro. La Jaune et la Rouge ÉDITORIAL de Claude Gondard (65), président du Groupe X-Vinicole Le bleu, le blanc et le rouge La France et ses vins avait publié en décembre 1985 un numéro spécial sur le vin intitulé “ Le blanc et le rouge ”. C’était l’époque où le vin français tirait les dividendes d’une politique d’amélioration de la qualité : la consommation diminuait alors en quantité, mais augmentait en valeur. Les vins d’Appellation d’origine contrôlée (AOC), à la française, apparaissaient définitivement, de droit divin, comme les meilleurs nectars de la planète. Cet excellent numéro, à la fois encyclopédique et historique, poétique et humoristique, est à l’image de cette euphorie. Ce numéro de La Jaune et la Rouge peut être, en outre, considéré comme l’acte fondateur du Groupe X-Vinicole : qu’il me soit permis de rendre ici hommage à ses fondateurs et présidents, Fernand CHANRION (35), aujourd’hui disparu, Georges RÈME (39) et mon prédécesseur Jacques-Pascal CORDEROY du TIERS (47) pour la compétence, l’efficacité et la gentillesse avec lesquelles ils ont su animer notre groupe. L A JAUNE ET LA ROUGE Le contexte a bien changé en l’espace d’une vingtaine d’années. Attaqués par des concurrents qui ne se contentent plus des seuls vins de consommation courante ou de moyenne gamme, les vins français voient également leurs positions contestées dans les hauts de gamme. En outre, la filière vitivinicole française doit faire face à de multiples contraintes en France même. Les médias se sont largement fait l’écho des limitations d’accès à la publicité pour les boissons alcoolisées (loi Évin), ou des restrictions imposées aux conducteurs de véhicules. Mais comme les autres filières agricoles, la viticulture est soumise à des contraintes environnementales de plus en plus pressantes, sans parler de celles relatives à l’emploi de main-d’œuvre ou aux règles médiévales du droit rural à la française. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 5 05-06_Editorial 6/02/06 14:09 Page 6 Cependant, cette analyse pessimiste doit être tempérée : force est de constater que la crise ne frappe pas tous les producteurs. La Champagne fait notoirement exception : la santé économique de cette région est manifeste. Par ailleurs, dans toutes les régions, les exploitations, coopératives ou maisons de négoce, qui ont su fidéliser leurs clientèles par une politique de qualité intransigeante ne connaissent pas non plus de crise. Qualité : le mot est lâché ! Combien de mensonges et d’hypocrisies se cachent derrière ce terme ! Comment définir la qualité, l’obtenir, la contrôler? Une vaste réflexion mobilise aujourd’hui tous les acteurs de la filière dans notre pays : comment adapter à la demande mondiale les AOC qui ont fait la force du vin français, sans les affaiblir ? Comment rendre lisible l’offre française à un client qui n’en connaît généralement pas les arcanes ? Le présent numéro veut montrer qu’au-delà des problèmes rencontrés aujourd'hui par la filière vitivinicole, nous assistons à une mobilisation exemplaire de tous ses partenaires pour procéder à un inventaire objectif des causes du succès du vin français dans le passé et définir les règles du succès de demain. C’est un message d’espoir, c’est la main tendue de tout un secteur économique qui a besoin d’être compris par tous, par vous. ■ Laurens Delpech Depuis de nombreuses années, Laurens Delpech nous fait profiter de son érudition dans le domaine du vin, nous proposant chaque mois des articles qui, sous la rubrique œnologie, nous permettent d’approfondir nos connaissances des trésors que produit notre pays et de découvrir les autres pays producteurs de vins de notre planète. Laurens Delpech est un ancien élève de l’Ena (promotion André Malraux 1977) qui a fait une carrière aussi brillante que variée dans divers cabinets ministériels et organismes d’État. Longtemps responsable de l’Ena hors les murs, la revue des anciens de l’Ena, Laurens Delpech consacre depuis toujours ses loisirs à sillonner les régions viticoles, à découvrir les propriétés intéressantes, à faire connaissance des meilleurs producteurs en cherchant à comprendre leurs secrets. Écrivain de talent, il sait, avec sa gentillesse et son humour, nous mettre l’eau à la bouche en nous faisant partager ses découvertes. Il est, par ailleurs, l’auteur de plusieurs ouvrages sur les grandes régions viticoles de notre pays et sur Le vin et la truffe. Ayant quitté l’Administration, il anime maintenant, avec son complice de toujours, Philippe Capdouze, le Groupe Ficofi-Lafayette Investissement, un ensemble intéressant de sociétés dont l’activité, centrée sur les vins et spiritueux, est non seulement commerciale, mais aussi culturelle, en organisant des dégustations de crus prestigieux et en animant un pôle éditorial. 6 FÉVRIER 2006 – LA JAUNE ET LA ROUGE 07-08_Brulé 6/02/06 14:09 Page 7 LA FRANCE ET SES VINS La crise de la filière vitivinicole Thierry Brulé 1 La France se considère comme le village d’irréductibles Gaulois alors qu’elle dispose de la position de Rome ! Mais la situation actuelle ne laisse pas d’inquiéter, notamment en raison de la surcapacité mondiale de production et de la réduction de la consommation nationale. En attendant les réformes, les producteurs français vont souffrir – et, pour beaucoup, disparaître. D EPUIS LONGTEMPS, LA FRANCE dispose d’une position de leadership dans le monde du vin autant en volume, avec 57 millions d’hectolitres produits annuellement, qu’en qualité et en prestige, avec des icônes comme la Romanée-Conti ou Petrus se vendant à plusieurs milliers d’euros la bouteille. D.R. Une mutation profonde Les régions viticoles françaises. Mais la situation actuelle est inquiétante à plusieurs titres. La surcapacité mondiale de production de vin est de l’ordre de 20 %, représentant ainsi, approximativement, le volume produit en France. De plus, la consommation de vin dans notre pays, passée de 135 litres par personne et par an dans les années 1960 à 60 litres environ dans les années 2000, est en baisse constante et régulière. À l’export, l’offre française (segmentée en vin de table, vin de pays, vin délimité de qualité supérieure et appellation d’origine contrôlée) est entachée d’une image de complexité. La pléthore d’AOC, au nombre de 467, discrédite le contenu de cette mention qui n’est ni un label de qualité, ni un gage de rapport qualité-prix. L’offre française entre en concurrence avec une offre dite du “ Nouveau Monde ” (Californie, Amérique latine, Afrique du Sud et Océanie), où les vins savent répondre simplement aux désirs du consommateur à l’aide de marques et de produits constants gustativement. La France a déjà perdu sa place de leader sur des marchés aussi stratégiques que, par exemple, le RoyaumeUni, où les vins français sont détrônés par les vins australiens. Les difficultés s’accumulent pour les producteurs français : à Bordeaux, près de 800 vignerons, portés à bout de bras par les banques locales, sont au bord de la faillite. Un certain nombre d’acteurs voudraient donc voir la France faire évoluer son système réglementaire (réforme 1. Thierry Brulé a écrit, lors de son MBA à l’Insead, un rapport de recherche intitulé : “The French wine industry : Fermenting a revolution ? ”. Il peut être contacté à l’adresse suivante : [email protected] LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 7 07-08_Brulé 6/02/06 14:09 Page 8 D.R. D.R. Vers un système à deux vitesses ? des AOC, reconnaissance des vins de cépages mais aussi réforme du rôle des SAFER et des Commissions de structure), accusé de paralyser l’entrepreneurship et la dynamique d’innovation marketing, pour voir apparaître de grands acteurs français capables de lutter à armes égales contre les producteurs anglo-saxons, en particulier australiens, qui, à quatre, maîtrisent 60 % de leur production nationale. D.R. Cependant, la baisse tendancielle de la consommation de vin en France peut aussi se comprendre comme une mutation profonde. D’accompagnement naturel de l’alimentation au quotidien, le vin est devenu une boisson festive consommée de façon occasionnelle dans un contexte convivial. Le marché a donc migré vers le haut de gamme, augmentant en valeur de 4,5 milliards d’euros au début des années 1990 à plus de 5 milliards aujourd’hui. De même, l’export a fortement crû depuis 2001, représentant l’équivalent en valeur de 100 avions gros-porteurs type Airbus. Pauillac, Château Lafite. 8 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE L’opposition entre ces deux camps est permanente. Les acteurs qui les composent ne parvenant pas à faire triompher leurs vues paralysent la réaction de la France, laissant les producteurs apporter des réponses personnelles de manière désordonnée. La possibilité d’imaginer un système à deux vitesses est extrêmement difficile : c’est sûrement une des raisons qui ont contré la mise en place des propositions de René Renou, président de l’Institut national d’appellation d’origine, à ce sujet. Champagne Krug. L’ensemble de ces grandes réformes et de cette coordination des acteurs n’étant pas près d’arriver, il semble qu’il faille attendre la “mort” de nombre de producteurs ou un réel engagement de nos politiques pour espérer une réaction coordonnée. Les responsables politiques devraient tout de même avoir le courage d’affronter ce grand débat en pesant les problèmes du court terme comme du long terme et d’aligner tout le monde derrière un pilote, les crises viticoles du passé, comme celle de 1907 dans le Languedoc et celle de 1911 en Champagne, nous ayant démontré leur impact sur l’ordre public et sur la classe politique. ■ En effet, ce dernier supporte un projet conservant les AOC actuelles pour éviter tout remous mais ajoutant des “appellations d’origine contrôlée d’excellence ” (lorsqu’une majorité des producteurs de l’appellation accepteraient de durcir les contraintes de production et de qualité) et des “ sites et terroirs d’exception ” (permettant de mettre en avant certains producteurs qualitatifs au sein d’AOC). Ce modèle s’inspire des DOCG italiens, labels d’origine et de qualité en opposition aux DOC, équivalent de nos AOC. Il est cependant vrai que ce projet, qui éclaircit les niveaux de qualité des vins français, complexifie en même temps l’offre. D.R. Beaune, Clos de l’Écu. C’est pourquoi d’autres acteurs voient les évolutions de marché comme la conséquence logique de l’attitude paresseuse de certains producteurs qui se sont reposés sur la rente que représentait l’appellation et se sont finalement laissé rattraper par les nouveaux pays producteurs. Prêts à laisser péricliter ceux qui ne veulent pas réagir et détériorent l’image de prestige de la France, ils prônent la conservation et même le renforcement du cadre réglementaire actuel pour permettre à la France de “ s’en sortir par le haut ” tout en s’appuyant sur la formidable diversité des vins français avec ses régions et cépages multiples. Puligny-Montrachet, Le vieux Château. 09-10_Delpech 6/02/06 14:10 Page 9 LA FRANCE ET SES VINS Table ronde En réaction à l’article de Thierry Brulé, Laurens Delpech a interrogé plusieurs producteurs de vins fins membres du Comité vin de l’Inao 1. Il s’agit par ordre alphabétique de : • Hubert de Boüard, Château Angélus, Premier Cru Classé de Saint-Émilion (Bordeaux), • Pierre-Henri Gagey, Maison Louis Jadot (Bourgogne), • Marcel Guigal, Domaine Étienne Guigal (Côtes du Rhône), • Jean-Claude Rouzaud, Champagne Louis Roederer. Les producteurs interrogés regrettent le manque d’adaptation d’un système vieilli face à certaines évolutions du marché. Avec près des deux tiers de la production nationale en AOC, la garantie que procurent les règles est diluée. Marcel Guigal reconnaît que la France produit souvent cher des vins parfois mauvais ou sans intérêt, en se cachant derrière l’appellation. JeanClaude Rouzaud dénonce un certain “ laisser-aller qualitatif ” ainsi qu’une fragmentation excessive de l’offre en “microterroirs”, rendant toute approche “ masse marketing ” impossible. Pour ces raisons, l’Inao a “un devoir d’évolution ” (Hubert de Boüard). Tous préconisent une segmentation assumée pour bâtir une offre à étages. Une telle évolution conduirait à une production de vin à plusieurs vitesses, répondant à des logiques différentes et reflétant une réalité simple : les grands crus se vendent bien tandis que les vins de masse souffrent fortement de la concurrence. Il y aurait d’une part les vins de terroir répondant à des cahiers des charges exigeants : c’est l’idée d’AOC d’Excellence que le président de l’Inao a défendue et que plusieurs producteurs regrettent de voir mise en sommeil. De l’autre des vins plus simples, parfois créatifs ou représentatifs d’un savoirfaire régional, pouvant bénéficier de conditions de production plus souples. “ La France a autant besoin de ses grands crus que de ses petits vins. Nous devons être fiers des uns comme des autres ” (Pierre-Henri Gagey). L’exemple italien, sans être la panacée, est cité par Jean-Claude Rouzaud pour la réactivité des autorités de tutelle des DOC 2 aux attentes des marchés. Ainsi, lorsque des crus comme Sassicaia ont décidé d’utiliser des cépages non admis par les anciennes règles de production, ils se sont baptisés “vins de table”; mais devant leur succès, les autorités se sont empressées de modifier les règles de production des DOC pour réintégrer ces “ super Toscans ”. Parmi les contraintes – ou vécues comme telles – qui pourraient être assouplies, deux producteurs citent la délicate règle des 85 % 3. Les vins de terroir acceptent la contrainte maximale qui consiste à proposer effecti- D.R. Laurens Delpech : La concurrence sur le marché mondial entre pays producteurs de vins est de plus en plus rude. Dans ce contexte, le système français des AOC est souvent critiqué pour son manque de souplesse. Qu’en pensez-vous ? D’autres pays, quand ils introduisent un système d’appellation d’origine, ne se préoccupent que de garantir l’origine du produit, ils laissent les producteurs libres de leurs choix en termes d’encépagement et de modes de culture. N’est-ce pas une voie que pourrait prendre le système français des AOC ? Château d’Ampuis, Domaine Guigal, médaille en bronze 72 mm. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 9 Page 10 ses voisins européens, subit de plein fouet l’arrivée sur le marché de vins produits dans une logique de la demande, dont le style mais aussi la présentation répondent aux attentes des consommateurs. Reprenant l’idée d’une offre à étages, Pierre-Henri Gagey et Hubert de Boüard précisent que seule la catégorie “ basse ” devrait être plus centrée sur les attentes des consommateurs, sans pour autant les suivre à la lettre. Les grands vins, quant à eux, doivent rester dans une logique d’offre, privilégiant l’expression d’une authenticité et d’une typicité. Ils doivent continuer de proposer un produit sophistiqué, voire sanctuarisé, pour une frange de 5 à 10 % des consommateurs. Côte-Rôtie, Étienne Guigal. vement ce qui est annoncé (100 % du liquide provient de la vendange ou du cépage cités) mais le taux de 85 % pourrait s’appliquer aux vins génériques ou de marque. En autorisant l’ajout de vin d’une autre année, ce principe permettrait de lisser l’effet millésime et de garantir une certaine constance des produits. Plus globalement la seule règle qui compte aux yeux de Marcel Guigal, c’est de “ramener le consommateur au plaisir en le déculpabilisant ”. Ne pensez-vous pas que l’offre française de vin gagnerait à être plus centrée sur les demandes des consommateurs ? Quels sont les avantages compétitifs de la France – et en particulier de votre région – face à ses concurrents (pays producteurs de vins) ? Pour Jean-Claude Rouzaud, très marqué par la conception champenoise de production et de commercialisation des vins, “le drame de l’offre française est d’être éclatée par la multitude de spécificités des terroirs, sans aucune approche consommateur ”. Il semble difficile de concevoir qu’elle puisse s’adresser avec succès à une large cible de consommateurs dont le niveau d’éducation œnophile est plus ou moins élevé. La France, comme Les producteurs ne sont pas tendres avec le modèle économique du vin français mais ils savent en reconnaître les forces. D.R. Pour deux d’entre eux, le système d’appellation, perçu souvent comme un handicap, est d’abord une chance dans la mesure où il propose des règles du jeu claires. Champagne Roederer. 10 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Pierre-Henri Gagey, comme ses confrères du Rhône ou du Bordelais, voit dans l’antériorité de la culture de la vigne et de l’élaboration du vin la grande force de la France. Des siècles de travail ont permis de déterminer les meilleures pratiques de production, en particulier l’adéquation entre les cépages et les terroirs de chaque région. Pour Hubert de Boüard ce patrimoine est complété par l’extraordinaire biodiversité du paysage viticole français, utile pour la production mais aussi pour le tourisme du vin. Quant à Jean- D.R. 14:11 Saint-Émilion, Château Ausone. Claude Rouzaud, il met en avant la plus grande “ digestibilité ” des vins français tout en restant circonspect : à son avis les atouts français ne sont peut-être pas suffisants pour contrer la vague concurrentielle. L’élan que ces producteurs veulent incarner se résume dans le vœu d’Hubert de Boüard : “ La France doit évoluer vers un comportement conquérant, en étant fière de ses atouts pour mieux les promouvoir. ” ■ 1. Institut national des appellations d’origine contrôlée. 2. Denominazione de Origine Controlata, équivalent de nos AOC. 3. N.D.L.R. : d’après les règlements communautaires sur l’étiquetage, la mention d’un millésime suppose qu’au moins 85 % du contenu aient été récoltés l’année en question, ce qui laisse la possibilité d’ajouter du vin d’autres années. Aucun décret d’application n’existant pour ces règlements à ce jour en France, la règle des 85 % est donc en vigueur. Idem pour le(s) cépage(s). D.R. 6/02/06 D.R. 09-10_Delpech Gevrey-Chambertin, Château de Gevrey. 11-15_Pitte 6/02/06 14:11 Page 11 LA FRANCE ET SES VINS La nouvelle géographie des vins français Jean-Robert Pitte, président de l’université de Paris-IV - Sorbonne Jean-Robert Pitte est connu du grand public par des ouvrages remarquables consacrés à la gastronomie (Gastronomie française. Histoire et géographie d’une passion) et à l’œnophilie (Le vin et le divin). Il vient de terminer un ouvrage sur les vins de Bordeaux et de Bourgogne qui est paru cet été, qui donne les clés des rapports souvent passionnels que les Français entretiennent avec ces deux vins. Dans cet article, remarquablement documenté, notamment au plan historique, il explique les choix auxquels la viticulture française se trouve confrontée face à la concurrence des vins du “ Nouveau Monde ”. L ’ITALIE ANTIQUE a été la première région du monde à élaborer, dès l’Antiquité, de bons vins, voire de grands vins, exportables. La France a repris ce flambeau au Moyen Âge et s’est maintenue jusqu’à nos jours au premier rang mondial de la production de vins fins à origine garantie, ressemblant à leur terroir physique et humain, ainsi qu’au millésime qui les a vus naître, c’est-à-dire de vins que l’on peut qualifier de géographiques. Il est admis par tous les œnologues et tous les amateurs que l’on ne peut produire un bon vin géographique au-delà d’un rendement de 50 hl/ha. Le contexte mondial de la viticulture française Tous les pays viticoles ont appris à élaborer des vins géographiques au cours de ces dernières décennies, souvent sous l’impulsion de l’œnologie française. Les régions plus évidemment favorisées telles que les pays méditerranéens, la Californie, l’Ouest argentin, le Chili central, la région du Cap en Afrique du Sud, le sud de l’Australie, la Nouvelle-Zélande produisent d’excellents vins de qualité, mais minoritaires au sein d’une production de vins de cépages à haut rendement, souvent issus de vignes irriguées. Les vins ont pour fréquente caractéristique de contenir une proportion non négligeable de sucre résiduel, y compris les rouges, ce qui les différencie nettement des vins élaborés dans la plupart des pays européens, en dehors des vendanges tardives et des vins doux naturels (mutés à l’alcool). La nouvelle planète des vins est aujourd’hui partagée entre deux voies principales : celle des vins de cépages et celle des vins de terroir. La première bénéficie d’avantages économiques importants. Elle est surtout choisie par les régions où la terre ne coûte pas très cher, où le soleil est généreux, les plantations non réglementées et l’irrigation possible. La faiblesse des pentes y permet une mécanisation très poussée. Dans certains pays, en outre, la main-d’œuvre est très peu onéreuse, en comparaison de sa cherté dans les pays de l’Union européenne ou aux États-Unis. Les LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 11 Page 12 vins qui en sont issus sont bon marché et trouvent preneurs dans le pays de production ou dans le monde anglosaxon (États-Unis, Canada, RoyaumeUni) et sa mouvance. Chacun boit ce qu’il veut et s’il existe un marché pour de tels vins, les producteurs auraient tort de se priver d’en élaborer. En revanche, dans la plupart des pays d’ancienne viticulture d’Europe, la main-d’œuvre et la terre sont chères, les exploitations sont souvent petites et morcelées. C’est le cas de la France qui n’a aucun intérêt à se placer en concurrence avec les producteurs de vins de cépages. En France même, le contexte national a beaucoup évolué depuis quelques décennies. Chaque Français buvait en moyenne 91 litres de vin par an en 1980 ; il n’en buvait plus que 57 litres en 1999. En même temps, la consommation de vin ordinaire a autant baissé en proportion que celle de vin de qualité a augmenté. En dehors du combat d’arrièregarde que mènent certains viticulteurs du Midi, commercialisant par l’intermédiaire de caves coopératives, la viticulture française est en progrès dans la plupart des régions, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’ait plus aucune marche à gravir. Si l’on tente une typologie, on distingue plusieurs catégories, ce qui est une chance pour les producteurs qui peuvent toucher des clientèles variées, tant par leur goût que par leurs moyens financiers. Les vignobles à forte image de marque nationale et internationale, gloires de la France Trois régions bénéficient d’un prestige mondial ancien : le Bordelais, la Bourgogne et la Champagne. Elles illustrent parfaitement le modèle naguère établi par Roger Dion (1959), reprenant le principe édicté en 1601 par l’agronome Olivier de Serres : “ Si n’êtes en lieu pour vendre votre vin, que ferez-vous d’un grand vignoble?” Leur réputation est née de leur proximité d’un marché de consommation aristocratique (ducs de Bourgogne, comtes de Champagne, cour royale 12 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE de France et d’Angleterre), ecclésiastique (abbayes bourguignonnes et champenoises) ou de la possibilité pour les vins d’être exportés vers des marchés lointains, grâce à la présence d’un port tel que Bordeaux. Ce sont ces clientèles, locales ou lointaines, mais raffinées et exigeantes, qui expliquent le souci permanent de perfectionner le produit. D.R. 14:12 • Le Bordelais, avec 115 000 ha de vignes qui produisent 7 millions d’hectolitres de vin (soit, en moyenne, 60 hl/ha), est de loin le premier vignoble de qualité en France. Compte tenu du climat chaud, il est possible d’y cultiver la vigne en terrain plat. La pente bien exposée au soleil n’y est pas une nécessité comme dans le nord de la France, d’autant plus que ses plateaux sont largement recouverts d’alluvions fluvioglaciaires anciennes, les graves, qui permettent un bon drainage. C’est d’elles que sont issus les meilleurs vins. Leur épaisseur est directement proportionnelle à la qualité du cru. Les châteaux du Médoc Saint-Émilion, Château Figeac. et du Sauternais sont classés en cinq catégories depuis 1855. Les Graves furent classés en 1953 et 1959. Les vins de Saint-Émilion ont été classés en 1953, et sont maintenant reclassés tous les dix ans. La hiérarchie ainsi établie demeure largement subjective, mais commande les prix, même si certains vins y échappent, du fait d’une réelle qualité obtenue grâce à un propriétaire éclairé. Graves, Château Haut-Brion. Le Bordelais connaît le même problème que beaucoup d’autres vignobles français. Certains viticulteurs ne respectent les règles établies par l’Inao que du bout des lèvres. Ils dépassent allégrement les rendements autorisés et obtiennent des dérogations, ce qu’on appelle le plafond limite de classement ou PLC, trop généreusement accordé. Il faut savoir qu’au-delà de 50 hl/ha il est impossible qu’un vin ressemble à son terroir. Si le viticulteur est malin, son vin pourra ressembler à son cépage ou, au mieux, avoir le style régional. Comme le monde politique, le milieu du vin est D.R. 6/02/06 D.R. 11-15_Pitte Margaux, Château Rausan-Segla, argent. 11-15_Pitte 6/02/06 14:12 Page 13 D.R. périodiquement secoué par des scandales. Bordeaux en a connu de nombreux. Ceux-ci ne se produiront plus, dès lors que le consommateur sera éclairé et que l’étiquette correspondra au contenu de la bouteille. C’est un long processus, mais il est en cours. • La Bourgogne connaît regrettablement les mêmes problèmes de laxisme que le Bordelais. Ils sont aggravés par le fait que la superficie des vignobles n’est que de 27 000 ha et la production de 1,5 million d’hectolitres (soit une moyenne de 55 hl/ha, donc encore trop), soit cinq fois moindre que celle du Bordelais, avec une réputation équivalente et donc une pression des consommateurs français ou étrangers plus forte. Le climat bourguignon est, par ailleurs, plus capricieux, connaît des gels de printemps, des étés ou des automnes parfois pluvieux, des attaques d’oïdium ou de mildiou. La structure foncière du vignoble n’est guère propice à la rigueur. En effet, la plupart des exploitations sont de petite taille, très morcelées en de nombreuses microparcelles, réparties sur des appellations multiples, tout spécialement au cœur du vignoble, c’est-à-dire en Côte-d’Or. Il est possible de trouver dans la grande distribution des bouteilles de bordeaux dont le rapport qualité-prix est honnête. C’est rarissime et presque miraculeux au rayon des bourgognes. On a le droit de critiquer les chardonnays et les pinots des vignobles du Nouveau Monde ou de l’hémisphère Sud, mais il faut juger avec honnêteté la production bourguignonne. Est-il raisonnable, • La Champagne représente un cas un peu différent. Le vin produit dans cette région (1,9 million d’hectolitres sur 30 000 ha, soit 63 hl/ha, en moyenne) est presque exclusivement “champagnisé ”, c’est-à-dire traité de telle manière qu’il devienne mousseux. Le prix d’une bouteille tient notamment à la complexité du processus de fabrication, à l’habillage de la bouteille et à la publicité. Les cham- Clos de Vougeot. Champagne Dom Pérignon. Beaune, Les Hospices. sur des terroirs aussi somptueux que ceux du Mâconnais, de pousser des chardonnays jusqu’à 70 hl/ha, PLC non compris ? D.R. Les trois vignobles les plus réputés de France ne sont donc nullement assurés de se maintenir éternellement sur un piédestal. Ils ont connu des crises graves de mévente – dans l’entredeux-guerres, par exemple – et doi- D.R. Les critiques ici émises ne font que mettre en valeur les magnifiques vins élaborés par les châteaux bordelais ou les domaines bourguignons qui respectent leurs clients et donc se respectent eux-mêmes. Il y en a beaucoup, heureusement. Ils méritent d’être encouragés dans leur voie, la seule qui ait un avenir. En économie, comme dans d’autres domaines, le laxisme se termine toujours mal. pagnes doivent ressembler d’une année sur l’autre au goût de la marque, c’està-dire être constants. Certes, il existe de grandes cuvées millésimées dans toutes les maisons, voire des champagnes issus d’un seul petit terroir, mais leur prix de vente est élevé. Depuis le XVIIe siècle, le succès du vin de Champagne provient du fait qu’il est associé à la fête, à l’amour, à l’élégance. Il accompagne les victoires militaires ou sportives, les cérémonies diplomatiques officielles, les grands événements de la vie des familles et ce dans tous les pays riches de la planète. La puissance évocatrice de l’effervescence est telle que ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir du vrai champagne se rabattent sur des imitations plus ou moins nobles produites en France ou à l’étranger. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 13 14:12 Page 14 Champagne Perrier-Jouët. D.R. vent se tourner résolument vers une politique de qualité ou, plutôt, réfléchir au bon rapport qualité-prix, compte tenu de la concurrence internationale et de l’attente des consommateurs du monde entier. Champagne Dom Ruinart. Les autres vignobles producteurs d’une gamme complète de vins Quatre autres régions importantes sont engagées à des degrés divers et dans des proportions variables sur le chemin de la qualité : l’Alsace, le Val de Loire, le Midi et le Sud-Ouest aquitain en amont du Bordelais. La plupart de leurs vins ne jouissaient pas, jadis, de la même réputation que les produits des trois gloires de la France qui viennent d’être évoquées. Ils étaient consommés sur place ou vendus à l’extérieur avec la réputation de vins sympathiques, agréables en accompagnement des plats cuisinés de leur région (le cahors avec le cassoulet, le riesling d’Alsace avec la choucroute…). 14 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE issus de raisins atteints par la pourriture noble. L’Alsace est une région qui tente des expériences, débat et avance dans la direction d’une meilleure mise en valeur de ses potentialités. Sauf exception, ils étaient peu exportés. Ils ont connu une heureuse évolution depuis quelques décennies. Leurs vignerons se sont perfectionnés, tant sur le plan de l’agronomie et de la viticulture, que sur celui de l’œnologie et celui des techniques de commercialisation. Certains ont acquis une telle réputation qu’ils ont pu se permettre de restreindre fortement leurs rendements et d’atteindre le niveau de qualité des grands crus du Bordelais ou de la Bourgogne. Comme les grands viticulteurs de Meursault, de Puligny ou de Chassagne, ils jouent même à guichet fermé, n’acceptant aucun nouveau client et ne vendant leurs bouteilles qu’en quantité limitée. S’imaginant être parvenus au nirvana, certains pensent qu’en commercialisant leurs vins à un prix très élevé, ils peuvent attirer des clients naïfs. • L’Alsace produisait jusque dans les années 1950 des vins de cépages bien typés, exotiques pour la majorité des Français qui les buvaient dans les brasseries alsaciennes. La prospérité suisse et allemande les a tirés vers le haut, en même temps que l’hôtellerie et la restauration de la région. Constatant l’évolution du marché germanique, quelques viticulteurs ont misé sur la haute qualité et sont devenus les locomotives de la profession. On songe à Hugel, Trimbach, Beyer, Humbrecht, Deiss, Lorentz, Blanck… Ce sont eux qui ont poussé l’INAO à accepter de distinguer les meilleurs terroirs pour les honorer de l’appellation “grand cru”, de définir les “vendanges tardives” et les “ sélections de grains nobles ”, • Le Val de Loire produit des vins depuis Saint-Pourçain, en Auvergne, jusqu’à Nantes, à quelques encablures de la mer. Leur marché traditionnel était celui des villes et des châteaux qui s’égrènent le long de la vallée, mais aussi Paris et la cour royale. C’est une rue de 70 000 ha de vignobles très variés qui s’allongent sur près de 500 km et produisent 3,8 millions d’hectolitres chaque année (soit le rendement raisonnable moyen de 54 hl/ha). À de rares exceptions près, les vins ont pour caractéristique d’être légers, souvent vifs (c’est-à-dire un peu acidulés, en langage œnologique) et parfumés. Leurs prix sont en général abordables. Comme les autres grandes régions vitivinicoles françaises, le Val de Loire a diversifié son encépagement et ses types de vins, échappant ainsi à la concurrence interne : blancs secs à base de sauvignon (sancerre, pouilly, quincy) ou de melon (muscadet), blancs moelleux ou liquoreux à base de chenin (montlouis, vouvray, anjou), rouges légers à base de gamay ou de cabernet franc (saint-pourçain, bourgueil, saumur) ou plus corsés (chinon). Les progrès qualitatifs y sont sensibles depuis des années. Si les vins conservent leur esprit et leur légèreté, on peut leur prédire un succès durable, dans la mesure où peu de régions viticoles du monde se sont positionnées sur ce créneau. Alsace, Riquewihr. • Le Midi méditerranéen et sa mouvance rhodanienne est la région qui a le plus fortement évolué depuis la Seconde Guerre mondiale. Il y a encore un demi-siècle, seuls les vins produits sur ses marges étaient orientés vers la qualité : les Côtes du Rhône septentrionales (hermitage, condrieu, côte-rôtie), une petite partie des vins doux naturels du Roussillon (banyuls, maury, rivesaltes), les trois anciennes AOC provençales (cassis, bandol, bellet) et, au cœur de cet immense vignoble de 500 000 ha, château- D.R. 6/02/06 D.R. 11-15_Pitte 14:12 Page 15 Côtes de Provence, Château de la Mascaronne. neuf-du-pape. C’est de là qu’est partie la reconquête qualitative dans les années 1930, sous l’impulsion du baron Le Roy, fondateur de l’Institut national des appellations d’origine. Petit à petit, les cépages trop productifs et insipides ont été arrachés pour être remplacés par les cépages anciens, à petits rendements et dont les vins sont hauts en couleur et en saveur : grenache, syrah, mourvèdre, cinsault, clairette, muscat… La production actuelle est de 26 millions d’hectolitres, soit un rendement moyen de 52 hl/ha qui recouvre les trop forts rendements des derniers vins de table et ceux, très raisonnables, des appellations d’origine contrôlée. La sécheresse estivale est ici une chance merveilleuse en ce qu’elle limite naturellement la production et oblige les vignes à enfoncer profondément leurs racines dans le sol et à y puiser de la matière organique et minérale, puisque l’irrigation est interdite. • Aujourd’hui, le Languedoc est devenu la deuxième région exportatrice de vins, derrière le Bordelais. Les risques que présente l’orientation d’une partie des viticulteurs vers les vins de cépages et l’archaïsme des derniers producteurs de vins de table sont réels. Les autres producteurs devraient être assurés d’un succès national et international durable. Tous les grands sommeliers du monde recommandent désormais à leurs clients des vins rouges du Languedoc, corsés, originaux, aux saveurs épicées, supportant toutes les cuisines, même les plus relevées, et pour la plupart financièrement abordables. • Le Bassin aquitain a souffert pendant des siècles – de 1241 à 1776 – du privilège de Bordeaux qui a interdit aux vins de l’amont d’être vendus avant Noël. Ceux-ci n’avaient donc aucune chance d’être achetés et exportés vers l’Angleterre et l’Europe du Nord. C’est la raison pour laquelle le Bordelais a bénéficié d’un marché garanti qui lui a permis d’accomplir les investissements nécessaires à l’élaboration de grands vins. Les terroirs de l’amont sont potentiellement aussi bons, tant sur le plan pédologique que sur celui du climat et des microclimats. Les débouchés de ces vignobles restèrent locaux. Seuls certains accédèrent à des marchés lointains : par exemple le cahors ; apprécié des tsars et vendu au XVIIIe siècle comme vin de messe de l’Église orthodoxe. L’orientation vers la qualité est plus lente ici, qu’ailleurs. C’est le cas, par exemple, dans la vallée de la Garonne où subsiste une polyculture associant la vigne au maïs, aux arbres fruitiers, aux tomates et à l’élevage bovin. Dans ces conditions, il est très difficile de produire du bon vin. Mais de louables efforts ont été accomplis dans les zones d’appellation de Bergerac, Monbazillac, Cahors, Gaillac, Jurançon, Madiran… Il faut s’attendre à de bonnes surprises dans cette région, si le marché des vins de terroir se développe en France et à l’étranger. En tout cas, il y a pour le moment de très bonnes affaires à y réaliser. D.R. 6/02/06 D.R. 11-15_Pitte Bergerac-Monbazillac, Michel de Montaigne. et tout particulièrement la France, les premières lignes de cette avant-garde. Il faut donc cesser d’aider la viticulture de masse, encourager les productions de qualité. Elles seules sont rentables à court ou moyen terme. Elles seules peuvent procurer à des consommateurs un peu éclairés de véritables émotions, leur faire penser aux magnifiques paysages qu’engendre la viticulture de qualité et aux vignerons talentueux qui s’expriment dans leurs vins. Il faut se féliciter que l’Unesco ait classé patrimoine mondial de l’humanité les vignobles italiens de Cinque Terre et français de Saint-Émilion. C’est un encouragement pour de belles régions viticoles qui produisent de bons vins à forte typicité et tirent de ceux-ci prospérité et joie de vivre. ■ Conclusion L’agriculture productiviste est en crise dans le monde entier. Les marchés des pays riches sont saturés et ceux des pays pauvres insolvables. Il faut donc imaginer une autre solution : celle de la production géographique. Elle est possible sous toutes les latitudes et dans toutes les aires culturelles, quel que soit le niveau de revenus de la population. Elle seule permet la sortie de crise et, à terme, l’échange international de produits différents les uns des autres qui ne se concurrencent donc plus. La viticulture constitue l’avant-garde de cette révolution nécessaire, l’Europe LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 15 16-18_Lazareff 6/02/06 14:13 Page 16 LA FRANCE ET SES VINS En guise de clin d’œil... Pour un autodidacte qui n’a fait que l’ENA, il est piquant d’être publié dans le saint des saints de l’X. Surtout pour une mise en cause des débordements de l’excès de l’intelligence technocratique. Merci à l’ami Laurens Delpech de m’avoir donné ce privilège. Trop d’intelligence tue l’intelligence le système Inao en question Alexandre Lazareff, ENA Solidarité 1983, (petit) propriétaire à Pommard En matière vinicole, il existe également une exception française : le système des appellations d’origine contrôlée “ que le monde entier nous envie ”, mais qui a du mal à tenir ses propres troupes… L ’INAO EST UNE APPLICATION exemplaire du génie français, qui, par excès de zèle, peut tomber dans le “mal français”. Dans les années 1930, pour sauver un vignoble rendu exsangue par la crise et réhabiliter des appellations bafouées par des fraudes incessantes, les appellations d’origine contrôlée ont sacralisé le lien avec le terroir. L’idée était noble : chaque appellation est un patrimoine commun qui doit être défendu par la communauté des vignerons. Il s’agit donc de préserver de génération en génération la typicité de chacun des terroirs en préservant des usages légaux, loyaux et constants. Un travail de fourmi a été lancé sur l’ensemble du territoire pour identifier une mosaïque d’appellations d’une incroyable précision et complexité qui sert de loi commune aux producteurs. Le système est démocratique dans la mesure où ce sont les producteurs qui ont le pouvoir local de déterminer les règles de production et régalien puisque l’État donne à ces règles force de loi. 16 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Concurrence déloyale et nivellement vers le bas L’Inao, meilleur système possible pendant au moins un demi-siècle, semble aujourd’hui rater sa cible. Tout ce dispositif impressionnant est orienté pour préserver la typicité, c’est-à-dire la personnalité de chacun des vignobles par rapport à son voisin. La délimitation extrêmement stricte de chacun des terroirs a permis d’identifier une multitude de “ micro-identités ” qui ont leur cohérence mais deviennent illisibles à l’étranger. Comment voulez-vous comprendre à Seattle la différence entre un hautmédoc qui est “ en bas ” (en amont de la Garonne) et un médoc tout court, plus au nord ? Entre un pouilly-fumé à base de sauvignon dans la Loire et un pouilly-fuissé à base de chardonnay en Bourgogne ? Entre le classement des crus de Saint-Émilion et celui du Médoc ? L’an dernier, il y avait 467 appellations d’origine contrôlée. On continue d’en créer. Nous avons le privilège de compter 600 syndicats viticoles en France, et autant de présidents. En un mot, nous sommes prisonniers d’un Page 17 Château de Pommard. entrelacs de droits acquis qui bloque l’évolution du système. Et, ô horreur, l’appellation d’origine contrôlée refuse de devenir une garantie de qualité, comme c’est le cas à Porto, à Chianti et dans la Rioja. Ce sont les producteurs eux-mêmes qui dégustent les vins de leurs propres appellations. D’où des taux d’agrément supérieurs à 99 %. D.R. L’Inao refuse de prendre en considération ce que demande aujourd’hui le consommateur du monde, c’est-àdire la composition du vin, en un mot les cépages. Impossible d’écrire sur une étiquette “Bourgogne Chardonnay” ou “Gamay du Beaujolais”. L’intention est louable, puisqu’il a fallu plus d’un millénaire pour construire la Bourgogne viticole et que le raisin est accessoire dans cette construction. Mais la démarche est suicidaire quand les consommateurs du monde basent leur éducation sur les cépages. Bien sûr, on vous rétorquera que tout cela peut figurer en caractères de police d’assurance sur la contre-étiquette, mais qui lit les contre-étiquettes ? Pouilly-Fuissé, Château Fuissé. Plus grave, la concurrence est déloyale entre les vins que nous produisons et ceux que nous importons. Dans le reste du monde s’impose la “ règle des 85 % ” : quand un cépage est mentionné sur l’étiquette, il doit entrer dans la composition du vin à hauteur d’au moins 85 %. Un chardonnay californien peut ne contenir que 85 % de chardonnay et 15 % de cépages non identifiés alors qu’un chardonnay de Saint-Aubin qui intègre une grappe de raisin de l’autre côté du chemin est en fraude… Nous avons de facto reconnu ces pratiques quand, en 1983, l’Europe a signé un accord avec les États-Unis pour admettre “ temporairement ” les pratiques œnologiques américaines et autoriser ces produits à la vente. Les plus turbulents des vignerons n’hésitent pas à se “ déclasser ” pour échapper à ces règles pénalisantes. On assiste ainsi à des paradoxes : le Domaine de Trévallon, une véritable star, n’a plus le droit de s’appeler “ Coteaux d’Aix ” alors qu’il portait haut le drapeau de l’appellation ; Daumas Gassac, l’un des vins les meilleurs et les plus chers du Languedoc, n’est qu’un vulgaire vin de pays et, dans certaines régions du Sud, un vigneron qui veut faire une cuvée 100 % syrah n’a pas droit à l’appellation, alors qu’il s’agit du cépage rouge le plus vendeur au monde. La fronde a pris une importance politique en Italie où, en particulier en Toscane, les “ supertavola ”, supervins de table, s’opposent frontalement aux vins d’appellations. Sassicaia, le Petrus italien, n’a pas droit à l’appellation parce qu’il intègre du cabernet sauvignon. Pire, l’Inao ne souhaite pas délibérément garantir la qualité de chacun des vins produits. Que dire d’une marque collective dont chacune des composantes peut être le meilleur ou le pire ? La force d’une chaîne est bien celle de son maillon le plus faible. Ce système consensuel peut entraîner un nivellement vers le bas, en particu- D.R. 14:13 Loire, Château du Nozet. lier sur la question sensible de la diminution des rendements, aux conséquences économiques immédiates sur chaque exploitation. Les instances de chacune des appellations ont tendance à fermer les yeux lors des dégustations d’agrément qui sont censées éliminer les moutons noirs. Et cette décentralisation extrême, en donnant le pouvoir à la base, pousse au conservatisme, voire à l’immobilisme en particulier sur les délimitations et le choix des cépages. Une viticulture à deux vitesses ? Tout cela n’est, bien sûr, qu’un secret de polichinelle. Les pouvoirs publics ont enfin compris que le système actuel a atteint ses limites. Depuis une dizaine d’années, les rapports sur le sujet se multiplient à un rythme endiablé. En particulier, un contrôleur général du ministère de l’Agriculture, Jacques Berthomeau, a lancé un pavé dans la mare en plaidant D.R. 6/02/06 D.R. 16-18_Lazareff Saint-Émilion, Château Cheval Blanc. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 17 16-18_Lazareff 6/02/06 14:13 Page 18 D.R. Les “ interdits ” • Les copeaux de chêne : les copeaux, ironiquement surnommés “ quercus fermentus ” coûtent cent fois moins cher qu’un fût à 500 € HT et sont utilisés en sachets ou en petits cubes pour donner le goût boisé si typique des vins du Nouveau Monde. Les religieux de Saint-Germain-des-Prés avaient montré l’exemple en 1661 “ pour faire du vin prompt à boire ”. • L’arrosage goutte à goutte : le principe français est que la vigne doit souffrir, mais certains rajoutent “avec modération”. L’appellation des Coteaux d’Aix autorise ainsi l’arrosage des vignes jusqu’au 1er juillet, mais pas celle des Côtes de Provence. Pourquoi ? Beaujolais, Château de Corcelles. D.R. • La remise en cause des cépages : l’appellation Châteauneuf-du-Pape est très fière de ses 13 cépages. Combien sont véritablement indispensables. Aujourd’hui, quand on lance une appellation, on limite le nombre des cépages à quatre ou cinq. • L’expérimentation. Le système français manque dramatiquement de soupape de sûreté. Sur certaines zones, avec certains vignerons, il devrait être possible d’expérimenter sous contrôle et non de manière sauvage de nouveaux cépages et de nouvelles techniques. • Les OGM de la vigne. Les Français étaient en pointe sur cette recherche en Bourgogne et en Champagne. L’Inao a décrété un moratoire. Les Californiens poursuivent les recherches pour améliorer la résistance aux maladies. En France, le sujet est désormais tabou. Messieurs les linguistes, trouvez à ces expérimentations un autre nom moins barbare… Corton, Château Corton Grancey. D.R. • Et également… Le mélange de rouge et de blanc pour faire du rosé, autorisé dans le monde mais interdit en France (sauf en Champagne), l’addition d’eau pour diluer un vin trop concentré. • ne donner l’appellation qu’aux vins qui en sont dignes ? Il faudrait, en rêvant, que les procédures d’agrément soient impitoyables, avec des experts indépendants (comme à l’Institut des vins du Douro et de Porto) ou des producteurs d’autres régions (comme c’est le cas à l’Inao pour les délimitations). Hélas, les solutions sont bien connues, mais elles sont politiquement inapplicables : • supprimer des appellations surabondantes ? Pas question de toucher aux droits acquis. La réponse politiquement correcte est “ l’appellation d’origine est une propriété collective que l’État n’a fait que constater. C’est aux producteurs de décider de son devenir ”. Imparable, en espérant que ces producteurs sont mus par l’intérêt général et non par des rivalités de clocher. Le système est tellement bloqué que l’actuel président de la section vins de l’Inao, René Renou, a décidé de le contourner en créant une autre catégorie les AOCE (AOC d’exception) qui, elles, garantiraient une qualité supérieure, en pensant que les “AOC de base” auraient le choix entre s’élever ou disparaître. 18 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Même cette réforme, pourtant périphérique, a été enterrée… Et pendant ce temps, nous ouvrons un boulevard aux vins du monde. ■ Pomerol, Château La Conseillante. D.R. avec vigueur pour une viticulture à deux vitesses : d’une part un renforcement du système d’appellations réservé à une élite et d’autre part la création de marques fortes se battant à armes égales avec les pays du reste du monde et pouvant s’affranchir de la plupart des contraintes réglementaires françaises. Bandol, Château Romassan. 19_Pub Maison des X 6/02/06 14:15 Page 19 … Avant le Bal, le 31 mars La Maison vous propose un dîner à tarif spécial Réservations Auprès de Sébastien Sévila 01 49 54 74 54 ou Un menu spécifique à cette soirée sera servi au Club pour 30 €. Selon l’affluence, des salons de la Grande Maison seront ouverts. [email protected] Au choix, deux entrées, deux plats (poisson ou viande), deux desserts, le tout dans un esprit, bien sûr, hautement gastronomique. ETUDIANTS, n’hésitez pas Les élèves bénéficieront pour ce même menu d’un tarif exceptionnel de 20 €. Ils pourront en faire profiter un invité. X Raffinement et saveurs pour une soirée inoubliable © Philippe Lavialle École Polytechnique Maison des X - Hôtel de Poulpry - 12, rue de Poitiers - 75007 Paris Pour tout renseignement, contactez Elisabeth Brunet au 01 49 54 74 74 w w w. m a i s o n d e s x . c o m - E - m a i l : i n f o @ m a i s o n d e s x . c o m X 20-24_Gondard 6/02/06 14:15 Page 20 LA FRANCE ET SES VINS Table ronde de membres du Groupe X-Vinicole Participants : • Sophie de Porcaro, fille de Jacques Formery (37), Domaine E. Cheysson, Chiroubles, Beaujolais, • Christophe Lanson (86), Domaine de Leyre-Loup, Morgon, Beaujolais, • Jean-François Arrivet (57), Château Génisson, 1res Côtes de Bordeaux, • Jean-Daniel Dor (80), Val d’Iris, Côtes de Provence, • Jean Perrin (50), Champagne Henri Perrin, Champagne. Synthèse : Claude Gondard (65). Pour conclure le présent numéro de La Jaune et la Rouge, nous avons demandé à des membres du Groupe-Vinicole de nous faire part de leurs réflexions sur l’avenir du vin français. Nous vous livrons, ci-après, la synthèse de leurs réflexions. Comme souvent, pour les exploitations familiales anciennes, la crise actuelle n’a pas de répercussions dramatiques immédiates. Sophie de Porcaro nous explique : “ En ce qui concerne le Domaine Cheysson, le facteur de la concurrence ne semble pas vraiment nocif pour les ventes sur le marché intérieur. En revanche, la diminution de la consommation en France nous atteint directement soit au niveau des ventes aux particuliers soit au niveau des ventes aux revendeurs et aux restaurants. Nous luttons contre cette tendance à la baisse par un effort commercial accru et régulier, présences dans les salons particuliers et professionnels, mailings et relances, visites aux revendeurs et restaurants français et étrangers… Les difficultés dues à la complexité du système d’appellation n’apparaissent pas trop dans ces débouchés pour 20 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE lesquels le contact direct nous permet une présentation et une “ explication ” du produit. En revanche nous sommes gênés dans nos ventes à la grande distribution pour laquelle le système des appellations d’origine est d’une lecture difficile à cause des fortes disparités et nuances dans les étiquetages. Au total, l’appellation n’aide pas une vente qui est surtout dirigée par les niveaux de prix tandis que la multiplicité et l’hétérogénéité des produits compliquent l’acte d’achat. Néanmoins, il est sans doute nécessaire de mettre un peu d’ordre dans la réglementation actuelle des structures. Celles-ci, contrôle des SAFER, statut du vigneronnage, concours bancaires…, favorisent les exploitations individuelles mais prolongent la vie d’entreprises dont la production est médiocre et irrégulière, voire illégale, au détriment de la réputation, donc du travail, de régions entières. ” Pour Christophe Lanson : “ La consommation de vin mondiale augmente, donc la perte de marchés par la France résulte d’un manque de compétitivité. On sent cela surtout pour les vins peu chers. Je ne crois pas que le système des appellations soit à revoir, à mon sens c’est un faux problème. En revanche, je crois que le problème français résulte d’une grave erreur de jugement, qui consiste à dire qu’en produisant moins on produirait mieux et vendra plus cher. Cela ne répond pas aux attentes du consommateur, ni à ce qui se passe dans le reste du monde. Ailleurs, on pense qu’on peut à la fois “beaucoup” et “ bon ”, et mon expérience des dix dernières années m’apprend que la corrélation qualité-quantité est faible (par exemple 2003-2004-2005, c’est éloquent). Je crois que l’on doit réduire les obstacles administratifs et la lourdeur qui pèse sur le système. Dans dix ans, la moitié des producteurs aura disparu dans tous les cas, mais dans le cas où l’on aura levé les contraintes, les exploitations auront doublé de taille. On créera ainsi naturellement des marques qui rempla- Page 21 Chablis, Domaine Laroche. ceront les appellations là où c’est nécessaire. Duboeuf l’a fait, Rothschild l’a fait (Mouton Cadet), etc. L’État devrait selon moi inverser la vapeur et libérer totalement les quotas de production. Les gens qui produisent du mauvais vin, s’il y en a, subiront de plein fouet cette libéralisation, au lieu de subir la crise comme tout le monde. Le bilan n’en sera qu’à peine plus noir pour eux. Les gens qui produisent du bon vin et savent le vendre gagneront en compétitivité et pourront se développer. Le bilan sera bien meilleur pour eux. À terme, ils pourront même s’étendre sur les propriétés mal gérées. Bref, je crois que cela serait bon pour tout le monde à long terme, et me dis qu’il n’y a qu’à mettre en place un système de soutien pour ceux qui cessent leur activité au lieu de gaspiller l’argent bêtement comme on le fait de nos jours. ” Jean-François Arrivet est particulièrement sévère avec les instances dirigeantes de la filière vitivinicole française qui, au cours des dernières années, ont mené des actions très exactement opposées à celles qu’il aurait convenu d’initier. “La crise actuelle était tout à fait prévisible. L’augmentation des surfaces plantées dans le monde (et en France aussi) ne pouvait pas se satisfaire d’une augmentation de la consommation qui est par nature régulière et faible (voire dans certaines régions en régression). Les instances dirigeantes françaises ont refusé de voir le problème et, sous la pression des lobbies, ont fait ce qu’il ne fallait pas faire : réglementation désordonnée des surfaces AOC plantées, création de nouvelles AOC, règles administratives complexes et rigoureuses…, et n’ont pas fait ce qu’il aurait fallu faire : création de filières marketing (marché – produit – formation) adaptées à chacun de nos grands débouchés. C’est cette carence commerciale qui nous tue car l’exportation insuffisante fait basculer le marché national dans le cercle vicieux : baisse des prix, marasme, baisse de la qualité (qui coûte cher) au lieu du cercle vertueux : marché porteur, amélioration de la qualité, budget marketing conséquent et efficace. Dans le même temps nos concurrents ont fait ce que nous ne faisions pas : ils sont dans le cercle vertueux (pas tous…) et nous dans le cercle vicieux. Comment en sortir ? et sans y perdre notre âme ? D.R. 14:16 Meursault, Château de Meursault. espéré sur une gamme de produits diversifiés comme l’est notre production française. Orientations possibles : • groupements sur une marque sérieuse, fiable et continue dans le temps, pour un grand volume de cols (éventuellement vin de cépage ?) avec un effort marketing très important, ciblé par marché et filière de distribution, avec l’aide de l’État, au moins au début ; • arrêt, par contrôle sur les gondoles, de la vente par la grande distribution de vins AOC indignes à des prix ridicules ; • arrachages du mauvais terroir ; • distillation (assistée) des vins insuffisants. ” Les grands crus français ne sont pas atteints pour le moment. Ils en profitent pour pratiquer des prix très élevés qui donnent une image fausse de l’ensemble de la filière viticole française et leur poids dans les instances dirigeantes explique pour partie les erreurs faites. L’approche marketing devrait garder à l’esprit deux idées fortes (à l’exportation) : • 90 à 95% des acheteurs n’ont pas de capacités dégustatives significatives, • la promotion et l’adaptation du produit au marché vont jouer un rôle de plus en plus important. À ce sujet aucun résultat ne peut être D.R. 6/02/06 D.R. 20-24_Gondard Margaux, Château Giscours. Jean-Daniel Dor nous livre de son côté son approche très professionnelle de la manière dont l’offre de vin française doit se restructurer pour aborder la grande distribution – 75% des ventes – sur un pied d’égalité – voire de supériorité – avec les producteurs étrangers, tout en “ vendant ” les terroirs français par des canaux appropriés. “ Posé toujours dans les mêmes termes, le débat sur les forces et les faiblesses du système d’AOC à la française est sans issue, puisqu’on ne peut raisonnablement être totalement ni contre les AOC qui défendent une certaine idée de la qualité, de la diversité ou de la typicité, ni contre une approche marketing à l’anglo-saxonne, plus pragmatique, centrée sur le consommateur et ses préférences. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 21 6/02/06 14:16 Page 22 À mon sens, la raison de cette impasse provient de la confusion qui règne entre la nécessité de construire des marques mondiales de vins français fortes, et celle de défendre l’idée de vins de terroir. Les AOC amalgament ces deux voies, en faisant l’hypothèse qu’on peut établir une marque internationale sur une notion de terroir, et je ne lis nulle part de remise en cause de cette hypothèse. En approfondissant les définitions de marque et de terroir, on voit pourtant apparaître une incompatibilité. Marques et produits de consommation Le vin est-il ou non un produit de consommation comme un autre ? Oui pour les viticulteurs du Nouveau Monde, non pour les viticulteurs français. On lira avec profit le remarquable essai d’Oliver Torrès La Guerre des Vins : l’Affaire Mondavi – Mondialisation et terroirs (Dunod), qui illustre l’affrontement entre deux philosophies radicalement différentes du produit et de la stratégie commerciale qui en découle. Pour le Nouveau Monde, le vin est un produit de consommation (“ consumer product ”) comme un autre, il est mis sur le marché avec une stratégie de marque. Les marketers, dont Mondavi ou Gallo sont les figures emblématiques, font ainsi un travail de développement et de positionnement tout à fait analogue à celui des géants de la boisson, Coca-Cola, Pepsi-Cola, CadburySchweppes, Danone, Nestlé, pour lancer puis distribuer leurs nouveaux produits. En revanche, le producteur français conçoit toujours le vin comme un produit à part, chargé de toute l’histoire, la tradition, l’identité, la culture de notre pays, et même empli de dimensions sacrées ou symboliques. La discussion sera vite tranchée, car il existe une réalité aveuglante : plus de 75 % du vin est aujourd’hui mis sur le marché par la grande distribution. Or placé dans un linéaire de supermarché, le vin devient ipso facto un produit de consommation, soumis aux mécanismes déclencheurs des décisions d’achat de notre “consumer society ” moderne. 22 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Le plus flagrant de ces mécanismes repose sur l’importance de la marque au sens où l’entend le marketing actuel, avec ses effets induits sur la perception de la qualité. Guerlain ou Chanel. Il est donc vital pour la marque que le produit se définisse d’abord comme son ambassadeur, les facteurs de qualité devenant accessoires, car induits. Les “ marketers ” sont ainsi en train d’opérer une substitution du produit par la marque en pariant sur l’incapacité du consommateur à distinguer l’un de l’autre, ce qui est avéré dans le cas des produits de luxe, ou encore des produits type “ lifestyle ” où l’image importe beaucoup. Même dans le cas de produits de consommation courante, on ne peut qu’être édifié par la toute nouvelle campagne de Danone Produits Frais avec son slogan “Seul Danone sait faire des Danone ” : c’est vraiment la marque qui véhicule directement la notion de qualité 2… Seul Danone sait faire des Danone ! Les AOC et les marques On sait bien que la qualité d’un vin n’est pas réductible à de simples critères organoleptiques ou œnologiques 1. On est obligé de convenir que la qualité d’un vin se manifeste de deux façons : par ce qui se trouve dans le verre (qui répond bien aux critères œnologiques), et par ce qui se trouve dans la tête du dégustateur, beaucoup plus complexe à définir. Cela n’a rien de spécifique au vin, c’est même une constante de tous les produits de consommation, les marques l’ont bien compris. C’est d’ailleurs la marque, justement, qui va véhiculer tous les paramètres caractérisant la relation intime du consommateur au produit, tangibles et intangibles, qui dirigent ses choix. Si l’on admet cela, on voit que le débat qui nous occupe place la qualité, avec sa dualité “ réalité – perception ” au cœur du problème, et l’on doit ainsi se demander ce que font les AOC pour établir la qualité de leur marque. Réponse : un bien mauvais travail ! C’est qu’en choisissant de défendre la qualité du vin, elles négligent d’investir dans la qualité au sens de la marque. Avec 467 appellations, elles diluent leur potentiel d’image. Qu’on y songe : le cœur de la stratégie de Procter et Gamble, ainsi que d’Unilever, ces dernières années, aura été de rationaliser leur gigantesque portefeuille de marques pour le réduire de plus de 2 000 à moins de 200, tout simplement parce qu’elles souhaitent investir dix fois plus sur chacune d’elles. D.R. 20-24_Gondard Alsace, Domaine Schlumberger. Ainsi dans les stratégies marketing actuelles, la marque n’est plus simplement le signe distinctif d’un produit, comme elle l’était il y a vingt ans, elle est devenue son propre objet de marketing. À telle enseigne que dans le domaine du luxe, comme les parfums et cosmétiques, les nouveaux lancements ne sont pas définis par leurs caractéristiques intrinsèques, mais par leur contribution à renforcer ou à faire évoluer la marque qu’ils supportent. En effet, le premier critère d’achat d’un nouveau parfum de Guerlain ou Chanel est qu’il se nomme 1. Une étude assez récente, parue dans le magazine La Vigne, cherchait à établir la relation entre la qualité organoleptique perçue et le prix payé : un panel d’experts avait dégusté à l’aveugle une série de vins français et étrangers achetés dans le commerce. Sans surprise, l’étude établissait une absence totale de corrélation entre ces deux paramètres. On constate donc que les vins chers et de qualité médiocre (au sens du panel) se vendent, on peut le déplorer mais c’est un fait. 2. Contre-balancier de ces exagérations, pour les produits à faible image le consommateur se rebelle contre les marques, en plébiscitant les discounters et leurs produits sans marque. C’est alors le prix qui devient le premier repère. 20-24_Gondard 6/02/06 14:16 Page 23 D.R. D.R. naïveté, quand on réalise les décennies d’investissement nécessaires pour qu’une marque soit enfin plébiscitée par le marché. La grande distribution aux antipodes du terroir Mais il faut nuancer ce propos : non, toutes les AOC ne font pas un mauvais travail. “ Champagne ” est l’exemple d’une marque exemplaire, jouissant d’une notoriété mondiale, et véhiculant un ensemble de valeurs qui dépassent très largement ce qu’on trouve simplement dans un verre de champagne. Inutile de s’interroger longuement sur les recettes de la “ santé insolente ” des vins de Champagne dans le marasme environnant : la marque, rien que la marque ! Dont l’exclusivité est jusqu’à présent défendue avec vigueur par leurs propriétaires. Nos concurrents américains ne se trompent pas sur les raisons de ce succès : les désaccords sur la protection de la marque Champagne sont au cœur des négociations de l’OMC entre la France et les USA. Il est bien à craindre qu’ils remportent bientôt ce combat de David contre Goliath. Autres exemples de réussites de marques : le Rosé de Provence, dont on parle beaucoup moins, tire également son épingle du jeu, et naturellement tous les grands noms, les Petrus et autres Romanée-Conti, qui sont des marques emblématiques à l’image de celles que représentent Guerlain ou Chanel. Mais réalise-t-on que “ Bordeaux ”, tout simplement, en est une ? Et “ Vin de France ” ? Encore une marque formidable, que fait-on pour en tirer parti? Pas grandchose, occupés que nous sommes à élucubrer des “ Vins des Portes de la Méditerranée ” comme s’il suffisait de l’écrire au bas d’une étiquette pour emballer le consommateur ! Quelle Saint-Estèphe, Château Montrose. des ventes au domaine, et j’aime observer nos clients lorsqu’ils nous rendent visite. Je vois leur plaisir à rencontrer le vigneron en personne, contempler le domaine, parler du vin, des méthodes de culture. Elle m’apparaît comme une évidence, cette recherche de lien social, surtout dans un monde où le virtuel et le nomadisme deviennent la norme. Mon offre prend alors toute sa dimension de terroir, car le terroir en fait intrinsèquement partie : les parcelles de vignes, le vigneron en chair et en os, le climat, les pierres de la maison, et non pas seulement les quelques caractères organoleptiques conférés au vin par la spécificité pédologique du domaine. En regard, que représenterait mon étiquette sur le linéaire d’un supermarché ? Soyons réaliste, rien du tout. La vente au caveau en est un, même s’il est très limitant, qui peut indiquer la voie. Étant moi-même vigneron propriétaire d’un petit domaine dans le Var, je réalise 85 % D.R. Pessac-Léognan, Château Carbonnieux. En même temps, les AOC s’investissent d’une mission de préservation de la qualité (au sens organoleptique) et de la spécificité. Pourquoi pas ? La seule erreur est de confondre ce noble objectif avec celui de la réalisation d’une arme adaptée aux lois impitoyables du “ global consumer market ”. Le premier se soucie du terroir et du vigneron-artisan qui élabore son vin avec ses mains, sa tradition : il restitue un lien social au produit déshumanisé du global market. C’est donc l’antinomie de la marque, qui cherche au contraire à standardiser urbi et orbi un ensemble abstrait produit-valeur. Surtout, il y a une incompatibilité fondamentale à imaginer qu’un vin de terroir, avec son nécessaire lien géographique et social, puisse être “ marketé ” dans les circuits rouleau compresseur de la grande distribution, où seuls les marques et le prix constituent des repères. Au contraire, les AOC, si elles s’attachent à faire le marketing du terroir, doivent inventer ou réinventer des canaux d’accès au marché alternatifs. Le Clos de Tart à Moret-Saint-Denis, Bourgogne. Que conclure ? L’effondrement inexorable des parts de marché des vins français, face à la concurrence des vins du Nouveau Monde, provoque de très nombreux débats introspectifs sur les forces et les faiblesses du système d’AOC à la française. Enfermé dans un paradigme centré sur la qualité “ organoleptique ” – savoir si on doit préserver la typicité du terroir ou se compromettre pour mieux plaire au consommateur acculturé – le débat est sans issue. Au contraire, les quelques considérations ci-dessus ouvrent deux perspectives non exclusives l’une de l’autre : • d’une part, pour se battre sur un marché de consommateurs piloté par la grande distribution, il faut LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 23 14:16 Page 24 renforcer ou créer des marques fortes sur le modèle de la marque “ Champagne ”, au succès exemplaire. Cela suppose une non-dilution des appellations, le renforcement éventuel de marques au potentiel sous-jacent telles que “ Vins de France ”, “ Vins de Provence ”. Cela suppose encore d’élargir la notion de qualité à tout ce qui n’est pas seulement dans le verre, d’accepter que le consommateur, dans sa large majorité, n’a que faire de la typicité, ou alors qu’il doit s’en faire une idée toute subjective ; • d’autre part, il faut inventer un véritable marketing du terroir, qui sache s’affranchir des canaux de distribution qui lui sont antinomiques, développer ses propres accès au marché, son lien au client. Pour peu qu’on s’y investisse, ce marketing du terroir est promis à un bel avenir. Dans une économie mondialisée menacée de toutes les délocalisations, seule la terre ne pourra pas bouger. Et les AOC, dans tout cela ? Elles peuvent certainement jouer un rôleclé, pour peu qu’elles sortent de leur confusion, séparent bien les deux enjeux, fassent leur choix et développent des stratégies distinctes adaptées à l’un ou à l’autre. ” ❈ ❈ différents secteurs de l’appellation champenoise. Cette souplesse, qui fait parfois cruellement défaut aux autres appellations françaises, permet aux maisons de Champagne de maîtriser les paramètres de qualité et de “ style ” de leurs produits, • enfin et surtout, par une protection juridique active et une promotion permanente de la marque Champagne. ❈ On le voit, le débat est loin d’être clos et tout, ou presque, est à faire pour redonner au vin français la place qu’il a occupée dans le passé. Je pense cependant que le lecteur, après avoir pris connaissance des différents articles du présent numéro de La Jaune et la Rouge, conviendra avec moi que le gros point faible des vins français reste ses conditions d’accès au marché, son marketing. Dans son excellente contribution, qu’il ne nous est malheureusement pas possible de reproduire, faute de place, Jean Perrin nous dévoile la stratégie de “la marque Champagne”. Par une politique adaptée à l’échelle planétaire, le champagne sait donner aussi bien leurs places aux grandes 24 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Formons le vœu que cette démarche fasse des émules dans les secteurs en difficulté de la filière vitivinicole française et que notre pays sache réagir de manière efficace pour sauver et valoriser ce fleuron de son patrimoine qu’est le vin. ■ Champagne Pommery. maisons dont les marques prestigieuses confortent la notoriété du nom Champagne, qu’au plus modeste vigneron, pour autant qu’il sait, par la qualité de son travail, apporter sa pierre à l’élaboration d’un bon produit. Le CIVC (Comité interprofessionnel des vins de Champagne), sous l’égide de l’État, ainsi que les différents syndicats professionnels qui assurent une représentation équilibrée de tous les acteurs de la filière veillent au bon fonctionnement de l’ensemble du système : • au niveau de la production du raisin, en élaborant des règles à respecter pour obtenir la qualité désirée, en effectuant les contrôles nécessaires et en mettant en place un cadre contractuel souple dont l’objectif est d’assurer une rémunération convenable aux producteurs qui approvisionnent les maisons de Champagne et les coopératives, • au niveau de l’élaboration du vin, en autorisant l’assemblage de moûts des cépages autorisés provenant de 16 e Salon des vignerons polytechniciens dimanche 19 mars 2006 C’est un numéro spécial de La Jaune et la Rouge sur le vin français qui introduit, cette année, notre salon. Le Groupe X-Vinicole sait gré à La Jaune et la Rouge de s’être intéressée à ce sujet qui nous passionne tous et constitue notre vie même. D.R. 6/02/06 D.R. 20-24_Gondard Nous espérons que nos articles vous permettront de mieux comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs de la filière vitivinicole française, voire même européenne, et les nécessaires et profondes restructurations auxquelles il va falloir procéder dans les prochaines années. Tous les participants au salon vous attendent et seront heureux de compléter votre information en répondant à vos questions. Claude GONDARD (65), président du Groupe X-Vinicole Champagne Veuve Cliquot Ponsardin. 25-27_Gondard 6/02/06 14:17 Page 25 LA FRANCE ET SES VINS De vigne en cave, réflexions d’un exploitant Claude Gondard (65) La filière vitivinicole française a bénéficié pendant plusieurs décennies d’une conjoncture favorable qui lui a permis de soutenir un effort de recherche important et de financer la modernisation des unités de production. Ces efforts doivent être poursuivis aujourd’hui, malgré les difficultés rencontrées, de manière à permettre un redéploiement de son offre en s’appuyant sur ses points forts que sont ses terroirs et son expérience millénaire. H ÉRITIER D ’ UNE JOLIE PETITE propriété en “Pouilly-Fuissé”, acquise, il y a tout juste cent ans par mon grand-père, je m’intéresse au vin depuis toujours et y ai consacré une bonne part de mon existence. Enfant, je passais à Pouilly chaque année plusieurs semaines de vacances. J’aimais participer aux travaux des vignes et du vin ; j’aimais écouter les vignerons parler de leur métier, de leurs soucis et de leurs satisfactions. Mais je dois dire que les réponses que j’obtenais aux questions “bêtes” que je posais souvent me laissaient sur ma faim et que mon esprit qui commençait à devenir rationnel ne s’en satisfaisait pas toujours. Assez vite j’ai eu le sentiment que les pratiques culturales s’appuyaient sur un empirisme peu scientifique et que l’on travaillait comme des Gaulois lorsque l’on vinifiait la récolte. La sanction tombait d’ailleurs régulièrement, en ce sens que, ne maîtrisant ni la qualité ni la quantité, les années sans récolte ou aux résultats décevants n’étaient pas rares et les accidents de vinification nombreux. Par contre, grâce aux faibles rendements des vignes, lorsque le vin était bon, il était vraiment très bon. Hormis quelques insecticides qui faisaient autant de mal aux viticulteurs qu’aux insectes et autres acariens, et bien sûr, le cuivre et le soufre, on ne disposait que de peu de moyens de lutte contre les maladies de la vigne. En 1950, les pratiques de la viticulture étaient plus proches de celles du Moyen Âge que de celles du XXIe siècle. Les travaux de la vigne se faisaient tous manuellement, sauf les labours où le cheval était l’auxiliaire indispensable. Çà et là, un pêcher de vigne rompait la monotonie des rangs… Les composantes métalliques du matériel de vinification étaient en cuivre, bronze ou acier, matériaux trop solubles dans les moûts. Il en résultait dans le vin des teneurs exces- sives en cuivre ou fer pouvant provoquer des précipités peu appétissants dans les bouteilles, les tristement connues maladies des bouteilles : le vin devait alors subir une nouvelle filtration avant d’être remis en bouteilles, au détriment de la qualité. La situation des viticulteurs n’était pas toujours enviable. Un ami notaire m’a raconté qu’il connaissait avant la guerre un ménage : lui possédait des vignes de Pouilly-Fuissé et elle des terres en Bresse. Les grasses terres bressanes représentaient alors sans conteste l’essentiel de la fortune du ménage. Et puis la situation a bien évolué. Le vin français s’est de mieux en mieux vendu et exporté, au point de devenir l’une des principales composantes du commerce extérieur de notre pays. Ce développement a été accompagné par un effort de formation et de recherche important. En quelques décennies, les régions viticoles se sont équipées de matériels performants, tant dans les vignes – enjambeurs multifonctions : adieu les pêchers de vignes ; machines à vendanger ; matériels de manutention – que dans les chais, les tinaillers comme on dit joliment chez moi – pressoirs modernes, cuverie inox, contrôle de température, renouvellement plus fréquent de la futaille… De nombreuses molécules ont été développées, permet- LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 25 25-27_Gondard 6/02/06 14:17 Page 26 tant de rendre plus efficace la lutte contre les maladies et les ravageurs de la vigne, mais pas toujours inoffensives pour la santé des viticulteurs et l’environnement. nouveaux produits sont utilisés sans discernement. C’est donc sur un front mobile que la recherche doit se battre et il est vital de lui en donner les moyens. Les deniers publics, dans la période difficile que nous traversons, Parallèlement, un effort important a été consenti pour valoriser la production en promouvant des cépages qualitatifs principalement dans le Languedoc. L’Inao (Institut national des appellations d’origine) a accompagné le mouvement en autorisant l’extension d’appellations existantes et la création de nouvelles. Je ne m’étendrai pas sur cet aspect des choses, déjà traité de manière fort compétente dans les excellents articles de Thierry Brulé et d’Alexandre Lazareff. Je voudrais plutôt aborder un autre aspect de la viticulture : les maladies de la vigne. Je dois dire, sans nier les progrès accomplis, que je suis choqué par l’ignorance des scientifiques dans ce domaine, non que je conteste leur compétence, mais ils sont trop peu nombreux et disposent de moyens insuffisants. Je suis scandalisé d’apprendre que l’ITV (Institut technique de la vigne), par suite de la diminution de son budget, se voit contraint de fermer plusieurs établissements cette année, ou les problèmes récurrents de l’ENTAV pour boucler son budget. Les efforts à consentir dans les domaines de la recherche et de la technique sont d’autant plus importants que les menaces sur la filière se font plus pressantes. Ces menaces ne sont pas seulement économiques mais aussi sanitaires, effet pervers de la mondialisation, dont le phylloxéra n’a été qu’un premier exemple à la fin du XIXe siècle. L’évolution climatique apporte, elle aussi, son lot de nouveaux problèmes à résoudre. De plus les fléaux de base comme l’oïdium ou le mildiou font preuve d’une remarquable adaptabilité et dès que de nouvelles molécules sont mises au point, des souches résistantes apparaissent rapidement si les 26 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE temps. Une autre maladie cryptogamique, l’eutypiose, fait des ravages dans les vignobles septentrionaux. On ignore à peu près tout de ce champignon qui s’attaque au bois des ceps et dont les manifestations ne sont pas toujours apparentes. Le seul traitement, à l’efficacité douteuse, que l’on connaissait consistait à vaporiser sur les ceps de l’arsénite de soude. La seule certitude dont on disposait, en fait, au sujet de ce sympathique produit est qu’il faisait crever les viticulteurs et l’usage en a été interdit récemment. D.R. Pouilly-Fuissé, médaille en bronze, 68 mm. seraient certainement mieux utilisés à financer des travaux de recherche indispensables pour l’avenir, qu’à aider des exploitations moribondes à survivre, car elles n’ont pas d’avenir. J’ai été très impressionné de lire, voici quelques mois, tout un article sur les découvertes faites en ce qui concerne les cycles reproductifs de ce sale champignon qu’est l’oïdium ; impressionné car j’étais persuadé que les questions fondamentales de ce genre étaient connues depuis long- Le développement des viroses est également préoccupant : on est plus démuni encore face aux virus que dans le cas des maladies humaines. Même si ces maladies portent de jolis noms – flavescence dorée, court-noué, mosaïque de l’arabette, enroulement, marbrure…, elles causent d’importants dégâts aux vignobles. Trop souvent, lorsqu’une parcelle comporte une proportion de pieds malades excessive, le viticulteur est tenté de charger davantage les pieds de vigne sains pour compenser la perte de rendement, mais au détriment de la qualité. Si l’on reprend l’insistance justifiée de Jean-Robert Pitte pour maîtriser les rendements, afin de permettre aux terroirs de s’exprimer, on comprendra l’importance de disposer d’un outil de production dont l’état sanitaire soit satisfaisant pour y parvenir. On essaie de remédier à ces problèmes aujourd’hui par la sélection clonale, mais en fait, seul le génie génétique permet d’espérer les résoudre d’une manière satisfaisante. On sait, en effet, que tous les cépages ne présentent pas la même sensibilité aux différentes maladies et qu’il en est de même des individus d’un cépage donné. De là à isoler les particularités génétiques de ces individus pour en faire bénéficier les greffons utilisés pour de nouvelles plantations, il 25-27_Gondard 6/02/06 14:17 Page 27 n’y a qu’un pas. Encore pour le franchir, faut-il trouver le financement des recherches correspondantes et vaincre l’obscurantisme qui entoure ces questions de manipulations génétiques. Les retombées de telles recherches devraient également s’avérer intéressantes pour d’autres maladies, tout particulièrement pour l’oïdium et le mildiou, plaies que l’on n’arrive à contenir que par des traitements répétés utilisant des molécules variées. La mise au point de vignes résistant à ces maladies serait donc d’un haut intérêt économique et salutaire pour l’environnement. Le maintien d’un bon état sanitaire des vignes présente un autre intérêt : leur permettre de vieillir. Or les vieilles vignes, disons de plus de vingt ans, ont non seulement un rendement plus faible que des vignes plus jeunes, mais même à rendement égal, produisent des moûts plus concentrés et de meilleure qualité. En outre, au plan économique, le coût du renouvellement d’une plantation est considérable, car aux coûts directs, il convient d’ajouter les années sans production des parcelles concernées. Au plan scientifique, les connaissances en matière de vinification me paraissent plus complètes. Cela se comprend d’ailleurs puisque les agents pathogènes sont directement accessibles : l’écran que constitue la plante a, en effet, disparu. De plus, si l’on excepte le botrytis, les maladies de la vigne ont plus d’impact sur le rendement que sur la qualité de la récolte. Par contre, une erreur de vinification et c’est la récolte ellemême qui peut être compromise. Aussi des efforts importants ontils été faits pour maîtriser et améliorer les phases de la vinification : d’excel- lents laboratoires d’œnologie se sont multipliés au cours des vingt ou trente dernières années facilitant l’amélioration des pratiques œnologiques dans les propriétés. On dispose aujourd’hui de toute une gamme de produits œnologiques de qualité pour traiter les moûts, faciliter les fermentations et corriger les défauts de vinification. Les levures, en particulier, ont fait l’objet d’études approfondies et l’on trouve maintenant des souches variées permettant d’orienter la fermentation dans le sens désiré. Il subsiste par contre d’importants progrès à faire pour mieux maîtriser la fermentation malolactique qui reste bien capricieuse. Mais le progrès déterminant des dernières décennies est, sans conteste, la généralisation du contrôle des températures. Il faut dire que l’évolution climatique rend chaque jour cette fonction plus indispensable. Il est constant que le vin s’accommode mal de températures excessives. Je voudrais pour clore ces réflexions dire que j’ai le sentiment que tous les progrès évoqués ci-dessus ont permis d’augmenter considérablement la quantité de vin de qualité moyenne produite sur une zone déterminée, voire de faire des vins acceptables là où cela n’aurait pas été possible autrefois. Il nous faut aujourd’hui retourner la proposition et utiliser nos terroirs, notre science et nos outils pour donner une priorité absolue à la qualité en ayant le courage de procéder aux douloureuses opérations de regroupement ou d’arrachage indispensables, améliorer le suivi aval de la qualité et travailler pour donner, à l’extérieur, une meilleure lisibilité à nos vins. Enfin, au risque de paraître iconoclaste, je crois que le droit rural français est médiéval et qu’il n’est pas possible de moderniser notre viticulture sans remettre en cause le statut du fermage, ni le rôle des SAFER (Société d’aménagement foncier de l’espace rural). De son côté, l’équipement des chais a été considérablement amélioré. L’acier inoxydable a remplacé le bronze et l’acier, supprimant les risques de maladies des bouteilles. Les pressoirs pneumatiques permettent d’extraire des moûts parfaits que d’excellentes pompes véhiculent sans les martyriser. La filtration a également fait de gros progrès, les matériels modernes permettent d’ajuster finement les paramètres, de manière à optimiser la qualité. Le vin français est fort de magnifiques terroirs, de traditions millénaires, d’un savoir-faire respecté : il doit certes s’adapter, mais en utilisant ses atouts et non pas en produisant les mêmes vins anonymes et délocalisés – des vins “hors sol”, comme on dirait dans le domaine de l’élevage – que ceux de tout le monde et qui le mettent en difficulté aujourd’hui. Vive le vin français, vive la France ! ■ LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 27 28_Foulard 6/02/06 14:22 Page 28 Claude Gondard (65), dessinateur, graveur et médailleur I NDÉPENDAMMENT de ses activités vinicoles, Claude GONDARD exerce le métier d’artiste dans les domaines du dessin, de la gravure et surtout de la médaille. Ses travaux de gravure ont été récompensés par une médaille d’or au Salon des artistes français en 1975. De 1980 à 1990, il a animé le séminaire de gravure qui était proposé en option aux élèves de l’École polytechnique, dans le cadre de l’enseignement des arts plastiques. Il a succédé dans ce poste à son ancien professeur, Jacques DERREY, et à Jean DELPECH. Par ailleurs, ingénieur du Génie maritime, il a construit des navires à l’arsenal de Brest pendant sept ans, de 1970 à 1977. La Marine aime les médailles et les “ tapes de bouches ” et naturellement, Claude GONDARD a dessiné les médailles de ses navires,puis celles des navires de ses camarades. C’est ainsi qu’il est entré en contact avec l’Administration des Monnaies et Médailles qui n’a pas cessé, depuis cette époque, de lui passer des commandes ou de frapper les médailles qu’il créait pour diverses sociétés, administrations ou organismes. Il est également médaillé des Artistes français dans la section “ médailles ”. L’œuvre médaillistique de Claude GONDARD est considérable, quelque 300 médailles réalisées par la Monnaie de Paris dont une cinquantaine est consacrée au vin. Il a en particulier réalisé dans les années 88-92, avec 28 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE son complice Serge TCHEKHOFF qui exploite aujourd’hui une belle propriété dans le Bordelais, une série d’une quarantaine de médailles sur les grands vins français. Cettte collection, frappée en argent par la Monnaie de Paris, rassemble une bonne partie des plus beaux fleurons de la viticulture française. Plus précisément, il s’agit de frappes monétaires, qualité “ belle épreuve ”, de 41 mm de diamètre, frappées en argent 1er titre. Depuis quelques années, Claude GONDARD dessine des foulards et des cravates. Il est en particulier l’auteur de deux foulards sur l’X qui ont été souvent reproduits dans La Jaune et la Rouge. Disons, pour terminer, que La Jaune et la Rouge s’est fait l’écho, à plusieurs reprises, de l’activité artistique de notre camarade, en particulier, dans le n° 403 de mars 1985 et à l’occasion du bicentenaire de l’X, dans le numéro de janvier 1994, et lui a demandé de prendre en charge non seulement la coordination du présent numéro, mais également d’en assurer l’illustration. ■ Foulard Musée du Vin, 88 x 88 cm. Impression sur soie. 29-30_École 6/02/06 14:23 Page 29 VIE DE L’ÉCOLE FONDATION DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE – FX La formation de spécialisation à l’étranger La Fondation de l’École polytechnique, depuis sa création, accompagne et soutient l’ouverture internationale de l’École : elle y consacre l’essentiel des moyens que lui apportent les entreprises et les anciens élèves. Cette ouverture comporte deux volets principaux : l’un est l’attraction de très bons élèves étrangers dont il a été rendu compte à plusieurs reprises ; l’autre est celui traité aujourd’hui : la formation de spécialisation en 4e année à l’étranger pour des élèves français (en fait dix-huit mois en incluant le stage terminal). L’enjeu est majeur sur au moins deux plans : • pour les élèves, cette rencontre approfondie avec d’autres cultures, d’autres types de formation est un enrichissement personnel important et une valorisation de leur potentiel, • pour l’École, c’est une contribution significative à sa notoriété et à son image dans le cercle restreint des grandes institutions mondiales de formation supérieure : les élèves sont d’excellents ambassadeurs de l’École. Pratiquée depuis longtemps en petit nombre par les polytechniciens, essentiellement en direction des États-Unis et à la seule initiative de chacun, cette formation complémentaire à l’étranger a pris depuis quelques années une importance croissante grâce à l’engagement continu de la Direction des relations extérieures de l’École (Roland Sénéor puis Élisabeth Crépon) et aussi grâce aux aides financières de la Fondation : le nombre de ceux qui sont ainsi allés à l’étranger est passé de quelques unités en 1995 à 33 en 2000, 74 en 2004 et 125 en 2005, ce qui rapporté aux 280 élèves français non corpsards est un résultat assez satisfaisant. Ces formations se font dans un certain nombre de pays : les USA viennent toujours en tête avec des universités de premier plan (Stanford, MIT…) mais l’Union européenne progresse. Le prochain défi est l’Asie, notamment la Chine. Pour chaque élève, cela représente un coût supplémentaire, parfois élevé (USA, Japon). La Fondation qui avait commencé par des bourses dans la période 1995-2000 a redéfini son aide sous la forme de prise en charge des intérêts sur un prêt bancaire contracté par l’élève : ce dispositif, moins coûteux individuellement, a permis d’accompagner la très forte croissance du nombre d’élèves concernés. Ces dernières années le budget correspondant est passé de 65 000 € en 2003 et 2004 à 120 000 € en 2005 et on prévoit d’atteindre 150 000 € en 2006-2007. L’AX, membre fondateur, soutient depuis l’origine l’action de la Fondation. Son Conseil a décidé d’accroître ce soutien financier dès l’année 2005 en souhaitant qu’il soit affecté essentiellement à ces aides aux élèves français pour leur formation de spécialisation à l’étranger. La Fondation lui en est grandement reconnaissante et des dispositions ont été prises pour que les élèves – spécialement ceux qui bénéficient de ces aides – en soient informés. Fondation de l’X, 7, rue Saint-Dominique, 75007 Paris. Téléphone : (33) 01.53.85.40.10. Télécopie : (33) 01.53.85.40.11. Courriel [email protected] LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 29 29-30_École 6/02/06 14:23 Page 30 Hadi Moussavi (95), lauréat du prix Pierre Faurre 2005 " Il faut oser et croire en la force de la volonté. " Hadi Moussavi (95) a reçu en novembre dernier* le prix Pierre Faurre, décerné depuis trois ans à de jeunes polytechniciens ayant démontré, dans leurs toutes premières années de carrière dans l'industrie, une maîtrise exceptionnelle dans un contexte international. Hadi Moussavi rappelle ici ce parcours et conseille aux jeunes camarades d’oser et de rester prêts à relever tous les défis. Un projet d’envergure PHOTO J. BARANDE JR : Comment as-tu choisi ton premier emploi ? Hadi Moussavi : Je suis arrivé sur le marché du travail en 2000, en sortant d’école d’application (l’ENSTA). Après un dernier stage chez Gemini Consulting, j’ai été embauché par CVA (Corporate Value Associates), comme consultant junior en stratégie. C’était probablement un effet de mode à l’époque mais, très vite, j’ai compris que je ne m’épanouissais pas dans ce métier. Aujourd’hui, je suis directeur de Projet, en charge d’un projet d’envergure pour la fourniture d’une installation cryogénique de distribution d’hélium liquide pour le nouvel accélérateur de particules du CERN. Je suis très autonome et gère une soixantaine de personnes. C’est un projet très exposé auprès du client et du siège du groupe. Promouvoir l’image de l’X La plus grosse usine du monde J’ai postulé auprès de quelques groupes industriels, dont Air Liquide que j’ai rejoint en juillet 2001 comme “ démarreur ”. Mon métier était de mettre en service les usines du groupe dans le département Ingénierie. J’ai voyagé de pays en pays pendant trois ans. Mes deux dernières expériences de démarrage ont été celle de Responsable Démarrage de la plus grosse usine d’oxygène du monde en Afrique du Sud, puis d’une très grande usine d’hydrogène en France. Ensuite, j’ai rejoint la Direction commerciale et étais en charge des ventes d’unités de production pour la zone Né en Iran et arrivé en France à l'âge de douze ans avec sa famille, Hadi Moussavi (95) a effectué toute sa scolarité en France. Entré à l'X juste après sa naturalisation, affecté à la section volley, il a exercé à la Kès les fonctions de kessier enseignement. Célibataire, il habite à Grenoble depuis un an, après avoir parcouru le monde pour Air Liquide. Moyen-Orient. Cette expérience a été courte (cinq mois) car la Direction du groupe m’a demandé de m’occuper d’un projet très important pour le CERN, dirigé depuis notre Division Techniques avancées basée à Grenoble. LE PRIX PIERRE FAURRE Le prix Pierre Faurre, décerné depuis 2002 par la Fondation de l’X, récompense un jeune polytechnicien " dont les toutes premières années de carrière dans l’industrie démontrent une combinaison de maîtrise technique, d’aptitude au leadership et de réussite dans un contexte international, qui fait honneur à la formation de l’École polytechnique. " Hadi Moussavi : " J’ai eu de belles responsabilités au sein d’Air Liquide et toutes ont été des réussites pour les équipes auxquelles j’appartenais. Ce n’est pas moi qui ai postulé, mais mon dossier a été présenté par le siège du groupe Air Liquide et sélectionné par la Fondation de l’X. Probablement, mon goût pour l’entreprise et mon envie de relever des défis ont contribué à ce choix. " 30 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE As-tu noué des liens avec les milieux économiques extérieurs ? H.M. : Je m’occupe de ce projet à temps plein et n’ai pas le temps, malheureusement, de m’investir trop à l’extérieur. Mais, je suis très attaché à la tradition polytechnicienne et aide autant que possible mes jeunes camarades. Malheureusement mon travail ne me permet pas de m’investir davantage, mais probablement, dans le futur j’aurai l’occasion de le faire. En tant que lauréat du prix Pierre Faurre, je me dois d’être disponible pour promouvoir l’image de l’X auprès de la communauté industrielle. Quels conseils donnes-tu à ces jeunes camarades ? H.M. : Oser! Ne pas se donner beaucoup de contraintes (géographiques, familiales, professionnelles...). Être prêt pour les challenges et croire en la force de la volonté. Dans toutes les belles industries il y a beaucoup d’opportunités pour s’épanouir. Continuer à apprendre et ne jamais croire avoir appris ou savoir ! ■ * Cf. n° 611 de La Jaune et la Rouge, janvier 2006, page 43. 31-32_Forum social 6/02/06 14:24 Page 31 FORUM SOCIAL L’envers du décor S’attaquer aux causes profondes de la ségrégation sociale Les émeutes en banlieue de la fin 2005 nous ont sensibilisés au rôle que joue l’école dans la construction d’une cohésion sociale. Des regards divergents sont portés sur les conditions à créer pour obtenir de meilleurs résultats. Éric Maurin, qui est directeur d’études à l’École des hautes études sciences sociales, a publié en 2004 Le ghetto français 1, dans lequel, à partir des enquêtes emploi de l’Insee, il fait apparaître la ségrégation qui prédomine dans les quartiers d’habitat en France. Dans sa conclusion, il souligne que “ l’environnement social immédiat n’est pas une contingence secondaire, dont l’effort, le travail et le mérite pourraient aisément lever les hypothèques : il tend au contraire à s’imposer comme une condition au développement de chacun ”. Prolongeant sa réflexion, il s’interroge alors sur “ les causes profondes de l’anxiété sociale des familles et des jeunes face à l’école et au marché du travail ”. D ANS LA FOULÉE des politiques alternatives que j’ai tenté d’illustrer, je crois notamment nécessaire de promouvoir une scolarité obligatoire moins sélective, moins anxiogène, avec des programmes moins lourds et plus concrets, autour desquels pourraient se déployer des scolarités obligatoires dont le redoublement ou l’échec seraient bannis (comme c’est le cas chez la plupart de nos voisins européens). Le collège est le moment où se construisent les relégations les plus définitives et les humiliations les plus marquantes. Le moment où se creusent d’irrémédiables distances entre ceux que leur environnement social prépare depuis longtemps aux exercices savants et aux humanités, et ceux qui en ignorent les codes ou n’en perçoivent pas l’utilité. Suspendre la sélection précoce et promouvoir un véritable “ col- lège pour tous ” restent un projet d’actualité, dont l’objectif serait l’acquisition d’une culture commune par chaque classe d’âge, culture discutée et définie par l’ensemble de la société et non plus seulement par les spécialistes de chaque discipline. Un premier problème, le plus évident, est de définir cette culture commune, adaptée à un collège de masse. Il s’agit d’un problème extrêmement délicat, mais de nature politique. Il doit pouvoir se résoudre sur le forum démocratique. Il doit être possible de converger vers des programmes accessibles à un plus grand nombre de collégiens. Ce faisant, on pourrait espérer régler en partie le problème posé aux enseignants par l’hétérogénéité des publics fréquentant aujourd’hui le collège. Toutefois la véritable difficulté n’est peut-être pas tant de redéfinir les objectifs de la scolarité obligatoire que de modifier les rapports des familles avec l’école, et notamment des familles les mieux informées des enjeux d’une bonne formation initiale. Autrement dit, il semble difficile d’imaginer un collège moins concurrentiel et inégalitaire sans réformer également le lycée et l’enseignement supérieur et, plus généralement, sans promouvoir une société plus fluide. Il serait utopique d’espérer désamorcer la concurrence pour les meilleurs lycées en gardant l’enseignement supérieur tel qu’il est, avec des grandes écoles ultra-élitistes, des filières universitaires de relégation, et très peu de passerelles entre les deux. L’enseignement supérieur ne concerne aujourd’hui qu’une minorité d’enfants : essentiellement des enfants de cadres supérieurs et, à un moindre degré, de classes moyennes. Les problèmes peuvent à ce titre paraître secondaires par rapport à ceux que rencontrent une majorité d’enfants dont beaucoup sont en échec dès l’école et le collège. En réalité les deux questions sont intimement liées. La ségrégation spatiale, l’usage consumériste des établissements privés par les parents, la pression pour les classes de niveaux, l’orientation sélective, etc., toutes ces réalités qui minent l’école et le collège de l’intérieur ne pourront être désamorcées si l’enseignement supérieur reste une LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 31 31-32_Forum social 6/02/06 14:24 Page 32 institution aussi cloisonnée, où chaque inflexion de trajectoire est aussi un irréversible déclassement social. Plus fondamentalement, c’est notre modèle de société tout entier qu’il faut interroger. La France se caractérise par un degré élevé et croissant d’inégalités de statut dans l’emploi. Depuis maintenant vingt ans, les inégalités de salaire ou de revenus restent à des niveaux historiquement faibles, mais les inégalités d’exposition à l’intérim, aux CDD et au chômage sont en augmentation régulière 2. La France est le pays d’Europe où ces inégalités entre jeunes et âgés ou entre diplômés et non-diplômés sont les plus élevées. Dans le même temps, la mobilité dans la hiérarchie des salaires baisse 3. Pour simplifier, la société française s’adapte aux changements contemporains en maintenant des inégalités de revenus relativement modérées (en regard de ce qu’elles ont été), mais de plus en plus irréversibles. En somme, elle produit de nouveaux statuts auxquels sont associés des destins étroitement scellés. Il n’y a là aucune fatalité. Il existe bien d’autres façons de s’adapter aux évolutions technologiques et industrielles, comme en témoigne la diversité des expériences en Europe et outre-Atlantique 4. Il est tout à fait possible d’évoluer vers une société où les trajectoires se définissent de façon moins irréversible à chaque étape de la scolarité et de la vie, une société où les échecs de chacun ne soient pas autant d’atteintes destructrices à l’estime de soi. Il est tout à fait possible d’évoluer vers une société plus fluide. Cela suppose des passerelles plus nombreuses et bien plus étroites, des allers retours plus fréquents et naturels, entre formation initiale et marché du travail, formation générale et formation professionnelle. Alors seulement les familles pourront entretenir un rapport un 32 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE peu moins anxieux à l’avenir, à la scolarité de leurs enfants et au territoire qui cristallise et révèle l’étendue des blocages. Et les conditions d’une plus grande mixité sociale seront peut-être réunies. À l’orée des années 1960, dans des discours restés célèbres, John Kennedy puis Lyndon Johnson définissaient une nouvelle frontière sociale pour leur pays : au-delà de l’égalité des droits, l’égalité réelle des personnes, l’égalité devant les processus de constitution de soi, devant l’avenir. Il est de bon ton aujourd’hui de déclarer que tout a été dit et tenté en matière de justice sociale. L’examen scrupuleux de la situation française montre qu’il n’en est rien. À bien des égards, nous n’avons jamais réellement pris acte du déchirement intérieur de notre société, ni réellement mis en œuvre les principes politiques qui permettraient de la rassurer et de la recoudre. ■ Éric Maurin (81) 1. Le ghetto français – Enquête sur le séparatisme social, République des idées, Le Seuil, 2004. 2. Voir Thomas DiPrete et al. “Insecure Employment Relationships in Flexible and Regulated Labor Markets : a Comparison of the United States and France ”, document de travail CREST, 2004. 3. Voir Stéphane Bonhomme et Jean-Marie Robin, “Modeling Individual Earning Trajectories with Copulas : France 1990-2002 ”, document de travail CREST, 2004. 4. Voir Éric Maurin et Fabien Postel-Vinay, “ The European Job Security Gap ”, à paraître dans Word and Occupation. Ce texte est susceptible de donner lieu à controverse sur le fonctionnement du système scolaire et sur les conditions d’accès à l’enseignement supérieur. Nous avons cependant souhaité le publier car notre camarade Maurin s’étant déjà exprimé sur ce point dans la presse quotidienne, nous avons pensé qu’il valait la peine de lui ouvrir notre rubrique du Forum social, en espérant que cela inciterait les lecteurs à ouvrir un débat sur une question qui est d’une grande actualité. Les responsables de la rubrique Forum social : Jacques GALLOIS (45), Jacques DENANTES (49), Dominique MOYEN (57) 33-40_Mazoyer 6/02/06 14:26 Page 33 LIBRES PROPOS Développement agricole inégal et sous-alimentation paysanne Marcel Mazoyer* Cet article, paru initialement dans l’ouvrage La fracture agricole et alimentaire mondiale – Nourrir l’humanité aujourd’hui et demain, Universalis, Paris, 2005, est repris et publié avec l’aimable autorisation de l’éditeur. N OVEMBRE 1996. Au crépuscule du dernier millénaire, une lueur d’espoir paraît à l’horizon : près de cent quatre-vingtdix chefs d’État et de gouvernement, réunis à Rome à l’occasion du Sommet mondial de l’alimentation, s’engagent solennellement “ à réduire de moitié le nombre des personnes sous-alimentées d’ici à 2015 au plus tard ”. Octobre 2004. Coup de tonnerre dans un ciel de nouveau assombri : le rapport annuel sur la situation de l’insécurité alimentaire dans le monde (FAO, 2004) évalue à 852 millions le nombre de personnes souffrant de la faim, signifiant ainsi que, loin de diminuer, ce nombre a au contraire augmenté de 37 millions en dix ans. Pourtant, malgré l’explosion démographique sans précédent des dernières décennies, la production agricole et alimentaire mondiale a augmenté plus vite que la population. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la population mondiale, en passant de 2,5 milliards de personnes en 1950 à 6 milliards en 2000, a été multipliée par 2,4. Or, dans le même temps, la production agricole et alimentaire a été multipliée par 2,6 (Faostat), progressant ainsi plus vite que la population, et beaucoup plus en cinquante ans qu’elle ne l’avait fait auparavant en dix mille ans d’histoire agraire. Pour autant, la question de la pauvreté et de la faim que posait déjà Malthus (1766-1834) au sujet de l’Angleterre en proie à la révolution agricole et industrielle du XVIIIe siècle, se pose toujours avec autant d’acuité, à l’échelle d’un monde en proie à la révolution agricole, industrielle et commerciale contemporaine : pourquoi, malgré une croissance économique supérieure à celle de la population, le nombre de pauvres et de sous-alimentés reste-t-il si important, et que faire pour y remédier ? Que faire en effet sachant que 3 milliards d’humains disposant de moins de 2 euros par jour se privent plus ou moins de nourriture, que 2 milliards souffrent de graves malnutritions et que 852 millions ont faim presque tous les jours ? * Marcel Mazoyer est professeur émérite d’agriculture comparée et développement agricole à l’Institut national agronomique de Paris-Grignon, où il a succédé à René Dumont. Il est auteur avec Laurence Roudart de l’Histoire des agricultures du monde, Seuil, 2002, et d’Agricultures du monde, du Néolithique à nos jours, Autrement, 2004. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 33 33-40_Mazoyer 6/02/06 14:26 Page 34 Que faire pour venir à bout au plus tôt de la pauvreté et de la faim, et que faire à l’avenir pour subvenir pleinement aux besoins d’une population qui devrait approcher 9 milliards de personnes dans cinquante ans, et plafonner autour de 10 milliards avant la fin du siècle ? Telles sont les questions auxquelles nous voulons répondre ici, en traitant successivement des limites et des inconvénients de la croissance agricole mondiale, des principales raisons de la pauvreté et de la sous-alimentation, des possibilités et des moyens d’y remédier. Les limites et les inconvénients de la croissance agricole régions des pays industrialisés ou émergents, les rendements ont même décuplé, pour atteindre 10 tonnes de céréales ou d’équivalent-céréales par hectare, et se rapprocher ainsi du maximum possible. Cet accroissement des rendements a résulté surtout de l’utilisation de semences sélectionnées génétiquement, à haut potentiel de rendement, d’engrais minéraux à haute dose et de pesticides très efficaces ainsi que, dans certains cas, de l’irrigation qui a été étendue de 80 millions d’hectares en 1950 à 240 millions en 2000. En revanche, dans beaucoup de régions pauvres des pays en développement, les rendements n’ont pratiquement pas augmenté et sont toujours de l’ordre de une tonne par hectare, et donc très éloignés du maximum possible. L’énorme augmentation de la production agricole et alimentaire mondiale au cours de la seconde moitié du XXe siècle provient pour une faible part, moins de 15 %, de l’extension des terres arables, qui sont passées de 1 330 millions d’hectares en 1950 à 1 500 millions d’hectares en 2000. Pour une part aussi, elle provient de la réduction des jachères et du développement concomitant des cultures, des élevages et de l’arboriculture. Dans quelques régions très peuplées du monde, les paysans ont même réussi à construire de leurs mains des écosystèmes cultivés superposant plusieurs étages d’arboriculture fruitière, dominant des associations denses de cultures vivrières et fourragères, des élevages d’herbivores, de porcs et de volailles, et parfois même, des bassins d’aquaculture. Des écosystèmes cultivés complexes qui sont capables de fournir, sans engrais, autant de produits végétaux et animaux que les cultures et les élevages spécialisés les plus performants pourraient le faire sur la même surface. Pauvreté et sous-alimentation rurales Mais, pour une grande part, plus de 70 %, cette augmentation de production provient de la croissance du rendement moyen mondial des cultures, qui a été multiplié par plus de deux en cinquante ans. Dans quelques Certes, il est difficile d’admettre qu’après des décennies de révolution agricole et de révolution verte, la pauvreté et la sous-alimentation rurales se perpétuent avec une telle ampleur. Pourtant, il suffit pour s’en convaincre 34 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Selon la FAO, près des trois quarts des humains sous-alimentés sont des ruraux. Des ruraux pauvres, dont la majorité sont des paysans, particulièrement mal équipés, mal situés et mal lotis, et des ouvriers agricoles très peu payés. Quant aux autres sous-alimentés, la plupart d’entre eux sont d’ex-ruraux récemment poussés à l’exode vers les camps de réfugiés ou les bidonvilles sous-équipés et sousindustrialisés, dans lesquels règnent le chômage et les bas salaires, et où ils ne peuvent trouver de moyens d’existence suffisants. Or, on sait que, malgré un exode rural de plus de 50 millions de personnes par an, le nombre de pauvres et sous-alimentés des campagnes ne diminue guère. Ce qui signifie qu’un nombre à peu près égal de nouveaux pauvres et sous-alimentés se forme chaque année dans les campagnes du monde. de relever les traits les plus marquants d’une situation agricole mondiale très contrastée. Inégalités agricoles et pauvreté paysanne Rappelons tout d’abord qu’à l’échelle du monde les ruraux et les agriculteurs sont encore très nombreux : la population rurale s’élève à 3,3 milliards de personnes, soit 52 % de la population mondiale ; la population agricole totale (active et non active) s’élève à 2,6 milliards de personnes, soit 41 % de cette même population mondiale ; quant à la population agricole active, elle s’élève à 1,34 milliard de personnes, soit 43 % de la population active du monde (Faostat). Rappelons aussi que, dans presque tous les pays, le revenu moyen des agriculteurs est très inférieur à celui des citadins, et même inférieur à celui des salariés non qualifiés. Mais surtout, il faut savoir que pour 1,34 milliard d’actifs agricoles, on ne compte dans le monde en tout et pour tout que 28 millions de tracteurs (soit 2 % du nombre des actifs agricoles), et 250 millions d’animaux de travail (soit 19 % du nombre des actifs agricoles). C’est dire que la grande motorisation-mécanisation qui a triomphé dans les pays industrialisés et dans quelques secteurs des pays émergents n’a touché qu’une infime minorité des agriculteurs du monde, que la culture à traction animale ne bénéficie aujourd’hui qu’à un cinquième environ d’entre eux, et que les quatre cinquièmes des actifs agricoles du monde, soit environ un milliard de paysans, travaillent uniquement avec des outils à mains (bêche, houe, machette, faucille…). D’un autre côté, sachant que moins de 800 millions d’agriculteurs, tous types d’équipement confondus, utilisent couramment des semences sélectionnées, des engrais minéraux et des pesticides, il faut en déduire qu’environ 500 millions de paysans n’ayant généralement ni tracteur, ni animal de travail, n’utilisent pas non plus ces intrants efficaces. 33-40_Mazoyer 6/02/06 14:27 Page 35 Les inégalités d’équipement, de productivité et de revenu entre les différentes agricultures du monde sont donc énormes : d’un côté, quelques millions d’agriculteurs disposant de puissants tracteurs et de machines valant plusieurs centaines de milliers d’euros et utilisant les intrants les plus efficaces peuvent produire plus de 1000 tonnes de céréales ou équivalentcéréales par travailleur et par an (plus de 100 hectares/travailleur X près de 10 tonnes/hectare) ; de l’autre côté, des centaines de millions de paysans disposant seulement d’un outillage manuel valant quelques dizaines d’euros et n’utilisant pas ces intrants efficaces, ne peuvent pas produire plus de 1 tonne de céréales ou d’équivalentcéréales par travailleur et par an (1 hectare/travailleur X 1 tonne/hectare). Encore faut-il ajouter que dans de nombreux pays autrefois colonisés (Amérique latine, Afrique du Sud…) ou communistes (Ukraine, Russie…) n’ayant pas connu de réforme agraire significative récente, la majorité des paysans ont été, historiquement, plus ou moins privés de terre par les grands domaines, publics ou privés, de plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’hectares. En conséquence, ces paysans qui disposent d’une superficie de quelques ares, inférieure à celle qu’ils pourraient cultiver avec leurs faibles outils, et inférieure à celle qui leur serait nécessaire pour couvrir les besoins alimentaires de leur famille, sont obligés d’aller chercher du travail au jour le jour dans ces grands domaines, contre des salaires allant de 1/8 d’euro à 2 euros la journée selon les pays, les saisons et les régions. Ainsi, dans les pays en développement, les paysans produisant moins de 1 tonne de céréales par an, valant aujourd’hui autour de 100 euros la tonne, et les salariés agricoles gagnant moins de 2 euros par jour se comptent par centaines de millions : il n’est donc pas étonnant que la pauvreté et la sous-alimentation soient aussi massivement répandues dans les campagnes du monde. Mais il reste à expliquer par quel processus de développement inégal et d’appauvrissement on a pu aboutir à une situation aussi insoutenable. Les raisons de la pauvreté et de la sous-alimentation rurales Un développement agricole très inégal et limité Au début du XXe siècle, toutes les agricultures du monde s’inscrivaient dans un écart de productivité du travail de l’ordre de 1 à 10 : 1 tonne par travailleur et par an pour la culture manuelle qui était encore présente, bien que minoritaire, dans les pays industrialisés, mais très majoritaire dans le reste du monde ; quelques tonnes par travailleur pour la culture à traction animale répandue dans les pays industrialisés et dans quelques régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine; 10 tonnes par travailleur pour la culture à traction animale mécanisée, la plus performante, déjà présente dans quelques régions des pays industrialisés. Mais, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la révolution agricole contemporaine (grande motorisation-mécanisation, semences sélectionnées génétiquement à haut rendement, engrais minéraux, pesticides), qui avait commencé avant la Seconde Guerre mondiale, s’est généralisée dans les pays développés, avant de gagner quelques secteurs limités des pays en développement. Dans les pays développés, un nombre toujours plus réduit d’exploitations familiales a profité des hauts prix agricoles de l’après-guerre et des politiques poussées de développement agricole généralement pratiquées dans ces pays pour franchir toutes les étapes de cette puissante révolution. En céréaliculture par exemple, la puissance des tracteurs et la superficie maximale cultivable par un travailleur ont presque doublé tous les dix ans; et celle-ci dépasse aujourd’hui 200 hectares par tra- vailleur. Dans le même temps, grâce aux semences sélectionnées, aux engrais et aux pesticides, les rendements ont pu augmenter de plus de 1 tonne par hectare tous les dix ans, pour atteindre actuellement les 10 tonnes par hectare dans certaines régions. Ainsi, la productivité du travail dépasse souvent les 1000 tonnes par travailleur et par an, et peut même parfois atteindre les 2 000 tonnes. À partir des années 1960, dans certains pays en développement, les agriculteurs qui avaient les moyens d’investir ont à leur tour profité des politiques de développement agricole vigoureuses, et des hauts prix agricoles du milieu des années 1970, pour se lancer dans la révolution verte, une variante de la révolution agricole contemporaine dépourvue de grande motorisation-mécanisation. Basée sur la sélection de variétés à haut rendement potentiel, de riz, de maïs, de blé, de soja et de quelques grandes cultures d’exportation, sur une large utilisation des engrais minéraux et des pesticides et, le cas échéant, sur la maîtrise de l’eau d’irrigation et sur l’utilisation d’animaux de trait ou de petits motoculteurs, la révolution verte a été adoptée par les agriculteurs capables d’acquérir ces moyens efficaces, dans les régions où il était possible de les rentabiliser. Puis, à partir du milieu des années 1970, des investisseurs de toutes sortes (entrepreneurs et grands propriétaires, grands groupes internationaux fournisseurs d’intrants, négociants, transformateurs et distributeurs de produits agricoles et alimentaires, fonds d’investissement divers) ont tiré parti des hauts prix agricoles du moment et de l’expérience acquise en matière de révolution agricole et de révolution verte par les agriculteurs familiaux du Nord et du Sud, pour se lancer dans la modernisation rapide de grands domaines agricoles, de plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’hectares, existant dans certains pays d’Amérique latine (Argentine, Brésil), d’Afrique (Afrique du Sud, Zimbabwe) et d’Asie (Philippines, Inde). LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 35 33-40_Mazoyer 6/02/06 14:27 Page 36 Enfin, depuis les années 1990, des entrepreneurs du même genre s’engagent également dans la modernisation des anciens domaines d’État ou collectifs de l’ex-URSS et de l’Europe de l’Est, dans lesquels, à la différence de la Chine et du Viêtnam, la terre n’a pas été redistribuée aux paysans. Ces développements successifs de la révolution agricole et de la révolution verte à travers le monde sont très impressionnants. Mais cela ne doit pas nous faire oublier que dans de vastes régions enclavées ou accidentées d’Afrique subsaharienne, d’Asie centrale et d’Amérique latine, où la révolution verte a très peu pénétré, mais aussi dans les régions où cette révolution est très avancée, des centaines de millions de paysans n’ont jamais pu accéder aux moyens de production, efficaces mais coûteux, qui leur auraient permis de progresser. Ainsi, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, l’écart de productivité du travail entre les agriculteurs les moins performants et les plus performants du monde a été multiplié par plus de 100 : de 1 contre 10 qu’il était au début du siècle, cet écart dépasse aujourd’hui 1 contre 1 000 ! Mais si les agriculteurs les plus performants se comptent par millions, les moins performants se comptent par centaines de millions ! (voir figure 1). Des excédents croissants à prix décroissants Dans les pays où la révolution agricole contemporaine et la révolution verte ont le plus progressé, les gains de productivité agricole ont été si importants qu’ils ont souvent dépassé ceux des autres secteurs de l’économie, de sorte que les coûts de production et les prix agricoles réels (déduction faite de l’inflation) ont très fortement baissé. De plus, dans certains pays, la production agricole a augmenté plus vite que la consommation intérieure, et les excédents exportables ont fortement augmenté. Ainsi, dans les pays développés, au cours de la seconde moitié du 36 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE FIGURE 1 L’accroissement des inégalités de productivité du travail en culture céréalière au xxe siècle. siècle, les prix réels des matières premières agricoles de base (céréales, oléoprotéagineux, viandes, lait) ont été divisés par trois ou quatre. Dans le même temps, la production végétale ayant augmenté beaucoup plus vite que la population faiblement croissante, des quantités toujours plus importantes de produits végétaux ont été utilisées par les élevages (volailles, porcs, bovins), dont les produits ont à leur tour fortement baissé en coûts et en prix. Ainsi, malgré une consommation croissante en produits animaux, certains pays relativement bien dotés en terres exploitables (ÉtatsUnis, Canada, Australie, NouvelleZélande et à un moindre degré quelques pays d’Europe) ont réussi à dégager des excédents exportables en quantités croissantes, à des prix décroissants. XXe Dans les pays en développement où la révolution verte a le plus progressé, en Asie du Sud, du Sud-Est et de l’Est notamment, même sans grande motorisation, l’augmentation des rendements a entraîné une forte hausse de la productivité et une baisse importante des coûts de production et des prix agricoles réels. Certains de ces pays sont devenus eux aussi exportateurs (Thaïlande, Viêtnam), alors même que la sous-alimentation y est très répandue. Enfin, dans les anciens pays coloniaux ou communistes, où les grandes entreprises agricoles à salariés récemment modernisées atteignent aujourd’hui un niveau de productivité aussi élevé que celui des exploitations familiales les mieux équipées d’Amérique du Nord et d’Europe, les coûts de production sont encore plus bas et défient toute concurrence. Là en effet, les salaires ne dépassent pas quelques dizaines d’euros par mois, les prix des machines et des intrants fabriqués sur place sont beaucoup plus bas que dans les pays industrialisés, les charges fiscales sont souvent très faibles et les monnaies locales sont fréquemment sous-évaluées. Et comme la pauvreté et la sous-alimentation limitent les débouchés intérieurs, ces pays dégagent aussi des excédents exportables très importants. Enfin, comme certains d’entre eux disposent d’immenses réserves de terres inexploitées ou sousexploitées, ils pourront exporter à l’avenir des quantités croissantes sur les marchés internationaux. Les marchés internationaux des produits agricoles et alimentaires de base sont donc approvisionnés par des pays exportateurs très divers : pays industrialisés, pays en développement, pays émergents ou en transition, dans lesquels les conditions 33-40_Mazoyer 6/02/06 14:27 Page 37 naturelles et les niveaux d’équipement et de productivité sont très inégaux, et dans lesquels les coûts des machines et des intrants peuvent varier du simple au double, et ceux de la main-d’œuvre du simple au centuple. D’un autre côté, les pays importateurs de ces denrées sont également très divers : pays industrialisés dans lesquels l’étroitesse des terres facilement cultivables (Suisse, Norvège, Autriche, Japon) ou le très faible nombre d’agriculteurs (Royaume-Uni, Suède) n’a pas permis à la production de suivre l’augmentation et la diversification de la consommation; pays émergents dans lesquels, malgré la révolution verte, la production n’a pas pu suivre la consommation d’une population fortement croissante ; mais aussi pays à faible revenu et forte dépendance vivrière, dans lesquels la révolution verte n’a que peu pénétré. La baisse des prix agricoles internationaux et ses conséquences Des prix internationaux très souvent inférieurs aux coûts de production Les denrées agricoles et alimentaires de base ont ceci de particulier que la plus grande partie de la production est consommée à l’intérieur de chaque pays producteur et ne passe pas les frontières. Les marchés internationaux de ces denrées ne concernent donc qu’une petite partie de la production et de la consommation mondiales (de 10 à 30 % selon les catégories de produits). Ce sont des marchés restreints, où l’offre se trouve amplifiée par la pauvreté et la sousconsommation qui prévalent dans les pays en développement exportateurs, tandis que la demande se trouve réduite par la pauvreté et la sous-consommation qui prévalent dans les pays importateurs à faible revenu. Ce sont donc des marchés sur lesquels la sous-consommation des uns et des autres crée une insuffisance chronique de la demande par rap- port à l’offre, et sur lesquels la demande équilibre l’offre lorsque le prix descend assez bas pour être supportable par l’importateur le plus pauvre et pour égaliser le coût de production, non pas de l’exportateur le plus compétitif, mais de l’exportateur encore assez compétitif pour répondre à cette demande à ce prix-là. Pour les céréales par exemple, dont le volume d’échange international est d’environ 15 % de la production et de la consommation mondiales, le prix international s’établit non pas au coût de production le plus bas des excédents exportables (80 euros la tonne : coût de production argentin ou ukrainien), mais au coût de production du 15e centile des volumes produits dans le monde (100 euros la tonne : coût de production australien ou canadien). Ainsi, le prix international des céréales est inférieur au coût de production de 85 % des volumes produits dans le monde. Il est inférieur aux coûts de production de la très grande majorité des agriculteurs du monde : inférieur aux coûts de production des agriculteurs américains (130 euros la tonne environ), qui ne pourraient donc pas continuer d’exporter massivement, et très inférieur à celui des agriculteurs européens (150 euros la tonne), qui ne pourraient pas continuer d’approvisionner leur propre marché intérieur, s’ils ne recevaient pas les uns et les autres des aides publiques très importantes, leur permettant de compenser la différence entre leurs coûts de production et le prix international, ce qui contribue d’ailleurs à maintenir ce prix assez bas. Mais ce prix international est de toute façon très inférieur aux coûts de production des centaines de millions de paysans produisant moins de 1 tonne de céréales par an, coûts que l’on peut estimer à 400 euros la tonne si on veut qu’ils obtiennent un revenu de 1 euro par jour. Conséquences pour les agriculteurs des pays développés Dans les pays développés, la forte baisse des prix agricoles réels a entraîné une diminution importante du revenu des petites et moyennes exploitations qui n’ont pas eu les moyens d’investir et de progresser suffisamment pour en compenser les effets. De très nombreuses exploitations se sont ainsi retrouvées incapables de dégager un revenu familial socialement acceptable. Devenues non rentables, elles n’ont pas été reprises lors de la retraite de l’exploitant. Leurs meilleures terres ont été partagées entre les exploitations voisines en développement, alors que les moins bonnes sont passées à la friche. C’est ainsi que plus des trois quarts des exploitations agricoles existant au début du XXe siècle dans les pays développés ont disparu. Mais si, dans ces pays, les enfants d’agriculteurs quittant la terre ont généralement trouvé du travail dans l’industrie ou dans les services, il en est allé tout autrement pour les centaines de millions de paysans pauvres acculés à l’exode dans les pays en développement. Conséquences pour les paysans pauvres des pays en développement Dans ces pays en effet, confrontés à la baisse des prix, les paysans faiblement outillés, mal situés et peu productifs ont d’abord vu leur pouvoir d’achat baisser. La majorité d’entre eux s’est retrouvée dans l’incapacité d’acheter des outils plus performants, et même d’acheter les intrants efficaces de la révolution verte. Leur développement a donc été bloqué. La baisse des prix se poursuivant, leur revenu monétaire est devenu insuffisant pour, à la fois, renouveler leur outillage et acheter quelques biens de consommation indispensables. Ils ont dû alors faire des sacrifices de toutes sortes, vendre leur menu bétail, réduire leurs achats… Ils ont dû aussi étendre le plus possible les cultures destinées à la vente, et réduire la superficie des cultures vivrières destinées à l’autoconsommation familiale, car la superficie totale cultivable avec leurs faibles outils est forcément très limitée. C’est dire que la survie de l’exploitation paysanne dont le revenu tombe en dessous du seuil de renouvellement économique n’est possible qu’au prix d’une LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 37 33-40_Mazoyer 6/02/06 14:27 Page 38 véritable décapitalisation (vente de cheptel vif, réduction et mauvais entretien de l’outillage) et de la sous-alimentation. À moins de se livrer à des cultures illégales : coca, pavot, chanvre… Pour mieux comprendre ce processus, considérons un céréaliculteur soudanien, andin ou himalayen disposant d’un outillage manuel et produisant 1000 kg de grain net (semences déduites), sans engrais ni pesticide. Il y a une cinquantaine d’années, un tel céréaliculteur recevait l’équivalent de 40 euros d’aujourd’hui pour 100 kg de grain : il devait alors en vendre 200 kg pour renouveler son outillage, ses vêtements…, et il lui en restait 800 kg pour nourrir modestement 4 personnes ; en se privant un peu, il pouvait même en vendre 100 kg de plus pour acheter quelque outil nouveau plus efficace. Il y a une vingtaine d’années, il ne recevait plus que l’équivalent de 20 euros de 2005 pour 100 kg : il devait alors en vendre 400 kg pour renouveler son outillage et les autres biens indispensables, et il ne lui restait plus que 600 kg pour nourrir, cette fois insuffisamment, 4 personnes ; il ne pouvait donc plus acheter de nouvel outil. Enfin, aujourd’hui, s’il ne reçoit plus que 10 euros pour 100 kg de grain, il devrait en vendre plus de 800 kg pour renouveler son matériel et les autres biens nécessaires, ce qui est bien sûr impossible puisqu’on ne peut nourrir 4 personnes avec 200 kg de grain. En fait, à ce prix, il ne peut ni renouveler complètement son outillage, pourtant dérisoire, ni manger à sa faim et renouveler sa force de travail : il est donc condamné à l’endettement, puis à l’exode vers les bidonvilles sous-équipés et sous-industrialisés, où règnent le chômage et les bas salaires. Ce processus d’appauvrissement et d’exclusion a touché des couches toujours renouvelées de paysans travaillant en culture manuelle, au fur et à mesure qu’ils ont subi la concurrence des denrées vivrières provenant des marchés internationaux ou des entreprises agricoles modernisées situées dans leurs propres pays. 38 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Pressés par la baisse des prix des denrées vivrières, nombre de paysans des pays en développement ont cessé de produire ces denrées pour approvisionner leur propre pays et ils se sont orientés vers les productions destinées à l’exportation : café, cacao, banane, coton, hévéa… Mais comme la révolution agricole et la révolution verte se sont également développées dans ces branches de production, la baisse des prix des produits tropicaux d’exportation a suivi de près celle des denrées vivrières, et elle a touché de la même manière les paysans les plus démunis. Ruptures de stocks et explosions des prix Du fait de la baisse des coûts de transport, les prix payés aux agriculteurs dans les pays qui protègent peu leur agriculture vivrière tendent à se rapprocher des prix internationaux. Quand ces prix fortement déclinants deviennent inférieurs aux coûts de production des petits et des moyens agriculteurs, ceux-ci réduisent puis abandonnent les productions correspondantes. À la longue, le déficit des pays importateurs s’accroît. Les excédents des pays exportateurs, bridés par la baisse des prix, n’augmentent pas dans les mêmes proportions. Les stocks internationaux de fin de campagne se réduisent. Et il arrive un moment où les acheteurs, craignant la rupture des stocks, précipitent leurs achats et provoquent une véritable explosion des prix. En quelques semaines, ceux-ci peuvent tripler ou quadrupler, remonter au niveau des coûts de production des paysans les moins compétitifs, et se rapprocher du niveau élevé qu’ils avaient atteint lors de la précédente hausse des prix. Dans ces périodes de très hauts prix, l’aide alimentaire se fait rare, les pays pauvres manquant de devises doivent s’endetter pour s’approvisionner, les consommateurs-acheteurs pauvres ne peuvent plus subvenir à leurs besoins et les sous-alimentés des villes se font plus nombreux que ceux des campagnes. Les paysans pauvres qui avaient réussi à survivre jusque-là profitent de cette hausse des prix pour se refaire une santé, alors que les producteurs compétitifs en profitent pour investir massivement et conquérir les parts de marchés perdues par les paysans précédemment ruinés. En quelques années, les prix retombent donc à leur niveau antérieur, avant de repartir à la baisse au rythme des investissements et des réductions de coûts des plus compétitifs. La courbe du prix réel du blé sur le marché de Chicago (voir figure 2) illustre parfaitement ce mode de fonctionnement des marchés internationaux des denrées vivrières de base : les longues périodes de baisses des prix (1952-1972 et depuis 1982) alternent avec de courtes périodes de hauts prix (1945-1951 et 1972-1979). Ainsi, quand les prix sont bas, ce sont des centaines de millions de petits producteurs-vendeurs appauvris qui se privent de nourriture, et quand les prix sont hauts, ce sont des centaines de millions de consommateurs-acheteurs pauvres qui se privent à leur tour. Le marché, qui équilibre bien l’offre et la demande solvable, n’équilibre jamais l’offre et les besoins non solvables des pauvres. Et il peut d’autant moins le faire qu’il est luimême la cause primordiale de la pauvreté et de la sous-alimentation rurales et urbaines. Les longues périodes de bas prix affament les paysans pauvres. Et, comme elles amplifient l’exode, elles produisent aussi les millions de consommateurs-acheteurs pauvres qui seront affamés lors de la hausse des prix suivante. Ajoutons que, au-delà de ces larges fluctuations, les prix agricoles sont encore animés de fortes variations annuelles ou saisonnières. Pour des raisons climatiques ou autres, l’offre agricole est en effet très variable, tandis que la demande solvable des consommateurs ayant les moyens de manger à suffisance est relativement inélastique. En conséquence, les variations de prix à court terme dont souffrent alternativement les producteurs- 33-40_Mazoyer 6/02/06 14:28 Page 39 FIGURE 2 Évolution du prix réel de la tonne de blé sur le marché spot de Chicago (en dollars de 1998). Source : J.-M. BOUSSARD. vendeurs et les consommateurs-acheteurs pauvres n’en sont que plus importantes. Conséquences pour l’économie des pays pauvres et pour l’économie mondiale La baisse et l’instabilité des prix agricoles ont d’autres conséquences. En excluant de la production des millions de paysans chaque année, et en décourageant la production de ceux qui restent, elles limitent la production et accroissent le déficit alimentaire des pays pauvres. En alimentant le flot de l’exode rural, elles contribuent à entretenir un chômage important et à faire baisser les salaires en milieu urbain. Les victimes de l’exode sont en effet contraintes d’accepter des salaires à peine supérieurs au revenu des paysans marginalisés par la baisse des prix. À cet égard, on peut constater que la hiérarchie des salaires dans les différentes parties du monde suit de près celle des revenus de la paysannerie. En conséquence, les recettes budgétaires dans les pays agricoles pauvres sont faibles, trop faibles pour que ces pays puissent se moderniser et attirer des investissements. D’où l’endettement et même le surendettement, qui débouchent dans bien des cas sur la perte de légitimité des gouvernements, l’ingouvernabilité et la guerre civile. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la moitié de l’humanité, dans les campagnes ou dans les bidonvilles, se retrouve avec un pouvoir d’achat insignifiant, et constitue une immense sphère d’insolvabilité des besoins qui limite la consommation et les possibilités d’investissements productifs. Venir à bout de la pauvreté et de la faim La quantité de nourriture nécessaire pour subvenir aux besoins nutritionnels insatisfaits de l’humanité d’aujourd’hui représente plus de 30% de la production et de la consommation mondiales actuelles, c’est-à-dire plus de 100 fois le volume de l’aide alimentaire, plus de la moitié de ce que consomment les 1,5 milliard d’êtres humains nourris à suffisance, et plus que le volume des échanges agricoles et alimentaires internationaux. C’est dire que ni l’aide alimentaire, ni le partage, ni les échanges, pour nécessaires qu’ils soient, ne peuvent venir à bout de cette immense sous-consommation. En fait, à moins de 3 euros de revenu par personne et par jour, une population ne peut pas subvenir convenablement à ses besoins nutritionnels. Or, le manque à gagner de ceux qui disposent de moins ou beaucoup moins de 3 euros par jour est de l’ordre de 2 000 milliards d’euros par an : un chiffre sans commune mesure avec les 50 milliards annuels d’aide publique au développement, qui ne permettent même pas de faire face aux urgences les plus graves. Pour venir à bout de la pauvreté et de la sous-alimentation, il n’est donc pas d’autre voie que de mettre fin au processus d’appauvrissement et d’exclusion qui empêche les pauvres d’accroître leurs ressources et de se nourrir eux-mêmes. En 2050, la Terre comptera environ 9 milliards d’êtres humains. Pour nourrir tout juste convenablement, sans sous-alimentation ni carence, une telle population, la production LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 39 33-40_Mazoyer 6/02/06 14:28 Page 40 agricole et alimentaire végétale devra plus que doubler dans l’ensemble du monde (Collomb, 1999). denrée en fonction de la consommation intérieure et de la quantité exportable consentie à chaque pays. Pour obtenir une augmentation de production aussi énorme, l’activité agricole devra être étendue et intensifiée dans toutes les régions du monde où cela est durablement possible. Or les terres de la planète cultivées aujourd’hui ne représentent guère que la moitié des terres cultivables durablement, et les techniques connues à ce jour sont encore très largement sous-utilisées. Ce relèvement des prix agricoles devra être suffisamment progressif pour limiter ses effets négatifs sur les consommateurs-acheteurs pauvres. Malgré cela, il sera sans doute nécessaire d’instaurer des politiques alimentaires. Toute la question est donc de créer les conditions pour que tous les paysans du monde, et pas seulement une minorité d’entre eux, puissent construire, étendre et exploiter des écosystèmes cultivés capables de produire, sans atteinte à l’environnement, un maximum de denrées de qualité. Et pour cela, il faut avant tout garantir à tous ces paysans des prix suffisamment élevés et stables pour qu’ils puissent vivre dignement de leur travail, investir et progresser. À cette fin, il nous paraît souhaitable d’instaurer une organisation des échanges agricoles internationaux beaucoup plus équitable et beaucoup plus efficace que celle d’aujourd’hui. Une nouvelle organisation dont les principes seraient les suivants : • établir de grands marchés communs agricoles régionaux, regroupant des pays ayant des productivités agricoles du même ordre de grandeur (Afrique de l’Ouest, Asie du Sud, Asie de l’Est, Europe de l’Ouest, Amérique du Nord) ; • protéger ces marchés régionaux contre toute importation d’excédents agricoles à bas prix par des droits de douane variables, garantissant aux paysans pauvres des régions défavorisées des prix assez élevés et assez stables pour leur permettre de vivre et de se développer ; • négocier, produit par produit, des accords internationaux fixant de manière équitable le prix d’achat et la quantité exportable consentie à chaque pays ; • maîtriser la production de chaque 40 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Mais, au lieu de fonder ces politiques sur la distribution de produits à bas prix, ce qui entretient la misère paysanne et réduit le marché intérieur, il faudra fonder ces politiques sur le soutien du pouvoir d’achat alimentaire des consommateurs-acheteurs pauvres, afin au contraire d’élargir le marché intérieur : on pourra par exemple, comme aux États-Unis, distribuer aux acheteurs nécessiteux des bons d’achat alimentaires, qui pourraient être financés par les budgets publics ou par l’aide internationale. De plus, comme le relèvement des prix agricoles ne suffira pas, à lui seul, pour porter la production à la hauteur des besoins et pour promouvoir un développement agricole équilibré des différentes régions du monde, des politiques de développement agricole seront également nécessaires. En premier lieu, dans les pays où la majorité de la paysannerie a été historiquement privée de terre par les grands domaines, une réforme agraire sera indispensable. Elle devra être assez étendue pour donner à cette majorité un accès à la terre assez large et assez sûr pour lui permettre de se développer. Enfin, il faudra aussi organiser l’accès au crédit, aux intrants et aux équipements productifs ; l’accès au marché (infrastructures de transport et de commercialisation) ; et l’accès aux savoirs : recherche, formation, vulgarisation appropriées aux besoins et aux moyens des différentes régions et des différentes catégories de producteurs, à commencer par les plus désavantagées. Conclusion Des centaines de millions de paysans qui, de par le monde, ne reçoivent pas de subventions, ont besoin de prix agricoles suffisants pour vivre dignement de leur travail, investir, progresser et contribuer à nourrir l’humanité. Si le libre-échange agricole venait à s’imposer, la baisse tendancielle des prix agricoles réels et leurs fluctuations condamneraient à la stagnation, à l’appauvrissement, à l’exode, au chômage, aux bas salaires et à la sous-alimentation la majorité des agriculteurs du monde, dans les pays en développement mais aussi, dans une certaine mesure, dans les pays développés. Pour réduire significativement la pauvreté et la sousalimentation, il est donc d’abord nécessaire de protéger toutes les agricultures paysannes pauvres de la concurrence des agricultures les plus compétitives. Mais cela ne suffira pas pour sortir de la pauvreté les centaines de millions de paysans sans terre ou quasiment sans terre, dont les prédécesseurs furent expropriés, en d’autres temps, dans certains pays aujourd’hui émergents ou en transition. Dans ces pays, la reconnaissance du droit à la terre, et la redistribution à tous les ayants droit de la terre indûment concentrée en quelques mains, constituent un préalable indispensable à la réduction de la pauvreté et de la sous-alimentation. ■ 41-45_In memoriam 6/02/06 14:29 Page 41 IN MEMORIAM Pierre Stroh (31), 1912-2005 incroyablement vif sous des sourcils un peu roux, de longs silences attentifs, préludant à quelque répartie inattendue pleine de verve ou d’humour – tels furent les signes qui attirèrent d’abord notre attention sur Pierre Stroh, dès nos premières semaines rue Descartes. Fils d’un ingénieur du Génie maritime, il avait fait ses études secondaires à Toulon, avant de venir préparer l’X à Strasbourg, hébergé par sa famille alsacienne. Reçu dans un bon rang, il était bon élève et bon camarade ; ses qualités intellectuelles et sa puissance de travail faisaient présager une belle carrière sans problème… Une décision inopinée de l’administration ayant réduit, pour notre promotion, le nombre des places civiles offertes à la sortie à une trentaine, Stroh choisit alors le génie militaire. Après deux ans d’école d’application, il fut nommé à Grenoble au 4e régiment, où affecté à l’unité chargée des téléphériques, il découvrit, dans un cadre magnifique, un travail passionnant – et aussi l’enchantement de la haute montagne, où l’entraînait le capitaine Viard… C’est à cette époque que se situe son mariage avec Louise-Anne Horst, issue comme lui d’une vieille souche alsacienne. Stroh se plaira, plus tard, à évoquer ses années grenobloises. ❈ En 1937, après deux années passées “dans la troupe”, il fut muté, suivant l’usage, et nommé à la chefferie de Haguenau. Il y participa aux derniers travaux d’équipement du secteur de la ligne Maginot qui barrait, au nord, la plaine d’Alsace. Septembre 1939… Logiquement, le capitaine Stroh fut affecté, sur place, au gros fort du Schoenenbourg, avec la responsabilité de toutes les installations techniques. Elles ne furent sérieusement mises à l’épreuve qu’en juin 1940 : l’adversaire, sa victoire déjà acquise, voulait sans doute tester à fond la résistance de nos forts. Il déchaîna sur le Schoenenbourg un déluge de tirs d’artillerie jusqu’au plus gros calibre et de Stukas. Le fort, quasi intact, toujours redoutable, ne se rendit, fin juin, que sur ordre exprès de la Commission d’armistice. Pierre Stroh partit en captivité, lourd d’une amertume qu’il n’oubliera pas. ❈ Vint alors la trentaine d’années pendant lesquelles Stroh, ayant quitté l’armée (qui cependant le rappela au service deux fois, dont une comme Kreiskommandant en Allemagne), vécut, souvent outre-mer, une vie très active d’ingénieur civil – d’abord chez Stein et Roubaix (chaudières pour centrales électriques), puis en Israël (construction d’une grosse usine souterraine), plus tard chez Technip (liquéfaction de gaz à Arzew, raffinerie à Abidjan)… Il s’y distingua et en retira une vaste expérience et une grande connaissance des hommes. “ C’est le sel des chantiers! ” disait-on de lui chez Stein. D.R. O CTOBRE 1931. Un regard clair Pierre Stroh en 1978. ❈ 1975 : La retraite – ou plutôt l’aube d’une nouvelle carrière !... En sa qualité d’officier du Génie présent au cœur de l’action au Schoenenbourg, il jugea que le devoir lui incombait de réunir les éléments d’un jugement serein sur la ligne Maginot – si critiquée alors – et sur son rôle dans le désastre national. Un tel projet impliquait de vastes recherches de documents et de témoignages ; il prit de multiples contacts, notamment au Service historique de l’armée, chez nos voisins suisses, et auprès du professeur Martel, spécialiste de l’histoire militaire… Guidé par celui-ci, il se limita dans un premier temps à l’étude d’un épisode précis, et il choisit celui de la défense de la zone fortifiée de Modane contre l’agression italienne de juin 1940 ; ce travail lui valut le diplôme d’études approfondies d’histoire, qu’il soutint LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 41 41-45_In memoriam 6/02/06 14:29 Page 42 en 1990 devant un jury de l’université de Montpellier – performance rare pour un ancien X… Dès lors, il lui était permis de viser plus large. Sous l’égide du professeur Jauffret fut mise en train la préparation d’une thèse sur “ la Fortification dans la pensée militaire française de 1870 à 1939”. Infatigable, ayant déjà réuni une documentation considérable, il se remit au travail dans sa thébaïde champêtre de Lubersac… ❈ Tout cela ne l’empêchait pas de gérer sa propriété, de visiter assidûment les siens, d’être fidèle aux réunions de promo, aux retrouvailles annuelles avec les anciens de la ligne Maginot d’Alsace, et même de rejoindre chaque été, dans les Pyrénées, un petit groupe de camarades montagnards. Cependant, les années passant, Stroh et ses frères désirèrent laisser un témoignage sur la vie et la carrière de leur père, directeur sous l’Occupation des usines Schneider du Creusot, arrêté par la Gestapo, déporté, inexplicablement disparu lors de la libération de Buchenwald… Inspiré par sa fidélité filiale, Stroh travailla longuement, toutes ces dernières années, à réaliser l’œuvre projetée. Malade, il parvint à en signer le bon à tirer peu de jours avant sa mort en mai 2005. Le pasteur qui, dans la petite église campagnarde de Lubersac, présida aux obsèques de Pierre, souligna sa volonté d’intransigeance. Il ne transigeait pas, certes, avec les devoirs que lui dictait sa conscience professionnelle d’ingénieur – et pas davantage avec sa conscience tout court… Comment, ici, ne pas avoir une pensée pour ses grands-parents Stroh, quittant, après “ 70 ”, leur Alsace ? ■ Jacques Piraud (31) André Gempp (39), 1920–2005 A NDRÉ GEMPP, promotion 1939, D.R. nous a quittés le 14 août dernier ; il venait d’avoir 85 ans. Nous étions nombreux, du Génie maritime, officiers ou ingénieurs sousmariniers, à Solliès-Toucas, près de Toulon pour assister à ses obsèques et aux honneurs militaires qui lui ont été rendus. Entré à l’X à 19 ans, il choisit à la sortie le corps du Génie maritime. Après l’école d’application, il est affecté à Toulon où, très vite, on le charge de l’entretien des sous-marins, flotte hétéroclite d’origine française et allemande, avec une documentation et des rechanges à un très faible niveau. Vers la fin de son séjour, il a la charge de la mise au point du premier bathyscaphe. En effet, si la validité du concept imaginé par le professeur Piccard avait été démontrée, l’engin qu’il avait conçu s’était révélé incapable d’une exploitation normale. André Gempp enveloppe la sphère dans une structure remorquable en mer et transforme le sas d’accès en un véritable ballast de sous-marin. Il 42 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE en résulte des relations difficiles avec le professeur qui quitte le projet pour ceux des Trieste, italien puis américain, qui reprennent les solutions imaginées à Toulon, validées par la plongée record à plus de 4 000 mètres au large de Dakar avec Houot et Willm (45) à bord, en février 1954. À cette date, André Gempp avait quitté la métropole pour Saïgon où la Direction des constructions navales assurait l’entretien opérationnel de la flotte engagée en Extrême-Orient, mais il ne sera pas oublié dans l’attribution des récompenses qui suivront ce record, aujourd’hui trop oublié. 41-45_In memoriam 6/02/06 14:30 Page 43 Après Saïgon et un bref séjour toulonnais, de février 1954 à mars 1956, il est désigné pour prendre le poste de chef de la section sous-marins du Service technique des constructions et armes navales à Paris, car, du fait de nombreux départs, il se trouve être le plus ancien des ingénieurs du Génie maritime sous-mariniers. La charge de cette section aux effectifs réduits était lourde avec l’achèvement des Narval, la construction des Aréthuse et des Daphné, le suivi de la flotte en service et, à la fin des années 1950, le projet de sousmarin à propulsion nucléaire à uranium naturel qui échoue pour des raisons techniques. Mais on avait pu constater, à cette occasion, que l’organisation de liaison “ Marine CEA ” n’était pas satisfaisante et ne laissait pas assez d’initiatives au chef de la section sous-marins du STCAN. Aussi, lorsque le général de Gaulle a décidé de doter notre force de dissuasion d’une composante navale sous-marine, une organisation, Cœlacanthe, a été mise en place, donnant à deux ingénieurs des fonctions très importantes : un maître d’œuvre principal chargé, entre autres, de la cohérence technique et calendaire de l’ensemble du projet, le MOP, et le maître d’œuvre constructions navales, architecte du navire, chargé du projet d’un sous-marin, innovant dans presque toutes ses performances, intégrant un système d’armes en cours de développement et devant être conduit avec un grand nombre de coopérants, de la DCAN, de la Marine, des services étatiques et de l’industrie privée ! Bensussan (27) a été le premier MOP, André Gempp, le premier architecte du navire. On lui doit, en particulier, l’initiative particulièrement féconde, d’avoir fait construire un sous-marin expérimental, Le Gymnote, qui servira à la mise au point des systèmes stratégiques, du M1 pour Le Redoutable jusqu’au M4 inclus, sans pénaliser le programme de mise au point des SNLE. La réussite d’André Gempp dans ce rôle d’architecte sera reconnue puisque, devenu ingénieur général, il sera désigné pour prendre la suite de Bensussan comme MOP, à l’été 1966. Il étend alors son action vers les autres composantes du programme, dont l’environnement à terre : base de l’île Longue, pyrotechnies, station VLF de Rosnay, centres d’entraînement… Tous ceux qui ont travaillé à ses côtés, ingénieurs civils et militaires, officiers de marine évoquent toujours son action avec admiration, avec émotion. Il occupe ce poste jusqu’à fin janvier 1972, date importante du programme puisque Le Redoutable appareille pour sa première patrouille opérationnelle tout début février. À la réunion du Conseil des ministres qui décide de sa nouvelle affectation, la direction de la DCAN de Toulon, le 19 janvier 1972, le ministre d’État chargé de la Défense nationale, Michel Debré, rend hommage à André Gempp “ pour son action remarquable (…) qui avait trouvé son aboutissement dans la mise en service du premier sous-marin lanceur d’engins, Le Redoutable ”. Déjà, en 1967, à l’occasion de la promotion spéciale suivant le lancement du Redoutable, il avait été promu officier de la Légion d’honneur. Il restera à la tête de la DCAN de Toulon jusqu’à fin septembre 1979. C’était alors la plus “grosse” direction locale des constructions navales, avec plus de 8 000 emplois : entretien de la flotte, dont les porte-avions, entretien d’avions à Cuers, pyrotechnies, centres d’études et expérimentations pour les systèmes d’armes, les sousmarins… Avec compétence, avec autorité, avec l’entière confiance du directeur central, il dirige ce grand ensemble industriel dans le souci permanent du plein-emploi et de la productivité. navales militaires. Il était commandeur de la Légion d’honneur, allait devenir grand officier de l’ordre national du Mérite, commandeur du Mérite maritime et titulaire d’autres décorations. Il aura été un ingénieur du génie maritime au sens plein du terme, alliant compétences techniques et scientifiques, sens de l’organisation, aptitude à la gestion de programmes complexes, un exemple pour beaucoup. Son autorité ferme sous une apparence bourrue, ses avis donnés de sa voix grave restent dans les mémoires. Il s’est retiré à Solliès-Toucas, dans son mas au milieu de ses oliviers ; ses problèmes de santé s’étaient aggravés ces dernières années. Il vivait assez mal certaines évolutions de la société française. Tout récemment, il s’était indigné (il n’était pas le seul) de la façon dont la presse locale commentait le procès à Marseille, dit de la DCN de Toulon. Lui qui l’avait dirigée plus de sept ans connaissait l’intégrité des ingénieurs, leur souci d’accomplir leur mission, au détriment le cas échéant du strict respect de règles administratives de moins en moins adaptées à la conduite de tâches industrielles à incidences opérationnelles. Peu après sa première affectation à Toulon, en 1946, il a épousé Pierrette. Elle est une petite-fille de l’amiral Daveluy qui est devenu célèbre, il y a une centaine d’années, par ses prises de position souvent prophétiques, pour les sous-marins en particulier. Ils ont eu sept enfants ; deux d’entre eux sont disparus dont l’un au printemps dernier. André Gempp m’avait annoncé en 1996 le début de la troisième génération… ■ Jean Touffait (44) Il n’avait pas atteint la limite d’âge de son grade lorsqu’il décide de partir en deuxième section et de mettre ainsi un terme à sa carrière, entièrement au service des constructions LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 43 41-45_In memoriam 6/02/06 14:30 Page 44 IN MEMORIAM Olegh Bilous (48), 1927-2004 est décédé le 11 décembre 2004 dans la plus grande solitude et le plus grand dénuement, après avoir mené une vie de clochard pendant dix années. Comment, après un excellent démarrage professionnel, en est-il arrivé à une telle situation ? Le plus probable est qu’il souffrait d’une maladie mentale caractérisée par le refus de toute relation sociale : la schizophrénie, dont les manifestations ont été progressivement en empirant. Déjà à l’École, ses camarades de casert avaient remarqué que Bilous n’avait aucune relation en dehors de l’École : jamais de sortie, jamais de “synthé”. Son père était décédé depuis longtemps. Sa mère était dans un hospice à Saint-Laurent-du-Pont (Isère) et elle décéda vers 1950, pendant qu’il était à l’École : ses cocons n’en ont rien su ! Le hasard du classement l’a conduit à intégrer le corps des poudres et, après une thèse sur l’enrichissement par diffusion gazeuse à l’université de Minneapolis, il a été engagé par le CEA en janvier 1954, pour mettre au point une méthode industrielle de séparation des isotopes de l’uranium, dans le but d’obtenir l’enrichissement de l’uranium à un taux permettant d’abord la réalisation de 44 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE la bombe atomique puis le fonctionnement des centrales nucléaires civiles, que nous connaissons bien maintenant. À partir de 1956, il a dirigé avec succès, à Saclay, une petite équipe d’ingénieurs dont le travail en génie chimique a conduit à la construction et à la bonne marche de l’usine de Pierrelatte. Il aimait son travail et faisait avancer les études de manière très positive en choisissant de façon judicieuse les moyens de calcul les plus performants du moment, aux États-Unis, puis en faisant réaliser un impressionnant simulateur analogique pour optimiser le processus de démarrage de l’enrichissement. Mais il avait une manière très personnelle de diriger son équipe : communiquant très peu oralement, il guidait et contrôlait le travail de ses collaborateurs par notes manuscrites, souvent difficiles à déchiffrer. En dehors du travail, il semblait vouloir toujours réduire le temps à passer avec autrui. Ainsi, à la cantine, son repas consistait en trois yaourts, vite avalés. En voiture, il conduisait à tombeau ouvert et s’amusait de la frayeur de ses passagers. Je tiens ces anecdotes de Pierre Delarousse, un des ingénieurs ayant travaillé sous la direction de Bilous, au CEA, entre 1956 et 1960, qui a gardé de lui un souvenir ému et admiratif. D.R. N OTRE CAMARADE OLEGH BILOUS Ensuite il devient difficile de suivre la trace de notre ami car beaucoup de ceux qui l’ont côtoyé professionnellement sont décédés. Je citerai plus particulièrement Georges Besse, tragiquement disparu en 1986, Claude Fréjacques, décédé en 1994, qui ont été ses patrons. Sa schizophrénie s’est aggravée jusqu’à nécessiter des traitements en hôpital psychiatrique. Une première fois, entre 1970 et 1975 en Australie, où il avait été envoyé en mission. Georges Besse l’a fait rapatrier et lui a procuré un emploi sans responsabilités dans la Société d’ingénierie USSI dont il était le directeur général. Son second séjour en psychiatrie eut lieu à Sainte-Anne, à Paris, en 1983. 41-45_In memoriam 6/02/06 14:30 Page 45 En 1987, à 60 ans, il a cessé toute activité et a décidé de ne pas percevoir ses retraites. Il a vécu quelque temps en hôtels à Boulogne-Billancourt, en utilisant un petit capital dont il disposait. Puis il est parti aux États-Unis et au Canada de 1989 à 1997. On ne sait rien de cette période. Bilous, qui ne s’était jamais marié, n’avait plus aucune famille vivante et, lorsqu’il est revenu de ses voyages sans un sou, il a choisi la vie de “Sans Domicile Fixe ” dans les rues de la ville qu’il connaissait bien : BoulogneBillancourt. Entre 1997 et 2004, je l’ai rencontré plusieurs fois, soit à l’église orthodoxe, où il était assidu à la messe du dimanche, soit dans un foyer d’accueil, en lui apportant un peu d’aide de la Caisse de Secours. Je n’ai jamais réussi, soit directement, soit par l’intermédiaire de personnes dévouées, à le persuader de régulariser sa situation auprès des différentes caisses de retraite. “ Jardin du Souvenir ” du crématorium du mont Valérien, où une plaque commémorative rappelle que cet endroit a été son dernier refuge. ■ Mais il ne paraissait pas souffrir de cette condition qu’il avait choisie. Il ne buvait jamais d’alcool, avait une santé solide qui lui a permis de supporter plusieurs hivers très froids. Il passait son temps à feuilleter des magazines, à s’enquérir de nourriture et d’un endroit où passer la nuit. André Luc, caissier de la promo 48 Finalement, à 77 ans, il est tombé malade et a été recueilli par les pompiers qui l’ont transporté à l’hôpital Ambroise Paré – contre son gré ! – où il décéda deux jours après. La Caisse de Secours a financé ses obsèques, auxquelles plusieurs camarades de promotion ont assisté, et ses cendres ont été dispersées au LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 45 46-52_Arts_lettres_sciences 6/02/06 14:31 Page 46 ARTS, LETTRES ET SCIENCES Itinéraire d’un X Cheminot Les livres 1916-1998 Henri Dreyfus (36) Paris – Éditions Publibook 3 – 2005 La publication d’une recension n’implique en aucune façon que La Jaune et la Rouge soit d’accord avec les idées développées dans l’ouvrage en cause ni avec celles de l’auteur de la recension. François Huet 1 Chef militaire du Vercors 1944 À la fin de sa vie, Henri Dreyfus a éprouvé le besoin de consigner toutes les péripéties de sa vie pour les générations suivantes. C’est pourquoi, après avoir retracé la généalogie de sa famille, il raconte ses études à Polytechnique, sa captivité pendant la Seconde Guerre mondiale et les transformations de la SNCF pour lesquelles il était aux premières loges. Une vie bien remplie à travers les tourmentes de la guerre et les révolutions industrielles de l’après-guerre. Un récit très documenté, intéressant. François Broche Préface d’Henri Amouroux J. R. 3. 14, rue des Volontaires, 750015 Paris. Tél. : 01.53.69.65.55. Paris – Éditions Italiques 2 – 2004 Brillant saint-cyrien, après un long séjour au Maroc, où l’influence de Lyautey marquera profondément sa vision du rôle de l’officier, et une brillante campagne de France, où il se montre un chef incomparable d’audace et de sangfroid, le capitaine Huet est chargé de commander l’Escadron de Saint-Cyr, puis de diriger la mission de liaison entre l’armée et les Chantiers de jeunesse. Il apparaît comme le symbole d’une génération d’officiers qui assuma le rôle ingrat de tirer toutes les conséquences du désastre militaire, dans le seul souci de forger des hommes pour la Revanche. Secrétaire général des “ Compagnons de France ”, pépinière de futurs résistants, et responsable du réseau “Alliance”, animé par Marie-Madeleine Fourcade, il sera en 1944 l’organisateur et l’âme de l’héroïque lutte qui opposa le maquis du Vercors à une puissante force allemande. Général de brigade en 1956, chef de la 7e division mécanique rapide en Algérie, général de corps d’armée en 1962, commandant la région militaire de Lille, il disparaît en 1968, laissant à tous ceux qui l’ont connu, selon un mot du général Kœnig, “ mieux qu’un souvenir et qu’un nom, une clarté ”. J. R. 1. Père de Philippe Huet (60). 2. 6, place de la Madeleine, 75008 Paris. Tél. : 01.39.70.55.25. 46 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Rue des Soldats Chu Lai Traduit du vietnamien par Alain Clanet (43) Éditions de l’Aube 4, coll. l’Aube poche – 2004 L’auteur du roman Phô = La Rue est né au Nord-Viêtnam en 1947. Après des études littéraires, il a participé à la guérilla au Sud-Viêtnam contre les Américains et l’armée du gouvernement du Sud. Dans ce roman, il raconte la vie de tous les jours, pendant la période d’après-guerre, dans un pays en pleine transformation. Les personnages sont pour la plupart des anciens combattants qui s’adaptent à une vie économique difficile, chacun en fonction des circonstances et de sa personnalité. Aucun n’est un héros glorieux. Ce sont des hommes et des femmes, d’origines sociales diverses, issus d’une même tradition culturelle et soumis aux nouvelles influences étrangères, luttant pour leur survie matérielle et construisant leurs vies affectives et sociales. L’auteur bénéficie d’une liberté de ton qui lui permet d’émettre des critiques et de ne pas cacher des comportements illégaux. D’autre part, aucun des protagonistes n’est présenté comme un modèle à imiter, il ne s’agit donc pas d’un ouvrage moralisateur ou glorificateur. 46-52_Arts_lettres_sciences 6/02/06 14:31 Page 47 Le style, proche du langage parlé, utilise cependant un riche vocabulaire sino-vietnamien souvent absent du dictionnaire. Les caractères chinois étant beaucoup plus nombreux que les monosyllabes phonétiquement possibles, chacun des mots vietnamiens peut désigner plusieurs significations différentes, ce qui rend difficile la traduction exacte des néologismes. La lecture de ce texte est souvent ardue, notamment en raison des noms vietnamiens des personnages auxquels nos mémoires sont peu accoutumées. Ayant vécu au Viêtnam de 1948 à 1950, comme lieutenant commandant une section de supplétifs vietnamiens, je me suis fait un devoir d’entreprendre cette traduction, afin que cette guerre, dans ce qu’elle a été pour les Vietnamiens, ne soit pas trop vite oubliée. Alain CLANET – ses aspects techniques (numérisation de l’image de télévision, modulation et démodulation du signal…), – ses aspects industriels, commerciaux et culturels (antennes et relais de diffusion, équipement de réception, nouvelles chaînes de télévision, législation…), – son déploiement présent et futur en France (gestion par les services publics, implication des différents acteurs de l’audiovisuel…). Cet ouvrage présente l’ensemble des informations clefs de la TNT. J. R. Le Réel retrouvé Jean-Noël Contensou (61) Préface de Bernard d’Espagnat (42) Paris – Éditions Publibook – 2005 4. Le Moulin du Château 84240 La Tour d’Aigues. La Grande Encyclopédie des religions Michel Malherbe (50) et Anne Chabert d’Hières Paris – Fleurus 5 – 2005 Cet ouvrage de 368 pages très richement illustré, commandé à notre camarade par les éditions Fleurus, vient d’être publié. Il a pour ambition de servir de référence à ce que pourrait être un enseignement du fait religieux dans les écoles de la République. Outre les informations dont les jeunes ont besoin pour connaître le message des religions, le livre aborde avec clarté les grandes questions comme les valeurs démocratiques, les droits de l’homme, la violence, la sexualité, le progrès, etc. On peut espérer que ce livre, accessible à tout public, contribuera à faire comprendre les phénomènes de société, bien souvent imprégnés de culture religieuse. Qu’est-ce que le réel? Comment faire pour concilier l’âme et le corps, les idées et les choses ? Avec deux philosophes antiques, Aton et Mocrite, allez à la rencontre de Marcellus sur le mont Olympe. Tous les trois vous emmèneront sur le chemin de la sagesse. J. R. Autres livres reçus FT Mastering Risk (en anglais) FT Partnership Publications 6 édité en collaboration avec Ernst & Young Ouvrage de synthèse sur les risques réalisé à partir de 4 suppléments du Financial Times parus en septembre 2005. J. R. 6. Number One Southwark Bridge, London, SE1 9HL, UK. 5. 15-27, rue Moussorgski. 75018 Paris Cedex. Télévision numérique terrestre Fondamentaux et perspectives Macrojustice The Political Economy of Fairness Serge-Christophe Kolm (53) Bernard Denis-Laroque (67) Cambridge University Press 7 – 2005 Paris – Dunod – 2005 La Télévision numérique terrestre, ou TNT, vient de faire son apparition, et avec elle d’immenses possibilités : diversification des programmes, multiplication des canaux de transmission, réception sans antenne pour téléviseurs de poche ou de voitures… Cet ouvrage établit un état des lieux clair et concis de la TNT : Dans cet ouvrage publié en anglais, l’auteur bien connu pour ses réflexions sur notre époque approfondit ses recherches. En particulier il fait porter ses investigations sur la justice, la répartition des biens et des revenus. Ses théories retiennent l’attention. 7. The Edinburgh Building, Cambridge, CB2 2RU, UK. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 47 46-52_Arts_lettres_sciences 6/02/06 14:31 Page 48 2) Encore un banquet Bridge François Dellacherie (88) Problème de bridge n°16 (★★) Tous vulnérables, Ouest donneur, la séquence se déroule : Ouest Nord Est Sud 1♠ 4♠ Passe Fin 2♠ Passe ♠ ♥ ◆ ♣ A A A 4 ♠ ♥ ◆ ♣ R 6 3 2 4 R 3 2 2 Un repas réunit 2n personnes. Chacune connaît au moins n des autres personnes présentes (et en est connue). Montrer que l’on peut choisir quatre de ces personnes et les placer autour d’une table ronde de sorte que chacune connaisse ses deux voisins. Remarque. Je signale qu’avec les mêmes hypothèses, on peut placer toutes ces personnes autour d’une unique table ronde de sorte que chacune connaisse ses deux voisins. Je n’ose pas vous le proposer comme énoncé, les camarades que je rencontre me reprochant de poser des problèmes trop difficiles ! Au sujet du Su-Doku 8 7 9 A 5 3 8 R 4 2 4 7 6 Nord entame du 5 de Cœur, Sud fournit le Valet. Mise sur la voie 1. Combien avez-vous de perdantes ? (★) 2. Quelle est la seule perdante que vous pouvez éliminer ? (★) 3. Peut-on gagner avec les atouts 4-1 ? Comment gagnezvous avec les Carreaux 3-3 ? (★) 4. Que faire du 4e Carreau si les Carreaux sont 4-2 ? Que va-t-il arriver si vous battez atout trop tôt ? (★★) 5. Indiquez comment vous procédez pour vous prémunir contre les Carreaux 4-2 dans le cas où la personne qui a 4 Carreaux possède également 3 atouts. (★★) 6. Y a-t-il quelque chose à faire contre les Carreaux 5-1 ? Quel est le problème dans ce cas ? (★★★) 7. Indiquez la ligne de jeu complète. (★★) Solutions page 52 Une grille de Su-Doku est un carré de 9 X 9 cases qu’il s’agit de remplir avec les chiffres de 1 à 9, de manière que chacune des 9 lignes, chacune des 9 colonnes et chacun des 9 carrés 3 X 3 en lesquels est divisée la grille comportent tous les chiffres de 1 à 9. Claude Abadie (38) aimerait avoir des réponses aux questions suivantes : a) Combien y a-t-il de grilles différentes satisfaisant ces conditions ? b) Le jeu consiste à compléter la grille où certains chiffres sont déjà placés. Comment fait-on pour composer ces problèmes de façon qu’ils aient une seule solution, et soient d’un niveau de difficulté donné (facile, moyen, difficile, diabolique) ? Solutions page 52 Allons au théâtre Philippe Oblin (46) Récréations scientifiques Jean Moreau de Saint-Martin (56) [email protected] 1) On donne 5 points A, B, C, D, E dans le plan. On demande de construire un pentagone ayant ces points pour milieux des côtés. Si vous avez un compas mais pas de règle, combien d’arcs de cercle allez-vous tracer pour construire les sommets du pentagone ? 48 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE O N RENCONTRE des esprits chagrins partout, même parmi les lecteurs de La Jaune et la Rouge. J’en entends parfois déplorer que les théâtres parisiens ne jouent que des vaudevilles. Or cela n’est pas conforme à la vérité. Peut-être veulent-ils dire seulement qu’à leur goût, il s’y joue “ trop ” de vaudevilles. On serait tenté de leur répondre, d’une part que le chagrin est stérile, d’autre part qu’existent d’excellents vaudevilles : “ comédies légères, divertissantes, fertiles en intrigues et rebondissements ” selon le Petit Robert. Et comme il se trouve aussi des lecteurs de notre revue allant au théâtre juste pour se divertir, je leur recommanderai, s’ils ne l’ont déjà fait, de courir à la Michodière pour y voir Stationnement alterné. Ils en sortiront égayés pour des mois, ce qui me paraît toujours bon à prendre. 46-52_Arts_lettres_sciences 6/02/06 14:31 Page 49 L’auteur en est le comédien, metteur en scène et dramaturge britannique Ray Cooney, le titre anglais Run for your wife, l’adaptation de Stewart Vaughan et Jean-Christophe Barc. Et le sujet, plus qu’inattendu : un chauffeur de taxi – joué par Éric Métayer – est bigame, c’est-à-dire qu’il a une épouse et un appartement à Ivry, une autre épouse et un autre appartement à Montreuil. À condition d’établir une organisation très stricte des horaires irréguliers propres à son métier, et de la gérer avec rigueur, il s’arrange fort bien de cette situation délicate. Jusqu’au jour où un accident, une collision volontaire pour barrer le passage à l’engin d’un gang braqueur de bijouteries, perturbe son planning en l’expédiant à l’hôpital. Affolements séparés des deux femmes ne le voyant rentrer aux heures dites, ni dans l’un, ni dans l’autre de ses foyers. Elles alertent l’une le commissariat d’Ivry, l’autre celui de Montreuil, de sorte que la police se mêle de l’affaire. La presse itou, en raison du braquage mis en échec par son intervention. Vous voyez déjà là bien des ingrédients de nature à monter une mécanique de quiproquos à la Feydeau, mais ce n’est pas tout. Notre malheureux chauffeur, enfin rentré à Ivry la tête bandée, se voit obligé d’expliquer ses difficultés à son voisin du dessus, celui d’Ivry – joué par Roland Marchisio. Et voilà les deux compères amenés, de fil en aiguille, à inventer chacun de son côté des justifications de plus en plus saugrenues aux circonstances d’une complexité croissante dans quoi ils se trouvent placés, mais sans évidemment savoir ce que l’autre a bien pu dire. En résultent pour les spectateurs deux grandes heures de rire aux éclats, merveilleusement garanties. J’espère que beaucoup d’entre vous, amis lecteurs, auront déjà vu, sur mon conseil, Éric Métayer dans Des Cailloux plein les poches, pièce jouée en 2003 au Théâtre La Bruyère, puis en tournée. Vous le retrouverez donc avec joie, plus trépidant que jamais, sur le plateau de la Michodière, dans une mise en scène endiablée de Jean-Luc Moreau, où chacun des comédiens, tous excellents, n’en fait jamais trop, comme l’on dit, mais juste ce qu’il faut pour rester vraisemblable dans des circonstances pourtant complètement tordues. Je défie quiconque aura assisté à ce spectacle oser ensuite soutenir que le vaudeville est un art mineur. Écrire un vaudeville n’est ni du facile, ni du vite fait. C’est de l’horlogerie, non pas celle des montres à quartz, mais celle du temps des chronomètres de marine, d’où dépendait la sûreté de la navigation. Mais il s’agit là de celle du rire. Et tant mieux si le résultat est une fête. ❈ Puisque nous sommes dans la gaieté, permettez-moi de vous recommander si, comme je l’espère, elle demeure à l’affiche quand paraîtront ces lignes, une charmante petite pochade montée par l’épouse, et jouée par la fille, de notre camarade Russier (67). Elle s’appelle Shoubidoo et se donne les lundis à 21 heures au Canotier du Pied de la Butte, un cabaret de Montmartre : une heure et demie de ballets, claquettes et surtout chansons des années soixante, celles des 45 tours, reprises par une fille et deux garçons qui n’étaient pas encore nés dans ces temps-là, mais les ressuscitent avec entrain pour le bonheur des spectateurs. Une bonne idée ! ■ • Stationnement alterné, de Ray Coonay, au Théâtre de la Michodière, 5, rue de La Michodière, 75002 Paris. Tél. : 01.47.42.95.22. • Shoubidoo, un spectacle musical de Katy Amaizo, le lundi à 21 heures au Canotier du Pied de la Butte, 62, bd Rochechouart, 75018 Paris. Tél. : 01.46.06.02.86. Oenologie Jean-Pierre Tingaud (61) Y a-t-il de très grands vins en Languedoc-Roussillon ? En demandant à Jean-Pierre Tingaud, œnologue distingué et vice-président du groupe X-Hérault-Gard, de nous faire partager ses coups de cœur en Languedoc, je lui ai imposé une règle sévère, d’ordre éthique : mettre “hors concours” les excellents vins que plusieurs de nos camarades produisent, y compris ceux de notre président d’honneur, Alain Grill (51). J. PELLISSIER-TANON (54), président du groupe X-Hérault-Gard J E NE SUIS PAS, loin s’en faut, un professionnel de la dégustation. J’ai infiniment de peine à trouver à un vin un goût de violette ou de sous-bois. Quant à la cuisse ! Et quand j’apprends que cette année le beaujolais a un “ nez ” de fruits rouges ou de banane, je me dis : “ pourvu qu’il ait encore un goût de vin ! ” c’est dire à quel point je suis primaire. Mais j’aime bien boire de bons vins et les faire goûter à mes amis. Et c’est comme cela que l’un d’eux m’a demandé un article sur un amour assez récent : les “ grands ” vins du Languedoc. Comme chacun le sait, il n’y a pas si longtemps les vins de l’Hérault ou des Corbières n’avaient pas, c’est le moins, bonne réputation. Et puis, le temps et la mondialisation parkerienne étant passés par là, les tarifs des grands bordeaux et des grands bourgognes ont atteint des sommets, les rendant de plus en plus difficilement accessibles à des bourses honnêtes de la “ vieille Europe ”. Les regards de certains se sont alors tournés vers d’autres directions, pour découvrir, dans certains coins du Languedoc (et ailleurs également, mais on ne peut pas tout savoir), de jeunes et moins jeunes viticulteurs qui s’étaient mis dans la tête qu’au pays du gros rouge on pouvait aussi faire de la qualité. La qualité imposant des rendements faibles sur des sols rugueux, on a assisté à un déplacement de certaines vignes des zones de plaine vers les coteaux. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 49 46-52_Arts_lettres_sciences 6/02/06 14:32 Page 50 Et après quelques décennies d’amélioration on découvre qu’il existe en Languedoc des vins qui ne sont sans doute pas encore des “ grands ” vins, mais qui sont déjà de très bons vins dont les prix, à plaisir de boire identique, concurrencent fort bien ceux des grandes régions viticoles. Parmi les bons producteurs de la région on a vu se dessiner deux écoles : – ceux qui “ jouent le jeu ”, – ceux qui le refusent ou qui l’adaptent. Le jeu, c’est celui de l’AOC. L’AOC en Languedoc impose de n’utiliser en rouge que des cépages des Côtes du Rhône : la syrah, le grenache, le carignan, le mourvèdre et le cinsault (ce dernier plutôt dans les rosés). Or certains producteurs ont considéré qu’il était préférable, compte tenu des caractéristiques de leur terrain, d’utiliser d’autres cépages, en particulier les cépages bordelais, essentiellement cabernet sauvignon et merlot. Certains ont démontré qu’il était possible en Languedoc de faire des “ bordeaux ” qui “ valent ” (largement, à prix comparables) les vrais. Bien entendu, dans ce cas, ils ne peuvent prétendre à l’AOC, mais qu’importe si le produit plaît et se vend à un prix tout à fait respectable sous le label “ vin de pays ”. Un autre choix important doit également être fait par les viticulteurs qui se positionnent sur un niveau de prix et de qualité élevé : c’est le choix des cépages et de la vinification qui va conduire à un optimum de consommation court (on consomme le vin après sa mise sur le marché), moyen ou long (un vin de garde). Il n’y a pas si longtemps tout bon bourgeois amateur de vin avait une cave. On y gardait les bourgognes cinq à dix ans, les grands bordeaux dix à vingt-cinq ans et parfois bien au-delà si la cave avait les qualités adéquates et le bourgeois, les moyens d’attendre. Aujourd’hui tout va plus vite et on a de moins en moins les moyens d’attendre. Et on va jusqu’à boire des vins qui n’ont “ que ” trois ans ! Il y a un dilemme pour le producteur car, s’il se trouve encore des consommateurs en nombre suffisant pour acheter une caisse d’un bon Margaux ou d’un bon Pomerol et la laisser quinze ans dans leur cave avant de l’ouvrir, ce nombre diminue fortement pour laisser dans les mêmes conditions une caisse de Pic Saint-Loup ou de Minervois la Livinière. Alors, faire un assemblage à forte dose de syrah en espérant que le client sera patient, c’est sans doute prendre des risques. Les restaurants qui aujourd’hui sont en mesure de constituer une cave à vins de longue garde ne doivent pas être bien nombreux ! Et c’est aussi le problème pour l’auteur, votre serviteur, car ne m’étant intéressé aux vins du Languedoc que depuis quelques années, je ne dispose pas de crus anciens et mes choix sont altérés par cela même. J’aurais tendance à préférer des vins qui ne nécessitent pas dix ans de cave ! Maintenant, puisqu’il faut se lancer et proposer un choix, voici quelques suggestions. 50 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Chez ceux qui “ ne jouent pas le jeu ” • La Grange des Pères à Aniane Peut-être le meilleur, en tout cas l’un des tout meilleurs. On le trouve parfois à des prix exorbitants dans des restaurants très cotés. Quasiment introuvable. Ses méthodes de culture, récolte et vinification rappellent celles des vins que l’on qualifie “ de garage ” dans certaines régions du Bordelais. • Le Mas de Daumas-Gassac à Aniane Son “ auteur ” ne manque jamais de propos exaltés, peut-être un peu excessifs sur les qualités de son vin. Celui-ci n’en manque pas, bien au contraire, mais il reste quand même loin d’un château Margaux ou d’un HautBrion, auxquels il n’hésite pas à le comparer. Le prix auquel il est vendu tient plus d’un marketing remarquable que d’une comparaison objective avec ses concurrents bordelais. Par contre on peut le réserver en primeur, à des tarifs cette fois tout à fait raisonnables. • Le Domaine de Ravanes à Thézan-lès-Béziers Il se veut un quasi-Pomerol (100 % merlot) et il y réussit plutôt bien. Ce n’est peut-être pas tout à fait, comme l’ont dit certains, le Petrus du Languedoc, mais ses tarifs en sont très éloignés et, pour son prix, sa qualité est tout à fait remarquable, en particulier pour ce qui concerne la cuvée “ les Gravières du Taurou ”. Chez ceux qui “ jouent le jeu ” • Les “ très bons ” • Le Domaine de Montcalmes à Puéchabon, AOC Coteaux du Languedoc. C’est un très, très bon (mon préféré des AOC?). Ses grandes qualités : au-delà de sa rondeur, de sa délicatesse et de sa longueur de bouche, une maintenance étonnante d’une année sur l’autre quelles que soient les conditions climatiques, et surtout sa capacité à être bon vite ! Point n’est besoin d’attendre dix ans, même si une certaine garde ne fait que l’améliorer. Dommage qu’il soit si difficile d’entrer en contact avec le producteur, qui semble se cacher derrière des portes closes ! • Le Domaine du Puech Haut à Saint-Drézéry, AOC Coteaux du Languedoc. À la différence de plusieurs des meilleurs cités ici, il ne se situe pas dans le voisinage d’Aniane mais à Saint-Drézéry, au nord-ouest de Montpellier. La propriété fut une oliveraie. Les oliviers ont été arrachés et la vigne plantée. Caricaturalement, tout y est neuf mais ça a le goût et la qualité du vieux – et du meilleur – à commencer par le château lui-même. On y fait trois cuvées en rouge qui se différencient par leurs assemblages : – la cuvée “ Prestige ” intègre un fort pourcentage de carignan. C’est un vin aux arômes moins denses mais plus subtils que les autres cuvées. Un vin très plaisant et qui n’exige pas de garde pour se révéler. De plus son prix est sensiblement plus raisonnable que ceux de ses deux “ frères ” ; 46-52_Arts_lettres_sciences 6/02/06 14:32 Page 51 – la “ Tête de Cuvée ” et le “ Clos du Pic ” sont des productions “ classiques ” pour la région, plus à base de syrah. Ce sont des vins qui ne s’épanouissent que plus tardivement, mais qui se révèlent alors remarquables. • Le Domaine de Fontcaude (Alain Chabanon) à Lagamas, AOC Coteaux du Languedoc (Montpeyroux). Il produit plusieurs cuvées, toutes remarquables, et en particulier “ l’Esprit de Fontcaude ”. • Le Domaine Léon Barral à Lentheric, AOC Faugères. Il produit également plusieurs cuvées, la meilleure à mon sens étant la cuvée “ Jadis ”. • Les “ bons ” – Mas Bruguière à Valflaunès. – Domaine de l’Hortus à Valflaunès. – Domaine Clavel à Assas. – Château de Lancyre à Valflaunès. – Clos Marie à Lauret – Château de Cazeneuve à Lauret. Et… bien, bien d’autres, mais ceci est une sélection et non un guide. Il existe d’excellents guides et je ne saurais trop en recommander la lecture. Mes choix sont, pour l’essentiel, dans une zone proche de Montpellier. Ce n’est pas un hasard, c’est là que je vis et c’est ce que je connais le mieux. Je regrette par exemple de n’avoir cité aucun Minervois la Livinière. Il en est de très bons. Comme le lecteur qui aura eu le courage de me suivre jusqu’ici n’aura pas manqué de le remarquer, je n’ai parlé que de rouges. Je ne m’en cacherai pas, ils ont ma préférence. Néanmoins il existe aussi en Languedoc de fort bons vins blancs, dont j’aurai peut-être l’occasion de vous parler une autre fois. ■ Rebel Dans la musique baroque, le pire côtoie le meilleur. Comme dans tous les domaines, le culte de la musique ancienne a généré ses fondamentalistes et ses ayatollahs, dont la rigueur dogmatique nous insupporte. Mais il a aussi donné naissance à des petits ensembles de musiciens joyeux, libres et subtils, comme “ L’Assemblée des Honnestes Curieux ”, qui vient d’enregistrer six Sonates pour violon et basse continue de Jean-Ferry Rebel 1. Rebel, a dit un chroniqueur du Grand Siècle, a mis dans ses sonates “ le feu italien (…) tempéré par la sagesse et la douceur françaises ”, et, surtout, il a été un créateur à l’innovation audacieuse. Chacune de ces sonates est comme une épure raffinée et complexe, et le phrasé très recherché, aux inflexions sensuelles, de la violoniste Amandine Beyer (dont on avait signalé ici les sonates de CPE Bach) est un élément majeur de notre plaisir. Trombone Jean Salmona (56) Le trombone, qui est un des piliers des ensembles de jazz – et pas seulement dans le jazz traditionnel – est rarement soliste en musique classique. Tommy Dorsey, dont l’orchestre de jazz tempéré a fait, comme celui de Glenn Miller, les beaux jours du Broadway des années quarante, avait été le dédicataire et le créateur d’un Concerto pour trombone et orchestre commandé par Leopold Stokowski au compositeur de musiques de film Nathaniel Shilkret, concerto retrouvé récemment et enregistré par le Suédois Christian Lindberg 2 et l’Orchestre Symphonique de Sao Paulo. C’est une musique chaleureuse et agréable, dans la lignée directe de celle de Gershwin, inspirée du jazz au premier degré (et non sublimé comme chez Ravel, Milhaud ou Stravinski). Sur le même disque figurent deux œuvres toujours tonales mais plus ambitieuses, le Concerto pour trombone et orchestre “ Le retour de Kit Bones ” de Fredrik Hökberg, pièce intéressante qui revendique son appartenance au monde de la musique de film, et Helikon Wasp pour trombone et orchestre de Christian Lindberg, très jolie pièce bien rythmée et pleine d’humour (amateurs de musique cérébrale s’abstenir). Après la fête DVD Richard Strauss Discographie On s’ennuie de tout, mon ange, c’est une loi de la nature, ce n’est pas ma faute. CHODERLOS DE LACLOS, Les Liaisons dangereuses. E N MUSIQUE, comme en gastronomie – deux arts bien proches – la satiété est le danger qui guette l’amateur trop gourmand. Après une période d’excès, le sage s’impose un régime comme une pénitence, et, alors qu’il comptait s’ennuyer, il y découvre parfois des plaisirs nouveaux. Les opéras de Strauss sont une singularité dans la musique du XXe siècle : ils sont faits avant tout pour plaire à l’auditeur, ils se réclament de l’héritage du XVIIIe siècle plus que du Romantisme, ils font appel à des librettistes majeurs (Von Hofmannsthal, Zweig), et, sans l’once d’une recherche formelle, qu’ils soient drôles, tendres, ou tragiques, ils déclenchent l’enthousiasme de l’amateur éclairé comme celui du béotien. Comme la mise en scène et l’appareil théâtral jouent un rôle essentiel dans les opéras de Strauss, le DVD en est le support idéal, si le metteur en scène est de qualité et les solistes de vrais acteurs. Ainsi, la publication en DVD de l’enregistrement public au Festival de Salzbourg, LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 51 46-52_Arts_lettres_sciences 6/02/06 14:32 Page 52 en 1992, de La Femme sans Ombre, sous la direction de Georg Solti avec le Philharmonique de Vienne et des solistes parmi lesquels Thomas Moser, Cheryl Studer, Eva Marton 3, est un modèle du genre. Mais la palme revient à cet égard à Capriccio, donné au Palais Garnier il y a peu, et que certains d’entre vous ont peut-être eu la chance de voir sur la chaîne Mezzo, filmé in situ. Dernier opéra de Strauss, c’est aussi son chef-d’œuvre absolu, une musique exquise, un “ caprice ” digne du siècle des Lumières sur la création en art; et la beauté de Renée Fleming et d’Anne Sophie von Otter (et leurs voix, bien sûr), une mise en scène proprement géniale, qui s’appuie non seulement sur le dispositif scénique de Garnier mais sur les escaliers, le foyer, etc., font de cet adieu à la musique une perle rare que seul l’enregistrement numérique a rendu possible (disponible depuis peu dans le commerce). ■ 1. 1 CD ZIGZAG ZZT051102. 2. 1 SACD BIS 1448. 3. 2 DVD surround DECCA 071 425 9. Solutions du bridge 1. Vous avez 4 perdantes : 1 Pique, 1 Cœur et 2 Carreaux. 2. Seule une perdante Carreau peut être éliminée. 3. Si les atouts sont 4-1, il n’y a pas de remède. A contrario, si les Carreaux sont 3-3, il n’y a plus que 3 perdantes à Carreau. 4. La solution qui vient à l’esprit est de couper le 4e Carreau. Si on bat deux tours d’atout trop tôt, on court le risque que la défense rejoue un 3e tour d’atout après avoir pris le 3e Carreau. Cela conduirait à la chute. 5. La solution consiste à donner un coup à blanc à Carreau, avant de donner les 2 tours d’atout de débarras (on peut néanmoins donner un SEUL tour d’atout avant ce coup à blanc). En jouant de la sorte, les Carreaux seront prêts pour la coupe lorsque le flanc n’aura plus que son atout maître. 6. Si Sud possède un singleton Carreau (Nord ne possède pas de singleton : il l’aurait probablement entamé), Nord prend la main lors du coup à blanc, donne une coupe à son partenaire, et reprend la main à Cœur pour donner une deuxième coupe à Sud… sauf si on a pensé à esquicher le Valet de Cœur à la première levée ! On se prémunit contre la présence de 3 Piques et d’un singleton Carreau en Sud. Cela a peu de chances de se produire, mais il vaut mieux être prudent. 7. On laisse Sud en main au V♥. On prend le retour (♥ par exemple). On tire l’As de ♠, puis on joue ◆ à blanc. On contrôle le retour, on tire le deuxième atout (sauf si la défense en a déjà rejoué), on joue A◆ R◆ et on coupe le dernier Carreau du mort. La défense fait son atout maître quand elle le souhaite. Sud avait : ♠ 10 7 6 ♥ R V 8 ◆ D V 6 5 ♣ D 10 9. (Problème inspiré d’une donne de Richard Pavlicek.) 52 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Solutions des récréations scientifiques 1) Soit LMNPQ le pentagone cherché, les points se succédant dans l’ordre LAMBNCPDQEL sur son périmètre. A et B étant milieux des côtés du triangle LMN, on a (vectoriellement) LN = 2AB ; de même (triangle NPQ) NQ = 2CD, puis LE = EQ = (LN + NQ)/2 = AB + CD. Soit F tel que AB + CD = AF, BF = CD, BCDF est un parallélogramme. Comme LE = EQ = AF, AFEL et EAFQ sont des parallélogrammes, AM = LA = EF, AEFM est un parallélogramme. De même, on a PC = CN = DE + AB. Soit G tel que BDEG soit un parallélogramme, PC = CN = AG, AGCP et CAGN sont des parallélogrammes. Construction au compas seul On trouve le 4e sommet T d’un parallélogramme XYZT par l’intersection des arcs de cercle (X, |YZ|) (de centre X et de rayon |YZ|) et (Z, |XY|), soit T = (X, |YZ|) ∩ (Z, |XY|), en ne gardant que le point séparé de Y par la droite XZ. D’où une construction en 10 arcs de cercle (dont certains donnent plusieurs intersections). F = (B, |CD|) ∩ (D, |BC|), L = (A, |EF|) ∩ (E, |AF|), M = (A, |EF|) ∩ (F, |AE|), Q = (F, |AE|) ∩ (E, |AF|), G = (B, |DE|) ∩ (E, |BD|), N = (C, |AG|) ∩ (G, |AC|), P = (C, |AG|) ∩ (A, |CG|). Si vous avez une solution avec moins de 10 arcs, je serai heureux de la publier. 2) Encore un banquet proposé par Alain Bonnet (60) Prenons deux convives, A et B, qui ne se connaissent pas (si chacun connaît tout le monde, il n’y a pas de problème). Plaçons-les en vis-à-vis à la table de 4. Dressons les listes (A) et (B) des personnes connues de A et B respectivement : au total au moins 2n noms (au moins n dans chaque liste), ne comprenant pas A ni B. Mais il n’y a, en dehors de A et B, que 2n – 2 convives. Ainsi est-il inévitable (c’est le “ principe des tiroirs ”, ou du pigeonnier) que des noms (au moins 2) figurent en double : ces convives connaissent à la fois A et B et deux d’entre eux compléteront heureusement leur table. 53-61_Vie de l'asso 6/02/06 14:33 Page 53 VIE DE L’ASSOCIATION X-Vinicole 40, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, 75005 Paris Liste des exposants Armagnac : • CORDEROY du TIERS (47). 16e Salon des vignerons polytechniciens dimanche 19 mars de 11 à 19 heures à la Maison des X, 12, rue de Poitiers, 75007 Paris Bandol : • Mme HENRY, belle-fille de HENRY (48). D.R. Beaujolais : • COLLET (65), • FORMERY (37), • LANSON (86). Bordeaux : • ARRIVET (57), • Mme d’ANTRAS, petite-fille de GUILLOT de SUDUIRAUT (14), • Mme de BOIGNE, fille de PITRAY (24), • LERICHE (57), • NONY (79), • PÉCRESSE (86), • PÉLIER (58). Bourgogne : • BONNET Jacques (42), • GONDARD (65), • LESTIMÉ (88). Cahors : • DEGA (69). Gaillac : • LÉPINE (57). Vendanges au Domaine de la Chapelle Pouilly-Fuissé, chez Claude GONDARD. Champagne : • PERRIN (50). Coteaux Varois : • FRANÇOIS (72 et 78). Côtes de Provence : • DOR (80). Jurançon : • SAUBOT (86 et 2000). Savennières : • fils de BIZARD (35). ’EST UN NUMÉRO SPÉCIAL de La Jaune et la Rouge sur le vin français qui introduit, cette année, notre Salon. Le groupe X-Vinicole sait gré à La Jaune et la Rouge de s’être intéressée à ce sujet qui nous passionne tous et constitue notre vie même. Nous espérons que nos articles vous permettront de mieux comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs de la filière vitivinicole française, voire même européenne, et les nécessaires et profondes restructurations auxquelles il va falloir procéder dans les prochaines années. C Tous les participants au Salon vous attendent et seront heureux de compléter votre information en répondant à vos questions. Vouvray : • LUBRANO (90). Claude GONDARD (65), président du groupe X-Vinicole Déjeuner au Salon Un repas (34 € sans boisson) pourra être pris sur place et accompagné de vins achetés directement aux exposants. Réservation indispensable, tél. : 01.49.54.74.74. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 53 6/02/06 14:33 Page 54 GROUPE PARISIEN DES X 12, rue de Poitiers, 75007 Paris. Téléphone : 01.45.48.52.04. Télécopie : 01.45.48.64.50. Courriel : [email protected] Site Internet : gpx.polytechnique.org Au programme des activités du GPX CONFÉRENCE-DÎNER • Mercredi 15 mars à 18 h 30 : “ Qui était donc M. Churchill ? ” par le professeur à la Sorbonne F. KERSAUDY, auteur d’un livre sur Winston Churchill (Éditions Tallandier). VISITES CULTURELLES • La Tour Jean sans Peur. • Le Petit Palais. • L’Hôtel de la Monnaie. THÉÂTRE • L’Escale au Théâtre La Bruyère. • Caligula au Théâtre de l’Atelier. • Duel à la Comédie des Champs-Élysées. BRIDGE • Tournois officiels, homologués par la FFB, tous les lundis à 14h15 à la Maison des X sous l’égide du GBX. • Parties libres (ou tournois officieux) tous les mercredis à 14 h 30 à la Maison des X. • Nouveau cycle de cours de perfectionnement de 1er niveau (pour joueurs peu expérimentés) “ Approfondir la mise en œuvre des bases du bridge ” les jeudis matin : 2, 16 et 30 mars, 6 avril. • Cours de perfectionnement de second niveau sous la conduite de Norbert LEBELY les vendredis 3, 17 et 31 mars à 14 h 30. VOYAGES • Croisière de 8 jours – PORTO, la vallée du DOURO (Portugal) et SALAMANQUE (Espagne) du 30 mai au 6 juin 2006. Embarquement à PORTO pour remontée de la vallée du Douro aux sites spectaculaires : Vila Nova de Gaia, Regua, Crestuma, Pocinho, Peradosa. En cours de route, visite de vignobles et excursions à Vila Real, Braga, Pinhao, Lamego, avec une pointe jusqu’à Salamanque, en Espagne. Retour à Porto. • Lacs,villas et jardins d’ITALIE DU NORD 7 jours de Milan à Venise du 13 au 19 septembre 2006. – L’enchantement des lacs italiens dans leur cadre alpestre : lac Majeur, lac de Lugano, lac de Lecco, lac de Côme, lac de Garde. – La splendeur des villes historiques : Vérone, Mantoue, Padoue. Petite croisière sur la Brenta. Arrivée à Venise. Extension possible de trois jours à Venise. 54 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE PROMENADES À PIED • Dimanche 26 février avec Philippe GRANDJEAN (70). Tél. : 01.45.03.26.45. Forêt de Verrières. Parc de la Vallée aux Loups. Visite de la maison de Chateaubriand (prévoir 2,50 € par personne). Retour par le Parc de Sceaux. Parcours facile de 17 km. Départ de Châtelet-les-Halles à 9 h 14 (Denfert-Rochereau : 9 h 22) par le RER B, direction Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Mission KROL). Arrivée à Massy Verrières à 9 h 43. Retour par le RER B de Bourg-la-Reine à 16 h 44. Arrivée à Châtelet à 16 h 59 (un train toutes les 7 minutes). • Week-end de randonnée entre les caps Gris-Nez et Blanc-Nez, les 10 et 11 juin 2006. Ce week-end regroupera des randonneuses et randonneurs du GPX et du Groupe Nord-Pas-de-Calais, qui se retrouveront à Wissant. Deux randonnées en boucle (15 à 20 km chacune) sont prévues au départ de Wissant. Pour les “ Parisiens ”, les trajets se feront en train jusqu’à Calais, et en car jusqu’à Wissant. Coût indicatif de la participation aux frais : – 71 euros pour les “ Parisiens ” (hébergement en chambres doubles en demi-pension, hors boissons et transferts en car), – 59 euros pour les “ Nordistes ” (sans transferts en car). Supplément pour une personne occupant seule une chambre pour deux : 16 euros. Inscriptions auprès de Michaël TÉMÉNIDÈS : 3, rue Ducastel, 78100 Saint-Germain-en-Laye. Tél. 06.07.88.94.71. Courriel : [email protected] • Dimanche 19 mars 2006 avec Yves DESNOËS (66). Tél. : 01.45.67.02.92. Boucle de 22 km dans le Vexin à partir de Valmondois, en passant par Parmain, Nesles-la Vallée et Auvers-sur-Oise. Possibilités de raccourcis divers. Départ de la Gare du Nord (surface, trains de banlieue) direction Persan-Beaumont à 9h 17, arrivée à Valmondois à 10h 04. Retour de Valmondois à partir de 17h 16, arrivée à Gare du Nord à 18h 06 (un train toutes les demi-heures). Vérifier les horaires de train. ✂ 53-61_Vie de l'asso BULLETIN D’ADHÉSION AU GPX Saison 2005-2006 Nom : ................................................................................ Prénom : ...................................... Promotion : ................ Adresse : .......................................................................... .......................................................................................... Courriel : .......................................................................... Tél. : .................................................................................. Désire adhérer comme : 64 euros * ❏ membre sociétaire (avec droit de priorité) 30 euros ❏ membre associé et adresse ci-joint un chèque de ............................ euros au GPX, 12, rue de Poitiers, 75007 Paris. * 32 euros pour les promos 92 et postérieures et pour les veuves. 53-61_Vie de l'asso 6/02/06 14:33 Page 55 GROUPES X X-HÉRAULT-GARD EXPOSÉ DU PRÉSIDENT GRAVEGEAL Jacques GRAVEGEAL, viticulteur, est le président de la Chambre d’agriculture de l’Hérault et aussi président du Syndicat des producteurs de vins du Pays d’Oc. Il a fait un exposé sur “ La vigne en Languedoc, hier, aujourd’hui et demain”, le 11 juin 2005, devant le groupe des anciens polytechniciens de l’Hérault et du Gard. Le compte rendu qui suit a été rédigé par Jérôme PELLISSIER-TANON (54). “ Le vignoble du Languedoc-Roussillon est le plus vaste au monde. Son histoire commence à la fin du XIXe siècle, avec le développement du rail, qui stimule les échanges nationaux. Le vin, “ boisson énergétique et hygiénique ”, connaît un grand succès au-delà des zones viticoles. L’extension du vignoble de notre région se fait aux dépens des cultures fourragères et de l’élevage ovin et aussi par l’assèchement des marécages littoraux. Il fournit de beaux rendements à bas prix et il assure l’émancipation économique de la population. Cela fonctionne bien quelque temps, puis s’installe une crise de surproduction. Les prix chutent, la vigne “ ne paie plus ”. Se mettent alors en place les premières mesures coercitives : droits de plantation, arrachages définitifs non rémunérés. Dans ce contexte éclate au tout début du XXe siècle la “ révolte des vignerons ”, qui embrase successivement les villes du Languedoc. L’épidémie du phylloxera et les difficultés nées de la guerre 1914-1918 offrent deux occasions de restructurer le vignoble. Mais cela est fait dans le sens de la quantité, aux dépens de la qualité. Le Languedoc-Roussillon se spécialise dans les vins de coupage, par l’assemblage d’une production régionale à fort rendement et à faible degré avec les vins robustes d’Algérie, importés en vrac. Conjointement, un fort “lobby” vinicole régional se développe, sur lequel s’enracine le “radicalisme ” de la Troisième République. La situation peut-elle perdurer ? Les effets de la guerre 1939-1945 et de la destruction totale du vignoble dans l’hiver 1956 créent les conditions d’une nouvelle restructuration : elle se fait par la plantation systématique du carignan, cépage étranger à la région, résistant au gel et à la sécheresse, et par la rationalisation des modes de plantation : la traction animale et la fumure sont relayées par la motoculture et par les intrants minéraux. Les rendements explosent : de 28 hl/ha on passe à 80 hl/ha. Le carignan peut faire d’excellents vins de coteaux ou d’infâmes piquettes. L’Algérie ne livrant plus, les Pouilles et la Sardaigne la remplacent et le Languedoc-Roussillon devient la “ variable d’ajustement ” du vignoble français, y compris pour les vins de Champagne. Dans ce contexte, les primes d’arrachage définitif sont mises en place. À partir de 1970, les technocrates parlent “d’équilibre du marché”, introduisant le “paramètre de consommation”. Or, celle-ci ne cesse de chuter depuis l’après-guerre. PRIX DE L’INGÉNIEUR DE L’ANNÉE 2005 L es sept prix de l’Ingénieur de l’année 2005 ont été remis le 14 décembre au pavillon d’Armenonville par François LOOS (73), ministre délégué à l’Industrie. Deux de nos camarades, Xavier HUBERT (78) et François BOURDONCLE (84) figurent parmi les lauréats. DÉVELOPPEMENT DURABLE • Xavier HUBERT pour un système complet de vélos en libre-service 46 ans, X-Télécom Paris, directeur industriel du groupe JC Decaux 2 000 vélos répartis dans 200 stations libre-service. À Lyon, l’intermodalité des transports n’est plus un vœu pieux. Depuis mai 2005, moyennant un abonnement ou un simple paiement par carte à puce, les Lyonnais ou toute personne de passage peuvent emprunter, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, l’un des vélos mis à leur disposition à travers la ville par la société JC Decaux le spécialiste du mobilier urbain. Pour réaliser ce système, une équipe d’ingénieurs dirigée par Xavier HUBERT a conçu un vélo répondant aux exigences du libre-service. Un ensemble de dispositifs (bornettes de stationnement, antivols, garde-boue autofreinant, valve spéciale, par exemple) ont été mis au point et brevetés ; mais aussi une carte électronique intégrée capable de superviser les organes vitaux du vélo (avec entre autres un test automatique à chaque remisage sur une borne), de piloter les lumières et l’alarme afin de garantir la sécurité de l’usager et de lutter contre le vandalisme. À cela s’ajoute un système informatisé de location et de gestion de flotte. Le succès du projet est total puisque après seulement trois mois de service 1,2 million de kilomètres ont été enregistrés avec jusqu’à 12 000 locations par jour. Les Hollandais et les Allemands sont déjà venus examiner ce système. ENTREPRENEURS • François BOURDONCLE pour un moteur de recherche 41 ans X-Mines, mastère en sciences informatiques de Normale sup, P.-D.G. fondateur de Exalead Après avoir travaillé aux États-Unis, notamment chez AltaVista, François BOURDONCLE a fondé la société Exalead il y a cinq ans, pour développer et commercialiser un moteur de recherche de documents particulièrement innovant. Alors que les moteurs traditionnels se spécialisent dans la recherche sur le Web, l’Intranet de l’entreprise ou le poste personnel, le moteur d’Exalead couvre, lui, les trois applications à la fois, avec trois versions basées sur le même cœur technologique. Architecture ouverte, indexation en temps réel, techniques linguistiques avancées... Par certains aspects, il est même considéré comme plus performant que ses concurrents américains. Selon une enquête réalisée en septembre dernier par Business Week sur son site, ce moteur s’est imposé comme le troisième moteur de recherche sur Internet, derrière Google et Yahoo. À la fin de l’année, il devrait compter 4 milliards de pages indexées, le double d’aujourd’hui. La société emploie 40 personnes et dispose de filiales aux États-Unis et en Italie. Elle prévoit un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros en 2005, le double de celui réalisé en 2004. C’est alors que l’Europe entre dans le jeu. La France lui propose (Jacques Chirac étant ministre de l’Agriculture) un premier plan de restructuration du vignoble européen. L’Europe le met en place en 1973. Il comporte deux volets : plantation de cépages “ qualitatifs ”, modernisation des caves. Malgré cela, on doit admettre au début des années 1980 que ce plan n’a pas eu pour le Languedoc-Roussillon les effets espérés : l’excédent de production est colossal. Michel Rocard, alors ministre de l’Agriculture, signe pour la France les “accords de Dublin ” : ils instituent à l’échelle européenne la distillation et l’arrachage définitif primés. Un grand débat s’ouvre entre les “gens des coteaux ” et les “ productivistes ”. Il aboutit à un plafond de production de 98 hl/ha. 240 000 ha sont arrachés en France, dont 128 000 ha en Languedoc-Roussillon. Aujourd’hui, le vignoble de notre région couvre 300 000 ha et ne produit plus que 15 % de “ vins de table ”, contre 80 % avant 1970. La qualité est au rendez-vous, le contrôle est généralisé. Et pourtant, la crise revient ! Que s’est-il passé ? Dans le même temps, le vignoble mondial a connu un grand essor, avec l’aide du savoir-faire et des capitaux français. Partout, la viticulture est un signe de richesse, sauf dans notre région ! Voyons d’abord ce qui s’est passé dans les autres vignobles français. Dans le Bordelais, en 1932, sont créés les “ crus bourgeois ”. La surproduction s’installe. En 1974, 67 000 ha sont des AOC et 35 000 ha, des vins de table. Un décret étend le concept de “ vins de pays ” au Bordelais : les vins de table, médiocres, deviennent AOC. Puis l’Europe octroie au Bordelais le droit à la croissance du vignoble : 25 000 hectares supplémentaires apparaissent. Dorénavant, le Bordelais compte 127 000 hectares. Par un processus semblable, le vignoble de Bourgogne est passé de 16 000 ha… à 29 000 ha. Même évolution pour les Côtes du Rhône. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 55 53-61_Vie de l'asso 6/02/06 14:34 Page 56 COTISATION 2006 Pensez à la régler avant fin février. Chèques à l’ordre de Amicale AX. Merci d’inscrire votre promotion au dos du chèque. CCP 2139 F - Paris. Montant de la cotisation et de l’abonnement 2006 Cotisation Abonnement Total 102 € 51 € 33 € – 135 € 51 € • Promos 1996 à 1999 2e membre d’un couple d’X 76 € 38 € 25 € – 101 € 38 € • Promos 2000 à 2002 2e membre d’un couple d’X 51 € 25 € 17 € – 68 € 25 € • Promos 1995 et antérieures 2e membre d’un couple d’X Le prélèvement automatique, fait chaque année fin février, simplifie votre vie et celle de l’AX. Merci de demander le formulaire correspondant à l’AX avant le 28 février et qui pourra être utilisé pour la cotisation et l’abonnement 2006. Le Bordelais produit donc aujourd’hui 7 millions d’hectos par an. Il n’en vend que 5,3. L’excédent a été “ caché ” par les effets du stockage pour vieillissement. Ce n’est plus possible. Une demande de distillation est faite pour leurs AOC ! Et dans le même temps, ils refusent d’arracher. Hors de l’Europe, plusieurs vignobles ont connu une croissance spectaculaire : l’Australie, qui fait aujourd’hui 12 millions d’hectos par an, la Californie, le Chili. En 1999, à l’OCM (Europe), j’ai proposé une limitation de la production avec des quotas par vignoble. Au contraire, l’Europe a choisi une politique de croissance avec fixation de quotas et subventions par pays. La France (104 millions d’euros la première année), l’Espagne (120), l’Italie (120) en ont été les principaux bénéficiaires. Seuls les groupements de producteurs pouvaient bénéficier des aides. Trente-deux formules ont été établies : primes aux jeunes agriculteurs, Contrats territoriaux d’exploitation (CTE), etc. Ces subventions sont décroissantes les années suivantes. Or, la France a été incapable de faire le plein de son enveloppe. Elle a ainsi perdu en quatre ans 105 millions d’euros sur ses quotas, qui ont été redistribués aux autres pays. L’Espagne a, de son côté, “ fait le plein ” et a créé un outil bien structuré, taillé pour la concurrence. Elle est devenue le premier exportateur sur le marché français ! Quelle est la situation du marché mondial aujourd’hui? La consommation totale augmente dans l’ensemble avec un nivellement. Ainsi, la France est toujours en tête pour la consommation par habitant, mais avec “seulement” 58 litres par an et par personne au lieu de 160 au début du XXe siècle. L’Europe fait distiller les excédents. À ce jeu, les Espagnols sont les meilleurs, ils en font une activité rémunératrice. 56 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Sur le plan régional, j’ai, en 1987, initié le regroupement et le développement des vins de cépages (vins de terroir), au sein du Syndicat des producteurs de vins de Pays d’Oc, dont je suis le président. Aujourd’hui, nous produisons 4,4 millions d’hectos, soit 95 % des vins de cépages en France sans le gamay, 85 % en l’incluant. Nous sommes le premier exportateur national, avec 3,3 millions d’hectos. ❈ L’exposé du président Gravegeal suscite des commentaires parmi les vignerons de l’auditoire. Alain GRILL (51), fils et petit-fils de vignerons, époux et père des exploitantes du “Château de l’Engarran ” (Hérault), rapporte les souvenirs de son grand-père, qui au début du siècle dernier avait dû verser son vin dans le ruisseau. Mais il distillait aussi et cela lui avait permis de traverser la crise. Concernant l’actualité, il remarque que d’autres activités ont traversé des crises structurelles et s’en sont sorties grâce à la qualité. “Les vins de Pays d’Oc” vont dans ce sens. “ Mais ne devrait-on pas pousser encore plus loin?” demande-t-il au président GRAVEGEAL. Réponse du président : “ Je présente inlassablement aux pouvoirs publics des demandes pour étendre à nos vins certaines dénominations accordées à d’autres. J’ai eu des résultats mais il reste du chemin à faire. Pour l’élevage en barriques, j’y suis favorable, mais certains de nos membres ne veulent faire d’élevage que s’ils ont la garantie de l’agrément avant la mise en barrique. Ce n’est pas possible. Notre politique de qualité trouve malheureusement un contrepoint dans les accords bilatéraux qu’a signés la France avec certains États, autorisant les importations croisées de leurs vins chargés de diverses “cochonneries”. Cela peut expliquer, sans l’excuser, la colère de nos jeunes viticulteurs, qui ont le sentiment qu’on se f… d’eux. ” Pierre CAPION (50) a une longue tradition familiale de viticulture. Il fait des vins de Pays d’Oc blancs et pense lui aussi qu’il faut continuer dans la voie de la qualité. Mais il juge que cela nécessite une politique communautaire impliquant l’Espagne et l’Italie, qui doivent accepter le même niveau de contrôle que nous. Il constate que les statistiques sont opaques sur les mouvements intracommunautaires. “ Une plus grande clarté est très souhaitable ” conclut-il. Réponse du président : “ Les chiffres relatifs aux mouvements de vins transfrontaliers que nous possédons sont “ extrapolés ”. À l’époque des codes-barres et de l’informatique, seul le refus de l’INAO empêche d’établir des statistiques fiables. C’est très regrettable. ” Notre invité Roger VERDIER de FLAUX, vigneron des Costières, a été successivement riziculteur et arboriculteur, avant de créer un domaine viticole en 1968. Il estime qu’il a bien travaillé et bien gagné sa vie. Pour faire face aux enjeux d’aujourd’hui, il pense que la commercialisation n’a pas la place qui lui revient dans les priorités des viticulteurs et dans la formation des jeunes. Notre invité Jacques PIOT, ancien haut fonctionnaire de l’Agriculture, nous présente une bouteille d’inspiration anglo-saxonne : verre blanc, pas d’étiquetage mais marquage du verre, bouchon de couleur en plastique. “Que faut-il en penser?” demande-t-il au président GRAVEGEAL. Réponse du président : “Cet emballage, c’est le Troisième millénaire, et ça fait vendre. Gardons-nous de juger à la place du consommateur, c’est lui en fin de compte qui fait ses choix. ” CRÉATION D’UN GROUPE X-ÉCONOMIE-VAR Les compétences intellectuelles en activité ou en retraite sont nombreuses dans le Var ; or il apparaît difficile de les réunir régulièrement pour aborder les problèmes économiques théoriques, locaux, régionaux, nationaux, européens ou internationaux. Pourtant la réflexion sur ces sujets, dans leurs aspects techniques et juridiques, constitue un point de passage obligé de l’élaboration d’avis éclairés non polémiques sur les décisions qui engagent lourdement l’avenir. Face à l’absence actuelle de structures adaptées il serait bénéfique de créer un “club” aussi souple que possible regroupant les personnes intéressées. Le club s’adresserait dans un premier temps aux X mais n’exclurait pas l’ouverture ultérieure à d’autres formations techniques ou juridiques. Les intéressés peuvent contacter : L. DESPORT (55) à [email protected] et peuvent visiter le site : www.trifolium-ancre.com 53-61_Vie de l'asso 6/02/06 14:34 Page 57 X-ENVIRONNEMENT ■ CONFÉRENCE-DÉBAT mercredi 8 mars 2006 de 18 h à 20 h, Maison des X, 12, rue de Poitiers, 75007 Paris. Métro Solférino/RER Musée d’Orsay. Entrée libre. Les bâtiments très faiblement consommateurs d’énergie Un gisement important de diminution des consommations et des émissions de CO2 réside dans les bâtiments que nous occupons (chaleur, froid, électricité spécifique…). Afin d’en mieux cerner les enjeux, le groupe XEnvironnement vous convie à une réunion-débat sur le thème “ Des bâtiments très faiblement consommateurs d’énergie ” – ou comment parvenir au “Facteur 4” chez soi et au bureau? Les questions à résoudre sont en effet multiples : faisabilité technique (comment diminuer drastiquement les consommations dans un bâtiment résidentiel ou tertiaire), aspects réglementaires (incitations ou obligations) et prospective (échelles de temps à considérer, enjeux industriels et impacts économiques pour parvenir à diviser par 4 les consommations sur l’ensemble du parc français d’ici 2050). Le débat, préparé et animé par A. CHARDON (88), sera introduit par trois intervenants : • Olivier SIDLER, président du bureau d’études ENERTECH, spécialiste des consommations dans le bâtiment, présentera le volet technique, • Régis MEYER, responsable bâtiment à la Mission interministérielle de l’effet de serre, qui exposera le volet réglementaire, • Pascal EVEILLARD, directeur marketing chez Saint-Gobain ISOVER et animateur du collectif ISOLONS LA TERRE, qui présentera le volet industriel sur l’exemple de l’isolation. ■ CONFÉRENCE-DÉBAT mercredi 22 mars 2006 de 18 h à 20 h, Maison des X, 12, rue de Poitiers, 75007 Paris. Métro Solférino/RER Musée d’Orsay. Entrée libre. Les brevets sur le vivant : jusqu’où repousser les limites de l’appropriation marchande? Quels sont les enjeux autour des ressources génétiques ? En 1992 lorsque s’ouvrent les négociations de la Convention sur la diversité biologique (CDB), le développement spectaculaire du secteur des biotechnologies promet d’importantes retombées commerciales. Or la rentabilisation des investissements de recherche passe, en biologie comme ailleurs, par la protection des découvertes et des innovations. Les brevets, à l’origine conçus pour protéger des inventions industrielles, ont été étendus aux gènes et aux êtres vivants au fur et à mesure des progrès du génie génétique. Avec pour objectif la conservation de la diversité biologique et son usage durable, la CDB aboutit à la reconnaissance de la souveraineté des États (du Sud) sur leurs ressources génétiques en échange de la reconnaissance des brevets industriels (du Nord). La définition des droits de propriété sur le vivant doit en effet permettre la création d’un VIE DES PROMOTIONS ÉLECTION À L’ACADÉMIE DES SCIENCES Notre camarade Roland GLOWINSKI (58) a été élu à l’Académie des sciences, dans la section des Sciences mécaniques et informatiques, le 29 novembre 2005. marché des ressources génétiques générateur d’importants profits industriels et dont les retombées financières assureront la protection de la biodiversité. Dans la foulée, le GATT sanctionne l’extension des brevets sur le vivant avec les accords sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC), sans pour autant reprendre les objectifs de la CDB. Quelles sont les conséquences aujourd’hui de l’abandon de la notion de patrimoine commun de l’humanité et de la banalisation de la “ marchandisation ” du vivant ? Le marché des ressources génétiques a-t-il permis de valoriser la biodiversité et donc d’inciter à sa protection ? Pour introduire le débat, préparé et animé par Marie-Véronique GAUDUCHON (91), membre du bureau de X-Environnement, trois conférenciers nous offriront leur point de vue : • Madame Laurence TUBIANA, directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), qui nous expliquera pourquoi et comment la brevetabilité des ressources génétiques est entrée au cœur des négociations internationales sur la biodiversité. • Madame Catherine AUBERTIN, directrice de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et coordinatrice du groupe de recherche “ Quels marchés pour les ressources génétiques?” soutenu par l’Institut français de la biodiversité (IFB), qui illustrera la mise en œuvre des accords bilatéraux dans le cadre de la CDB et les conséquences des droits de propriété intellectuelle sur le vivant. • Monsieur Michel Trommetter, chargé de recherches au Laboratoire d’économie appliquée de Grenoble (INRA – université Pierre Mendès-France), membre du conseil scientifique de l’IFB, qui présentera une analyse économique du marché des ressources génétiques et fera le lien entre la CDB et les accords sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) de l’OMC. En savoir plus sur les activités du groupe X-Environnement : www.x-environnement.org 1937 – Erratum • Le camarade CARDOT signale que son adresse dans l’Annuaire 2006 doit être lue “Château de Courcelle” à Gif-sur-Yvette comme dans les 50 annuaires précédents. • L’adresse de messagerie Internet de Gilbert DREYFUS est : [email protected] 1938 Prochain magnan le jeudi 16 mars 2006 (épouses et veuves conviées) au Restaurant administratif de la Montagne Sainte-Geneviève (25, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, 75005 Paris) à 12 h 30. S’inscrire pour le 10 mars au plus tard auprès de GUILLEMIN (tél. : 01.47.51.69.73) ou 06.75.98.06.53. CARNET PROFESSIONNEL En partenariat avec : • Armand BATTEUX (59) est nommé président d’Equip’Auto. • Jean-Paul BAILLY (65) est nommé président du Conseil de surveillance à Efiposte. • Dominique TEISSIER (65) est nommé viceprésident de l’Ordre des architectes Île-deFrance. • Alain BUGAT (68) est nommé administrateur général au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). • Claude IMAUVEN (77) est nommé directeur général de BPB Placo. • Marc MORTUREUX (80) est nommé directeur général adjoint ressources de l’Institut Pasteur. • François STEINER (81) est nommé viceprésident de la Chambre syndicale du prêt-àporter, des couturiers et des créateurs de mode. • Bruno ANGLES (84) est nommé partner du Cabinet Mercer Delta. • Pierre DERIEUX (85) est nommé vice-président du bureau de Paris de The Boston Consulting Group. • Benoît BRUNOT (92) est nommé directeur général des Sociétés d’exploitation des aéroports de Grenoble et Chambéry. • Igor PRIMAULT (2000) est nommé chargé de la régulation des offres de gros d’accès large bande à l’unité accès haut débit de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP, ex-ART). CHERS CAMARADES INTERNAUTES, CONSULTEZ LE SITE : http://www.la-jaune-et-la-rouge.com Vous y trouverez les pages de couverture et les sommaires des numéros de La Jaune et la Rouge parus depuis janvier 2002. Les abonnés à La Jaune et la Rouge pourront en outre consulter les articles parus depuis janvier 2004. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 57 53-61_Vie de l'asso 6/02/06 14:34 Page 58 Rencontres avec des hommes remarquables D.R. Le retour de l’ambition politique Passer de la démocratie à la responsabilité Entretien avec Jacques Attali Jeudi 23 mars 2006 à 18 h 45 Palais des Congrès Congrès, niveau 2 – Salle de conférences 252 AB Place de la porte Maillot – 75017 Paris Jacques Attali “Démocraties molles, avec le marché comme seul exercice de la liberté politique individuelle”, “individualismes nonchalants, vaguement solidaires “, “ vision à court terme et panne de créativité ” ou encore, “ pilotage à vue, dans les tempêtes du moment ”… Comment transformer toutes ces critiques, destinées à la gauche comme à la droite, en un véritable projet de société qui accompagne les mutations profondes de notre civilisation ? Comment porter ce projet nécessairement à l’échelle mondiale et l’expliciter avec pédagogie à l’échelle locale ? N’est-ce pas l’ambition, le rôle et le devoir du politique ? Jacques Attali nous présentera des pistes de réflexions et d’actions qui admettent la “ réhabilitation de l’utopie ” et de la “ révolution civilisée ”. Il redonnera du sens et de l’épaisseur au temps. L’homme Conseiller spécial auprès du Président de la République de 1981 à 1991, Jacques Attali est aujourd’hui président de PlaNet Finance, organisation internationale à but non lucratif, rassemblant l'ensemble des institutions de microfinance du monde et de A & A, société internationale de conseils, spécialisée dans les nouvelles technologies. Il a été le fondateur et premier président de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (1991à 1993), fondateur d’Action Contre la Faim en 1980, du programme européen Eurêka en 1984. Il a lancé un programme international d'action contre les inondations catastrophiques au Bangladesh, en 1989, puis a conseillé le Secrétaire général des Nations unies sur les risques de prolifération nucléaire. Il est à l’origine de la réforme de l’enseignement supérieur qui harmonise tous les diplômes européens. Docteur d'État en Sciences économiques, Jacques Attali est diplômé de l'École polytechnique et de l'École nationale d'administration. Il est l'auteur de 40 livres, diffusés à plus de 6 millions d'exemplaires dans le monde entier. Cet événement est conçu et organisé par l’Association “ Rencontres avec des hommes remarquables ”. Les bénéfices de cette conférence servent à financer des projets humanitaires ou de recherche, à caractère non lucratif. En partenariat avec : CONFÉRENCE JACQUES ATTALI – JEUDI 23 MARS 2006 À 18 H 45 HEURES Coupon-réponse à retourner au plus tard le 22 mars 2006, accompagné d’un règlement de 20 €, à l’Association “ Rencontres avec des hommes remarquables ” (RHR) 37, rue du Bois de Boulogne, 92200 Neuilly-sur-Seine Nom : ............................................................................................................................. Prénom : ........................................................... Promotion : ..................... Tél. : ............................................................................................... Courriel : ................................................................................................................................................. Assistera à la conférence de Jacques Attali, accompagné de ........ personnes. Ci-joint un chèque de participation de 20 euros x .............. = .............. euros 58 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE 53-61_Vie de l'asso 6/02/06 14:35 Page 59 7e colloque international des anciens élèves de l’ENA, HEC et Polytechnique Avec le parrainage et en présence de M. Thierry BRETON, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie Centre de conférences Pierre Mendès-France (ministère de l’Économie) jeudi 30 mars 2006 Le capitalisme a-t-il un avenir ? PROGRAMME 11 h – 11 h 15 : Pause. 8 h 30 – 9 h : Accueil café. 11 h 15 – 12 h 45 : Nouveaux riches et nouveaux pauvres. L’État se reconnaît le devoir de favoriser la croissance et les entreprises celui d’être “ citoyennes ”. À l’heure du développement durable, qui voit l’irruption de la société au sein de l’entreprise, qui est responsable de quoi ? Saurons-nous résoudre les problèmes de la pauvreté ? Le capitalisme peut-il faire reculer l’exclusion ? 9 h – 9 h 30 : Ouverture, animée par Jacques Barraux, directeur de la rédaction, Les Échos. Dialogue entre les présidents des trois associations : • Mercedes Erra, présidente exécutive Euro RSCG Monde, présidente de l’Association des diplômés HEC, • Pierre-Henri Gourgeon, directeur général exécutif d’Air France, président de l’Association des anciens élèves de l’École polytechnique, • Arnaud Teyssier, directeur du centre d’études et de prospective du ministère de l’Intérieur, président de l’Association des anciens élèves de l’ENA. 9 h 30 – 11 h : Quel profit pour quel partage ? Le profit est partout mis en avant mais privilégie-t-on le court terme ou le long terme ? Des fonds de pension anglo-saxons à la “veuve de Carpentras ”, en passant par l’actionnariat familial ou salarié, la notion d’actionnaire recouvre des intérêts non seulement différents mais parfois contradictoires. La question du partage du profit s’en trouve reposée sur des bases nouvelles, qui doivent également prendre en compte la relation propriétaire-manager. Entre actionnaires et salariés, entre les dirigeants de grandes entreprises et les autres salariés, les modalités de partage du profit doivent-elles changer ? Comment et jusqu’où ? Quel est le bon équilibre à trouver pour assurer la solidité du système économique ? Table ronde animée par Erik Izraelewicz, directeur adjoint de la rédaction, Les Échos, avec : • Joël Decaillon, secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats (CES), • Alain Leclair, président de l’Association française de la gestion financière (AFG), • Gérard Mestrallet, président du Groupe Suez, • Jean Peyrelevade, auteur de Le capitalisme total, • Édouard Tétreau, directeur général de MEDIAFIN, auteur de Analyste au cœur de la folie financière (Grasset). Échanges avec la salle. Table ronde animée par un journaliste radio avec : • Jean-Paul Bailly, président du Groupe La Poste, • Claude Bébéar, président du conseil de surveillance d’AXA, président de l’Institut Montaigne, • Daniel Cohn-Bendit, coprésident du Groupe VERT/ALE, Parlement européen, • Martin Hirsch, président d’Emmaüs France, • Philippe Lagayette, président de JP Morgan en France, • Patrick Viveret, philosophe, auteur du rapport “ Reconsidérer la richesse ”. Échanges avec la salle. 12 h 45 : Intervention de Jacques Attali, président de PlaNet Finance. Déjeuner 14 h 30 – 16 h : Le Nord a-t-il sacrifié le Sud ? Avons-nous renoncé à réduire l’écart entre pays riches et pays pauvres ? Les déséquilibres démographiques sont-ils explosifs? Protection contre les risques, santé, sida, eau, communications… Que voulons-nous faire pour les pays en développement ? Quelle place pour les pays charnières ? Le Nord perd-il le Sud ? Table ronde animée par un journaliste de TV5 avec : • Donald J. Johnston, secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), • Vincent Redier, président d’AON en France, • Ibrahima Sall, ancien ministre de la Coopération du Sénégal, • Jean-Cyril Spinetta, président du Groupe Air France-KLM, • James Wolfensohn, ancien président de la Banque Mondiale. Échanges avec la salle. 16 h – 16 h 15 : Pause. 16 h 15 – 17 h 45 : Vers un nouveau capitalisme ? Entre l’autorégulation professionnelle, le contrôle des comptes, les autorités indépendantes, les contrôles de l’État, de l’Union européenne ou d’organismes internationaux, les jugements des tribunaux de tous ordres… quel bilan et quelles perspectives ? La barrière public-privé doit-elle être déplacée ? Table ronde animée par Franz-Olivier Giesbert, directeur, Le Point, avec : • Patrick Gounelle, président d’ERNST & YOUNG en France et Europe du Sud, • Ashwini Kakkar, chef d’entreprise indien, • Laurence Parisot, présidente du MEDEF, • Denis Ranque, président de THALES, • Hernando de Soto, président de l’Institut pour la liberté et la démocratie. Échanges avec la salle. 17 h 45 : Conclusion de Thierry Breton, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. RENSEIGNEMENTS : REGARDS International, Secrétariat général du colloque, Olga JOHNSON, 8, rue Fallempin, 75015 Paris. Tél. : 01.45.78.18.50. Fax : 01.45.77.73.61. Courriel : [email protected] www.regards-international.com LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 59 53-61_Vie de l'asso 6/02/06 14:35 Page 60 Carnet polytechnicien ■ 1922 ■ 1939 ■ 1930 ■ 1941 Décès de Jacques Eisenmann le 10.1.2006. Décès de Maurice Giraud le 29.12.2005. ■ 1935 Décès de Jean Doublet, père de Francis Doublet (72), le 8.1.2006. Décès de Georges de Masson d’Autume le 14.1.2006. Décès de Jacques Sordoillet le 8.1.2006. Décès d’André Lefebvre, père de Bernard Lefebvre (74), le 17.12.2005. ■ 1942 Décès de Jacques Richard le 3.12.2005. ■ 1943 Décès de Léon Massat de Paulou le 10.1.2006. ■ 1937 Décès de Jean Bleuzen le 31.7.2004. André Legendre fait part du décès de son épouse, née Françoise Fournier, le 7.12.2005. Décès de Michel Ozanne le 9.12.2005. Décès de Madame Bernard-Guy Peyret, née Simonne Ferriol, le 7.1.2006. Décès de Pierre Sainflou, caissier de la promo, le 13.1.2006. ■ 1938 Décès d’Henri Lafaurie le 4.1.2006. Paul Bassole fait part de la naissance de son quatrième petit-enfant, Mylo Camille Bassole, le 12.10.2005. ■ 1944 Décès de Georges Renaud le 21.12.2005. Décès de Denis François Dayonnet le 18.1.2006. ■ 1945 ■ 1955 Mado et Raymond Chastel font part de la naissance de leur septième petit-enfant, Marie, le 21.12.2005, chez Bénédicte et Xavier Chastel (87). ■ 1956 Jacques Aviron-Violet fait part du mariage de son fils Jean-Cyriaque avec Kati Jansson le 23.7.2005 et de la naissance de son onzième petit-enfant (quatrième petite-fille), Amandine, fille de Cédric et Laurence Feyrit, le 28.9.2005. Paul Poujol de Molliens fait part de la naissance le 23.11.2005 de son huitième petit-enfant, Victor, fils de Sabine et d’Antoine Filipe (90). ■ 1957 Décès de Raymond Hélias le 29.12.2005. André Le Saux fait part de la naissance de son petit-fils Antoine, le 8.9.2005, et premier enfant de Thierry et Agnès Le Saux-Narjoz. ■ 1953 ■ 1958 François Rouillé fait part de la naissance de son douzième petit-enfant, Ulysse, le 8.1.2006, chez Hervé et Marina. Michel Faingold fait part de la naissance de son premier petit-enfant, Martin, chez Anne et Stanislas Brachet, le 8.11.2005. ■ 1961 115e Bal de l’X Valorisez l’image de votre entreprise auprès de vos clients français et étrangers ! Un événement unique en France, un lieu emblématique à Paris, vendredi 31 mars 2006, spectacle de ballet contemporain, cocktail, dîner de gala, grand bal, votre soirée d’excellence à l’Opéra Garnier. Pour recevoir le bulletin de réservation “ Soirée Privilège ” spécial entreprises, merci de contacter Geneviève Guillemet, téléphone : 01.56.81.16.93, télécopie : 01.56.81.16.99. Société amicale des anciens élèves de l’École polytechnique – AX, 5, rue Descartes, 75005 Paris, tél. : 01.56.81.11.00, [email protected] 60 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Marcel Cassou fait part de la naissance de son premier petit-fils, Axel, le 5.10.2005, chez Emmanuel et Cécile. ■ 1964 Décès de Paul Le Jan le 21.1.2006. ■ 1965 Dominique Haberer fait part de la naissance le 18.12.2005 de sa première petite-fille, Élodie, au foyer de sa fille Marie-Laure et de Xavier Denay. ■ 1966 Xavier Jourdain de Thieulloy fait part de la naissance de ses douzième à quinzième petits-enfants : Jacques de Thieulloy, fils de François-Xavier (95) et Marguerite ; Agathe Molin, fille de Patrick et Marie-Liesse ; Jean Huet, fils de Pierre-Martin (95) et AnneCécile; Cyprien de Thieulloy, fils de Guillaume et Anne. ■ 1967 Jean-Paul de Gaudemar fait part de la naissance le 30.12.2005 de son petit-fils Milo, fils de Caroline Faveris et Fabrice de Gaudemar (93), arrière-petit-fils de Jean Bodin (43). ■ 1970 Ghislain Weisrock fait part du décès de sa mère Marie Weisrock, le 17.4.2005 et de son père Gaston Weisrock, le 17.5.2005 ainsi que de la naissance de ses petitesfilles : Margaux, le 31.10.2004, chez Gauthier et Véronique Weisrock, et Chloé, le 14.2.2005, chez Guillaume et Caroline Weisrock. 53-61_Vie de l'asso 6/02/06 14:35 Page 61 LE SITE DU 115E BAL DE L’X La Commission du Bal vous informe que le site Internet réalisé avec la participation active d’Alexandra Mannaï, élève de la promotion 2003, et Étienne Jourdier, élève de la promotion 2004, est accessible à tous (polytechniciens, individuels, groupes…) pour connaître le programme de la soirée de gala et faciliter votre inscription en ligne. Nous vous souhaitons une bonne visite sur le site www.baldelx.com et une bonne soirée au Bal de l’X 2006 ! Vous pouvez aussi réserver vos places en contactant l’AX, Commission du Bal, 5, rue Descartes, 75005 Paris, inscriptions individuelles : 01.56.81.11.04, inscriptions entreprises : 01.56.81.16.93, ou par courriel à [email protected] ■ 1972 Francis Doublet fait part du décès de son père, Jean Doublet (35), le 8.1.2006. ■ 1973 Marie-Laurence Pitois-Pujade fait part du décès de sa mère, Éliane Pitois, le 28.12.2005, belle-mère de Jean-Paul Rivet (55, décédé). ■ 1974 Bernard Lefebvre fait part du décès de son père, André Lefebvre (41), le 17.12.2005. ■ 1976 Jean-Dominique Martin fait part du mariage de son fils Guillaume, petit-fils de Jean Duverny (45), avec Virginie Champonnois, le 24.9.2005. ■ 1986 Antoine-Tristan Mocilnikar fait part de son mariage avec Sandra Fèvre le 8.7.2005. ■ 1987 Jean-Baptiste Baudy fait part de son mariage avec Jeanne-Marie Bureau le 2.7.2005. Bénédicte et Xavier Chastel font part de la naissance de leur fille Marie, le 21.12.2005. ■ 1989 Paul Doppler fait part de la naissance de son troisième enfant, Arthur, le 26.11.2005. ■ 1991 Laurent Manifacier fait part de la naissance de son troisième enfant, Eulalie, le 28.11.2005. ■ 1992 Yan Georget fait part de son mariage avec Mahnouch Khairy le 30.4.2005. ■ 1993 Lionel Assant fait part de son mariage avec Florence Ahern le 17.12.2005. Caroline Faveris et Fabrice de Gaudemar font part de la naissance le 30.12.2005 de leur fils Milo, petit-fils de Jean-Paul de Gaudemar (67) et arrière-petit-fils de Jean Bodin (43). ■ 1994 Marie-Agnès et Emmanuel Laillier font part de la naissance de leurs enfants, LouisMarie et Aliénor, le 1.12.2005. ■ 1995 Marguerite et François-Xavier de Thieulloy font part de la naissance de leur troisième enfant, Jacques, le 3.6.2005. ■ 1996 Caroline et Julien Puyou font part de la naissance de leur fille Enora, le 6.9.2005. ■ 1997 Adrien Vesval et Mirna Daouk font part de leur mariage le 30.12.2005. ■ 1999 Sophie Pinot-Périgord de Villechenon et Julien Merceron font part de leur mariage le 25.8.2005. Nadia Feraoun et Cédric Bouzigues font part de la naissance de leur fille Inès, le 13.11.2005. ■ 2000 Sylvie Lannou et Pierre-Yves Guidotti font part de leur mariage le 2.7.2005. ■ 2003 Décès de Nicolas du Pouget le 4.1.2006. LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 61 62-64_Annonces 6/02/06 14:36 Page 62 ANNONCES BUREAU DES CARRIÈRES – AX 5, rue Descartes, 75005 Paris. Téléphone : 01.56.81.11.14. Télécopie : 01.56.81.11.03. Courriel : [email protected] Site Web : www.abcdx.com Nicolas ZARPAS (58) du BUREAU DES CARRIÈRES est à la disposition des camarades en recherche d’emploi ou souhaitant réfléchir sur l’orientation de leur carrière, pour les recevoir et les conseiller. En effet, un entretien est toujours souhaitable et peut aider efficacement avant un changement de situation. Compte tenu de son expérience professionnelle, le Bureau des Carrières peut aussi répondre aux questions que se posent les jeunes camarades avant leur premier emploi, ou, plus généralement, au moment où ils réfléchissent à leur orientation et cherchent à définir leur projet professionnel. Pour aider les camarades en recherche d’emploi, et leur permettre de se rencontrer pour débattre de leurs démarches, l’AX met à leur disposition, gratuitement, un bureau situé à l’AX, 5, rue Descartes, 75005 Paris. Les camarades intéressés par les Offres d’emploi adressées par des sociétés ou des “ chasseurs de têtes ” peuvent les consulter sur www.manageurs.com site à vocation internationale de mise en contact entre recruteurs et anciens ou élèves. Seules les annonces reçues par courrier, fax ou courriel seront traitées (aucune annonce par téléphone). Tarifs 2006 annonce permanente : 9 € la ligne par mois Le règlement s’effectue en fin d’année. Les annonces à publier dans le numéro d’avril 2006 devront nous parvenir au plus tard le mercredi 15 mars 2006. 62 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE OFFRES DE SITUATION Elles sont sur le site Web : www.abcdx.com Annonces permanentes ■ 0286 – Webnet conçoit, réalise et exploite des applications Internet, intranet, clientserveur pour les plus grandes entreprises françaises, en modes régie et forfait. Nous recherchons des ingénieurs de développement dans les environnements. Net et Java J2EE. Contacter Thierry SCHWAB (PDG, X 66), [email protected] - 01.46.84.05.05 www.webnet.fr - 32, rue de Bellevue - 92773 Boulogne Cedex. ■ 2455 – ABD, Agency of Business Design, société de conseil opérationnel, réalise pour le compte de grands groupes, des opérations de trois natures : – partenariats et en particulier des opérations d’externalisation, – cession et acquisition d’activités industrielles, – compétitivité des fonctions de support (utilités, logistique, fonctions administratives). Dans le cadre de son développement, ABD recherche des jeunes Chargé(e) s d’Affaires (de 0 à 3 ans d’expérience). ABD propose aux consultants des missions opérationnelles avec impacts concrets pour les clients au confluent de la stratégie, de la finance, de l’organisation et des ressources humaines. • Dynamiques, entrepreneurs et pragmatiques, ils travailleront avec leur directeur d’affaires qui les encadrera et avec les dirigeants de nos sociétés clientes sur des projets à forts enjeux. Ils bénéficieront d’une formation approfondie (stratégie, organisation, négociation, conduite de changement…). Rémunération attractive. Merci d’envoyer votre CV + lettre de motivation à Monsieur Hervé MOAL, ABD, 147, avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-surSeine ou par e-mail : [email protected] (ne pas téléphoner). ■ 3523 – Bertin Technologies, Groupe leader en expertises et en réalisations technologiques pluridisciplinaires (400 personnes dont 330 ingénieurs en mécanique, électronique, optique, logiciel, biologie…), recherche pour soutenir sa croissance des ingénieurs experts, des chefs de projets et des responsables d’activités à haut potentiel (management d’équipes, conduite d’études et de développement d’équipements à forte valeur ajoutée). Esprit d’entreprise, innovation technologique, professionnalisme dans la satisfaction des clients et la conduite de projets sont nos valeurs. Venez les partager avec nous et nos partenaires. Contact : Philippe Demigné X 82, président. Tél. : 01.39.30.61.00. [email protected] - www.bertin.fr 6/02/06 14:36 Page 63 ■ 9318 - ModelEdition SA, spécialiste amélioration processus budgétaire et business plan intervenant auprès directions grandes entreprises. Pour accompagner notre développement recherchons futurs partenaires seniors avec expérience confirmée conseil en management et/ou direction générale dans un ou plusieurs secteurs industriels. Contacter Raoul de Saint-Venant (X 73), [email protected] ■ 1076 - A.I.R. Grâce à l’informatique, les aveugles et les malvoyants retrouvent une autonomie impensable jusque-là pour lire, écrire, communiquer… L’Association A.I.R. la leur apporte en leur apprenant à utiliser un ordinateur. En plein développement, elle recherche un jeune retraité bénévole prêt à s’investir et désireux d’y prendre des responsabilités. S’adresser à Pierre Miret (X 52) A.I.R. - 4, rue Auber - 75009 Paris. Tél. : 01.400.600.60. E-mail : [email protected] Site : www.air-asso.org DEMANDES DE SITUATION Elles sont sur le site Web : www.abcdx.com ■ 3455 - Formation : École polytechnique (81), ENSTA - Expérience réussie dans différentes fonctions des opérations (production, industriel, achats) au sein d’entreprises internationales de biens de consommation. Recherche un poste de Directeur des opérations ou Directeur des achats dans un groupe international à composante industrielle. Anglais, allemand courants. ■ 3460 - Formation : École polytechnique (76), Sup-Aéro civil, 48 ans, 23 ans d’expérience dans la R & D et l’innovation (management de projets et de bureaux d’études, stratégie technique, business development) dans différents secteurs hi-tech (aéronautique, spatial, armement, nucléaire, productique) au sein de grandes entreprises (Thomson, Matra, Dassault, Giat) ainsi qu’en PME. Cherche poste tourné vers l’innovation et la préparation de l’avenir : direction technique, prospective, développement d’activité, marketing stratégique. ■ 3461 - Chef de projet X 81, Télécom. Compétences affirmées en architecture et développement de produits complexes, encadrement d’équipes pluridisciplinaires, mise en place de contrats et pilotage de soustraitants majeurs, maîtrise des coûts et des délais. Expérience variée dans le secteur spatial (clients, contraintes coûts et délais, anomalies). Recherche poste de Direction de Projet, encadrement de chefs de projet, direction d’études et développements dans un secteur à fort contenu technologique. ■ 3462 - X76, MBA Insead. Anglais courant. Vente et marketing B2B - Conseil - Systèmes d’information - Supply chain management. Expérience 23 ans chez Hewlett-Packard, IBM, i2 Technologies. Recherche poste de direction secteurs des prestations de services, systèmes d’information, industries High-Tech. ■ 3463 - X 75, ENSAE (statisticien économiste), doctorat en mathématiques de la décision. Forte expérience dans le domaine de la formation (enseignement en écoles d’ingénieurs et de gestion) et ingénierie de la formation (conseil pédagogique, direction d’études) et expérience significative en entreprise (consulting), maîtrise de l’anglais et allemand courants + arabe. Recherche poste à caractère pédagogique (formation, conseil en formation, direction d’études). ■ 3464 - Formation : École polytechnique (79), ENSTA - Expérience managériale et technique réussie (direction usine, production, achats) acquise au sein d’entreprises internationales productrices de biens de consommation dans des milieux très concurrentiels. Recherche un poste de Direction générale de business unit au sein d’entreprise à composante industrielle. Anglais, allemand courants. d’équipes et coopération pluridisciplinaire. Participation à de nombreux projets en coopération européenne. Recherche poste de direction d’un centre de recherches ou de programmes de recherche technologique, en environnement international. ■ 3467 - X 84, Armement, Sup-Aéro, IAE, 16 ans d’expérience dans l’aéronautique – essais, conduite d’un grand projet, management d’une unité de production, soutien logistique intégré, maintien en conditions opérationnelles et rétrofits d’aéronefs. Cherche poste dans l’industrie de haute technologie ou l’ingénierie (conduite de programme, service à la clientèle, ou commercial État français). ■ 3466 - 28 ans d’expérience en management de recherche technologique et de développement produits, dans secteurs industriels variés. Maîtrise des processus de R&D, y compris des transferts entre recherche et application. Compétences en management Abonnement à La Jaune et la Rouge Que vous soyez ou non ancien de l’École polytechnique, vous avez la possibilité de vous abonner à notre revue en renvoyant le bulletin ci-dessous, accompagné d’un chèque de 33 euros à l’ordre de Amicale AX, à l’adresse suivante : AX, 5, rue Descartes, 75005 Paris. Pour toute inscription avant février 2006, vous recevrez les trois derniers numéros gratuitement. ✂ 62-64_Annonces Bulletin d’abonnement à La Jaune et la Rouge Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .......................................................................................................................... Courriel : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Téléphone : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ❏ Désire être abonné à La Jaune et la Rouge en 2006. (10 numéros) Signature : LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 63 62-64_Annonces 6/02/06 14:37 Page 64 ANNONCES AUTRES ANNONCES 5, rue Descartes, 75005 Paris Téléphone : 01.56.81.11.11. Télécopie : 01.56.81.11.01 Courriel : [email protected] OFFRES DE LOCATIONS Province ■ LB776 –PRESQU’ÎLE DE GIENS - Belle maison 200 m2, 150 m port Niel, tt cft, 6/8 pers. De juin au 5 août. Tél. : 01.46.37.18.88. ■ LB777 - AUVERGNE (63) - Château de Saint-Agoulin, gîte, séjour cheminée 70 m2 + 3 chbres, jardin, parc, tennis et poney club. ÉTAT NEUF. 700 €/semaine. 04.73.33.00.49. Les annonces sont publiées à titre de service rendu aux camarades et n’engagent pas la responsabilité de l’AX. Elles sont publiées sur le site Internet www.polytechniciens.com au début du mois de parution dans la revue. Tarifs 2006 : la ligne Étranger ■ LC37 - X 52 - Riad 8 personnes, cœur médina Marrakech. Cuisine et piscine, trois serviteurs, brumisation externe et climatisation interne. 01.40.27.80.22. DIVERS ■ D420 - Benoît RICHARD, Sciences Po, (fils Richard 42), conseil immobilier, RECHERCHE APPARTEMENTS et PROPRIÉTÉS, (vente, location) - conditions spéciales X - Agence Internationale ÎLE-SAINT-LOUIS, 75004 Paris. Tél. : 06.09.74.38.37 (et 01.44.41.01.00), [email protected] ■ D421 - Épouse BOLLIER (64) cherche belles maisons ou beaux appts VIDES ou MEUBLÉS pour étrangers en séjour Paris ou environs - 6 mois à 2 ans - garanties financières - loyers intéressants - conditions préférentielles. Quality Homes Internat. Tél. : 01.44.71.35.44. Fax : 01.47.57.75.57. [email protected] ■ D422 - Fils TUGAYE (48), ébéniste d’art, effectue restauration et travaux tous styles sur plans. Conditions spéciales aux X et familles. Tél. : 01.43.79.13.52. ■ D423 - Valérie BONIN, graphiste, fille GODEFROY (51), réalise tous travaux de création et de mise en page : logos, cartes de visite, plaquettes, affiches… Tél. : 01.40.54.72.75. Site Internet : http://valmusette.free.fr Courriel : [email protected] 64 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE Demandes de situation : Offres d’emploi : Immobilier : Divers : 7€ 9€ 13 € 15 € Les annonces à publier dans le numéro d’avril 2006 devront nous parvenir au plus tard le mercredi 16 mars 2006. ■ D424 - Épouse GASTINE (49) recherche pour son Agence Gastine Immobilier, Paris VIIe, appartements à vendre sur Paris et banlieue. 06.07.53.25.09 - 01.45.67.88.55. [email protected] 00_Couv-3 6/02/06 14:06 Page 1 00_Couv-4 6/02/06 14:06 Page 1