Janvier 2002 - Sauramps Médical

Transcription

Janvier 2002 - Sauramps Médical
N°3
du
La Gazette
G roupe d’ e tude en o rthopé die P é diatrique
Janvier 2002 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours
editorial
G.e.o.P.
Nous voici dans la scoliose au gré
d’un rappel de la vie et de l’œuvre de
Pierre Stagnara qui, avec les Yves
Cotrel, Jean Dubousset, Ginette
Duval-Beaupère,
Claude-Régis
Michel, Christian Salanova et
quelques autres, a bouleversé les
concepts, classé, rénové, créé dans
ce domaine qui, à l’époque, n’était
réservé qu’à un tout petit nombre
d’initiés. Tout cela, il l’a fait au cours
d’une vie personnelle, familiale et
professionnelle exemplaire à tous
points de vue. Dans un prochain
numéro, un autre hommage lui sera
rendu au travers de l’histoire du
Centre Livet et de celui des
Massues de Lyon, " deux lieux
mythiques de la scoliose " où celleci changea de siècle. Il faut remercier Jacques Caton qui a si bien su
nous raconter l’homme autant que le
chirurgien, chacun inspirant le plus
grand respect.
L’insertion dans ce numéro d’un
vieux papier écrit par Marcel Lance
en 1925 dans le " Marseille Médical
" et retrouvé par Pierre Rigault au
cours d’un effort de rangement n’est
pas là pour occuper des colonnes.
Et sa reproduction dans ce numéro
de la Gazette dédié à la scoliose
n’est pas anodine.
Lorsqu’on lit ce papier avec attention, on se rend compte que la plupart des problèmes avaient été clairement posés, ceci, il y a bien longtemps. Il suffirait de changer
quelques mots et cet article pourrait
fort bien être publié aujourd’hui, s’il
n’était sa construction et l’allusion
critique faite aux orthésistes qui,
évidemment, ne la mériteraient pas
de nos jours.
Est-ce dire que rien n’aurait changé
dans le traitement orthopédique de
la scoliose depuis 7 décennies ? On
peut se poser la question. C’est probablement sur le plan technique,
matériel, que les progrès sont les
moins sensibles. Certes, les matériaux sont meilleurs, la fabrication
mieux pensée, plus rapide, moins
contraignante, moins agressive
mais dans l’ensemble, on ne s’est
pas très éloigné de ce que faisaient
nos aînés. Le principal progrès ne
réside pas dans la technique mais
bien dans la compréhension de ce
que l’on fait.
Qui était-il ?
Pierre Stagnara
(1917-1995)
J. Caton
(Lyon)..............................p. 2
Lorsqu’on veut aller quelque part, le
plus important n’est pas le moyen
de transport que l’on emprunte mais
bien de savoir pourquoi on veut y
aller et ce qu’on veut y faire. C’est
probablement là qu’il faut situer la
révolution de ces quarante dernières
années en matière de scoliose : nos
aînés ont su nous procurer une
boussole, une sorte de G.P.S. qui
nous dirige dans nos traitements.
C’est ce qu’avec Jacques Caton
nous avons voulu résumer et expliquer dans une " mise au point ".
Que tous ceux qui savaient déjà
nous pardonnent d’avoir tenu à
enfoncer le clou.
Bureau du GEOP
Deux radio-pédiatres répondent à
nos questions sur l’imagerie de la
scoliose. Ils apportent des précisions sur ce qu’on peut attendre des
examens que l’on demande, sur les
modalités de leur technique et sur
leurs limites. Il faut les remercier
d’avoir accepté de nous donner de
leur temps.
Membres du Bureau
G. BOLLINI (EPOS)
CH. GLORION (CFCOT)
M. ROBERT (SFCP)
C. ROMANA
J. SALES DE GAUZY
J.F. MALLET
P. LASCOMBES
Président :
J.P. MÉTAIZEAU (Metz)
1er Vice-Président :
J.M. ROGEZ (Nantes)
2e Vice Président :
D. MOULIES (Limoges)
Le Traitement
orthopédique
des scolioses
idiopathiques.
Principes et réalités
J.C. Pouliquen (Paris)
J. Caton (Lyon)..................p. 4
Ancien Président :
J. BÉRARD (Lyon)
Secrétaire Général :
B. de BILLY (Besançon)
Secrétaire Adjoint :
S. GUILLARD-CHARLES(Nantes)
Trésorier :
D. MOULIES (Limoges)
L’imagerie
dans la scoliose
Questions
au radiologue
P. Schmit (Paris)
H. Ducou Le Pointe (Paris)..p.5
Le corset
dans la scoliose
M.Lance (Paris)...................p. 6
Jean-Claude Pouliquen
ANCIEN PRÉSIDENT DU GEOP
La ScoLioSe chez SaURaMPS MeDicaL
Rédacteur en Chef :
J.C. POULIQUEN (Paris)
Rédacteur en chef-adjoints :
J. CATON (Lyon), G.F. PENNECOT (Paris)
Membres :
C. BRONFEN (Caen),
J.L. CEOLIN (Pointe à Pitre),
B. de COURTIVRON (Tours),
B. de BILLY (Besancon),
M. CHAPUIS ( Rennes),
S. GUILLARD-CHARLES ( Nantes)
J. LANGLAIS (Paris)
Correspondants :
G FINIDORI (Paris, R. JAWISH (Beyrouth),
JL. JOUVE (Marseille), C. MORIN (Berck),
P. LASCOMBES (Nancy)
J. SALES DE GAUZY (Toulouse)
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Fax : 04 67 52 59 05
Qui é tait-il ? Pierre Stagnara (1917-1995)
Jacques caton (Lyon)
Pierre Stagnara est né le 16 janvier
1917 à Loriol dans la Drôme. Son
père, Antoine, fonctionnaire et receveur à l'enregistrement était originaire du Nord de la Corse, sa mère
étant auvergnate, le grand-père
maternel de Pierre Stagnara dirigeait une fabrique de coutellerie et
eut une forte influence sur son
avenir.
UN ÉTUDIANT BRILLANT
Pierre Stagnara était déjà un bon
élève puisqu'il réussit son baccalauréat à 15 ans et demi, après des
études secondaires à Ambert,
Moulins et Saint-Etienne partageant
ses vacances d'été entre son grandpère et le scoutisme. En effet, on ne
peut parler de la vie de Pierre
Stagnara sans évoquer cette période qui fût à l'origine de beaucoup
d'événements et de découvertes
dans son existence outre sa vocation médicale, son mariage, de très
nombreuses et durables amitiés et
surtout son surnom "Pierral".
Pierre Stagnara fut nommé externe
des Hôpitaux de Lyon en 1935, il fit
son premier stage dans le service
du Professeur Gayet où il y tint le
rôle d’ " externe- pansement " qui
consistait en aide opératoire et lui
donnait une responsabilité d'anesthésie. En 1936, Pierre Stagnara
connut pour la première fois en tant
qu'externe le pavillon T. de l'hôpital
Edouard Herriot ; celui-ci était alors
dirigé par Gabriel Nové-Josserand,
premier titulaire de la chaire de chirurgie orthopédique et infantile. Le
premier contact avec la scoliose se
fit dans ce service par l'intermédiaire de Lucien Michel, oncle de
Claude-Régis Michel, qui s'occupait des enfants scoliotiques et qui
apprit à Pierre Stagnara à confectionner les corsets plâtrés.
Pierre Stagnara fut ensuite nommé
interne au concours d'avril 1939
puis effectua son service militaire à
l'hôpital de Besançon d'août 1939 à
avril 1940 où il fut mobilisé en
Alsace sur la ligne Maginot en tant
que médecin d'une unité chargée de
la remise en état de cette fortification. Puis, il fut rappelé à Lyon pour
achever son cursus universitaire,
passa sa thèse, reçut l'ordre de
rejoindre au plus vite l'Algérie et à
son retour à Lyon fut affecté à l'hôpital
militaire
Desgenette.
L'armistice signée, Pierre Stagnara
reprit le cours de ses études. Son
premier semestre d'lnternat en
novembre 1940 se déroula dans le
service du Professeur Desjacques.
Pierre Stagnara fit son quatrième
semestre d'lnternat à l'hôpital
Debrousse dans le service du
Professeur Guilleminet, successeur
désigné du Professeur Tavernier et
eut une activité de chirurgie expéri-
mentale dans le service du
Professeur Mallet-Guy. Il fut démobilisé le 31 octobre 1945 ayant
achevé son Internat.
DENISE …
Il est difficile de parler de Pierre
Stagnara sans parler de son épouse
Denise, toujours présente quelles
que soient les circonstances et qu'il
rencontra au cours d'activités
d'ordre culturel et caritatif. Denise
Stagnara était la fille du Docteur
Edmond Locard, fondateur à Lyon
du premier laboratoire de police
technique du monde. Personnage
très original qui fut un temps le
secrétaire particulier de Léopold
Ollier notamment au moment de sa
mort subite par apoplexie le 25
novembre 1900 ; il se tourna ensuite vers le Professeur Lacassagne
avant de poursuivre des études de
droit et de fonder le laboratoire de
police. Le mariage de Pierre
Stagnara avec Denise eut lieu le 2
juillet 1942 à Caluire où habitaient
les Locard. Pierre Stagnara et
Denise resteront fidèles à cette
demeure familiale. Denise suivit
Pierre à travers le monde dans les
congrès où on la voyait assister aux
séances scientifiques, toujours un
ouvrage à la main. A l'heure de la
retraite en juillet 1982, ils ne se
quittèrent plus du tout et c'est à
Denise que Pierre dicta son livre
"Les déformations du rachis" et
c'est avec elle qu'il soutint une
thèse de doctorat es lettres en
science de l'éducation intitulé
"Amour fidèle, utopie et réalité". Ils
rédigèrent ensemble un ouvrage
intitulé "L'éducation affective et
sexuelle en milieu scolaire" complété par un dernier livre commun
"Si l'on parlait d'amour". Pierre et
Denise eurent ensemble dix enfants
et il fut le grand-père gâteau que
l'on peut imaginer. Pierre Stagnara
avait même fondé pour ses petitsenfants dans son domaine de
Garranche dans le Beaujolais, une
Académie qu'il intitulait "transgénérationnelle de Garranche" de
façon à discuter de sujets choisis à
l'avance soit religieux, soit plus
généraux.
UN HOMME DE MÉTHODE
Après une année d'internat médaille
d'or, Pierre Stagnara devint à partir
d'octobre 1946 chef de clinique
dans le service du Professeur
Tavernier. Il y rencontra outre
Lucien Michel qu'il connaissait
déjà, Albert Trillat. Lucien Michel
lui apprend la technique des corsets
plâtrés, la fabrication, leurs indications et au bout de quelque temps
lui confie un certain nombre de
patients. C'est au cours de son
assistanat que Pierre Stagnara met
en place une technique méticuleuse
et rigoureuse de l'examen clinique
du patient scoliotique. Il pourra
ainsi conserver ses dossiers où est
emmagasiné un grand nombre de
mesures chiffrées associé à un dossier radiographique et photographique avec la rigueur que tout le
monde connaît. Pour Pierre
Stagnara, seul un bon dossier clinique permet d'apprécier les déviations vertébrales. En effet, "établir
un dossier caractérisant de manière
objective la déformation, est une
exigence absolue si l'on veut apprécier l'évolution de la déformation et
l'efficacité des thérapeutiques qu'on
lui a opposées".
Grâce à la tenue rigoureuse de ses
dossiers, Pierre Stagnara pourra
également avec l'aide de Robert
Fauchet, véritable entomologiste de
la scoliose, étudier et publier de
nombreux cas de maladies rares.
Pierre Stagnara codifiera vraiment
l'examen de la scoliose. Le sujet
devant être totalement dévêtu et le
matériel nécessaire à l'examen
devant comporter outre un fil à
plomb, un jeu de planchettes étalonnées, un mètre en bois, un gibbomètre, une toise et un tabouret de
50 cm de hauteur pour les mesures
comparées de la taille debout et
assise. La salle d'examen était également munie d'un tableau quadrillé
pour les photographies du sujet,
debout jambes tendues dans la
position non corrigée. C'est Pierre
Stagnara également qui s'attachera
beaucoup et qui codifiera l'examen
en position couchée en bout de
table pour une meilleure palpation
du rachis. Outre les clichés radiographiques debout, couché et en
suspension pour apprécier la
réductibilité de la scoliose, Pierre
Stagnara mettra au point un cliché
particulier : le plan d'élection encore appelé par les Américains " oblic
view " ou " incidence de Pierre
Stagnara " qui permet d'apprécier la
déformation dans son plus grand
déroulement. Dans les scolioses
majeures, outre les examens radiographiques, les examens respiratoires permettront d'apprécier le
retentissement de la scoliose et de
discuter l'indication chirurgicale.
En 1947, Maurice Guilleminet succède à Louis Tavernier comme chef
du service de chirurgie infantile
orthopédique du pavillon T de l'hôpital Edouard Herriot. Jusqu'en
1960, Pierre Stagnara restera un
collaborateur fidèle de Maurice
Guilleminet, participant à la création de la banque d'os, à l'essor du
traitement des scolioses, à la promotion de la kinésithérapie, à la
fondation du Centre Livet. Une
photo de service en 1961 rassemblera
autour
de
Maurice
Guilleminet, outre Pierre Stagnara,
Henri Dejour, Claude-Régis Michel,
Charles Picault et Robert Faysse.
2
Pierre Stagnara
LA BANQUE D’OS
Après la guerre, les greffes
osseuses sont abondamment utilisées en chirurgie orthopédique
notamment en chirurgie infantile et
traumatologique. Il s'agit souvent
d'autogreffes, mais après la publication des premiers essais de
banque d'os en 1948 aux Etatsunis, ainsi qu'après les travaux de
Robert et Jean Judet, révélant la
possibilité d'utiliser des transplants
hétéroplastiques à partir de veaux
réfrigérés à 60°, travaux également
inspirés par l'oeuvre de Léopold
Ollier, Pierre Stagnara explore cette
nouvelle voie du point de vue expérimental en collaboration avec l'institut Mérieux qui met à disposition
des locaux et le personnel nécessaire pour les prélèvements et les
préparations. A partir de 1952,
l'Ecole Vétérinaire de Lyon
(Professeur Barone) apporte son
aide pour l'expérimentation animale
et l'étude histologique des transplants. L'abattage des animaux se
fait dans les locaux de l'Institut
Français de la Fièvre Aphteuse
(IFFA). Les prélèvements sont effectués sur les membres puis irradiés
aux ultras violets. Ils sont ensuite
réfrigérés soit par congélation brutale dans l'azote liquide soit par
chambre froide, ceci de1949 à
1957, puis lyophilisé à partir de
1957 toujours après traitement par
l'azote liquide et cryodessiccation
pendant quatre jours. Ces greffons
seront utilisés jusqu'au milieu des
années 60. Charles Picault fut également un participant actif de cette
banque d'os. Cette banque d'os
sera à l'origine de nombreux traitements chirurgicaux des scolioses,
redressées par plâtre d'élongation
et de dérotation puis greffées après
avivement, la banque d'os permettant de prélever des greffons de très
grande dimension. L'arrivée de la
tige Harrington et des greffes autologues entraînera la fin de la
banque d'os.
LA FONDATION LIVET
La deuxième grande aventure de
Pierre Stagnara fut la Fondation
Livet qui était autrefois une maison
de convalescence accueillant des
pupilles de la nation. Sous l'autorité de Maurice Guilleminet, le Centre
Livet est transformé en " Centre de
traitement orthopédique et de
rééducation des scolioses " ; il sera
une annexe de son service comportant 72 lits avec des chambres dortoirs de 6 à 8 lits, un secteur de
rééducation de kinésithérapie ainsi
qu'une salle de plâtre, les patients
étant opérés au pavillon T de l’hôpital Edouard Herriot. Le Centre Livet
verra se développer l'école à l'hôpital. Pierre Stagnara en assurera la
direction jusqu'en 1960, date à
laquelle, Claude Régis Michel lui
succédera.
L’ŒUVRE SCIENTIFIQUE
Les travaux scientifiques de Pierre
Stagnara sont importants. Il participe à tout ce que l'orthopédie pédiatrique peut comporter comme affection notamment au développement
de l'intervention de Colonna pour
laquelle il utilise des gouges de
savetier pour le creusement du
cotyle, gouges appelées depuis
"gouges de Stagnara" et utilisées
essentiellement pour l'avivement du
lit de greffe dans le traitement chirurgical des scolioses. L'activité de
Pierre Stagnara est protéiforme. De
1947 à 1958, il travaille également
à mi-temps à l'Hôpital Saint Luc
dans le service du Docteur P.
Colson, pionnier de la chirurgie des
brûlés et de la chirurgie plastique. Il
participe également à la création du
service du secteur orthopédique de
l'Hôpital Sainte-Foy-les-Lyon de
1956 à 1960. Il est l'un des fondateurs de la Clinique Emilie de
Vialar, autrefois dispensaire puis
clinique de chirurgie orthopédique.
La Clinique Emilie de Vialar fût une
des premières pour ne pas dire la
première clinique de chirurgie
orthopédique spécialisée en France,
Pierre Stagnara y travaillera de mai
1947 à 1966 date à laquelle il optera pour le temps plein au Centre des
Massues.
(suite p. 3)
Qui é tait-il ? Pierre Stagnara (1917-1995)
Jacques caton (Lyon)
LE CENTRE DES MASSUES
En automne 1957, Maurice
Guilleminet informe Pierre Stagnara
du projet de la mutualité agricole de
bâtir un Centre de Rééducation pour
les handicapés surtout poliomyélitiques. La Direction lui en sera proposée par Alexandre Bonjean,
Président de la Mutualité Agricole,
et Pierre Stagnara imposera ses
vues sur l'organisation des différents services et notamment sur la
nécessité de créer un bloc opératoire ainsi qu'une section d'orthopédie
pédiatrique qui n'existait pas dans
les plans initiaux. L'établissement
ouvre ses portes le 2 mai 1960 avec
une capacité de 160 lits n'accueillant initialement que des
patients âgés de plus de 15 ans. Ce
n'est qu'en 1967 que 60 lits pour
enfants s'ouvrent dans une aile du
centre que l'on appelle encore
"Petite Massues". Ce centre a alors
trois directions et trois orientations
: d'une part la rééducation et la chirurgie des déviations vertébrales
évolutives, d'autre part le traitement
des rachialgies et leur rééducation
et enfin le traitement des séquelles
de poliomyélite. L'idée de Pierre
Stagnara est de faire en sorte que le
centre hospitalier où il travaille ne
traite pas uniquement des maladies,
infirmités ou handicaps, mais des
personnes malades avec leur histoire et leur problématique. Chaque
malade a alors au centre des
Massues un interlocuteur privilégié, son médecin, mais aussi des
thérapeutes attitrés : infirmières,
kinésithérapeutes, ergothérapeute
etc... Afin de perfectionner ce travail
d'humanisation, Pierre Stagnara
avec le Docteur Dubor, psychiatre
au
Centre
Hospitalier
Départemental du Vinatier, créent
un groupe "balint" de façon à amener les Massues à être plus qu'un "
hôpital ". En 1997, le Centre des
Massues comporte 220 lits, 120 lits
pour adultes, 65 lits pour enfants,
35 lits de chirurgie et une unité
d'hospitalisation de jour pour 15
personnes. Au départ à la retraite de
Pierre Stagnara en 1982, deux
postes sont créés : un poste de
directeur médical pour Robert
Fauchet, fidèle collaborateur de
toujours de Pierre Stagnara, et un
poste de chef de service de chirurgie pour Charles Picault. Ce centre
deviendra un lieu de " pèlerinage "
pour tous les chirurgiens s'intéressant à la chirurgie de la scoliose.
LE TRAITEMENT
DES SCOLIOSES
Lorsque Pierre Stagnara s'intéresse
au traitement des scolioses, la chirurgie est alors réalisée par arthrodèse selon les méthodes de Hibbs,
Risser et Fergusson décrites en
1931. A cette époque, le traitement
de cette pathologie est redouté car
les échecs sont nombreux et les
résultats peu encourageants, faisant
même dire à Hugo Camera " quand
je vois une scoliose, je la mesure,
je l'examine, je prends ma plume et
je l'envoie à mon plus fervent ennemi ". Pierre Stagnara relève le défi
du traitement de cette pathologie
dont il deviendra un des maîtres
incontestés. Pierre Stagnara s'intéressera à tous les éléments de l'exploration et du traitement de la scoliose, il établira sa propre classification, contribuera de façon importante au développement des traitements orthopédiques mettant au
point le traitement orthopédique dit
" lyonnais " consistant à son origine en 1958, en une réduction par
trois corsets plâtrés de 45 jours
chacun puis par le port d'un corset
orthopédique lyonnais en plexidur
jusqu'à maturité osseuse (en
moyenne deux ans et demi), associé à une rééducation avec répétition quotidienne des mouvements
enseignés au cours de l'hospitalisation. Petit à petit ce traitement
s'allègera et les hospitalisations
seront réduites. Le corset orthopédique lyonnais mis au point par
Pierre Stagnara était un corset à
ceinture pelvienne symétrique.
L'utilisation de corsets lyonnais à
ceinture pelvienne asymétrique sera
mise au point par Claude-Régis
Michel et Gilbert Allègre à partir de
l'orthèse trois valves. Claude-Régis
Michel introduit l’opération de
Harrington en Europe en avril 1963,
la première intervention ayant été
réalisée en 1962 par Harrington aux
USA. Pierre Stagnara poursuivra le
traitement chirurgical des scolioses
selon les techniques décrites à
l'époque avec des arthrodèses
après redressement selon les procédés plus anciens, améliorés par
des élongations utilisant le halo,
après sa description en 1959 par
Nickel, Perry et Garrett. Pïerre
Stagnara s'intéressera notamment
aux scolioses majeures de l'adulte
avec une angulation de plus de
100° mettant au point les techniques de redressement préopératoires et de réduction progressive
sans anesthésie. Le redressement
étant surtout réalisé grâce à deux
types de procédés : le plâtre d'élongation et les élongations par halo.
Pierre Stagnara découvre le plâtre
d'élongation dans une publication
de Donaldson et Engh. En 1968, il a
l'idée d'utiliser cette fixation par
une suspension en position assise
sur fauteuil roulant, permettant
ainsi un meilleur confort pour les
patients que la vie en décubitus des
tractions halofémorales n'offre pas.
Il apportera de nouvelles modifications à ce traitement en remplaçant
les transfixions iliaques par
broches par une ceinture plâtrée
comme celle des plâtres d'élongation. A la suite de Claude-Régis
Michel, il utilisera ensuite l'arthrodèse avec instrumentation de
Harrington mais aussi la technique
de Dwyer par voie antérieure introduite à Lyon par Michel Onimus et
il mettra au point la technique du
réveil peropératoire aidé par sa
fidèle anesthésiste Madame le
Docteur Vauzelle. Ce test baptisé "
wake-up test " par les américains
sera vraiment révolutionnaire et fera
connaître Pierre Stagnara dans le
monde entier.
LA RÉÉDUCATION
FONCTIONNELLE
La rééducation fonctionnelle est
également un élément important
pour Pierre Stagnara. Il participa à
la création de l'école de kinésithérapie de LYON en compagnie de
Monsieur Charrière, ancien professeur de gymnastique. L'école de
kinésithérapie de Lyon étant créée
par un arrêté du 23 octobre 1958.
Après Monsieur Charrière, c'est
ensuite Monsieur Schmitt qui est
chargé de l'enseignement de la
gymnastique corrective. En 1966,
D. Moulies, A. Tanguy
LE PIED DE L’ENFANT
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un nouvel arrêté ministériel transforme l'établissement en école de
kinésithérapie et d'ergothérapie
intégrée à l'Université Claude
Bernard Lyon I en 1972, Pierre
Stagnara enseigna dans cette école
de 1958 à1982. On ne peut parler
de Pierre Stagnara sans parler de
ses collaborateurs non médecins
notamment Perdriolle, Gilbert
Allègre, G.Mollon qui contribueront
à mettre au point l'environnement
rééducatif et à codifier la rééducation et la kinésithérapie de la scoliose, l'objectif de Pierre Stagnara
étant d'amener le patient à retourner
à une vie active. En 1968, Pierre
Stagnara et Pierre Queneau créent
sur une proposition de Christian
Salanova de Toulouse, le groupe
d'Etude de la Scoliose (GES). Les
premiers membres en sont outre
ses fondateurs, Jean Dubousset
auquel viendront également s'intégrer Claude-Régis Michel et
Charles Picault. Le premier congrès
eut lieu à Berck sous la présidence
de Pierre Stagnara. Ce groupe
d'étude de la scoliose, à l'image de
la SRS américaine, connaîtra le
succès que nous savons. En 1980,
Pierre Stagnara devient Président
de la Société Française de Chirurgie
Orthopédique et Traumatologique. Il
publiera après son départ à la
retraite une anthologie sur les
déformations du rachis parue en
1985 chez Masson et à partir du 9
juillet 1982, se consacrera à sa vie
personnelle et familiale, à
Garranche où il s'occupera également de sa vigne en Beaujolais.
Nous avons vu qu'au cours de sa
retraite, il préparera et soutiendra
conjointement avec son épouse une
thèse de doctorat d'état en sciences
de l'éducation sur l'amour ayant
pour titre "Amour fidèle, utopie,
réalité". Ces travaux susciteront
l'intérêt des médias, cette thèse
étant à la fois la première thèse
conjugale et la première sur
l'amour. Pierre et Denise Stagnara
eurent dix enfants et c'est, entouré
de ceux-ci et de ses trente petitsenfants qu'il disparaîtra le 1er juillet
1995 laissant derrière lui une grande oeuvre et beaucoup d'amour. z
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Le reflux vésico-urétéral avait déjà
fait l’objet d’un séminaire durant les
années 80. Les progrès dans la
connaissance de sa physiopathologie , de sa génétique, le démembrement du reflux vésico-rénal dit primitif, justifient pleinement le choix
de ce thème par le GEUP. Cet ouvrage didactique passe en revue les
divers aspects du reflux et aborde la
discussion de son traitement.
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qui conserve les mêmes principes : rédaction des chapitres par les plus
expérimentés de notre groupe et surtout, respect des différents courants
de pensées et d’écoles.
D. Moulies
3
A. Tanguy
Le Traitement orthopé dique des scolioses idiopathiques. Principes et ré alité s.
J.c. Pouliquen (Paris) et J. caton (Lyon)
Décider de mettre en place un corset
pour le traitement d’une scoliose
idiopathique requiert une bonne
connaissance des grandes lois de la
croissance de l’enfant en période de
maturation et aussi, d’avoir apprécié
au préalable le bien-fondé de cette
indication, les chances de succès,
les objectifs visés. Dès le début, il
faut être en mesure d’expliquer tous
ces éléments aux parents qui doivent
comprendre le pourquoi, le comment, la durée et les perspectives
d’avenir. Tout cela repose sur 3
piliers qui se complètent, les modalités d’évolution d’une scoliose, la
croissance résiduelle du segment
supérieur et les modes d’action d’un
corset.
1) Modalités d’évolution d’une
scoliose. Prédiction.
Les modalités d’évolution d’une scoliose sont bien connues depuis les
travaux de G Duval-Beaupère (1) qui
avait observé d’abord dans les scolioses de la poliomyélite, puis dans
les scolioses idiopathiques que
l’évolution répondait à des règles
bien définies, presque universelles
et liées à la maturation de l’enfant. A
cette époque où il était habituel de
séparer les scolioses seulement en
fonction de l’angulation constatée au
moment présent et où il y avait les
scolioses de moins de 30° " à rééduquer ", les scolioses entre 30 et 50°
" à mettre en plâtre puis en corset "
et les scolioses de plus de 50° " à
opérer ", cette conception dynamique de la scoliose proposée par G
Duval-Beaupère a été à l’origine d’un
changement, voire d’un bouleversement des habitudes. Sans vouloir
détailler ces grandes lois qui sont
bien connues, on peut toutefois rappeler qu’elles expliquent le mode
évolutif d’une scoliose en trois
phases différentes : une phase prépubertaire pendant laquelle la scoliose est peu évolutive parce que la
croissance du tronc ( segment supérieur ou SS) est lente, une phase
pubertaire au cours de laquelle
l’évolution est plus rapide au
moment où le segment supérieur
grandit vite et enfin une phase terminale où l’évolution diminue alors
que la croissance du tronc s’épuise.
On définit ainsi une pente prépubertaire P1, un point d’inflexion P qui
correspond au moment d’apparition
des caractères sexuels secondaires
et du pic de croissance et une pente
pubertaire P2 pendant toute la durée
du pic de croissance, l’aggravation
P2 étant un multiple de P1, malheureusement variable et indéfinissable.
Ces lois existent et elles répondent à
une réalité. Elles ne sont pas seulement le reflet des constatations faites
lorsqu’on dessine a posteriori le diagramme évolutif d’une scoliose pour
laquelle on possède 3 ou 4 radiogra-
phies prises dans les mêmes conditions. Elles donnent une indication
sur la période dans laquelle un
enfant scoliotique se situe, période "
calme " s’il est âgé de 9 ans sans
signes pubertaires alors que le tronc
a grandi de 2 cm dans l’année précédente, période au contraire " chaude
" si cette fille de 12 ans commence
sa maturation sexuelle et a grandi de
5 cm dans son tronc pendant l’année
précédente. La connaissance de ces
lois est donc vite apparue au moins
en France comme une aide précieuse pour celui qui devait conseiller.
Un peu comme dans le jeu de cachecache : " c’est froid ", " c’est tiède "
ou " ça brûle ".
On avait mis quelques espoirs dans
l’étude de l’angle costo-vertébral de
Mynn Mehta (3) effectuée initialement pour différencier la scoliose
résolutive de la scoliose infantile,
mais ils avaient été rapidement
déçus : seule était significative la
progression de l’angle costo-vertébral à des examens successifs. Ce
test prospectif se réduisait à une
constatation : la scoliose est évolutive si elle évolue et une aggravation
de 5° en 4 mois était considérée
comme le facteur majeur de la notion
d’évolution.
En 1984, Lonstein et Carlson (2) ont
essayé de prévoir l’évolution d’une
scoliose idiopathique ( jusqu’à 29°)
à partir de l ‘âge réel, de l’angle de
Cobb et du Risser selon la formule :
Facteur pronostique = Cobb – 3 *
Risser /Age, le résultat étant reporté
sur un diagramme est exprimé en
pourcentage de risque d’aggravation. Néanmoins comme toute évaluation statistique, ce pronostic n’a
qu’une valeur prédictive relative.
En 1995, une étude multicentrique
menée par la Scoliosis Research
Society sous la direction de deux
suédois Peterson et Nachemsom (4)
retient comme facteurs essentiels
dans les risques évolutifs : le Risser,
le niveau de la courbure, l’existence
d’un déséquilibre et l’âge. Leur
conclusion est qu’il est impossible
de prévoir l’évolution avec certitude.
2) La croissance résiduelle du
segment supérieur.
La vitesse de croissance du tronc
change au moment du point P, au
démarrage des signes pubertaires,
soit 11 ans chez la fille et 13 ans
chez le garçon. Au moment du point
P, le nombre de cm pris par an augmente considérablement, doublant
entre 11 et 12 ans chez la fille ; ce
moment est un tournant dangereux
pour la scoliose qui risque fort de
s’aggraver lors de ce pic de croissance. A côté de cette notion de
vitesse de croissance, il y a aussi
celle de croissance résiduelle du SS
dont l’importance traduit les chances
d’efficacité d’un traitement orthopédique. Chez une fille de 11 ans, il
reste 12 cm à prendre dans le segment supérieur, 12 cm qui permettent d’espérer que la correction
effectuée par un traitement orthopédique va se pérenniser par la suite. Il
n’en sera plus de même à 13 ou 14
ans où il restera respectivement 6
cm et 3 cm de croissance à courir
pour la totalité du tronc. Dans la
scoliose, la croissance restante est à
la fois l’ennemie et l’alliée, l’ennemie
parce que cette croissance est la
cause de l’évolution, l’alliée parce
que le traitement orthopédique va se
servir d’elle pour être efficace.
3) Les modes d’action d’un
corset.
Un corset quel qu’il soit, cherche à
corriger une courbure dans les trois
plans de l’espace. Il doit en théorie
corriger la rotation et l’inflexion latérale ceci étant rendu possible par un
effet de cyphose qui désengrène les
articulaires. La finalité est de
remettre les vertèbres dans une
position anatomique pour que la
croissance s’effectue correctement.
La vertèbre apicale déformée voit
ainsi sa partie latérale concave libérée des contraintes ; si cette position
est maintenue, une croissance doit
reprendre sur cette zone déchargée à
condition au moins qu’il persiste un
cartilage actif.
Pour espérer un résultat appréciable,
- Il faut que le corset corrige très
bien la courbure et particulièrement
bien la rotation. Ceci ne peut être
espéré que si la courbure est souple,
c’est-à-dire peu importante et plutôt
basse. Ceci pose évidemment le
problème d’un début de traitement
pour de toutes petites courbures
dont on sait bien que certaines
n’évolueront jamais et de là accepter
un certain nombre de corsets prescrits " abusivement ".
- Il faut que le corset soit porté et que
son efficacité réelle soit contrôlée
régulièrement. Ceci pose le problème du port plein temps ou du port
temps partiel. De nombreuses
études ont montré que les traitements à temps partiel pouvaient être
efficaces. A notre sens, le choix
dépend de l’enjeu, des habitudes et
le temps partiel peut s’inscrire dans
un programme de traitement en
fonction de la gravité, des risques,
des saisons ../..
- Il faut que le potentiel de croissance des vertèbres soit réel, donc que
l’enfant soit encore jeune. Il y a un
temps pour tout. Chez le petit enfant
qui a une croissance lente du tronc
mais beaucoup de croissance à courir, il est évident qu’on sera dans les
meilleures conditions pour obtenir
un excellent résultat ; c’est le cas où
4
l’on se trouve dans des conditions
de " réversibilité ". Chez l’enfant plus
grand, au moment du pic pubertaire,
certes la croissance est rapide, mais
cette croissance va vite s’épuiser et
le traitement n’aura souvent qu’un
effet de " stabilisation ".
CONCLUSION
Dans l’attente de découvertes scientifiques qui nous sont promises, on
est contraint actuellement d’utiliser
ce que l’on connaît : une scoliose a
d’autant plus de risques d’évoluer
que l’enfant est plus jeune et que la
courbure est plus importante. On
aura encore pendant longtemps à
parier sur des intuitions plus qu’à
obtempérer à des certitudes mathématiques.
Un traitement orthopédique est d’autant plus efficace que la scoliose est
plus réductible voire complètement
réduite dans le corset, que la croissance à courir est importante ou que
cette croissance est rapide. Mais
ceci pose le problème d’indiquer un
traitement pour " un petit angle " (G
Duval-Beaupère) alors qu’on ne sait
pas parfaitement si cette scoliose
risque d’évoluer. En d’autres termes,
le traitement orthopédique d’une
scoliose de faible angulation n’est
pas toujours justifié et pourrait
paraître abusif à un autre que le
prescripteur.
L’observation de l’enfant à la
recherche d’une " preuve évolutive "
(P. Rigault) à 5-6 mois d’intervalle
est souvent possible lorsque la
courbure est peu importante (15°
par exemple) et surtout si l’enfant est
jeune (en phase " froide "). Le traitement pourra être démarré plus tard
sur une certitude. Cette attitude n’est
pas toujours possible notamment
lorsqu’on se trouve au seuil du pic
de croissance alors que le fait de différer le début du traitement peut être
une " perte de chance ". Le traitement sera alors débuté sur un pari,
sur des suppositions, sur des
impressions qu’on expliquera à la
famille qui d’ailleurs les comprend
fort bien.
REFERENCES
1)
DUVAL-BEAUPÈRE
G,
DUBOUSSET J, QUENEAU P,
GROSSIORD A. Pour une théorie
unique de l’évolution des scolioses.
Presse Med 1970,78 :1141-6
2) LONSTEIN J E, CARLSON J M.
The prediction of curve progression
in untreated idiopathic scoliosis
during growth. J Bone J Surg
1984,66-A :1061-71
3) MEHTA M H The rib-vertebra
angle in the early diagnosis between
resolving and progressive infantile
scoliosis. J Bone J Surg 1972,654B:230-43
4)
PETERSON
L
E,
NACHEMSON A L. Prediction of
progression of the curve in girls
who have adolescent idiopathis scoliosis of moderate severity. J Bone J
Surg 1995,77-A :823-27
Revue de littérature
Grapin
LA RESPONSABILITE CHIRURGICALE
Sauramps Médical - 2 84023 281 2 - 2001
720 pages
Prix : 55 e
«Quelle que soit la discipline que le médecin exerce – dans le cours de sa carrière – il
risque d’être confronté à des situations difficiles, douloureuses où sa responsabilité sera
engagée. Il sera alors traduit devant sa juridiction professionnelle ordinale, mais bien souvent aussi, devant les juridictions pénale et civile. Cette rencontre inopinée avec le juge,
nécessite une préparation sérieuse, en cas de procès, l’organisation d’une défense habile
et honnête.
Cette responsabilité de plus en plus pressante, s’exerce dans une société pourtant gâtée
par le progrès et le souci de ses médecins est de faire toujours mieux. Cette escalade dans
la demande de plus en plus exigeante est, en effet, proportionnelle aux progrès scientifiques et technique mais aussi à l’évolution de la société. Plus la chirurgie sera efficace,
plus elle comportera des risques.
Exigence de sécurité comme le montre non seulement les textes réglementaires de plus en
plus nombreux, détaillés et contraignants, mais aussi les décisions de justice qui illustrent le rôle protecteur de la justice comme dans toute démocratie et qui n’épargne pas le
médecin.
....La responsabilité chirurgicale reste toutefois à la mesure des enjeux thérapeutiques qui
sont de plus en plus lourds à assumer par les praticiens ; elle valorise néanmoins la qualité, la volonté de progresser au service des malades.
L’ouvrage rédigé par Madame le Professeur Christine GRAPIN répond parfaitement à cette
attente. Il a le mérite d’analyser en détail tous les aspects de la responsabilité centrée sur
l’acte chirurgical...
...Il faut en remercier l’auteur et contribuer à la diffusion de l’ouvrage pour le plus grand
bénéfice des uns et des autres.»
Professeur Bernard GLORION
Président d’Honneur du Conseil National de l’Ordre des Médecins
L’ imagerie dans la scoliose.
Questions au radiologue.
Pierre ScHMiT (Paris) - Hubert DUcoU Le PoiNTe (Paris)
Pierre Schmit Service de
Radiologie. Hôpital des EnfantsMalades
Hubert Ducou le Pointe Service
de Radiologie. Hôpital Trousseau
GdG : Pour un radiologue,
qu’est-ce qu’une scoliose ?
C’est la même définition que la vôtre.
La scoliose est une déformation du
rachis dans les trois plans de l'espace avec une inclinaison latérale dans
un plan frontal, une modification des
courbures sagittales habituelles et
une rotation des corps vertébraux les
uns par rapport aux autres.
Le diagnostic clinique repose sur la
mise en évidence d'une gibbosité
traduisant la rotation des corps vertébraux, elle est absente dans les attitudes scoliotiques. Ceci est la définition clinique, mais l'imagerie joue
une place importante dans le diagnostic positif et étiologique de la
scoliose, dans l'appréciation de son
évolutivité et dans le choix et la surveillance des traitements qui en
découlent.
GdG : Quelles sont les implications techniques de la radiologie ?
Le dépistage clinique de la scoliose
est si simple et si rapide, par
exemple en médecine scolaire que
des techniques non opérateur dépendant telle la technique photographique du moiré ne se sont pas
développées. Une fois le diagnostic
clinique fait, le bilan initial en imagerie comporte des radiographies du
rachis en entier de face et de profil,
parfois appelées "full spine" et une
évaluation radiologique de la maturation osseuse ("âge osseux"). Le
film du rachis en entier de face doit
inclure la base du crâne et s'étendre
jusqu'au sacrum ; le plus souvent il
intéresse les articulations coxofémorales. Les limites en hauteur du
film de profil sont identiques. De
profil, il convient que le rayon incident aborde le rachis par la concavité de la courbure principale. Il est
préférable idéalement de réaliser les
films, tant de face que de profil, après
compensation d'une éventuelle
inégalité de longueur des membres
inférieurs, si une telle anomalie est
précisée dans la demande d'examen
radiologique.
Une protection gonadique est nécessaire chez le garçon. Chez la fille, le
film est ré-alisé en incidence postéro-antérieure afin de diminuer l'irradiation mammaire et ovarienne.
Les techniques numériques sont
susceptibles de diminuer cette irradiation. Elles sont à l'heure actuelle
au nombre de trois. La première est
la chambre à fils de "Charpak" qui
permet une réelle réduction de la
dose délivrée au prix d'une perte de
définition peu importante. La deuxiè-
me est le balayage en "numérisation
d'ampli" qui réalise en quelques
secondes sur une table télécommandée plusieurs radiographies de
courts segments rachidiens adjacents, l'image finale, composite étant
reconstruite électroniquement ; et la
troisième est la "numérisation par
plaques" qui, en utilisant une seule
grande cassette comportant plusieurs écrans et une grille de repérage, permet là aussi électroniquement
de reconstruire l'image du rachis
dans son ensemble. Les études de
dosimétrie pour ces deux dernières
méthodes donnent des résultats
contradictoires quant à la réduction
des doses délivrées. Ces trois techniques vont priver les orthopédistes
des films 30-90 ou 40-120 auxquels
ils étaient habitués, mais la réduction
de la surface des films ne s'accompagne pas de modification des
angles et donc, de leur mesure.
GdG : Comment interpréter ces
divers clichés ?
Le film du rachis de face dans son
ensemble confirme le diagnostic de
scoliose déjà porté cliniquement : il
existe une courbure du rachis et une
rotation des corps vertébraux dans
les limites de celle-ci. La rotation des
corps vertébraux s'apprécie en repérant la projection de l'épineuse par
rapport aux pédicules. L'inclinaison
est visuellement évidente. Ces deux
critères permettent de définir 3 vertèbres particu-lières. Les deux vertèbres limites, supérieure et inférieure qui sont les moins tourn-ées et les
plus inclinées sur l'horizontale, la
vertèbre sommet, située au sommet
de la courbure et qui est celle dont la
rotation est la plus importante et l'inclinaison sur l'horizontale la
moindre. La scoliose se définit par le
côté de sa convexité. L'importance
de la déformation dans le plan frontal
est appréciée par l'angle de Lippman
et Cobb, mesuré entre une droite
passant par le plateau supérieur de la
vertèbre limite supérieure et une
autre passant par le plateau inférieur
de la vertèbre limite inférieure. Le cliché de profil du rachis en entier est
surtout utile lors de la première évaluation radiologique, permettant
d'authentifier une modification des
courbures normales pouvant aller
jusqu'à leur inversion. L'analyse de
la radiographie du rachis dans son
ensemble de face permet de classer
la déformation en scoliose cervicothoracique (vertèbre sommet en C7T1), thoracique (sommet entre T2 et
T11) , scoliose thoraco-lombaire
(sommet en T12 ou L1), scoliose
lombaire (sommet entre L2 et L4),
scoliose double majeure associant
une scoliose thoracique et une lombaire avec des courbures équilibrées.
A noter que l'inclinaison compensatrice située au-dessus d'une scoliose
structurale ne s'accompagne pas de
rotation.
GdG : Et la maturation, comment l’évaluer par la radiographie ?
Par l’examen de la main, du coude et
du bassin. L'étude de la radiographie
de la main et du poignet gauches en
comparant le film obtenu à l'atlas de
Greulich et Pyle, mais il convient de
ne pas tenir compte des os du carpe
et de s'intéresser essentiellement au
développement des points d'ossification des métacarpiens et des phalanges, La radiographie du coude
gauche de face et de profil en établissant le score de Sauvegrain et
Nahum. Enfin le test de Risser, basé
sur le développement du point d'ossification accessoire de la crête
iliaque, est également utile et a
l'avantage de ne pas nécessiter d'irradiation supplémentaire, les crêtes
iliaques étant situées dans la région
radiographiée sur le film du rachis en
entier de face. Enfin, le degré de fermeture du cartilage en Y du cotyle
peut également fournir un indice
supplémentaire sur la maturation
osseuse. On peut aussi étudier le
degré de fermeture du cartilage de
croissance du listel marginal vertébral. Toutes ces évaluations sont
complémentaires et s’affinent les une
les autres.
GdG : La radiographie ne peutelle pas aider à un diagnostic
étiologique ?
Les scolioses idiopathiques, essentielles, sans étiologie encore reconnue sont les plus fréquentes. Mais la
clinique, tout comme l'imagerie doit
rechercher des éléments nécessitant
de pousser plus avant les examens à
la recherche d'une étiologie connue
de la scoliose. Les éléments cliniques devant faire rechercher une
cause à la scoliose sont son caractère raide ou douloureux, il fait
craindre une cause tumorale ou
infectieuse ; l'existence de signes
neurologiques, le plus fruste étant
une abolition des réflexes cutanés
abdominaux, qui fait évoquer une
cause neurologique ou médullaire ;
la présence d'une anomalie de la
ligne médiane en regard du rachis
(masse, angiome, pertuis, touffe de
poils), celle-ci fait suspecter un dysraphisme occulte ; le caractère inhabituel des courbures, les scolioses
dorsales gauches et/ou lombaires
droites sont a priori suspectes de ne
pas être idiopathiques. Les radiographies simples du rachis peuvent
orienter. Il faut rechercher une asymétrie des pédicules, un pédicule
dense dans la concavité du sommet
de la scoliose qui peut être le témoin
d'un classique ostéome ostéoïde ou
ostéoblastome d'un pédicule. Il faut
5
aussi, bien entendu, rechercher une
malformation vertébrale (hémivertèbre, vertèbre en Y ou malformation
plus complexe réalisant un véritable
puzzle), l'éperon d'une diastématomyélie qui peut être directement
visible ; enfin le cliché de profil peut
montrer l'existence d'un spondylolisthésis responsables d'une scoliose
lombaire à faible rotation (scoliose
dite olisthésique). Ainsi les clichés
simples peuvent fournir des arguments pour demander des explorations plus poussées (scintigraphie,
TDM, IRM) ou ne pas en fournir,
mais si les arguments cliniques plus
hauts cités sont présents, il faut
savoir poursuivre plus avant.
GdG : Quelles autres techniques d’imagerie employer et
quand ?
Schématiquement l'IRM étudie le
contenu du canal rachidien et peut
fournir des éléments sur l'état des
vertèbres et des disques. La TDM,
quant à elle, étudie très bien le rachis
"osseux", mais est beaucoup moins
performante pour le contenu canalaire. Dès lors le choix dans l'ordre
de ces examens est fonction de la clinique, de la cause suspectée de la
scoliose mais aussi des disponibilités locales. Une scoliose raide et
douloureuse invite à réaliser une
scintigraphie puis une TDM si un
foyer d'hyperfixation est visualisé,
(suite p. 6)
Classification des scolioses
(classification de la "Scoliosis research society")
Idiopathiques
- infantiles
- juvéniles
- de l'adolescent
Neuromusculaires
- neurologiques
. centrales
IMC
M de Friedreich
Tumeur médullaire
Syringomyélie acquise
. périphériques
Poliomyélite
M de Werdnig Hoffman
Arthrogrypose neurologique
- musculaires
. myopathies (Duchenne…)
. arthrogrypose musculaire
. hypotonie congénitale
Congénitales
- osseuses
. hémivertèbre
. bloc vertébral
. fusion costale
- neurologiques
. mœlle bas attachée
. syringomyélie
. diastématomyélie
Constitutionnelles
- maladies osseuses constitutionnelles à retentissement vertébral
(nanisme diastrophique, dysplasie spondylo-épiphyso-métaphysaire,
mucopolysac-charidoses,…)
- maladies osseuses constitutionnelles de nature ecto ou méso dermique
(neurofibroma-tose, M de Marfan, M d'Ehler Danlos,…)
Secondaires
- post-irradiation
- post-infectieuse
- post-traumatique
- post-opératoire
L’ imagerie dans la scoliose.
Questions au radiologue.
Pierre ScHMiT (Paris) - Hubert DUcoU Le PoiNTe (Paris)
l'IRM est plutôt demandée en l'absence d'hyperfixation. Une suspicion de dysraphisme ou de syringomyélie fait plutôt demander une
IRM. L'existence d'un éperon de
diastème conduira à réaliser IRM et
TDM pour évaluer au mieux la malformation. Pour résumer, la scintigraphie osseuse recherche une
hyperfixation évocatrice de lésion
osseuse tumorale ou infectieuse, la
TDM précise une telle anomalie,
permet d'étudier par des reconstructions bi et tridimensionnelles des
malformations vertébrales complexes ou des anomalies rachidiennes rencontrées dans la neurofibromatose, parfois très difficiles à
analyser même en s'aidant de films
simples localisés dans les plans
d'élection et d'anti-élection et l'IRM
analyse au mieux le contenu du
canal rachidien. Elle explore l'ensemble du cordon médullaire et peut
préciser s'il existe une malformation
d'Arnold Chiari, une cavité syringohydromyélique associée ou non à
une malformation de Chiari ou bien
dans le cadre d'une tumeur médullaire en particulier en cas d'astrocy-
tome, un dysraphisme occulte avec
attache basse de la moelle, lipome
intra-canalaire, éperon de diastème,
des signes de souffrance médullaire
au sommet des courbures par effet
"billot". Pour certains, l'IRM serait
indispensable pour toute scoliose
au-dessus de 100° d'angulation,
idiopathique ou non, voire pour
toute scoliose relevant d'une indication chirurgicale.
GdG : Quel est le suivi radiologique d’une scoliose, par
exemple idiopathique ?
L'appréciation de l'évolutivité de la
scoliose est essentielle dans le
choix du traite-ment envisagé. Cet
aspect évolutif est indispensable en
cas de scoliose idiopathique et bien
sûr en cas de déformation rachidienne par malformation vertébrale. On
s'appuie sur la répétition de l'examen clinique et radiographique, le
plus souvent 4 à 6 mois après la
consultation initiale et sur des données telles que l'âge de découverte,
la maturation osseuse et la maturation pubertaire. La scoliose infantile
est découverte avant l'âge de 3 ans,
elle touche plus souvent le garçon
que la fille et est volontiers thoracique gauche, elle a une évolution
volontiers favorable, mais les cas
d'évolution défavorable sont extrêmement difficiles à prendre en charge. La scoliose juvénile apparaît
entre 4 ans et l’apparition des premières règles chez la fille ou 14 ans
d’âge osseux chez le garçon. Une
évolution favorable est rare, le pronostic étant d'autant plus sévère que
le diagnostic en est porté tôt. La
scoliose de l'adolescent est de diagnostic plus tardif et a une nette prédominance féminine. Il faut s’assurer
que les clichés sont toujours faits
dans les mêmes conditions techniques. En ayant reporté les angles
de Cobb en fonction de l'âge de l'enfant, sur les diagrammes de Mme
Duval Beaupère, il devient possible
d'apprécier plus exactement l'évolutivité de la scoliose en période prépubertaire, pubertaire. C’est là où la
vitesse de croissance de l'enfant et
l'évolutivité de la scoliose est la plus
grande. En revanche, en post-pubertaire l'évolution est plus lente, fonc-
tion non pas de la croissance mais
des déséquilibres et des remaniements arthrosiques induits.
GdG : Sur quels points voudriez-vous insister pour terminer ?
GdG : Et quelles sont les
limites de l’imagerie lorsque
la scoliose est traitée chirurgicalement?
Les examens d'imagerie sont importants à toutes les étapes de la prise
en charge des scolioses. Les clichés
simples sont l'élément autour du
quel s'articulent toutes les autres
méthodes d'imagerie maintenant à
notre disposition. Que soit pour ces
films simples ou pour les techniques les plus sophistiquées,
l'échange d'informations entre
orthopédistes et radiologues doit
être le plus complet possible pour
d'une part orienter ces examens
dans leur réalisation et d'autre part
en retirer le maximum. Par ailleurs,
l'irradiation délivrée à ces patients
lors des multiples examens dont ils
bénéficient doit inciter à être attentif
dans leur exploration en appliquant
les principes de radioprotection que
sont la justification de l'examen, la
substitution d'un examen irradiant
par un autre non ou moins irradiant
et l'optimisation de la réalisation de
celui-ci.
La surveillance radiologique postopératoire fait essentiellement appel
aux clichés du rachis dans son
ensemble. Une aggravation doit faire
suspecter une pseudarthrose de l'arthrodèse, tout comme un démontage
du matériel. Un arrachement ou un
bris de crochet, essentiellement à
craindre avec du matériel ancien où
les contraintes s'appliquent aux
extrémités, sont également possibles. La réalisation d'examen TDM
est quasi impossible du fait des artéfacts métalliques liés aux tiges, la
réalisation d'une IRM est impossible
en cas de matériel ferro-magnétique,
possible mais d'interprétation délicate lorsqu’un matériel non ferromagnétique (titane) a été employé.
Le corset dans la scoliose
M. LaNce (Paris)
in Marseille Médical 1925;17:1026-1036
trition, l'anorexie, un état général
mauvais. L'exposition au grand air
de l'immobilisé maintient son appétit, sa musculature.
Il en est de même dans la scoliose ;
le corset sans la gymnastique entraîne fatalement de l'atrophie musculaire. Lorsqu'on le supprimera, le
malade s'effondrera.
Marcel Lance, ici à l’hôpital des Enfants-Malades aux côtés d’Ombredanne.
trop souvent ainsi en pratique, et
c'est une grave erreur à notre avis.
En face d'une scoliose, les médecins
nous posent souvent cette question :
“Êtes-vous partisan de la gymnastique ou du corset ?” Il semble que
dans l'esprit médical l'un exclue
l'autre. Il en est malheureusement
Dans la tuberculose ostéo-articulaire, l'immobilisation absolue en
appareil est une nécessité ; elle n'exclut pas l'exposition au grand air ; au
contraire, elle l'impose. Le repos
absolu sans l'aération c'est la dénu-
La gymnastique faite en même
temps que le corset permet l'entretien, et même le développement de la
musculature du dos, le modelage du
thorax par des exercices respiratoires intensifs faits dans le corset
fenêtre là où il le faut. Loin de se
combattre les deux grands médicaments de la scoliose, le corset, la
gymnastique se complètent merveilleusement.
Mais serrons la question d'un peu
plus près. Quels reproches adresset-on au corset dans la scoliose ?
D'être inutile, inefficace et nuisible ...
simplement.
Le corset est inutile, dit-on, la
gymnastique suffit au traitement de
toutes les scolioses. Ceci, selon
6
Fac-simile de la couverture du Marseille Médical de Juin 1925
nous, n'est pas soutenable. Il est
exact que si l'on y joint le repos, une
médication générale, toutes les attitudes vicieuses par hypotonie musculaire et ligamentaire, toutes les
lordo-cypho-scolioses de l'enfance
et de l'adolescence, sont toujours
améliorables et le plus souvent guérissables par une gymnastique bien
comprise.
(suite p. 7)
Le corset dans la scoliose
M. LaNce (Paris)
Mais il n'en est pas de même dans
les scolioses véritables, confirmées,
avec rotation vertébrale, courbures
latérales fixées. Notre expérience
nous a montré que dans certains cas
la gymnastique pouvait certes améliorer la chute latérale du tronc,
redresser partiellement la courbure,
dans des cas plus nombreux, arrêter
la progression de cette déviation
latérale. Mais, par contre, la gymnastique seule se montre sans action
sur la rotation vertébrale, la déformation du thorax n'est pas modifiée.
De plus dans quelques cas, rares il
est vrai, mais indéniables, nous
avons vu des scolioses continuer à
s'aggraver, malgré une gymnastique
effectuée dans les meilleurs instituts
spéciaux de Paris.
Enfin, chez les gros gibbeux chez
lesquels le coeur comprimé bat au
repos à 120, qui sont cyanosés pour
avoir fait trois mouvements respiratoires, toute gymnastique est réelle-
ment impossible. Le corset chez ces
malades est une médication indispensable et d'urgence pour soutenir
le thorax et le déplisser du côté
concave.
Le corset est inefficace, diton ; on voit tous les jours des scolioses s’aggraver malgré le corset. Le
corset ne maintient rien.
Tout cela est hélas ! trop vrai dans la
plupart des cas parce qu'on emploie
de mauvais corsets.
Le corset en cuir moulé, modèle
périmé, dont la vente devrait être
interdite, ne maintient rien parce que
le béquillon prend point d'appui sur
les parois musculaires de l'aisselle
dépressibles et mobiles, parce que le
cuir du corset dit cuir-à-l'eau, qui a
subi une préparation spéciale pour
se ramollir dans l'eau, se déforme
dès que le malade a sué dedans. Le
corset en coutil baleiné avec épaulières et bretelles ne vaut pas mieux,
il n'offre aucune résistance à la
poussée thoracique. Le corset de
plâtre doit être banni du traitement
de la scoliose, tout corset inamovible devant empêcher forcément de
faire de la gymnastique.
Le corset de la scoliose doit être
amovible et la matière la meilleure
est sans contredit le celluloïd, dont
les seuls inconvénients sont d'être
d'une construction compliquée et
d'un prix élevé.
Le titre de l’article de M. Lance.
Enfin l'expérience nous a montré
que, quelle que soit la matière du
corset, le corset. dit droit c’est-à-dire
tenant l'axe du tronc vertical, les
deux épaules horizontales ou tendant à amener le tronc dans cette
attitude est une erreur.
(suite p. 8)
SÉ MiNaiRe GeoP 2002 - LeS FRacTUReS De L’ eNFaNT
Programme - 21-22 Mars 2002 - congress center - Metz
20 Mars 2002
18H00 Accueil des Participants
Hall du Congress Center - Parc Thermal
21 Mars 2002
1ère Session - Modérateur : J.-Ph. Cahuzac
8H30 CONFÉRENCE
Traumatologie du cartilage de croissance
(Damsin)
9H00 MATCH
Les fractures discales du radius
et cubitus : platre simple/broche (RogezBonnard)
9H20 VIDÉO
Comment je fais un platre pour fracture
du poignet (Karger)
9H30 CONFÉRENCE
Les fractures du coude (Métaizeau)
10H00 VIDÉO
Fracture supra-condylienne (Clavert)
Fracture du col radial (Lascombes)
10H20 PRÉSENTATION DE DOSSIERS
Traumatologie du membre supérieur
Modérateur : Cahuzac
10H45 - 11H15 PAUSE
Visite de l’exposition scientifique
2ème Session - Modérateur : Mouliès
11H15 CONFÉRENCE
Principes de l’ECMES
11H35 MATCH
Traitement des fractures du col
de l’humérus : orthopédique
/embrochage (Collet-Herbaux)
11H50 VIDÉO
Fracture du col de l’humérus
Fracture des deux os de l’avant bras
(Collet-Herbaux)
12H10 PRÉSENTATION DE DOSSIERS
Traumatologie du membre supérieur
Modérateurs : Moulies
13H00 FIN DE LA MATINÉE
Visite de l’exposition scientifique
13H15 Repas de travail
3ème session - Modérateur : Kohler
14H30 CONFÉRENCE
Les terrains particuliers
15H00 CONFÉRENCE
Complications des fractures de la main
(Dautel)
15H20 MATCH
Rééducation ou non (Métaizeau - Chrestian)
15H30 PRÉSENTATION DE DOSSIERS
Traumatologie du membre supérieur
16H15 -16H45 PAUSE
Visite de l’exposition scientifique
4ème session - Modérateur : Bollini
16H15 CONFÉRENCE
L’ablation du matériel (Padovini)
17H05 VIDÉO
Embrochage d’une fracture du fémur
17H15 PRÉSENTATION DE DOSSIERS
Traumatologie du membre supérieur
Modérateurs : Bollini
18H00 FIN DE LA JOURNEE
20H00 DINER DE GALA
22 Mars 2002
1ère session - Modérateur : Bracq
8H30 CONFÉRENCE
Fractures du rachis (Zeller)
9H00 CONFÉRENCE
Fractures du genou (Fenoll)
9H30 VIDÉO
Monitorage des loges (Clavert)
9H50
PRÉSENTATION DE DOSSIERS
Traumatologie du membre inférieur
et du rachis
Modérateur : Bracq
Experts : Zeller, Bollini
10H30-11H PAUSE
Visite de l’exposition scientifique
2ème session - Modérateur : Lechevallier
11H00 CONFÉRENCE
Fractures de cheville (Dohin)
11H30 CONFÉRENCE
Traumato soigné de l’enfant sportif
(Mallet)
12H00 PRÉSENTATION DE DOSSIERS
Traumatologie de la jambe et de la cheville
Modérateur : Lechevallier
13H00 FIN DE LA MATINEE
Visite de l’exposition scientifique
13H15 REPAS DE TRAVAIL
3ème session -Modérateur : Penneçot
14H30 CONFÉRENCE
Complications de l’ECMES (Lascombes)
15H00 CONFÉRENCE
Radioprotection (Claudon)
15H10 CONFÉRENCE
Traumatologie obstétricale (Griffet)
15H30 PRESENTATION DE DOSSIERS
Complications et fractures ouvertes
Modérateur : Penneçot
16H30 CONFÉRENCE
Enfant polytraumatisé (de Billy)
17H00 PRÉSENTATION DE DOSSIERS
Traumatologie du membre supérieur
Modérateur : Cahuzac
18H00 FIN DE JOURNEE
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Le corset dans la scoliose
M. LaNce (Paris)
Le principe de redressement du
rachis dans la scoliose n'est pas de
chercher à l'amener à la rectitude. Ici
comme partout en orthopédie, la
correction est insuffisante, il faut
l'hypercorrection. Celle-ci ne peut
être obtenue que par une action latérale visant à obtenir une déformation
du tronc du sens inverse de celle que
présente le malade.
On peut tendre à l'obtenir en tournant et inclinant le bassin et les
épaules du malade en sens inverse
de la déviation pathologique, et en
poussant le tronc entre ces deux
points d'appui par un large appui
latéral du côté convexe, tandis qu'on
exerce au contraire une décompression du côté concave.
On obtient ainsi un appui efficace.
Les preuves en abondent. Tout
d'abord la courbure est en partie
redressée puisque les malades sont
plus grands dans leur corset que
sans corset (mensuration à la toise) ;
dans certaines scolioses douloureuses par tassement et compression radiculaires, les douleurs disparaissent vite par le port du corset,
réapparaissent si on l'abandonne
(scolioses lombaires). Enfin deux
radiographies faites l'une sans le
corset, et une autre dans le corset
montrent que le redressement est
effectif.
L'action sur la thorax est non moins
certaine. L'élévation de l'épaule du
côté concave déplisse les espaces
intercostaux de ce côté. C'est ce que
montrent aussi les radios sans et
avec corset. Il en résulte une augmentation rapide de la capacité pulmonaire constatée au spiroscope,
une augmentation rapide du périmètre thoracique, si bien que le corset devient rapidement trop étroit. En
même temps l'appétit revient, l'état
général se modifie, le poids augmente, Ceci est surtout frappant chez
les grands gibbeux. Dès que ceux-ci
ont goûté du corset, ils ne veulent
plus s'en passer et le réclament.
point dans le corset. Comme les
côtes ne se sont pas allongées, c'est
que le thorax a tourné, on trouve
alors un vide entre la gibbosité et le
corset. Il faut le remplir par du feutre
au fur et à mesure qu'il augmente.
Pour nous, les feutres n'exercent pas
de compression vraie sur la gibbosité (ce qui dans bien des cas aurait
pour résultat de fermer l'angle costal), mais simplement, ont un but de
remplissage. Cette action de dérotation très nette dans certains cas, très
importante au point de vue vital,
n’est jamais obtenue par la gymnastique seule.
Le corset empêche le développement du malade ? Oui s'il est
mal fait, s'il est inamovible, s'il ne
soutient pas, si le moulage n'a pas
été suffisamment grossi au niveau
de la poitrine (corset mai fait) ; ou si
le malade l'applique mal, le serrant à
fond même s'il a grossi ; si le malade ne fait pas de gymnastique respiratoire.
En fait, avec un bon corset, chez un
malade faisant régulièrement ses
exercices respiratoires, on assiste
presque toujours à un développement rapide du thorax, 6, 8, 10, 11
centimètres d'augmentation du tour
de poitrine en un an, faciles à mesurer par l'écartement du laçage du
corset qui doit toujours être en tension modérée. C'est même souvent
une désolation pour les parents qui
se voient dans l'obligation de faire
faire un corset nouveau,
Il comporte un certain nombre
d'opérations successives que nous
résumons.
1- Prise d'un moulage au maximum
de la correction possible.
Pour cela, nous employons un cadre
vertical métallique dans lequel le
malade est assis sur un tabouret
mobile en tous sens. Le bassin est
solidement fixé au tabouret par des
bandes, incliné et tourné de manière
à corriger la déviation du bassin. Les
épaules sont de même placées en
position inverse de leur déviation :
l'épaule abaissée et tirée en haut et
en avant par la suspension du bras à
une moufle, l'autre épaule est tirée
en bas et en arrière par une bande
passée autour du poignet. Enfin une
ou deux bandes, selon le nombre
des courbures, de délatéralisation et
de dérotation, agissent sur les courbures. On a toujours le dos du malade sous les yeux pour vérifier le
degré de rotation obtenu. Quand on
le juge suffisant, on prend le moulage,
2- Quand ce négatif est bien sec on
coule le positif et on le rectifie : on
grossit le buste en totalité pour faire
face à la rétraction du plâtre et du
celluloïd, sauf les points d'appui
osseux primordiaux (bassin, clavicules). On diminue au ciseau ou à la
râpe les points de compression, on
grossit encore plus le côté concave
de manière à ménager un grand vide
au niveau de la fenêtre.
3- Quand le moulage rectifié est bien
sec (15 jours), on construit la coque
de celluloïd.
Calque de la radiographie avant corset.
Le corset est nuisible. Il amène
de l'atrophie musculaire, il empêche
le développement du thorax, des
seins. Pour l'atrophie musculaire,
ceci est exact, nous l'avons vu, pour
les corsets inamovibles, les plâtres
qui doivent être proscrits du traitement de la scoliose. Ceci est faux
pour le corset amovible lorsque le
malade fait en même temps de la
gymnastique. Cette gymnastique est
double : gymnastique musculative
comme l'on dit maintenant, et les
exercices respiratoires dans le corset
pour modeler le thorax. Ces exercices se font au moyen de spiroscopes dont nous avons fait
construire un modèle spécial.
Rapidement on voit le thorax se
développer du côté de la concavité,
sortir par la fenêtre ménagée en ce
Établissement du corset de
redressement et de maintien
de scoliose selon ces conceptions.
4- On essaie cette coque. On découpe le corset de manière qu'une seule
épaule du côté de la convexité soit
engagée dans le corset, celle du côté
concave est au contraire sortie du
corset, soulevée de plusieurs centimètres au-dessus de sa congénère.
Une vaste fenêtre de décompression
est entaillée du côté concave.
5- Le corset est garni d'une armature d'acier légère mais solide et garni
de peau à son pourtour avec un
coussin de peau de chamois sous le
bras soulevé.
Calque de la radiographie sous corset.
On conçoit que la confection d'un tel
corset soit une chose compliquée et
difficile. Faire un bon corset de scoliose est certes plus difficile que
d'ouvrir un ventre, et cependant n'est
ce pas le praticien auquel l'idée ne
viendrait pas d'envoyer un malade se
faire opérer par la fille de service de
la salle d'hôpital, n'a-t-il pas l'habi-
8
Le cadre (vertical) utilisé par M. Lance pour la confection de ses corsets.
tude d'envoyer le malade se faire
faire un corset chez le marchand
orthopédiste. Celui-ci, technicien
plus ou moins habile, n'ayant aucune connaissance médicale, prendra
ou même fera prendre par un mouleur professionnel (comme le fait
une maison de Paris) un moulage de
la malade telle qu'elle est, au lieu de
la mouler telle qu'elle devrait être,
telle qu'on désire qu'elle soit. Il
construira sur ce moulage de la
déformation, par routine, le corset
qu'il a vu construire quand il était
apprenti et dont le modèle n'a pas
changé depuis cent ans. C'est ainsi
que l'on voit l'immense majorité des
scoliotiques porter de mauvais corsets, des corsets inefficaces et nuisibles, à l'abri desquels on voit les
scolioses s'accroître, les bosses
grossir peu à peu... et les adversaires du corset triompheront. Dans
la scoliose, l'emploi du corset est
une chose grave et délicate, son
indication doit être discutée pour
chaque cas par le chirurgien orthopédiste ; c’est lui qui doit personnellement faire le moulage, le corriger,
essayer l’appareil, et prendre la responsabilité de sa construction.
C'est ainsi seulement que l'on
obtiendra des succès. [...]
Thèmes du Prochain
Numéro
Qui était-il ? Victor Ménard
Le cintre cervico-obturateur
La Chirurgie endoscopique du
rachis
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