bulletin - CERCLE franco

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bulletin - CERCLE franco
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Mai 2005 N°41
C.E.R.C.L.E
FRANCO-HELLENIQUE
LE
BULLETIN
d’information
Sommaire
Editorial
Page 1
Saints de Byzance
Page 9
In Memorian
Page 2
Voyage à l’Île de Chypre
Page 10
La Principauté Champagne
Page 2
Page 13
La Grèce au fil des jours
Page 5
Club lecture Œdipe à Colone
Le journal de la nuit de Petros
Markaris
Regards sur l’icône – conférence
de Madame Gounari-Blanc
Page 7
Ma mère disait….
Page 15
Agenda du C.E.R.C.L.E
Page 16
Editorial
Les échos du voyage à Chypre sont dithyrambiques.
Le CERCLE a réussi, cette année encore, une de ses activités phares; d’autant que ce voyage avait été déprogrammé il y a quelques années pour des raisons de coût.
Il nous reste à penser à la prochaine destination ? Nous
comptons sur vos idées. Mais auparavant, il serait souhaitable que les aventuriers de Chypre organisent une rencontre pour partager avec ceux qui n’ont pas eu leur
chance le périple en cette autre terre de l’hellénisme! En
tout cas un grand merci à Nik et à Line, chevilles ouvrières de cette réussite.
Saluons aussi cette autre initiative de projection
d’œuvres cinématographiques grecques. La première sur
le Rébético a connu à n’en pas douter un franc succès
malgré la longueur du film et sa projection en deux fois.
L’intervention de notre ami Louis Delon en conclusion a
été une vraie bénédiction de l’avis de ceux qui ont eu la
chance d’y participer. Par contre le sous-titrage…Soyons
certains que cette nouvelle activité connaîtra le même
avenir que le Club du Livre. Au delà de la nouveauté il y a
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l intérêt incontestable pour tous nos élèves des cours de
grec. Merci Marie-Laure!
D’autres activités seront organisées d’ici la fin de
l’année ; elles vous sont rappelées dans l’agenda du
C.E.R.C.L.E. à la fin de ce numéro. Le dimanche 29 mai,
nous vous attendons nombreux Place du Capitole pour la
Fête des Langues où nous tiendrons un stand commun
avec nos amis de L’Institut Goethe. N’oubliez pas, non
plus, de réserver votre soirée du 2 juin pour la dernière
conférence de l’année ; après les écrans de cinéma
Alexandre et sa légendaire monture seront présents pour
nous au siège du CERCLE. C’est un honneur qui ne se
refuse pas. Il y aura aussi, le 16 juin, la Fête des élèves des
cours de grec du CERCLE avec ceux d’allemand de
l’Institut Goethe.
Et puisque nous parlons de cours de grec, qu’il me
soit permis d’adresser ici quelques mots de remerciements à celui qui depuis cinq ans, déjà, s’investit sans
compter au fonctionnement de l’Ecole de grec pour nos
enfants et petits enfants et participe activement aux cours
pour adultes du CERCLE. Georges Athanassiou a, par
ailleurs,continué le travail entrepris depuis longtemps
dans des écoles et collèges français mais aussi, et je tiens à
le souligner, œuvré pour l’hellénisme dans notre région et
a toujours été présent aux activités de notre association.
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Nous ne connaissons pas encore son point de chute de
l’an prochain (une année de plus à Toulouse ?) mais nous
lui souhaitons une bonne réussite dans ses futures activités (nous aurons l’occasion prochainement –date à définir- de lui témoigner de vive voix notre amitié). Nous espérons qu’il tirera un bilan positif de son expérience toulousaine et qu’il pensera à ses élèves et à ses amis du
CERCLE là où il sera. En tout cas pour nombre d’entre
nous Volos fera désormais partie de nos balades en
Grèce où nous espérons le rencontrer ainsi qu’ Eni sa
charmante épouse. Merci Georges et bon vent…
A prochainement à vous tous et à vous toutes et
Bonnes Vacances à ceux et celles que nous ne verrons
pas avant la prochaine rentrée.
Amitiés Franco-Helléniques
DIMO AGATHOPOULOS
IN MEMORIAM
Depuis un an le sort s’acharne sur le CERCLE puisque deux de nos membres, parmi les plus éminents, nous
ont quittés. Le dernier en date c’est notre ami Jean-Marie
TERRIEUX dont la disparition inattendue a endeuillé
notre Association. C’est tout d’abord à son épouse, à ses
enfants et petits enfants, que vont nos pensées et nous
voulons les assurer de notre amitié et de notre soutien
dans cette douloureuse épreuve. Nous voulons aussi leur
dire combien leur époux, leur père, leur grand-père manquera à notre groupe dont il fut un des fondateurs et ardents soutiens depuis sa création.
Elève, puis collègue et ami du Père Buffière, J.M
Terrieux partageait avec lui le même amour d’une Grèce
à ses yeux éternelle et, au-delà, d’une civilisation et d’une
culture dont il regrettait que le rappel ait été abandonné
dans le Traité dont on parle beaucoup actuellement. Et
cet amour, cette passion, il a essayé de les communiquer
à sa façon discrète, comme tout ce qu’il faisait, mais efficace à des générations d’étudiants toulousains de tous
âges.
Intellectuel pragmatique il savait que le meilleur
moyen de bien s’imprégner d’une culture, c’était de maîtriser le véhicule essentiel de son rayonnement, la langue.
Le professeur de Lettres Classiques, au service de la langue d’Homère, qu’il était, devenu professeur de grec moderne, a introduit à l’Université du Mirail et donc à Toulouse et sa région la langue de Cavafis, de Séféris, de Kazantzakis. Il a ainsi posé un acte fondamental dont nous
lui sommes profondément reconnaissants; il laisse un héritage qu’il nous faudra défendre –pour honorer sa mémoire- dans le contexte actuel du peu de cas que font nos
gouvernants aussi bien des langues anciennes, mais sur-
tout pas mortes, et que des langues minoritaires ou peu
parlées.
Homme de convictions, profondément humaniste,
croyant éclairé -mélange de l’influence des Philosophes
grecs et des Pères de l’Eglise qui ont marqué à leur façon
son parcours atypique de formation scolaire et universitaire- J.M. Terrieux cultivait le jardin secret d’une Foi qui
accompagne et soutient la Raison dans les bourrasques de
la vie dont il a eu, lui aussi, son lot.
Homme d’une grande rigueur intellectuelle et morale
il était étonnant de simplicité et de gentillesse dans sa relation avec les autres. Discret, pudique, il n’aimait pas les
honneurs; il était de ces artisans, compagnons du devoir
intellectuel, humaniste et spirituel au sens grec du terme.
Très attaché à sa famille nombreuse, il laisse un vide difficile à combler. Il manque déjà au CERCLE, au Conseil
d’Administration et au Club du Livre qu’il enrichissait tellement de sa vaste culture.
DIMO AGATHOPOULOS
La principauté « champagne »
La principauté d’Achaïe-et-de-Morée que le Pape
Honorius III qualifia de « Nouvelle France » constitue,
aujourd’hui, un épisode très peu évoqué de l’histoire
grecque, un « blanc » de 250 ans. 250 ans de présence
française, au commencement essentiellement champenoise, en Grèce centrale et Péloponnèse. Cette histoire
fait partie intégrante de l'histoire de l’Occident.
Les circonstances en sont nées de l’environnement
de la 4e croisade et des conséquences de la prise de Constantinople par les croisés, pour la plupart d’entre eux originaires de Champagne. Lorsqu'on voit la faiblesse de
l'empire romain d’orient, que, pour ma part, je préfère
qualifier d’empire grec, au regard de la puissance de ses
ennemis, on s'étonne qu'il ait résisté aussi longtemps.
Lorsque Constantinople, au début du XIIIe siècle,
tomba aux mains des francs, l'empire avait encore de
grands moyens de défense. Et pourtant quelques milliers
de croisés seulement en firent la conquête. Ceci autorise à
comparer la valeur militaire des francs à celle des turcs
qui durent, quant à eux, rassembler une armée considérable dotée d’artillerie et aidée de plus de 350 navires pour
venir à bout après 50 jours de siège (!) de la résistance des
26 bateaux et de la poignée de défenseurs qu’avait pu rassembler, in extremis, l’empereur Constantin XI.
Lors de la première croisade, grâce notamment à la
catastrophe militaire infligée aux turcs par les croisés à
Dorylée en Bithynie (1er juillet 1097), l'Asie Mineure se
trouva délivrée des turcs qui s’étaient rendus maîtres de
Nicée et menaçaient Constantinople. Mais les croisés
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vendirent trop chèrement leurs services aux grecs. La violence et la perfidie troublèrent l'harmonie qui aurait dû
régner entre les grecs et les français. Plus tard, la prise de
Constantinople par les francs porta un coup mortel à
l'empire grec qui fut morcelé, affaibli et privé d’une importante partie de son arrière pays par la création de principautés indépendantes dont celle d’Achaïe-et-de-Morée.
Le schisme entre les deux églises et les deux communautés s'accrut par la haine réciproque. Cette division favorisa les ambitions turques et leur permit de prendre Constantinople.
La loi, la plus lourde de conséquence établie d’un accord unanime lors de la première croisade, fut celle par
laquelle on donnait une terre, un château, une ville, une
province même à celui qui le premier y plantait son étendard. On n’avait pas à justifier d'autres raisons pour défendre ses droits et le conseil des seigneurs reconnaissait
ipso facto la justesse de la cause. Cette loi, fondée sur la
maxime du premier occupant fut appliquée lors de
l’occupation du sud de la Grèce par les français. Mais
cette loi, à l’origine, était destinée à s’appliquer aux terres
païennes ou hérétiques ce qui en dit long sur la qualité
des relations des deux églises, orthodoxe et catholique
romaine.
La principauté d’Achaïe-et-de-Morée aux XIIIe,
XIVe et XVe siècles rassemblait toutes les terres au sud
des Thermopyles jusqu’au Cap Malée et plusieurs îles de
la mer Egée et de la mer Ionienne. Après la prise de
Constantinople par les croisés, cet ensemble fut laissé à
titre de souveraineté à la famille champenoise des Villehardouin.
Au retour d'un pèlerinage à Jérusalem, jeté par les
vents dans le port de Modon (Methoni, au sud de Pylos),
le jeune Geoffroi de Villehardouin, neveu de notre grand
chroniqueur des croisades planta donc son étendard et
prit possession des lieux. Informé de la conquête de
Constantinople par ses concitoyens, il s'était entendu
avec un seigneur grec local pour se partager les lambeaux
de l'empire écroulé. Ayant su que l'armée triomphante
des francs arrivait par le nord pour prendre possession,
elIe aussi, du Péloponnèse, il se rendit au camp des croisés francs et obtint de Boniface de Montferrat, un piémontais alors roi de Thessalonique et de Thessalie et ce
grâce à la loi du premier occupant, tous les pays dont il
pourrait s’assurer le contrôle au sud des Thermopyles. Allié à Guillaume de Champlitte, un franc-comtois, il accomplit rapidement la conquête et l'établissement du régime féodal du pays (1205). En 1209, Guillaume de
Champlitte repartit en France prendre possession de son
fief de famille devenu vacant par la mort de son frère aîné. Geoffroi de Villehardouin resta seul maître du pays et
prit alors le titre de Prince d’Achaïe-et-de-Morée. Il organisa militairement le territoire et en distribua une grande
partie en fiefs vassaux, en respectant toutefois les usages
locaux.
A la différence des Lusignan, les Villehardouin adoptèrent une manière de vivre locale, apprenant le grec et
considérant leur principauté non comme une terre
conquise mais comme un héritage de leurs pères qu’il faut
protéger et agrandir.
L'Église catholique romaine succéda cependant aux
droits territoriaux de l'Église orthodoxe et les évêchés, les
chapitres ainsi que les ordres militaires reçurent aussi
leurs fiefs. Un registre des fiefs contint les obligations réciproques du seigneur suzerain et du vassal. On pourvut à
!a défense militaire du pays par la création de 12 baronnies, comme les 12 apôtres, dont les titulaires avaient le
droit de guerre privée et le droit de haute et basse justice
(haute justice : toutes les causes civiles et criminelles jusqu’à la peine capitale / basse justice : les petites causes
style « vol de poules »). Tous les feudataires firent bâtir
des forteresses dans l'intérieur et sur les limites de leurs
baronnies, et quelques-uns frappèrent monnaie.
La plus prestigieuse de ces baronnies fut la seigneurie devenue duché d'Athènes qui regroupait l’Attique et la
Béotie, fief successif des maisons françaises de La Roche
en Franche-Comté puis de Brienne en Champagne et
pour partie (Thèbes) de Saint-Omer en Artois.
Puis, outre le duché de Naxie regroupant, de 1207 à
1361, 17 îles des Cyclades sous l’autorité de la famille vénitienne des Sanudo, furent créés au bénéfice de 10 familles françaises :
Le comté de Céphalonie comprenant les îles ioniennes moins Corfou et le despotat d’Arta au sud de l’Epire,
apanage des princes d'Anjou-Tarente, petits neveux de
Saint-Louis,
Le marquisat de Bondenice (aujourd’hui Mendenitsa
au pied du mont Kallidromo dans les Thermopyles) attribué à la famille italienne des Pallavicini, vassale des Villehardouin,
La baronnie de Karytaina ou Cariténa en Arcadie,
sur l’Alphée, regroupant 22 fiefs secondaires, donnée à la
maison de Brière, alliée aux Villehardouin. Le château des
Brière à Karytaina est encore, aujourd’hui relativement
bien conservé.
La baronnie d'Argos et de Nauplie, fief de la maison
d'Enghien,
La seigneurie de Passe-Avant ou Passava (aujourd’hui Karyoupolis dans le Magne) donnée à la maison
de Neuilly dont le château construit par Jean de Neuilly,
maréchal d’Achaïe-et-de-Morée est encore identifiable.
La baronnie de La Vostice, l'antique Aegion où se
rassemblèrent les chefs grecs pour décider de l'entreprise
de Troie, donnée à Hugues de Charpigny,
La seigneurie d'Akova de Matégrifon (aujourd’hui
Tropea entre Langadia et Olympie) donnée aux sires de
Ronchères puis passée aux sires de Saint-Omer,
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La baronnie de Chalandrice (aujourd’hui Kalavryta
non loin de Patras) fief successif d’Othon de Tournay et
de l’illustre famille des ducs de La Trémouille, pairs et
maréchaux de France, alliés aux Bourbon-Condé.
Le duché de Clermont (aujourd’hui Kyllini entre Patras et Olympie) aussi appelé « Clarence » donnée à une
fille cadette de la maison de Villehardouin qui, après passage à la famille comtale de Hainaut (Belgique), devint à
dater du second fils d'Édouard III et de Philippa de Hainaut, Lionel, un des titres des princes royaux d'Angleterre
(une anecdote : Georges, duc de Clarence, frère du roi
Edouard IV ayant conspiré contre lui avec son autre
frère, le futur Richard III, choisit d’être mis à mort noyé
dans un tonneau de vin de Monemvassia, célèbre cru que
l’on appelait alors Malvoisie !). Clermont ou Clarence devint la résidence fastueuse des Villehardouin puis celle
des princes d’Anjou-Tarente. Son port, Saint Zacharie assurait la liaison commerciale entre la principauté et Brindisi en Italie.
La baronnie d'Arcadia en Messénie (aujourd’hui Kyparissia), restée dans le domaine des Villehardouin,
La seigneurie de Kalamata restée, elle aussi, dans le
domaine des Villehardouin.
D'autres seigneuries furent concédées à des petits
nobles français qui eurent plus ou moins d'importance et
à la tête desquels siégeait Geoffroi de Villehardouin
moins comme le souverain que comme le chef de ses
égaux. Geoffroi fut à la fois poète et guerrier. Il fut un
des chevaliers les plus brillants de cette époque chevaleresque et mourut vers 1220. Il fut enterré à Andravida, le
« Saint-Denis » des Villehardouin.
Geoffroi II, son fils, épousa Agnès, fille de l'empereur de Constantinople, Pierre de Courtenay (les Courtenay étaient une branche cadette de la maison des capétiens, rois de France) et de Yolande de Flandre, soeur des
empereurs Robert et Baudouin II. Sous son principat
s'élevèrent de très fortes tensions avec le clergé catholique romain, qui, ayant reçu des fiefs à titre de service militaire, refusait le service dû par hommage féodal. Geoffroi II décida de saisir leurs revenus avec lesquels il fit bâtir la forteresse de Khlemoutzi ou Castel Tornèse à 10
km de Gastogne ou Gastouni dans la région de Pyrgos. Il
fut alors excommunié par le pape ainsi que ses vassaux
qui l'avaient appuyé dans sa résistance. L'Église finit par
s’incliner et en témoignage de cette réconciliation, il fit
bâtir à Athènes une petite église.
Guillaume de Villehardouin, son fils, né et mort à
Kalamata dont il avait fait sa résidence favorite, lui succéda vers 1246 et acheva la sécurisation du Péloponnèse. Il
favorisa le développement spirituel et culturel du pays et
encouragea la culture du mûrier (Morée=morea=mûrier)
pour alimenter l’industrie de la soie. Il construisit à Kalamata et à Mistra des châteaux dont on peut encore admirer les ruines imposantes. Fait prisonnier par Michel
Paléologue en 1259, à la bataille du lac Kastoria, il fut
emprisonné en Asie-Mineure. Après qu'en 1261, Constantinople fut retombée entre les mains d’une dynastie
grecque, il livra, en 1263, à titre de rançon à Michel Paléologue, outre la forteresse de Mistra, celle de Monemvassia. Désormais, avec les Paléologue, Mistra va briller
de tous ses feux et attirer de nombreux artistes et philosophes comme le platonicien Pléthon. Il faudra attendre
1770 et l’incendie par les Albanais pour que Mistra sombre dans le sommeil.
Avant sa mort en 1278, Cherchant de nouveaux alliés face aux Paléologue, Guillaume maria sa fille, Isabelle,
à Philippe, fils de Charles d'Anjou, roi de Naples et frère
de Saint-Louis. Remariée à Florent de Hainaut puis à Philippe de Savoie-Piémont, elle laissa la principauté à sa
fille, Mathilde de Hainaut qui avait épousé Guy de La
Roche, duc d’Athènes. Par ce mariage, l’unité territoriale
du sud de la Grèce fut un court moment presque accomplie.
Florent de Hainaut et Philippe de Savoie-Piémont
désignèrent tous deux Philippe d’Anjou comme héritier
de la principauté d’Achaïe-et-de-Morée au cas où Mathilde n’aurait pas de descendance.
Veuve en 1308, Mathilde revint en France et se remaria avec Louis de Bourgogne. Tous deux revinrent, en
1314, habiter la principauté.
Pendant ce temps, Marguerite de Villehardouin,
soeur cadette d’Isabelle avait marié sa fille unique, à Ferdinand de Majorque, fils du roi Jacques II d'Aragon, qui,
fort des succès remportés dans le duché d' Athènes par
les mercenaires catalans présentait des ambitions territoriales en Grèce. S’en suivit une période de confusions et
après bien des péripéties et d’alliances matrimoniales,
l’Achaïe-et-Morée fut revendiquée par Catherine de Valois, impératrice « titulaire » de Constantinople, soeur du
roi de France, Philippe VI et héritière de Philippe
d’Anjou, le premier mari d’Isabelle de Villehardouin. Catherine obtint gain de cause et vint résider en Grèce. Son
fils, Robert s’y établit définitivement. A sa mort, il légua
le tout à Marie de Bourbon, sa femme qui était veuve en
première noces de Guy de Lusignan, connétable de Chypre.
Marie de Bourbon, princesse méditerranéenne, gouverna personnellement l'Achaïe-et-Morée.
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Empereurs de
Baudouin le Courageux
Comte de Flandre
Baudouin Ier de Flandre
Yolande de Flandre
Empereur de Constantinople (1204) & Pierre de Courtenay
Empereur (1216)
Marie de Courtenay
& Théodore Lascaris
Empereur de Nicée
Robert Ier de Courtenay
Empereur (1218)
Baudouin II s’enfuit
de Constantinople
Fondateur de la dynastie
des Valois
Rois de France de 1328 à 1589
Constantinople
Achaïe
et Morée
Henri Ier de Flandre
Empereur (1206)
Baudouin II de Courtenay
Empereur (1237-1261)
& Marie d’Athènes-Brienne
Philippe de Courtenay
Empereur titulaire
& Béatrix d’Anjou
Catherine de Courtenay
Impératrice titulaire
& Charles de Valois
Agnès de Courtenay
& Geoffroi II
de Villehardouin
Geoffroi II
Prince d’Achaïe-Morée
& Agnès de Courtenay
Guillaume de Villehardouin
Prince d’Achaïe-Morée
Isabelle
Marguerite
Philippe d’Anjou et Beatrix d’Anjou Princesse d’Achaïe-Morée
& Philippe d’Anjou
sont frère et soeur
& Florent de Hainaut
& Philippe de Savoie
Fille unique
Mathilde de Hainaut
Princesse d’AchaïeMorée
& Guy de La Roche
& Louis de Bourgogne
Catherine de Valois
Revendique l’héritage de Philippe d’Anjou
Impératrice titulaire
époux d’Isabelle de Villehardouin,
Princesse d’Achaïe-Morée
héritier désigné
& Philippe d’Anjou-Tarente
Robert d’Anjou
Prince d’Achaïe-Morée
dit « Mgr l’Empereur »
& Marie de Bourbon
Geoffroi Ier
de Villehardouin
Prince d’Achaïe-Morée
Jacques de Savoie
Amédée de Savoie
Marguerite de Savoie
& Théodore II Paléologue
Sœur de
Pierre Ier
duc de Bourbon
et de Jacques de Bourbon
Louis II
duc de Bourbon
Prince d’Achaïe-Morée
Branche aînée
des Bourbon
éteinte en 1527
Elle sut faire respecter son autorité par les armes. En
mourant, en 1387, elle laissa l'héritage de la principauté à
Louis II, duc de Bourbon, son neveu, beau-frère des rois
de France (Charles V) et de Castille. Les troubles intérieurs de la France engagée dans la guerre de Cent-Ans
empêchèrent Louis de Bourbon de se rendre dans sa
principauté.
Après sa mort, en 1410, la situation de la France aux
prises avec l’Angleterre empêchèrent les héritiers de
Louis II de Bourbon (plus tard rois de France et de Navarre à l’avènement d’Henri IV qui rassemblera sur lui les
droits dynastiques de la France, de la Navarre et de la
Grèce du sud), de reprendre activement le contrôle de la
principauté où les désordres s’amplifiaient. Les despotes
grecs de Mistra avaient cherché à étendre leurs possessions tantôt par la conquête tantôt par des alliances avec
les seigneurs francs de plus en plus affaiblis car coupés de
toute relation avec la France.
Les Anjou-Tarente avaient attiré des familles napolitaines et florentines, telles que les Tocco à Céphalonie et
les Acciaiuoli à Athènes. Elles s’étaient implantées durablement. Les Gênois et les Vénitiens veillant à leurs intérêts commerciaux s’étaient installés un peu partout.
Comte de La Marche
Branche cadette dite de
« Bourbon-Vendôme »
Prétentions italiennes
(Maison de Savoie) à
l’Achaïe-et-Morée
Henri IV de Bourbon
Roi de France et de Navarre
Prince titulaire d’Achaïe-Morée
Aucune autorité n'était assez forte pour assurer une
cohérence d’ensemble afin de faire succéder un gouvernement régulier et solide à cette anarchie féodale.
Le peuple grec, de son côté, avait à faire face à une
trop grande misère et était réparti entre trop de maîtres
pour pouvoir constituer une unité puissante.
Les turcs devenaient chaque jour plus menaçants.
Maîtres de l'Asie-Mineure, ils s'étaient implantés en Europe en s’emparant de Thessalonique, prenant Constantinople à revers.
Quand Constantinople succomba en 1453, les provinces grecques et françaises de Grèce du sud qui avaient
opposé une fin de non-recevoir aux demandes de secours
formulées par Constantin XI Paléologue ne pouvaient se
défendre très longtemps face aux ottomans. Tous les
chefs français quittèrent à la hâte la Grèce sans combattre
et sans honneur et leurs débris se réfugièrent à Corfou et
à Naples (1456). Les descendants des croisés ne faisaient
plus partie de l’histoire.
A Suivre …
EDOUARD THILLIEZ
2eme partie : Ducs d’Athènes et barons d’Argos
3eme partie : Les petits princes : Akova, Bondenice, Arcadia
et Chalandrice
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La Grèce au fil des jours
Jeudi 24 Février 2005 :
Un climat délétère règne au sein de l’église de Grèce.
Tandis que l’archimandrite Giossakis reste en prison pour
le vol d’icônes dans l’île de Samothrace, un personnage
plus complexe et que nous avons brièvement présenté
dans une chronique précédente, alimente l’actualité. On
hésite à lui donner un nom car il est connu sous huit
identités différentes (dont le patronyme de son ex-femme
Maly Koën) et autant de déguisements différents : celui
qu’il préfère est celui de moine, mais il peut aussi bien
être agent de sécurité, homme d’affaires, et même prêtre
catholique en soutane…Son vrai nom est Apostolos Vavylis. Mais si vous l’appeliez Pharmakis ou Phokas, il répondrait présent. Il parle cinq langues, parcourt le monde
entier à l’aide de faux papiers. On a retrouvé trois de ses
résidences à Athènes, toutes impeccablement tenues.
Dans l’une d’elles se trouvaient trois ordinateurs. Ses activités préférées seraient le trafic de stupéfiants et le trafic
d’armes. Mais pour jeter le flou sur ces activités délictueuses, il manifeste un dévouement sans bornes à
l’orthodoxie, en particulier aux minorités disséminées de
par le monde. On y verrait plus clair si le personnage était
arrêté. Mais sa mère qui réside à Volos reste muette, son
frère dit ne pas l’avoir vu depuis Noël et son ancienne
femme depuis 200I.
Un autre hiérarque ternit l’image de l’Eglise. Il s’agit
du métropolite d’Attique Panteleïmon dont l’inconduite
est confirmée par des écoutes téléphoniques rendues publiques. Mais le prévenu menace : « Si j’ouvre la bouche,
beaucoup m’accompagneront dans la tombe ». Il est vrai
que certains métropolites ont un train de vie incompatible avec leur fonction : résidences secondaires somptueuses, voitures dignes de chefs d’état, et comptes en banque
bien fournis. La seule victime jusqu’ici a été le métropolite Thèoclitos de Thessalie qui, malgré le soutien des fidèles et du clergé local, a été dans l’obligation de démissionner pour avoir introduit l’archimandrite Giossakis
dans l’entourage de l’archevêque d’Athènes. Mais Vavylis,
le principal impliqué, défie toujours Interpol .
Dimanche 27 Février 2005
L’Eglise est tout ce qui reste de la grandeur passée de
Byzance. C’est la raison pour laquelle les grecs y sont viscéralement attachés. Et s’il veut rendre compte de
l’actualité, le chroniqueur doit faire une large place aux
soubresauts qui affectent l’institution la plus populaire du
pays. Si l’affaire a des aspects sordides, elle en a aussi
d’émouvants, comme cette interview accordée tout récemment au journaliste Hatzinicolaos de la chaîne Alpha
par l’archevêque d’Athènes .
« Vous ètes touché, ça se voit, dit le journaliste. » Et,
subitement figé dans un mutisme total, l’archevêque
pince les lèvres pour réprimer un sanglot : qui pourrait
dire ce que cache ce sanglot retenu ?
Mais que lui reproche-t-on à l’archevêque Christodoulos ? Les journalistes d’investigation prétendent qu’il a
étouffé des affaires compromettant certains hiérarques.
De plus, le patriarche de Jérusalem l’accuse de lui avoir
envoyé comme émissaire, sous le nom de Phocas,
l’homme qu’on signale partout et qu’on ne trouve nulle
part : Apostolos Vavylis. Jouant de l’éventail de ses multiples identités et de son tissu de relations, l’homme déjoue tous les pièges que lui tend la police.
Vendredi 25 Mars 2005
Comme moyen de communication, on sait qu’il
utilise un ordinateur, jamais le téléphone portable trop facilement détectable : il laisse ce jouet dangereux aux enfants. Les grands utilisateurs du portable, nous apprend
une statistique publiée par Kathimèrini, sont les élèves
des collèges et lycées. Magie des mathématiques : le pourcentage exact de ceux qui en possèdent est de 79,93%.
Parmi eux, 65,21% l’utilisent en classe « souvent ou
continuellement » malgré la fureur des professeurs. «Je ne
peux imaginer aller quelque part sans le portable », déclare une élève de 14 ans, Constantina K…Ce phénomène de dépendance inquiète les autorités. On fera donc
preuve de fermeté: après une campagne d’information,
les récalcitrants « risquent » d’être exclus de la classe. Autre chiffre sans doute plus exact : 2 millions et demi de
voitures étouffent (pni>goun) Athènes. Allez donc trouver Vavylis dans ce capharnaüm ! Car on suppose qu’il se
noie dans la multitude. C’est le meilleur refuge.
Samedi 9 Avril 2005
Tournons- nous maintenant du côté de la culture
pour respirer un air plus salubre Le grand public a été
ému par la disparition de Grigoris Bithicotsis dont la voix
de cristal s’adaptait à merveille à la musique flamboyante
de Théodorakis. Ce sont deux chevaux, l’un noir, l’autre
blanc, qui l’ont accompagné au cimetière conformément
au vœu tacite que le chanteur avait exprimé dans une
chanson dont il avait lui-même écrit la musique sur des
vers de Kostas Virvos. En voici le refrain :
« To e>na a>logo na ei>nai a>spro
o>pwv ta o>neira pou e>kana paidi>,
to a>llo a>logo na ei>nai mau>ro
san thn pikrh> mou thn kata>maurh zwh>. »
“Que l’un des chevaux soit blanc
comme les rêves que je faisais dans mon enfance ;
que noir soit l’autre
comme ma vie amère et toute noire. »
Quand le cercueil eut été descendu dans la tombe,
quatre ou cinq joueurs de bouzouki se sont approchés et,
dans une scène comparable à celle qu’on peut voir à la fin
du film « Rebetico », ils ont salué, aux accords de leur instrument, celui qui, ancien ouvrier plombier, était devenu,
par son travail et son talent, le plus populaire des chanteurs grecs. Oui, il méritait bien le titre de « Sir » celui que
le peuple avait spontanément anobli. Car il avait fière allure malgré sa modestie.
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Dimanche 24 Avril 2005
On désespérait de l’arrêter et les médias avaient cessé
de parler de lui. Or, passant devant un kiosque à journaux
à Nicosie, je vois un énorme titre occupant la moitié de la
première page de Ta Nea «Sunelh>fqh o Babu>lhv»
(Vavylis a été arrêté.) A l’intérieur du journal, deux pages
entières sont consacrées à l’événement. L’aventurier a été
intercepté à Bologne par la police italienne On détaille la
liste de ses « exploits » qui ont débuté à Volos en 1988
où il est arrêté avec, en sa possession, un kilo et demi
d’héroïne. Comme il bénéficie de protections policières
et…ecclésiastiques, tous ses procès sont renvoyés pour
les motifs les plus divers, en 1995 par exemple, pour
« maladie de l’inculpé ». Ce serait une trajectoire assez
banale sans son intervention dans les affaires religieuses,
la plus spectaculaire étant l’élection du patriarche Irinaios
au trône de Jérusalem en 2001. Une photo reproduite par
le journal le montre en compagnie du patriarche.
L’immense fortune du patriarcat était sans doute un appât suffisant pour expliquer l’assiduité de Vavylis. Le
journal mentionne quelques détails pittoresques. Vavylis
aurait été trahi par son ordinateur, les spécialistes ayant
intercepté une communication avec Jérusalem. Elle aurait
été le point de départ de la localisation de « l’homme aux
mille visages ». Il se trouvait, lors de son arrestation, dans
l’appartement d’une amie italienne, Il portait soutane et
chapeau cylindrique noir dénommé « kalimavki » ou
«kamilavki » (kalummau>ki h> kamhlau>ki) et son passeport, faux évidemment, était établi au nom de Andonios Aïvaliotis.
Je dis à la vendeuse de journaux qu’il s’agit là d’un
vrai roman. « Oui, me répond-elle, mais il aura fait beaucoup de mal à notre religion. » La page Vavylis est donc
tournée. Il ne fera plus la une des journaux. Comme il a
été arrêté en Italie, il ne bénéficiera pas des protections
habituelles, car certains délits ont été perpétrés en territoire italien et il ne sera extradé en Grèce que dans un
avenir lointain. Reste cependant le cas du patriarche Irinaios conspué par les palestiniens orthodoxes mais encore accepté par les orthodoxes grecs et russes qui viennent en pèlerinage à Jérusalem. Mais le sort du patriarche
ne concerne pas directement la Grèce.
Samedi 30 Avril 2005
Mr Georges Papandrèou, président du Pa.so.k
éprouve des difficultés à s’imposer à la tête du parti socialiste, de même que Mr Caramanlis, premier ministre,
peine à imposer au pays, pour une durée de deux ans a-til dit, les mesures d’austérité qui lui apparaissent nécessaires pour que l’économie décolle. Un dessin du 26 Avril
paru dans Ta Nèa illustre la situation. On y voit le citoyen, attaché au poteau de l’austérité, supplier le ministre
de l’économie, Mr Georges Alogoskoufis. « Mr Georges,
détachez-moi un peu que je fasse Pâques. » Et Mr Georges de répondre : « Non ! Non ! Le premier ministre a
dit : Attachez-vous ! Vous décollerez dans deux ans. »
Dessin de Costas Mitropoulos publié dans Ta Néa du 30 mars 2005
Tout reste en suspens en ce moment, car c’est la
« Grande Semaine » ou semaine sainte , comme on dit en
France. On estime à deux millions le nombre des citadins
grecs qui ont rejoint pour l’occasion leur village natal ou
se sont embarqués pour les îles. Durant quelques jours,
on s’évade de la contingence pour se sublimer. L’église
devient la demeure la plus fréquentée. Les offices sont
longs ; on a tout loisir de regarder les icônes et les peintures murales : elles sont là justement pour que l’esprit reste
orienté vers la méditation religieuse et ne s’englue pas
dans les flaques de la rêvasserie. Mais il n’y a pas que
l’âme qui est concernée. Tous les sens sont sollicités,
comme le suggère cette poésie célèbre de Cavafis dont
l’atmosphère sensuelle peut émouvoir aussi bien les
croyants que les incroyants. Perce également dans la poésie une pointe de nationalisme qui n’avait rien de choquant à l’époque où elle a été écrite.
« « Thn ekklhsi>an agapw>, ta exapte>ruga> thv
t >ash>mia twn skeuw>n, ta khroph>gia> thv,
ta fw>ta, tev eiko>nev thv, ton ambwna> thv.
Ekei> san mpw>, me>v s >ekklhsi>a twn Graikw>n,
me twn qumiama>twn thv tev euwdi>ev,
me tev leitourgike>v kai sumfwni>ev,
tev megaloprepei<>v twn iere>wn parousi>ev
kai ka>qe twn kinh>sewv ton sobaro> ruqmo>,
lampro>tatoi me>v stwn amfi>wn ton stolismo>,
o nouv mou phgai>nei se time>v mega>lev thv
fulh>v mav,
ston endox>o> mav buzantinismo>.””
« J’aime l’église, ses bannières, l’argent de ses vases
sacrés, ses lumières, ses icônes, et son ambon. Quand
j’entre dans une église grecque, avec ses parfums
d’encens, ses voix et ses chœurs liturgiques, la belle prestance de ses prêtres aux chasubles étincelantes et le
rythme grave de chacun de leurs gestes, ma pensée se retourne vers les grandeurs de notre race, vers notre glorieuse époque byzantine. »
(Trad. Marguerite Yourcenar)
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Ce soir, à minuit, les cloches des églises s’ébranleront
pour annoncer la résurrection du Christ et le début de la
fête. Demain, dans les villages, on fera rôtir, souvent au
dessus de brasiers improvisés, l’agneau pascal.
L’atmosphère sera chargée des odeurs de viande rôtie et,
qu’on me permette cette concession au paganisme, les
dieux de l’Olympe, dont on dit qu’ils se nourrissaient de
cette odeur, seront comblés. Lundi, la fête se prolongera
avec la St Georges qui donnera lieu à d’autres manifestations, en particulier des cavalcades effrénées. « Un jour,
les dieux ont pris en pitié la race des hommes vouée naturellement au labeur, et ils ont institué, comme trêve à
leurs peines, les échanges des fêtes avec les dieux… »
(Platon, les Lois, II 653 d). La fête est donc devenue
comme une institution divine. Elle n’est pas un temps volé au travail. C’est le travail qui est un temps volé à la fête,
pourrait-on dire avec un brin de provocation. La civilisation prométhéenne, celle qui utilisait le feu dérobé par
Prométhée pour transformer le monde, a cédé la place à
une civilisation dionysiaque tout entière vouée au divertissement. Il est vrai que la confrontation était inégale.
Prométhée n’est qu’un cousin de Zeus alors que Dionysios est son propre fils…
Dimanche 8 Mai 2005
Nouvelle défaite en perspective du camp prométhéen : le premier ministre aura du mal à faire appliquer
son plan d’austérité de deux ans. Il rencontre dès à présent une forte résistance de la part des organisations syndicales. De plus, on se bat pied à pied pour une affaire
mineure mais significative. Il s’agit du premier Mai qui,
cette année, coïncidait avec le dimanche de Pâques, jour
peu propice aux défilés traditionnels. Ils sont reportés au
11 Mai. Mais le gouvernement refuse de déclarer férié ce
1er Mai décalé, ce qui provoque protestations indignées.
Il faudra concilier le travail et la fête. Ce sera un demi 1er
Mai , dit un journaliste.
LOUIS DELON
Conférence de Madame Gounari-Blanc
« Regards sur l’Icône »
Qu’est-ce qu’une icône ? Un objet d’art, un art religieux figé, une image religieuse de l’orient chrétien et à
ce titre un peu exotique, une image ?
Ainsi commençait sa conférence « Regards sur
l’Icône », Madame Gounari-Blanc devant les très nombreux auditeurs qui remplissaient la salle de la rue Clémence Isaure cet après-midi du Jeudi 3 Mars.
Madame Gounari-Blanc grecque d’origine et hagiographe (iconographe-peintre d’icônes) de surcroît, après
cette première phrase, répond à sa question et à la nôtre
« l’icône, ajoute à l’image une autre dimension celle du
transcendant… ».
Mais avant de développer cette idée la conférencière
fait un bref rappel historique. La création de Constantinople (en 330) par Constantin le Grand, qui abandonne
Rome comme capitale de l’Empire Romain, enracine cet
empire dans un espace grec et oriental hellénisé (qui devient l’Empire byzantin), ce qui fait éclore une nouvelle
culture née de ce mélange où le Christianisme a joué un
rôle primordial. L’icône s’exprimera dans le langage de la
culture byzantine puis plus tard byzantino-slave et dans
la spiritualité du christianisme oriental
Il ne faut pas croire que l’icône soit apparue dès les
premières années du Christianisme. Dans les Dix commandements de l’Ancien Testament le « tu ne te feras
pas d’image …. » hante les premiers chrétiens.. Les premières églises à Constantinople sont ornées de représentations d’arbres, d’oiseaux, de scènes sataniques, de courses de chevaux et de chasse et des jeux d’hippodrome.
Les plus anciennes images (fresques) se trouvent dans
quelques catacombes à Rome ( entre autres celle de Priscilla de la fin du IIIe iècle), où on a des représentations
presque allégoriques : Moïse frappant le rocher d’où jaillit
l’eau, un berger portant une brebis, un Orant ou des
Saints.
Les premiers chrétiens, nous dit Mme GounariBlanc inscrivaient, sur les sarcophages, le nom, en Grec,
du poisson I C Q U S, mot dont les lettres sont les initiales des mots qui composent la phrase : [IIhsou>v Cristo>v
Qeou> Uio>v Swth>r] signifiant (dans l’ordre) Jésus,
Christ, de Dieu Fils, Sauveur, pour montrer leur appartenance à la nouvelle religion. Il ne faut pas s’étonner de
voir des inscriptions en grec; le grec était la langue de
communication de l’époque dans tout le bassin méditerranéen et si le christianisme s’est rapidement répandu
c’était grâce à cela ; n’oublions pas que tous les textes sacrés de la nouvelle religion étaient écrits en cette langue.
En effet l’ancien Testament était déjà traduit en grec trois
siècles avant la naissance du Christ par les Ptolémées, à
Alexandrie, les épîtres de St Paul étaient directement écrites en grec vers l’année 50 de notre ère et les évangiles
vers les années 100, contrairement à ce que dit –en falsifiant l’histoire-, un auteur à la mode. On peut ajouter que
cette langue était la langue liturgique de toute la chrétienté jusqu’à l’année 180, même en Occident et aussi la langue qu’utilisaient les théologiens les plus remarquables,
car elle était seule capable, par sa richesse verbale et stylistique, de présenter avec la précision requise la plénitude
des idées du Christianisme
C’est vers la fin du IVe siècle que certains, St Nil, St
Basile de Césarée, (III-IV siècle), incitent les peintres
chrétiens « à glorifier par leurs œuvres le Christ et les
Saints et aussi à emprunter des scènes de l’Ancien et
Nouveau Testament pour instruire les illettrés par le regard des belles actions de ceux qui ont fidèlement servi le
vrai Dieu et pour qu’ils soient incités à les imiter ». Il ne
faut pas espérer, par conséquent, trouver des icônes datant d’avant la fin du IVe siècle. En 461 le Concile d’
Ephèse désigne l’icône comme un temple de Dieu où celui qui est représenté est mystérieusement présent.
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Les églises commencent alors, à être ornées d’icônes,
de fresques… mais cela ne va pas sans mal. En effet le
culte des images se mêle de superstition et aboutit à la
crise Iconoclaste vers 726.
L’expansion Arabe n’est pas pour rien dans cette
crise, comme le fait remarquer la conférencière Au fur et
à mesure que les Arabes occupent des terres où le christianisme s’était implanté, Egypte, Palestine, Syrie, le Calife
Yezid ordonne (723) la destruction de toutes les images
dans les églises et dans les maisons. Cette campagne atteint la cour impériale de Byzance (726). L’empereur
Léon III suit le mouvement et exile le Patriarche de
Constantinople, défenseur des images. (A l’ouest les papes Grégoire II et puis Grégoire III refusent eux aussi de
se soumettre). A Constantinople et ailleurs le sang coule
et un grand nombre d’icônes sont détruites. Cette guerre
intestine dura 60 ans.
Il a fallu attendre 787, où un semblant d’arrêt se dessine avec le concile œcuménique (le 7e) à Nicée, réuni par
l’impératrice Irène ; on rétablit le culte des images et
proclame un dogme. La guerre iconoclaste ne s’arrêta
pas pour autant.; ce n’est qu’en 842 que le concile de
Constantinople réuni par l’impératrice Théodora rétablit
définitivement le culte des images. L’Eglise Orthodoxe
commémore chaque année le 1er dimanche du carême « Le triomphe de l’Orthodoxie » sur les iconoclastes
en même temps que sur les hérésies antérieures.(monophysites, nestoriens etc…).
Les grands défenseurs des icônes furent St Jean
Chrysostome, St Jean Damascène, qui a écrit un traité sur
la défense des images , St Théodore le Studite et d’autres.
Pantocrator. Icône très rare du 7ème siècle, à la cire technique Byzantine (Monastère de Ste Catherine au Sinaï)
Le culte des images est fondé sur le « dogme christologique ». Dans l’Ancien Testament on rejette abruptement toute représentation spatiale de Dieu; refus
d’identifier Dieu aux fantasmes de l’imaginaire. Pourtant
quelque chose dans la Bible annonce l’icône ; un des leitmotiv de la Bible est cette imploration de
l’homme : « Dis-moi ton Nom », « montre–moi ta Face »
avec la certitude - peut-être- qu’alors l’homme retrouvera
son propre visage car il a été créé « à l’image et à la ressemblance » de Dieu (Gen.1,27)
Mais dans le Christianisme comme fait remarquer
Mme Gounari-Blanc, Dieu s’est incarné, il est en chair,
parmi les hommes, il a parlé, il a enseigné ; il a été vu,
donc on peut le représenter. L’incarnation fonde
l’image et l’image montre l’incarnation. Non seulement on peut représenter le Christ mais on doit le représenter. L’icône a une base théologique.. Evidemment
on ne peut pas représenter Dieu le Père, abîme inaccessible, mais cela n’a pas d’importance car comme a dit le
Christ lui-même « Celui qui m’a vu a vu le Père » (Evangile St Jean 14,9). L’icône du Christ est le visible de
l’invisible et la conférencière nous lit un extrait des
conclusions du Concile, dont nous ne donnons qu’un résumé :
« Plus on regardera fréquemment les représentations
imagées, plus ceux qui les contempleront seront amenés à se souvenir des modèles originaux et à se porter
vers eux à leur témoigner de la vénération sans que ce
soit une adoration [λατρεία] ….car l’honneur rendu à
l’image remonte au modèle original »
Le Christianisme, vers 862-863 touche les pays slaves, avec les frères Méthode et Cyrille qui créent un alphabet (Cyrillique), basé sur l’alphabet grec, pour transmettre les textes sacrés à des peuples qui manquaient
d’écriture. La Russie devient chrétienne vers 988 et
l’icône s’introduit, par des moines du Mont Athos, [la
Sainte Montagne (Grèce)]. Le plus connu est Théophane
le Grec (XIVe siècle) Ensuite les peintres russes ont élaboré leur propre style et fondé plusieurs écoles. Les auteurs sont la plupart du temps anonymes, à l’exception du
moine Andreï Roublev (élève semble-t-il de Théophane
le Grec), qui reste le maître incontesté (XVe siècle).
Dans l‘histoire de l’orient chrétien trois autres dates
ont une grande importance : 1054 date à laquelle on situe
le schisme, c’est-à-dire la séparation des églises chrétiennes en deux camps, l’occident avec Rome comme centre,
et l’orient avec les Patriarcats traditionnels de Constantinople, d’Antioche, de Jérusalem et d’Alexandrie, 1204
avec la 4e croisade qui déviant de son but se dirige vers
Constantinople et met à sac la Ville en massacrant des
chrétiens et en pillant les églises et 1453 date à laquelle la
capitale de l’Empire Byzantin est prise par les Ottomans.
L’iconographie orthodoxe a connu une décadence
profonde dès le XVIIe siècle en Russie et au XIX siècle
en Grèce. Mais l’intérêt pour l’icône s’est éveillé en Russie à la veille de la révolution par l’influence de la nouvelle peinture Française non naturaliste. En Grèce un retour à la tradition a suscité une renaissance de la fresque
(Kontoglou et son école)
La projection de diapositives de quelques icônes a
permis à Madame Gounari-Blanc d’expliquer comment
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on « construit » une icône, quelle est la symbolique des
couleurs et surtout dans quelle disposition le peintre doit
être pour peindre et je me suis rappelé, en l’écoutant,
avoir lu dans un livre de Kontoglou--le rénovateur des
églises en Grèce-- que les traits du visage du Christ se
sont façonnés par la dévotion, la piété, la prière, la peine,
le recueillement de centaines de peintres d’icônes qui travaillaient, jeûnant et priant avec des larmes aux yeux et
ainsi apparut le Seigneur aux yeux de leur âme et ils ont
pu l’imprimer sur l’icône…….
L’icône fait partie intégrante de la liturgie orthodoxe.
La célébration d’une fête exige qu’on expose au milieu de
l’église l’icône qui montre l’événement que l’on commémore. Il y a plus encore, l’église toute entière, avec les
icônes, les fresques et son architecture représente dans
l’espace ce que la parole liturgique représente dans le
temps. Nous avons compris, en écoutant la conférencière
que dans l’église orthodoxe la parole liturgique et l’image
forment un tout indissociable un milieu de résonance,
une « pneumatosphère » « une atmosphère spirituelle »
par laquelle la tradition rend actuelle et vivante la Bonne
Parole.
L’iconographie ne vise pas à représenter des natures
individuelles, à décrire les propriétés et les attributs moraux des personnes, mais elle représente « l’événement »
de la personne (la présence-παρουσία), elle appelle à une
relation personnelle, c’est-à-dire à un mode d’existence
qui est le dépassement de l’individualité.
Devant une icône on est toujours face à quelqu’un
qui est résurrection, transfiguration, communion.
L’icône n’appelle pas la vénération des orthodoxes
seulement, mais de tout homme qui dans le tourbillon de
la vie daigne s’arrêter, méditer, faire silence, prier, rester
à l’écoute du Divin et peut être sortir de soi et, qui sait, se
….transcender.!!
Mille mercis, Madame Gounari-Blanc pour cette remarquable conférence.
JEAN SOTIROPOULOS
Afin d’illustrer à posteriori la passionnante conférence de
Mme Suzanne BLANC-GOUNARI nous avons visité
l’exposition organisée au Palais des Papes d’Avignon intitulée :
SAINTS DE BYZANCE
Icônes grecques de Veroia
Les icônes proviennent de la ville de Veroia, située
aux confins occidentaux de la plaine macédonienne. De
sa longue et tumultueuse histoire, Veroia a conservé de
nombreux monuments, notamment ses remparts de
l’Antiquité tardive ainsi qu’une centaine d’églises byzantines, dont 39 décorées de fresques à partir du XIe siècle.
Elle conserve une collection exceptionnelle de plusieurs
centaines d’icônes réparties entre les églises, où elles sont
utilisées pour le culte, et le récent Musée Byzantin.
Eiko<nev (icônes), chez les Grecs anciens, signifiait
représentation des figures, peinte ou sculptée, ou simplement portrait peint ou sculpté. Chez les premiers chrétiens, puis au Moyen Age, le terme acquit une signification concise, relative à la représentation sacrée. L’icône,
chez les Byzantins, désignait des représentations de saints
et des scènes de la vie du Christ, ou de la Vierge, exécutées le plus souvent avec des matériaux précieux, tels que
l’ivoire, l’argent doré ou le bronze, la soie ou la mosaïque.
A partir du XIIe siècle, elles furent majoritairement exécutées sur des panneaux de bois.
Les icônes, sont les objets de vénération par excellence de l’Eglise orthodoxe. Elles sont utilisées à chaque
manifestation de la vie ecclésiastique, dans la divine liturgie et pendant les autres Mystères, dans les prières rituelles, les litanies. L’icône ne consiste pas simplement en la
reproduction d’un personnage sacré ou d’une scène religieuse, mais à travers la fidélité de cette reproduction à un
type préétabli, c’est la grâce divine qui est communiquée
au fidèle. L’icône est le véhicule essentiel de la relation du
fidèle avec le Christ ou le saint. Les fidèles expriment leur
dévotion au personnage sacré représenté et lui demandent d’intercéder pour que certains vœux soient exaucés.
Enfin, grâce à l’icône, le fidèle, souvent illettré, apprend
la vie du Christ, de la Vierge et des Saints.
Cette exposition présentait, en 36 icônes de différents formats, du XIIIe au XVIIe siècle, toutes sur panneaux de bois, sans aucune dorure, le peuple céleste des
saints de Byzance réparti par familles autour du Christ
Pantocrator :
les prophètes, annonciateurs préchrétiens de la
Parole Divine :St Jean-Baptiste ange, le Prophète
Daniel, le Prophète Elie ;
les anges, messagers de la Parole Divine : La Synaxe
(portrait collectif) des Archanges ; l’Archange Michel, la Philoxénie (l’hospitalité) d’Abraham, des
Portes de sanctuaire avec représentation de
l’Annonciation ;
les saintes mères, figures essentielles de
l’incarnation de la Parole Divine : des Vierges de
Tendresse, une Vierge Hodigitria (qui montre le
chemin, qui guide), une Vierge en prières, une Vierge
à l’Enfant trônant avec deux archanges ;
les apôtres et évêques, hérauts de la Parole Divine
et de l’orthodoxie :St Nicolas, St Jean le Théologien,
les Apôtres Pierre et Paul, St Athanase ;
les saints militaires, protecteurs des combattants :
St Nestor, les saints Théodores, St Mercure, St
Georges à cheval, St Georges Tropaiophore, Sts
Démétrios, Gourias, Samonas et Avivos (icône bilatérale).
les saints guérisseurs, médecins des pauvres : Sts
Cosme et Damien ;
les saintes femmes, femmes inspirées des idéaux
universels : Ste Catherine, Ste Paraskévi, les Maccabées avec Ste Solomoni, Ste Anne allaitant, Ste Anne
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et la Vierge, les Stes Barbara et Paraskévi, Ste Jérusalem avec ses enfants et la Crucifixion (icône bilatérale).
Cette exposition a été organisée en étroite collaboration avec le Ministère Hellénique de la Culture, le Musée
Byzantin de Veroia et l’organisme de Promotion de la Civilisation Hellénique S.A. du 4 décembre 2004 au 3 avril
2005. Elle a été prolongée jusqu’au 8 mai.
DANIEL ET LYDIE VERHEYLEWEGHEN
VOYAGE A L’ILE DE CHYPRE
(du 19 au 26 avril 2005-05-01)
Thème : « Chypre Antique et Médiévale ».
Ce voyage a été organisé par Line et Nicolas FAMILIADES de façon remarquable. Ils ont accompli un gros
travail de préparation afin de serrer les prix au maximum,
car Chypre est une destination chère.
Mardi 19. Nous sommes un groupe de 28 personnes. Après un voyage en avion Toulouse-Orly-RoissyLarnaca, le car nous amène à Limassol où nous installons
nos quartiers à l’hôtel Avenida Beach, situé au bord de la
mer et comportant tous les aménagements modernes.
Nous faisons connaissance avec Rolande, notre guide
chypriote pour tout le séjour. Le chauffeur du car sera
Sotiris.
Mercredi 20. Nous partons voir Larnaka et les environs. Rolande nous accueille par un « waiki-waiki-waiki »
suivi de « mmss-mmss-mmss » ! Ce sera son cri de rappel
dans le car durant toute la semaine et certains se boucheront les oreilles à chaque fois…ou auront une poussée de
fièvre, mais tant pis (ou tant mieux) il faudra subir et cela
améliorera notre esprit de tolérance. Voilà.
Nous visitons la très belle église byzantine de Angeloktisti, c’est-à-dire construite par les anges. Edifiée au
11e, (l’abside est du 6e) elle fut agrandie au 13e par les
Francs d’une chapelle gothique. Belle mosaïque représentant une Vierge entre les archanges Michel et Gabriel.
Puis nous allons à la mosquée Hala Sultan (on dit
aussi tekk mot turc désignant un monastère musulman)
bordée par un lac salé qui se remplit l’hiver par les eaux
de pluie qui s’évaporent en été laissant une croûte de sel.
On aperçoit des flamants roses au loin ; le tekké se reflète
sur l’eau. L’ensemble est beau et assez poétique.
La mosquée est de forme octogonale du 18e et renferme la tombe de Um Haram qui serait la tante de Mahomet décédée en 649.
Puis nous visitons l’église St Lazare édifiée fin du 9e
s. qui comporte une superbe iconostase du 18e s. ruisselante de dorures. On repart à Larnaka et nous traversons
à pied un petit marché pour nous rendre au musée de la
fondation Piéridès exposant des objets archéologiques
(figurines, amphores, statuettes, jarres, verreries, céramiques, broderies, icônes, etc.) couvrant des périodes allant
de 3000 av. JC à l’époque byzantine. C’est un beau petit
musée constitué par Démétrios Piéridès en 1811 qui avait
compris la valeur de ces objets trouvés à Chypre. Il avait
effectué d’ailleurs des études d’archéologie à Londres.
Nous déjeunons dans une taverne au bord de mer, et
goûtons avec plaisir les différents mezzés de qualité.
Nous sortons de la ville pour voir le joli village de
Lefkara perché sur une colline où l’on voit travailler les
dentellières dans les rues et les orfèvres qui martèlent les
objets d’argent dans leurs échoppes.
Dans notre groupe on s’échange les livres chypriotes
avec les euros ou vice versa afin d’acheter des souvenirs.
(1 livre=2 euros) Josette me dit en riant qu’elle a le sentiment étrange de vendre de l’argent !
La dernière visite de la journée est pour le village
néolithique de Khirokitia. (6000-5200 av. JC) bâti sur une
colline et dont les vestiges ont été découverts en 1934.
Nous arrivons à 16h50 alors que le site ferme à…17 h.
Rolande obtient du gardien le droit à un supplément
d’un quart d’heure. Bravo à elle. En définitive tout le
groupe réussit à monter à pied jusqu’au sommet du site,
ce qui prouve, l’intérêt de tous pour voir le maximum de
choses et leur bonne forme physique ! Bravo à nous.
Nous regagnons l’hôtel pour le dîner. La cuisine est
variée et servie sous forme de buffet. Puis c’est un dodo
bien gagné.
Jeudi 21. Après le petit déjeuner, départ pour le
massif du Troodos avec, bien sûr, l’appel du « waikiwaiki-waiki mmss-mmss-mmss » de Rolande ! Elle nous
décrit les divers aspects de Chypre que nous résumerons
ci-dessous.
L’île est née d’éruptions volcaniques ; on trouve divers matériaux (chrome, pyrite, amiante etc.).
-Nbre d’habitants sur l’île entière : 730.000 composés de 630.000 grecs, 90.000 turcs et 10.000 autres. 2000
turcs travaillent chez les grecs et traversent la ligne de
démarcation tous les jours.
-superficie 9251 km2, l’île fait 240 km de long sur 60
km de large environ. Le point culminant est le mont
Olympe qui culmine à 1951 mètres.
-Plantations : caroubiers, cistes, mimosas, robiniers,
oliviers, cèdres.
-Les emplois sont répartis sur un peu d’agriculture et
d’industrie et surtout de tourisme. Le taux de chômage
est de 3-4% de la population active. La retraite est prise à
63 ans à 2/3 du dernier salaire. Le taux de fécondité est
de 1,5 enfant. Le salaire minimum est de 600 euros par
mois. L’espérance de vie est de 69 ans pour les hommes
et de 72 ans pour les femmes.
Les Chypriotes sont très sensibles à la partition de
l’île. En 1974, 40.000 turcs ont occupé 40% du territoire
qui représentait 70% de la partie productive de l’île. D’où
leur effort depuis, portant sur le tourisme. Depuis 2003,
les grecs peuvent rentrer en zone turque mais avec un
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passeport, ainsi la Turquie peut prétendre justifier le
nombre de personnes reconnaissant la zone comme un
pays différent. C’est en partie pourquoi Chypre refuse le
plan de réunification de l’ONU.
Ceci étant dit, revenons au massif du Troodos où
nous visitons l’église d’Asinou (1100 ap. JC) pleine de
charme dont la chapelle comporte de superbes peintures
murales byzantines du 12e et 14e.
Plus loin nous visitons une autre église, St Nicolas tis
Steyis (du toit) nichée dans une vallée verdoyante. Là aussi des fresques superbes datant entre le 11e et le 17e.
Nous rencontrons des touristes français et Nicolas tente
de faire du recrutement pour le cercle ! Mais ils sont du
nord, alors… Quelques km plus loin nous nous arrêtons
au village typique de montagne de Kakopétria avec ses
maisons traditionnelles et leur balcon de bois. Le déjeuner se compose de plats typiques : boulettes, brochettes,
porc cuit au vin, pommes de terres fondantes (à Chypre
elles sont délicieuses). C’est le ventre plein que nous nous
rendons à l’église de la Panayia Podithou (1502) recouverte d’un toit pentu qui descend presque à terre et ressemble à une bergerie de montagne. Les peintures à fresques sur le nouveau testament sont influencées par la renaissance italienne.
Puis nous entrons dans le beau village de Galata
pour voir l’église Ayios Sozoménos construite en 1531,
ses peintures extérieures et intérieures sont sur la vie de
Marie.
Ensuite c’est le retour à Limassol, ponctué de chansons grecques sous la houlette de Rolande bien sûr !
Vendredi 22. A 100 mètres de l’hôtel nous visitons
une partie du site d’Amathonte (ou Amathous), qui fut la
capitale de l’un des royaumes prospères de la Chypre antique. Ce matin nous grimpons à l’acropole où se dressait
un temple dédié à Aphrodite. De là on perçoit les restes
de l’ancien port sous l’eau qui ont été fouillées par les
équipes de Jean-Yves Empereur. Ce port est juste à côté
de notre hôtel.
Nous partons ensuite pour Nicosie, la capitale. En
chemin Rolande nous parle de l’histoire de Chypre sous
l’égide de Makarios, le départ des anglais et la partition de
l’île en 1974 où 200.000 grecs ont été chassés de leurs régions par la Turquie. A travers ses propos on sent combien les grecs ont souffert et souffrent encore de cette
partition.
En chemin nous nous arrêtons à un centre de vente
d’objets artisanaux où les plus friands d’achats de souvenirs se régalent avec l’œil et sortent le porte-monnaie.
A Nicosie, visite de la cathédrale St-Jean. On a droit
à 5 minutes pas plus ! (pareil pour chaque groupe de touristes). On aperçoit des fresques du 18e et une superbe
iconostase en bois sculptée main et couverte de feuilles
d’or. On remarque que l’aigle est le symbole de St-Jean.
Et hop, dehors où l’on file au musée d’art byzantin crée
en 1972 par Makarios et achevé en 1980. On y voit de
superbes icônes dont la plus ancienne remonte au 8e s.
C’est un très beau musée qui comprend une centaine
d’œuvres.
En sortant, nous nous arrêtons, devant la statue monumentale de Makarios le père de l’indépendance chypriote, puis devant la statue de la liberté couverte de noir
et jamais inaugurée en raison des évènements de 1974 où
1619 grecs ont disparu et non jamais été retrouvés. C’est
dramatique.
Nous déjeunons dans le quartier populaire et touristique de laïki geitonia. Les amateurs prennent l’apéro
chypriote qui est le « brandy sour ». En sortant la pluie se
met de la partie mais heureusement nous sommes équipés en conséquence. Vers 15 h nous visitons le musée archéologique qui est une petite merveille et contient tous
les objets provenant de fouilles faites à Chypre : poteries,
figurines, statues, bijoux, pièces de monnaies, casques,
armes, sceaux, amphores, stèles funéraires, etc. On remarque la célèbre statue de la belle Aphrodite (1er av.
JC), et une salle consacrée à l’évolution de l’écriture à
Chypre à travers divers documents dont les plus anciens
datent de 1600 av. JC. Visite vraiment passionnante.
En sortant, Rolande -émue- nous montre la ligne de
démarcation qui sépare la ville, ça rappelle le mur de Berlin. On voit de l’autre côté les drapeaux turcs qui flottent.
Des gosses aussi qui jouent. Rolande nous dit qu’en 2003
lorsque les grecs ont pu franchir la ligne de démarcation
pour visiter leurs anciens villages, ils ont dû attendre plus
de 8 heures pour passer dans la zone turque. C’est navrant de voir qu’il existe encore de telles situations dans
notre Europe.
Nous regagnons notre hôtel et nous nous retrouvons
autour du buffet du soir. Line et Nicolas ont prévu un gâteau d’anniversaire et un petit cadeau pour trois des nôtres : Lydie, Mikaelle et Josette qui étaient toutes émues
par cette marque d’attention et de gentillesse. Une part de
gâteau a été donnée à chaque membre du service et de la
cuisine. Merci encore à Line et Nicolas de la part de nous
tous.
Samedi 23. Journée ensoleillée qui débute par la visite de la seconde partie du site d’Amathous avec le palais
royal et l’agora. Puis visite du musée archéologique de
Limassol qui couvre la (grande) période de 8000 à 1050
av. JC puis celle remontant jusqu’à 450 av. JC. –pierres
taillées, jarres, céramiques, stèles funéraires, amulettes-.
Nous allons ensuite au château médiéval construit au 14e
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où Richard cœur de Lion célébra ses noces avec Bérangère en 1191.
Nous déjeunons rapidement au resto situé en face.
Puis départ pour le donjon de Kolossi où les chevaliers
en 1291 en firent le siège de leur ordre. Les plus véloces
montent au sommet d’où l’on a une belle vue sur toute la
contrée environnante. Au bas, un bel acacia vieux de 500
ans planté par les chevaliers.
Nous visitons ensuite le site de Kourion avec le
sanctuaire d’Apollon (800 av.JC) - dont le temple a été
reconstitué partiellement par les USA et financé par un
grec - ainsi que la palestre (300 ap. JC). Puis nous regardons les très belles mosaïques restantes de riches demeures. Notre ami Louis se plaît à nous lire les textes grecs
des mosaïques. Rolande lui tapote la joue en lui disant
« que ces grecs sont intelligents et cultivés ». Il en a rosi
de plaisir notre ami ! –plus grec que les grecs-.
Puis c’est le théâtre romain bâti en pierres calcaires
(le marbre étant rare). Pour notre plus grand plaisir, Michel nous déclame de superbes poèmes qu’il connaît par
cœur, nous savourons la beauté de la langue française et
dans un tel endroit de surcroît.
Nous terminons la visite avec la basilique et le baptistère (5e s.).
Sur le chemin du retour, Rolande nous fait chanter
dans le car, deux chansons grecques. Elle est satisfaite de
sa chorale et Sotiris, le chauffeur, nous demande en français avec un fort accent chypriote : « raipaitez, raipaitez ! ». En rentrant, les amateurs de natation goûtent à la
grande piscine de l’hôtel. Le soir après le dîner une table
de bridgeurs s’est formée avec autour des spectateurs attentifs. Cela leur évitera aussi de se coucher comme les
poules. Pour d’autres ce sera une promenade le long du
chemin piétonnier qui borde la plage sur des kilomètres.
Dimanche 24. Le temps se maintient au beau fixe.
Après le « waiki » du matin, nous partons vers Paphos à l’ouest. En chemin, arrêt à Petra tou Romiou au
bord de la mer. Près de ces rochers, une belle légende dit
qu’Aphrodite est née ici d’une vague fécondée par le sang
d’Ouranos. L’endroit est magnifique il est vrai. Rolande
nous conte l’histoire du mythe et nous tient sous le
charme. Puis c’est un arrêt au village de Yéroskipos (jardin sacré). Visite de l’église Ayia Paraskévi recouverte de
cinq coupoles, ce qui la rend si belle de l’extérieur. Dedans, on voit des fresques superbes des 12 et 15e s. avec
par exemple la trahison de Judas ou le baptême du Christ.
En sortant on se rend chez Aphrodite…boutique spécialisée de loukoum aux parfums variés! On les goûte. Ils
fondent dans la bouche ! Alors c’est la ruée aux achats.
Près de Kato Paphos, on visite la nécropole hellénistique des rois creusée au 4e s. av. JC, qui servit durant 8
siècles. Les tombes étaient en fait celles de dignitaires
d’Alexandrie. Chacune comportait une fontaine.
Puis, nous allons voir les catacombes Ste-Solomi.
C’est un réseau de tombes souterraines de l’époque hellénistique, des marches taillées dans le roc donnent accès à
un atrium autour duquel se répartissent les chambres. En
surface, se trouve un arbre vénéré et ses branches sont
couvertes de morceaux de papier ou d’étoffe laissés en
ex-voto par des fidèles. De là on aperçoit la belle église
de la Chrysopolitissa que nous ne pouvons visiter car elle
est pleine de monde en raison d’un office. A côté de
l’église on voit le pilier de St-Paul où l’apôtre aurait été attaché puis flagellé avant la conversion du proconsul romain Paulus.
Après la nourriture de l’esprit c’est l’estomac qui réclame la sienne. Donc pause taverne où l’on nous régale
les papilles avec un succulent agneau cuit avec du laurier
dans un four de terre ; c’est l’agneau dit « kleftiko ».
Nous continuons par les superbes mosaïques de Paphos découvertes en 1962. D’abord la maison de Dionysos où le dieu est tiré sur son char par deux panthères ou
Narcisse assise sur son rocher. Puis la maison de Thésée
et la maison d’Aion (350 ap. JC). Plus loin nous voyons
l’asclépion (hôpital) et enfin l’odéon où Michel nous déclame de nouveaux poèmes pour notre plus grand plaisir !
Enfin c’est le retour à l’hôtel avec les plaisirs
d’usage : piscine-détente-apéro-repas-bridge ou discussions et pour finir un repos bien mérité pour tous.
Lundi 25. C’est une –dernière- belle journée qui
s’annonce avec un programme corsé débutant par le traditionnel…« waiki » bien entendu ! Nous partons dans la
montagne vers le nord-ouest. Après avoir franchi le
Troodos à 1750 m d’altitude (que la montagne est belle et
sa vallée des cèdres) arrêt au monastère de Kykkos, (fondé en 1100) ou d’ailleurs Makarios a fait ses études. C’est
un monastère très riche. L’église comporte une belle
icône de la vierge de St-Luc. Dans les bâtiments on voit
une série de belles mosaïques tant au rez-de-chaussée
qu’à l’étage. Ensuite on attend une petite
heure…l’ouverture de la boutique de souvenirs. Eh oui
rien que ça. Puis, départ pour le Mt Throni (1318 m) où
se trouve la tombe de Makarios gardé en permanence par
des soldats. De ce sommet la vue est superbe sur les
paysages de l’île. Makarios a choisi cet endroit d’où il
pourrait voir disait-il, la plus grande partie de son île.
Nous parvenons au village de Pédoulas (1607 m)
pour déjeuner dans une jolie taverne d’un bon repas de
spécialités chypriotes. Puis on descend le village pour voir
l’église de l’Archangélos Michel (il y a 5 Michels(es) dans
le groupe !) que nous ouvre une belle petite mémé. Les
peintures d’icône sont naïves. Puis nous repartons pour le
typique village d’Omodos où nous visitons un très beau
monastère de la Ste-Croix. Nous avons la chance que le
pope, qui a une belle voix, nous chante un chant orthodoxe troublé un instant par la sonnerie de
son…portable ! Eh oui notre pope est aussi de son
temps.
Nous déambulons dans le village pour aller voir un
vieux pressoir à vin de l’époque médiévale. Dans les ruelles les petites mémés dentellières nous font gentiment
l’article sur leurs napperons. C’est toujours touchant.
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Cette grande et dernière journée se termine dans le
car par une ultime reprise de quelques chansons grecques
sous la houlette de Rolande.
Line et Nicolas remercient Rolande pour son dévouement et sa disponibilité ainsi que Sotiris le chauffeur
et leurs remettent les enveloppes d’usage. Line nous dit
qu’elle a apprécié la bonne homogénéité du groupe et
l’excellente ambiance qui y a régné toute la semaine. Line
et Nicolas proposent que nous fassions une réunionrepas au Sibémol le 19 mai à Toulouse et nous demandent de proposer des projets de voyage pour l’an prochain. L’ensemble du groupe est tout à fait partant.
Nous applaudissons de tout cœur Line et Nicolas
pour tout ce qu’ils ont accompli afin que ce voyage se
passe dans les meilleures conditions, ce qui est le cas.
Nous passons à l’hôtel notre dernière soirée ensemble et nous allons nous coucher car le départ pour
l’aéroport est prévu à 7h30 le lendemain.
Mardi 26 . Après le petit dej, nous gagnons
l’aéroport de Larnaka. Arrivée à Roissy après 4 heures de
vol, nous reprenons l’avion de 18 h25 et arrivons à Toulouse à 19h50 après deux vols sans histoire.
Tout le monde se salue et on se dit à l’an prochain.
MICHEL CHRISTODOULOS ET LILIANE POUR LES
DESSINS.
Nous le retrouvons à la fin de la pièce, il s’est crevé les
yeux, sa femme Jocaste s’est pendue, et il quitte Thèbes
en mendiant, guidé par sa fille Antigone. Difficile
d’imaginer un désastre plus complet et plus immérité.
Son voyage l’amène Colone (où est né Sophocle). Et
de nouveaux oracles annoncent qu’il doit y trouver la
mort, mais une mort bénie des dieux qui feront de sa sépulture une protection pour Athènes. Sans qu’elle ait plus
de raisons que sa destruction, son « héroïsation » baigne
dans le sacré. Les dieux l’ont abattu, les dieux le sanctifient et personne ne connaît les raisons de cette double
partialité.
Certes, la destruction d’Œdipe porte témoignage de
la faiblesse humaine en face des dieux mais elle ne constitue pas pour autant un réquisitoire à l’égard de ces dieux.
L’œuvre de Sophocle implique que les dieux soient
très loin au dessus des hommes. On ne leur demande pas
des comptes, on constate seulement leur pouvoir, avec
un respect sans réserves.
Car Sophocle était pieux, et suggère dans son théâtre
la différence entre le monde des hommes et celui des
dieux. Ceux-ci ne peuvent pas être compris, mais on
s’incline devant leurs décisions. Ils représentent le domaine de l’immuable et de l’absolu.
Il ne s’agit pas de se révolter à leur égard : les lois divines siègent dans les hauteurs ; elles sont nées dans le céleste éther et l’Olympe est leur seul père ; aucun être mortel ne leur donna le jour ; jamais l’oubli ne les endormira,
un dieu puissant est en elles, un dieu qui ne vieillit pas ».
Sophocle a un sens intense des vicissitudes humaines, de l’alternance où se succèdent les joies et les peines.
Mais il ne songe pas à se plaindre de cette instabilité
comme d’une injustice. Il lui oppose l’idée rayonnante
d’un autre monde qui est celui des dieux et dont on ne
sait rien, sinon qu’il échappe à l’œuvre du temps et mérite
seul notre respect.
Club lecture 6 avril 2005
Œdipe à Colonne de Sophocle
Avant d’aborder Œdipe à Colonne, il convient de
revenir un moment à Œdipe Roi.
Les Dieux avaient prédit le sort d’Œdipe : il tuerait
son père et épouserait sa mère. Or Œdipe a tout fait pour
échapper à son sort. Il a fui ce qu’il croyait être son pays
et ses parents et cette fuite l’a précipité dans le sort qu’il
voulait éviter. Œdipe Roi le présente au sommet de sa
majesté, ignorant tout, souverain excellent, passionné de
bien et de vérité et cette passion le lance dans une enquête qui, peu à peu, lui révèle l’horreur de sa situation.
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Mais même quant le pouvoir souverain des dieux les
abat, les héros de Sophocle n’en deviennent pas des
jouets passifs. Parce que les dieux semblent s’être retirés
en un lointain inaccessible, l’attention se porte sur le seul
point qui reste clair, l’attitude des hommes en face de ce
destin qui les broie, attitude qui reste fière et digne.
Même broyés par les dieux, les héros de Sophocle
respirent et inspirent la confiance en l’homme. Et tant de
grandeur se joignant à tant de misère constitue précisément le plus pur ressort du tragique.
SIMONE CARVAILLO
Journal de la nuit de Pétros Markaris
Le livre est là, sur les étagères de notre bibliothèque.
Il a été donné au C.E.R.C.L.E, un peu gondolé par des
dégâts des eaux. (La pluie, un verre bousculé sur une table de nuit, un vase renversé ?). Ce livre a son histoire,
avant de nous conter une histoire. Fait anecdotique sans
aucune influence sur la lecture ? Peut-être. Mais, personnellement, je crois que l’histoire d’un objet influe sur notre façon de l’utiliser. Qu’est-t-il donc arrivé à ce livre ? A
ce livre qui doit précisément répondre à une question
« Qu’est-il donc arrivé à ce couple retrouvé mort ? ». Plusieurs fois, j’ai tendu la main vers lui et ne l’ai pas pris. A
cause de son aspect extérieur ? Parce qu’il ressemble trop
à un « polar » ? Un jour, pour les vacances (parce qu’en
vacances, on se donne le droit de lire des livres qui semblent faciles), je l’ai emprunté. Je prends l’objet imprimé
et son aspect qui m’intrigue ouvre mon esprit à l’esprit du
livre.
La collection « Suspense et Cie » des éditions Lattès
affiche clairement que l’ouvrage de Petros Markaris Journal de la nuit, traduction du titre grec Nucterino> Delti>o , journal nocturne, est un roman policier. Le titre (je
n’ai toujours pas saisi le lien entre le titre et le contenu) et
la photo-montage sur la couverture font croire à un polar-poursuite, à grand renfort de coups de feu, style série
américaine pour chaîne de télévision française (Où y a-t-il
un tel passage souterrain au pied de l’Acropole ?). C’est
un parti pris des éditeurs pour accrocher le chaland qui
dénature l’ouvrage. Journal de la nuit est aux antipodes de
Starsky et Hutch.
Certes, Journal de la nuit est un roman policier avec
son quota de morts à élucider. Mais – grande question ! –
qu’est-ce qu’un roman policier ? Deux mots, roman et
policier, que reprend en écho le nom de la collection :
suspense et compagnie. Policier : une histoire qui conte
une enquête, une histoire contée à l’envers, l’histoire dénoue, avec des rebondissements, une question posée en
ouverture. On sait la fin (un tel est mort). On va découvrir le pourquoi et le comment. Roman : le livre construit
une histoire dont on ignore où elle va mener les protago-
nistes. Et parfois, les romanciers eux-mêmes se disent
dépassés par leurs personnages. Le bon roman policier
réussit cette gageure de dénouer en intriguant. Journal de
la nuit, en ce sens, est un très bon roman policier dont je
ne dévoilerai strictement rien ici. J’invite chacun à se saisir de ce « polar », bosselé par la vie.
Mais – et c’est souvent le cas pour les très bons romans policiers- l’ouvrage ne se réduit pas à l’intrigue. «
Suspense », oui et « Compagnies », aussi.
Le roman s’ouvre sur ces mots : « chaque matin à
neuf heures nous nous dévisagions. » Kostas, le « je » qui
raconte l’enquête est un être qui dévisage (Dictionnaire
Le Robert : le sens premier est : endommager le visage de
quelqu’un. Puis regarder quelqu’un avec attention, avec
insistance). Son métier de policier et sa personnalité le
portent à chercher ce que dit ou cache un visage, à dévisager les faits pour en déceler le sens, à observer les engouements de ses contemporains. Et parfois, Kostas se
trompe, il endommage. P.Markaris, lui a donné une véritable épaisseur humaine.
Sans illusion sur son couple fossilisé qu’il fuit ostensiblement dans les…dictionnaires, cynique parfois, Kostas s’affiche comme un désabusé lucide. Mais, il arrive
que des événements fêlent la carapace. Comme par
exemple : « c’est une chose que de s’être engueulé avec sa
femme et de ne plus lui parler, et une autre que d’être
vraiment seul. Dans le premier cas, c’est un jeu (…).
Dans le second, c’est la mort (…) » Et le dur colmate
comme il le peut, avec toute notre sympathie.
Par l’intermédiaire de son héros, P.Markaris envisage
la Grèce d’aujourd’hui d’un œil narquois. Il utilise volontiers la provocation et la dérision, telle cette question :
« Qui a du temps à perdre avec les albanais ? S’ils avaient
tué l’un des nôtres, un Grec, de ceux qui mangent maintenant un snack ou des crêpes, ce serait différent ». Il
brocarde ses contemporains, qui ne s’affublent de modernité que pour cultiver et savourer leur image.
Au fil de l’enquête, la raillerie, les coups de griffes
aux supérieurs hiérarchiques, aux journalistes et médias,
au passé, à la vie de couple, à la société, réjouissent le lecteur. Est-ce à dire que P.Markaris est un démagogue qui
joue sur notre goût de la moquerie pour emporter notre
adhésion ? Ce n’est pas l’impression que je retiens du roman. Car, au contraire de la démagogie, ce « polar » ouvre
un questionnement : c’est ça, notre modernité ? C’est ça
que nous souhaitons de la mondialisation ?
Il n’est nul besoin d’attendre des vacances pour emprunter cet ouvrage palpitant, réjouissant et intelligent.
Avec les stigmates de sa vie antérieure, sur les étagères de
notre bibliothèque, il attend ses lecteurs. Et j’attends que
l’un d’entre eux m’explique le sens du titre !
GYSLAINE MAGOGA
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Ma mère disait
Alors que nous nous posons bien de questions-sans
toujours trouver de réponses – voici trois proverbes qui
me semblent d’actualité.
1°) Kalhme>ra Gia>nnh….Koukia> spe>rnw !
Bonjour Jean …...Je sème des fèves !
Aucune relation apparente entre le salut et la réponse, mais n’est-il pas fréquent d’obtenir une réponse
bien loin de la question posée ? Certains sont passés maîtres en la matière.
2°) Allou pappa> euagge>lio
C’est l’évangile d’un autre pope
Ce proverbe a une histoire. Elle se passe dans un petit village reculé où le pope plutôt illettré avait l’habitude
de marquer par des signets les pages de l’évangile qu’il
devait lire lors des cérémonies religieuses. Or, voilà qu’un
jour, il est appelé dans un village voisin pour remplacer le
pope qui était malade. Notre brave homme, n’ayant aucun repère, lit au hasard une page de l’évangile.
L’assistance lui fait alors remarquer qu’il ne s’agissait pas
de l’évangile du jour. A quoi le pope répond, sans sourciller :
« Que voulez-vous que je fasse, c’est l’évangile
d’un autre pope. »
Depuis, cette phrase est devenue proverbiale, et
encore une fois souligne que ce qu’on veut nous dire n’a
aucun rapport avec le sujet qui nous préoccupe.
3°) Άλλα’ντ’άλλα, κι άλλο της Παρασκευής το γάλα
« Ceci est une chose, le lait du Vendredi une autre »
Ici encore, une histoire permet de mieux comprendre ce proverbe. Un jour, un paysan va se confesser parce
qu’il avait bu du lait un Vendredi, jour de jeûne. Le pope,
trouvant la faute bien légère, récite quelques prières et
l’absout. Au moment de partir, le paysan, sans doute pris
de remords, se ravise « Pater, j’ai oublié de vous dire que
j’ai tué mon père. »
Νίκος Φαµηλιάδης
Agenda du C.E.R.C.L.E
Jeudi 2 juin 2005 19 h15 - 4, bis rue Clémence Isaure
Conférence de Mme Cécile SOTIROPOULOS
« L’épopée de Bucéphale »
Mercredi 8 juin 2005 20 heures au Sibémol – réunion
du club lecture : Le gène du doute de Nicos Panayotopoulos (éditions Gallimard) Réservation pour le repas
auprès de Marie-Thérèse BONNET (0561804510)
« Άλλα’ντ’άλλα, κι άλλο της Παρασκευής το γάλα »
lui répond le pope, il ne faut pas mélanger les problèmes : une chose est de boire du lait le Vendredi, une autre
de tuer son père. La fin de l’histoire n’est pas connue
mais ce proverbe continue à être employé chaque fois
que l’on traite des sujets qui n’ont aucun rapport entre
eux.
Mercredi 15 juin 2005 19 heures au 4 bis rue Clémence
Isaure Cinéma Projection du film « AP TO CIONI »
(« Ils sont venus de la neige ») de Sotiris Goritsas film de
1993
Jeudi 16 juin 2005 Fêtes des élèves dans les locaux de
l’Institut Goethe
A bon entendeur salut, à chacun de retrouver le
sens caché de ces histoires.
Pour tous les amis qui disposent d’une adresse électronique merci de la communiquer à
[email protected]
pour être informé rapidement de toutes nos manifestations
Important !!
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