Actus pontificum Cenomannis
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Actus pontificum Cenomannis
Auteur, titre et références du texte : Abbé Alphonse ANGOT, « Remarques sur la toponymie des Actus P.C. » [Actus pontificum Cenomannis], dans Les Annales fléchoises et la Vallée du Loir, t. VIII (1907), p. 75-88. Mis en ligne par : Archives départementales de la Mayenne 6 place des Archives — 53000 LAVAL, France [email protected] Date de première mise en ligne : 14 juin 2007. Référence : FR-AD53-BN-0131 Texte relu par : Joël Surcouf d’après un exemplaire conservé aux Archives départementales de la Mayenne (cote : BC 5). D’autres textes sont disponibles sur le site des Archives de la Mayenne : http://www.lamayenne.fr/?SectionId=418 Abbé A. ANGOT REMARQUES SUR LA TOPONYMIE DES ACTUS P.C. L'édition si exacte et correcte des Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, donnée par MM. Busson et Ledru, est un service inappréciable rendu à la science et spécialement aux historiens manceaux. L'introduction, les notes, la table, font, de cet ouvrage si complexe et si inégal, un manuel historique où le chercheur se reconnaît facilement. La table, dressée avec tant de soin, est une œuvre vraiment scientifique grâce aux connaissances philologiques de M. Busson dont nous verrions avec grand plaisir un travail analogue et complémentaire sur les Gesta Aldrici. Mais l'identification de tant de noms locaux, connus par une seule copie souvent fautive, est si délicate que la science du plus savant ne met pas à l'abri de toute erreur et qu'un nouvel examen donnera toujours, dans une matière aussi abondante et variée, de nouveaux aperçus. Je donnerai ici les miens fondés, sur des considérations diverses. Ces dissertations difficiles à suivre quand on n'a pas les textes sous les yeux ou présents à la mémoire, n'en sont pas moins utiles pour l'intelligence des documents. 1. — M. Busson consacre la note philologique suivante au nom de la ville de La Flèche : « Le nom de La Flèche est à remarquer. D'abord c'est Fissa, qui paraît pour la première fois dans les textes du XIIe siècle 1. Fissa devient en français fesse, qui, remis au latin, 1 On a même, pour le XIe siècle, un bon nombre de textes latins concernant La Flèche. Voici les plus anciens d'après le Cartulaire de Saint-Aubin d'Angers : Johannes de Feza, 1060-1081, t. I, p. 297. Johannes de Fecia, 1060-1081, t. I, p. 419. Helias de Fecia, 1087, t. I, p. 18. Johanncs de Fissa, 1087, t. II, p, 237. Apud Fissam, 1087, t. II, p. 238. Johannes de Fissa, 1095, t. II, p. 239. Archives départementales de la Mayenne Alphonse ANGOT Remarques sur la toponymie des Actus P.C. 2 donne fetia ou fecia ; à son tour fetia ou fecia devient régulièrement fièce ou fièche. Et fièche est la prononciation populaire du mot Flèche. Car, dans le dialecte manceau, l’l précédée d'une labiale ou d'une gutturale est mouillée » 2. Rien de plus facile à admettre que le changement de l précédée d'une labiale ou gutturale en i ou en l mouillée. Ce phénomène n'est pas propre au dialecte manceau puisqu'on le constate dans l'italien et probablement dans d'autres langues romanes que je ne connais point. Cela explique bien comment le mot Flèche ou Flexe a pu devenir Fièche, mais si l'on avait eu Fissa à l'origine, je doute qu'on en eût formé Flèche par traductions et modifications successives. On descend des sons les plus durs aux sons atténués, mais on ne remonte pas la gamme. Quant à la priorité de la forme Fissa, elle est douteuse et contestable, puisque les textes les plus anciens nous donnent Feza et Fecia. Nous avons dans la Mayenne, à Chailland, le domaine de Clivoy dont la situation sur une pente abrupte explique bien le nom. La prononciation populaire est Quévé, également en usage au XIIe siècle, puisque l'on traduisait alors Clivoy par Queveium, mais la prononciation correcte ne s'en était pas moins conservée à côté de l'autre et nous l'avons encore. Le mot primitif Flèche, Flexe, a pu être délaissé par la prononciation populaire et même par les scribes du XIe au XIIIe siècle, sans que la tradition s'en perde pourtant, et l'on comprend bien mieux un retour à la forme originelle qu'une innovation faite contre les habitudes du langage usuel. Quant à la signification du mot, je la chercherais plutôt dans le latin flexus, flexa, que dans le mot flèche qui ne dérive point du latin mais du flamand 3. Il y a toujours assez de flexuosités clans le cours d'une rivière pour qu'on y trouve matière à dénommer une ville bâtie sur ses rives. Les lieux nommés les « Courbes » sont innombrables sur les ruisseaux. Je ne serais pas éloigné de reconnaître la Flèche dans le texte suivant des Gesta Aldrici 4. Deux contrats de précaire, datant des épiscopats de Gauziolène (743-771) et Francon (793-832), donnent la liste de plusieurs villæ de l'Eglise du Mans : Fraxinede, Flexobrachiale, Aciago vel sancto Georgio cum appendiciis suis, Aloniaco, Longa filgaria, Camiaico, Mundarias. Dans un « preceptum » de Louis Le Pieux, en faveur de l'Eglise du Mans, ces mêmes noms, plus ou moins déformés mais reconnaissables, se retrouvent groupés : Brafialo, Felcaria, Domnojorio, et partem de Fraxinido, Mandaria, … Camiliaco, … Antoniaco 5. Fixia, 1096, t. II, p. 82. Johannes de Fissa, 1097, t. II, p. 240. Apud Feciam, 1100, t. II, p. 242. Castrum Fisse, 1102, t. I, p. 370. Adveniens Fissam, 1105, t. II, p. 242. Castrum Fisse, 1110, t. II, p. 243. Presbyter de Fissa, 1120, t. II, p. 244. Castrum Fisse, 1129, t. II. p. 402. Prior de Fisca ; homines de Fisca, 1133, t. I, pp. 399, 400. Senescalus Fixe (Ronceray), 1142, p. 244. Opidum Fisse, 1145, t, II, p. 245. Monachi … prepositus Fisse, t. II, pp. 246, 247. 2 Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, édition Busson et Ledru, 1901, p. 523, note. 3 Littré, Dictionnaire, au mot Flèche. 4 Edition de MM. Charles et Froger, pp. 178, 179. 5 Gesta Aldrici, p. 40. Archives départementales de la Mayenne Alphonse ANGOT Remarques sur la toponymie des Actus P.C. 3 On reconnaîtra dans le second texte que le mot Flexobrachiale du premier a été décomposé et qu'il n'en reste plus que la partie finale Brafialo pour Brachiale ; de même, du reste, que pour le mot Longafilgaria, dont on n'a conservé que Felcaria. Flexobrachiale représente donc deux noms. Le premier Flexus ou Flexa est peut-être la Flèche. Je n'insiste pas, me contentant d'émettre une opinion que je crois probable et dont chacun est libre de penser ce qu'il voudra. 2. — On admet généralement, comme M. Busson, que Bonalpha in territorio stampense et Bonalla in pago Carnutince désignent tous deux Bonnelles en Seine-et-Oise. M. Merlet, archiviste d'Eure-et-Loir, abonde dans le même sens et indique, dans la lettre suivante, quelle influence locale a pu porter les scribes à remplacer Bonalla par Bonalpha. « Je ne connais aucun lieu-dit qui puisse être identifié avec Bonalla in pago Carnotensi ; mais je serais porté à voir dans Bonalfa, en Etampois, une mauvaise lecture pour Bonalla et à considérer celte villa comme identique à Bonnelles, en Seine-et-Oise. Il est philologiquement impossible que Bonalfa soit devenu Bonnelles, mais ce peut être une faute de transcription. « Il est possible que vos deux villas des Gesta Aldrici doivent être, l'une et l'autre, lues Bonalla et traduites par Bonnelles (Seine-et-Oise). Bonnelles, en effet, était sur la limite des pagus Carnotensis et pagus Stampensis. En le mettant en pays chartrain, on commettait, en somme, une erreur assez légère. « La graphie villa Bonalfa pour villa Bonalla peut venir d'une confusion avec le village de Bonafle, près de Meulan, qui, au moyen âge, est habituellement appelé Bonalfa. Mais Bonafle, bien que faisant partie de l'ancien diocèse de Chartres, était en plein pays Pinserais et ne peut pas, par conséquent, être identifié avec les villas de Gesta Aldrici. » 3. — M. Busson 6 veut que Calisamen 7 ait donné Quelaines : Callisamen, Clesmen, Quelaines. Or, Callisamen est l'une des trois premières donations citées de Defensor à saint Julien, entre Callemarcium (à Rouillon) et une forêt : silva quæ est in aquilonali parte civitatis. Ces trois premiers articles doivent donc apparemment être situés autour du Mans. — De plus, dans un précepte de Louis le Pieux, de 840, les villas Lugdunum, Callisamen, Tridentem, Bonallam atque Baladon sont restituées à l'évêque du Mans ; j'en infère qu'elles devaient être citées dans le précepte du même prince qui ordonnait, aux bénéficiaires laïques de ces biens, d'en payer les nones et les dîmes à l'Eglise. J'y trouve, en effet, Lugdunum, Baladon, Tredendo, Bonalfa. Calisamen n'y est pas, mais le mot Calsano peut bien en être une contraction, surtout si Calisamen est pour Calisame-no. — Enfin, Quelaines est nommé Colonia dans le titre du concile qui s'y tint en 843 à la suite de Charles le Chauve et dans le concile de Bonneuil (856), qui en rappelle les décrets. J'estime, de plus, que Colonia, dans la liste des églises fondées par saint Pavace, désigne aussi Quelaines et non Coulaines, dont le nom, dans tous les textes connus, a toujours la forme du pluriel. Je me rends d'ailleurs aux raisons données par M. Busson pour voir dans Colonica ultra Meduanam une Coulonge et non Quelaines. 4. — L'auteur des Actus continuant l'énuméralion des premières libéralités de Defensor, nomme : Viverregium, et Alam, et Campaniacum et Genedam 8. M. Busson 9 voit dans Ala le nom de la localité qui donna son nom à un territoire dont Neuvillalais garderait le souvenir. Or, je retrouve l'énumération des mêmes noms, moins Ala, dans le preceptum, 6 Table des Actus et Province du Maine, t. XI, pp. 60-61. 7 Actus, p. 82 ; Gesta, pp. 53, 191, 192, 193. 8 Actus, p. 33. 9 Province du M., t. XI, pp. 62-65. Archives départementales de la Mayenne Alphonse ANGOT Remarques sur la toponymie des Actus P.C. 4 vrai ou faux, il importe peu, de Charlemagne (802). « Viviriaco, Longa Aqua, Campaniaco, Conedralio et Geneda » 10. Cela me fait supposer que le mot Alam du premier texte n'est que le débris, illisible dans le document dont l'auteur s'est servi, du 'mot Longa Aqua. Ces noms-là, en effet, peuvent se voir groupés sur la carte, le long du cours de l'Huisne, dans le seul doyenné de Montfort, où l'on ne trouverait pas Neuvillalais. Le rapprochement des deux textes me fait dire également qu'il ne faut voir qu'un même nom sous les deux formes Viviregium (Vouvray) et Viviriaco (que M. Busson rend par Viré). Quant à Longuève, la paroisse n'existe plus, mais elle existait au VIIIe siècle, puisque l'auteur des Actus en attribue la fondation à saint Thuribe, et l'opinion de M. Busson est qu'elle était sur le ruisseau de Longuève, remplacée aujourd'hui par le Luart. 5. — Si Ala, dont le nom ne se trouve qu'une fois, a existé, ce dont je doute, si Neuvillalais le remplace, traduisant, dans sa forme conservée par Le Paige, NeuvilleLalais, « Nova villa de Alense (territorio) comme on écrivait jadis », dit M. Busson 11, je trouve que, pour le moins, son identification avec le Neuville où l'évêque Gauziolène avait un agent, nommé Raganfredus 12, est plus que contestable. Voici le raisonnement de M. Busson pour établir cette identification : Le domaine, dont il s'agit, était dans le voisinage de Chènevrolle, Canasverolas. Or, « il n'y a qu'un seul Chènevrolle dans le diocèse du Mans, près de Neuvillalais, un peu au nord de Rouez-enChampagne. C'est donc à Neuvillalais que Gauziolène avait un agent qui surveillait l'exploitation de ses domaines à quelques lieues à la ronde » 13. Dans cette persuasion, M. Busson juge qu'on doit réformer un passage d'un précepte de Louis Le Pieux où il est encore question de Neuville et de Chènevrolle que possédait alors en bénéfice un nommé Hérembert. L'empereur les rend à l'Eglise du Mans. Camplacuit clementiæ nostræ præfatum beneficium Heremberti, id est forestam illam quæ Gauciacinsis dicitur cum duobus foresticulis quæ Dovera et Tulpiacus nominantur, cum ædificiis in eodem constructis quæ Brolius nominatur, necnon et Novam villam, cum omnibus ad se pertinentibus, id est Solnariam, Colonicam, Canaveriolas, curtem Herilanam, Ferrarias, villarem Saviniacum, Buxarias, … æcclesiæ … reddere 14. Il est clair, continue M. Busson, que dans ce texte après : quæ Brolius nominatur, les mots necnon et Novam villam commencent un autre membre de l'énumération et qu'il n'est plus question de Neuville aussi nommée le Breuil. « Cette dernière périphrase, pour désigner Neuville-sur-Sarthe, est trop insolite ; Novam villam ou simplement villam manque avant cum duabus foresticulis. En réalité, le bénéfice d'Herembert comprenait à la fois le Breuil, c'est-à-dire Neuville-sur-Sarthe, et Neuvillalais. » Désigner Neuville par les deux noms qu'elle a portés ne me paraît pas insolite. En tous cas, dans le préambule qui annonce le précepte de Louis le Pieux, Neuville-sur-Sarthe est ainsi désignée : Villa quæ Brogilus vel Novavilla nominatur cum omnibus ad se pertinentibus tam villulis quam mancipiis, sive reiculis atque forestibus 15. On ne voit donc pas bien, de ce chef, la nécessité de faire intervenir Neuvillalais dans un 10 Actus, p. 285. 11 Province du Maine, t. XI, p. 62. 12 Actus, p. 252. 13 Province du Maine, t. XI, p. 63, 14 Gesta, p. 31. 15 Des expressions analogues désignent Neuville-sur-Sarthe aux pages 285, 300 et 316 des Actus ; 10, 38 et 53 des Gesta. Archives départementales de la Mayenne Alphonse ANGOT Remarques sur la toponymie des Actus P.C. 5 texte où il n'est pas nommé. Je comprends encore bien moins l'intercalation qu'on propose si je cherche à identifier la Novavilla, citée dans le précepte, par le rapprochement du nom des localités voisines. De ses dépendances, M. Busson dit en substance qu'il ne manque, dans les environs de Neuvillalais, que Solnariam qu'il accepte être une Sauniére, Salnaria. — Colonica, dit-il, est Coulonge à l'ouest de Neuvillalais ; Canaveriolas, Chènevrolle, un peu plus loin, en Rouez. Curtem herilanam est Courlier, qu'on trouve en remplaçant Herilanam par Herili, ou, mieux encore, en gardant l'adjectif, dit en se reprenant dans une note, M. Busson, car Courlier, dans la prononciation populaire, devient Courtquian. Je trouve, pour mon compte, que le peuple du lieu ferait encore mieux de prononcer Courquianne, pour garder au mot le genre féminin auquel il a droit. Puis ce mot Courlier qui répond à la fois à Curtis Herili dans son orthographe savante, et à Curtis Herilana dans la prononciation populaire, me semble avoir eu une fortune singulière. Les trois derniers lieux sont : Ferrarias, la Ferrière, près Ségrie, Saviniacus qui devient ici Souvigné, près Conlie ; Buxarias, les Boissières dont le peuple a fait les Boisselières. Si Neuville-sur-Sarthe n'avait, sur son territoire ou dans son voisinage, aucun nom répondant à ceux dont nous venons de faire la revue, on devrait admettre l'hypothèse de M. Busson, par ailleurs assez gratuite. Mais nous trouvons, à Neuville-sur-Sarthe, mieux encore qu'à Neuvillalais, des noms traduisant ceux du texte latin. D'abord Chènevrolle, qu'on dit unique dans la Sarthe et à Neuvillalais seulement, se rencontre à Neuville aussi, sous la forma Chèvrenolle 16 qui n'en est qu'une variante, comme Cerené ou Ceneré qui se disent, l'un comme l'autre, indifféremment. Nous avons ensuite la Saunière qui manque à Neuvillalais. Des Coulonges, Colonica, M. Busson en cite trois dans les environs du Mans. Nous n'avons point Courlier ou Courquian pour répondre à Curtem Herili ou Curtem Herilanam, et comme je n'ai point la liste des lieux dénommés de Neuville, je ne saurais dire si l'on y peut trouver un équivalent. Les Les Ferrières, Ferrarias m'échappent aussi, mais, par contre, Saviniacum et Buxarias se présentent sous leurs vraies formes : Savigné et les Boissières, ce dernier en Sargé. J'estime donc que les prétentions de Neuville-sur-Sarthe à représenter Nova villa, du preceptum de 833, sont plus justifiées que celles de Neuvillalais et qu'il ne faut point modifier le texte de ce document dans cet endroit. 6. — On trouve encore, parmi les premières donations du Princeps Defensor, Cledas, qui se retrouve un peu modifié dans le preceptum de Charlemagne et ainsi encadré : « de Conedralio et de Geneda, vicis publicis, et de villa Clidis et Tredento et Vithlena … » Je suppose que c'est le même nom, presque entièrement déformé, mais dans le même voisinage, qu'on rencontre dans le preceptum de Louis le Pieux : « de Conedralio et de Geneda, vicis publicis, et de villa Didas, et de Tredento el de Vithlena », et encore sous la forme Detas, dans un document d'Aiglibert, 692 (p. 207 des Actus). M. Busson, qui n'admet pas ce rapprochement, veut que Cledas soit Cloyes (chef-lieu de canton d'Eureet-Loir). Rien n'indique dans les textes une localité étrangère au diocèse, mais plutôt une Claye, qu'on trouverait sans doute entre Tresson et Couture d'après les indications du texte des Actus (p. 35) 17. 7. — Aloniacus est souvent cité dans les Actus (35, 263, 279) et les Gesta (52, 77, 178, 129) et semble sûrement placé dans le Maine. Il est, en effet, mentionné parmi les libéralités du Defensor. Or, Laigné, à qui pense M. Busson, est dans l'Anjou 18. Un des textes où l'on devrait le trouver (par comparaison) porte Antoniacus (Antoigné), mais la 16 Chèvrenolle appartint au chapitre du Mans jusqu'à la Révolution (communication de M. l'abbé Ledru). 17 Province du Maine, t. XI, p. 83. 18 Province du Maine, t. XI, p. 86. Archives départementales de la Mayenne Alphonse ANGOT Remarques sur la toponymie des Actus P.C. 6 différence est trop forte pour qu'on songe à une méprise. Si Aloniacus pouvait donner Aligné ; c'est une terre de la Mayenne, près Laval, qui eut féodalement de l'importance, et même une paroisse de la Sarthe, La Chapelle-d'Aligné. Mais je ne crois pas que la dérivation soit admissible. Aloniacus reste donc à identifier. 8. — On trouve parmi les « vici », où saint-Julien aurait établi des églises, Gauronno, qu'on a traduit généralement par Gorron. Or, Gorron, dont le nom est antique, c'est vrai, n'est cependant connu historiquement que depuis l'époque féodale. Javron, au contraire, Gabron, Gabronnum, est le chef-lieu d'une Condita, cité comme tel dans les Actus et dans les vies de saints, écrites à la même époque. Si ce n'est pas Javron qui est désigné par Gauronno, Gavronno, comme il faut bien que le chef-lieu d'une Condita figure dans les listes de fondations primitives où se trouvent en effet tous les vici connus 19, il faudrait le trouver sous l'un des noms de ces listes qui n'ont pas été identifiés. Je proposerais Iacono, supposant une mauvaise lecture pour Iavrono, et je trouverais celte hypothèse moins fantaisiste que l'identification de Iacono avec les noms de Jagu ou Gigoux, localités insignifiantes qui n'ont jamais eu d'église 20. 9. — Au nombre des églises fondées par saint Thuribe, il en est une nommée « Illa Isla ». M. Busson y voit l'Isle-sous-Brûlon 21, terre et château féodal. Je préférerais SaintIsle, paroisse de la Mayenne, connue dans les textes officiels depuis le XIe siècle sous le nom de Saint-Avit, à cause du patron qui lui avait été donné, mais qui dut garder dans l'usage populaire le nom d'Isle, qu'on amalgama avec le mot saint pour faire Saint-Isle, seule locution qui ait eu cours dans le vulgaire. 10. — La paroisse de Niort, près Lassay, est connue, d'après M. Ponton-d'Amécourt, par une monnaie mérovingienne avec légende Niordo v[icus] 22. D'après une interprétation qui semble rationnelle, M. Busson reconnaît Niort dans le Medio Orto des fondations de Saint-Thuribe. Mais il suppose que la forme primitive serait Medio Orto 23 ; j'y vois plutôt un calembourg comme s'en permettait l'auteur des Actus pour lequel : Auriono[vico] vient de Haurire, parce que les indigènes avaient puisé là « Xpistianitatis normam » ; pour qui encore le Grez, Gressus, a été ainsi nommé parce que les moines y trouvèrent une pierre propre à aiguiser leurs outils. 11. — Les listes des fondations primitives donnent un Cauciaco que M. Busson interprète Chouzy 24 ou Choussi (Loir-et-Cher) 25. Comme ce doit être une paroisse de l'évêché du Mans, je n'en vois pas d'autres à proposer que Cossé-le-Vivien ou Cossé-en-Champagne, le premier de préférence, parce qu'il était un vicus publicus ; admettant si l'on veut que Cauciacus soit une traduction fautive, faite par l'auteur du IXe siècle, du mot Cossé, dérivé de Coctiacus. 12. — Une autre fondation primitive, ou donnée comme telle au IXe siècle, est celle d'une paroisse nommée, d'après une transcription sûrement mauvaise, Donnario. M. Busson y 19 Defensor tradidit vicum Dialliuticum et vicum Calsiacum et vicum Labricinis et alios vicos omnes … 20 Province du Maine, t. XI, pp. 131-133, et table des Actus. 21 Province du Maine, t. XI, p. 219. 22 Monnaies du Cenomanicum, p. 245. 23 Province du Maine, t. XI, p. 222. 24 Au IXe siècle, Chouzy (Loir-et-Cher) se nommait Calviacum. (Note de M. Merlet). 25 Province du Maine, t. XI, p. 241. Archives départementales de la Mayenne Alphonse ANGOT Remarques sur la toponymie des Actus P.C. 7 voit Dommier, village sans aucun souvenir ni apparence d'église 26. Si l'on cherche, parmi les paroisses qui sont citées à cette époque, un nom qui se rapproche de celui-ci, on rencontre Donnoiorio, forme déjà très corrompue de Domnogeorgio, mais qui existe. Il n'y a pas d'invraisemblance à supposer qu'un copiste, lisant mal le manuscrit qu'il avait sous les yeux au XIIe siècle et ne le comprenant point, ait achevé de rendre ce mot méconnaissable. Il y avait plusieurs Saint-Georges au IXe siècle. Un autre est déjà mentionné sous la forme Domnogeorgio dans les mêmes listes. Je n'ai pas besoin de dire qu'ici comme ailleurs, je ne suppose pas une dérivation, mais une corruption, une faute de copiste 27. 13. — La dotation de l'abbaye d'Evron ou plutôt d'Aurion, en 636, par saint Hadouin, comprend une villa Lastemariacus et une colonica dite Lamariacus que M. Busson, avec hésitation d'abord, puis très affirmativement ensuite, identifie avec Lévaré, paroisse de l'arrondissement de Mayenne, canton de Gorron, et avec Lévaré, fermes de la commune de Cossé-le-Vivien, localités éloignées d'une quinzaine de lieues l'une de l'autre, et à peu près à la même distance d'Evron 28. Les donations primitives d'Evron, sauf une seule à Cigné qui resta toujours attachée à l'abbaye, ne sont point dans cet éloignement. Aucun des Lévaré n'a de pareils souvenirs. J'avoue ne connaître aucun nom de forme ancienne qui se rapporte à Lastemariacus ou à Lamariacus. C'est sans m'y attacher que j'émets l'opinion suivante : Il y a sur Evron un vaste territoire, traversé dans toute sa longueur (deux kilomètres) par un chemin qui est le prolongement de la vieille rue de Saulgé. On le nomme Les Marais, et le chemin porte le même nom. Avant d'être assaini par des fossés et canaux, il devait être marécageux, d'où son nom probablement. Mais si, par grand hasard, ce terrain avait été nommé anciennement Lémaré, qui traduit bien Lamariacus, ce nom sans signification ne serait-il pas facilement devenu Les Marais pour le vulgaire ? Il s'est fait des substitutions semblables, rarement, toutefois, de façon à faire oublier tout à fait le vocable primitif. 14. — La même dotation d'Evron, par saint Hadouin, comprend deux autres domaines : Auliacus et Pauliacus. J'ai dit qu'Auliacus était Houellé, en Evron 29. M. Busson trouve la dérivation impossible et admet Ahuillé, paroisse située au-delà de Laval 30 ; je maintiens Houellé, en vertu si l'on veut d'une prononciation locale, puisque Pauliacus, qui n'est que le même mot précédé de la lettre P, désigne certainement un lieu et un nom, que nous écrivons Poillé, mais que tout le monde prononce très distinctement Pouellé ; personne ne serait compris en demandant Poillé. 15. — Un jugement de Clotaire III, entre l'abbé de Saint-Denis, près Paris, et l'évêque du Mans, attribue au premier : villas Simpliciaco, Tauriaco, Stupellas, Flaviniaco, Ponciusciniano, Vassurecurti, Burgonno, Alintummas, Rastivale, Cambariaco, Burfito, Coriaco, et Munciaco, sitas in pagus Cinomanico, Andicaro, Rodonico et Muffa. — C'est donc dans la région où se joignent les trois provinces, Maine, Anjou et Bretagne, que doivent être cherchées les localités désignées ici. Malgré cela, M. Busson voit Semblançay (Indre-et-Loire) dans Simpliciaco, en proposant, pour ce cas, de remplacer in pago Rodonico par pago Toronico ; il traduit Ponciusciniano restitué en Ponciusciniaco par Cigné qui est du nord de la Mayenne. Alintummas par Aulaines qui est dans la Sarthe, 26 Province du Maine, t. XI, p, 243. 27 J'apprends par le dernier fascicule paru de la Province du Maine que M. Bezart a aussi admis l'identification de Donnarium avec Donnoiorium (t. XV, p. 30). 28 Province du Maine, t. XII, pp. 329, 330. 29 Dict. hist. de la Mayenne, au mot Houellé. 30 Province du Maine, t. XI, p. 330. Archives départementales de la Mayenne Alphonse ANGOT Remarques sur la toponymie des Actus P.C. 8 mais qui, il faut le dire, était plus tard à la présentation de l'abbé de Saint-Denis ; Rastivale par Râteau; Cambariaco par Cambray (Saint-Christophe, Sarthe) : Burfito par Berfay (?) (Sarthe); Coriaco par Corzé (Maine-et-Loire). Or on trouve dans la région indiquée par le document et dont je ne connais que les parties mayennaise et angevine : Pour Simpliciaco, auquel la syllable ci a dû être fortuitement ajoutée : Simplé, paroisse ; Pour Stupellas, qui devrait être écrit ou prononcé Stupelas : les Etoubles, nom assez rare pour qu'on ne le trouve pas facilement ailleurs ; Pour Rastivale : le Râteau qui conserve un petit châtelet, reste d'un castel du moyen âge, en Renazé ; Pour Burgonno : Bourgon, paroisse du Maine, limitrophe de la Bretagne ; Dans l'Anjou, M. Busson reconnaît Freigné dans Flaviniaco, et Corzè dans Coriaco ; je proposerais de mon côté d'identifier Ponciusciniaco, mot qui semble mal fait, avec une localité, dite aujourd'hui le Pont-aux-Filles, et, dans un texte du XIe siècle, Pons Prisciniacus, en Ecouflant. De même un domaine, situé sur les rives de l'Autonne et du même nom, représenterait mieux, ce me semble, Alintummas, que ne le ferait Aulianes 31. ALPHONSE ANGOT. 31 Province du Maine, t. XII, pp. 392-393. Archives départementales de la Mayenne