Besoins de santé L`expression « besoins de santé » semble

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Besoins de santé L`expression « besoins de santé » semble
Besoins de santé
L’expression « besoins de santé » semble communément admise tant dans le vocabulaire quotidien de
tout à chacun, que dans le langage vernaculaire des spécialistes. Pour autant, si elle s’avère
omniprésente, voire incontournable pour certains champs disciplinaires, pour d’autres il semble possible
de pouvoir s’en passer. Par ailleurs, ce qui émerge dans un premier temps de la littérature est d’une
part la complexité de cette expression, du fait notamment de sa polysémie, d’autre part son
opérationnalisation. Aussi, s’attarder sur la question des besoins de santé implique immédiatement un
certain nombre de difficultés : besoin(s) pour qui dans un premier temps ? Besoin(s) selon qui dans un
second temps ? Et relativement à quoi ou à quelle norme dans un troisième temps ? Le découpage
opéré par certains auteurs en quatre formes de besoins (normatif, ressenti, exprimé et comparatif)
laissant percevoir un usage différent de cette expression.
Ainsi le médecin pourra-t-il entendre le besoin de santé dans le cadre de son activité professionnelle, à
l’hôpital ou au cabinet, comme un besoin ressenti ou exprimé par un patient et en le traduisant en une
évaluation relative à une norme, en un besoin diagnostiqué. Derrière le besoin individuel exprimé, c’est
bien la question de la demande qui se trouve convoquée. La définition usuelle du mot demande
renvoyant à « l’action de faire connaître ce que l’on désire », il est possible d’effectuer plusieurs
constats. Tout d’abord, la psychologie et la psychanalyse nous ont appris que s’il y a effectivement un
désir derrière une demande, celle-ci ne constitue pas la traduction univoque de celui-ci. Et nul besoin
de nous situer dans la pathologie mentale pour comprendre que ce décalage entre demande et désir
requiert une interprétation du singulier. Ensuite, dans l’hypothèse où le désir et la demande du patient
coïncident, il n’est pas donné non plus que l’évaluation du praticien le conduise à répondre à ce désir
ou à cette demande en termes de soins. Dit autrement, il n’est pas évident que la demande adressée
au médecin ou au soignant par le patient relève du soin…
La santé publique quant à elle, se référera à l’expression « besoins de santé » dans une autre
acception que celle du médecin. Dans ce champ, effectivement, le besoin de santé pourra être compris
comme « l’écart entre un état de santé constaté et un état de santé souhaité par la collectivité ou ses
représentants »1. Par cette définition, on perçoit que la référence au besoin comparatif trouve sa
pertinence dans l’objectif d’une évaluation collective et de planification, et non plus dans un but
individuel et thérapeutique. Nous observons ainsi que la référence aux besoins de santé varie selon
que l’on se situe dans une perspective individuelle ou collective. Ce hiatus trouve peut-être à s’expliquer
en partie dans le décalage existant entre « besoins de santé » d’une part et « besoins de soins »
d’autre part. En effet, il ressort aussi de la littérature que nombre d’auteurs réserveront cette dernière
expression à l’approche globale des problèmes de santé publique.
Il semble alors tentant de déduire de ce passage d’une expression à une autre, corrélatif d’un champ
disciplinaire à un autre, que l’expression « besoins de santé » situerait celui qui l’utilise dans le champ
du subjectif, tandis que la tournure « besoins de soins » renverrait davantage à une logique
d’objectivation et de comptabilisation. Une nouvelle fois, le passage par des définitions usuelles semble
peut-être à même de nous éclairer. Ainsi si dans un premier temps, le terme de santé semble par sa
définition, exclure le débat, « bon état physiologique d’un être vivant, fonctionnement régulier et
harmonieux de l’organisme pendant une période appréciable », les qualificatifs, « bon », « régulier » et
« harmonieux » sont propices à désigner une lecture contextuelle relative à une norme et par
conséquent évolutive. En outre, si l‘on se tourne vers l’étymologie du mot santé, il est intéressant de
repérer qu’elle introduit une donnée, a priori absente de la définition usuelle, et qui concerne le moral :
1
Salomez J.L., Lacoste O., Du besoin de santé au besoins de soins. La prise en compte des besoins en planification
sanitaire, Hérodote, n°92, 1999, 101-120.
« Sanus, sanitas : sain bien portant au physique et au moral ». L’OMS dans son approche de la santé a
semble-t-il tenu compte de cette racine en proposant la définition suivante : « un état de bien être total
physique, social et mental de la personne ». L’association des deux termes « besoin » et « santé »
dans l’expression « besoin(s) de santé » en rend donc la compréhension mal aisée. Cependant, il en va
de même pour la notion de soins et par conséquent pour l’association « besoins de soins ». En effet, les
définitions usuelles et la polysémie de ce dernier terme semblent, là encore, se jouer de la logique
d’objectivation. Le soin, renvoie effectivement, à l’acte par lequel on soigne. Mais il est aussi une
« préoccupation qui inquiète, tourmente », et encore un « effort, le mal que l’on se donne pour obtenir
ou éviter quelque chose ». Et, avec ce dernier sens il renvoie directement par son étymologie,
« sonium » et « sun(n)i », à besogneux et…besoin qui évoquent tous deux la nécessité.
Par l’impossibilité de statuer sur une définition universelle, par les enjeux politiques forts qui y sont
sous-jacents, les notions de besoins de santé et de besoins de soins semblent motiver pléthore de
discussions et débats entre les disciplines mais aussi en leur sein. Aussi nous a–t-il paru opportun, à la
suite des débats nés de la conférence d’Olivier Faure sur l’Histoire de la médicalisation, d’organiser un
cycle de conférences sur cette thématique. Ceci en invitant des intervenants issus de différentes
spécialités, Denis Bouget et Philippe Tessier en économie de la santé, Frédéric Dubas en psychanalyse
et médecine, Anne Tallec et François Tuffreau en Santé Publique, à nous expliquer ce que recouvrent
ces expressions et les problématiques qui en découlent du point de vue de leur discipline.
La liste des conférenciers n’est pas close et reste par conséquent prête à recevoir de nouvelles
interventions
Ce cycle de conférences est ouvert à tous…