Portrait dans son intégralité
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ÉCHOS | À LA UNE | GRAND ENTRETIEN | DÉCRYPTAGE | PORTRAIT | MUSIQUE STORY | RENCONTRE | COULISSES | AGENDA PORTRAIT 17 Bio 1987 Première rencontre avec Marcel Landowski, Montségur, à l’Opéra de Paris. 1997 Supernova, par l’Orchestre national de Montpellier. 2009 Cosmic Trilogy, dirigé par Stéphane Denève. 2014 Sortie de l’album Lucifer, chez Deutsche Grammophon, avec le soutien de MFA. GUILLAUME CONNESSON LA QUÊTE ÉPERDUE D’UN IDÉAL Guillaume Connesson compte aujourd’hui au nombre des compositeurs français majeurs de la scène internationale. Il a élaboré, en deux décennies, un catalogue d’une singulière diversité : œuvres orchestrales, partitions pour chœur, pièces vocales, musique de chambre… « J’AI BESOIN DE LA MÉLODIE, DE LA SENSUALITÉ HARMONIQUE, SANS LESQUELS MON RAPPORT À LA MUSIQUE ME PARAÎT VIDE ET INSATISFAISANT. » MAGSACEM # 91 L a première rencontre avec son art est restée vive dans notre esprit : invité par le festival Ciné-Mémoire, il avait composé en 1995, pour Les rapaces, le chef-d’œuvre muet d’Erich von Stroheim, une partition de deux heures et demie ! Un défi que ce créateur de 25 ans avait relevé avec un sens aigu de la dramatur gie cinématographique. Révélation d’un ton, d’un style, marqué par l’élégance so nore et la finesse de combinaisons ins trumentales bien sonnantes. Cette maîtrise précoce reposait sur une formation musicale complète : Guillaume Connesson a étudié le piano, l’histoire de la musique, l’analyse, la direction de chœur, la direction d’orchestre (avec DominiqueRouits), l’orchestration (avec Alain Louvier), mais aussi la composition auprès de Marcel Landowski, auquel il rendit un hommage subtil dans les co lonnes du mensuel Diapason. Aujourd’hui professeur d’orchestration au Conserva toire national de région d’Aubervilliers, Guillaume Connesson est un composi teur prolifique et épanoui, éloigné de l’image du créateur isolé composant pour un futur incertain : « J’écris exclusivement sur commande. C’est une sécurité et un privilège, d’autant que je suis aujourd’hui en mesure de choisir ce que j’ai envie de faire. Si contrainte il y a, elle naît des délais, non du mode propre de la commande ». La Sacem a reconnu cette maturité de la quarantaine en lui décernant son Grand prix de la mu sique symphonique dès 2011. Guillaume Connesson a pris part aux débats esthétiques qui ont agité le monde musical contemporain français – et continuent de le faire… – depuis plus de cinquante ans. Ils opposent les tenants d’une orthodoxie moderniste ato nale en rupture avec le passé (une tabula rasa radicale générée dans bien des champs de l’art – arts plastiques, littéra ture, théâtre, cinéma… – par la catas trophe de la Seconde Guerre mondiale) à ceux qui prétendent s’inscrire à leur ma nière, et dans leur temps, dans une conti nuité historique. Notre compositeur se reconnaît dans les seconds, selon une perspective infiniment moins simpliste que celle que prétendent dénoncer leurs détracteurs : « J’ai beaucoup étudié les musiques d’avant-garde, et nombre d’entre elles m’ont, d’une certaine façon, passionné. Mais je n’ai jamais senti que je pouvais m’y exprimer de façon satisfaisante. J’ai besoin de la mélodie, de la sensualité harmonique, sans lesquels mon rapport à la musique me paraît vide et insatisfaisant. Cela n’a rien à voir avec une volonté banale de plaire. Je crois simplement avoir su très vite ce que je voulais faire, et aussi ne pas faire : je n’avais simplement pas envie de passer ma vie à composer de la musique atonale ». Si la ba taille est gagnée, à ses yeux, côté inter prètes, elle ne l’est pas côté institution et festivals « contemporains » de référence. Des références : Debussy, Ravel, John Adams… Guillaume Connesson confesse naturel lement des admirations, des modèles, des références : Debussy, Ravel (« L’En fant et les sortilèges est un chef-d’œuvre total, de la première à la dernière note »), Prokofiev, Chostakovitch, plus près de nous Jean-Louis Florentz, John Adams et les minimalistes américains, voire EsaPekka Salonen, chef d’orchestre compo novembre 2014-janvier 2015 siteur avec lequel il partage un goût pro noncé pour l’écriture orchestrale : « L’orchestre est sans aucune discussion mon instrument préféré, depuis l’enfance. Il exige science et intuition, et j’aime l’explorer selon des formes libres, parfois narratives ». On touche là un autre point important, déce lable dans son sens inné des titres et images (comme avec Supernova, Technoparade, Jurassic Trip, que l’on mémorise d’emblée) : « Je m’inspire volontiers des autres formes d’art, sans jamais tenter la transposition linéaire d’un art à un autre. Le ressenti face à un texte, une peinture, une sculpture, une photographie, suscite souvent très vite en moi un univers sonore qui obéit à ses règles propres ». Un nouveau défi Un compositeur a besoin d’excitation et de nouveauté, « parce qu’il est toujours en quête de lui-même au sein de son langage, à la recherche de l’œuvre idéale qu’il pressent, et dont, bien sûr, il n’accouche jamais ». Voilà pourquoi Guillaume Connesson compte se tourner, à l’avenir, vers l’opéra, tant chant et théâtre sont pour lui des pas sions anciennes : le rideau se lèvera en novembre 2016, à Bordeaux,sur un opé ra-bouffe écrit sur un livret original d’Olivier Bleys. Une commande de Thierry Fouquet, le directeur du Grand Théâtre, et un nouveau défi : « Celui de la vivacité, de la légèreté, de la drôlerie, si peu traitées dans l’opéra contemporain actuel. Qui soulèvent la question si complexe de l’inspiration et de l’identification mélodiques. C’est l’alpha et l’oméga de la musique, l’élément via lequel elle communique le plus fortement ». N’est-ce pas là une authentique profession de foi ? • © MARIE-SOPHIE LETURCQ 16