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Interrogations prégnantes dans l’écriture contemporaine qui prennent ici une acuité particulière puisque le poète s’adresse directement à son art, « O poésie », qu’il célèbre mais dont il se détache aussi. Interrogations sur l’écriture !" La possibilité pour la poésie de s’apparenter à un « mensonge » est en effet mentionnée, le poème enroulant son questionnement autour du champ lexical du trouble, du rêve et de l’illusion. Comment affirmer son chant si les notes de musique sonnent faux ? Le rapport à la réalité en ressort troublé et amène la suspicion du poète qui doute de sa propension à trouver le mot juste pour désigner l’univers fuyant du poème. La répétition du « je pourrais », en écho aux rêveries du poète, vient de même scander un vers que l’on devine à la limite du verset. L’écriture se noue autour du questionnement, sur le comment écrire, en permettant à sa forme d’évoluer aussi au rythme de son sens. A quoi bon la poésie ? !" Semble aussi se demander en substance le poète qui en reprend et en analyse toutes les faiblesses, notamment son impuissance à poser des mots sur la condition humaine. La peur de la mort se découvre en effet en filigrane, n’osant se dévoiler ou se nommer comme telle. L’allusion au monde du sommeil et au fleuve des morts se fait ainsi discrète par le rappel de la figure mythique d’Orphée, poète que la beauté de son chant distingue mais condamne également. Le chant contrarié est donc ici celui du poète qui s’interroge sur son art dont il note et regrette l’impuissance à nommer et à vaincre ses peurs. Pourtant, la mention implicite d’Orphée rappelle aussi le pourquoi de la poésie, ce qui constitue sa force et son exception. III. La défense de l’impossible Le poète comme passeur !" La poésie apparaît en effet comme ce qui permet le passage d’un monde à l’autre, celui d’entre les vivants et les morts, l’exemple du fleuve venant rappeler cette métaphore implicite de la force poétique. Le poète devient ainsi le passeur, celui qui guide la barque de son chant d’une rive à l’autre, permettant aux hommes de s’unir au-delà de la mort et de la destinée. La poésie permet dès lors aux mots de trouver le pourquoi de leur maintien, seuls à même semble-t-il de se mouvoir d’un monde à l’autre, d’une temporalité à l’autre. Le motif du lien !" Autre motif d’une force poétique qui demeure cependant, celui du lien. Recoudre les déchirures constitue en effet la trame de toute poésie qui s’efforce de nouer des liens entre les hommes et le monde de l’intemporel. Même volonté dans ce poème qui, s’attachant à un travail maternel de couture, effectue son tissage par-delà les anaphores et la musicalité du vers. Typographie et rythme réguliers viennent en effet bercer un vers qui s’interroge mais se déploie et toujours continue. Lier son rythme à son sens permet ainsi au poème de se nouer à l’autre, de renouer le fil perdu de son passé pour l’actualiser dans le présent et ainsi préparer le futur, de l’homme comme de la poésie. Chant de la finitude !" Cette projection temporelle passe cependant aussi par l’acception de la finitude humaine. Mais la longueur du poème, son insistance à tenter de nommer ce qui ne semblait pouvoir l’être, l’apparentent peu à peu à une tentative de maintenir le chant, malgré tout. Insister et poser ses mots, maintenir son chant au-delà du désenchantement manifeste du langage, apporte au poète la possibilité de, par les mots, consentir à la finitude. La fin du poème porte en elle-même son apaisement. Cette poésie, dont le langage autre permet de lier les vivants et les morts, le monde d’ici bas et celui d’en haut, accorde aussi au poète et, au-delà de lui, à l’homme, le possible consentement à sa finitude. IV. Conclusion Regret d’une force en apparence déchue et interrogations sur la langue ponctuent le poème qui s’évertue pourtant à maintenir son chant. La force poétique se devine cependant, nouant son tissage dans le poème et permettant le lien qui la désigne et la caractérise. Par la parole, par l’obstination à tenter de trouver le mot juste, le poème peu à peu se renoue dans un présent qui lui permet d’accepter la condition humaine. En ramenant les mots de l’ombre à la lumière par la grâce de l’écriture, le poète les éclaire peu à peu et en permet dès lors l’éblouissement. En cela réside peut-être la force d’un travail poétique qui retrouve ici les conditions de son accomplissement. Saut de section 1 Theodor W. Adorno, Prismes, traduction Geneviève et Rainer Rochlitz, Paris, Payot, coll « Critique de la politique », édition consultée 1986, p 23 Editeur : MemoPage.com SA © Auteur : Corinne Godmer DatDéc. 2005 N : en cours Expert : Jacques Ménigoz Etablissement d’enseignement Supérieur Technique Privé Diplôme homologué par l’Etat niveau II (maîtrise) www.supdepub.com Téléchargez votre dossier d’inscription sur : Renseignements admission : Aurélie Boucher Tel : 01 56 07 00 05 – [email protected] Campus de Paris 63 boulevard Exelmans 76016 Paris Mercredi 8 Juin Vendredi 8 Juillet Campus de Lyon 21 rue Alsace Lorraine 69001 Lyon Jeudi 23 Juin Mardi 12 Juillet de Tests d’admissions niveau BAC Dernières sessions des Métiers de la communication Intégrez la grande école Figures mythiques ou allusion au chant (le « rossignol ») viennent conforter une poésie qui regrette les temps anciens de la communauté des hommes unie autour du poète, prophète de la cité. Rien de tel ici puisque le poète, seul, constate « les ruines de la parole » dans un monde qui ne s’appuie plus que sur la mémoire pour en célébrer la beauté. Ce retour élégiaque vers le passé semble impuissant à ramener les mots sur la scène du sensible. Mais l’histoire est aussi celle du XXème siècle dans lequel s’actualise cette écriture, siècle où la parole d’Adorno, « écrire un poème après Auschwitz est barbare »1, résonne douloureusement Ecrire est-il encore possible ? Et comment ? Le rapport à l’histoire !" II. Le chant contrarié Poète de la modernité, Yves Bonnefoy s’interroge dans Les planches courbes sur son rapport à la langue poétique. Plus précisément dans cet extrait, Dans le leurre des mots, il revient sur le pourquoi écrire, une interrogation perceptible jusque dans le choix du titre puisque le fondement de la poésie, les « mots », se voit accolé au « leurre », au mensonge. Il serait donc intéressant de suivre le poète dans ses interrogations, en nous attachant à examiner, dans un premier temps, ce qui paralyse la voix, pour s’intéresser, dans un deuxième temps, aux conditions de son rétablissement. I. Introduction « Dans le leurre des mots », Yves Bonnefoy, Les planches courbes