Mise en page 1 - Perray-en

Transcription

Mise en page 1 - Perray-en
H I S T O I R E
E T
M E M O I R E
D U
P E R R A Y
Hommage
à un talentueux précurseur :
Jules Marie Edouard VIOLETTE
Paraphe de l’Abbé Violette
Réédition 2001 de l’ouvrage paru en 1895.
Vous avez reçu le sacrement de baptême le 1er avril
1846, voyons, déjà farceur ?
Après avoir passé votre jeunesse à l’ombre de l’abbaye
bénédictine du lieu et de son
église de la Trinité que l’histoire
dans sa sévérité et son absurdité n’a pas épargnée, tant lors
de la guerre franco-navarraise
en 1356 qu’au cours de la
seconde guerre mondiale cinq
siècles plus tard. Comme nous
tous, vous avez fréquenté les bancs de l’école
primaire, puis vous avez effectué des études
secondaires jusqu’en seconde, mais je ne sais
si c’était à Coutances ou à Saint-Lô.
Vous étiez inscrit au petit séminaire de
n’étaient pas mobilisables) et vous avez été
nommé sous-officier.
Entre la fin de vos études et votre entrée
au séminaire, je n’ai pas pu obtenir de renseignements vous concernant.
D’après un historien normand, vous auriez pu
être affecté dans les gardes mobiles départementaux de la Manche, mais les archives de
Saint-Lô ont été totalement détruites lors du
débarquement allié de 1944 et très peu de
documents sur la guerre de 1870 sont classés aux archives militaires à Vincennes.
De toutes façons les gardes mobiles départeMonsieur l’abbé, c’est avec grand plaisir que
mentaux n’étaient pas des militaires et
je me penche aujourd’hui sur l’essai de votre
n’avaient donc pas de matricule.
biographie ce qui, 163 ans après votre naisEn 1873, vous avez pris congé du diocèse
sance, n’est pas chose aisée, mais il n’y a pas
de Coutances pour vous rendre dans celui de
de joie sans peine !
Versailles, que vous n’avez quitté qu’au
Tout d’abord pourquoi vous qualifie-t-on
moment de votre retraite.
d’un magistral « Monsieur l’abbé »
Ordonné prêtre le 22 mai 1875 à
alors que vous avez rempli votre
Versailles (notes vous concernant
« Toute l‘histoire de Lessay, si elle pouvait être
ministère en temps que curé ?…
à votre sortie du séminaire :
Oui…, c’est l’habitude…!
écrite, se résumerait dans la lutte de l‘homme
Violette : capacité : commune ;
Pour pasticher Victor Hugo, je
et de la lande. Les gens du pourtour […] la
bon jugement ; piété : excellente ;
dirais que vous êtes né alors que
régularité : bonne ; travail : très
le XIXème siècle avait déjà quaconsidéraient comme un lieu maudit, comme
soutenu ; caractère dévoué, énerrante six ans trois mois et trente
la demeure d‘une sorte de divinité malfaisante,
gique), vous avez été nommé
et un jours; soit le 31 mars 1846,
vicaire de Bougival le 22 août
à Lessay dans la Manche, là bas
dont le nom seul faisait peur » …
1875, puis curé de Bazemont le 24
on dit « Cotentin », pays de Coumai 1878 et enfin, curé du Perray
tances, au bord de la grande lande.
Versailles pour l’année 1870-1871 sous le
le 1er mai 1886 où vous êtes resté jusqu’à la
Contemporain donc de l’écrivain régionanuméro 232, mais l’arrivée des Prussiens, huit
fin de votre sacerdoce soit le 20 juillet 1919.
liste Georges Desdevises du Dézert1 luijours après l’ouverture des cours semble avoir
Trente trois ans pour connaître les
même né à Lessay en 1854, qui décrivait la
interdit que se déroule la tenue de ceux-ci.
paroissiens et explorer les recoins de cette
lande comme2 : « Toute l‘histoire de Lessay,
En effet, le petit séminaire a été successivecommune qui vous était étrangère lors de
si elle pouvait être écrite, se résumerait dans
ment occupé par les Prussiens (le petit sémivotre arrivée mais que vous avez patiemment
la lutte de l‘homme et de la lande. Les gens
naire ayant dû mettre à disposition 200 lits
apprivoisée.
du pourtour […] la considéraient comme un
complets entre le 18-09-1870 et le 8-03-1871),
(à suivre)
lieu maudit, comme la demeure d‘une sorte
puis par la Garde Républicaine.
Michel-Jack MASSON
de divinité malfaisante, dont le nom seul
Pour la rentrée 1871-1872, vous êtes entré au
Auditeur de HMPY
faisait peur » … bigre, cela devait donner la
1. Qui sera doyen de la faculté de lettres de Clermontgrand séminaire, en section I -philosophie.
vocation ! Dites nous, lors de vos promeFerrand en 1907.
Durant la guerre contre les Prussiens, vous
nades dans la lande avez-vous croisé les
2. Georges Desdevises du Dezert : Mon vieux Lessay.
avez
effectué
un
service
militaire
(probable« Milloraines », ces dames blanches de la
3. Grande lande avec l’accent du terroir.
ment « volontaire » car les séminaristes
« graind‘lainde »3 ?
8
H I S T O I R E
E T
M E M O I R E
D U
P E R R A Y
Hommage
à un talentueux précurseur :
Jules Marie Edouard VIOLETTE - 2
Vous avez, Monsieur Violette, pris sur vous (et
sur vos deniers) au mois de juillet 1895, la rénovation de la « croix Vaudin » (en réalité un
calvaire), l’injure du temps lui devenant insupportable, et le rétablissement de son pèlerinage. Ce petit calvaire avait déjà beaucoup
souffert lors de la révolution de 1789 comme
vous le narrez si bien dans votre « Histoire de
la Paroisse du Perray (1) ».
Puis vous avez offert une reproduction sur
toile de l’ex-voto du chevalier François de la
Palud, à Notre Dame consolatrice en sa chapelle au Perray et vous avez composé un cantique en son honneur (2).
Et surtout, ce qui est la raison de ces
quelques lignes, vous avez rédigé un ouvrage
historique et archéologique sur notre petite
paroisse si complet que nous avons bien du
mal à y rajouter quelque nouvelle découverte
malgré nos moyens d’investigation innombrables, performants et si agréables d’utilisation dont vous n’avez pas bénéficié lors de
vos recherches. Je le confesse, votre opuscule m’a appris tant de secrets sur ma commune que j’ai décidé d’adhérer à l’HMPY
naissante pour tenter d’ajouter une petite
truelle de mortier entre deux pierres, voire
peut être une petite pierre à l’histoire de la paroisse du Perray ! Votre ouvrage a été, pour
notre plus grand bonheur, réédité en 2001.
Grand amoureux du château de Saint-Hubert,
dont vous avez visité et revisité les ruines ainsi
que son étang que vous avez vu, grand privilège, totalement à sec lors de la grande sécheresse des années 1893-1895 (3). Vous nous
confiez que jadis il se nommait « Etang de
Port-Royal », mais vous êtes silencieux sur la
raison de cette appellation.
Vous ne nous parlez pas de l’établissement
en ce lieu d’un corps de ferme ayant appartenu à l’abbaye des Soeurs de Port-Royal (4).
Mais vous êtes excusé, nous nous ne l’avons
appris qu’en 2006 par un prêtre béarnais (5).
Auparavant, vous aviez rédigé une histoire de
Henriette Riblet (soeur Emmanuelle en religion), jeune fille de Bazemont entrée dans les
ordres à Lisieux (Carmel), ainsi qu’un cantique
en l‘honneur de Sainte Thérèse (6). Cette notice est à ce jour introuvable, mais Madame
HUBERT de Bazemont a eu la sympathique
idée de me conter l’histoire de cette jeune
fille.
Vous avez vécu votre sacerdoce durant cette
Troisième République très anticléricale, née
8
d’une guerre et morte d’une autre, dont le
summum fut sans conteste la loi du 9-121905 dite « loi de la séparation des Eglises
et de l’Etat » (rapporteur : Aristide Briand).
Mais il y a beaucoup à dire sur cette loi qui
n’était peut être pas aussi anticléricale qu’on
a bien voulu l’affirmer. La Troisième République est née de la défaite du Second Empire et au lendemain de la victoire de
l’Ultramontanisme (1870) qui a placé l’Eglise
de France sous la direction du Vatican (ultramontanisme signifiant : au delà de la monBibliographie :
- Abbé J. Violette « Histoire de la paroisse du
Perray depuis sa fondation jusqu’à nos
jours » 1895, réédition de 2001. Ed. Monographies des villes et villages de France.
Préface de Monsieur le docteur A. Marest.
- Dr A. Marest « Perray et Perrotins » Histoire
du Perray-en-Yvelines 1242-1992 Préface
du préfet Jacques Gandouin.
- Georges Desdevises du Dézert « Mon vieux
Lessay, le pays, les gens, la vie » 1930 réédition de 1996. Ed. Monographies des
villes et villages de France.
- Michel Pinel « La Lande de Lessay - de Barbey d’Aurevilly à Louis Beuve ». Compte
d’auteur. 2005.
(1) Abbé J. Violette: « histoire de la paroisse du
Perray depuis sa fondation jusqu’à nos jours »
page 164.
(2) Abbé J. Violette. Id. page 173.
(3) Abbé J. Violette. Id. page 127.
(4) Article de Michel Mazet. Le Perray-info de décembre 2008.
(5) Bulletin Municipal du Perray-en-Yvelines de
l’année 2006. « Blaise Pascal au Perray » par le
Dr Marest.
(6) « Une fleur au Carmel ou notice sur la vie de Henriette Aline Archambelle RIBLET » (Soeur Emmanuelle en religion). Imprimerie Roger à Meulan
-1888-.
(7) Lire l’anecdote rapportée par le Dr A. Marest
dans « Perray et Perrotins » page 117.
(8) Archives des Yvelines, cote 3 R 64.
tagne). Rome se trouvait alors aux prises avec
un gallicanisme parlementaire et religieux,
ainsi qu’un puissant désir de laïcisation, qui
risquaient de compromettre cette situation.
Donc période de tensions très vives entre
Rome et Paris. Le passage d’un prêtre en
soutane était systématiquement salué par des
croassements (7) fort explicites.
Elle fut aussi celle du refus de la guerre de
1870 car défaite de l’empire.
C’est alors que la loi du 9-11-1911, réparant
l’injustice faite aux anciens combattants de
cette guerre, institua, 40 ans après, « la médaille commémorative de 1870/1871 » décernée aux 150 000 vétérans encore de ce
monde, dont vous fûtes bénéficiaire le 5-121912 (8).
Depuis ce jour heureux, vous avez fait suivre
votre signature de la mention « ancien sous
officier de 70 décoré ».
Pour raison de santé, vous avez présenté
votre démission le 20 juillet 1919 pour vous
rendre près des vôtres, dans votre maison au
Bocage, à Lessay. Usé, fatigué, vous avez
quitté notre monde, le 9 décembre 1921 à
19H30, dans votre 76ème année et vous avez
reposé dans le petit cimetière de Lessay, au
bord de cette graind’lainde qui vous était si
chère. Je n’ai pas trouvé votre tombe car elle
n’existe plus.
Ce qui m’attriste Monsieur Violette, c’est que
malgré mes démarches je n’ai pu trouver une
photographie de vous.
Alors, monsieur le curé, que cette petite notice biographique vous préserve de l’oubli !
Qu’elle nous révèle un petit « quelque chose »
de vous, à nous qui ne vous avons pas
connu !
Au revoir, Monsieur le Curé.
Michel-Jack MASSON