Le marché des ETF - Exchange Traded Funds-en Euro

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Le marché des ETF - Exchange Traded Funds-en Euro
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Le marché des ETF - Exchange Traded Funds-en
Euro-méditerranée
Enjeux et perspectives pour
les marchés développés et les marchés émergents
Philippe GIVRY
Département finance et économie,
Sup de Co Montpellier. [email protected]
Karine JEANNICOT
Euromed-Marseille. École de Management et GREFI
Université Paul Cézanne, Aix-Marseille.
[email protected]
Introduction
Saidi [1997] préconisait pour les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du
Nord d’encourager le développement des marchés de capitaux afin de soulager le système bancaire d’un risque de crise tout en promouvant l’épargne
domestique et en attirant les capitaux internationaux. Il recommandait également aux décideurs de développer des institutions de régulations en s’appuyant sur les standards et critères internationaux. L’objet de cet article est de
présenter le rôle que peut jouer une des innovations financières majeures des
marchés développés, les Exchange Traded Funds (ETF) appelés aussi Trackers,
pour accompagner les marchés émergents dans leur évolution et discuter de
ces opportunités dans la zone Euro-méditerranée. Les trackers sont des fonds
collectifs indiciels dotés d’un marché secondaire. C’est l’opportunité de pouvoir directement négocier un tracker sur le marché à des conditions similaires
à celles des actions individuelles, et ses difficultés sous-jacentes, qui est à l’origine du caractère innovant de ces instruments et de leur potentiel pour le
développement des marchés. Dans une première partie, nous exposerons un
certain nombre de constats observés sur les marchés développés: nous introduirons la nécessité de ces instruments financiers et de leur mécanisme pour
répondre à la fois aux exigences des investisseurs et aux contraintes de fonctionnement, d’efficience, de liquidité et de viabilité des marchés d’actions.
Dans une deuxième partie, nous illustrerons avec Nextrack, le marché des
Trackers sur Euronext, l’organisation de marché qui est nécessaire pour le
fonctionnement de ces instruments. Nous situerons ensuite les marchés Euroméditerranéens de trackers par rapport à l’offre de trackers dans le monde.
En dernier lieu, la contribution des trackers au développement des marchés
134
émergents ainsi que les contraintes pour le gérant du fonds seront soulevées.
Une première analyse nous amènera à discuter du potentiel d’évolution de
ce type d’instrument en Euro�méditerranée en mettant en avant trois possibilités: la création de trackers représentatifs d’un seul marché émergent au
sein de ce marché ou bien à l’initiative d’un marché étranger et la création
d’un tracker diversifié lié à plusieurs marchés émergents n’ayant pas les
caractéristiques suffisantes pour servir d’unique support. Le raisonnement intègre à la fois des éléments du débat sur les effets de la compétition, la fragmentation ou la segmentation des marchés en concurrence, ainsi que les
contraintes de liquidité et les enjeux informationnels habituels aux marchés
émergents.
1. Ce que les marchés émergents peuvent retenir de l’expérience des marchés développés
Ce n’est pas parce qu’un marché dit développé a pris de l’avance sur
un autre, qualifié d’émergent, que le chemin parcouru par le premier est celui
qu’il faut suivre. La plus grande difficulté à gérer dans la transmission de l’expérience est certainement de faire abstraction du chemin parcouru pour ne
retenir que les seules vraies étapes à franchir, celles qui conservent leur utilité
lorsque l’objectif est atteint. C’est cette réflexion qui va nous guider au travers
de cette première partie consacrée à un certain nombre de mutations ou de
réalisations observées dans l’industrie du titre. Qu’il s’agisse du rôle moteur des
investisseurs institutionnels pour attirer des capacités de financement sur les
marchés et contribuer à leur fonctionnement, ou bien de la diversification
internationale des portefeuilles ou, encore de la perte de monopole des marchés qui peut les contraindre à l’innovation, ces constats ne décrivent pas un
chemin à suivre: ils représentent l’environnement avec lequel les marchés
émergents doivent se développer et dans lequel ils doivent s’inscrire pour
assurer leurs fonctions. Il en est de même avec l’antinomie entre les exigences
des investisseurs et les nécessités de fonctionnement des marchés: le paradoxe de l’efficience informationnelle en était un exemple; les conséquences
de la Théorie Moderne du Portefeuille quant à la survie des marchés des titres
individuels illustrent à leur tour cette antinomie face à laquelle les marchés
doivent organiser leurs réponses. C’est ce que nous verrons avec l’émergence des marchés macro dédiés à l’échange de portefeuilles.
1.1
Les 3i: Institutionnalisation des marchés, Internationalisation des portefeuilles et Intensification de la concurrence
entre les marchés organisés
Institutionnalisation des marchés
Le phénomène d’institutionnalisation des marchés décrit le rôle croissant des investisseurs institutionnels dans l’actionnariat des sociétés cotées,
développant ainsi l’intermédiation de bilan, c’est-à-dire les participations indirectes des investisseurs individuels dans les sociétés cotées via leurs investissements dans les portefeuilles collectifs gérés par les institutionnels. Les chiffres les
plus marquants sont certainement ceux annoncés dans le fact book 2001 de
135
la Securities Industry Association (SIA) concernant les marchés américains:
répartissant les titres listés sur les marchés US entre le secteur des ménages et
celui des institutionnels, la SIA indique qu’en 1965, la détention des ménages
représentait 83,8% contre 16,2% pour les institutionnels, alors qu’en 2000 le
pourcentage n’est plus que de 41,1% contre 58,9% pour les institutionnels.
L’étude «Les tendances du patrimoine financier des ménages français»1 montre que la part d’actions cotées directement détenues par les ménages français a diminué de 8,1% à 3,4% entre 1990 et 2003 alors que la part représentée par les montants confiés aux institutionnels est passée de 31,7% à 51,6%
pour les mêmes dates. Ce phénomène est également souligné par une étude
de la Fédération européenne des bourses de valeurs (FESE)2 , même si des différences subsistent entre les pays analysés: l’étude met à jour les précédents
résultats de 1993, 1995 et 1998 en croisant des statistiques nationales provenant de plusieurs sources afin d’évaluer la structure de l’actionnariat des
sociétés cotées dans les différents marchés européens suivants : Helsinki, Borsa
Italiana, Ljubljana, Londres, Madrid, Lisbonne, Stockholm, Varsovie, Athènes,
Deutshe Börse, Oslo, Paris, Copenhague. Les données les plus récentes correspondent généralement à l’année 2000 et les résultats pour les marchés les
plus significatifs sont présentés par le graphique 1 ci-après.
Les auteurs de l’étude remarquent cependant un phénomène de stabilité des investissements collectifs domestiques en même temps qu’une augmentation de la présence d’investisseurs non-résidents dont une part importante est représentée par des institutionnels. Ainsi, l’institutionnalisation de l’actionnariat des entreprises cotées dans un pays semble passer par l’internationalisation des portefeuilles gérés collectivement.
Graphique 1.Source des données: étude «Share ownership structure», FESE 2002.
1.
2.
Revue mensuelle de l’Autorité des Marchés Financiers, N°13, avril 2005.
«Share ownership structure in Europe», FESE, 2002.
136
Internationalisation des portefeuilles
Cet autre phénomène, la diversification internationale des portefeuilles, a été facilité par l’élimination, au fil des années quatre-vingt-dix et
encore récemment, des barrières à l’entrée sur les marchés boursiers: en particulier, le développement de cross memberships permettant à deux marchés
de reconnaître mutuellement leurs membres respectifs comme habilités à
intervenir en direct dans la négociation, puis l’habilitation de remote members, c’est-à-dire de membres non-résidents du marché pouvant conserver
leur siège dans leur pays d’origine et ainsi intervenir à distance. L’attrait de telles opportunités réside évidemment dans la réduction des coûts mais ne peut
fonctionner que par la confiance: cette ouverture des marchés à l’international a été largement facilitée et accompagnée par l’automatisation des systèmes de transaction (ou tout au moins de ceux qui ne l’étaient pas encore)
offrant donc un accès équitable et aussi transparent que pour les membres
résidents et permettant une meilleure traçabilité des échanges réalisés. Un
autre aspect est encore celui de l’évolution des systèmes de compensation
et de règlement à l’international3. Une des conséquences notables de ces
faits concerne l’activité d’échange sur les marchés. Le tableau 1 ci-dessous
illustre, dans le cas de la France, l’évolution de la répartition (en pourcentage)
des montants échangés entre les différentes catégories d’investisseurs en distinguant les actions françaises cotées des actions étrangères cotées en
France. Ce tableau fait apparaître deux constats fondamentaux: d’abord,
plus de 90% des montants échangés semblent le fait des non résidents et des
institutionnels français, qu’il s’agisse d’actions françaises ou étrangères; ensuite, si en 1998 on constatait que les actions françaises étaient échangées par
les non résidents et les actions étrangères par les institutionnels français, ce
partage de l’activité n’est plus. En 2002, les non résidents sont responsables de
plus des 2/3 des montants échangés sur les valeurs étrangères cotées en
France et continuent de représenter près des 3/4 des montants échangés sur
les actions françaises cotées4.
3.
4.
Voir Giordano [2002].
Le Bulletin de la Banque de France n°125 de mai 2004 rapporte une étude intitulée «Une détention internationale des titres européens plus centrée sur l’Europe». Comme son titre l’indique, les
non résidents, du point de vue de la France, sont essentiellement européens (Royaume-Uni,
Allemagne, Luxembourg, Pays-bas, Belgique, Italie), mais considérés individuellement, le principal acteur reste les Etats-Unis.
137
Tableau 1
Répartition des montants annuels échangés sur le marché français des
actions entre les différentes catégories d’investisseurs. (ANF est l’abréviation de Agents Non Financiers).
Données: Bulletins de la Banque de france, avril (2003), avril (2002) mai (2001), avril
(2000), et mai (1900)
2002
2001
2000
1999
1998
Actions françaises cotées
Ménages
1,6 %
1,9 %
-
1,6 %
2,8%
Sociétés
2,2 %
2,1 %
-
0,7 %
1,2 %
Autres ANF
0,1 %
0,1 %
-
2,5 %
0,1 %
Institutionnels
23,0 %
18,9 %
-
13,8 %
20,9 %
Non résidents
73,1 %
76,9 %
-
81,4 %
74,9 %
Actions étrangères
Ménages
0,7 %
1,1 %
1,9 %
2,1 %
4,1 %
Sociétés
0,5 %
0,4 %
0,5 %
1,4 %
2,7 %
Autres ANF
0,1 %
0,1 %
0,1 %
0,2 %
0,2 %
Institutionnels
30,5 %
32,1 %
41,3 %
53,3 %
75,1 %
Non résidents
68,2 %
66,4 %
56,2 %
43,0 %
17,9 %
La forte implication des non résidents dans la détention des titres et
l’activité d’échange pourrait apparaître comme une source de risque supplémentaire pour un marché donné: source d’une plus grande fragilité face à un
retrait massif de ces capitaux étrangers. Il ne faut cependant pas négliger le
fait que ce phénomène correspond à une véritable internationalisation des
flux d’investissement, en ce sens qu’elle est réciproque entre les marchés.
Ainsi, ces grands investisseurs ne se contentent plus uniquement d’éliminer l’influence des sources de risque spécifique au niveau de portefeuilles, ils diversifient également les risques systémiques entre pays comme s’ils acceptaient
d’assumer, ensemble, les différents risques par un partage global.
Cette simple illustration des conséquences de l’internationalisation des
portefeuilles est aussi à rapprocher du troisième phénomène cité: l’intensification de la concurrence entre les marchés organisés.
Intensification de la concurrence entre les marchés organisés
La parenté en revient certainement à la bourse de Londres qui avec le
SEAQ I, son compartiment des valeurs internationales, offre la particularité de
coter les titres de sociétés étrangères dans leur devise d’origine (pas de risque
de change, facilité d’arbitrage et de transaction, etc.). Cette concurrence
de Londres, renforcée par la pression créée par Instinet (voir ci-après) ou les
possibilités d’échange de portefeuilles offertes aux institutionnels américains
par des systèmes comme POSIT, a conduit le NYSE à proposer des sessions de
transactions hors séance (after-hours trading session) en juin 1991. Une autre
conséquence, par exemple, a été la réaction du marché français face à ce
138
risque de perte d’activité sur ses principales valeurs également listées à
Londres par la création du marché de blocs fin 1994 afin de s’adapter aux exigences des investisseurs mis en évidence par cette concurrence5. Au niveau
pan-européen, cette concurrence continue aujourd’hui depuis Londres avec
Virt-X, à l’initiative en partie du marché suisse, qui offre à ses membres un point
d’entrée unique, avec des règles de marchés de compensation et de règlement harmonisées, pour échanger électroniquement les valeurs constituant
les principaux indices de 16 marchés européens en respectant les devises d’origine. Un autre exemple est celui du Nasdaq qui non seulement organise la
concurrence avec les autres marchés américains en permettant l’échange
des titres qui y sont listés (sans qu’ils le soient sur le Nasdaq), mais organise aussi
sa propre concurrence en autorisant et encourageant la création d’ECN ou
Electronic Communication Networks. Les ECN sont des systèmes de transaction alternatifs qui permettent l’échange de titres du Nasdaq sans passer par
son système de Dealers6. La Revue de la Stabilité Financière7 remarquait
récemment cette concurrence accrue entre marchés organisés sous la
forme de listage de produits identiques avec la montée en puissance de ces
systèmes de transactions alternatifs (Alternative trading System ou ATS) ou
autres multilateral trading facilities8. Si l’on peut en attendre des conséquences positives en terme de diminution des coûts de transaction, grâce encore
à l’automatisation des systèmes de cotation, la question de la fragmentation
du flux d’ordres et de l’activité de marchés en concurrence sur les mêmes titres reste posée. D’autres structures ont choisi de partir à la recherche de la
taille critique en abandonnant leur dimension régionale pour consolider leur
rôle pour un ensemble de pays: c’est le cas en Europe d’Euronext qui regroupe ainsi les marchés de valeurs mobilières d’Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne et
Paris; c’est encore avec Euronext et ses partenaires (Atos Euronext, LCH.
Clearnet et Euroclear) que le Dubai International Financial Exchange envisage de développer le premier marché international de capitaux pour le
Moyen-Orient.
Peut-il y avoir segmentation9 lorsque deux marchés se retrouvent en
concurrence? Les bases de ce débat entre segmentation et fragmentation
ont été alimentées par Harris [1990] et Stoll [1992] en analysant les conséquen5.
6.
7.
8.
9.
On peut retrouver des éléments d’analyse de cette concurrence entre Paris et Londres dans le
chapitre 2 de l’ouvrage «Microstructure des marchés financiers: institutions, modèles et tests
empiriques», Biais B., T. Foucault et P. Hillion. PUF, 1997.
Les ECN fonctionnent généralement sur la base d’un carnet d’ordres qui a la particularité de ne
pas consolider l’intégralité du flux d’ordres, contrairement à ce qui caractérise un marché dirigé par les ordres, puisque chacun est en concurrence avec les autres pour attirer les investisseurs. Instinet, qui est le principal ECN capture environ 30% du volume des transactions traitées
sur le Nasdaq; ce gain en part de marché face au système du Nasdaq a conduit ce dernier à
proposer en réaction l’anonymat complet des transactions à ses clients. Instinet est également
partie prenante avec Archipelago, un autre ECN, dans le projet Virt-X évoqué précédemment.
Banque de France, Revue de la Stabilité Financière, n°4, juin 2004, pp 42-46.
La création de ces systèmes de transactions satellites rattachés à un marché introduit le débat
sur l’internalisation, c’est-à-dire l’exécution des ordres clients par leurs intermédiaires financiers
en dehors du marché principal. Le lecteur pourra approfondir ce débat en se référant à l’article suivant: «Internalization, investor protection and market quality», Biais B., D. Davydoff,
Working paper IDEI, 2002.
Le terme segmentation suppose la complémentarité des deux marchés, par les services qu’ils
procurent aux différents investisseurs, et non la concurrence entre les deux ni la dominance de
l’un ou l’autre comme le supposerait en revanche le terme fragmentation qui sera employé
ultérieurement.
139
ces de la perte de monopole d’un marché. Un problème majeur apparaît
lorsque les règles de négociation ne reposent plus que sur la priorité par les
prix, c’est-à-dire lorsque les investisseurs privilégient le marché permettant d’échanger au meilleur prix. La priorité par le temps, celle qui récompense l’initiative de prix en garantissant au premier investisseur à avoir proposé des
conditions d’échange données d’être prioritaire si une transaction est possible, s’en trouve ignorée et ce, d’autant plus que les possibilités de surenchère sont importantes10. Cela a pour effet de freiner le processus de découverte
du prix11 et de réduire la liquidité du marché sur le marché concurrencé. C’est
ce que montre également Madhavan [1995] et, en ce sens, la consolidation
des flux d’ordres pour concentrer l’activité semble profitable aux investisseurs
(Pagano [1989 a et b]). Parmi les paramètres importants qui semblent conditionner l’issue d’une concurrence entre les marchés il y a l’accessibilité de
l’ensemble des investisseurs à chacun des marchés et l’importance du risque
d’asymétrie d’information. Intuitivement, le fractionnement entre les marchés
des volumes à échanger s’avère coûteux (Bernhardt et Hughson [1997]), mais
lorsque de larges investisseurs non informés ont une liberté d’accès que ne
possèdent pas de petits investisseurs, ces premiers ont la possibilité de profiter
de la présence des derniers pour fractionner optimalement leur volume à
échanger afin d’éviter de subir un impact de marché (Chowdry et Nanda
[1991]); cela ayant pour effet d’accentuer la migration d’activités vers les
marchés concurrents correspondants et d’accroître la volatilité et les fourchettes de prix sur le marché concurrencé.
Quelle pourrait en être l’issue dans le cas où un marché émergent
venait à être concurrencé par un ou plusieurs marchés organisés? La première analyse de cotations multiples consacrée à un marché émergent est celle
de Domowitz, Glen et Madhavan [1996]. Elle offre l’avantage de décrire le
comportement d’investisseurs ayant accès aux mêmes moments à la possibilité d’échanger directement des actions listées sur la Bolsa Mexicana de
Valores ou de négocier des ADRs (American Depositary Receipts) représentatifs de ces actions mais émis et négociables sur les différents marchés US. Leurs
résultats distinguent les cas des titres mexicains accessibles aux investisseurs
non résidents avant qu’ils deviennent support d’ADRs des cas des titres mexicains protégeant le capital (la détention directe est réservée aux investisseurs
domestiques; elle est associée à un droit de vote restreint ou ne dispose d’aucun droit de vote) servant également de support à des ADRs. Pour les premiers, les auteurs constatent une migration des investisseurs non résidents qui
semblent privilégier les «échanges à domicile» dans leurs propres structures de
marché. Les conséquences pour le marché émergent domestique se traduisent par un accroissement de la volatilité indépendamment du volume, une
plus grande sensibilité des prix aux volumes, ce qui tend à affecter la liquidité
du marché pour les titres concernés, mais des fourchettes de prix plus étroites.
Ce dernier point proviendrait d’une réaction des négociateurs domestiques
pour retenir le flux d’ordres et conserver une certaine liquidité en améliorant
10. C’est en particulier le cas lorsque l’échelon de cotation (tick size) est petit et qu’il est a priori peu
coûteux de proposer l’échange à un prix légèrement plus élevé (pour un achat) ou plus faible
(pour une vente) que les conditions courantes.
11. Il n’y a plus d’incitation à proposer des prix et le risque d’asymétrie d’information devient plus
grand.
140
les conditions d’échanges en terme de prix. Cette fragmentation du flux d’ordres entre marché mexicain et marchés des ADRs donnant lieu en réalité à
une meilleure qualité des conditions d’échanges pour des petits ordres sur le
marché mexicain, les auteurs vont dans le sens d’une segmentation des marchés. L’autre résultat marquant, lorsque les titres support n’étaient pas initialement accessibles aux non résidents ou disposaient de droits restreints, est l’impossibilité de conclure à un quelconque impact de la concurrence des ADRs
à l’exception d’un accroissement de la volatilité non lié au volume d’échange.
Que connaît-on des risques de concurrence concernant l’offre de trackers? La seule étude, à notre connaissance est celle de Boehmer et Boehmer
[2002] concernant la concurrence introduite par le NYSE sur des trackers existants déjà sur l’Amex. Ils concluent à une amélioration de la qualité des conditions d’échange: la liquidité s’est globalement améliorée sans affecter le processus de découverte du prix et le partage du flux d’ordres semble répondre
à une segmentation du marché pour ces trackers, i.e. les deux concurrents
attirent des ordres dont les caractéristiques diffèrent et offrent ainsi des services complémentaires aux investisseurs.
1.2
L’émergence de marchés macro (de portefeuilles)
dépendant des marchés micro (des titres individuels)
L’attrait croissant de la diversification et la recherche d’économies d’échelle
L’étude conduite sur les marchés américains par Campbell, Lettau,
Malkiel et Xu [2000] met en évidence un accroissement du risque total12 des
titres individuels alors que ni la volatilité du marché ni celle du secteur d’activité ne montrent de tendance particulière. De fait, ils mettent en évidence
une augmentation du risque spécifique qu’ils estiment avoir plus que doublé
entre 1962 et 1997. En conséquence, le nombre de titres nécessaires pour
atteindre un niveau suffisant de diversification est plus élevé de nos jours
qu’auparavant: ils observent, par exemple, que dans les décennies 1963-73
ou 1974-85 un portefeuille équipondéré de 20 titres permettait d’atteindre le
même niveau de risque qu’un portefeuille incluant 50 titres dans la décennie
1986-97. La diversification devient donc d’autant plus nécessaire que le risque
spécifique est élevé. Cela devrait représenter une incitation à la détention de
portefeuilles de plus en plus larges et devrait encourager la gestion collective.
Bien que la finance moderne soit née de cette acceptation, la nécessité de
la diversification est bien celle qui a accompagné récemment un certain
nombre d’innovations financières.
La diversification a toutefois un coût: celui de gérer un nombre important de lignes en portefeuille, sans compter les coûts nécessaires à l’identification du portefeuille à gérer et à la sélection des titres qui le composent. En
référence à cela, Gammill et Perold [1989] notaient déjà la forte influence des
12. Les auteurs ont décomposé le risque total en une somme de trois composantes (le niveau du
marché, le niveau du secteur d’activité, le niveau de l’entreprise isolée) qui sont donc estimées
indépendamment des bêtas ou des covariances et permettent ainsi d’éviter les biais d’estimation.
141
investisseurs macro, ceux qui achètent et vendent des portefeuilles diversifiés
par opposition aux investisseurs micro qui se concentrent sur les valeurs individuelles. L’apparition des contrats à terme et des options sur indice boursier, le
program trading favorisant les transactions de paniers de titres, les systèmes
comme POSIT et Instinet Crossing aux Etats-Unis facilitant l’échange de portefeuilles pour les institutionnels, la gestion indicielle puis l’émergence des
Exchange traded Funds ou trackers en sont des exemples marquants que l’on
pourrait qualifier d’instruments macro. La demande des investisseurs macro
est encouragée par les économies d’échelle qu’ils obtiennent compararativement à l’échange de titres individuels: il apparaît d’abord moins coûteux
d’échanger un portefeuille en une seule fois dans son ensemble plutôt que de
réaliser autant de transactions que de titres inclus dans ce portefeuille. Ensuite,
l’exposition d’un investisseur macro aux risques attachés à son portefeuille est
plus facilement ajustable aux informations nouvelles – réduire ou augmenter
le montant consacré au portefeuille selon la nature de l’information – que lorsqu’il faut procéder à la réallocation du portefeuille; enfin, la collecte et le traitement d’informations macro sont certainement moins coûteux que pour des
informations micro concernant non seulement un ensemble plus large d’indicateurs mais aussi une très grande diversité de titres.
Cette plus grande facilité d’accès à moindre coût pose cependant un
problème de fond auquel l’organisation de marchés macro, comme celui
des trackers par exemple, doit répondre: le rapport entre la liquidité des marchés d’instruments macro et celle des marchés des titres individuels ou marchés micro. En effet, la prédominance de marchés macro en termes de facilité d’accès et de coût pourrait conduire à la désertification des marchés
micro. Or, si l’activité d’échange venait à migrer des marchés micro vers les
marchés macro, comment pourrait-on valoriser un portefeuille de titres si ces
mêmes titres ne font l’objet d’aucune transaction et que, par conséquent, les
prix des titres individuels n’assimilent plus aucune information micro!
Quelle place pour les marchés de titres individuels?
Dans une réflexion qui est finalement proche de celle de Grossman et
Stiglitz [1980] à propos du double paradoxe de l’efficience informationnelle,
Gammill et Perold faisaient la prédiction d’une certaine segmentation entre
marché macro et micro que l’on pourrait résumer de la façon suivante: la
négociation d’instruments macro suppose la recherche d’informations
macro; celles-ci étant communes à l’ensemble des titres individuels, elles participent à la corrélation des titres individuels avec les instruments macro dans
leur ensemble et la justifient. En revanche, la réciprocité ne tient pas puisque
certaines informations ne relèvent que des spécificités des titres individuels et
la déconnexion semble de plus en plus marquée si l’on en juge par les résultats de l’étude de Campbell, Lettau, Malkiel et Xu citée précédemment.
Aussi, une segmentation est possible sur la base des informations exploitées
par les spéculateurs intervenant sur l’un ou l’autre des marchés. En effet, si l’attrait des instruments macro l’emporte pour un grand nombre d’investisseurs, il
devrait subsister sur les marchés micro une activité d’échange vitale de par
l’incitation à agir sur la base d’informations spécifiques. Bien sûr, la viabilité de
l’activité sur les marchés micro ne peut dépendre des seuls spéculateurs infor-
142
més de ces signaux spécifiques comme nous l’a enseigné le paradoxe de l’efficience et les transactions nécessitent des motivations diverses pour être
concrétisées. Qui seront donc les adversaires de l’échange? Si la plupart des
investisseurs privilégient les instruments macro et que les spéculateurs informés
d’informations macro préfèrent également intervenir directement sur les
instruments macro, seuls des arbitragistes seront en mesure de prendre en
charge la corrélation entre les instruments macro et les titres individuels en se
basant sur des différences de valorisation au niveau des portefeuilles. Ce sont
donc ces arbitragistes macro qui ont la responsabilité d’intégrer l’information
macro dans les prix des titres individuels et ramener ainsi de l’activité sur les
marchés micro, ce qui permettra aux spéculateurs et arbitragistes micro de
contribuer à l’efficience des prix des titres individuels en répercutant les informations spécifiques qui les motivent.
On remarquera, à l’instar de Gammil et Perold, que le risque d’asymétrie d’information devient nécessairement plus important sur les marchés
micro que sur les marchés macro dans la mesure où l’on retrouve en plus
grandes proportions des investisseurs concernés par la gestion de leur exposition au risque ou des motifs non informationnels comme l’investissement de
sommes nouvelles, le réinvestissement de dividendes ou le désinvestissement.
En conséquence, les conditions de négociations, concrétisées par les fourchettes de prix, devraient être plus élevées sur les marchés micro que sur les
marchés macro. L’organisation de marchés macro doit donc encourager,
voire institutionnaliser compte tenu de l’enjeu, cette relation avec les marchés
micro afin d’entretenir ces derniers et assurer sa propre survie. Nous en verrons
une traduction concrète dans le cas des marchés des trackers au travers du
rôle joué par le marché primaire et les participants au fonds.
2. Une innovation financière majeure: Les trackers
Les trackers sont des fonds indiciels ayant en France un statut juridique
d’OPCVM (Organismes de Placements Collectifs en Valeurs Mobilières) négociables en continu. Ils sont émis et gérés par un prestataire de services d’investissement (le «gérant du fonds») qui réplique sur le marché au comptant la
composition de l’indice boursier pris en référence. Le capital du fonds est
ouvert, c’est-à-dire qu’il y a émission de parts (trackers) au fur et à mesure des
souscriptions; la valeur des actifs gérés, appelée valeur liquidative du fonds,
est diffusée chaque jour. Elle est égale à l’actif net du fonds divisé par le nombre de parts émises. L’actif net est calculé sur la base des cours de clôture ou
d’ouverture des titres composant le fonds.
Acheter des parts du fonds, ou des trackers, revient ainsi à devenir propriétaire des actifs gérés par le gestionnaire du fonds. Le tracker peut donner
droit aux dividendes qui ont été reçus sur les titres qui composent le fonds. Ils
sont, selon le cas, distribués ou réinvestis, et les frais de gestion du fonds sont
déduits de leur montant. L’achat de trackers garantit l’investisseur de la performance de l’indice puisque le fonds reproduit fidèlement l’indice.
Néanmoins, cette parfaite corrélation entre l’indice et le tracker soulève
quelques interrogations comme nous venons d’en discuter dans le cadre plus
général des instruments macro.
143
Cette deuxième partie commencera donc par la présentation de la
mécanique nécessaire à la coexistence et la corrélation entre le marché des
trackers et celui des titres individuels qui lui sont liés. Nous décrirons ensuite
l’implantation des marchés de trackers dans le monde en nous attachant particulièrement à la situation actuelle des marchés de la zone Euro- méditerranée. Le dernier point abordé envisagera la contribution des trackers pour
accompagner les marchés émergents dans leur développement.
2.1.
Le rôle fondamental joué par le marché primaire des trackers via les soucriptions/rachats en nature: l’exemple de
Nextrack
L’originalité du tracker par rapport à un portefeuille classique, qu’il relève de la gestion collective ou non, est sa négociabilité sur le marché.
Autrement dit, il existe une offre et une demande de trackers qui s’exprime
indépendamment des offres et demandes adressées sur le marché des titres
individuels que représente ce portefeuille puisque cet instrument macro
bénéficie de toutes les économies d’échelles évoquées dans la partie précédente. Or, ce portefeuille est également représentatif d’un indice dont la
valeur relève de l’agrégation des prix des titres individuels qui le composent et
ces prix résultent des offres et demandes de ce marché micro. On pourrait
ainsi penser que des écarts de cours entre le tracker et l’indice devraient se
produire, dans la mesure où les comportements des investisseurs et donc les
prix qui en découlent sont déconnectés. Des écarts sont bel et bien observables même s’ils restent relativement faibles et limités à ± 1,5%13, mais ils témoignent au-delà de ce pourcentage de l’existence d’opportunités d’arbitrage.
On aurait pu se contenter de laisser les intervenants libres d’identifier et
de profiter de ces opportunités d’arbitrage, mais l’enjeu de la survie des marchés micro et donc des marchés macro est tel qu’il a été décidé de systématiser et d’institutionnaliser ce mécanisme. C’est la fonction des participants du
fonds que d’assurer, outre la tenue du marché (en proposant en permanence une fourchette acheteur/vendeur) et le processus de souscription /rachat
selon l’offre et la demande nettes de trackers, les opérations d’arbitrage qui
permettent de maintenir un écart très faible entre les deux valeurs.
Ces arbitrages assurant la quasi parfaite corrélation entre le tracker et
l’indice vont pouvoir être facilement mis en œuvre par la dynamique du marché primaire des trackers et le travail conjoint des participants au fonds et du
gérant du fonds. Le graphique 2 révèle cette parfaite corrélation entre l’indice CAC40 et son tracker le Lyxor ETF CAC40 géré par Lyxor Asset Management (filiale de la Société générale):
13. L’origine des écarts acceptables provient de la politique de réinvestissement des dividendes des
titres constituant le fonds, des frais de gestion du gérant du fonds et, dans une moindre mesure,
d’une légère modification de la composition du fonds par rapport à l’indice.
144
Graphique 2
Historique du CAC 40 et de son tracker Lyxor ETF CAC 40 depuis janvier 01
Si en cours de séance un écart de cours de +/- 1,5 % est possible compte tenu du fonctionnement du marché, nous pouvons observer en revanche
sur moyenne période une parfaite synchronisation du CAC 40 et de son ETF
Lyxor CAC 40. L’investisseur sur trackers qui ne se livre pas au day trading mais
qui a un horizon de gestion de plusieurs jours, semaines ou mois, est ainsi
garanti de capturer la performance du CAC 40.
Les opportunités d’arbitrage sont saisies par le processus de souscription / rachat et le lien maintenu entre les marchés primaire et secondaire par
les participants au fonds tel que l’illustre le graphique 3.
Les trackers sont émis par le mécanisme de la souscription et du rachat.
Le capital du fonds étant ouvert, s’il se produit une demande nette de trackers, les participants vont demander au gérant du fonds d’émettre des trackers en contrepartie de la livraison des titres répliquant l’indice14. Il s’agit alors
d’une souscription en nature. En revanche, s’il se produit une offre nette de
trackers, le participant du fonds se tourne vers le gérant pour qu’il rachète les
trackers en contrepartie de la livraison des titres. Il s’agit alors du rachat en
nature. La livraison des titres, du participant au gérant ou inversement du
gérant au participant, s’accompagne d’un versement en espèces, appelé la
soulte, constituée entre autres, des dividendes accumulés et non distribués
par le fonds.
14. La souscription peut également se réaliser en numéraire. Les coûts de gestion sont alors plus élevés puisque le gérant du fonds est conduit à se procurer les titres sur le marché.
145
Graphique 3 - Les liens entre marchés primaire et secondaire
Marché primaire
Marché secondaire
Vendeur
Trackers
Tracker
Espèces
Participant au fonds
Émission de
trackers
Souscription en
nature
Rachat de
trackers
Gérant du fonds
Achat /
Vente
Euronext
NextTrack
Rachat en nature
Trackers
Tracker
Espèces
Acheteur
Les opérations de souscription ou de rachat s’effectuent pour une
quantité minimum de trackers appelée unité de souscription ou de rachat.
Cette unité est fixée par le gérant du fonds. Elle peut être un multiple de 10 000
ou 50 000 trackers.
Lorsque la valeur liquidative indicative s’écarte du tracker d’un pourcentage supérieur à 1,5%, les participants du fonds mettent en place un arbitrage dont le processus est celui de la souscription/rachat afin de rétablir le
déséquilibre momentané. Si par exemple le tracker est supérieur à la valeur
liquidative, le participant du fonds vend des trackers pour lesquels une émission est nécessaire, en contrepartie de titres qu’il se procure sur le marché au
comptant; les opérations étant ensuite dénouées pour capturer le différentiel
de cours. La pression de l’offre de trackers induit une chute du cours du tracker jusqu’à ce qu’il rejoigne la valeur liquidative indicative. Si inversement, la
valeur du tracker est inférieure à la valeur liquidative, le participant rachète
des trackers et, le portefeuille du gérant est réduit de leur montant, la demande de trackers par les participants créant une pression à la hausse sur le prix
du tracker.
C’est ainsi que les ajustements de prix sur les marchés macro sont répercutés sur les marchés des titres individuels inclus dans l’indice support et réciproquement. De cette façon, l’information macro motivant les offreurs ou
demandeurs de trackers affecte les titres individuels sans pour autant que les
mêmes offreurs et demandeurs interviennent également sur les titres individuels. Malheureusement, le mécanisme d’arbitrage est peu discriminant
quant aux motivations des investisseurs et ce même mécanisme peut tout
aussi bien répercuter des variations de prix liées à des chocs non informationnels comme les chocs de liquidité. C’est la raison pour laquelle il est important
que les participants au fonds jouent un rôle de teneurs de marché: en absorbant les chocs de liquidité, ils réduisent la transmission de bruit. Leur relation
privilégiée avec le gérant du tracker leur offre alors l’avantage de pouvoir
réagir prioritairement lorsque la nature du choc a été mal identifiée.
Il faut donc bien comprendre que l’offre de trackers, dont la décision
incombe aux seules autorités de marchés, est conditionnée par la gestion du
146
tracker, laquelle est étroitement liée au marché sur lequel cet instrument se
situe, non seulement en termes de taille et d’activité mais aussi d’organisation
des échanges. Il ne semble pas cependant que cela ait été un obstacle
majeur à son intégration dans les différents marchés mondiaux comme nous
allons le constater.
2.2.
L’offre de trackers dans le monde et la situation des marchés Euro méditerranéens
Pour présenter l’état des marchés de trackers dans le monde (on parle
alors plus généralement d’ETF ou Exchange Traded Funds) nous retiendrons les
trois zones internationales définies par la World Federation of Exchanges d’où
proviennent les données. Le tableau 2 ci-après reporte le nombre d’ETF négociés sur les marchés ainsi que leur volume de transaction.
Tableau 2 – Le marché des ETF dans le monde en juin 2005
Les marchés sont classés par zone géographique, par nombre d’ETF
puis par importance de l’activité sur les ETF.
Pour comparaison, sont également indiqués l’activité d’échange
sur les actions individuelles ainsi que la taille du marché
actions (capitalisation boursière).Source: World Federation of Exchange
Places financières
Nombre
d’ETF
ETF - Volume de
transaction
sur 6 mois
(en millions
USD)
Marché actions Volume de
transaction total sur
6 mois
(en millions USD)
Marché
actions Capitalisation
boursière
(en millions
USD)
CONTINENT AMERICAIN
209 ETF
American stock exchange (AMEX)
147
?
253 270,0
91 677,0
Mexican stock exchange
22
724,5
26 085,4
190 087,3
NYSE
19
10 027,5
6 864 616,3
12 865 336,5
TSX group (Toronto)
17
10 307,3
409 251,5
1 239 049,0
Lima SE
3
1,2
885,1
20 414,1
Sao paulo SE
1
42,4
74 405,9
358 952,6
EUROPE – AFRIQUE
253 ETF dont 120 pour les marches Euro-méditerranéens
Deutsche Börse
73
31 898,8
891 292,1
1 119 777,4
Euronext
64
11 869,1
1 403 902,9
2 285 874,8
Swiss Exchange
31
4 487,9
512 258,9
797 976,4
Tel Aviv SE
31
2 271,4
24 258,3
95 884,6
Borsa italiana
24
5 679,0
666 004,7
707 929,9
London SE
11
?
2 750 246,2
2 733 565,1
OMX Exchange
10
2 713,7
464 376,3
709 390,3
JSE South Africa
5
196,7
90 107,9
389 324,1
Oslo Bors
2
10,2
102 147,4
159 773,1
Istanbul SE
1
538,7
89 996,2
105 626,3
Irish SE
1
55,2
34 855,9
105 912,8
ASIE
57 ETF
Tokyo SE
13
7 582,2
1 683 843,8
3 393 645,5
Hong Kong Exchanges
9
993,0
218 232,2
895 297,9
Australian SE
9
548,2
327 055,5
721 138,1
New Zealand Exchange
6
31,0
10 008,4
41 208,1
Singapore Exchange
6
13,5
52 452,7
235 506,5
National Stock Exchange India
5
40,0
136 105,5
397 446,8
Korea Exchange
4
910,2
470 629,2
496 924,4
Osaka SE
3
3 894,9
102 420,0
2 195 654,2
Shanghai SE
1
2 204,2
106 104,0
271 735,7
Taiwan SE corp.
1
1 213,5
263 308,6
456 291,4
BSE, the SE Mumbai
1, disparu
0,7
67 138,4
425 716,6
en juin 05
147
On ne peut que constater, à la lecture du tableau 2, l’ampleur du phénomène ETF dans le monde et le poids de la zone Europe Afrique en particulier. L’offre sur les marchés Euro-méditerranéens représente pratiquement ¼
de l’offre mondiale en terme de nombre d’instruments. L’analyse de l’activité
ne peut malheureusement pas être menée à bien ici, du fait de l’absence de
données pour le principal acteur qu’est l’Amex; elle serait quoi qu’il en soit
relativement difficile à comparer tant l’évolution du nombre d’instruments listés est rapide et asynchrone entre les marchés.
Le London SE (octobre 2004), la Deutsche Börse (février 2005), et plus
récemment encore Euronext ont créé leur premier et seul ETF émergent sur la
Chine, l’offre européenne étant quasiment inexistante sur ce type d’indice.
Pour renforcer le rayonnement européen d’Euronext, malgré le rapprochement imminent avec le LSE, il serait aujourd’hui nécessaire d’emboîter le pas
dans ce processus d’innovation et d’accélérer les appels d’offre en vue d’offrir le plus rapidement possible une gamme élargie de Trackers émergents.
Le seul marché dans le monde à offrir un large panel de trackers émergents est l’Amex. Parmi les 147 ETF négociés sur l’Amex, une trentaine environ
portent sur des indices internationaux dont la moitié sont des indices boursiers
de marchés émergents. Les indices émergents servant de support sont par
exemple: FTSE Xinhua china 25, MSCI emerging markets, MSCI Brazil, MSCI
Hong Kong, MSCI Malaysia, MSCI Mexico, MSCI Pacific Ex-Japan, MSCI
Singapore, MSCI South Africa, MSCI Taiwan, S&P Latin America 40, Emerging
Markets VIPERs, Pacific VIPERs.
On remarquera à partir du tableau 2 qu’il n’apparaît pas de lien immédiat entre le nombre d’ETF et l’activité ou la taille du marché d’actions. Même
si les marchés à plus forte capitalisation sont tous présents sur ce type d’instruments, le critère n’est pas discriminant. Quel pourrait être le potentiel de développement de marchés d’ETF dans la zone Euro-méditerranéenne? Existe-t-il
des caractéristiques concernant le marché des actions qui conduiraient à
empêcher ou à gêner le développement de marchés d’ETF compte tenu de
l’expérience de ce type d’instrument au niveau mondial?
Bien que les ETF représentent l’instrument macro le plus récent, leur
apparition sur un marché n’est pas nécessairement précédée et conditionnée par l’existence d’instruments plus expérimentés comme les options et
contrats à terme sur indice: si Euronext, La Borsa Italiana et le Tel Aviv SE sont
dotés d’un marché dérivé, la Bourse d’Istanbul, elle, n’en possède pas mais a
pourtant inauguré son premier ETF en janvier 2005 avec un montant échangé
de 50,4 millions de dollars sur le mois (environ 0,3% du montant total échangé
sur l’ensemble du marché actions sur la même période; cette proportion a
doublé depuis en 6 mois). Pour les trois premiers cités, la dynamique de création est telle que depuis le début de l’année 2005, quatre nouveaux ETF ont
fait leur apparition sur la Borsa Italiana, 11 sur Euronext et 6 sur Tel Aviv SE.
148
Tableau 3- Caractéristiques des marchés Euro-méditerranéens
Les marchés sont classés en fonction de leur capitalisation boursière. Source: World
Federation Of Exchanges, Remarque: il manque les données concernant la Bourse de
Tunis.
Données
world
federation of
exchanges
Juin 2005
* Décembre
2004
Nombre de sociétés cotées
Capitalisation
(en millions
USD)
Montant échangés sur 6 mois (depuis 12
mois pour les marchés marqués par *)
(en millions USD)
Nombre
d’ETFs
listés
ETFsMontants
échangés
sur 6 mois
(en
millions
USD)
64
11 869,1
24
5 679,0
domestiques
étrangères
Fonds
d’investissement
2 285 874,8
1 380 964,6
22 938,2
-
-
920 479,5
798 521,8
14 149,3
0,0
9
278
707 929,9
625 035,2
40 789,9
179,7
310
2
312
120 045,9
28 915,9
212,4
232,7
Istanbul SE
298
0
298
105 626,3
89 996,2
0,0
0,0
1
5 38,7
Tel Aviv SE
-
-
586
95 884,6
24 258,3
0,0
0,0
31
2 271,4
Le Caire et
Alexandrie*
795
0
795
38 533,1
5 485,8
0,0
0,5
Casablanca*
53
0
53
25 064,3
4 354,8
0,0
0,0
Amman*
192
0
192
18 383,4
5 350,2
0,0
0,0
Zagreb*
166
0
166
10 958,6
465,0
0,0
0,0
Cyprius SE*
124
0
124
4 880,0
264,7
0,0
21,6
Belgrade *
403
0
403
3 259,9
437,8
0,0
0,0
Malte
13
0
13
2 856,3
51,7
0,0
0,0
Beirut*
11
11
0
2 206,3
188,2
0,0
8,8
Palestine
SE*
24
0
24
1 095,8
200,4
0,0
0,0
domestiques
Etrangères
total
Euronext
980
313
1293
Espagne
-
-
Borsa
italiana
269
Athens SE
Il apparaît clairement dans le tableau 3 que, comparativement à la
seule zone Europe (voir Tableau 2) et en se référant aux critères de la capitalisation boursière et des montants échangés, l’Espagne et la Grèce montrent
une lacune dans l’offre d’ETF. On notera cependant que les marchés espagnols ont élargi leur gamme d’indices boursiers pour inciter, entre autres, à la
création d’ETF. L’existence ou non d’un compartiment de valeurs étrangères,
supposant éventuellement que des investisseurs non résidents aient l’habitude
de suivre les valeurs qui y sont cotées et donc seraient sensibilisés au potentiel
du marché, ne semble pas non plus un critère discriminant pour la création de
trackers, comme l’illustrent les bourses d’Istanbul et de Tel Aviv. Pour les autres
marchés Euro-méditerranéens, le critère de la capitalisation boursière ne
149
devrait pas représenter une contrainte : si le plus petit des marchés de la zone
Europe-Afrique proposant des ETF reste le Tel Aviv SE, le minimum est dépassé
dans la zone Asie avec le New Zealand Exchange (41 210,1 millions USD) et
avec le Lima SE (20 414,1 millions USD) sur le continent américain. Autrement
dit, du point de vue de la capitalisation boursière, l’Egypte et le Maroc disposent de marchés d’actions dont la taille serait suffisante. On notera alors que
le Amman SE n’est pas forcément très loin de ce seuil. Du point de vue du
niveau d’activité sur le marché actions, si l’on garde en référence celles de
New Zealand Exchange et plus particulièrement celle de Lima SE qui restent
les plus faibles de leur zone, les marchés Egyptien, Marocain et Jordanien
montrent encore un niveau d’activité suffisant15. Selon les données de la World
Federation of Exchange à fin juin 2005, le Lima SE liste 222 sociétés dont 32
étrangères et le New Zealand Exchange liste 197 sociétés dont 38 étrangères.
Ces deux références sont à nouveau parmi les plus petits marchés de leur
zone (à l’exception, pour le continent américain, de Bermuda SE, Buenos Aires
SE et Colombia SE). Or, cette fois, seul le marché égyptien propose un nombre supérieur de sociétés cotées, bien que le marché jordanien ne soit pas très
éloigné.
Ainsi, on peut s’attendre à ce que l’Espagne, la Grèce et éventuellement l’Egypte, voire la Jordanie, contribuent à leur tour à l’offre d’ETF dans la
Zone Euro-Méditerranée du fait de leurs caractéristiques actuelles et comparativement aux expériences observées dans d’autres zones du monde. Les
autres pays ne devraient pas pour autant ignorer le potentiel des ETF en attendant de faire évoluer leur nombre de sociétés listées, leur activité d’échange
ou leur capitalisation boursière.
2.3.
La contribution des trackers au développement des marchés émergents et les contraintes pour le gérant du fonds
Dans le processus de globalisation actuel des économies, les marchés
financiers sont devenus incontournables puisqu’ils apparaissent comme l’élément moteur de l’industrialisation et de la croissance économique. On peut
affirmer que les mesures qui favorisent l’épargne et donc l’investissement sur
les marchés ont un rôle majeur dans l’accroissement de l’expansion16. Ainsi, le
taux de croissance économique dépend de la capacité des pays à mobiliser
non seulement l’épargne locale mais aussi l’épargne extérieure pour accroître le stock de capital. Les critères essentiels qui font obstacle à la mobilisation
de l’épargne et donc à la croissance des marchés émergents sont la volatilité, la réglementation liée au mouvement des capitaux, l’organisation relative
au mode de règlement / livraison des titres, la carence en information et la
liquidité17.
15.
16.
17.
18.
Il est à noter que les données concernant ces trois marchés sont annuelles alors que celles
concernant New Zealand Exchange et lima SE sont semestrielles.
Voir, entre autres, Venet (1994), Arestis & Demetriades (1977) et Singh (1997).
Critères mentionnés par l’IFC (International Finance Corporation). Global Emerging Markets
Conference and Exhibition, organisée par International Federation Stock Exchange. April 1997.
Nous éviterons la polémique qui consiste à rendre responsables les investisseurs internationaux
150
Un des objectifs, comme nous l’avons déjà souligné, est de rendre
attractifs ces marchés émergents auprès des investisseurs internationaux afin
de drainer les capitaux qui leur font tant défaut18. Le passage obligatoire est
donc naturellement l’augmentation de la liquidité. S’il est clair que les autorités locales sont les seules à pouvoir agir sur les conditions macro économiques
et la structure des marchés favorisant la participation des intervenants19, les
autorités des marchés développés peuvent également apporter leur contribution en proposant à leurs investisseurs des trackers.
En effet, les trackers, de par l’intervention des participants du fonds sur
les titres composant les indices boursiers peuvent de fait améliorer la liquidité.
Il est clair néanmoins, au regard du fonctionnement du marché primaire, que
l’offre et la demande de trackers peuvent éventuellement impacter la valeur
des indices boursiers émergents selon les volumes échangés et donc augmenter leur volatilité.
La globalisation des marchés qui s’est accéléré ces dernières années a
conduit la plupart des économies émergentes à un fort niveau de croissance
et à un niveau d’organisation des marchés sur un plan technologique comparable aux marchés développés. Alors qu’historiquement l’attrait des marchés émergents se situait au niveau d’une faible corrélation, certains auteurs
ont montré une augmentation de cette variable dans le temps, réduisant
alors l’impact favorable sur le risque d’un portefeuille diversifié20. Malgré l’intégration des économies et des marchés, il apparaît à la lumière de certains travaux que la diversification internationale peut tout de même s’envisager, mais
une attention particulière doit être apportée par l’investisseur au choix du ou
des marchés émergents21.
La richesse des ETF en tant qu’instrument macro est déjà de pouvoir
jouer un rôle dans le financement d’une économie aussi bien en étant créée
et gérée localement qu’en étant créée en dehors des frontières et gérée en
collaboration avec le marché local. Son autre richesse est de pouvoir également pallier les problèmes de taille, de liquidité et de volatilité des marchés
émergents par une diversification cross-nationale mise en œuvre à l’extérieur
des frontières des pays concernés.
Création sur un marché domestique ou étranger d’un ETF dédié: Nous
appelons ETF dédié un fonds dont l’indice ne relève que d’un seul marché. La
création d’ETF par le marché élargit la gamme d’instruments d’épargne proposés aux investisseurs. Elle facilite l’accès au marché d’investisseurs néophytes et simplifie la gestion passive de portefeuilles tout en permettant, par leur
négociabilité, la mise en œuvre de stratégies de gestion dynamique et spé-
19.
20.
21.
de l’instabilité des marchés par le retrait des capitaux opéré lors des récentes crises financières en Thaïlande (97) Russie (98), Argentine (98), Brésil (99)…
Comme mener une politique de déréglementation financière et d’assainissement budgétaire,
accélérer le processus de privatisation qui seul alimente le marché, organiser les échanges
pour faciliter l’accès…Concernant le dernier aspect, voir Givry P. et Jeannicot K. [1998] (a).
La baisse significative de la corrélation entre les marchés émergents et développés a été
notamment étudiée par Groslambert [1998], Amato et Tsatsaronis [2001], Ceretta P., Da Costa
N., Da silva S & Nunes S. [2005].
Voir à ce sujet, Harvey C. [2000], Li K., Sarkar A. & Wang [2003] et Gupta R. [(2005].
151
culative ou encore un apprentissage des marchés simplifié à la gestion d’informations macro-économiques ou sectorielles.
Pour un marché émergent seul, c’est par conséquent la possibilité d’attirer les capitaux des non-résidents en leur proposant un véhicule d’investissement moins risqué et moins coûteux que les traditionnels investissements
directs en titres individuels: comme nous l’évoquions dans la première partie,
l’investisseur non résident peut ainsi se concentrer sur l’information macro, plus
accessible, affectant la valeur du portefeuille; la moindre complexité de cet
ensemble d’informations et sa plus grande transparence réduisent non seulement la fréquence des ajustements de portefeuille (donc les coûts de transactions) mais aussi l’exposition aux risques d’asymétrie d’information (donc les
coûts de collecte et de traitement de l’information). L’initiative et la profitabilité de la recherche d’informations micro sont laissées aux investisseurs domestiques qui disposent très certainement d’un avantage culturel et informationnel dans l’analyse des firmes individuelles.
Les ETF créés dans ce contexte doivent être considérés comme des
présentations et des accès simplifiés aux opportunités d’investissement présentes dans le pays. Cet aspect «marketing» joue dans le sens d’un noyau gravitationnel pour attirer les capitaux non résidents (on ne voit facilement que
ce qui est visible facilement).
Cela suppose:
-
La possibilité de pouvoir créer des indices suffisamment larges pour
respecter les contraintes de diversification et donc de disposer non
seulement d’un nombre suffisant de sociétés cotées mais aussi
d’une diversité de caractéristiques pour ces titres.
- De disposer d’une capitalisation boursière permettant l’accès à un
ou plusieurs fonds d’investissements collectifs.
La question du contrôle et de la protection du capital des sociétés
incluses dans l’indice servant de support à l’ETF dépend de la nationalité du
fonds et non du lieu de négociation du fonds. Comme toute société émettrice de titres, un fonds domestique peut émettre des parts négociables sur un
marché étranger22 et conserver ainsi localement les titres individuels.
Lorsqu’un ETF dédié est émis par un marché étranger, la situation est
celle d’une offre concurrentielle. Que cet ETF existe déjà au niveau domestique ou non ne devrait pas en modifier les conséquences. Comme cela a été
brièvement discuté en première partie, la concurrence entre deux marchés
autour d’un même instrument aboutit à une meilleure qualité des conditions
d’échange du fait de la compétition pour conserver le flux d’ordres et de la
segmentation qui peut s’opérer entre les marchés. En revanche, comparativement à l’expérience des ADR sur les titres mexicains, le mécanisme des ETF
offre l’avantage de répercuter une partie de l’activité d’échange sur le marché domestique des titres individuels lorsque des déséquilibres le nécessitent.
22.
Seule se pose la question de l’harmonisation et de la compatibilité des réglementations entre
le pays domestique et celles des pays ou marchés où seraient émis les titres.
152
Le facteur clé est alors la liquidité du marché concurrent puisque c’est une
partie de cette liquidité qui va être importée sur le marché domestique et
bénéficier à l’ensemble des acteurs locaux. Il importe donc peu que la négociabilité de l’ETF soit prise en charge par un marché étranger pour des raisons
de proximité avec les investisseurs. La création sur un marché développé
étranger d’un ETF dédié à l’indice d’un pays émergent agit comme le déplacement des frontières du pays émergent jusqu’au domicile des investisseurs
non résidents: en investissant dans un ETF émergent au sein de leur propre
structure de marché, ils permettent aussi au gérant du fonds de rapatrier des
capitaux sur le marché émergent et de participer ainsi au financement de l’économie.
L’une ou l’autre des solutions pourraient très bien convenir aux marchés
Euro-méditerranéens mis en exergue précédemment pour des contraintes de
taille et d’activité comme l’Espagne, la Grèce, l’Egypte et éventuellement la
Jordanie. Les autres pays Euro-méditerranéens auraient cependant avantage
à bénéficier de la mise en place, sur un marché développé, d’un ou plusieurs
ETF émergents cross-nationaux.
Création d’un ETF émergent diversifié: La principale faiblesse des marchés émergents est leur étroitesse et en particulier la faiblesse du nombre de
sociétés listées. Cette faiblesse représente en effet une restriction du choix
dont les conséquences peuvent se traduire par un plus faible niveau d’information: c’est la difficulté de choisir entre des investissements comparables qui
incite à rechercher plus d’informations et à affiner les indicateurs de décision;
sans difficulté de choix, autant d’efforts ne sont pas nécessaires. Si les processus de libéralisation doivent se poursuivre pour amener plus de sociétés sur les
marchés, les ETF diversifiés constituent une solution pour accompagner ce
développement; par la confrontation d’un plus grand nombre d’opportunités
d’investissement, ils représentent un mécanisme d’incitations.
Nous appelons ainsi un fonds dont l’indice support relèverait d’un
ensemble de titres individuels provenant de marchés différents. L’idée est que
si le nombre de sociétés listées est trop faible, comme dans le cas du Liban,
Malte, du Maroc ou de Chypre par exemple et la diversité plutôt limitée, les
caractéristiques d’un portefeuille global pourraient suffire à autoriser la création d’un ETF. Celui-ci pourrait être émis sur un marché développé comme
Euronext et ouvrir ainsi l’accès de ces marchés aux capitaux étrangers avec
les avantages déjà cités. Le gérant du fonds agirait alors comme un collecteur de ressources pour l’ensemble des marchés concernés et aurait la
responsabilité de leur allocation. Afin d’éviter toute situation de monopole, il
faudrait étudier les possibilités de multiplier les fonds (et leurs gérants) qui
conserveraient ainsi une taille restreinte.
Comme nous l’avons précédemment évoqué, les critères qui font obstacle à la croissance des marchés boursiers et qui freinent les investisseurs
étrangers sont, outre la volatilité à laquelle sont associés le risque politique et
monétaire, la réglementation liée au mouvement des capitaux, l’organisation
relative au mode de règlement / livraison, la carence en information et l’organisation de la liquidité. Ces différentes contraintes sont naturellement à
prendre en considération par l’émetteur de l’ETF dans le choix des pays cibles
153
dans la mesure où les participants du fonds sont investis sur des marchés émergents. Reprenons plus largement les différents critères:
-
la réglementation: l’investisseur non résident est nécessairement préoccupé par la fiscalité du pays émergent ainsi que par les règles relatives
au contrôle des changes qui affectent sa capacité à rapatrier ses capitaux et ses revenus. De manière générale, les pays émergents se sont
extrêmement développés; ils offrent aujourd’hui un environnement de
marché très proche des normes internationales.
-
le système de règlement / livraison: le système de compensation est un
des éléments indispensables à l’organisation d’un marché puisqu’il
remplit une fonction de sécurité et d’efficacité des marchés. Ce système doit être pris en charge par des institutions qui garantissent l’exécution de bonne fin des transactions, à savoir la livraison et le paiement
des titres qui doivent intervenir simultanément afin d’offrir la plus grande sécurité des acheteurs et des vendeurs. La plupart des marchés
émergents sont dotés des nouvelles technologies financières. Certains
ont développé des partenariats avec Euronext, comme l’Egypte, la
Jordanie, le Maroc et la Tunisie. Il existe par ailleurs des dépositaires
internationaux (Morgan Stanley, Citibank, Bankers Trust…) mandatés
par les investisseurs non résidents pour faire de la conservation délocalisée de titres. Plusieurs organismes fournissent également un service de
conseil et d’assistance aux marchés émergents, comme l’IFC, l’IOSCO
(International Organisation of Securities Commissions), l’U.S SEC (U.S
Securities and Exchange Commission).
-
l’information: toute intervention sur un marché boursier nécessite une
bonne connaissance non seulement des facteurs macro-économiques
du pays mais, aussi des informations financières rigoureuses sur les perspectives de développement des entreprises. La publication de données financières doit se faire de façon autoritaire et réglementaire afin
qu’elle soit la plus transparente et homogène possible. Rappelons
encore une fois que les ETF offrent la possibilité de segmenter cette
connaissance entre plusieurs acteurs.
-
la liquidité peut être améliorée par l’organisation des échanges. La
liquidité plus précisément comprend trois dimensions: la largeur du marché qui fait référence au nombre de participants, la profondeur du
marché définit le volume de titres proposés à chaque niveau de prix, et
la résilience du marché représente sa capacité à absorber les chocs
de liquidité afin de maintenir la largeur et la profondeur.
Enfin, la littérature sur la microstructure des marchés a permis de révéler l’efficacité d’un marché centralisé et électronique dans l’amélioration de
la liquidité23 et l’on retiendra de l’expérience de l’Amex que les marchés
émergents choisis comme support d’ETF sont tous électroniques (Mexican
Exchange, Sao paulo SE, JSE South Africa, Bursia Malaysia, Shanghai SE,
Taiwan SE Corp).
23.
Voir à ce sujet les travaux de Mendelson et Peake (1993), Glosten (1994), Givry et Jeannicot
(1998) (b).
154
Conclusion
Il apparaît que les trackers représentent une innovation financière
majeure dont le processus d’apprentissage relativement récent, mené tant
par certains marchés développés que par certains marchés émergents, a été
fulgurant; mais de nombreuses disparités existent. Nous avons pu montrer les
avantages que procurent ces supports d’investissements, à la fois pour les
intervenants comme pour les marchés eux-mêmes. Ils participent à la complétude du marché en améliorant l’efficience et la liquidité.
La zone Euro-méditérrannée montre un fort dynamisme dans l’offre de
trackers avec Euronext, l’Italie, la Turquie et Israël. Si l’on attend encore l’offre
des marchés Espagnol et grec, l’Egypte et la Jordanie pourraient également
se porter candidates. Pour les autres marchés, les problèmes de listing, d’activité ou de capitalisation pourraient être palliés par l’expérimentation d’ETF
diversifiés qui favoriserait l’importation de la liquidité d’un marché développé,
comme Euronext par exemple.
155
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