Rapport de mission n°1

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Rapport de mission n°1
Marie
Médecin à Conakry –Guinée Conakry
Adresse :
Date : Novembre 2015
91 boulevard Auguste Blanqui
75013 Paris - France
Tél.: +33 (0)1 58 10 74 80
Courriel : [email protected]
www.fidesco.fr
Rapport de mission n°1
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Bonjour à tous
Tana mou na ? Comment allez-vous ?
C’est avec joie que je vous retrouve pour ce premier rapport de mission.
Je suis arrivée il y a maintenant un mois en Guinée et je découvre donc petit à petit ma
mission ici à Conakry.
I.
Introduction
La Guinée
La Guinée Conakry (pour la différencier de la
Guinée Bissau, la Papouasie Nouvelle Guinée ou la
Guinée Equatoriale...) est un pays d’Afrique de
l’Ouest qui fait la moitié de la superficie de la
France pour environ 12 millions d’habitants. Elle
possède d’importantes ressources minières (2/3 des
ressources mondiales de bauxite par exemple, en
plus de diamant, d’or etc.), malheureusement ces
ressources n’ont jusqu’à maintenant pas permis au
pays de se développer correctement et la Guinée
reste un des pays les plus pauvres au monde (178
sur 187 en terme d’IDH) : 25% d’alphabétisation,
440€/habitant
de
PIB,
une
corruption
omniprésente... le tableau n’est clairement pas rose, et Ebola n’arrange rien. L’épidémie est
présente dans le pays depuis décembre 2013 et n’a pour l’instant toujours pas pu être
contrôlée avec encore 9 nouveaux cas en octobre (principalement dans la région de Forécariah
et dans le quartier Ratoma de Conakry).
La Guinée a eu son moment de gloire en 1958 quand son dirigeant de l’époque, Sékou Touré,
a été le seul à dire NON au général de Gaulle qui proposait aux colonies une union-partenariat
plutôt que l’indépendance. Ce NON, qui fait encore aujourd’hui la fierté de tous les guinéens,
a entraîné l’indépendance rapide du pays, mais a aussi profondément vexé notre cher Général
qui aurait dit « S’ils veulent l’indépendance, qu’ils la prennent, mais ils n’auront plus un franc
! ». Cette brusque rupture a coupé la plupart des liens économiques du pays avec l’extérieur,
ce qui a durablement pénalisé son développement. Depuis, la Guinée a été sous régime
autoritaire jusqu’aux élections de 2010 qui ont vu Alpha Condé, le président actuel, accéder
au pouvoir. De nouvelles élections ont eu lieu le 11 octobre et le 2 novembre, l’annonce de la
réélection d’Alpha Condé dès le premier tour a été faite.
L’arrivée
Je suis donc arrivée le 10 octobre à l’aéroport Gbessia de Conakry où m’attendais toute
l’équipe Fidesco de Guinée : Charles et Bérengère de Presmenil qui sont déjà là depuis 1 an ;
Thomas et Kerlijn Vermeire qui finissent bientôt leur mission ; René Vauléon arrivé il y a 2
mois ; ainsi que Philippine Coudert et Clara Boffetti qui seront mes colocataires.
Je suis arrivée un samedi, la veille des élections présidentielles de Guinée. La ville était un
peu tendue, tout le monde craignant des débordements. Le dimanche a cependant été calme
(et silencieux! car il y avait une interdiction de circuler en voiture dans toute la ville).
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La maison
Avec Philippine et Clara, nous partageons un appartement au rez-de-chaussée d’une maison
dans un quartier résidentiel de la périphérie de Conakry. Le quartier est donc calme, rythmé
par le chant des muezzins des mosquées environnantes et par les cris des enfants jouant dans
la rue. Différentes petites échoppes jonchent les bords des rues nous permettant de faire
quelques courses si besoin.
Notre appartement comporte quatre chambres, une
cuisine et un salon. Il s’ouvre sur une terrasse donnant
sur la cour intérieure de la concession. Celle-ci est
composé de notre appartement, d’une chambre seule
occupée par René pour l’instant, ainsi que d’un
second appartement actuellement occupé par les
Vermeire jusqu’à leur départ. Nous avons aussi la
chance d’avoir une chapelle avec la présence réelle.
Les autres coopérants Fidesco
Permettez-moi de vous présenter mes colocataires :
- Clara, avec qui j’ai fait la formation
Fidesco cette année, qui est arrivée miseptembre à Conakry. Elle sera la responsable
gestionnaire de la Pharmacie au dispensaire
Saint Gabriel ;
- et Philippine qui a rejoint la Guinée miaoût après une première année de mission au
Togo. Elle est infirmière et vient renforcer
l’équipe du dispensaire à la salle de soins et à
la CPN (Consultation Pré-Natale, c’est à dire
pour le suivi des femmes enceintes)
L’équipe Fidesco est aussi composée de René, arrivé fin-août pour reprendre la direction du
dispensaire ; de Bérengère de Presmenil, dentiste de formation, qui est responsable de
l’hygiène et de la nutrition au dispensaire ainsi que d’un projet dentaire en cours
d’élaboration ; elle est accompagnée par son mari, Charles, qui travaille à l’UCAO
(Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest) et aide le comptable au dispensaire.
Enfin, Kerlijn et Thomas Vermeire
finissaient leur mission, elle comme
gestionnaire de la Pharmacie (elle passe
donc le relai à Clara) et lui comme
animateur pastoral à l’école Sainte Marie
dans le centre de Conakry. Nous avons
partagés avec eux mes premiers instants en
Guinée et j’ai pu profiter de leur
connaissance du pays pour découvrir un peu
les guinéens et différents lieux autour de
Conakry. Ils sont rentrés en Belgique le 12
novembre.
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II.
Ma Mission
Le dispensaire Saint Gabriel
Le dispensaire a été créé après le décès de Sékou Touré, à un moment où le gouvernement
guinéen a rétabli l’Eglise catholique et lui a demandé de prendre en charge certaines œuvres.
L’Archevêque de l’époque, Monseigneur Sarah, a alors demandé à Fidesco de l’aider à créer
et à gérer ce dispensaire qui a ouvert en 1987. Encore aujourd’hui c’est l’Archevêque de
Conakry, Monseigneur Vincent Coulibaly, qui est notre patron.
Saint Gabriel est un acteur essentiel de la santé publique guinéenne. Nous sommes en effet le
plus grand centre de santé primaire du pays. Et je me suis très vite rendu compte de l’aura
qu’a le dispensaire dans la région : beaucoup connaissent le dispensaire de nom, eux ou
quelqu’un de leur famille s’y est déjà fait traiter et les gens viennent de loin pour s’y faire
soigner. Dès sa création le dispensaire a eu pour objectif de soigner les plus pauvres et les
plus fragiles à des tarifs les plus bas possibles. Ainsi 60% de nos patients sont des enfants,
20% des femmes enceintes, et les 20% restants correspondent aux adultes. Les tarifs sont
forfaitaires et restent très accessibles : 9 000 francs guinéens (moins d’un euro) tout compris
pour un enfant (consultations, examens de laboratoires et médicaments). Ne pas avoir des
soins gratuits permet au dispensaire d’être autosuffisant sur son exploitation mais aussi de
sensibiliser les guinéens sur le fait que la santé a un coût (chose qu’on oublie trop souvent en
France).
Comme aime le dire le docteur Cécile, l’actuelle chef de service du dispensaire, les quatre
piliers du dispensaire sont : l’honnêteté, l’accueil (tous sont soignés au même titre, quelque
soient leur ethnie ou leur religion), le dynamisme et la qualité des soins. Le système
forfaitaire et la qualité des médicaments sont des éléments très rassurants dans un pays où la
corruption est partout et les médicaments très souvent contrefaits. De plus, sur le plan
médical, le dispensaire applique les recommandations de l’OMS ainsi que les directives
nationales, et nous essayons de nous intégrer au maximum dans le système de santé guinéen
tout en conservant nos spécificités.
Le travail commence à 8h30 le matin, après une louange
proposée à tout le personnel pour ceux qui le souhaitent.
Les patients sont déjà là depuis plusieurs heures et sont
rentrés dans le dispensaire en fonction du numéro
d’arrivée. Depuis le début de l’épidémie d’Ebola, une
zone de tri a été mise en place à l’entrée avec lavage des
mains, prise de la température et questionnaire. Cela
permet d’isoler rapidement tout cas suspect d’Ebola mais
aussi de détecter les urgences nécessitant une prise en charge plus rapide.
Par la suite, tous les patients passent à la caisse payer le ticket qui est forfaitaire selon le
service demandé et qui sera valable pour tous les soins et traitement. Chacun a un carnet de
santé et se présente à l’accueil. Quatre services sont alors possible : les consultations adultes,
les consultations enfants, les consultations prénatales (CPN pour le suivi des femmes
enceintes) et la salle de soins (pour les plaies). Deux services sont gratuits : la vaccination
pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes (en raison du nombre de vaccin
limité, les autres sont envoyés vers l’hôpital public de Matoto pour se faire vacciner) ; et la
nutrition où sont dirigés tous les enfants de moins de 5 ans. Enfin, la maternité est un service à
part du dispensaire et reçoit 24h/24h toutes les femmes en travail.
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Pour vous donner un exemple, voici le parcours d’un enfant de 3 ans qui vient au dispensaire
accompagné de sa maman :
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La maman arrive vers 5h du matin pour récupérer un numéro en fonction de son rang
d’arrivée. A l’appel de son numéro, elle rentre dans le dispensaire en passant par la
zone de tri : si l’enfant a de la fièvre sans signe d’épidémie Ebola, il sera mis en
observation et pris en charge par les consultants dès leur arrivée ; sinon ils vont dans la
cour principale du dispensaire.
La maman se dirige alors vers la caisse où elle paye le ticket forfaitaire en échange de
son numéro, ainsi qu’un carnet de santé si elle n’en a pas.
A l’appel de son numéro elle rentre à l’accueil enfant où l’enfant sera pesé et mesuré,
le rapport poids/taille est ensuite évalué afin de détecter une éventuelle malnutrition.
Ensuite, elle attend dans la salle d’attente l’appel de son nom par les consultants. Lors
de la consultation, la température est reprise, les plaintes sont notées dans le carnet de
santé et l’examen clinique est effectué. Si un TDR (test de dépistage rapide pour le
paludisme) est nécessaire, l’enfant se dirige vers la zone dédiée puis revient voir le
consultant avec les résultats (15 à 30min).
Le traitement prescrit, l’enfant se dirige vers le service de nutrition. S’il présente une
malnutrition modérée ou sévère, une prise en charge adaptée est proposée avec un
suivi régulier de l’évolution. Sinon, il est juste enregistré.
En dernier lieu, il se présente donc à la pharmacie pour recevoir le traitement et les
indications de prise et peut ensuite rentrer chez lui.
Certains ont un rendez-vous quelques jours plus tard pour vérifier l’évolution ou pour avoir
des examens complémentaires. Si l’enfant revient pour le même motif dans les 7j suivant la
consultation, il n’a pas besoin de repayer de ticket.
Pour le personnel du dispensaire, la
journée se termine vers 15h par la table de
médicaments : lieu où les médicaments
sont coupés pour les différents dosages et
répartis dans des sachets ou des cornets
avant d’être stockés à la pharmacie puis
donnés au patient.
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Médecin au dispensaire
Je suis donc médecin au dispensaire. Lors de mon arrivée, j’ai d’abord commencé par faire le
tour des différents services et des différents postes pendant 15 jours. Cela m’a permis de me
familiariser avec le fonctionnement du dispensaire et de faire connaissance avec les différents
membres du personnel.
J’ai ensuite enfin commencé les consultations sous la supervision du Dr Cécile, l’actuelle chef
de service du dispensaire en poste depuis
maintenant 5 ans. Se familiariser avec le protocole,
comprendre et se faire comprendre du patient (très
peu parlent français, la majorité parlent soussou ou
poulard), trouver son rythme : la place est exiguë
(nous sommes 4 consultants dans une salle de 10m2
environ) et les enfants défilent sans interruption
dans la salle de consultation (environ 300 enfants
par jour pour 8 consultants sans compter les avis
pour les adultes et la maternité). Je prends petit à
petit ma place dans la mécanique bien huilée de ce
dispensaire.
Quelques mots de vocabulaire soussou (NB : j prononcé r alors que le r est roulé ici)
Ijeledi ? comment t’apelles-tu ?
Minedi maya lanji ? où as-tu mal ?
Formation du personnel
Une partie de ma mission consiste aussi à superviser la formation des consultants et des
stagiaires qui travaillent au dispensaire afin que les soins que nous prodiguons ici restent de
qualité et suivent les recommandations actuelles.
Actuellement, la formation est gérée par le Dr Cécile et durant mon premier mois de mission,
j’ai donc assisté à une formation sur le Paludisme et sur le nouveau programme de
vaccination contre la poliomyélite. Il y a beaucoup de choses à faire et plein de projets. Mais
avant de me lancer, il faut d’abord comprendre comment fonctionne la formation ici. Je vous
parlerai donc probablement dans mes prochains rapports de cette partie de ma mission.
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III.
Partie spirituelle et humaine
Vie de prière
Quelle joie de voir tous les chrétiens réunis le matin dans ma chapelle du dispensaire pour
louer le Seigneur. Tout le personnel du dispensaire est le bienvenu. Et la journée commence
en musique au rythme du djembé et des maracas. Joie dans le ciel et paix sur la terre !
Invocation de l’Esprit Saint et écoute de la parole de Dieu. « Vous êtes le ciel de la terre et la
lumière du monde » !
Puis le soir, après une journée bien remplie, nous nous retrouvons dans la chapelle de la
maison avec Clara et Philippine pour dire les complies au pied du Seigneur. Nous avons établi
ce moment de prière ensemble dès mon arrivée et cela fait du bien de se retrouver toutes les
trois au calme pour prier.
Communauté de l’Emmanuel en Guinée
La communauté de l’Emmanuel a été créée par Pierre Goursat en France dans les années
1970. Il s’agit d’une communauté chrétienne charismatique qui réunit différents états de vie
(laïcs, prêtres, consacrés) pour une vie communautaire et fraternelle autour principalement de
maisonnées une fois par semaine et d’un week-end communautaire une fois par mois. Elle est
présente dans de nombreux pays du monde, la deuxième plus grosse communauté après la
France étant le Rwanda. Je suis entrée pour ma part dans la communauté de l'Emmanuel en
2012 à Angers.
Ici à Conakry, il existe une petite communauté de l’Emmanuel, toute jeune, d’environ une
vingtaine de personne. J’ai donc rejoint avec joie la communauté guinéenne et une maisonnée
locale. Font partie de ma maisonnée cette année : Patrick et Esther, Moïse, Christelle,
Charlotte, et Clara qui nous a rejoints! Je les confie tous à vos prières.
Partage avec les guinéens
Durant ce premier mois, j’ai fait beaucoup de
rencontres. Les enfants ont un grand sourire quand
ils nous voient dans la rue en rentrant du
dispensaire, et ils nous saluent de la main en criant
« Foté » (blanc). Nous avons aussi été invité chez
certains, soit en passant, pour prendre le thé chez
Félix, soit lors de grandes occasions comme pour un
baptême chez Rose. Les guinéens sont vraiment
accueillants et généreux ! Toutes ces rencontres
vont continuer et je vous en parlerai probablement
plus amplement lors d’un prochain rapport.
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IV.
Conclusion
En ce moment, à travers le monde, 150 volontaires Fidesco travaillent au développement des
populations défavorisées. Pour mener tous ces projets, former les volontaires avant leur
départ, assurer le coût de leur mission (billets d’avion, assurances, mutuelles,…), Fidesco
s’appuie à 80% sur la générosité de donateurs.
Fidesco a besoin de votre
aide pour que toutes ces
missions perdurent !
Je vous propose donc de partager ma mission en me parrainant ! Vous recevrez mon rapport
de mission tous les trois mois, j’y partagerai avec vous mon quotidien et l’avancée de mes
projets.
De nouveau, un grand MERCI pour votre soutien, et pour mes parrains : rendez-vous dans
3 mois pour notre prochain rapport !
Petit mot de la fin
Au moment où je finis ce rapport, j’apprends avec tristesse et effarement les attentats de Paris.
Mes pensées et mes prières accompagnent toutes les victimes et leurs familles.
Jésus, prince de la paix, prend pitié de nous !
Notre Dame de la paix, priez pour nous !
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