À gorge déployée ! (Billet doux)

Transcription

À gorge déployée ! (Billet doux)
À gorge déployée ! (Billet doux)
Sandrine Ray, auteure et réalisatrice, vice-présidente
Nous, les réalisatrices, avons beaucoup ri
Pourtant, je suis un créateur et non pas une « créature » !
C’est vrai que lorsque je tourne un plan sur un plateau, je
me demande d’abord si cela plaît à ma chatte.
Personnellement, je ne me suis jamais sentie
« réalisatrice », je suis un réalisateur comme un autre.
Aujourd’hui, je ne me dis pas : « Je vais faire un plan de
filles. » Ça n’a aucun sens !
d’apprendre que notre sexe nous empêchait d’être
technicienne,
Nous avons beaucoup ri de comprendre que vos
croyances nous contestaient le pouvoir d’être créatives,
C’est vrai que lorsque j’écris une histoire je pense à la
couleur de mon vernis à ongles.
Nous avons beaucoup ri d'apprendre que seuls les
hommes ont le droit d’être « auteur-réalisateur »
(parfois même en cumulant « producteur »), mais que
NOUS n’en aurions pas la capacité,
C’est vrai, j’avoue, j’ai déjà du mal à gérer les enfants, la
varicelle, les courses, les devoirs, les repas, mon travail,
mes amis et ma famille, alors faire deux choses à la fois
me paraît bien compliqué.
C’est la société, son regard limité sur mes capacités, qui
m’oblige à penser comme ça, et je déteste ça. Quand j’ai
voulu faire ce métier, je me suis dit que les femmes qui
m’avaient précédée m’avaient ouvert la porte, et je les
remerciais pour cette chance !
Mon regard sur le monde et ma manière de le regarder
peut être différente, mais c’est ma manière de penser
qui dirige mon film, pas mon sexe !
Et, comme le dirait mon agent, « On n’a jamais entendu
un homme dire qu’il ne veut pas travailler avec un
homme ! ».
ALORS, J’ai pris mon sac à brimades sur
Nous avons beaucoup ri de savoir que si nous étions
auteures, nous ne saurions pas mener de front l’écriture,
la direction artistique ET la réalisation d’une série.
l’épaule, mon courage à deux mains, ma foi dans le
cœur, ma frustration comme rage, et j’ai frappé à toutes
les portes pour qu’on nous ouvre.
C’est vrai que je ne réfléchis ni à ce que j’écris, ni à
comment je vais le mettre en image, ni pourquoi.
Mes camarades réalisatrices ont participé à ces rendezvous dans les Ministères et les Institutions, qui nous ont
apporté leur soutien indéfectible.
Nous avons beaucoup ri de savoir que tourner à
l’étranger nous était « évité » à cause de nos enfants,
C’est vrai que nous les avons mis au monde pour n’avoir
plus jamais rien d’autre à vivre ou à partager, ni avec eux,
ni avec le reste de l’humanité.
MAIS, Nous avons commencé à pleurer quand
nous avons réalisé que ce n’était pas une blague,
Nous avons commencé à pleurer quand nous avons
compris que les clichés ont la peau dure,
Nous avons commencé à pleurer quand nous avons
encaissé qu’à cause de notre sexe, on nous refusait de
créer,
Nous avons commencé à pleurer quand nous avons
découvert que nous n’aurions pas droit au chapitre,
alors que nous représentons 56% des spectatrices de
films !
Aujourd’hui, il paraît que les réalisatrices vont enfin
pouvoir travailler sans discrimination sexuelle… Sans
discrimination à l’embauche…
Je suis heureuse et je suis fière, même si je suis triste
de n‘avoir eu d‘autres choix que de mener cette bataille.
Mais seul est vaincu celui qui renonce !
Chiffres à ce jour dans le PAF
(Dans le pif ?) :
En 2012, 32 femmes ont réussi le concours
de la Femis, pour 20 hommes soit 60%.
23% de réalisatrices accèdent au cinéma
Mais seulement :
PUIS, Nous avons décidé de nous rassembler
quand nous nous sommes rendu compte que c’était
notre réalité !
16% des réalisatrices travaillent dans
l’audiovisuel,
Et que ni les hommes ni les femmes ne nous aideraient
à nous épanouir comme créatrices,
3,4% ont accès aux séries de primetime…
Parce que ça fait 2000 ans que ça dure et qu’il n’y a
aucune raison pour que ça change !
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La Lettre des Réalisateurs n° 32
3% d’entre-elles font des films de commande,
En Suède, 40% de réalisations sont confiées à
des femmes.
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