SFEIM, Paris, 16 novembre 2009 Devenir à l`âge adulte et

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SFEIM, Paris, 16 novembre 2009 Devenir à l`âge adulte et
SFEIM, Paris, 16 novembre 2009
Devenir à l’âge adulte et prise en charge :
Phénylcétonurie, glycogénoses, galactosémie
Pr François MAILLOT
CHRU de Tours (service de Médecine Interne et Nutrition) ; Centre de compétences des maladie
héréditaires du métabolisme de l’enfant et de l’adulte « Tours – Angers – Poitiers » ; Université
François Rabelais, Tours ; INSERM U921, Tours.
Introduction
La population d’adultes atteints d’erreur innée du métabolisme (IEM) augmente car :
-
les méthodes diagnostiques s’améliorent = + de nouveaux cas (+ effets du dépistage néonatal
des IEMs)
la prise en charge (thérapeutique, éducative,..) fait des progrès = amélioration de la survie des
enfants qui atteignent l’âge adulte (exemple : glycogénoses de type 1)
Le nombre de médecins pour adultes augmente = augmentation des diagnostics faits à l’âge
adulte
Les centres dédiés aux adultes atteints d’IEM sont également à l’origine de travaux scientifiques et de
publications. De fait, les connaissances sur les IEM à l’âge adulte s’accumulent, même si les
recommandations spécifiques de suivi font souvent défaut.
Phénylcétonurie
Dans la PCU classique il existe une hyperphénylalaninémie due à un déficit en phénylalanine
hydroxylase (PAH) qui, à l’état normal, hydroxyle la phénylalanine en tyrosine en présence d’un
cofacteur, le BH4. L’hyperphénylalaninémie est responsable d’une encéphalopathie qui va entraîner
un retard de développement de l’enfant. Le traitement (régime PCU) a pour but la d’obtenir une
phénylalaninémie dans des limites non toxiques (120-300 µmol/L) tout en assurant une croissance et
un développement normaux (1). La sensibilité au BH4 doit être testée car les sujets répondeurs
peuvent avoir une meilleure tolérance en phénylalanine sous traitement (2). Le régime PCU est
maintenu de façon stricte jusqu’ à l’âge d’au moins 5 ans puis élargi progressivement, avec des valeurs
maximales de phénylalaninémie plus élevées. Les principes du régime à l’âge adulte sont les mêmes
que chez l’enfant (en dehors des besoins liés à la croissance). En France, chez l’adolescent et l’adulte
sous régime, la phénylalaninémie recommandée doit être inférieure à 1200 µmol/L. Il n’existe pas,
comme aux Etats-Unis ou en Allemagne, de recommandations en faveur du régime PCU « à vie »
(dont l’objectif serait de limiter une éventuelle atteinte cognitive progressive due à la toxicité
chronique de l’hyperphénylalaninémie). Pour les patients phénylcétonuriques adultes, il est conseillé
est de maintenir un suivi à long terme dont l’objectif sera multiple : dépistage des troubles
neurologiques des patients non traités, suivi métabolique et nutritionnel des patients traités ou non
(risques carentiels notamment en vitamine B12 et oligo-éléments, ostéopénie), prise en charge
spécifique des grossesses, et prise en charge des troubles psycho-comportementaux (agoraphobie,
dépression, anxiété, faible estime de soi, ect…). Ces derniers peuvent être séquellaires de l’âge
pédiatrique et sont une entrave à l’insertion sociale des patients. Des anomalies neurologiques
mineures sont constatées chez environ 30% des patients adultes après arrêt du régime : tremblement
mineur, réflexes ostéo-tendineux vifs. Des troubles plus sévères sont décrits : paraparésie spastique,
épilepsie d’apparition tardive, ataxie, tremblements.. (3). Ces manifestations sont assez proches de
celles décrites chez les patients PCU qui n’ont jamais été traités ; elles sont en principe réversibles
sous régime contrôlé en phénylalanine (comme les images IRM qui montrent une leucoencéphalopathie réversible). L’ensemble de ces complications est vraisemblablement à l’origine d’une
altération de la qualité de vie des patients adultes PCU. Le problème non résolu à l’heure actuelle est
l’éventualité d’une détérioration cognitive des adultes non traités et de ceux qui sont traités mais dont
la phénylalaninémie reste supérieure aux valeurs souhaitées (ce qui représente la majorité des cas,
NB : les objectifs métaboliques sont différents d’un pays à l’autre, < 700 µmol/L au Royaume Uni, <
900 aux USA, < 1200 en France). On pourrait proposer le suivi suivant pour le suivi des adultes PCU
(hors grossesse):
Clinique Biologie Autres Poids Phénylalaninémie ostéodensitométrie Taille Aminoacidogramme IRM cérébrale selon clinique Examen neurologique B12, B9 ± autres vitamines B EMG selon clinique Signes carentiels? Fer sérique, ferritine Evaluation cognitive 25-­‐OH D3, calcium Evaluation QOL Oligo-­‐éléments : Zn, Se,.. Albumine Hémoglobine, VGM La prise en charge des patients PCU adultes est ambiguë (régime ou pas régime ?). En revanche, celle
des grossesses ne l’est pas car le risque d’embryopathie phénylcétonurique est très élevé en l’absence
de traitement (4). En cas de phénylalaninémie maternelle > 1200 µmol/L, le risque de microcéphalie à
la naissance et de 72%, de retard mental sévère de l’enfant de 95% et de malformations cardiaques de
12%. Pour réduire ces risques, le régime contrôlé en phénylalanine doit être prescrit avant la
conception et maintenu jusqu’à l’accouchement (5). Ce régime doit permettre de contrôler la
phénylalaninémie maternelle tout en couvrant les besoins nutritionnels propres à la grossesse. La
phénylalaninémie maternelle et l’état nutritionnel doivent donc être étroitement surveillés avant et
tout au long de la grossesse : 1 buvard par semaine à la mise sous régime puis 2/semaine à l’arrêt de la
contraception puis 3/semaine pendant la grossesse, évaluation nutritionnelle régulière (6). Le suivi
échographique est également renforcé pour surveiller le développement cérébral, la croissance fœtale
(risque de retard de croissance intra-utérin en cas de régime non adapté), et pour dépister d’éventuelles
malformations.
Glycogénoses (GSD)
Pour simplifier l’exposé, nous avons pris le parti de n’aborder que les GSD « hépatiques ». Les GSD I
et III sont les plus étudiées :
-
GSD I
Les 2 principales sont la GSD Ia (déficit de la sous-unité catalytique de la glucose-6-phosphatase) et Ib
(déficit en glucose-6-phosphate translocase). Le déficit enzymatique est à l’origine d’hypoglycémies
de jeûne par blocage final de la glycogénolyse et de la néoglucogénèse. Les autres conséquences
métaboliques sont principalement l’hyperlactacidémie, l’hypertriglycéridémie et l’hyperuricémie.
L’utilisation de la nutrition entérale et de l’amidon de maïs cru a permis d’améliorer la survie des
enfants atteints. La tolérance au jeûne s’améliore avec l’âge mais ne dispense pas les patients de la
prise d’amidon de maïs (et autres mesures diététiques). Les complications les plus fréquentes de la
GSD I qui peuvent s’observer à l’âge adulte sont (7,8):
Adénomes hépatiques, hépatocarcinome – Ostéopénie - Retard pubertaire, petite taille - Lithiases
rénales, néphrocalcinose - Microalbuminurie, protéïnurie, insuffisance rénale - Infections (Ib) Diarrhée chronique (Ib > Ia)
Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour le suivi et le traitement des GSD I à l’âge adulte,
mais les recommandations pédiatriques de l’European Study Group on Glycogen Storage Disease type
I (ESGSD I) peuvent être adaptées (9): pas de surveillance de croissance, mais dépistage + traitement
+ suivi des complications, aspects socio-professionnels,... Un bilan semestriel est indiqué. Les
objectifs métaboliques (glycémies à jeun et préprandiale > 3,5-4 mmol/L, rapport lactate/créatinine
urinaire < 0,06 mmol/mmol, acide urique < valeur normale supérieure pour l’âge, bicarbonate veineux
> 20 mmol/L, triglycérides plasmatiques < 6 mmol/L) doivent rester stricts. Le dépistage de toutes les
complications est important (exemple : dosage répété de la microalbuminurie et si positif, traitement
par IEC) mais la surveillance hépatique doit être attentive : échographie hépatique ± échographie de
contraste ± IRM + dosages αFP + ACE. Aucun de ces examens n’est très sensible et il faut rester à
l’acute des patients (douleurs de l’hypochondre droit = exploration rapide). D’autres complications
rares ont été décrites (hypertension artérielle pulmonaire, diabète,..).
-
GSD III
La GSD III est due à un déficit en enzyme débranchante. Son évolution est particulière car si à l’âge
pédiatrique la forme clinique de la GSD III est assez proche de la GSD I (hépatomégalie –
hypoglycémies), les symptômes « hépatiques » (hypoglycémie,..) s’estompent et les symptômes
musculaires deviennent prédominants par la suite (8). Ainsi à l’âge adulte, la GSD III se présente
essentiellement sous la forme d’une myopathie, avec intolérance musculaire à l’effort ± déficit
proximal permanent. Le foie doit néanmoins être surveillé car une cirrhose « séquellaire » est
possible : surveillance par imagerie + dosages αFP, recherche d’une hypertension portale (= le suivi de
toute cirrhose du foie). D’autres complications sont possibles et doivent être dépistées :
cardiomyopathie hypertrophique, ostéopénie, ovaires polykystiques, diabète. Il n’y pas de traitement
reconnu comme efficace pour la GSD III, notamment dans sa forme myopathique mais la prise répétée
d’amidon de maïs cru peut être nécessaire pour lutter contre les hypoglycémies ou l’intolérance à
l’effort.
La galactosémie
La galactosémie classique est liée à un déficit plus ou moins complet en galactose-1-phosphate
uridyltransférase (GALT). Le déficit en GALT se révèle classiquement 3 ou 4 jours après la naissance,
avec un tableau clinique qui associe refus d’allaitement, vomissements, perte de poids, ictère et
léthargie. Une hépatomégalie avec insuffisance hépatique se développe et, en l’absence de traitement,
le décès survient en quelques jours en relation avec un sepsis grave à E Coli. Le traitement repose sur
l’éviction totale du galactose. Il permet, s’il est prescrit précocement, de faire disparaître les
symptômes en quelques jours. Ce régime prévient le risque de cataracte et de cirrhose hépatique mais
les patients galactosémiques ont souvent des séquelles cérébrales qui se manifestent par des anomalies
de langage, des troubles de l’orientation spatiale et un déficit intellectuel de degré variable (10). Les
patients adultes galactosémiques ont des difficultés d’insertion sociale, supérieures à celle des patients
PCU par exemple (11). Le régime d’exclusion ne réduit pas de risque d’insuffisance ovarienne. Le
risque d’ostéoporose est double, lié au régime d’exclusion et à l’insuffisance ovarienne. Les éléments
du suivi qu’on peut proposer sont résumés ci-dessous, là encore inspirés du suivi pédiatrique (12) :
Paramètres Intérêt Poids et taille Dépistage de retard de croissance Tests cognitifs Evaluation du retard intellectuel Examen ophtalmologique Dépistage de la cataracte Tests hépatiques,TP Dépistage de l’insuffisance hépatique Echographie hépatique Dépistage de la cirrhose du foie Créatininémie Dépistage de l'insuffisance rénale Galactose-­‐1-­‐phosphate érythrocytaire Marqueur d'observance du régime FSH, LH, oestradiol Dépistage de l'insuffisance ovarienne Ostéodensitométrie Dépistage/surveillance de l'ostéoporose Références
1)
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2)
Hoeks MPA, den Heijer M, Janssen MCH. Adult issues in phenylketonuria. Neth J Med 2009;67:2-6.
3)
Levy HL, Milanowski A, Chakrapani A, et al. Efficacy of sapropterin dihydrochloride (tetrahydrobiopterin, 6R-BH4)
for reduction of phenylalanine concentration in patients with phenylketonuria: a phase III randomised placebocontrolled study. Lancet 2007;370:504-10.
4)
Lenke RR, Levy HL. Maternal phenylketonuria and hyperphenylalaninemia. An international survey of the outcome of
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5)
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7)
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European study on Glycogen storage Disease Type I (ESGSD I). Eur J Pediatr 2002;161:S20-S34.
8)
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9)
Rake JP and al. Guidelines for the management of glycogen storage disease type I - European study on Glycogen
storage Disease Type I (ESGSD I) Eur J Pediatr 2002;161:S112-S119.
10) Berry GT, Segal S, Gitzelman R. Disorders of galactose metabolism. In: Fernandes J, Saudubray JM, van den Berghe G,
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11) Bosch AM, Maurice-stam H, Wijburg FA, Grootenhuis MA. Remarkable differences: the course of young adults with
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